WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'apprentissage du langage et le bilinguisme précoce chez les jeunes enfants au sein des familles migrantes


par Mina Borelli
ENSEIS Haute Savoie - Diplôme d'Etat d'Educateur de Jeunes Enfants (DEEJE) 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II. Les situations de terrains à la base du questionnement

Pour amorcer cette réflexion nous nous pencherons sur les situations de deux familles bilingues rencontrées lors de mes stages à l'AME et en EAJE. Ces observations symbolisent un questionnement plus large sur la pratique professionnelle et qui sera abordé par la suite.

Dans un premier temps, nous aborderons la situation d'une famille accueillie à l'AME, celle de Kofi, né le 11 janvier 2019 et sa mère.

Madame est née en 2003 et est originaire de Guinée. La famille de Madame appartient au peuple Soussou1. Le Soussou est une des trois langues nationales de la Guinée, ainsi que le Pular et le Malinké. C'est une langue qui s'écrit et se parle. De par le passé colonial, presque la moitié des habitants de la Guinée parlent et/ou savent écrire français. Le Soussou est donc la langue maternelle de Madame, qui a ensuite appris le français dans les institutions scolaires et lors de sa venue en France. Ses parents sont venus en France dans les années 2000 et 2008, Madame les rejoint en 2014 avec sa fratrie. Madame entretient une relation avec un homme d'origine guinéenne, lui aussi Soussou, qui est le père de son fils, Kofi. Kofi est né le 11 janvier 2019. Il a été accueilli en crèche depuis ses trois mois et est maintenant scolarisé en première année de maternelle. Un bon développement global a été observé chez cet enfant depuis le stade de nourrisson. La première langue de la famille est le Soussou. Madame dit parler à Kofi en Soussou et qu'il comprend ce langage. Des observations concordantes concernant le développement du langage de Kofi ont été rapporté à sa mère par les professionnels scolaires, de crèche et au sein de l'AME. Celles-ci portent sur la compréhension par Kofi, notamment du français ; les difficultés des adultes à comprendre l'enfant ; le peu d'évolutions remarquées concernant le développement de son vocabulaire,

1 Les Soussous sont un peuple présent en Afrique de l'Ouest et principalement en Guinée, qui compte environ un million de personnes.

4

de sa prononciation et de la construction de phrases. Un des facteurs possibles envisagés au sein de l'équipe éducative de l'AME était le contexte interculturel dans lequel baigne Kofi et la possibilité d'un investissement plus fort de la langue de ses parents en comparaison à la seconde langue dans la vie de l'enfant (le français). Expliquant ainsi les difficultés des professionnels à communiquer avec l'enfant. Ces observations ont été sujet de discussions avec Madame qui dit ne pas remarquer cela chez son fils.

OBSERVATION 1

Contexte : Madame se rend sur le collectif du service pour un entretien hebdomadaire avec ses éducatrices référentes. Elle vient avec son fils Kofi.

« Madame arrive au collectif avec son fils. L'éducatrice, Camille et moi-même les accueillons et les saluons. Une discussion s'installe entre nous. Kofi vient voir sa mère en faisant des bruits de bouche et petits cris avec une seule syllabe et en sautillant. Il pointe ses chaussures. Madame lui répond qu'il sait les enlever et que c'est à lui de le faire. L'enfant s'assoit et enlève ses chaussures. Nous continuons à parler avec Madame. Quand Kofi a enlevé ses chaussures, il s'approche de nous et nous parle. Son discours ne nous est pas compréhensible : il enchaîne différentes syllabes sans que leurs associations ne correspondent à des mots que nous connaissons. Il y met beaucoup d'intonations. Lorsqu'il s'arrête de parler, je lui dis que je n'ai pas compris ce qu'il a dit. Il me regarde et recommence à parler, puis tout en parlant, s'en va vers l'espace de jeu. Nous questionnons sa mère sur nos difficultés à comprendre Kofi dans ces moments et lui demandons si elle comprend son fils dans ces moments-là. Elle nous répond que non, pas toujours. Nous lui demandons si cela pourrait correspondre à des mots Soussou. Elle nous dit que cela dépend. Puis elle lance un autre sujet de discussion. »

OBSERVATION 2

Contexte : mardi 8 novembre 2022 - temps de jeux avec Kofi au collectif du service.

« Kofi arrive de la crèche sur le collectif avec les éducatrices Camille et Sylvie. Il dit « salut » et s'exprime sans que nous ne puissions comprendre ou reconnaître des mots que nous connaissions. Nous allons dans la salle du jeu près du bureau. Il parle, nous pouvons reconnaître les mots « maman » et « maison ». Nous répondons à ce que nous pensons être des demandes pour voir sa mère et rentrer chez lui. Il ne nous regarde pas, et part vers les jeux, comme s'il ne nous entendait pas. Il prend les jeux sans s'attarder sur les objets, les regarde puis les repose. Nous passons un temps à dessiner sur le tableau blanc. Se met en place une alternance pour dessiner entre lui et moi. Il est acteur de cette alternance en disant « à toi », « à moi ». Nous dessinons des formes qu'il tente de refaire et que nous nommons. Il ne répète pas toujours après moi, je continue à nommer les formes, puis les couleurs. Il reconnaît le bleu, qu'il prononce « beu » et appelle les

5

autres couleurs « rouge ». Il nomme aussi les éléments du visage tel que « yeux », « bouche », « nez » et les dessine. Il prononce des phrases en utilisant les mots cités précédemment, différentes syllabes parmi lesquelles je reconnais très peu de mots français. Je comprends ce qu'il dit principalement grâce à l'intonation et par les gestes qu'il fait. »

Lors de mes précédents stages, j'ai notamment travaillé avec une petite fille, que nous nommerons Anna de 2 ans et demi, rencontrée dans une structure petite crèche. La mère de l'enfant était anglaise, et son père français. L'anglais était la langue parlée à leur domicile. Avec l'équipe, nous avons remarqué qu'Anna, lors de retours de vacances parlait spontanément anglais. La mère disait qu'Anna avait besoin d'un nouveau temps pour réutiliser le français comme elle savait le faire. C'était une enfant plus expressive (mimique, intonation de la voix) lorsqu'elle s'exprimait en anglais, que lorsqu'elle s'exprimait en français.

OBSERVATION 3 :

Contexte : temps de jeu avec Anna, autour d'un livre d'histoire sur les animaux de la savane.

« Pendant que nous lisons le livre, je propose à l'enfant de nommer les animaux dessinés. Je pointe le lion, qu'elle nomme « lion » (prononciation anglaise). Puis le zèbre, qu'elle nomme « zebra ». Je répète après elle, surprise. Elle me fait un sourire. Je dis en la félicitant que c'est le mot anglais. Elle me sourit puis baisse la tête vers le livre. Elle me pointe d'autres animaux et dit leurs noms en anglais. »

Ces observations et constats m'ont poussé à m'interroger sur le positionnement
professionnel et les pratiques mises en place dans de telles situations et me permettent
maintenant de préciser mon questionnement comme tel :

Comment accompagner l'apprentissage du langage, notamment dans
les situations de bilinguisme précoce chez les jeunes enfants, au sein des
familles migrantes ?

6

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams