1.3. Mécanismes de
réhabilitation des sols contaminés en métaux lourds
La découverte des flores d'espèces
métallicoles des gisements naturels a permis le développement des
technologies vertes de réhabilitation des sols contaminés en
métaux lourds. Ces techniques sont réunies sous le vocable
`Phytoremédiation' (Cunningham &Ow,1996; Pilon-Smits, 2005). Elles
présentent l'avantage d'être moins onéreuses et plus
conformes avec les normes environnementales comparativement aux méthodes
`traditionnelles' de traitement des sols contaminés en métaux
lourds (Schnoor, 1997; Cunningham & Berti, 2000). Selon la technique
utilisée, la phytoremédiation a pour objectif d'éliminer,
contenir ou rendre inoffensifs les contaminants environnementaux
présents dans les sols et les eaux (Salt et al., 1995 ;
Cunningham & Ow, 1996 ; Pilon-Smits, 2005). Les principales techniques
utilisées en phytoremédiation des sols contaminés en
métaux lourds sont les suivantes (Pilon-Smits, 2005) : la
phytoextraction,la rhyzofiltration, la phytostabilisation et tant d'autres.
1.3.1. Phytoextraction
L'objectif de la phytoextraction est d'extraire les
métaux du sol via leur accumulation dans les parties aériennes
des plantes. Celles-ci sont régulièrement fauchées et
incinérées pour récolter les métaux qui peuvent
ensuite être revalorisés dans l'industrie (ce
procédé est appelé phytomining). Les plantes
hyperaccumulatrices conviennent donc mieux pour la phytoextraction.
1.3.2. Rhizofiltration
Cette technique utilise des plantes tolérantes pour
filtrer les eaux contaminées en métaux lourds. Dans cette
technique les plantes sont utilisées pour créer une
barrière hydraulique dans letraitement des eaux pour réduire la
dispersion verticale ou horizontale des métaux.
1.3.3. Phytostabilisation
En phytostabilisation l'objectif est de réduire la
mobilité et la dispersion des métaux dans l'environnement par
ruissellement ou par les vents. Les métaux sont contenus dans le site
via l'installation d'un couvert végétal dense et permanent. Cette
technique est généralement utilisée dans le traitement des
sols sujets à une contamination de nature polymétallique et
à des concentrations excessives des métaux dans le sol.
La phytostimulation ou rhyzodégradation ainsi que la
phytodégradation sont deux autrestechniques de phytoremédiation
principalement utilisées pour le traitement des solscontaminés
par des polluants organiques. Dans le premier cas, le polluant est
dégradé dans larhizosphère par les microorganismes alors
que dans le second cas le polluant est transloquédans les feuilles
où il est dégradé par des enzymes (Pilon-Smits, 2005).
1.4. Processus de
Phytostabilisation
En phytostabilisation on ne décontamine pas les sols
comme tel parce que les métaux ne sont pas extraits du site. Par contre,
l'installation d'un couvert végétal en phytostabilisation a pour
principal objectif de diminuer la dispersion des métaux dans
l'environnement. En plus, comme les sols sujets à des concentrations
excessives des métaux sont généralement
dénudés ou présentent une faible couverture
végétale, la phytostabilisation permet également
d'améliorer les qualités paysagères et de restaurer un
écosystème fonctionnel capable d'accueillir une flore et une
faune diversifiées (Dubourguier et al., 2001). En
phytostabilisation on fait généralement recours aux amendements
afin de faciliter l'installation des plantes (De Villiers 1998). Leur
utilisation vise à réduire la biodisponibilité des
métaux dans le sol ainsi que d'en améliorer les qualités
nutritionnelles et physiques. Ils sont de nature inorganique (la chaux, les
oxydes de Fe et de Mn, les phosphates naturels, etc.) ou organique (compost,
effluents municipaux, les sédiments riches en matière organique,
(Shutcha et al., 2010). Le choix des plantes et des amendements est
déterminant pour la réussite d'un projet de phytostabilisation.
En plus d'être tolérantes aux métaux présents dans
le site cible, les plantes utilisées en phytostabilisation ne doivent
pas accumuler des concentrations élevées de métaux dans
leurs parties aériennes car celles-ci peuvent être
consommées par des animaux. Elles doivent également supporter les
autres conditions hostiles du sol (pH bas, salinité, structure
défavorable, sécheresse) qui limitent généralement
la croissance des plantes. Les plantes utilisées en phytostabilisation
doivent avoir un développement rapide pour établir un tapis
végétal dans un bref délai, un système racinaire
extensif et un port dense. Par ailleurs, elles doivent être faciles
à établir et à entretenir, avoir une vie relativement
longue et être apte à se propager et augmenter les effectifs
d'elles-mêmes après la mise en culture par transplantation ou
semis (Dubourguier et al., 2001 ; Mench et al., 2000, 2006).
Les amendements utilisés en phytostabilisation doivent avoir un effet
rapide sur la réduction de la mobilité des métaux dans le
sol. Ils doivent également avoir un effet résiduel important sur
les propriétés du sol et la performance des plantes. En outre,
ils ne doivent pas être chers, ils doivent être faciles à
manipuler et à appliquer, sans danger pour les manipulateurs, non
toxiques pour la plante choisie, disponibles ou faciles à produire dans
la région et ne doivent pas causer d'impacts environnementaux
supplémentaire (Mench et al., 2000, 2006).
1.5. Flore cupricoles Katangais : source des
plantes pour la phytoremédiation
1.5.1. Description
Les gisements métallifères hébergent une
végétation toute particulière. Elle est le fruit de
nombreuses années d'évolution sur des sols enrichis en
métaux lourds. Ces substrats ont vu se développer des
espèces végétales uniques, présentant des
mécanismes biologiques leurs permettant de résister aux
concentrations élevées en métaux lourds. Ces
espèces constituent la flore métallicole. Les affleurements
métallifères sont de hop stop qui nécessitent une
protection particulière qu'il est nécessaire de protéger
(Whiting et al., 2002 ; 2004). Leteinturier (2002) rapporte
qu'à l'état actuel des connaissances, sur un total d'environ 280
collines métallifères, seules 70 collines ont été
étudiées, soit seulement un quart. Sur les collines
étudiées, il a été répertorié environ
548 espèces cupricoles reparties dans diverses
famillesvégétales et parmi lesquelles selon Leteinturier et
al. (1999), il a étérecensé plus ou moins42
endémiques des sites métallifères du Katanga, soit un taux
d'endémisme d'environ 7.6 %. Dans cette flore il a également
été établi qu'il y a 28 espèces hyper
accumulatrices de cuivrequi ne sont connues que du Katanga. Dans la
région Zambézienne ces plantes sont capables decoloniser les
sites métallifères. La présence de cette flore
métallicole est aussi due aux plus fortes concentrations en cuivre
etcobalt dans le sol et cela a permis de crée des conditions
écologiques particulière qui ont à leurtour occasionner
l'apparition de ses espèces et leurs adaptations (Duvigneaud, 1958
;Duvigneaud et Denaeyer De-Smet, 1963).
Figure 2. Origine de la
flore cupricole Katangaise (Malaisse, 1983)
1.5.1.1. Intérêt de la flore du
cuivre
L'intérêt de cette flore c'est dans la
restauration des sites pollués par les activités minières,
elle permet de conserver la diversité biologique de certains sites
grâce à leurs caractéristiques biologiques dans
l'accumulation des éléments traces métalliques et la
conservation de la structure du sol(Leteinturier et al., 1999).
1.5.1.2. Plantes candidates à la
phytostabilisation
La flore cupricole du Katanga constitue une importante
ressource naturelle qui peut être utilisée pour la
phytoremédiation des sols contaminés en métaux lourds. En
effet, il y a des espèces qui possèdent des
caractéristiques intéressantes qui peuvent être mises
à profit pour le traitement des sols contaminés en métaux
lourds. Par exemple, les plantes hyper accumulatrices de Cu et/ou Co peuvent
être utilisées en phytoextraction alors que les graminées
vivaces présentant une tolérance élevée au Cu
peuvent être utilisées en phytostabilisation. Leteinturier et
al. (1999) & Boisson et al.(2015) ont dressé une liste
de 7 espèces candidates à la phytoremédiation sur base de
leurs effets écologiques et leurs distributions le long des gradients du
cuivre et de cobalt (tableau 1). Cette liste, qui n'est pas exhaustive, reprend
effectivement des espèces comptées parmi les plus
fréquentes sur les sites métallifères anthropisés
les plus toxiques du Haut-Katanga tels que les remblais miniers et les friches
industrielles à proximité des usines métallurgiques. Par
ailleurs certaines espèces aux caractéristiques
intéressantes et fréquemment rencontrées sur les remblais
miniers peuvent également être de bonnes candidates à la
phytostabilisation. C'est le cas de Monocymbium ceresiiforme et
Eragrostis racemosa.
Tableau 1. Critères
évalués sur les sept espèces de Poaceae, utiles pour la
phytostabilisation, y compris leurs effets écologiques et leurs
distribution le long des gradients du cuivre et de cobalt
Figure
3. Les 7 espèces candidates à la phytostabilisation en image
(Boisson et al., 2015)
1.5.1.3. Intérêt de l'utilisation de M.
altera dans la phytostabilisation
Les potentialités de M. altera en
phytostabilisation ont été bien décrites par Leteinturier
et al. (1999). Elles se basent principalement sur les
caractéristiques botaniques de l'espèce et sur sa
fréquence sur les substrats cuprifères comptés parmi les
plus toxiques. En effet, comme déjà évoqué dans la
description, M. altera forme des touffes denses et compactes qui
stabilisent bien le sol. La plante est également présente sur les
substrats cuprifères les plus toxiques constitués par les
remblais miniers et les friches industrielles à proximités des
usines métallurgiques. C'est généralement l'espèce
dominante dans ces milieux et y forme parfois des pelouses mono
spécifiques. Par ailleurs, elle supporte bien le piétinement, une
caractéristique fondamentale pour la pérennisation du couvert
végétal en conditions de fortes pressions anthropiques comme
celles de Lubumbashi. Par ailleurs, elle accumule peu de métaux dans les
parties aériennes, 394 et 13 ug.g-1 respectivement de cuivre et cobalt
dans la matière sèche des parties aériennes (Shutcha,
2010). Enfin, l'espèce M.altera semble facile à
multiplier par voie végétative et a une croissance rapide
(Shutcha et al., 2010).
1.5.2. Cas de
Phytostabilisation appliquées aux milieux pollués
Au cours des dernières décennies, beaucoup
d'articles rapportant des essais de phytostabilisation ont été
publiés. Néanmoins, dans leur grande majorité ces
études concernent principalement l'Europe et l'Amérique (Kozlov
& Zverara, 2007). Certains projets de revégétalisation
à grande échelle constituent des véritables modèles
de réussite. C'est le cas de la réhabilitation des sites
contaminés par les fonderies de Cu dans la région industrielle de
Sudbury au Canada (Whinterhalder, 1996 ; Cooke & Johnson, 2002) ou celle
à Harjavalta en Finland (Kiikkila, 2003). Dans ces régions,
l'utilisation d'espèces métallicoles locale sur des sols
contaminés amendés avec de la chaux et du compost ou de la chaux
associée à un apport de fertilisant a permis la reconstitution
d'écosystèmes fonctionnels. En particulier, dans la région
de Sudbury, on a pu revégétaliser 3000 ha (Whinterhalder, 1996)
à 17.000 ha (Cooke & Johnson, 2002) de sol contaminés avec
réintroduction d'espèces ligneuses. Cependant, il existe
très peu de documentations sur des projets de réhabilitation en
Afrique, et particulièrement en Afrique Centro-australe où les
activités métallurgiques ont pourtant causé les
dégâts environnementaux considérables. Parmi les rares
documents qui sont publiés, on peut citer des essais de
revégétalisation des remblais miniers au Zimbabwe (Piha et
al., 1995). L'utilisation de M. altera, plante cupricole locale
dans la phytoremédiation des sols contaminés en métaux
lourds par l'activité minière, plus particulièrement
à la phytostabilisation des surfaces de sol dénudés du
quartier Gécamines/Penga Penga à cause de la contamination en Cu,
Co, Pb, Zn suite aux retombées des fumées de la fonderie de
l'usine Gécamines de Lubumbashi dans le Haut-Katanga a été
ajoutée par Shutcha (2010) à la liste des efforts de
phytoremédiation en Afrique Centro-australe.
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