IV. CONSTRUCTION DE LA PROBLÉMATIQUE
A. REVUE DE LA LITTÉRATURE
Dans le cadre de notre étude, nous procèderons
à l'énumération des travaux effectués dans le
domaine par des auteurs, et nous nous situerons à partir de leurs
différentes pistes de réflexion, avec pour souci d`éviter
de reproduire leurs différents travaux, la question fondamentale de
cette étape étant : Qu'est ce qui a déjà
été dit sur le sujet ?
D'ores et déjà, nous pouvons dire qu'il existe
une myriade d'ouvrages dans le domaine du développement durable à
l'instar de ;
53 BRUNDTLAND Gro Harlem, Notre avenir à
tous, rapport de la commission mondiale de l'environnement et du
développement, 1988 page 5
54 1-Pauvreté ;2-faim zéro ;3-bonne
santé ;4-éducation ;5-égalité des sexes ;6-eau
propre ;7-énergie propre ;8-croissance économique ;9-Industrie ;
10-réduction des inégalités ;11-villes durables
;12-consommation et production responsable, 13-changements climatiques ;14-vie
aquatique ;15-vie terrestre, faune :16-paix et justice ;17-partenariat
mondial
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- Savoirs stratégiques pour la reconstruction et le
développement en Afrique ouvrage de Jean EUDES BIEM.
-Valeurs fondamentales parfaites et développement de
l'Afrique, ouvrage d'Erik Essousse - Repenser le développement
à partir de l'Afrique de Jean Emmanuel PONDI et alii.
Il existe également des documents sur les forces de
défense. Par exemple
? la défense n'est pas la guerre, publié
par BECAM Paul,
? l'esprit de défense de Jacques ROBERT et
alii
? le livre blanc de la défense, de LÉOTARD
François ? le livre d'or des forces armées
Camerounaises.
Mais concernant le domaine spécifique de l'interaction
de la défense et le développement, le nombre de documents
diminue, bien que significatif. Par exemple;
MELOUPOU Jean Pierre (Colonel) dans son
ouvrage « Armée et développement 55»
aborde la thématique Armée et développement sous un
prisme psychosociologique. Il traite d'une réalité psychologique
militaire à une perception sociale du développement. Le
problème qu'il pose est celui de la perception de la place et du
rôle de l'Armée par la société civile. Il part du
postulat selon lequel l'armée rend une panoplie de services à la
population et ses ressources économiques vitales la confortent au
service du développement. Pour construire son analyse, il s'appuie sur
des indicateurs notamment ; la perception sociale de la contribution au
développement (les domaines retenus sont recherche scientifique et
technique, productivité économique et éducation nationale,
couverture sanitaire et infrastructures routières) ; les attentes du
rôle de l'Armée au développement, l'image de l'armée
par les civils, l'utilité de l'armée et le rapport entre service
militaire et socialisation. Après collecte et analyse des
données, l'auteur présente les résultats suivants ;
La catégorie socioprofessionnelle militaire est
considérée comme la plus privilégiée même si
la nature et le genre de privilèges ne peuvent être perçus
; l'Armée ne semble pas d'emblée perçue comme une
composante institutionnelle participant efficacement au développement ;
la population souhaite que l'armée participe au développement
précisément dans la recherche scientifique, la production de
biens, l'enseignement, soins de santé, protection de édifices et
biens et dans la construction des routes.
55MELOUPOU Jean Pierre « Armée et
développement : de la réalité psychologique a la
perception sociale du développement », Éditions ASVA
Éducation, Yaoundé, 2013.
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Concernant l'image de l'armée, la population pense que
l'armée fait bien son travail même s'il lui est reproché de
ne pas participer activement au développement. Concernant
l'utilité, les populations perçoivent la nécessité
d'avoir une armée en temps de paix, même si en temps de paix le
maintien de l'ordre est assuré par la police et la gendarmerie,
l'armée pourrait donc être uniquement orientée dans le sens
du développement. Et en ce qui concerne la socialisation, les
populations pensent que le service militaire et la discipline militaire
devraient servir d'exemple aux administrations et aux institutions et services
publics ; enfin les populations ne sont pas prêtes à payer un
impôt supplémentaire pour la défense nationale.
Ce travail a eu le mérite de nous édifier sur la
perception que les populations civiles ont de l'armée et nous a permis
de prendre conscience de la nécessité de rendre plus accessibles
et visibles les actions de l'Armée.
MAHAMAT AHMED KOTOKO(Général)
dans son ouvrage intitulé « la défense populaire au
Cameroun : comprendre un concept 56» Aborde la
thématique de la compréhension du concept de défense
populaire au Cameroun. Il traite de la problématique du questionnement
de la méthode et des moyens à utiliser pour l'assurer. Il part du
postulat selon lequel le concept a été bien conçu et
adapté à notre contexte mais malheureusement depuis les
années 1980, le concept est de moins en moins connu par les citoyens,
les autorités et même les forces de défense. Il
s'attèle dans son ouvrage à faire connaitre au grand public le
concept dans sa globalité. Son ouvrage s'articule autour de trois
principales questions (Quoi ? Pourquoi ? Et Comment ?) qui constituent les
trois lignes directrices du livre.
Dans un premier temps il nous donne les enjeux, fondements,
doctrine et le dispositif de la défense populaire. Il en ressort que
bien que tirant son origine de l'extérieur et compte tenu des
différents enjeux, la République du Cameroun a mis en place une
défense populaire adaptée à son contexte de par ses
organismes, acteurs, moyens et missions. En deuxième lieu, l'auteur
analyse les déterminants d'une défense populaire au Cameroun et
il en ressort que de par ses faits (notamment les menaces et l'armée
dans la nation), il est nécessaire d'adopter la politique de
défense populaire. Enfin, sa troisième partie vise à
prescrire des cadres d'action souhaitables pour une optimisation de la
stratégie défense populaire. Il ressort de son ouvrage en
général et de cette partie en particulier qu'il faudrait faire
prendre conscience des enjeux, développer le sentiment de
responsabilité, susciter l'action des autorités morale et
réduire la dépendance. En somme, l'auteur est dans l'optique
d'une réappropriation et d'une ré
56MAHAMAT AHMED KOTOKO, La défense
populaire au Cameroun : comprendre un concept, l'Harmattan Cameroun,
2020
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contextualisation de la défense populaire dans une
conjoncture camerounaise marquée par une mutation et l'avènement
de nouveaux enjeux d'ordre environnemental, sociétal et même
développemental. Pour lui, la solution se trouve dans l'alliance de la
population à l'armée à tous les niveaux. Le Cameroun doit
viser un pays où le militaire agit par devoir et le citoyen par
nécessité, tous pour une participation optimale au
développement.
Globalement, cet ouvrage nous a aidé à
comprendre de manière praxis le fonctionnement de la stratégie de
défense populaire et de prendre conscience de l'impérieuse
nécessité d'une évaluation et surtout redynamisation du
concept au Cameroun, ce que notre recherche se veut d'accomplir.
ESSOMEMBENDA (Colonel) dans son ouvrage
« La condition militaire au Cameroun 1894-2010 » 57
aborde la thématique relative à la condition militaire. Il
l'aborde sous un prisme essentiellement militaire. Il défend la
thèse selon laquelle la condition militaire va au-delà du
juridisme pour renouer avec des valeurs indispensables pour construire une
nation stable, qui se veut jalouse de son unité nationale. Il
procède son analyse en retraçant l'historique des forces
armées camerounaise depuis le protectorat allemand jusqu'à 2010,
traitant l'évolution des conditions des militaires camerounaises, leur
place dans la société, la féminisation, leur impact au
développement, leur prise en charge, leurs structures sociales, leur
professionnalisation. Il ressort de son étude quelques principales
observations.
Il existe un décalage entre les
rémunérations des militaires et celles des autres fonctionnaires
d'état. Cela se justifie par les risques encourus par les miliaires, qui
n'ont pas laissé les autorités indifférentes, qui ont
opté pour une politique de compensation. Une autre observation concerne
les qualifications. L'armée camerounaise qui au départ
était majoritairement encadrée par l'expertise française,
face aux défis technologiques s'est ouverte aux jeunes gens instruits et
aux diplômés de l'enseignement supérieur. Ces derniers dans
un premier temps ont considéré l'armée avec crainte et
mépris. Ceci a conduit les décideurs à opter pour des
stratégies qui ont renversé la tendance, faisant d'elle une
institution attractive sinon l'institution la plus attractive pour les jeunes.
Une autre observation réside dans la féminisation de
l'armée depuis 1980. Dans une logique d'équilibre du genre se
sont lancés dans le recrutement des femmes dans les forces
armées, même si leur place est encore limitée. Sa
dernière observation est que, tout comme le civil, le militaire
bénéficie de droits politiques et
57ESSOME MBENDA, La condition militaire au
Cameroun 1894-2010, éditions universitaires européennes,
Yaoundé 2018.
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civils reconnus à tous les citoyens par les
différentes constitutions qui se sont succèdes. Les militaires
sont donc des citoyens à part entière et doivent contribuer au
développement de la nation comme les autres.
En conclusion, nous retenons de cet ouvrage que d'une part le
militaire demeure un citoyen à part entière et d'autre part que
la condition militaire a grandement évolué depuis 1994 ce qui a
rendu les forces armées très attractives pour la jeunesse.
Cet ouvrage a eu le mérite de nous informer sur
l'évolution aussi bien théorique que pratique de l'armée
camerounaise depuis le protectorat. Nous avons appris beaucoup sur des sujets
de développement notamment la féminisation et surtout que les
forces de défense constituent un centre d'intérêt pour la
jeunesse camerounaise, jeunesse qui est le fer de lance de la nation. Ce qui a
éveillé en nous le désir de mieux informer cette jeunesse
sur la politique de défense du Cameroun qu'est la défense
populaire ainsi que son apport au processus de développement.
NTUDAEBODE dans son article Politique de
défense du Cameroun : évolution du concept d'emploi des forces et
perspectives58 explique les raisons du choix stratégique
de la politique de défense du Cameroun qui est la défense
populaire et décrite son évolution. Pour lui les raison sont ;
l'âge de l'état qui était nouvellement Independent et avait
besoin d'inculquer le sentiment de solidarité et de patriotisme ;
l'avantage économique car le nouvel état ne possédait pas
encore suffisamment de ressources et d'équipement pour se forger une
armée puissante, et même s'il possédait ces ressources ce
serait pour investir dans le développement. Le seul moyen d'avoir une
bonne armée serait donc de faire de la défense l'affaire de tous.
Une fois l'orientation définie, la politique de défense a subi
trois grandes phases dans son évolution. La première était
l'élaboration doctrinale ou la création de textes fondateurs des
Forces Armées Camerounaises. La deuxième phase débute vers
1967 avec l'action et la justification et la galvanisation. Et la
dernière phase de 1997 à nos jours, est marquée par
l'internationalisation de la politique de défense vers la
sous-région et le continent d'une part et d'autre part par la
création d'unité spécialisées et la
professionnalisation de l'armée. Il conclut en proposant de concilier
des deux éléments de la troisième phase sans revoir le
concept d'emploi des forces.
58 Vincent Joseph NTUDA EBODE, Politique de
défense du Cameroun : Évolution du concept d'emploi des forces et
perspectives CREPS, UYII, Yaoundé 2022.
- 17 -
Ainsi, « la défense nationale, tout en se muant
progressivement, au rythme de l'intégration, en défense sous
régionale et continentale, conservera néanmoins son
caractère populaire. »
FOUDA Jean Jacques (Lieutenant-colonel) dans
sa thèse intitulée la Politique de Défense du Cameroun
: permanences et perspectives59 analyse la politique de
défense camerounaise d'un point de vue surtout opérationnel en
mettant un accent sur les permanences et les perspectives face aux défis
nouveaux auxquels elle se retrouve confrontée. Pour lui, le Cameroun en
particulier et le système international sont caractérisés
par une diversité de menaces aussi bien anciennes que nouvelles. Ainsi,
défendre l'intégrité territoriale, assurer la
sécurité de ses populations contre l'ennemi de l'intérieur
et les préserver des entreprises malveillantes et destructrices de
l'ennemi étranger, est une préoccupation essentielle des nations
surtout lorsque que des risques se présentent.
Ces risques, bien que militaires, sont également de
nature politique, économique, scientifique et culturelle. D'où
l'exigence pour tout État digne de ce nom de définir et de
traduire en actes une politique de défense ; cette politique
défense étant au Cameroun la défense populaire. Il
commence par les énumérer les déterminants d'une politique
de défense camerounaise qui sont une position géographique
stratégique et l'interaction entre enjeux et acteurs internes et
internationaux. Il passe par une élucidation conceptuelle de la
défense populaire pour chuter à la finalité de celle-ci
qui, selon lui, est de construire une défense nationale globale,
permanente et surtout intégrée. Face aux défis de la
politique de défense camerounaise qui sont entre autres les coupeurs de
route, le terrorisme et le grand banditisme urbain, il propose des solutions,
à la suite des axes déjà empruntés dans ce cas par
la mise en place d'unités spécialisées au plan interne et
la sous régionalisation de la défense au plan
extérieur.
Il conclut par des propositions concrètes qui sont
l'adaptation de l'outil militaire qui passe par une réorientation des
missions de l'armée en sorte qu'elle puisse, en raison des nouvelles
menaces, intervenir sans délai dans toutes les hypothèses de
crises et une formation optimisée afin que les militaires soient
formés et adaptés aux conditions particulières de chaque
menace dans le cadre spécifique du conflit ou de la crise en cause. En
deuxième lieu, il propose un renforcement de capacité d'alerte et
de renseignement et enfin la promotion d'une véritable
59 Colonel FOUDA Joseph : Thèse sur la
politique de défense du Cameroun : PERMANENCES ET PERSPECTIVES 3 avril
2015, République Populaire de Chine.
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culture de défense pour créer une
société où le citoyen devra parfaitement assimiler que la
défense est l'affaire de tous, donc la sienne ; il doit connaître
et accepter tout ce que la défense nationale suppose comme efforts
financiers, intellectuels, technologiques. En conclusion
Ernest Claude MESSINGA dans sa thèse ;
les forces armées camerounaises face aux nouvelles formes de
menaces à la sécurité ; d'une armée de garde vers
un armée d'avant-garde60dit que « les
équipements militaires quoique très chers sont un enjeu
incontournable (...) ils permettent de maintenir un niveau de
crédibilité dans la dissuasion, et le cas échéant
défendre les intérêts économiques et la population
contre tous ceux qui voudraient annihiler les efforts de développement
et le potentiel économique et sécuritaire national »
Au regard de ces analyses d'une grande pertinence, il y a
nécessité d`orienter notre travail vers une piste encore
embryonnaire. Nous avons donc pensé, au regard de toutes ces
contributions scientifiques d'orienter notre travail vers un aspect plus
profond, plus pratique, en un mot, un aspect praxis. Nous allons-nous
appesantir sur l'application, sur l'effectivité et sur
l'efficacité, afin que ce document serve non seulement de
référent théorique, de bilan, mais aide également
au plan directeur de la politique de défense camerounaise, avec une
intention d'allier à la fois paix et développement durable.
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