3. PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
Dans ce contexte, une redéfinition du core-axe
et une approche méthodologique nouvelle portée sur sa
variabilité, sa diversité mais également ses invariants
semblent nécessaires pour : 1/ mieux comprendre les changements
technologiques au cours du MSA et du LSA en Afrique centrale 2/ mais
également caractériser les différents techno-complexes de
la région dans lesquels sont présents les core-axes, et
3/ apporter des réflexions nouvelles sur la structuration de ces outils
particuliers et leur potentiel emmanchement.
Notre question est donc : quelle variabilité
technologique peut être observée au sein
de pièces bifaciales à bords
parallèles, ou core-axes ?
Pour apporter des éléments de réponse
à cette question, il est d'abord nécéssaire d'observer la
variabilité intra-assemblage. C'est pour cette raison que nous avons
sélectionné un corpus stratigraphiquement cohérent riche
en core-axes et disponibles à l'étude. Les assemblages
centrafricains du Nzako, conservés à l'Institut de
Paléontologie Humaine réunissent tous ces critères.
13
14
II. LES SITES DU NZAKO, REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
1. LA REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE (RCA)
La République Centrafricaine (RCA) est un pays de
l'Afrique centrale où sont localisés les sites du Nzako qui font
l'objet de notre étude. Ses voisins sont principalement le Tchad au
nord-ouest, le Soudan au nord-ouest, le Cameroun à l'ouest, le Soudan du
sud à l'est, la République Démocratique du Congo au
sud-est et la République du Congo au Sud-Ouest (Figure 13). Ce pays
possède de grandes zones forestières et connait un climat
tropical humide ce qui peut y rendre la recherche difficile au vu de
l'importance de la
Figure 112 La république Centrafricaine au sein du
contient africain
couverture végétale (Figure 11).
Malgré cela, il y a aussi des territoires avec de la savane où la
recherche a été possible.
Figure 13 Carte géographique de la RCA. Atlas of
African Forest, 1992
Figure 12 carte des gisements du Sangoen, on
aperçoit le fleuve Nzako, (Des Hermens, 1975)
En RCA, les géologues ont identifié un
socle précambrien (Grellet et al., 1982;
Sayer, 1992), puis le Tertiaire, représenté par des
faciès
sableux argileux dont l'âge serait Eocène, il est
reconnu dans trois régions dont Nzako au sud-ouest. Enfin, le
Quaternaire est représenté par des alluvions sableuses.
15
2. HISTORIQUE DES RECHERCHES
Le Nzako est un affluent du M'Patou qui coule du nord au sud
à l'Ouest de Yalinga dans une zone à savane arbustive et à
galeries forestières (Figure 11) (Fambitakoye and Louis, 1963). Ses
alluvions et celles de ses petits affluents ont longtemps été
exploités d'une manière semi-artisanale pour la recherche de
diamants.
16
Les sites du Nzako (Ambilo, Tiaga, Téré, Kono et
petits affluents du Nzako) font partie des gisements de la région
M'Bomou à l'Est du pays (Figure 12) , ce sont tous des chantiers
diamantifères qui forment un ensemble très homogène en ce
qui concerne l'industrie lithique qui y a été
prélevée (Des Hermens, 1975).
La préhistoire de la RCA n'était pas connue
avant 1966 car aucune recherche systématique n'y avait été
faite, pourtant ses pays voisins avaient déjà fourni de nombreux
gisements préhistoriques. Nous identifions deux moments importants de la
préhistoire de la RCA : le premier commence en 1931 et s'achève
en 1937. C'est la période de découvertes fortuites par des
géologues. Puis une vingtaine d'années plus tard vont commencer
des fouilles et prospections systématiques.
Des découvertes fortuites.
- 1931-1932 : une mission géologique dirigée par
Fernand Delhaye et Borgniez permet de localiser des gisements aurifères
et diamantifères pour le compte de la Compagnie Equatoriale des mines
sur le plateau de Mouka. Dans ce secteur ils ont recueilli une quantité
importante de pierres taillées dans les alluvions fluviatiles.
- 1938 : une collection lithique est achetée à
J. Baudet par le Musée Royal de l'Afrique Centrale de Tervuren en
Belgique - actuel Afrika Museum - tandis qu'une autre partie est donnée
par F. Delhaye au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris.
- 1933 : l'Abbé Breuil publie une courte description du
matériel de Delhaye. Celle-ci s'est conclue par l'hypothèse
« d'une courte évolution sur place d'une civilisation de
tradition acheuléenne en une autre s'orientant vers un
Néolithique à Haches » c'est la première fois
que l'on fait mention de la préhistoire centrafricaine bien qu'elle soit
faite sur la base d'une petite collection (Breuil, 1933).
A partir de 1937, la préhistoire de ce pays va rester
dans l'oubli pendant une vingtaine d'années, jusqu'en 1955. Ce n'est
qu'avec la reprise de l'exploitation des chantiers diamantifères
après la seconde guerre mondiale que les recherches reprennent en
RCA.
Début des recherches
- 1955-1956 : G. Berthoumieux et F. Delany effectuent en Haute
Sangha une mission organisée par la Direction des Mines et de la
Géologie. Celle-ci révèle la présence de pierres
taillées de facture acheuléenne dans les alluvions de plusieurs
rivières en RCA. Plusieurs de ces pièces trouvées par
différents prospecteurs, provenant de Haute
17
Sangha et d'autres chantiers diamantifères de Nzako
dans le M'Bomou vont faire l'objet de don au Musée de l'Homme à
Paris (Berthoumieux and Delany, 1957).
- 1957 : une autre mission est conduite par le géologue
A. Lombard de La Société Belge de Recherches Minières en
Afrique. Ce dernier va également récolter plusieurs pierres
taillées ou polies aujourd'hui conservées à l'Afrika
Museum où elles demeureront inétudiées comme celles du
musée de l'Homme à Paris jusqu'à la fin des années
60.
- 1959 : H.J. Quintard alors Directeur de la
Société Minière de l'Est-Oubangui publie un rapport de
l'abondance d'outils des gisements diamantifères d'alluvion du Nzako au
M'Bomou dans lequel il conclut que ces outils taillés sur quartzite sont
de facture acheuléenne. Ces derniers proviendraient d'ateliers de taille
que les alluvions diamantifères auraient transporté au moment
où les préhistoriques occupaient les berges des cours d'eau (des
Hermens, 1971).
- 1965 : Une demande de mission préhistorique
programmée est faite par le président de la République
Centrafricaine à M. Professeur Heim qui est à l'époque le
Directeur du Muséum National d'Histoire Naturelle.
Dès lors, R. de Bayles des Hermens a été
missionné et trois campagnes de deux mois ont été
organisées et se déroulèrent à la saison
sèche en 1966, 1967 et 1968. Cette dernière devait apporter
« des résultats extrêmement importants et des
résultats de premier ordre » (Des Hermens, 1975). Ces missions
se sont déroulées pour la première du 5 Février au
25 Mars 1966 (de Bayle des Hermens, 1966), pour la deuxième du 9 Janvier
au 11 Mars 1967 (Bayle des Hermens, 1968) et la troisième du 30 Janvier
au 25 Mars 1968 (des Hermens, 1971). Les missions de 1966 et 1967 avaient
été consacrées uniquement à une prospection
systématique. Celle de 1968 quant à elle visait des objectifs
limités à une fouille et à un second examen d'important
gisement anciennement découvert.
Ce n'est pas en vain qu'a été choisie la
période de saison sèche pour effectuer ces missions. En effet, la
saison sèche offre une végétation un peu moins danse, en
zone de savane, la destruction des hautes herbes pouvait se faire par les feux
de brousse. La circulation est aussi possible dans les zones impraticables
pendant la saison des pluies lorsque les pistes ne sont pas sèches.
Pourtant, il note des difficultés d'accès à la zone sud
où, la forêt très dense ne permettrait aucune recherche si
ce n'est dans les chantiers déjà déboisés. Lorsque
les zones à prospecter étaient difficile d'accès à
cause de la densité végétale, les prospections
étaient limitées aux secteurs déboisés des
chantiers des travaux publics ou d'extraction des graviers des rivières.
Plusieurs sites préhistoriques ont néanmoins été
découverts en zone forestière et sur les rivières
18
et leurs affluents, mais ces sites ne sont pas en place. Ces
trois missions - largement détaillé dans la thèse de R. de
Bayles des Hermens - ont permis non seulement la découverte de nombreux
gisements préhistoriques mais aussi la localisation des premiers sites
signalés par les géologues lorsque ceux-ci étaient encore
accessible. En effet certains chantiers diamantifères ayant
été abandonnés, la forêt les avait recouvertes
rendant impossible l'accès pour de nouvelles prospections.
C'est dans l'Est du pays au M'Bomou dans une zone à
savane arborée et à galeries forestières
étalées le long des cours d'eau, qu'ils découvrent,
après avoir prospecté les chantiers diamantifères du
N'Zako (NZ) Ambilo ; Kono ; Tiaga et Téré, d'importantes
séries lithiques très homogènes qu'ils ont classé
dans le complexe Sangoen à pièces lupembiennes. Parmi eux, les
sites Nzako Ambilo et Nzako Kono présentent les séries les plus
complètes.
Figure 14 Coupe stratigraphique de Nzako, De Hermens,
1975
Nzako Ambilo (NZA)
Les chantiers diamantifères de la rivière Ambilo
avaient un mode
d'exploitation entièrement mécanisé ;
ce qui a permis aux chercheurs de pouvoir observer plusieurs centaines de
mètres de coupe (Figure 15). Ils exploitaient les graviers de la large
plaine alluvionnaire de la rivière. La coupe (Figure 14) présente
un niveau de terre végétale (1) d'une épaisseur d'environ
0,50m ; d'alluvions fines de sable gréseux (2) disposées par lit
horizontaux d'une épaisseur de 2m ; d'alluvions légèrement
argileuses à élément lourd (3), des minéraux
divers, galets, des diamants et objets préhistoriques d'une
épaisseur d'environ 0,50m ; d'un substratum assez horizontal en
grès (4). La couche (3) est la plus riche en lithique avec 265
pièces.
Nzako Kono (NZK)
La Kono est une rivière et un affluent rive gauche du
Nzako (NZ) qui coule quelques kilomètres au sud d'Ambilo. Le site a fait
l'objet de deux passages lors des missions de 1967, avec d'abord une
brève prospection et de 1968 où ils ont pu finalement recueillir
du matériel
19
archéologique. Au total 152 pièces très bien
conservées ont été récoltées. Ces objets ont
été retrouvés dans une coupe similaire à celle de
NZA (Figure 14).
Figure 15 Photos de Nzako Ambilo, De Hermens (1971)
|