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La doctrine Monroe après la fin de la bipolarisation


par Gautier DE CHANTERAC
Université de Toulon - Master 2 Droit public parcours sécurité défense 2017
  

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A. Haïti : l'utilisation de la force armée sous prétexte d'objectifs humanitaires ?

L'intervention en Haïti avait pour principale mission de restaurer la démocratie et de chasser la junte au pouvoir. Etait-elle la seule raison ?

1. Les origines de l'opération « UpholdDemocraty »

Après le soutien du coup d'état militaire en 1991 du général Cédras par l'administration Bush, Clinton s'efforça de rattraper cette faute morale. La dictature devenait de plus en plus répressive et le drame des réfugiés93(*) donnait une mauvaise image des Etats-Unis.

En octobre 1993, Clinton échoua dans sa tentative de renverser Cédras. Clinton mandata pour négocier l'ancien président Carter accompagné de Collin Powell et du sénateur Sam Nunn . Si le général ne se retirait pas, il aurait à subir une invasion. Ainsi, Cédras se retira et l'administration Clinton réinstalla Aristide au pouvoir avec l'intervention des troupes américaines et polonaises sous mandat de l'ONU94(*)

2.Intervention humanitaire ou économique? Operation Uphold Democracy.

USS America enroute to Haiti in September 1994, with a unique complement of U.S. Army Special Forces and the 160th Army Special Aviation Regiment embarked.95(*)

Le 19 septembre 1994, les Etats-Unis, avec l'aval du Conseil de Sécurité des Nations Unies, lancèrent l'opération « Restaurer la démocratie ». Pour la première fois, une intervention était ainsi justifiée, sous l'égide de l'ONU, par la nécessité de rétablir la démocratie dans un pays. 16.000 soldats débarquèrent en Haïti et, le 15 octobre, le président Aristide, renversé trois ans plus tôt par un coup d'Etat sanglant, rentrait. Le 15 mars 1995, la Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA) prît le relais des forces américaines.

L'administration Clinton profita de l'intervention pour restructurer le marché du riz Haïtien. Le président Aristide baissa la taxe d'importation du riz américain de 50% à 3%.

Dès lors, le riz américain inonda Haïti et l'agriculture Haïtienne fût sacrifiée.

Il semblerait que cette opération humanitaire sous mandat de l'ONU ait eu un objectif plus cynique : trouver un débouché au riz américain.

B.Le durcissement des relations avec Cuba en 1996

Depuis la disparition de l'URSS, Cuba subissait de plein fouet l'embargo américain mis en place en 1960.

1.La résilience Cubaine.

Cuba avant la prise de pouvoir de Fidel Castro en 1959 était surnommée le « bordel de l'Amérique »96(*).Castro remis en cause l'hégémonie américaine sur Cuba dès les premiers jours et nationalisa tous les biens américains.

L'échec de la Baie des cochons poussa Castro dans le camp des Soviétiques.

Malgré l'embargo des Etats-Unis et l'isolement politique, Cuba pût exporter son sucre en URSS. Les Etats-Unis pensaient qu'avec la disparition de leur principal allié, le régime Castriste allait disparaître.

Malgré une grave crise économique, Castro procéda à une ouverture économique (pas démocratique) de l'ile et en 1996 le régime était toujours en place.

2. La montée des tensions

En février 1996, deux avions de l'association anti castriste « Brothers to the rescue » furent abattus par l'armée de l'air cubaine à une trentaine de kilomètres au nord de Cuba. Ces avions tentaient de repérer des balseros, des exilés quitentaient de gagner la côte américaine depuis Cuba sur des embarcations de fortune.

Les autorités de La Havane affirmèrent que les avions se trouvaient dans l'espace aérien cubain, ce que contestait l'administration américaine. Le 26 février sous la pression de la communauté américano-cubaine de Floride et du Congrès à majorité républicain, le président Clinton annonça un renforcement des sanctions imposées à Cuba depuis 1960.

3. La loi Helms-Burton

La loi Helms-Burton signée le 12 mars 1996, se voulait une réponse à l'agression Castriste.

Le Congrès américain et l'administration Clinton savaient que la situation économique de l'ile était fragile.

Le but de la loi était la chute du régime castriste, le retour à la démocratie et remboursement des biens nationalisés par Cuba.

Les Etats-Unis procédèrent avec la loi Helms-Burton à une extension de leur politique d'embargo à l'ensemble de la communauté internationale en espérant une chute rapide de Castro.

La doctrine Monroe est ici pleinement appliquée : ingérence dans les affaires internes d'un pays souverain « la politique des Etats-Unis est la suivante : reconnaître que l'auto détermination du peuple cubain est un droit souverain et national des citoyens cubains qui doit s'exercer sans ingérence du gouvernement d'aucun autre pays »97(*) .

Les Etats-Unis ne toléraient aucune ingérence à part la leur.

La communauté internationale « a crié, à juste titre ; à l'unilatéralisme et à l'extra territorialité »98(*).

Les gouvernements et les firmes99(*) devaient donc composer avec cette loi digne de l'époque de la guerre froide.

La mort de Pablo Escobar fût considérée pour beaucoup comme la victoire définitive contre les cartels de la drogue. Toutefois, l'histoire démontra que l'hégémonie des cartels allait au-delà d'une personnalité. Des anciens collaborateurs de Pablo Escobar héritèrent d'une partie de son pouvoir. D'autres cartels se développèrent dans d'autres zones du pays, comme le Cartel de Cali ou le Cartel del Norte del Valle. La guérilla était aux portes du pouvoir.

.

C. Le plan Colombie

C'est ainsi qu'en 1998, pour faire face aux FARC d'obédience marxiste-léniniste et au problème du trafic de drogue, le « plan Colombia pour la paix, la prospérité et le renforcement de l'Etat » fût lancé à la fin de l'année 1999 par le président Pastrana en liaison avec l'administration américaine.

Le plan Colombie n'était que la continuité du plan de Carthagène : empêcher l'entrée de drogue aux Etats Unis et rétablir la sécurité en Colombie en luttant contre les cartels et la Guérilla. L'administration Clinton trouvait aussi avec ce plan des débouchés pour l'industrie d'armement américaine.

1. Les objectifs du plan : continuité de la vassalisation ou début d'une coopération bilatérale ?

Le « plan Colombia » était assorti d'une enveloppe financière de 7,5 milliards de dollars, dont 4 milliards de dollars à charge de la Colombie et le restant apporté par des bailleurs de fonds internationaux. Cependant, seuls les Etats-Unis répondirent à l'appel des autorités colombiennes. Ainsi, l'Union européenne et les autres bailleurs trouvaient le plan trop sécuritaire. On sentait le poids de l'administration américaine dans la conception du plan.

Il prévoyait de couvrir, en trois phases successives de deux ans chacune, l'ensemble du territoire colombien avec l'objectif de réduire de 50 % la production et la commercialisation de la drogue.

Le Plan Colombie était composé de différents volets100(*) :

· un volet économique et financier : Le plan Colombie prévoyait la signature d'un traité de libre-échange censé inciter la création d'emplois en Colombie et l'encouragement aux investissements étrangers surtout américains. Une Colombie pacifiée était une aubaine pour les entreprises américaines. De plus, le plan prévoyait la privatisation de la banque publique avec l'objectif que les marchés internationaux récupèrent la confiance en Colombie. Les premiers objectifs étaient donc économiques et avantageaient les Etats-Unis. La lutte contre la drogue ou les Farc passait après.

· un volet sur le processus de paix : Le plan encourageait des accords de paix de l'état colombien avec les groupes illégaux. La communauté internationale devait appuyer ces accords diplomatiquement et financièrement. Les pourparlers de paix avec la guérilla furent rompus quelques mois après le plan.

· un volet sur la défense, la stratégie antidrogue et l'externalisation de la lutte. Pastrana voulait moderniser la Police Nationale afin que l'État de droit soit garanti. Les Etats-Unis gagnaient ainsi un marché colossal. L'Etat Colombien pourrait intervenir sur tout le territoire et renforcer sa présence. Avec la collaboration des autres pays impliqués dans la commercialisation des stupéfiants, le plan Colombie cherchait à combattre la production de drogues à toutes ses étapes. Son objectif était de réduire de 50% les surfaces destinées aux cultures de coca. Le plan cherchait aussi à générer une prise de conscience au sein de la communauté internationale sur la « co-responsabilité » concernant le problème de la drogue. Le plan ne parlait pas des conséquences écologiques des fumigations.

· un volet sur la défense des droits de l'homme et la réforme de la justice : Le plan Colombie en appelait au respect des droits de l'homme de la part des forces de police et à une réforme de la justice. La différence entre la théorie et la pratique prend ici toute sa mesure. En effet les droits de l'homme n'étaient pas la priorité des protagonistes du conflit Colombien.

· un volet sur le développement alternatif et le développement humain : Le plan Colombie cherchait à encourager les cultures d'autres produits aussi rentables que les cultures de coca par les familles et communautés paysannes. Les fumigations empêchèrent pour un temps de replanter. L'État devait financer les services de santé et d'éducation dans les communautés vulnérables ainsi que donner une assistance humanitaire aux groupes de déplacés, victimes de la violence. Il n'en fût rien.

Le plan n'avait rien de bilatéral et consacrait surtout l'hégémonie économique et militaire Etats-unienne envers la Colombie.

2. Un bilan contraste

La Colombie était encore plus dépendante des Etats-Unis, une sorte d'Etat satellite.

« Le lancement du « plan Colombia » a donc marqué un accroissement considérable de l'aide américaine destinée essentiellement aux forces de sécurité (armée et police) - plaçant la Colombie, de 2000 à 2002, au troisième rang des pays bénéficiaires après Israël et l'Egypte. Un important appui en matériel (livraison d'aéronefs destinés aux aspersions des cultures illicites et d'une soixantaine d'hélicoptères de protection et de combat) a permis un renforcement spectaculaire des forces de sécurité intérieure. L'aide américaine au Plan Colombia inclut également la présence d'environ 600 conseillers civils et militaires. Encadrée par une loi adoptée en 1999 par le Congrès, cette aide américaine ne pouvait, en principe, être utilisée que dans le cadre de la lutte contre la drogue, même si dans la réalité il est difficile de la distinguer de la lutte contre la guérilla, cette dernière étant l'un des acteurs principaux du narcotrafic. »101(*)

Le rapport du sénat montre bien le bilan contrasté du plan et de la guerre contre la drogue en général : une victoire militaire indéniable.

« Sur le plan des chiffres,les résultats sont incontestables. En l'espace de deux ans, il a été procédé à davantage d'aspersions chimiques de cultures illicites que durant toutes les années précédentes. Les cultures de coca seraient passées de 100 000 hectares fin 2002 à 86 000 hectares fin 2003. Des quantités considérables de cocaïne, de feuilles de coca, de cannabis et de précurseurs ont été saisies. 400 laboratoires de production de pâte base de coca, 170 laboratoires de raffinage de la cocaïne et 4 laboratoires de raffinage de l'héroïne ont été détruits. »102(*)

Cependant la Colombie paya un lourd tribut écologique (pollution, malformations) et civil (160 000 morts en un demi-siècle) La problématique du trafic de drogue ne pouvait pas se résumer au tout militaire.

« Toutefois, ce plan demeure controversé. Le développement de cultures de substitution s'effectue lentement et se heurte aux difficultés de commercialisation, faute de circuits commerciaux ou de moyens de communication vers des régions isolées. La politique d'éradication chimique est critiquée par des organisations non gouvernementales, en raison de son impact sur l'environnement et les cultures vivrières. Combinée aux actions militaires, elle aurait pour effet d'accentuer les déplacements de population. Par ailleurs, les groupes illégaux ont réagi en recherchant des zones de repli, soit sur le territoire colombien, en mettant en culture des espaces jusqu'alors vierges, notamment en opérant des déforestations, soit en jouant sur la porosité des frontières et en débordant sur des pays voisins, comme le Panama et, à une échelle moindre, le Brésil et le Venezuela. Le déplacement des cultures, la fragmentation des parcelles de coca ou de pavot, les techniques de régénération des plants après aspersion, la recherche agronomique qui met au point des plants de coca produisant davantage de feuillage avec une concentration accrue d'alcaloïde, font que la production colombienne de cocaïne reste stable, autour de 600 tonnes, alors que la production d'héroïne est en accroissement et se situerait autour de 5 tonnes. »103(*)

L'article du monde diplomatique exprime bien le scepticisme sur ce bilan contrasté 104(*)

La dernière année du mandat Bill Clinton se termina avec le scandale Lewinsky.

En janvier 2001, Bush devînt le 43-ème président des Etats-Unis.

Après huit années de présidence Bush marquées par la guerre contre le terrorisme et la déstabilisation du Moyen Orient, l'élection d'Obama suscita un espoir notamment en Amérique latin.

Allait-on assister à une nouvelle donne dans les relations interaméricaines ?

Chapitre 2 - Un espoir déçu ? Barack Obama -20 janvier 2009-20 janvier 2017.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l'Amérique latine n'apparaissait plus comme une priorité pour les Etats-Unis à l'exception de la lutte contre le trafic de drogue. Devant le recul de l'influence américaine, des puissances régionales telles que le Brésil, le Venezuela s'étaient affirmées et voulaient assumer un rôle de leadership au sein de l'échiquier régional.

Après les années Bush, la région espérait des relations basées sur un respect mutuel et la fin d'une relation unilatérale.

Barack Obama semblait initialement disposé à inscrire sa politique étrangère dans cette dynamique.

Il apparaissait aux yeux des gouvernements du continent comme un progressiste soucieux d'équité et de justice sociale.

Mais ce changement de cap fût bref et la politique étrangère d'Obama se distingua par le prolongement, voire l'accentuation des politiques antérieures (installation de bases américaines en Colombie, intensification de la lutte contre les cartels mexicains, hégémonie économique)


Section 1. Une approche nouvelle des relations avec l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud. Vers la fin de la doctrine Monroe ?

Le président Obama et son équipe cherchèrent dès le départ à se dissocier de leur prédécesseur en indiquant clairement leur souhait de rompre avec le passé. L'administration démocrate avait la volonté de recourir à une politique étrangère animée par le dialogue, la concertation, la diplomatie ainsi que par le respect du droit international et des institutions multilatérales.

La nouvelle politique étrangère de Barack Obama s'inspirait de la notion de « pouvoir intelligent » ou Smart Power, une conception différente du « Dumb power » de Georges Bush.

§1.La doctrine du smart power

Cette doctrine guida le début de son premier mandat en matière de politique étrangère.

Le concept de smart power exprime la volonté des États-Unis de restaurer son image tout en conservant son leadership.

* 93 Des dizaines de boat people haïtiens noyés

Un bateau surchargé de « boat people » haïtiens, a chaviré dans la région côtière de Saint-Marc (96 km au nord-ouest de Port-au-Prince) et des dizaines de personnes ont péri noyées, ont annoncé lundi soir des radios privées de la capitale haïtienne faisant état des témoignages de rescapés.

L'accroissement de la misère dû aux sanctions internationales, la présence des navires de guerre américains près des côtes et, dans une moindre mesure, la persistance de la répression politique ont augmenté d'une manière spectaculaire le nombre des boat people. Au cours de ces onze derniers jours, la marine américaine a intercepté au moins 10.000 Haïtiens qui tentaient de pénétrer illégalement aux Etats-Unis. Pour la seule journée de lundi, 70 embarcations transportant 3.247 réfugiés ont été refoulées.

Hier, le responsable américain chargé du dossier haïtien, M. William Gray a déclaré que les Etats-Unis n'accueilleraient plus les réfugiés : Ces boat people qui nécessitent une protection auront la possibilité de l'obtenir dans des camps de réfugiés, a précisé M. Gray. A cet effet, le premier de ces camps, avec une capacité de 10.000 personnes sera établi au Panama. La Dominique et l'Antigua pourraient en ouvrir d'autres.

De plus, un haut responsable américain a indiqué hier qu'un groupe d'assaut américain composé de quatre navires et de 2.000 Marines allait prendre la direction d'Haïti ce matin afin d'aider à une éventuelle évacuation de citoyens américains.

De son côté, le gouvernement du président putschiste haïtien Emile Jonassaint s'est déclaré profondément indigné lundi soir par la présence des bateaux américains qu'il accuse de kidnapper de petits pêcheurs et les présenter ensuite à la presse comme des voyageurs clandestins et dénonce la propagande américaine en quête d'un prétexte pour une intervention armée en Haïti. Une intervention que le président élu Jean-Bertrand Aristide, a réprouvé hier, préférant le dialogue pour rétablir la démocratie. M. Gray a, quant à lui, nié l'imminence d'une intervention tout en soulignant qu'une opération militaire était sur la table. (AFP, AP.)

http://www.lesoir.be/archive/recup%3A%252Fdes-dizaines-de-boat-people-haitiens-noyes_t-19940706-Z088Z6.html

* ANNEXE 94

NATIONS UNIESS

Conseil de sécuritéDistr.

GÉNÉRALE

S/RES/940 (1994) * 2 août 1994

RÉSOLUTION 940 (1994)

Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 3413e séance, le 31 juillet 1994

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant ses résolutions 841 (1993) du 16 juin 1993, 861 (1993) du 27 août 1993, 862 (1993) du 31 août 1993, 867 (1993) du 23 septembre 1993, 873 (1993) du 13 octobre 1993, 875 (1993) du 16 octobre 1993, 905 (1994) du 23 mars 1994, 917 (1994) du 6 mai 1994 et 933 (1994) du 30 juin 1994,

Rappelant les termes de l'Accord de Governors Island (S/26063) et le Pacte de New York qui s'y rapporte (S/26297),

Condamnant le refus persistant du régime de facto illégal de tenir compte de ces accords, et de coopérer avec l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation des États américains (OEA) qui s'efforcent de les faire appliquer,

Gravement préoccupé par l'ampleur de la détérioration de la situation humanitaire qui a empiré en Haïti, en particulier la multiplication des violations systématiques des libertés civiles commises par le régime de facto illégal, le sort tragique des réfugiés haïtiens et l'expulsion récente du personnel de la Mission civile internationale en Haïti (MICIVIH), qui a été condamnée dans la déclaration du Président du Conseil en date du 12 juillet 1994 (S/PRST/1994/32),

Ayant examiné les rapports du Secrétaire général en date du 15 juillet 1994 (S/1994/828 et Add.1) et du 26 juillet 1994 (S/1994/871),

Prenant note de la lettre datée du 29 juillet 1994, adressée par le Président légitimement élu d'Haïti (S/1994/905, annexe) et de la lettre du Représentant permanent d'Haïti auprès de l'Organisation des Nations Unies datée du 30 juillet 1994 (S/1994/910),

Réaffirmant que la communauté internationale s'est engagée à aider et à appuyer le développement économique, social et institutionnel d'Haïti,

Réaffirmant que le but de la communauté internationale consiste toujours à restaurer la démocratie en Haïti et à assurer le prompt retour du Président légitimement élu, Jean-Bertrand Aristide, dans le cadre de l'Accord de Governors Island,

Rappelant que dans la résolution 873 (1993), il a confirmé qu'il était prêt à envisager d'imposer des mesures supplémentaires si les autorités militaires d'Haïti continuaient à entraver les activités de la Mission des Nations Unies en Haïti (MINUHA) ou n'avaient pas appliqué dans leur intégralité les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et les dispositions de l'Accord de Governors Island,

Constatant que la situation en Haïti continue de menacer la paix et la sécurité dans la région,

1. Accueille avec satisfaction le rapport du Secrétaire général en date du 15 juillet 1994 (S/1994/828) et prend note du soutien qu'apporte le Secrétaire général à une action qui serait menée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies afin d'aider le Gouvernement légitime d'Haïti à maintenir l'ordre public ;

2. Constate le caractère unique de la situation actuelle en Haïti et sa détérioration ainsi que sa nature complexe et extraordinaire qui appellent une réaction exceptionnelle ;

3. Considère que le régime de facto illégal en Haïti n'a pas appliqué l'Accord de Governors Island et manque aux obligations qui lui incombent en vertu des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité;

4. Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, autorise des États Membres à constituer une force multinationale placée sous un commandement et un contrôle unifiés et à utiliser dans ce cadre tous les moyens nécessaires pour faciliter le départ d'Haïti des dirigeants militaires, eu égard à l'Accord de Governors Island, le prompt retour du Président légitimement élu et le rétablissement des autorités légitimes du Gouvernement haïtien, ainsi que pour instaurer et maintenir un climat sûr et stable qui permette d'appliquer l'Accord de Governors Island, étant entendu que le coût de l'exécution de cette opération temporaire sera à la charge des États Membres participants;

5. Approuve la constitution, après l'adoption de la présente résolution, d'une première équipe de la MINUHA comprenant au maximum 60 personnes, dont un groupe d'observateurs, chargée de mettre en place les moyens appropriés de coordination avec la force multinationale, de remplir les fonctions de vérification des opérations de cette force et autres fonctions décrites au paragraphe 23 du rapport du Secrétaire général daté du 15 juillet 1994 (S/1994/828) ainsi que d'évaluer les besoins et de préparer le déploiement de la MINUHA lorsque la force multinationale aura accompli sa tâche;

6. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte des activités de l'équipe dans les 30 jours qui suivront la date du déploiement de la force multinationale ;

7. Décide que la mission de la première équipe telle que définie au paragraphe 5 ci-dessus prendra fin à la date à laquelle la force multinationale aura accompli sa tâche ;

8. Décide que la mission de la force multinationale prendra fin et que la MINUHA assumera toutes les fonctions décrites au paragraphe 9 ci-après, lorsqu'un climat stable et sûr aura été instauré et que la MINUHA sera dotée d'une structure et d'effectifs adéquats pour assumer la totalité de ses fonctions; ce constat sera établi par le Conseil de sécurité eu égard aux recommandations que feront les États Membres participant à la force multinationale sur la base de l'évaluation du commandant de la force multinationale et aux recommandations du Secrétaire général;

9. Décide de réviser et de proroger le mandat de la MINUHA pour une période de six mois, afin d'aider le Gouvernement démocratique d'Haïti à s'acquitter de ses responsabilités pour ce qui est : a) De maintenir les conditions sûres et stables créées durant la phase multinationale et d'assurer la protection du personnel international et des installations essentielles ; b) De professionnaliser les forces armées haïtiennes et de créer une force de police séparée ;

10. Demande également que la MINUHA aide les autorités constitutionnelles haïtiennes légitimes à créer les conditions qui leur permettent d'organiser des élections législatives libres et régulières qui se dérouleront, si elles le demandent, sous la surveillance des Nations Unies, en coopération avec l'Organisation des États américains (OEA);

11. Décide de porter à 6 000 les effectifs militaires de la MINUHA et de fixer à février 1996 au plus tard l'achèvement prévu de la tâche de la MINUHA, en coopération avec le Gouvernement constitutionnel d'Haïti ;

12. Invite tous les États, en particulier ceux de la région, à apporter le soutien voulu aux actions entreprises par l'Organisation des Nations Unies et par les États Membres en application de la présente résolution et des autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ;

13. Prie les États Membres, agissant en application du paragraphe 4 de la présente résolution, de lui faire rapport à intervalles réguliers, le premier de ces rapports devant être présenté sept jours au plus tard après le déploiement de la force multinationale;

14. Prie le Secrétaire général de rendre compte de l'application de la présente résolution tous les 60 jours à compter de la date du déploiement de la force multinationale;

15. Exige que soient rigoureusement respectés le personnel et les locaux de l'Organisation des Nations Unies, de l'Organisation des États américains et des autres organisations internationales et humanitaires, ainsi que des missions diplomatiques en Haïti, et qu'aucun acte d'intimidation ou de violence ne soit dirigé

16. Souligne qu'il faut notamment : a) Que toutes les mesures voulues soient prises pour assurer la sécurité des opérations et du personnel y participant; b) Que les dispositions relatives à la sécurité s'étendent à toutes les personnes participant aux opérations; 17. Affirme qu'il réexaminera les mesures décrétées en application des résolutions 841 (1993), 873 (1993) et 917 (1994), en vue de les rapporter dans leur intégralité, immédiatement après le retour en Haïti du Président Jean-Bertrand Aristide;

18. Décide de rester activement saisi de la question

* 95 https://history.state.gov/milestones/1993-2000/haiti

* 96On comptait à Cuba environ 20 000 établissements spécialisés dans le business du sexe et 100 000 prostituées sur une population de 6 millions d'habitants

* 97europainstitut.de/fileadmin/schriften/363.pdf

* 98europainstitut.de/fileadmin/schriften/363.pdf

* 99La loi américaine dite Helms-Burton prévoit des sanctions à l'encontre d'entreprise et de particuliers d'Etats tiers supposés profiter de biens ayant appartenu à des ressortissants américains et expropriés par le Gouvernement cubain. Elle comporte des dispositions d'application extraterritoriale qui sont contraires au droit international et aux engagements internationaux des Etats-Unis. Plusieurs actions ont été engagées pour empêcher la mise en oeuvre de ce texte. Une étroite concertation entre les pays membre de l'Union européenne a permis d'engager diverses initiatives politiques (déclaration de l'Union, démarches auprès des autorités américaines). La procédure de règlement des différends prévue par le traité OMC a également été actionnée ; elle pourrait aboutir à la constitution prochaine d'un panel, la procédure de conciliation n'ayant pas donné de résultats. Enfin, la commission a reçu mandat du Conseil d'élaborer une législation " en miroir ", qui permettrait aux entreprises européennes de se prémunir contre les effets de la loi Helms-Burton.

Publiée dans le JO Sénat du 17/10/1996 - page 2701

* 100PLAN COLOMBIA PROGRESS REPORT, 1999 - 2005 NATIONAL PLANNING DEPARTMENT (DNP) DEPARTMENT OF JUSTICE AND SECURITY (DJS) SEPTEMBER 2006

* 101Rapport du Sénateur Michel Guerry sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

* 102Rapport du Sénateur Michel Guerry sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

* 103Rapportdu Sénateur Michel Guerrysur le projet de loiautorisantl'approbationde l'accord entre leGouvernement de la République françaiseet le Gouvernement de laRépublique de Colombierelatifà la coopérationen matière desécurité intérieure.

* ANNEXE 104
Plan Colombie, passeport pour la guerre

« Tout semblait avoir parfaitement commencé. Alors que le président conservateur César Gaviria (1990-1994) avait décrété la guerre intégrale contre les « chiens enragés » de la guérilla et réveillé les secteurs les plus militaristes de la société colombienne ; alors que le libéral Ernesto Samper (1994-1998), déstabilisé par les Etats-Unis , avait dû baisser pavillon et jeter à la poubelle sa « politique de paix intégrale et de dialogue », le nouveau président conservateur, M. Andrés Pastrana, élu le 20 juin 1998, renouait aussitôt le fil avec l'opposition armée. En accordant aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) une zone démilitarisée (7 novembre 1998) de 42 000 kilomètres carrés, il permettait la reprise de négociations depuis longtemps au point mort.

Adepte des réformes structurelles et de l'orthodoxie financière, M. Pastrana ne pouvait que séduire Washington. Les relations bilatérales se normalisant, il reçoit d'emblée 280 millions de dollars d'aide nouvelle pour l'effort anti-drogue et le développement. Au plan intérieur, la Loi 508 du 29 juillet 1999 formalise un Plan national de développement - « Changement pour construire la paix, 1999-2002 » -, approuvé par le Parlement (la Constitution colombienne établit que chaque gouvernement doit élaborer un tel Plan national de développement). Cependant, le 21 septembre 1999 à Washington, au terme d'un entretien avec le président William Clinton et sans que le Congrès colombien n'ait été en rien consulté, M. Pastrana remplace ce Plan de développement par un " Plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l'Etat « dit Plan Colombie. Il ne sera divulgué au pays que le 2 janvier 2000, par le quotidien El Espectador.

Conçu et rédigé en anglais avec la participation, sinon sous la direction, de conseillers du Département d'Etat des Etats-Unis, ce plan de 46 pages détaille un programme qui coûtera 7 500 millions de dollars, dont 3 500 millions de dollars en aide extérieure. Dans un projet de Loi S 1758, présenté par les sénateurs Dewine, Grassley et Coverdell, et qui va prendre le nom d'Alianza Act, l'administration américaine propose 1 600 millions de dollars, dont 954 millions de dollars comme supplément d'urgence pour l'an 2000. L'objet est ambitieux. Il ne présente qu'un défaut, mais de taille. Alors que tous les yeux sont tournés vers des négociations de paix dont on sait qu'elles seront longues et difficiles, il n'a pour objectif que de renforcer, équiper et entraîner l'armée colombienne ; il joue délibérément la guerre, niant la nature sociale et politique du conflit. En la matière, on se contentera de rappeler que les 25% les plus riches de la population ont des revenus 30 fois plus élevés que les 25% les plus pauvres et que 80% des 13 millions de personnes abandonnées par l'Etat dans les campagnes vivent en dessous du seuil de pauvreté.

La pression du corps militaire

L'histoire dira si le président Pastrana est l'otage, le complice ou l'instigateur du désastre qui s'annonce. Ce qui est sûr, c'est qu'il est soumis à une forte pression. Pression de l'armée colombienne, en tout premier lieu. Acculé, son prédécesseur Ernesto Samper avait dû accorder des faveurs à cette dernière pour s'assurer de sa neutralité durant la crise qui l'opposait à Washington. Sans grand résultat, d'ailleurs, sur le terrain. Souvent bousculée, l'armée a accumulé les défaites depuis le 30 août 1996, jour où les FARC, attaquant la base de Las Delicias (Caquetá), captura 60 soldats et en tua 27 autres. D'autres humiliations suivront, dont, en mars 1998, le quasi-anéantissement d'un bataillon professionnel de contre-insurrection, toujours dans le Caquetá. A tel point que, le 12 août 1999, M. Pastrana promulgue un nouveau code militaire permettant de destituer les officiers de haut rang par trop inefficaces dans la lutte contre les guérillas - et (en théorie) les paramilitaires.

Malgré ces piètres prestations, et adossé tant aux latifundistes et à l'oligarchie traditionnelle qu'aux secteurs qui administrent et monopolisent le capital financier, le haut commandement militaire n'hésite pas, en plusieurs occasions, à engager une épreuve de force avec les pouvoirs constitués. Le 26 mai 1999, appuyé par 18 généraux et 200 officiers, le ministre de la Défense Rodrigo Loreda démissionne. Il reproche au président d'être trop conciliant à l'égard des FARC. Au terme de ce coup de semonce, M. Pastrana, tout en acceptant la démission de M. Lloreda, fait des concessions. Il annonce que ledespeje (démilitarisation) ne sera pas indéfini. Cela n'empêche pas les généraux Fernando Tapias, commandant en chef des forces militaires, et Jorge Enrique Mora, commandant de l'armée, de présenter à leur tour leur démission le 19 novembre suivant, à peu près pour les mêmes raisons. Cette démission est refusée, mais l'épisode fait trembler une première fois le siège du Haut-commissaire pour la paix, M. Victor G. Ricardo .

Poursuivant cette entreprise de déstabilisation, le général Nestor Ramírez prend bientôt le relais. Commandant en second et chef d'état-major de l'armée, cet officier dont certains n'hésitent pas à comparer la trajectoire fulgurante à celle du général panaméen Manuel Antonio Noriega (liens avec la CIA compris), intervient dans les salons de l'hôtel Bilmore de Miami, le 2 décembre 1999. Invité par l'organisation d'extrême-droite Tradition, famille et propriété, et par la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), il affirme que la Procuraduría (responsable des mesures disciplinaires contre les fonctionnaires publics), la Fiscalía(ministère public) et la Defensoríadel pueblo (organe de contrôle rattaché au ministère public) sont infiltrées par la subversion. Raison de cette attaque frontale, la mise en jugement de dizaines de soldats, y compris 4 généraux, pour négligence ou pire, complicité, dans des massacres commis par les paramilitaires.

Pression de Washington

Depuis le début des années 90, les Etats-Unis avaient réduit leur aide à l'armée colombienne en raison de ses abus en matière de droits de l'homme. Pour persuader le Congrès de voter une augmentation de l'aide militaire, l'administration Clinton a poussé Bogota à agir sur ce terrain délicat. C'est ainsi qu'en juillet 1997, le général Harold Bedoya, commandant en chef de l'armée, fut relevé de ses fonctions pour avoir trop manifestement couvert les agissements criminels de ses subordonnés. La XXe Brigade de renseignements militaires a dû être dissoute en raison de son implication par trop visible avec le paramilitarisme. Plus récemment (avril 1999), le gouvernement a forcé à la démission les généraux RitoAlejodel Rio et Fernando Millan, notoirement liés aux paracos (les paramilitaires). Il y aurait cependant encore beaucoup à faire pour extirper le cancer. Dans son dernier rapport au Congrès, le Défenseur du peuple confirme que « les groupes paramilitaires sont devenus le bras illégal de la force publique ; ils exécutent pour son compte le sale travail que son caractère d'autorité assujettie à la loi l'empêche de faire »( Rapport de la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, 9 mars 1998 ). De son côté, le 23 février dernier, un rapport de Human Rights Watch affirmait que la moitié des Brigades de l'armée ont des liens avec les paramilitaires, en particulier et directement, la 3e, la 4e et la 13e . C'est pourtant le moment - M. Pastrana ayant été soigneusement travaillé au corps par la hiérarchie militaire - que choisissent les Etats-Unis pour apporter, à travers le Plan Colombie, un soutien massif à l'armée.

Car c'est aussi de Washington que provient la pression. Si quelques secteurs du gouvernement Clinton voient initialement d'un bon oeil le dialogue Pastrana-FARC, ce n'est le cas ni des faucons du Congrès, ni du département de la Défense, ni duSouthern Command (Commandement sud de l'armée des Etats-Unis). En Avril 1999, la HeritageFoundation, proche du Parti républicain (majoritaire au Congrès), affirme que les tentatives de paix de M. Pastrana supposent une reddition de l'Etat colombien devant les FARC et l'Armée de libération nationale (ELN). En juin, présidant une audience de la Commission des relations internationales du Sénat américain sur le conflit colombien, M. Paul Coverdale ne dit pas autre chose : » Nous sommes en présence d'une balkanisation de la Colombie. Le président Pastrana continue à faire des concessions tandis que les guérillas augmentent leurs efforts pour (...) provoquer une instabilité qui, maintenant, menace également les pays voisins « En un mot, cul et chemise avec les officiers supérieurs colombiens en activité ou en retraite qui font le va-et-vient entre Bogotá et Washington, les Républicains réclament, tant à la Maison Blanche qu'au gouvernement Pastrana, une politique plus énergique face à la guérilla. Reste à trouver le prétexte qui maquillera les véritables objectifs de la future intervention : conserver le contrôle de cette région vitale du nord-est du continent (Colombie, Venezuela, Equateur), riche en ressources stratégiques, le pétrole en particulier. L'argument ne tarde pas. Pour le Pentagone, la principale menace qui pèse sur l'hémisphère n'est plus Cuba, mais la possibilité que surgisse un » narco-Etat colombien.

Le « prétexte » de la drogue

La culture de coca a plus que doublé en Colombie, passant de 50 000 hectares en 1995 à 100 000 en 1998 et sans doute 120 000 hectares en 1999 ; la culture du pavot y est passée de zéro à 6 000 ha. Soixante-cinq mille familles sont impliquées directement dans cette activité, 500 000 personnes indirectement. Plusieurs raisons expliquent cette augmentation spectaculaire des cultures illicites. D'une part, l'ouverture économique a laminé l'agriculture et ruiné les campagnes (depuis 1974, la surface cultivée a diminué de plus d'un million d'hectares - la guerre ne suffisant pas à tout expliquer). Un seul exemple : autosuffisante en 1990, la Colombie importe actuellement 450 000 tonnes de riz... D'autre part, les propriétaires d'exploitations de plus de 500 hectares - 0,2% des propriétaires - possédaient en 1997 45% de la terre. Enfin, les « succès » obtenus dans la lutte anti-drogue en Bolivie et au Pérou ont provoqué un redéploiement des cultures vers la Colombie, en particulier dans le sud (Putumayo et Caquetá), traditionnellement dominé territorialement par les FARC. Protégeant les paysans dont la production de la » plante criminelle « constitue l'unique possibilité réelle de survie, les FARC perçoivent un impôt tant sur la coca que sur la pâte base, pratique publiquement assumée dans le cadre d'une économie de guerre et qui ne fait pas de cette guérilla une « mafia. »

C'est le 18 août 1999 que, pour la première fois, le président William Clinton a tenu une réunion entièrement consacrée à la situation colombienne, en compagnie de MM. Sandy Berger, membre du Conseil national de sécurité, et Thomas Pickering, sous-secrétaire d'Etat. Dans une logique de guerre froide, un Groupe de travail est alors créé avec des fonctionnaires ayant fait leurs preuves dans les conflits centraméricains. Au nom de la guerre sainte contre la coca, le Plan Colombie est élaboré. Il prévoit une guerre de six ans, en trois étapes stratégiques, commençant dans le Putumayo.

Avant même que ce plan n'ait été rendu public, un premier bataillon antinarcotique - 1 000 hommes - entraîné pendant huit mois par 65 Bérets verts US dans la base militaire de Tolemaida, avait été remis au président Pastrana le 6 septembre 1999. Fer de lance de la nouvelle stratégie contre-insurrectionnelle, il précède alors l'inauguration (9 décembre 1999) d'une Force de déploiement rapide, unité moderne de lutte antisubversive (trois brigades mobiles et une des Forces spéciales), dotées d'hélicoptères russes, et Black Hawk américains. Le 21 décembre, nouvelle inauguration : celle de la Centrale de renseignement commune du Sud, sur la base militaire de TresEsquinas. Financés cette fois par le Plan Colombie et dirigés par des conseillers américains, deux autres bataillons anti-narcotiques sont prévus. Comme leur homologue déjà opérationnel, leur tâche sera de » combattre les groupes armés qui protègent les structures du narcotrafic «. En fait : reprendre les territoires contrôlés par la guérilla.

Depuis 1998, une directive américaine autorisait les personnels américains à partager avec la Colombie des renseignements sur les capacités de la guérilla uniquement s'ils étaient directement liés à la lutte antinarco. En juin 1999, a été rédigée une nouvelle directive qui autorise ce même personnel à partager ses informations, même si elles ne sont pas liées au narcotrafic, sous le prétexte que la ligne qui sépare les deux est totalement gommée.

Le poids des paramilitaires

Lorsque le tsar anti-drogue américain, le général Barry Mc Caffrey, déclare, » ces groupes armés illégaux [qui alimentent la violence, la délinquance et le long conflit interne de la Colombie] ont une présence dominante sur environ la moitié du territoire national colombien et sont les responsables de plus de 90% des violations des droits humains «,il omet une précision. En matière de violations des droits humains, les paramilitaires, et de loin, sont les principaux accusés : 73% des atrocités leur sont attribuées - 16,67% pour la guérilla en 1999. Lorsque le général Jorge Enrique Mora, commandant de l'armée déclare pour sa part qu'en attaquant les cultures illicites, un dur coup sera porté aux FARC - « Nous aspirons à leur enlever les finances et ainsi nous gagnerons 80 % de la guerre » - il jette, lui, un silence pudique sur quelques faits pourtant notoirement connus. C'est bel et bien chez les paramilitaires, et non dans une zone de guérilla, qu'a été démantelé, le 10 août 1997, un complexe de quatre laboratoires très sophistiqués et qu'ont été détruits près de 700 kilogrammes de cocaïne à Puerto Libre (Cundinamarca). Qui peut ignorer qu'aujourd'hui les ports de Turbo, Necoclí, Arboletes, Puerto Escondido, Moñitos, San Bernardo delViento, Capurgana (sur la côte atlantique), Jurado et Bahia Solano (sur le Pacifique nord), d'où sont exportés 60% de la production de drogue colombienne, sont situés dans des zones sous forte influence paramilitaire ? Que c'est également par ces ports, entre autres, que rentre la contrebande des produits industriels, façon efficace de laver l'argent de la drogue ? Que c'est l'alliance de M. Carlos Castaño, leader des paramilitaires, avec le narcotrafiquant Orlando Henao, qui facilite l'extension des paracos, déjà présents dans tout le nord-ouest du pays, vers le littoral pacifique, de la frontière du Panamá jusqu'à celle de l'Equateur ? L'escalade de la guerre ne cherche pas plus à neutraliser ces mafieux notoires que l'élite qui domine le trafic (environ 6 000 personnes d'après la sénatrice Piedad Cordoba, citant l'ex-analyste de la CIA Sidney Zabludoff).

Sans que l'on n'ait jamais entendu ni Bogotá ni Washington s'en émouvoir, M. Carlos Castaño avoue sans détour qu'il finance son mouvement en percevant un impôt de 60% sur les gains des cocaleros(il se montre plus discret sur les apports des acteurs économiques et financiers de l'establecimiento - l'establishment). Dans la zone de Catatumbo, il se déplace dans un hélicoptère qui n'est jamais détecté ni par les avions de la Force aérienne colombienne ni par les radars gringos. D'ailleurs, contrairement aux FARC et à l'ELN, les paramilitaires colombiens ne figurent pas sur la liste des organisations terroristes internationales dressée par le gouvernement des Etats-Unis. M. Phil Chicola, chef du Bureau des affaires andines du Département d'Etat, s'en explique : « D'après la loi, ces groupes doivent commettre des actions qui menacent les intérêts nationaux des Etats-Unis pour pouvoir être inclus formellement dans la liste ».

Le coeur de cible du Plan Colombie est donc clairement défini : la « guérilla ». Et au cas où aurait pu demeurer un doute, la fiction selon laquelle l'aide ne peut et ne pourra être affectée qu'à la lutte contre les narcos a volé en éclat en juillet dernier. Le 14 de ce mois, les FARC attaquaient en effet le poste de police de Roncesvalles (Tolima). Après 27 heures de combat et 13 policiers tués, le pueblo fut pris par les insurgés. Trois hélicoptères Black Hawk de la police (la police colombienne est la seule au monde à posséder ce type d'appareils, dans le cadre de la lutte antinarcotique) se trouvaient à Neiva, à 20 minutes de vol du lieu des opérations et n'intervinrent pas pour dégager les policiers assiégés - semble-t-il sur instruction de l'ambassade américaine à Bogotá. Tant en Colombie qu'au Congrès des Etats-Unis une polémique éclata dans les heures qui suivirent, au terme de laquelle le sous-secrétaire du département d'Etat pour les affaires andines, M. Phillip Chicola, confirma ce que chacun pressentait : « Les Black Hawk peuvent être utilisés par la Force publique colombienne comme elle le veut, quand elle le veut et où elle le veut ». Les appareils pourront désormais être appelés lorsqu'il y aura « un risque imminent de pertes de vies humaines » et pour les « opérations humanitaires » (!) y afférant.

Effets pervers

Les conséquences de « l'Expédition Sud » qui se prépare sont d'ores et déjà prévisibles. Elle jettera une partie des paysans de cette région appauvrie, transformés en parias criminels, dans les bras des FARC qui ainsi se renforceront, et ne fera que déplacer les cultures illégales. L'annonce des fumigations à venir en Colombie a déjà provoqué une augmentation du prix de la pâte base au Pérou, mettant définitivement en péril la compétitivité des cultures de substitution (lorsqu'il y en a). Il y a par ailleurs, en Amazonie colombienne, 650 millions d'hectares disponibles pour accueillir la culture de coca, fut-ce au prix d'un désastre écologique dont les paysans, dans leur infini dénuement, n'ont que faire. Mais il est vrai que d'autres acteurs se frottent déjà les mains. Car la coca se déplacera aussi vers le nord du pays - Urabá, Magdalena Medio, Atrato, Pacifique - régions que les paramilitaires ont » nettoyées « et qu'ils entendent bien mettre à profit pour ajouter la production à la transformation-exportation dans lesquels ils sont impliqués.

Nul ne prétendra ici (jusqu'à preuve du contraire) que, cyniquement, le Plan Colombie a pour objectif de permettre aux paramilitaires de s'assurer un contrôle total sur la filière coca-cocaïne. Mais nul ne fera non plus assaut de naïveté. Car il n'a échappé à personne que, menée à feu et à sang, désarticulant le mouvement social par le meurtre ou l'exil, l'avancée stratégique de ces derniers doit bien peu au hasard. Une fois vidées de leurs habitants, les terres stratégiques du point de vue économique et militaire se peuplent de nouvelles personnes favorables aux forces militaires ou paramilitaires ; il se crée ainsi des zones de sécurité dont ces forces ont besoin pour contrôler le terrain( Rapport de la Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, 9 mars 1998). M. Castaño a ainsi établi son emprise sur les régions du Choco et d'Antioquia, dans l'Urabá, à la frontière du Panamá. Zone bananière, l'Urabá est également une zone d'exploitation pétrolière où agissent compagnies américaines et britanniques. Elle recèle d'importantes réserves de gaz et suit le tracé du projet de canal interocéanique qui pourrait doubler celui de Panamá. Dans l'est de l'Antioquia, ce sont de grands projets hydroélectriques et touristiques qui sont à la base des déplacements forcés de paysans. De son côté, l'offensive militaire planifiée par le Plan Colombie s'est donné pour priorité le Putumayo, région traversée par d'importants rios inclus dans un mégaprojet d'interconnection fluviale de l'Amérique du Sud.

La zone choisie présente un évident intérêt stratégique. D'autres projets d'exploitation (pétrolière) y existent et elle est frontalière avec l'Equateur, pays lui aussi producteur de pétrole. Elle est, qui plus est, la porte d'entrée de l'Amazonie et de sa biodiversité. Rien de tout cela n'est dû au hasard et l'on peut parler d'une seule et même politique tant ses différents acteurs - Etats-Unis, Etat colombien, paramilitaires, armée - paraissent s'être concertés dans sa mise en oeuvre. Ainsi, la priorité à l'investissement étranger et en particulier pour l'industrie pétrolière a été l'une des exigences de l'amendement au Plan Colombie imposé par les sénateurs américains Dewine, Grassley et Coverdell. Dans sa section section 101.2, Allianza Act stipule : » Insister pour que le gouvernement colombien complète les réformes urgentes destinées à ouvrir complètement son économie à l'investissement et au commerce extérieur, particulièrement à l'industrie du pétrole (...) «. Et les secteurs économiques en redemandent. Vice-président de la Occidental Petroleum Company, M. Lawrence Meriage n'a-t-il pas estimé que le Plan Colombie devrait être plus » équilibré «, c'est-à-dire ne pas se concentrer sur le Putumayo mais aussi sur le nord du pays où la » Oxy « est prête à commencer ses opérations ?

Risques minimums pour les Etats-Unis

Paradoxalement, l'Allianza Act a semblé peiner à être votée par le Congrès des Etats-Unis. Bataille politique intérieure plus que désaccord. Si la campagne électorale n'est pas étrangère à la volonté de M. Clinton d'enlever aux Républicains l'exclusivité du discours de fermeté sur le problème de la drogue, cette même campagne a fait que ses adversaires, malgré leur accord de fond, n'entendaient aucunement offrir une victoire politique au président en exercice. Moyennant quoi, il a fallu attendre juin 2000, pour que le Sénat donne le feu vert au Plan Colombie (signé le 13 juillet par le président) en le réduisant toutefois à 934 millions de dollars pour les années fiscales 2000 et 2001. La présence militaire américaine sur le territoire colombien s'est vue limitée à 250 hommes et 100 civils. Si tant est qu'elle persiste, cette réduction budgétaire affectera l'achat d'hélicoptères. Au lieu des 30 modernes Black Hawk prévus, la Colombie n'en recevra que 16, plus 60 anciens appareils Huey reconditionnés. Quant à la limitation du nombre de conseillers américains en Colombie, elle ne peut impressionner que les gens particulièrement... impressionnables. D'anciens membres des Forces spéciales US, des » spécialistes « et des experts indépendants sont attendus en Colombie, sous contrat privé, pour assumer les tâches que les forces armées américaines ne peuvent ou ne veulent assurer. D'ores et déjà, DynCorp, qui a recruté d'anciens pilotes du Vietnam, assure la maintenance et l'appui nécessaire aux vols d'éradication de la coca D'après M. Ed Syster, son porte-parole, la MilitaryProfessionalsResourcesInc (MPRI) négocierait actuellement pour apporter un appui logistique et un entraînement à la police et aux forces colombiennes de contre-insurrection. Cette pratique porte un nom : l' «  Outsourcing ». Avec cette privatisation de la guerre, les risques d'exposition directe de l'Oncle Sam - et ses conséquences politiques - sont éliminés.

La version du Plan Colombie présentée aux sénateurs américains met l'accent sur la menace que fait peser la Colombie sur les Etats-Unis. Celle diffusée en direction des opinions publiques américaine et colombienne fait l'impasse sur la dimension militaire (les pages 24 à 26 disparaissent). Celle enfin proposée à l'Union européenne (UE) insiste sur la défense des droits humains et supprime les références par trop explicites au renforcement militaire. L'UE est en effet censée » mettre au pot « (1 300 milliards de dollars) pour financer le volet » social « de ce plan de guerre. En bons supplétifs des Etats-Unis, le britannique Tony Blair et l'Espagnol José Maria Aznar se sont prononcés pour ce financement. La Belgique, les pays scandinaves (et la Suisse, qui fait partie des » pays donateurs ") s'y sont montrés résolument opposés, la France semblant plus que réservée. Présentée comme un succès par Bogotá, la réunion tenue à Madrid le 7 juillet a approuvé un appui économique de 619 millions de dollars, en provenance des organismes financiers internationaux (Banque interaméricaine de développement, Banque mondiale, ONU, Corporation andine de développement) et du Japon. Mais, des 15 pays de l'UE, seule l'Espagne a mis la main à la poche et déboursé 100 millions de dollars. La France et l'Allemagne ont déclaré qu'elles ne le feraient que dans le cadre d'une décision commune de l'UE. Plut au Ciel que celle-ci rejette cette demande de cadeau empoisonné...

En proposant une solution militaire à un problème - les cultures illicites et le narcotrafic - qui, depuis des années, résiste à toutes les solutions militaires, le Plan Colombie - perçu comme une déclaration de guerre par les guérillas qui, en conséquence, mènent de très violentes actions militaires - ne peut qu'aggraver une situation déjà tragique. Il portera la guerre dans des secteurs qu'elle n'avait jusque-là jamais touchée. Les villes, en particulier. »

https://www.monde-diplomatique.fr/cahier/ameriquelatine/plancolombie

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo