Deux modèles explicatifs ont été
élaborés pour rendre compte de la complexité du burnout
parental. Il s'agit du modèle des risques cumulés de Roskam et
Mikolajczak (2017) et du modèle de balance risques/ressources
(BR2(c)) des mêmes auteurs en 2018.
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Modèle des risques cumulés
Comme nous l'avons vu plus haut, le burnout parental requiert
un modèle plus intégratif qui permet de considérer
l'ensemble des facteurs de risque en une fois. C'est dans cette optique que
Roskam et Mikolajczak (2017) ont mis sur pied le premier modèle
explicatif du burnout parental qui intègre l'ensemble des facteurs de
risques : le modèle des risques cumulés. C'est l'un des
modèles les plus intéressants pour rendre compte des syndromes
dont l'origine est multifactorielle (Evans & Whipple, 2013). Ce
modèle conçoit le burnout parental comme étant le
résultat d'une accumulation de facteurs de risque. Pour ce
modèle, il n'y aurait pas un facteur particulier qui entraîne le
parent en burnout mais bien l'accumulation de plusieurs facteurs de stress
provenant d'origines diverses lié à son rôle de parent
(Vendeuren & Zoé, 2020 ; Le Vigouroux & al., 2021) . En effet,
les facteurs de risque peuvent être entendus ici comme des circonstances
(comme le fait d'avoir un enfant avec une maladie chronique), des
événements (comme avoir des conflits fréquents avec le
conjoint) ou des traits (comme avoir des difficultés à
gérer ses émotions) qui concourent à augmenter le niveau
de stress parental et/ou réduisent les ressources parentales (Roskam
& Mikolajczak, 2018a ; Roskam & Mikolajczak, 2018b ). Par exemple,
comme nous l'avons décrit plus haut, avoir un enfant malade constitue un
facteur de risque qui augmente le stress parental car le parent doit s'assurer
de ses besoins au quotidien, s'assurer que ses rendez-vous médicaux sont
respectés, s'assurer de sa propreté, surveiller l'enfant afin de
voir l'évolution de ses symptômes, etc. tout de même, avoir
peu de compétences émotionnelles constitue aussi un risque qui
diminue les ressources pour faire face au stress engendré par cette
situation. De ce fait, avoir un enfant malade peut ne pas entraîner
immédiatement un burnout parental, a contrario, si ces facteurs
de risques sont cumulés avec un niveau très faible de
compétences émotionnelles chez le parent, on peut arriver au
burnout parental.
Toutefois, ce modèle s'avère limité
quand il s'agit de prédire le burnout parental car nous nous l'avons vu
plus haut dans les facteurs de risques et de protections, tous les facteurs de
risques n'ont pas le même poids et de ce fait, si on ne s'attarde
qu'à la somme des facteurs de risque pour prédire le burnout chez
les parents, on pourrait se leurrer. En effet, le cumul de plusieurs facteurs
de risque avec une relation très faible avec le burnout parental ne
produit pas forcément le burnout parental pourtant le cumul de quelques
facteurs de risque modéré ou fort déterminent le burnout
parental (Roskam & Mikolajczak, 2018a). La principale limite de ce
modèle reste donc la non prise en compte du poids des facteurs de
risque. Roskam et Mikolajczak (2018a) ont donc complété les
lacunes de ce modèle en créant un modèle plus
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intégratif et plus pertinent dans l'explication et la
prédiction du burnout parental : il s'agit du modèle de balance
risques/ressources.
l Le modèle de la balance risques/ressources
(BR2(c)).
Dans une visée préventive et en vue d'une
meilleure prise en charge du burnout parental
qui est un syndrome aux lourdes conséquences, il est
essentiel d'en comprendre l'étiologie.
Mikolajczak et Roskam (2018a) ont recensé dans leurs
travaux les différents facteurs décrits
dans la littérature comme étant susceptibles de
jouer un rôle dans l'émergence du burnout
parental (Vandeuren & Zoé, 2020). Les conclusions
de leur étude révèlent que ce trouble
survient à la suite d'un déséquilibre
prolongé entre les facteurs de risque et les facteurs de
protection (Mikolajczak & Roskam, 2018a). Selon les
mêmes auteurs, les facteurs de risque «
augmentent significativement le stress parental » alors
que les facteurs de protection « aident
à diminuer significativement le stress parental
». Il est donc important de souligner que les
facteurs protecteurs sont l'opposé des facteurs de
risque et non leur simple absence. Les
différents facteurs peuvent avoir des poids
différents dans la prédiction du burnout parental
(Vandeuren & Zoé, 2020 ; Le Vigouroux & al.,
2021). Pour Roskam et Mikolajczak (2018a), « Le burnout, qu'il soit
professionnel ou parental, peut être conceptualisé comme un
déséquilibre entre les demandes qui pèsent sur l'individu
(les facteurs de risque) et les ressources dont il dispose (les facteurs de
protection). Si de très nombreuses recherches ont documenté
l'effet d'un (ou d'un petit nombre) de demandes ou de ressources, aucune
recherche n'a jamais testé le modèle complet. En d'autres termes,
si au total, la multitude des recherches menées sur le burnout a permis
de documenter l'effet d'un très grand nombre de « demandes »
(facteurs de risques) et de « ressources » (facteurs de protection),
aucune recherche n'avait jamais testé si le niveau de burnout d'un
individu est réellement le produit d'un déséquilibre entre
ses facteurs de risques (« facteurs de mal-être ») et ses
facteurs de protection (« facteurs de bien-être »). C'est ce
que nous avons voulu faire avec le modèle BR2 (c). Il peut
être facilement représenté comme une balance dont un
plateau comporte tous les facteurs de risque (comme dans le modèle de
risque cumulé) et l'autre plateau, tous les facteurs de protection.
» (p.218).
Le BR2 (c) va plus loin et nous permet de
préciser la nature du risque là où le modèle du
risque cumulé ne nous permettait pas de le faire. Ainsi, la
vulnérabilité au burnout parental ne dépend pas que des 10
facteurs de risque en présence, mais aussi et surtout de la
présence ou non de ressources pour compenser les demandes et le stress
émanant.
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Figure 6: balance entre risques/ressources (Roskam et
Mikolajczak, 2018 cité par Vandeuren & Zoé, 2020) p.3
Ce modèle pour se matérialiser a abouti
à la construction d'une échelle bipolaire d'évaluation du
burnout parental qui permet de mesurer les facteurs de risques et de
protections en fonction de leurs consistances. Cet outil trouve sa pertinence
non seulement dans le diagnostic du burnout parental mais, aussi dans la prise
en charge de ce dernier car, elle offre immédiatement des pistes
d'intervention thérapeutique (Le Vigouroux & al., 2021 ; Roskam et
Mikolajczak, 2018a).
Les différents items BR2 (c) mesurent les
facteurs personnels, parentaux et conjugaux en s'inspirant des résultats
obtenus dans nos études (Mikolajczak, Raes & Roskam, 2017 ; Roskam
& Mikolajczak , 2018b). Ils peuvent être facilement utilisés
par les cliniciens pour évaluer l'équilibre de la balance des
parents qu'ils reçoivent en consultation. Une fois que le parent a
répondu à tous les items, le score total est obtenu par addition
de son score aux différents items. S'il y a plus de facteurs de stress
(facteurs de risque) que de ressources, alors, le score total sera
négatif ; et s'il y a plus de ressources (facteurs de protection), le
score total sera positif. Si la somme des deux est en nombre égal, le
score total sera de 0. Le test compte au total 39 items et le score varie de
-195 pour le pôle négatif maximal et de +195 pour le pôle
positif maximal. Plus le score est négatif, plus la balance du parent
penche vers le burnout parental ; plus le score est positif, plus la balance
penche vers le bien-être parental (Roskam & Mikolajczak, 2018a ;
Roskam & Mikolajczak, 2018b).