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Gestion des conflits entre siège et filiale: l'intérêt des individus biculturels


par Cassandre THIERRY
ESSCA - International Business 2020
  

Disponible en mode multipage

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MEMOIRE DE MASTER 2019-20

Gestion des conflits entre siège et filiale :

l'intérêt des individus biculturels

Cassandre THIERRY

Majeure International Business

1115093

Mémoire encadré par : Alexandre BOHAS

RÉSUMÉ

Au sein des multinationales, l'apparition de barrières culturelles peut engendrer des situations de conflit entre le siège et ses filiales. Nous nous intéressons dans le présent document à l'intérêt des individus biculturels dans la résolution de ces conflits. Les biculturels sont en effet considérés comme des passeurs de frontière privilégiés, qui permettent de créer des liens entre siège et filiale. Cependant, leur rôle varie en fonction de la structure organisationnelle de l'entreprise. Parmi les individus biculturels facilitant la médiation intra-organisationnelle, nous citons également les individus expatriés et impatriés. Finalement, le biculturel nommé à la tête d'une filiale est ici évoqué comme un acteur clé dans la gestion des conflits.

Mots clés : Conflits intra-organisationnels, biculturels, expatriés, filiale

L'ESSCA n'entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce Mémoire de Master.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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Attestation

Je soussigné Cassandre THIERRY certifie être l'auteur exclusif/exclusive de ce Mémoire de Master.

Je certifie que ce mémoire n'a pas déjà ou ne fait pas l'objet d'une soumission dans le cadre d'un autre diplôme.

J'assure avoir pris connaissance et compris la politique de l'ESSCA en matière de plagiat. Je certifie que toutes les sources documentaires sur lesquelles s'appuie ce travail sont portées à la connaissance du lecteur de manière explicite et conformément aux règles définies dans le guide du mémoire de Master de l'ESSCA.

Je certifie que les données sur lesquelles s'appuient ce mémoire ont été collectées et analysées en respectant les règles de l'intégrité académique. Je me tiens à la disposition de l'ESSCA pour produire les données originales et les fichiers informatiques sur lesquels j'ai effectué l'analyse.

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Remerciements

Avant toute chose, je tenais à remercier toutes les personnes qui m'ont aidées dans la réalisation de ce mémoire.

Je veux tout d'abord remercier mon tuteur Alexandre Bohas, pour m'avoir guidée dans mes recherches et avoir répondu à mes multiples interrogations.

Merci également à Philippe Mouricou et Delphine Lherbier, pour leurs indispensables explications. Et enfin un grand merci à mon entourage pour son soutien et ses encouragements.

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Sommaire

Introduction 1

Revue de littérature 7

I. L'influence du biculturel diffère selon la filiale qui interagit avec le siège 7

A. Les différentes relations de pouvoir entre le siège et les filiales 7

B. Les différentes réactions des filiales en cas de conflit 9

C. Les différentes réactions du siège en cas de conflit 11

II. L'utilité du biculturel en tant que passeur de frontière 12

A. Les atouts des biculturels 12

B. Les passeurs de frontière 13

C. La théorie de la ligne de faille 14

D. Le biculturel permet une meilleure communication entre les deux parties en conflit

15

III. Le cas particulier des expatriés et des impatriés 16

A. La mobilité internationale permet une meilleure compréhension entre les parties 16

B. Le développement d'une confiance mutuelle 17

C. Le fort potentiel de négociation des expatriés et des impatriés 18

D. Les limites des expatriés et des impatriés 19

IV. Le rôle clé du biculturel nommé à la direction d'une filiale. 20

A. Le directeur de filiale a un fort pouvoir décisionnel à la fois sur le siège et sur la

filiale 20

B. Être biculturel permet au directeur de filiale de prendre des décisions complexes 21

C. Le directeur de filiale biculturel favorise la coordination des équipes 22

D. Le rôle de leader du directeur de filiale 23

Discussions 25

I. Les limites de l'utilisation des individus biculturels dans la gestion des conflits 25

A. Les facteurs avec lesquels les individus biculturels doivent composer 25

B. Les solutions alternatives aux individus biculturels 26

C. Les biais potentiels des biculturels 28

D. Questionnements sur l'intérêt des biculturels 29

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II. Voies futures de recherche 29

A. Comment mesurer l'impact de ces conflits ? 29

B. L'étude de la TMS 30

C. La diversité des individus biculturels 31

D. Le recours à des missions internationales plus courtes et bidirectionnelles 34

E. L'impact de la confiance sur l'influence des biculturels 34

Conclusion 36

Références 39

Annexe 1 41

Annexe 2 42

Annexe 3 43

Liste des figures 44

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1

Introduction

« La culture, ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l'art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l'homme en tant que

membre de la société. »

Edward Tylor, 1871

Le développement des multinationales à travers le monde engendre des relations complexes au sein des entreprises. Schotter et Beamish (2011) ont fait apparaitre dans leurs recherches que les conflits entre maison-mère et filiale sont particulièrement fréquents. La gestion des conflits étant essentielle au maintien de relations fonctionnelles entre un siège et sa filiale, il nous semble donc pertinent de nous pencher sur ce sujet.

Alors que certains auteurs ont suggéré que les différences nationales sont progressivement absorbées par une culture mondiale unique (Friedman, 2007 ; Tomlinson, 1999), les recherches récentes tendent plutôt à démontrer l'importance majeure des cultures et des institutions nationales (Furusawa & Brewster, 2015). Les politiques telles que « America first », le Brexit ou encore l'arrivée au pouvoir de partis extrémistes au Brésil et en Italie tendent à démontrer ce repli sur les cultures nationales. De même, la gestion de l'épidémie mondiale cette année 2020 vient corroborer ces observations. L'intérêt de recourir à des individus biculturels pour servir de ponts entre les différentes cultures répond donc à une problématique très actuelle.

Si la recherche s'est penchée sur les individus biculturels depuis de nombreuses années, ceux-ci ont d'avantage été étudiés sur leur aspect psychologique (Abadir et al., 2019 ; Huff, Lee & Hong, 2017) plutôt que sur leur intérêt managérial (Dau, 2016 ; Tadmor et al., 2012).

On note tout de même que de nombreuses études ont été faites sur le rôle des expatriés dans les relations entre maison-mère et filiales (par exemple Beamish et al., 2010 ; Collings et al., 2010 ; Harzing et al., 2016 ; Reiche, 2011 ; Salleh & Nankervis, 2015 ; Schotter & Beamish, 2011). Mais

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les individus biculturels ne sont pas nécessairement des expatriés. Ils peuvent simplement avoir vécu de nombreuses années dans deux pays distincts, ou être les enfants ou les descendants de personnes ayant déménagé d'un pays à l'autre (Furusawa & Brewster, 2015).

Les enfants ayant des parents de nationalités différentes et les personnes ayant longtemps vécu dans deux pays différents (notamment les expatriés) sont également considérés comme des individus biculturels.

Dans la littérature, le biculturalisme est défini comme étant « un phénomène où un individu s'affilie à deux systèmes culturels et les internalise »1 (Abadir et al., 2019, p. 15).

Dau (2016) identifie le biculturalisme comme un cas spécifique de multiculturalisme. Alors que les individus multiculturels ont internalisé deux cultures ou plus, les biculturels sont des individus qui ont internalisé exactement deux cultures.

Grosjean (2013) caractérise les biculturels par trois traits distinctifs :

- L'intégration de l'identité biculturelle : le biculturel participe régulièrement à la vie de deux cultures ;

- Le changement de cadre culturel : il sait adapter son comportement, ses habitudes et son langage à un environnement culturel donné ;

- L'hybridation : il combine des traits de chacune des deux cultures. Les attitudes, croyances, valeurs ou comportements du biculturel peuvent soit provenir de l'une des cultures, soit en être la synthèse.

Il convient ici de distinguer les notions d'individu biculturel et d'individu bilingue. En effet un bilingue n'est pas nécessairement biculturel s'il n'a pas assimilé la culture du pays dont il apprend la langue. Inversement, tous les biculturels ne sont pas bilingues. Ils peuvent avoir assimilé les cultures de deux pays parlant la même langue (par exemple les espagnols et les mexicains parlent l'espagnol mais ont des cultures distinctes).

L'augmentation du nombre de biculturels est principalement due aux forts mouvements de migration constatés depuis l'émergence de la mondialisation (Brannen & Thomas, 2010). Les prévisions estiment que cette tendance d'accélération du nombre de biculturels va continuer durant

1 Traduction libre « Biculturalism is a specific case of the more general construct of multiculturalism, referring to a phenomenon where an individual affiliates with two cultural systems and internalizes them. » (Abadir et al., 2019)

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les prochaines décennies. En effet, le Rapport sur les Migrations Internationales de 2017 estime que d'ici 2050, environ 40 % de la population de l'Europe, du Canada, des États-Unis et de l'Australie sera constituée d'immigrants ou d'enfants d'immigrants.

Ambos, Kunisch, Leicht-Deobald et Schulte-Steinberg décrivent les relations entre le siège et les filiales comme « des dyades à motifs mixtes dans lesquelles les parties ont des intérêts à la fois interdépendants et indépendants »2 (Ambos et al., 2019, p.67).

Les conflits entre filiale et maison-mère sont souvent des conflits interculturels. Ceux-ci peuvent être dus aux différences de cultures nationales ou de cultures organisationnelles (Beddi, 2015 ; Joshi et al., 2002 ; Mense-Petermann, 2006 ; Barmeyer & Mayrhofer, 2008).

Les études sur les conflits intra-organisationnels ont généralement tendance à se concentrer sur les externalités négatives des conflits. Ceux-ci peuvent par exemple engendrer des implantations moins rentables que prévu, la non-concrétisation de projets internationaux, l'apparition de malentendus au quotidien ou encore la difficulté de développer des innovations (Eisenhardt & Zbaracki, 1992 ; Menon et al., 1996). Cependant, Pondy (1992) déclare que les conflits sont une conséquence normale de la gestion. Les organisations devraient donc internaliser les processus de conflit plutôt que de tenter de les éliminer. On observe que les conflits peuvent également se révéler positifs pour l'entreprise (Schotter, 2009 ; Schotter & Beamish, 2011). Sur le long terme, ils entrainent plus de créativité et d'adaptabilité, une augmentation des performances de l'organisation (Ruekert & Walker, 1987) et une plus équitable répartition des ressources (Coser, 1956).

On peut donc dégager deux types de conflits pouvant survenir entre une maison-mère et une filiale :

- Les conflits dysfonctionnels, qui sont néfastes pour l'entreprise et qui concernent en général les conflits relationnels (Schotter & Beamish, 2011) ;

- Les conflits fonctionnels, qui entrainent des résultats positifs et qui sont essentiellement dus aux conflits de tâche.

Toutefois, même si un conflit peut s'avérer positif, il ne doit jamais être considéré comme étant une fin en soi. Il ne s'agit pas de provoquer intentionnellement un conflit, mais bien de limiter les externalités négatives de celui-ci.

2 Traduction libre « The extant literature suggests that HQ-subsidiary relations are mixed-motive dyads in which the parties have both interdependent and independent interests. » (Ambos et al., 2019).

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Nous nous concentrerons dans cette étude sur les conflits ayant une origine culturelle. On exclura volontairement les conflits financiers, légaux (dus aux exigences réglementaires du pays d'accueil et du pays d'origine) ou structurels (causés par une structure opérationnelle sous-optimale).

Dans une multinationale, les conflits peuvent survenir à la suite d'une initiative du siège, de la filiale ou de la direction.

Pondy (1967) distingue trois sources principales de conflit au sein d'une organisation : la compétition pour des ressources organisationnelles limitées, le désir d'autonomie des acteurs et les différences d'objectifs.

Les multinationales sont souvent partagées entre leur désir d'instaurer une identité globale et leur nécessité de répondre à des besoins locaux spécifiques. Le désir d'autonomie des acteurs illustre bien cette dualité. Si le siège a tendance à vouloir prendre l'ascendant sur ses différentes filiales pour optimiser ses processus et prendre des décisions cohérentes avec une stratégie globales, les filiales souhaitent en général garder leur autonomie afin de répondre aux problématiques du terrain auxquelles elles sont confrontées. Ces divergences ont donc tendance à instaurer une certaine méfiance entre filiale et siège.

De même, les différents acteurs d'une multinationale peuvent avoir des objectifs communs et des objectifs individuels, qui sont susceptibles d'évoluer avec le temps. L'apparition de nouveaux objectifs et les divergences d'intérêt peuvent conduire à l'émergence de conflits (Beddi, 2015 ; Doz, 1996). De plus, certains objectifs peuvent être ambiguës et donc sources de tensions psychologiques (Beddi, 2015).

Selon Beddi (2015), la distance culturelle conduit à des écarts de perception et peut également être source de conflits. On définit la distance culturelle comme l'ensemble des différences constatées dans le langage, les structures sociales, les religions, la politique, les conditions économiques ou encore le niveau d'alphabétisation.

Le manque de transparence, une mauvaise coordination ou encore des problèmes de défiance entre les acteurs peuvent également être des facteurs de conflits (Blazejewski & Becker-Ritterspach, 2011 ; Kristensen & Zeitlin, 2005 ; Zaheer & Zaheer, 2006).

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Les comportements déviants des individus (les cadres cherchant à satisfaire leur intérêt personnel avant tout) ou des entités (si le siège ou la filiale fait preuve de mauvaise volonté) sont également à noter comme sources potentielles de conflits.

Certains facteurs tels que la mise en place d'un système de gestion imposée à l'ensemble du groupe, le changement de mandat (marché géographique, autonomie des produits, production, R&D...) ou encore la compétition pour des ressources organisationnelles limitées citée plus haut (Pondy, 1967) peuvent également être sources de conflits. Cependant, les individus biculturels ne pourront résoudre seuls ces enjeux et devront s'appuyer sur d'autres méthodes de résolution des conflits.

Si le rôle des biculturels au sein des équipes des multinationales a fait l'objet d'un certain nombre de recherches (Dau, 2016 ; Hong, 2010 ; Jang, 2017 ; Lakshman, 2013), leur importance en tant que boundary spanners (ou « passeurs de frontière ») n'a encore été que très peu exploitée dans le cadre des relations entre maison-mère et filiale (Furuzawa & Brewster, 2015 ; Mäkelä et al., 2019). Nous tenterons donc de répondre à ce manque de la littérature dans le présent document en nous appuyant sur des résultats de recherches menées sur le rôle des individus biculturels au sein des multinationales (Dau, 2016 ; Furuzawa & Brewster, 2015 ; Mäkelä et al., 2019 ; Søderberg & Romani, 2017 ; Yagi & Kleinberg, 2011) et sur les conflits pouvant intervenir lors de relations entre une maison-mère et une filiale (Beddi, 2015 ; Schotter & Beamish, 2011).

Au cours du présent document, nous tenterons de répondre aux questionnements suivants : comment les individus biculturels contribuent-ils à la résolution des conflits entre siège et filiale ? L'organisation de l'entreprise a-t-elle une influence sur l'impact des biculturels ? Quelles sont les limites des biculturels dans la résolution des conflits ?

L'étude sera axée sur les multinationales et leurs relations avec des filiales situées dans un pays différent de celui du siège.

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Pour répondre à notre questionnement, nous nous appuierons sur quatre hypothèses :

- Le rôle et l'influence du biculturel varient en fonction de la structure organisationnelle de la multinationale et du type de filiale interagissant avec le siège ;

- Les biculturels sont des passeurs de frontière privilégiés au sein d'une entreprise ;

- Les individus expatriés et impatriés peuvent être des éléments particulièrement actifs dans la résolution des conflits ;

- Les directeurs de filiale biculturels ont un rôle clé au sein des organisations.

Pour conclure, nous discuterons des limites de l'utilisation des individus biculturels dans la gestion des conflits et nous aborderons les voies futures de recherche envisageables.

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Revue de littérature

I. L'influence du biculturel diffère selon la filiale qui interagit avec

le siège

Selon Beddi (2015), le conflit dépend, entre autres, de l'intégration et de la différenciation des filiales au sein de la multinationale.

A. Les différentes relations de pouvoir entre le siège et les filiales

Mense-Petermann (2006) identifie les relations de pouvoir comme une des principales sources de conflits au sein des multinationales.

Selon l'organisation structurelle du groupe, le poids de la filiale dans les prises de décisions varie. Les enjeux étant variables, le rôle du biculturel dans les processus de négociation variera également.

Perlmutter (1969) distingue quatre stratégies distinctes dans son modèle EPRG : l'ethnocentrisme, le polycentrisme, le régiocentrisme et le géocentrisme.

L'ethnocentrisme est un modèle organisationnel où le transfert de connaissances et de l'apprentissage est unidirectionnel, allant du siège à la filiale (Pesalj, 2011). Dans ce cas, le pouvoir décisionnel et l'autonomie de la filiale sont quasiment inexistants et ne permettent pas aux biculturels d'avoir une réelle influence sur le siège.

Le polycentrisme est de plus en plus utilisé par les multinationales, qui s'organisent en réseau pour transférer les connaissances dans les deux sens, du siège à la filiale ou de la filiale au siège (Pesalj, 2011). Cette organisation permettrait de fournir aux multinationales un avantage concurrentiel non négligeable, puisqu'elles seraient mieux informées sur les différents marchés. Ce contexte est particulièrement favorable aux individus biculturels, qui auront un réel intérêt dans la résolution des conflits.

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Le régiocentrisme est un cas où l'organisation met en place des sièges régionaux en tant qu'intermédiaires entre le siège et les filiales. Les sièges régionaux permettent une adaptabilité relative à grande échelle et maintiennent une certaine cohérence dans les stratégies sur un territoire donné. Les individus biculturels auront ici aussi un intérêt dans la résolution des conflits, bien que l'instauration d'un siège régional permette un premier pont entre les frontières.

Le géocentrisme, finalement, tente de combiner les approches ethnocentriques et polycentriques en standardisant certains processus organisationnels, tout en s'adaptant aux besoins de chaque filiale. Les communications entre filiales et avec le siège sont favorisées, afin d'avoir une vision globale de l'organisation. Cependant, la complexité de cette structure rend les échanges et les prises de décisions plus lentes que dans les autres modèles. Les individus biculturels sont ici également intéressants pour résoudre les conflits, de par leur adaptabilité et leur ouverture culturelle plus développées que chez les monoculturels.

Voynnet-Fourboul et Bournois (1999) ont schématisé les différentes stratégies du modèle EPRG comme suit :

Figure 1 Structure des entreprises selon Voynnet-Fourboul et Bournois (1999),
d'après le modèle de Heenan et Perlmutter (1979)

Au-delà de la structure même de la multinationale, les enjeux de pouvoirs entre le siège et la filiale peuvent concerner les dépendances hiérarchiques (McShane, 2006 ; Schotter & Beamish, 2011) ou encore la dépendance aux ressources (Mudambi & Pedersen, 2007 ; Pfeffer & Salancik, 1978).

Les dépendances hiérarchiques peuvent concerner la structure du groupe, comme étudié précédemment, la hiérarchie ou les sources interpersonnelles, telles que la personnalité, les

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caractéristiques, les expériences et les talents des membres individuels d'une organisation (McShane, 2006 ; Schotter & Beamish, 2011).

La dépendance ou non de la filiale vis-à-vis des ressources influe sur les relations de celle-ci avec le siège. Schotter & Beamish (2011) ont classifié les différentes filiales en trois catégories.

- Les Rising Giants sont des filiales explicitement au centre des stratégies de croissance des multinationales. Elles sont plutôt dépendantes du siège concernant les ressources.

- Les Rebels souhaitent leur indépendance totale vis-à-vis du siège. Leur position dans la multinationale n'est pas aussi centrale que celle des Rising Giants et elles sont relativement indépendantes au niveau des ressources.

- Enfin les Teflon Subs sont des filiales qui semblent presque intouchables par leur siège respectif. Elles sont très indépendantes de leur siège, tant au niveau organisationnel qu'au niveau des ressources.

Face à ces constatations, nous proposons que l'influence des biculturels dans les relations entre siège et filiale dépende directement de la structure organisationnelle du groupe et du degré d'autonomie de la filiale vis-à-vis des ressources.

B. Les différentes réactions des filiales en cas de conflit

Lorsque le siège envoie de nouvelles directives à la filiale, celle-ci s'y conforme le plus souvent. En général, il s'agit de filiales de type fonctionnel, qui sont axées sur les tâches et les processus, avec un fort sentiment d'appartenance à la multinationale dans son ensemble. Pour ces filiales, les initiatives du siège ne sont pas considérées comme des menaces (Schotter & Beamish, 2011).

En revanche, les filiales dysfonctionnelles (axées sur les relations individuelles) ont un désir d'indépendance beaucoup plus fort et présentent différents niveaux de résistance aux initiatives du siège. Schotter et Beamish (2011) ont ainsi relevé cinq réactions conflictuelles pouvant survenir :

- La filiale peut choisir d'ignorer purement et simplement les directives du siège

- La filiale peut également adopter officiellement les nouvelles directives, c'est-à-dire qu'elle se plie en partie aux exigences du siège, en prétendant suivre toutes les instructions. Les actions sont effectuées sans réel investissement.

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- Le changement d'orientation est également une technique possible. La filiale essaye dans ce cas de lancer une initiative sans rapport avec celle émanant du siège. Elle peut également aborder des questions sans rapport avec le sujet ou mettre en avant des produits différents de ceux proposés.

- L'obstruction à l'action du siège est une technique un peu plus frontale, qui consiste non seulement à ignorer les instructions du siège, mais également à retenir les informations en sa possession et à bloquer les différentes initiatives venant du siège.

- L'attaque, enfin, est la confrontation directe avec le siège. Les individus de la filiale rejettent activement l'initiative et peuvent aller jusqu'à menacer personnellement les membres du siège.

Selon la catégorie à laquelle elle appartient, une filiale serait plus susceptible d'utiliser une technique de rejet de la directive plutôt qu'une autre. Schotter et Beamish (2011) ont résumé leurs observations dans le schéma suivant :

Figure 2 Les différentes tactiques de rejet utilisées par les filiales

Nous déduisons de ces observations que le rôle du biculturel sera probablement différent selon le type de filiale engagée dans un conflit avec le siège. En effet, si la filiale est une Teflon Sub, le rôle du biculturel consistera plutôt à convaincre les différentes parties du bien-fondé du changement à la source du conflit. Si la filiale est une Rebel, le biculturel devra se confronter à des problèmes plus visibles et sera un interlocuteur privilégié en tant que négociateur. Finalement, dans le cas des

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Rising Giants, les réactions étant les plus frontales et véhémentes, le biculturel aura un véritable rôle d'arbitre.

C. Les différentes réactions du siège en cas de conflit

Face à une réaction de rejet de la part d'une filiale, le siège a plusieurs solutions possibles, identifiées par Schotter et Beamish (2011) :

- L'évitement du conflit : le siège peut décider de tout simplement ignorer la filiale. Celle-ci peut continuer à fonctionner comme si elle n'avait pas reçu de nouvelle consigne ;

- Il peut s'impliquer superficiellement en assurant un suivi incomplet des réactions ou des réponses ;

- La tentative de résolution : Il peut avoir un suivi actif des actions de la filiale et organiser par exemple des visites de celle-ci. Cependant, ce processus demande de la bonne volonté de la part des deux acteurs ;

- La collaboration : Il peut entamer un processus de négociation. C'est la solution qui est normalement la plus avantageuse pour les deux parties, mais elle leur demande une forte implication ;

- Pour les conflits les plus virulents, l'implication directe des très hauts dirigeants est parfois nécessaire.

De même que pour la gestion des différentes réactions d'une filiale, nous en déduisons que le biculturel aura un rôle variable selon la méthode employée par le siège. Ainsi il pourra être amené à trouver des solutions et à proposer des plans d'action afin d'inciter le siège à formuler des réponses claires et à s'impliquer. Lorsque le siège se montre disposé à chercher des solutions ou à entamer des négociations, le biculturel aura une fonction support et un rôle de négociateur.

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II. L'utilité du biculturel en tant que passeur de frontière A. Les atouts des biculturels

Les biculturels sont souvent considérés comme étant des éléments clés dans la gestion des affaires internationales (Brannen et al., 2009 ; Brannen & Thomas, 2010 ; Clausen & Hvass Keita, 2016). Ils peuvent par exemple servir de relais entre la filiale et le siège, grâce à leur plus grande sensibilité aux différentes cultures. Selon certains chercheurs, les employés biculturels possèdent des connaissances particulières qui les amènent à penser différemment des employés monoculturels (Abadir et al., 2019). Ils contribuent ainsi à favoriser la compréhension entre les institutions, en « traduisant » les informations, les connaissances et les valeurs échangées entre les deux cultures (Hayashi, 1994).

Certains chercheurs s'intéressent à la capacité des biculturels à changer de cadre culturel (Benet-Martínez et al., 2002 ; Cheng et al., 2008 ; Hong et al., 2000 ; Hong & Chiu, 2001 ; Lönnqvist et al., 2014). Celui-ci désigne la capacité des biculturels à passer d'un cadre culturel à l'autre (Clausen & Hvass Keita, 2016). Le changement culturel est un des éléments permettant aux individus biculturels de développer leur créativité, leur flexibilité et leur empathie, ainsi qu'une plus grande complexité cognitive (Clausen & Hvass Keita, 2016).

La complexité cognitive a été définie comme étant la « capacité à interpréter le comportement social de manière multidimensionnelle (Bieri et al., 1966, p.185). Elle permet de mesurer la manière dont un individu transforme des informations sociales spécifiques en un jugement social ou clinique (Buckley & Carraher, 1996).

On note également à travers certaines recherches que les biculturels peuvent favoriser les engagements intrapersonnels et la confiance interpersonnelle pour limiter les conflits et encourager le sens de l'intérêt collectif d'une équipe envers l'efficacité (Friedman & Liu, 2009).

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B. Les passeurs de frontière

La distance culturelle est définie par Hofstede (2001) comme la mesure dans laquelle les normes et valeurs communes d'un pays diffèrent de celles d'un autre. Lors d'échanges entre siège et filiale, cette notion est donc centrale. En effet, la distance culturelle au sein d'une organisation peut être source d'incompréhensions, de malentendus et de quiproquos. De plus, la distance culturelle peut limiter les dirigeants du siège à cause de préjugés culturels ou cognitifs (Wang & Wang, 2020). La maison-mère peut alors avoir du mal à identifier la stratégie à adopter concernant la filiale (Reilly & Scott, 2016).

Face à cette distance culturelle qui entraine une incertitude dans les échanges entre filiale et siège, les multinationales ont tendance à recourir au boundaryspanning. Il s'agit ici de favoriser la collaboration entre différents groupes grâce à la création de ponts culturels (Abadir et al., 2019 ; Balve et al., 2019).

Friedman et Podolny (1992) décrivent les boundary spanners, ou « passeurs de frontière » en français, comme des personnes qui facilitent les relations entre différentes entreprises indépendantes. Selon Mudambi et Swift (2009), les passeurs de frontière existent également au sein des organisations, par exemple pour combler les fossés culturels existants entre filiale et maison-mère.

Pour définir la frontière que les biculturels sont invités à passer, nous nous appuierons sur la définition d'Akkerman et Bakker (2011, p.133) : « une différence socioculturelle conduisant à une discontinuité dans l'action ou l'interaction ». En effet, il ne s'agit pas tant de franchir les frontières nationales que les frontières culturelles.

D'après Schotter et Beamish (2011), les boundary spanners permettraient de réduire les comportements conflictuels dysfonctionnels des filiales. Grâce à ces individus, une confiance intra-organisationnelle entre le siège des multinationales et les filiales étrangères pourrait se développer. Pour ce faire, les passeurs de frontière s'appuient notamment sur des experts, des informations, des référents et la partie informelle du pouvoir légitime (Schotter & Beamish, 2011). Utiliser des passeurs de frontière pour résoudre les conflits entraine, toujours selon Schotter et Beamish, une plus forte probabilité d'externalités positives.

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C. La théorie de la ligne de faille

Dau (2016) reprend les recherches de Lau et Murnighan (2010) afin de développer la théorie de la ligne de faille, qui conceptualise la diversité des équipes au sein des multinationales.

Le modèle de la ligne de faille distingue trois catégories d'équipes :

- Les équipes sans diversité aucune, la diversité pouvant être définie selon différents critères. Nous choisirons ici la culture comme attribut de diversité. On pourra citer les équipes monoculturelles ou, à l'échelle d'une multinationale les équipes composants une entité du groupe (par exemple dans une filiale ou dans un siège).

- Les équipes où un ou plusieurs sous-groupes se distinguent. Il peut s'agir d'équipes biculturelles par exemple. À l'échelle de l'entreprise, on peut distinguer l'équipe du siège et l'équipe d'une filiale comme deux entités culturellement différentes.

- Les équipes où chaque membre est unique, par exemple au sein d'équipes multiculturelles. Pour l'entreprise il peut s'agir des relations entre plusieurs entités différentes, par exemple lorsque plusieurs filiales négocient avec le siège.

Dans les deux compositions extrêmes des équipes (ici monoculturelles et multiculturelles), Lau et Murnighan (2010) estiment que les conflits seront moins importants car les sous-groupes distincts ne sont pas créés sur la base de la diversité. En revanche, dans le cas d'une équipe composée d'un ou plusieurs sous-groupes (ici en cas de biculturalisme), les conflits intervenants entre ces sous-groupes peuvent lourdement impacter l'efficacité et les performances de l'entreprise. Une « ligne de faille » divise donc l'équipe en sous-groupes (Lau & Murnighan, 2013 ; Mathieu et al., 2014 ; Meyer et al., 2014).

Les individus biculturels peuvent donc être amenés à gérer les conflits lors de différentes situations. Les recherches de Lau et Murnighan nous permettent de mettre en avant le fait que les relations les plus compliquées à gérer sont celles impliquant un nombre réduit de groupes, comme c'est le cas par exemple lors de conflits entre siège et filiale.

Dau (2016) soutient dans son étude que plus la ligne de faille culturelle est forte, plus le fossé entre les deux groupes est profond et donc plus l'impact positif du biculturel peut être important pour l'équipe. Un individu partageant à la fois la culture du siège et la culture de la filiale sera plus à

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même de servir de ponts entre les cultures et les lignes de faille. En réussissant à faire partie des deux groupes, le biculturel permettra des synergies entre les équipes.

On remarque que les problèmes dus à la ligne de faille sont principalement causés par des malentendus entre les équipes. La meilleure solution pour les éclaircir et pour les éviter semble donc d'améliorer la communication intra-organisationnelle.

D. Le biculturel permet une meilleure communication entre les deux parties en conflit

En tant que passeur de frontière, le biculturel peut assurer une meilleure communication entre le siège et les filiales d'un groupe. En effet, lors d'un conflit, les négociations seront facilitées si les différents protagonistes sont en mesure de comprendre la culture et la langue de leurs interlocuteurs (Lo & Tan, 2020).

Les recherches de Brannen et Thomas (2010) ainsi que celles de Hong (2010) ont mis en évidence qu'avoir des membres qui comprennent plusieurs cultures est fortement susceptible d'améliorer les résultats des équipes.

Concernant la barrière de la langue, les résultats de l'étude de Harzing et al. (2011) ont montré que celle-ci a tendance à ralentir les processus commerciaux et à entrainer des coûts supplémentaires. La solution la plus fréquente pour palier à ce problème est l'utilisation d'un passeur de frontière maîtrisant les deux langues. Les entreprises ont également recours à des formations linguistiques et à l'institution d'une langue d'entreprise, en général l'anglais. Si Harzing et al. (2011) constatent peu de recrutement sélectif, une bonne maîtrise de l'anglais semble toutefois une condition importante pour être promu.

Maîtriser la langue d'un pays semble être une condition sine qua non pour comprendre toutes les composantes culturelles de celui-ci (Barner-Rasmussen & Bjorkman, 2005 ; Buckley et al., 2005 ; Henderson, 2005). Cependant, Zander (2005) souligne que la compréhension de la culture d'un pays ne dépend pas uniquement de l'apprentissage de la langue de celui-ci. En effet, la chercheuse constate des différences majeures dans les styles de communication entre les pays d'un même groupe linguistique (Harzing & Feely, 2008).

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III. Le cas particulier des expatriés et des impatriés

Il convient de distinguer les expatriés des impatriés. Les expatriés sont des individus ayant déménagé à l'étranger, en général à la demande de leur entreprise. Le terme d'impatrié peut quant à lui désigner deux sortes d'individus. Il peut s'agir des individus anciennement expatriés qui sont rentrés dans leur pays d'origine, notamment dans le cadre de leur parcours professionnel. Les impatriés peuvent également être des individus de nationalité étrangère que l'entreprise aura fait venir.

Nous étudierons ici le cas où les expatriés et les impatriés ont eu une expérience au siège et une autre dans une filiale du même groupe.

A. La mobilité internationale permet une meilleure compréhension entre les parties

Le premier intérêt de l'expatriation pour les multinationales est la transmission des valeurs, des savoir-faire et de la culture du siège aux filiales. En effet, la littérature existante a mis en avant que l'expatriation (à court ou à long terme) et l'impatriation sont essentielles au transfert des connaissances au sein des multinationales (Beamish et al., 2010 ; Collings et al., 2010 ; Harzing et al., 2016 ; Reiche, 2011 ; Salleh & Koh, 2013 ; Salleh & Nankervis, 2015). Cependant, les différents savoirs ne seront pas transmissibles avec la même facilité (Lagerström & Andersson, 2003). Les missions internationales peuvent donc être très différentes, selon la durée d'expatriation, le type de connaissances à transmettre ou encore les différents objectifs à atteindre (Duvivier et al., 2009 ; Harzing et al., 2016).

Le deuxième intérêt de l'expatriation réside dans les capacités de passeurs de frontière des individus expatriés ou impatriés, dans le cas où ils maîtrisent la langue du pays qui les accueille (Harzing et al., 2011). La maîtrise de plusieurs langues est donc bien souvent un élément clé dans le processus de recrutement d'un expatrié.

Les expatriés et les impatriés ayant travaillé à la fois au siège et dans une filiale disposent d'une vision globale de l'entreprise. En effet, leur expérience au siège leur permet d'envisager les objectifs et stratégies de l'entreprise dans son ensemble. Leur expérience dans une filiale les confronte à la réalité du terrain et aux enjeux locaux. Étant les personnes les plus à même de

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comprendre les motivations et obstacles de chacune des parties, expatriés et impatriés peuvent défendre à la fois les intérêts du siège et ceux de la filiale. Leur rôle ne doit donc pas être négligé dans la gestion des conflits siège-filiale.

De plus, la mobilité internationale des expatriés et des impatriés les amène à rencontrer physiquement un grand nombre de leurs collaborateurs. Le fait de connaitre les différents membres de l'entreprise leur confère une crédibilité et une légitimité lorsqu'ils devront traiter avec eux (Beddi, 2015). Dans ce contexte, l'instauration d'une confiance mutuelle entre les individus sera plus facile.

B. Le développement d'une confiance mutuelle

Chaque culture a sa propre interprétation de ce qu'est la confiance (Mlaiki & Kefi, 2013). Celle-ci peut avoir différentes significations et différents degrés. La manière dont les parties créent une relation de confiance diffère également d'une culture à l'autre (Dyer & Chu, 2003 ; Huff & Kelley, 2003 ; McEvily et al., 2003 ; Zaheer & Zaheer, 2006). Un certain nombre de chercheurs ont défini la confiance comme étant la croyance en l'honnêteté et en la crédibilité d'une personne (Cummings & Bromiley, 1992 ; Giddens, 1994 ; Granovetter, 2002 ; Lorenz, 2003 ; Vachon, 2007).

Le manque de confiance entre filiale et maison-mère augmente le risque d'apparition de comportements déviants de la part des deux entités. Celles-ci peuvent par exemple faire preuve d'opportunisme et auront tendance à privilégier leurs intérêts financiers personnels (Mudambi & Navarra, 2004). Dans ce cas, les processus de résolution de conflits sont souvent longs et couteux. Le manque de confiance réduit également le soutien volontaire des membres du siège aux filiales.

À l'inverse, en cas de confiance mutuelle, le siège sera plus enclin à communiquer sur sa stratégie et à impliquer la filiale dans les réflexions, ce qui permettra de la rallier à ses prises de décision (Kim & Mauborgne, 1993). Cette stratégie semble permettre le développement de relations cordiales entre le siège et la filiale.

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Les biculturels étant perçus comme ayant des intérêts communs à la fois avec le siège et avec la filiale sont susceptibles d'être des médiateurs efficaces en cas de conflit. En effet, certains chercheurs notent que ceux-ci sont les plus susceptibles de gagner la confiance des deux parties en conflit et de leur proposer des solutions jugées acceptables par tous (Friedman & Liu, 2009 ; Hong, 2010).

Il ressort de l'étude de Mlaiki et Kefi (2013) que la confiance semble se développer sur la base de la constatation de l'efficacité et du résultat. Ainsi les chercheuses ont noté que des relations de confiance commençaient après qu'un individu ait été satisfait du travail ou de la prestation fournie par un autre individu. Le fait que les individus biculturels aient déjà fait leurs preuves dans l'entreprise contribue donc au développement rapide d'une relation de confiance. Pour prolonger cette constatation, nous pouvons supposer que plus les individus biculturels auront tendance à résoudre les conflits survenant au sein de l'entreprise, plus ils auront la confiance de leurs collaborateurs et donc plus il leur sera facile de créer une ambiance favorable à la résolution de conflits.

C. Le fort potentiel de négociation des expatriés et des impatriés

Les expatriés en poste dans une filiale ont des connaissances locales spécifiques et souvent tacites. Lors des négociations avec le siège, ils ont donc un pouvoir de négociation, puisqu'ils sont les plus proches du marché et donc des attentes des clients. De plus, nous avons évoqué plus haut le fait que les cadres ayant travaillé à la fois au sein du siège et des filiales sont plus à même de comprendre les points de vue des deux parties que les autres cadres n'ayant pas cette double expérience (Schotter & Beamish, 2011).

Les passeurs de frontière orientent la négociation des conflits vers la gestion des tâches et des processus (Schotter & Beamish, 2011). Ainsi que mentionné en introduction, l'intérêt des conflits fonctionnels réside dans le fait que ceux-ci sont plus propices à générer des externalités positives que les conflits dysfonctionnels. L'aptitude des passeurs de frontière à passer outre les conflits interpersonnels pourrait donc permettre une meilleure résolution des conflits.

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Afin d'éliminer la probabilité d'un conflit lié aux relations interpersonnelles, les boundary spanners doivent nécessairement créer une confiance significative dans les deux groupes que représentent la filiale et le siège. Pour ce faire, la meilleure des solutions reste de devenir membre des deux communautés (Schotter & Beamish, 2011). L'expatriation et l'impatriation peuvent donc être considérées comme des formes de boundaryspanning tout à fait envisageables.

D. Les limites des expatriés et des impatriés

Lors de leur arrivée dans un nouveau pays, les cadres expatriés ont en général une connaissance active ou passive de la culture de celui-ci (Duport & Janicot, 2010). Cependant, cette connaissance culturelle considérée par Schütz (1966) comme « allant de soi » ne permet pas de comprendre l'ensemble des situations auxquelles l'expatrié fait face. Les expatriés sont donc contraints d'interpréter les composants culturels du pays, ce qui conduit souvent à des simplifications voir à des caricatures de ceux-ci (Lynd, 1939). Avant de comprendre et d'assimiler parfaitement la nouvelle culture dans laquelle ils évoluent, les expatriés doivent donc attendre d'avoir vécu une longue période dans leur pays d'accueil. De même, après être rentré dans leur pays d'origine les impatriés ont un temps d'adaptation avant d'avoir réassimilé complètement leur culture. L'expatriation et l'impatriation sont donc des projets mis en place sur le long terme et leur effet ne se fait en général ressentir qu'après un certain temps. Leur efficacité est ensuite évaluée par les autres individus du groupe, qui pourront les intégrer au groupe en cas de succès mais également les rejeter si leur intérêt n'est pas constaté.

De plus, Beddi (2015) met en garde contre le statut des expatriés. En effet, on peut observer un clivage entre expatriés et locaux. Dans une filiale par exemple, les expatriés seront plus considérés comme faisant partie du groupe, et conservent un sentiment d'appartenance pour le siège. Les locaux en revanche seront considérés comme ne faisant pas partie du groupe et développent un sentiment d'appartenance pour la filiale. L'utilisation des expatriés ne peut donc pas être la seule technique de rapprochement des frontières utilisée par une multinationale.

La mobilité internationale favorise la compréhension mutuelle et une meilleure connaissance du terrain. Avoir une vision du point de vue local permet que les décisions du siège soient mieux acceptées par la filiale (Kim & Mauborgne, 1993). Schotter et Beamish (2011) ont mis en évidence que grâce à leur maîtrise des différentes cultures, les passeurs de frontière possèdent la capacité de

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développer la confiance entre le siège et les filiales étrangères. Les expatriés et impatriés servant de passeurs de frontière semblent donc particulièrement qualifiés pour entamer des processus de négociation.

Face à ces constats, les multinationales ont souvent tendance à promouvoir les passeurs de frontière à un poste au siège. Cependant, ceux-ci y sont moins efficaces car ils doivent en général gérer simultanément plusieurs dyades siège-filiales et ne peuvent pas se pencher sur le cas d'une filiale en particulier. Les passeurs de frontière sont donc plus précieux pour la multinationale lorsqu'ils sont en poste dans des filiales locales (Schotter & Beamish, 2011).

IV. Le rôle clé du biculturel nommé à la direction d'une filiale.

Le dirigeant biculturel est identifié comme un boundary spanner potentiel dans la littérature (Beechler et al., 2004 ; Ernst & Chrobot-Mason, 2011 ; Schotter & Beamish, 2011). Schotter et Beamish (2011) vont même jusqu'à estimer qu'un directeur de filiale est plus efficace en tant que passeur de frontière que les autres membres de son équipe. En effet, ses décisions auront tendance à être guidées par sa personnalité individuelle et ses antécédents professionnels sans être influencées par un intérêt financier. Le directeur de filiale biculturel sera donc moins susceptible de s'aligner sur le siège, comme le suggère la théorie de l'agence3 (Eisenhardt, 1989), et défendra mieux les intérêts de la filiale.

A. Le directeur de filiale a un fort pouvoir décisionnel à la fois sur le siège et sur la filiale

Le directeur de filiale est un élément clé de la relation entre siège et filiale, puisqu'il possède en général un fort pouvoir décisionnel. De plus, Ambos et al. (2019) estiment que le degré d'influence du directeur de filiale sur les décisions du siège a un fort impact sur les conflits d'objectifs et sur le niveau d'autonomie accordée par le siège.

3 La théorie de l'agence formulée par Eisenhardt en 1989 étudie l'asymétrie d'information ainsi que les divergences d'intérêt et de motivation qui peuvent exister entre deux parties.

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L'issue d'un conflit au sein d'une même entreprise dépend de l'utilisation des différents pouvoirs mobilisés pour les résoudre. Ainsi le directeur de filiale peut s'appuyer sur le pouvoir organisationnel et sur le pouvoir de gestion individuel. Le pouvoir organisationnel dépend de la maitrise d'une zone d'incertitude. Crozier et Friedberg (1977) définissent un acteur stratégique comme étant un individu maitrisant au moins en partie une zone d'incertitude importante pour l'entreprise. Par exemple, le fait que le directeur de filiale puisse comprendre la culture et les motivations du siège et de la filiale lui permet d'anticiper les réactions des différents acteurs. Le pouvoir individuel, quant à lui, est divisé en six catégories par French et Raven (1959) :

- Le pouvoir légitime qui s'appuie sur les positions hiérarchiques des individus ;

- Le pouvoir de récompense qui passe par l'attribution de récompenses ou la suppression de

sanctions ;

- A l'inverse, le pouvoir coercitif qui est obtenu en appliquant des punitions ;

- Le pouvoir d'expert, obtenu grâce à la maitrise de certaines compétences ou connaissances ;

- Le pouvoir de référence, découlant de l'admiration portée par des individus ;

- Le pouvoir d'information, enfin, qui peut concerner le contrôle de l'information ou la capacité

perçue d'acquérir des informations en période d'incertitude organisationnelle.

Schotter et Beamish (2011) mettent en avant que les managers ayant un rôle de passeur de frontière ont tendance à utiliser leur pouvoir personnel plutôt que leur pouvoir fonctionnel. Ainsi on peut en déduire que les directeurs de filiale biculturels préfèrent en général s'appuyer sur des pouvoirs d'information et de référence ou sur une légitimité informelle et évitent d'utiliser leur pouvoir hiérarchique formel ou de mettre en place des systèmes de récompenses ou de sanctions.

B. Être biculturel permet au directeur de filiale de prendre des décisions complexes

Pour rester compétitives, les multinationales doivent à la fois être efficaces à l'échelle mondiale et être réactives au niveau local (Bjorkman & Budhwar, 2007 ; Jackson, Schuler, & Jiang, 2014 ; Oppong, 2017). L'efficacité au niveau local passe par l'instauration de normes internationales au sein des filiales, qui peuvent ne pas correspondre aux réalités du terrain et donc mener à des tensions, voir à des conflits (Beddi, 2015 ; Bartlett & Ghoshal, 1986).

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En tant que décisionnaire, le directeur est confronté à ces mêmes pressions. Lorsque les intérêts du siège et de la filiale divergent, cela peut entrainer une confusion dans son rôle (Beddi, 2015 ; Katz & Kahn, 1966). C'est pourquoi Beddi (2015) compare le responsable de filiale à un « marginal sécant », c'est-à-dire un acteur partie prenante de plusieurs systèmes d'action.

La capacité à comprendre les motivations du siège, l'adaptabilité et la créativité accrues des individus biculturels sont donc des éléments pouvant les aider lors de prises de décisions délicates.

C. Le directeur de filiale biculturel favorise la coordination des équipes

Pour que les passeurs de frontière soient efficaces, ils doivent être capables de comprendre les écarts de perception (Casson & Cox, 1993 ; Richter et al., 2006). Ils ont donc besoin de connaissances organisationnelles essentielles sur le siège et la filiale afin d'augmenter l'efficacité organisationnelle. En tant que directeur de filiale, un boundary spanner est donc en mesure de comprendre les équipes du siège et ses propres équipes et peut donc assurer une meilleure coordination de leurs actions.

La coordination entre les équipes est primordiale dans la gestion des relations entre siège et filiale. On constate en effet qu'une mauvaise coordination conduit à une mauvaise perception mutuelle. Par exemple, le fait que différents membres du siège demandent les mêmes informations à la filiale sans s'être consultés entraine une perception négative du siège par la filiale (Beddi, 2015).

Une coopération efficace entre les cultures, les unités et les positions hiérarchiques nationales et professionnelles permet à une multinationale de développer son agilité culturelle (Fotso et al., 2018 ; Holbeche, 2018). On peut supposer que cette coopération est à même d'entrainer des relations harmonieuses entre les équipes et donc de limiter l'émergence de conflits au sein de l'organisation.

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D. Le rôle de leader du directeur de filiale

En plus d'être un lien privilégié avec le siège, le directeur de filiale est un leader pour ses équipes. Favoriser la cohésion interne et la communication interne permet au directeur de faire adopter ses idées par les membres de la filiale. De plus, une plus haute performance des équipes permet au directeur de filiale d'appuyer ses prises de décisions par un pouvoir d'expert. Si les membres de l'entreprise constatent que ses décisions sont prises intelligemment et sont bénéfiques pour l'entreprise, ils auront tendance à se rallier à ses idées.

Lord et al. (1999) et Shamir et al. (1993) ont développés des théories de leadership fondées sur le concept de soi, qui identifient trois caractéristiques essentielles à un leader lors de la gestion d'équipes multiculturelles : l'intelligence culturelle, l'identité mondiale et l'ouverture à la diversité culturelle.

- L'intelligence culturelle est la capacité d'un individu à adapter son comportement à différents contextes culturels ;

- L'identité mondiale correspond à un sentiment d'appartenance au contexte mondial, plutôt qu'à une identité culturelle unique ;

- L'ouverture à la diversité culturelle est mesurée par la réceptivité aux différences culturelles.

Faisant suite à ces travaux, Abadir et al. (2019) soulignent qu'un leader possédant une intelligence culturelle, une identité mondiale et une ouverture à la diversité culturelle pourra communiquer plus facilement avec les différents membres de son équipe et influencera positivement les performances de cette équipe.

De nombreux autres chercheurs se sont appuyés sur les théories de leadership de Lord et al. (1999) et de Shamir et al. (1993) et ont associés les trois caractéristiques du chef d'équipe multiculturelle aux caractéristiques du manager biculturel (Barker, 2017 ; Engelhard & Holtbrügge, 2017 ; Friedman et al., 2012 ; Lisak et al., 2016). Le leader biculturel pourrait donc améliorer les performances de l'entreprise, tant dans les relations entre filiale et maison-mère qu'au sein des équipes multiculturelles grâce à la mobilisation d'une intelligence culturelle, d'une identité mondiale et d'une ouverture à la diversité (Ang & Koh, 2006 ; Shokef & Erez, 2008).

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D'autres études se sont penchées sur les avantages de promouvoir des biculturels à des postes clés. Ainsi, un leader biculturel pourrait développer une métacognition culturelle4 (Clausen & Keita, 2016 ; Hong, 2010 ; Rickley, 2018), lui permettant de dépasser les frontières et d'arbitrer les conflits culturels (Barner-Rasmussen et al., 2014 ; Clausen & Keita, 2016 ; Kane & Levina, 2017). Dau (2016) note quant à lui que les managers biculturels peuvent améliorer les systèmes de mémoire transactive (TMS)5 des équipes multiculturelles et donc améliorer les performances de l'entreprise.

Certaines recherches mettent en avant le fait que les compétences et l'efficacité des managers biculturels sont influencées par leur environnement de travail (Dau, 2016 ; Korzilius et al., 2017). Cependant, quel que soit le contexte, leur compréhension des différentes cultures permet d'améliorer les performances de leurs équipes (Brannen & Thomas, 2010 ; Hong, 2010).

4 Thomas et al. définissent la métacognition culturelle comme « la capacité de contrôler consciemment et délibérément son processus de connaissance et ses états cognitifs et affectifs, ainsi que la capacité de réguler ces processus et états par rapport à un objectif » (Thomas et al., 2008, p. 131).

5 La TMS ou Transactive Memory System désigne l'ensemble des processus employés pour gérer et utiliser les connaissances au sein d'un groupe (Wegner, 1987).

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Discussions

I. Les limites de l'utilisation des individus biculturels dans la gestion des conflits

A. Les facteurs avec lesquels les individus biculturels doivent composer

Malgré leurs multiples qualités pour les équipes multiculturelles, les compétences managériales biculturelles peuvent être influencées par diverses questions.

Tout d'abord, Latukha et al. (2020) soulignent que le contexte du pays d'accueil est susceptible d'avoir un impact considérable sur la transmission des pratiques de gestion des ressources humaines du siège aux filiales.

Ensuite, les compétences des managers biculturelles sont susceptibles d'être influencées par leur développement personnel. L'intégration identitaire, la psychologie et les influences socioculturelles sont autant de facteurs de différentiation potentiels (Hong, 2010 ; Kane & Levina, 2017).

Les compétences managériales des biculturelles peuvent également être impactées par un manque d'opportunités ou de soutien, qui peuvent limiter leurs effets (Kane & Levina, 2017 ; Roberts & Beamish, 2017).

Le premier soutien nécessaire aux individus biculturels dans la résolution des conflits intra-organisationnels est bien entendu la direction générale du groupe. Le biculturel ne peut être réellement efficace que s'il est encouragé et soutenu par cette dernière, cela lui conférant une légitimité organisationnelle ambidextre (Schotter & Beamish, 2011). Sans ce soutien, il semble que même la présence d'individus biculturels ne permet pas une communication efficace entre les différentes entités. Les externalités négatives des conflits peuvent être réduites si la direction du siège les identifie et les gère activement. Cependant, il convient de mesurer l'implication de la

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direction dans la prévention des conflits, qui sont parfois inévitables, afin de ne pas être contreproductif.

Finalement, le style de management de l'entreprise est primordial pour l'épanouissement des biculturels à des postes clés dans la résolution des conflits. Ainsi, selon si les individus sont choisis en fonction de leurs capacités ou en fonction de leur position hiérarchique, les biculturels auront plus ou moins de chance d'arriver aux postes adéquats à l'exploitation optimale de leurs compétences.

B. Les solutions alternatives aux individus biculturels

La culture organisationnelle peut être un facteur important lors de la résolution des conflits. Selon Pothukuchi et al. (2002), son influence peut dépasser celle des cultures nationales dans les relations entre siège et filiale. Le passeur de frontière peut utiliser la culture organisationnelle comme système de référence commune. Ainsi, les situations conflictuelles ou stéréotypées peuvent être réduites (Chevrier, 2004 ; Karjalainen, 2007), ce qui conduirait à améliorer les relations entre siège et filiales (Viegas Pires, 2008). On remarque toutefois que la culture organisationnelle d'une multinationale est influencée par la culture nationale du pays d'origine, où se situe en général le siège (De Meier, 2010 ; Hofstede, 2001). Cette culture organisationnelle pourra donc évoluer et être réinterprétée selon les pays où se situent les différentes filiales (d'Iribarne, 2009). Si l'utilisation de la culture organisationnelle est un bon outil pour fédérer les individus, des malentendus culturels peuvent donc persister (Chevrier, 2004 ; Karjalainen, 2007).

Dans leurs recherches de 2020, Lo et Tan mettent en avant le fait que l'utilisation d'une langue et d'une culture communes facilitent la création de liens et de connexions entre le siège et les filiales. Les investissements sont donc facilités (Hou, 2002), notamment dans le développement et l'implantation de nouvelles filiales. Une langue et une culture communes permettent également une meilleure fluidité dans la gestion des négociations au cours d'un conflit.

Le développement d'une culture professionnelle (ou culture fonctionnelle) permet de surmonter la barrière de la langue (Harzing et al., 2011) et les différences culturelles. Ainsi, les individus exerçant les mêmes professions peuvent plus facilement se comprendre grâce à l'utilisation d'une langue fonctionnelle. Par exemple, Harzing et al. ont constaté dans leur étude de 2011 que les

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ingénieurs pouvaient surmonter de manière informelle la barrière de la langue en utilisant des dessins et des chiffres pour exprimer leurs idées. Permettre une communication directe, sans intermédiaire, entre des personnes occupant le même poste, ou un équivalent, entre filiale et siège permet donc de faciliter la compréhension entre les deux entités. Dans ce cas, l'intérêt de l'individu biculturel reste limité.

De plus, certains chercheurs ont mis en avant le fait que l'apparition d'un objectif commun permettrait aux équipes de surmonter leurs différences culturelles et faciliterait des communications cordiales (Erez & Gati, 2004 ; Shokef & Erez, 2008).

Certaines études soulignent le rôle du leader charismatique dans la cohésion globale d'une entreprise (Mayrhofer & Barmeyer, 2009 ; Mayrhofer, 2015). Ainsi la culture d'entreprise se forme autour de la personnalité ou des idées d'un seul individu, qui incarne d'une certaine façon l'ensemble des valeurs défendues par le groupe. Mark Zuckerberg, Steve Jobs ou encore Elon Musk sont autant d'exemples de leaders qui ont su fédérer leurs collaborateurs autours de leurs idées. Les individus travaillant dans les filiales de Facebook, Apple ou Tesla ont donc développé un sentiment d'appartenance au groupe forgé autour de leur leader historique.

L'utilisation d'outils de gestion, tels que le DFVT, Document de Formalisation des Valeurs au Travail (Antheaume & Saleh, 2020 ; Hatchuel & Weil, 1992) est également un moyen de gérer les différences culturelles pouvant survenir entre siège et filiale. Antheaume et Saleh soulignent toutefois que le DFVT est souvent décrié concernant son influence limitée sur les comportements et sa volonté excessive de contrôle.

Finalement, on notera que confier la direction des filiales à des individus natifs des pays d'implantation ou encore internationaliser le bureau de direction sont des solutions pouvant également être envisagées par les multinationales.

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C. Les biais potentiels des biculturels

Dans un contexte professionnel les individus peuvent être victimes de certains biais. Ainsi, on constate que certains biculturels peuvent développer des sentiments d'appartenance très forts à la fois pour leur filiale et pour le siège, ce qui peut causer des conflits d'intérêt. Les individus biculturels peuvent également avoir des aspirations professionnelles ou des intérêts personnels, qui peuvent biaiser leur prise de décision.

Le respect de tous peut être compliqué, en particulier dans des situations qui impliquent des identités et des intérêts divers. Cependant, les individus biculturels peuvent essayer de comprendre les différences culturelles et professionnelles des différents groupes et gagner leur confiance et leur reconnaissance en tant que négociateur (Kane & Levina, 2017 ; Roberts & Beamish, 2017).

Lorsque des biculturels arrivent dans une équipe ayant une culture qu'ils ne connaissent pas, ils peuvent être amenés à prendre des décisions partiales ou à développer une attitude prototypique envers les membres de ce groupe (Schindler et al., 2016). L'attitude prototypique peut être un moyen pour les individus de déterminer l'attitude à adopter dans un groupe. Pour cela, ils s'appuient sur les réactions des membres du groupe face à un membre imaginaire, un prototype du groupe qui incarne les caractéristiques déterminantes de celui-ci. Un individu ayant des réactions ne correspondant pas à celles du « prototype d'attitude » aura tendance à être rejeté du groupe (Lord et al., 1984). Ces réactions peuvent aggraver les réactions conflictuelles dans les interactions avec des groupes extérieurs (Schindler et al., 2016).

Le rôle de médiateur du biculturel peut l'amener à percevoir les autres individus comme des hors-groupes (Friedman & Liu, 2009 ; Kane & Levina, 2017). A l'inverse, les biculturels représentant souvent une minorité ethnique au sein d'un groupe, ils peuvent être victimes d'attitudes discriminatoires (West et al., 2017).

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D. Questionnements sur l'intérêt des biculturels

Si l'on a étudié dans le présent document l'intérêt des individus biculturels dans une entreprise, leur spécificité a été questionnée dans la littérature. En effet, de récentes études théorisent que les leaders des équipes multiculturelles possèdent la même capacité que les biculturels de franchir les frontières liées aux cultures nationales et individuelles (Dau, 2016 ; Kassis-Henderson et al., 2018).

De plus, les études de Zaheer et al. (1998) et de Mlaiki et Kefi (2013) tendent à démontrer que l'influence des boundary spanners n'est pas reconnue par leurs collègues. En effet, les individus interrogés aux cours de ces études ont plutôt tendance à citer les pratiques institutionnelles, les processus et les routines comme facteurs de résolution des conflits.

Enfin, au cours de leur étude, Clausen et Hvass Keita (2016) ont relevé que dans certaines situations, la connaissance de deux cultures peut représenter un handicap. En effet, une mauvaise exploitation des connaissances culturelles peut entrainer une confusion pour les individus et entraver certaines actions.

II. Voies futures de recherche

A. Comment mesurer l'impact de ces conflits ?

Afin d'étudier au mieux les conflits entre siège et filiale ainsi que l'intérêt des biculturels dans leur résolution, il convient de pouvoir mesurer les impacts de ces conflits. Ramsey et Bahia (2013) ont identifié plusieurs dimensions pour mesurer la performance des filiales : le niveau financier, le niveau opérationnel et l'efficacité globale.

- Le niveau financier mesure le retour sur investissement, le retour sur actifs, le retour sur fonds propres, le retour sur ventes, la marge brute ou encore la marge bénéficiaire et la croissance des ventes à l'étranger

- Le niveau opérationnel prend en compte la part de marché, l'efficacité, la productivité et la satisfaction des employés

- L'efficacité globale, finalement, étudie la réalisation des objectifs et la perception de la performance globale par rapport à la concurrence

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L'approche la plus évidente pour mesurer l'impact d'un conflit semble être l'approche financière, qui permet effectivement une certaine évaluation des performances. Cependant, il est difficile de chiffrer le coût d'un conflit, celui-ci ayant de nombreuses conséquences indirectes. De plus, les bilans financiers ne prennent pas en compte des paramètres tels que la réalisation des objectifs stratégiques, l'efficacité opérationnelle et organisationnelle, la satisfaction des performances ou les retombées nettes (Arino, 2003).

La motivation financière semblant être le principal facteur de développement d'une entreprise, il pourrait donc être intéressant d'étudier l'impact financier des biculturels dans la gestion des conflits.

Arino (2003) a constaté que l'efficacité organisationnelle semble être une mesure plus complète de l'impact des conflits. Celle-ci évalue en effet des objectifs organisationnels plus larges, tels que le fait que le siège et les filiales ont chacun des objectifs individuels, qui ne vont pas nécessairement dans le même sens (Arino, 2003 ; Cosier & Rose, 1977). L'efficacité organisationnelle mesure également l'intensité des conflits et les stratégies de négociation (Schotter & Beamish, 2011), qui affectent la capacité des deux parties à atteindre leurs objectifs communs et individuels (Arino, 2003).

Des études sur l'efficacité globale des entreprises lorsque des biculturels ont pris en charge la gestion des conflits ou non pourraient donc être pertinentes pour faire suite à cette étude.

B. L'étude de la TMS

Nous avons évoqué plus haut le rôle du manager biculturel sur l'amélioration des systèmes de mémoire transactive des équipes (Dau, 2016). Le système de mémoire transactive peut également être désigné par TMS, pour Transactive Memory System.

La mémoire transactive est « un système de traitement de l'information de groupe » (Wegner, 1987). Elle permet aux groupes de générer, transmettre, stocker et accéder à des connaissances communes (Dau, 2016). Selon Wegner (1995), un système de mémoire transactive se compose des connaissances stockées dans la mémoire de chaque individu, combinées à une « métamémoire » contenant des informations concernant les différents domaines d'expertise des coéquipiers. Lors de

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la phase de Récupération, si les informations collectées sont exactes et utiles, le lien avec le membre possédant des connaissances spécialisées est renforcé.

La théorie de la TMS est facilement observable en pratique, dans un groupe où chaque individu à un rôle précis. Lorsqu'une information parvient à ce groupe, elle ne sera retenue que part le ou les individus directement concernés par cette information. Si un membre du groupe a besoin de cette information pour la réalisation d'une tâche, il pourra alors consulter la personne spécialisée dans ce domaine. D'après Wegner (1995), la récupération et la coordination des connaissances grâce à la TMS sera fiable et sans friction. Cette répartition des connaissances permet donc d'éviter les pertes de qualités des données tout au long du processus (Wegner, 1987, Wegner, 1995).

La performance des équipes peut donc être influencée par l'utilisation de la TMS (Choi et al. 2010 ; Dau, 2016 ; Mell et al., 2014). En effet, la TMS permet d'améliorer la coordination et le travail d'équipe entre des membres aux capacités cognitives diverses (Brandon & Hollingshead, 2004 ; Choi et al., 2010 ; Mell et al., 2014, Wegner, 1995).

Il pourrait être intéressant d'étudier l'impact de la gestion de la TMS lors de relations conflictuelles entre siège et filiale. Des études sur le lien entre manager biculturel, gestion de la TMS et résolution des conflits pourraient également être pertinentes.

C. La diversité des individus biculturels

Cette étude s'est concentrée sur les individus biculturels dans leur ensemble, en s'appuyant sur des généralités. Cependant, nous estimons que chaque individu est unique et qu'il conviendrait de s'attarder sur les différences existantes entre les biculturels. En effet, selon sa personnalité, un individu biculturel n'aura pas nécessairement la même gestion des conflits.

Clausen et Hvass Keita (2016) et Dau (2016) ont relevé plusieurs éléments pouvant distinguer les individus biculturels, tels que les différences de perception des biculturels par eux-mêmes, s'ils prennent conscience de leurs atouts ou non ou l'impact des environnements professionnels et culturel sur leurs comportements.

Ainsi, concernant les différences de perception que les individus ont d'eux même, Dau (2016) distingue quatre catégories : les biculturels qui ont conscience de leur biculturalité, les biculturels qui n'en ont pas conscience, les monoculturels qui se considèrent comme biculturels et les

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monoculturels se voyant comme tels. De plus, les individus biculturels ont une intégration de leur identité différente, selon s'ils considèrent que les deux cultures qu'ils ont intégrées sont compatibles ou non (Benet-Martínez et al., 2002 ; Dau, 2016 ; Hsu & Livingston, 2014 ; Mok et al., 2010).

Le tableau suivant, conceptualisé par Dau (2016) résume ces observations :

Figure 3 Relation entre les concepts de Biculturalisme et d'Intégration de l'Identité
Biculturelle (BII)

Ainsi, Dau (2016) propose que les individus biculturels qui perçoivent leurs deux cultures comme étant en harmonie (biculturels harmonieux) ont le plus grand impact positif sur la TMS de l'équipe, et donc sur les performances de celle-ci, tandis que les individus biculturels qui perçoivent leurs deux cultures comme étant en conflit l'une avec l'autre (biculturels discordants) n'auront un impact que minime. Benet-Martínez et al. (2002) notent quant à eux que le degré d'intégration de l'identité culturelle influe directement sur la capacité à changer de cadre culturel.

Un prolongement de l'étude de Dau concernant les différences entre biculturels harmonieux et biculturels discordants pourrait s'intéresser aux différences d'impacts de ces deux catégories sur les conflits entre siège et filiale. Il pourrait également être pertinent d'appliquer ce prolongement aux différences d'efficacité dans la gestion de conflits selon si les individus sont dissonants

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(biculturel se croyant monoculturel ou monoculturel se croyant biculturel) ou en harmonie avec eux-mêmes (biculturel ou monoculturel se voyant comme tel).

Dau (2016) note également que la personnalité des individus peut être un axe de différenciation entre les biculturels et jouer un rôle dans leur efficacité au sein d'une équipe. Ainsi que nous l'avons abordé précédemment, Schotter et Beamish (2011) considèrent la personnalité des individus comme une des sources potentielles de pouvoir dans les organisations.

Goldberg (1981) propose cinq traits principaux de la personnalité dans sa théorie des Big Five. L'ouverture à l'expérience, la conscienciosité, l'extraversion, l'agréabilité et le névrosisme constituent selon lui cinq points essentiels de différenciation entre les individus. Nous avons vu au cours de cette étude que les individus biculturels ont tendance à être plus ouverts aux expériences que les individus monoculturels. Il pourrait toutefois être intéressant de se pencher sur l'impact de la variation de ces cinq caractéristiques sur l'efficacité des biculturels à résoudre les différents conflits.

Clausen et Hvass Keita (2016) ont quant à elles distingué les biculturels conscients de leurs atouts de ceux qui n'en avait pas conscience. Les chercheuses ont ainsi noté que les biculturels conscients de leurs atouts étaient capables de transformer ceux-ci en véritable ressource pour l'entreprise. Ainsi, on peut supposer que les biculturels conscients de leurs compétences uniques seront positivement reconnus et considérés au sein de leurs entreprises. Le rôle de cette prise de conscience sur l'influence des biculturels au sein d'une gestion de crise serait un autre point pertinent à explorer.

On note également dans la littérature certaines mentions faites sur l'influence de leur environnement sur les comportements des individus. Ainsi Lahire (2004) étudie le phénomène de dissonance culturelle. Selon le sociologue, le comportement des individus varie selon le secteur culturel auquel ils sont confrontés. Lahire relève également que les pratiques effectives des individus peuvent différer de leurs préférences selon le cadre dans lequel ils évoluent.

Il pourrait être intéressant de se pencher sur les différences d'efficacité des individus biculturels selon les pays où la filiale et le siège sont implantés, selon la taille de l'entreprise ou encore selon la composition des équipes au sein desquelles ils évoluent. Par exemple, concernant les différences de composition des équipes, celles-ci peuvent être au choix multiculturelles, biculturelles ou

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monoculturelles. Selon leur composition et selon si le biculturel a intégré deux, une ou aucune des cultures de l'équipe, son influence sur la résolution des conflits pourrait être variable.

D. Le recours à des missions internationales plus courtes et bidirectionnelles

Nous avons étudié précédemment l'intérêt de l'expatriation et de l'impatriation. Cependant, certains auteurs ont mis en avant le fait que les expatriations de long terme pouvaient être complétées par des missions de court terme et bidirectionnelles (Duvivier et al., 2009). Celles-ci permettraient de compenser les inconvénients de l'expatriation de long terme et de faciliter le transfert de connaissances entre le siège et la filiale. Les chercheurs incitent donc les entreprises à diversifier les missions à l'international à s'assurer que celles-ci s'enchainent afin d'optimiser leur efficacité. Les individus expatriés pour une courte période ne sauraient être considérés comme biculturels de part cette simple expérience. Cependant, envoyer des biculturels pour ces missions courtes pourrait avoir un impact positif sur les relations entre siège et filiale. Ainsi il pourrait être pertinent de s'interroger sur les différences entre l'influence des expatriés long terme d'une part et des expatriés court terme d'autre part sur la gestion des relations conflictuelles intra-organisationnelles.

E. L'impact de la confiance sur l'influence des biculturels

Nous avons évoqués plus haut le rôle joué par le développement d'une confiance mutuelle entre les parties en conflit. Cependant, il conviendrait de s'interroger sur plusieurs points concernant le développement de la confiance entre les individus dans le cadre de relations multiculturelles.

Dans la continuité des recherches de Mlaiki et Kefi (2013) ainsi que de Wang et al. (2020), nous nous interrogeons sur les sources de la confiance développée entre une filiale et son siège ainsi qu'entre les individus provenant des deux entités. On pourra également se pencher sur les potentiels impacts (positifs et négatifs) sur la confiance que pourrait avoir un individu biculturel. L'impact de l'asymétrie d'information et de l'asymétrie de confiance dans le cadre de négociations conflictuelles pourrait également des points à soulever. Dans la mesure où l'on observe des gradations dans la méfiance développée entre deux parties, il pourrait être intéressant de se

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questionner sur l'impact du biculturel selon le degré de méfiance régnant entre filiale et siège en conflit. Finalement, nous pouvons nous interroger sur la manière dont les individus biculturels peuvent mettre à profit la confiance qui leur est accordée pour convaincre sans contraindre.

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Conclusion

La présente étude s'est penchée sur l'intérêt des biculturels dans la résolution des conflits entre maison-mère et filiale.

Les deux entités ayant en général des objectifs conflictuels, leur gestion est donc complexe. Pour ce faire, il convient que les médiateurs comprennent les différentes interactions culturelles afin de favoriser les consensus (Hong, 2010). Être capable d'utiliser le changement de cadre culturel mais également d'assimiler les différences émotionnelles, cognitives et comportementales des individus permet d'être plus flexible concernant les différentes méthodes de résolution des problèmes (Friedman & Liu, 2009).

Les multinationales peuvent être organisées de différentes manières et les filiales peuvent avoir différents niveaux de dépendance vis-à-vis du siège. Ces disparités entrainent des écarts entre les différents conflits à gérer et impactent le rôle des individus chargés de régler les conflits. Ceux-ci peuvent être vecteurs de solutions, interprètes, négociateurs ou encore arbitres.

Parmi les différents profils présents dans une entreprise, nous avons jugé intéressant de nous pencher sur les individus biculturels. En effet, les chercheurs ont identifié les biculturels comme étant plus sensibles aux différences culturelles, ce qui leur confère une meilleure adaptabilité et une plus grande flexibilité comportementale. Ils peuvent ainsi stimuler l'efficacité et la créativité au sein de l'entreprise. Les biculturels, dans leur rôle de boundary spanner, sont donc invités à favoriser les échanges entre siège et filiale. Ceux-ci permettent le développement d'un sentiment d'égalité entre les deux entités.

Les expatriés et les impatriés de longue date peuvent également être des biculturels. Ils auront tendance à renforcer les liens existants entre siège et filiale et permettent une communication plus efficace entre les deux parties. Le fait de connaître physiquement un grand nombre des individus impliqués dans le conflit et d'avoir des intérêts communs à la fois avec le siège et avec la filiale en fait des médiateurs privilégiés car ils ont généralement développé des relations de confiance avec

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ces individus. De plus, ayant une meilleure connaissance des enjeux locaux, le siège sera plus à même de prendre des décisions cohérentes avec la réalité de la filiale (Kim & Mauborgne, 1993).

Chaque entreprise a un caractère organisationnel propre, représenté par des cultures de relations interpersonnelles et certaines normes comportementales informelles. Schotter et Beamish (2011) ont relevé que les personnes qui ne correspondent pas à ces cultures individuelles ont tendance à quitter rapidement l'entreprise. En effet, les conflits peuvent conduire au licenciement ou au départ volontaire d'éléments clé pour l'entreprise, y compris les directeurs de filiales.

Le rôle des directeurs de filiales et des managers biculturels est pourtant primordial dans la résolution des conflits survenant entre siège et filiale. En effet, les responsables biculturels sont censés avoir développé une complexité cognitive importante, ce qui leur permet d'élargir leur champs conceptuel (Friedman & Liu, 2009 ; Lakshman, 2013). Ils pourraient donc relever plus facilement les défis auxquels ils sont confrontés, grâce à une plus grande créativité et à une plus grande efficacité, comparé aux responsables monoculturels. Friedman et Liu (2009) relèvent une flexibilité émotionnelle chez les managers biculturels, leur permettant de limiter les prises de décision hâtives dues au stress. La communication au sein des équipes serait également facilitée grâce à une volonté d'inclusion des divers intérêts de chacun (Kane & Levina, 2017 ; Lisak et al., 2016).

Les conflits pouvant survenir sont divers et peuvent avoir différents impacts sur l'entreprise, aussi bien négatifs que positifs. En effet, pour ne citer que quelques exemples, ces conflits peuvent être la cause d'échecs commerciaux ou de frein aux innovations mais peuvent également permettre aux individus et à l'entreprise de se remettre en question et d'évoluer. On observe par ailleurs des conséquences des conflits sur les relations entre les individus au sein de l'entreprise. Ceux-ci auront par exemple tendance à développer des comportements dysfonctionnels. En effet, les individus ou les entités de l'entreprise peuvent être tentés de suivre leurs buts individuels plutôt que les buts organisationnels (Ruekert & Walker, 1987). Cependant, devoir gérer des conflits permettrait d'améliorer la communication intra-organisationnelle et de mieux équilibrer la répartition du pouvoir (Coser, 1956). Finalement, les actions des individus lors de la gestion des conflits peuvent influencer positivement ou négativement leurs relations avec l'ensemble de leurs collaborateurs, y compris les responsables de la filiale.

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Grâce aux éléments développés dans le présent document, on constate qu'il est possible pour les biculturels de gérer les conflits culturels de manière à en faire une force pour l'entreprise. Il faut pour cela que tous les acteurs soient impliqués dans une dynamique de résolution du conflit. La transparence et la communication sont des éléments clés dans cette résolution.

Les implications de ce document sont multiples. Tout d'abord nous invitons les entreprises et les individus biculturels à prendre conscience des capacités de médiateurs de ces derniers dans des conflits interculturels. Ensuite, nous avons constaté que le rôle du biculturel diffèrera selon la structure organisationnelle de l'entreprise et le type de filiale engagée dans le conflit. Nous invitons les biculturels à s'appuyer sur la confiance que leur accorde leurs collaborateurs pour créer des ambiances favorables à la résolution des conflits. Le profil unique des biculturels leur permet de faciliter la coordination et les communications intra-organisationnelles. La coopération entre siège et filiale entraine des relations harmonieuses entre eux et permettrait donc de limiter l'émergence de conflits au sein de l'organisation.

Suite aux observations développées dans le présent document, nous invitons les entreprises à utiliser les ressources des différents biculturels présents dans l'entreprise afin de faciliter la résolution des conflits entre maison-mère et filiale. Ainsi, il pourrait être pertinent d'avoir des individus biculturels au sein des équipes du siège et de la filiale, notamment à des postes décisionnels. Cette démarche pourrait être complétée par la mise en place d'expatriations, à court et long termes, et d'impatriations. De plus, nous rappelons que des individus seuls ne peuvent être réellement efficaces s'ils ne sont pas soutenus par la direction générale de l'entreprise.

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Annexe 1

Annexe 1. Les solutions à la barrière de la langue (Feely & Harzing, 2003)
adaptées par Harzing et al. (2011)

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Annexe 2

Annexe 2. Les déclencheurs de résistance et de conflits dans les filiales
(Schotter & Beamish, 2011)

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Annexe 3

Annexe 3. Caractéristiques des techniques de négociation des conflits dysfonctionnels
(Schotter & Beamish, 2011)

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Liste des figures

Figure 1 Structure des entreprises selon Voynnet-Fourboul et Bournois

d'après le modèle de Heenan et Perlmutter (1979)

(1999),

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Figure 2 Les différentes tactiques de rejet utilisées par les filiales

10

Figure 3 Relation entre les concepts de Biculturalisme et d'Intégration de l'Identité

Biculturelle (BII) 32






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