La contribution du lien armee-nation a l'atteinte des objectifs du developpement durable: cas de la defense populaire au Camerounpar Samuel NKO'O NKO'O Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2023 |
B. LES QUESTIONS DE RECHERCHEPour que toute thématique soit considérée comme scientifique, elle doit traiter d'un problème, celui-ci étant compris comme l'identification d'une situation nécessitant une intervention, un besoin de clarification. A partir du problème soulevé peut émerger une problématique qui se résume à la transformation d'un problème (affirmation) et une (problématique) questionnement. La problématique est définie selon GRAWITZ comme « un ensemble de questions que le chercheur pose pour résoudre un problème dans un domaine particulier. 61» Nous comprenons alors que la problématique constitue une étape prépondérante dans la démarche scientifique. Il en ressort que, notre question centrale sera : 60Ernest Claude MESSINGA; les forces armées camerounaises face aux nouvelles formes de menaces à la sécurité; d'une armée de garde vers un armée d'avant-garde, Université de Yaoundé II, doctorat PhD en Sciences Politiques, 2011 61GRAWITZ Madeleine, 1998, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, Paris.1996 page 130 - 19 - 1.) Comment utiliser la défense populaire camerounaise pour atteindre le développement durable? Comme questions secondaires, nous nous demandons ;
Face ces orientations, nous pourrons anticiper des réponses avant de procéder à la vérification. Cela est fait par le biais des hypothèses. V. HYPOTHÈSESComme nous l'avons précisé plus haut, après l'élaboration de la problématique, il est nécessaire de proposer des réponses anticipées avec pour rôle d'établir le lien entre la problématique et les faits. Ces hypothèses par la suite seront objets de vérification. HYPOTHÈSE CENTRALE 1.) La redynamisation théorique et pratique de la défense populaire camerounaise pourrait conduire au développement durable. Comme hypothèses secondaires, nous aurons ;
VI. CADRE THÉORIQUEComme le dit si bien Steve SMITH, aucune analyse du monde ne peut se faire sans un cadre théorique62. Alex MACLEOD va dans le même sens lorsqu'il affirme que « même le texte qui se veut le plus descriptif possible ne peut éviter d'adopter implicitement un cadre théorique qui déterminera quels faits l'auteur choisira, comment il les liera ensemble et la 62Steve SMITH «International Relations : British and American perspectives»,2010 p.8 68 ». - 20 - façon dont il les interprétera 63». Dans le domaine il existe diverses approches théoriques, toutes aussi profondes que pertinentes qui caractérisent les Relations Internationales contemporaines. Il convient donc aux chercheurs en Relations Internationales d'assumer explicitement les éléments théoriques qui orientent leurs études. Avant de plonger dans la présentation des théories mobilisées, il convient de noter que la définition du concept de théories des relations internationales n'a pas fait l'unanimité chez les auteurs. Si de manière prosaïque, l'on sait qu'une théorie nous aide à mieux organiser nos pensées en affaires internationales64, de manière plus approfondie, plusieurs auteurs ont proposés leurs définitions. Pour Hans MORGENTHAU65 , « une théorie des Relations Internationales remplit les mêmes fonctions qu'une théorie c'est-à-dire, apporter de l'ordre et du sens à une masse de données séparées et augmenter les connaissances par le développement logique de certaines propositions établies de façon empirique »66. Kenneth WALTZ, pense que « les théories indiquent ce qui est relié à quoi et comment le lien se fait. Elles transmettent un sens de la façon dont les choses fonctionnent, de la façon dont elles devraient se tenir, de ce que peut être la structure d'un domaine d'étude67 ». DOUGHERTY et PFALZGRAFF, disent que « théorie n'est que la réflexion systémique des domaines, formulée en vue de les expliquer et de démontrer comment ils sont reliés de manière cohérente et intelligente(...) De toutes ces définitions toutes intéressantes, nous retenons trois grandes conceptions de l'objet de la théorie. Ce qui fait en découler 03 types des théories notamment : ? les théories explicatives ; qui cherchent à expliquer les phénomènes à travers la découverte entre eux de relations de causalité et l'établissement d'une régularité dans ce qui se passe au niveau international en vue de généraliser sur les Relations Internationales. ? les théories constitutives ; qui visent l'importance des circonstances conduisant les phénomènes à se produire de leurs manières. ? et les théories normatives ; qui sont préoccupées par l'évaluation des politiques et actions sur la scène internationale suivant des standards normatifs établis préalablement. 63 Alexandre MACLEOD et alii : « Théories des Relations Internationales : contestations et résistances », Outremont, Athéna éditions, 2007, page 79 64 Idem page 85 65 Qui est l'un des pères fondateurs des Relations Internationales Contemporaines 66Hans MORGENTHAU, « politics amongst nations ; the struggle for power and peace »,1995 p.46 67Keneth WALTZ, « theory of international politics », 1979 p.12 68 DOUGHERTY et PFALTZGRAFF, « contending theories of international relations », Philadelphia, J.B Lippincott p.46 - 21 - Bien que ces théories soient objets de controverses, elles partagent quatre attributions communes qui sont : l'ontologie69 ; l'épistémologie70 ; l'existence des méthodes ; et la présence d'un élément de normativité. Afin de mieux comprendre notre analyse, circonscrire notre travail et le rendre plus digeste et pertinent du point de vue des Relations Internationales, nous avons fait appel à deux théories. Il s'agit de la théorie constructiviste et de la théorie fonctionnaliste. ? Le Constructivisme Le constructivisme a vu le jour et s'est développé dans diverses disciplines telles que la sociologie, l'anthropologie et les sciences politiques. Quelques auteurs et partisans de cette théorie sont ; Emile DURKHEIM, Max WEBER71, Alexander WENDT72John RUGGIE73, Thomas LUCKMAN et Peter L. BERGER74. Dans le domaine des Relations Internationales, le terme « constructivisme » fait sa première apparition dans les années 1980 avec Nicholas ONUF75 et cette théorie est considérée aujourd'hui comme « désormais l'école de pensée la plus répandue de la discipline de par son éclectisme et son refus au paradigmatisme »76. Cette théorie émerge en réponse aux critiques du réalisme structurel (néoréalisme) qui était accusé à la fois d'être incapable d'expliquer les changements qui s'opéraient sur la scène internationale et également d'être a-historique77 Le constructivisme est une perspective théorique qui croit que le monde est un système interdépendant de sens socialement construit qui est en constante évolution. Elle accorde une grande importance à l'action humaine et affirme que l'environnement peut être façonné par celle-ci. Aussi, les normes jouent un rôle essentiel pour guider le comportement des acteurs sur la scène internationale et structurer la vie de celle-ci. C'est ce qui pousse Alexander Wendt à 69 Pour parler ici des éléments constitutifs de leur domaine d'étude ; il s'agit des acteurs des relations internationales 70 C'est-à-dire une théorie ou manière d'acquérir la connaissance propre à chacune d'elles 71Max WEBER «The methodology of social sciences» , Rutledge, 1st edition 1949, page 102 72 Alexander WENDT «social theory of international politics», Cambridge university press,1999 73John RUGGIE ; « International regimes, transcations and change , embedded liberalism in the postwar economic order» pages 380-414 74LUCKMAN et L. BERGER « la réalité sociale construite », Arman Colin, 2006, page 57 75Nicholas ONUF «world of our making, rules and rule in social theory and international relations», Routledge,2012, page 52 76 Axel MACLEOD « les études de sécurité; du constructivisme dominant au constructivisme critique » https:/ doi.org /10.4000/conflits.1526 77John RUGGIE op citInternational regimes, transactions and change , embedded liberalism in the postwar economic order» pages 380-414 - 22 - affirmer que « les structures de l'association humaine sont déterminées principalement par des idées partagées que par des forces matérielles et que les identités et intérêts d'acteurs sont construits par ces idées que par la nature 78» c'est pour dire que sur la scène internationale, les acteurs ont des identités, ces identités les conduisent à avoir des intérêts qui à leur tour influent sur leur relations et agissements envers les autres acteurs. Autre élément important de la théorie en ce qui concerne les intérêts est que, bien qu'elle reconnaisse et accepte l'importance des facteurs matériels (contrairement aux néoréalistes), elle considère et accorde une place toute aussi grande aux idées. C'est donc dire que les acteurs internationaux n'agissent pas uniquement par la recherche de la sécurité, mais davantage pour la création, la mise en vigueur des normes qui seront inculquées aux acteurs. Bien évidemment, la théorie a subi des critiques au vu de ses lacunes. Et la première limite est qu'elle n'est pas encore totalement considérée comme une théorie au sens khunien mais plutôt ce qui pousse CHECKEL à la qualifier d'« une méthode plus qu'autre chose »79. Une autre critique est qu'elle n'est pas trop éloignée de l'approche positiviste malgré son intention de renouveler l'ontologie des relations internationales. Ces critiques ont conduit graduellement à une variante de la théorie. Celle-ci gardera le nom de constructivisme dominant et sa variante porte le nom de constructivisme critique. La théorie constructiviste sera d'une utilité certaine dans le cadre de notre étude dans la mesure où, notre sujet traitant de deux concepts (Défense Populaire et Développement Durable) créées et développés par des acteurs des relations internationales, on aura affaire ici à des réalités socialement construites : d'une part la défense populaire, une politique élaborée méticuleusement par l'état camerounais à des fins précises qui seront développés dans la suite ; et d'autre part, le développement durable, un concept géant créé et adopté comme objectif par l'Organisation des Nations Unies, un acteur incontournable de la scène internationale pour un but qui n'est pas nécessairement stratégique ou pécuniaire. Il serait donc intéressant d'explorer les deux concepts à travers le prisme constructiviste qui nous aidera à mieux cerner les facteurs ayant conduit à leur création et vision. 78 Alexander WENDT op cit 79 CHECKEL «The constructivist turn in International Relations Theory», world politics 50,1998 p.325 - 23 - ? Le Fonctionnalisme De manière générale, l'approche fonctionnaliste est née en réaction à l'empirisme de la société américaine80. Ce sont des auteurs tels que Talcott PEARSON, Alfred MARSHALL qui en s'inspirant des travaux de Max WEBER ont développé cette approche avec pour objet de comprendre le système social. En sciences sociales, c'est à Herbert SPENCER81 que l'on doit la primeur. Son objectif était de développer une corrélation entre organisation et évolution des organismes dans la société. Pour lui, la société est un ensemble qu'il appellera « organisme social82 » le tout constituant une totalité intégrée. DURKHEIM83 rejoindra l'approche avec une analyse fonctionnaliste de la division du travail. Pour lui, la division du travail répond à un besoin de solidarité sociale. De manière globale, leur vision considère la société comme un tout constitué de divers éléments, tous remplissant une fonction qui concourt au bon fonctionnement de la société. Dans le domaine des Relations Internationales, le courant de pensée fonctionnaliste est principalement représenté par David MITRANY84 , qui analyse le processus d'intégration de l'espace politique. Selon cette théorie, l'état est considéré comme une institution imparfaite. Il y a donc nécessité de le décentraliser progressivement de ses capacités et de faire appel à des coopérations. Cette théorie opte pour une perspective de « buttom-up85 », pour ainsi dire que les problèmes qui se situent au niveau du bas entrainent la création d'institutions au haut pour les résorber. Cette théorie rencontre aussi des critiques, en commençant par le fait qu'elle soit trop idéaliste, car elle préconise une vision supranationale au détriment d'une vision inter gouvernementale. Il lui est aussi reproché sa vision d'une catégorisation des problèmes, où chacun est traité par une seule institution précise. Cette catégorisation n'est pas possible au vu de l'existence de plusieurs problèmes transversaux. Néanmoins, dans le cadre de notre analyse, la théorie fonctionnaliste nous sera d'une double utilité. D'abord elle nous aidera à comprendre le concept de Développement Durable, matérialisé par les ODD86. Tout en sachant que ceux-ci sont le produit de l'ONU, qui est plus 80 Marc MONTOUSSÉ et Gilles RENOUARD « 100 fiches pour comprendre la sociologie » 81Herbert SPENCER, « Principes de sociologie », hachette bnf livre, 1878, 467 pages 82Idem 83Emile DURKHEIM « La division du travail », Félix Alcan, 1893, 468 pages 84David MITRANY «the functional theory of politics» , New York St martin press, 1975, 294 pages 85 De manière ascendante, du bas vers le haut 86 Objectifs de Développement Durable - 24 - au moins la matérialisation d'une vision fonctionnalisme, puisque cette organisation présente plusieurs traits similaires aux postulats de la théorie fonctionnaliste. En second lieu, la théorie fonctionnaliste, en considérant sa vision initiale qui conçoit la société comme un tout composé d'éléments tous remplissant une fonction, nous permettra de schématiser la défense populaire Camerounaise. Et en analysant la mise en oeuvre de la défense populaire, qui justement confère à tous les acteurs de la société un rôle, on aperçoit des traits de division du travail fonctionnaliste. C'est donc dans cette logique que nous aurons à mobiliser cette théorie. |
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