Tableau XVII. Relation
entre la dénutrition et les ressources d'approvisionnement, les
confessions religieuses, les cuisines personnelles et la contraction de la
maladie en prison
Sources d'approvisionnement
alimentaire
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Etat nutritionnel
|
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Dénutris
|
Normal
|
Confession religieuse
|
n=52(%)
|
n=95(%)
|
OR [IC95%]
|
P
|
Non
|
26(52)
|
24(48)
|
2,958 [1,449-6,041]
|
0,00
|
Pas necessaire
|
|
|
|
|
Cuisine personnelle
|
|
|
|
|
Non
|
24(53,3)
|
21(46,7)
|
3,020 [1,456-6,264]
|
0,00
|
Oui
|
28(27,5)
|
74(72,2)
|
|
|
Contraction d'une maladie en prison
|
|
|
|
|
Oui
|
32(51,0)
|
31(49,0)
|
3,30 [1,633-6,680]
|
0,00
|
Non
|
20(24,0)
|
64(76 ,0)
|
|
|
Une association statistiquement significative était
retrouvé entre la dénutrition et le non approvisionnement
alimentaire par les confessions religieuses OR=2,958[1,449-6,041]
p=0,002 ; cuisine personnel OR=3,020[1,456-6,264] p=0,002 ainsi que
la contraction d'une maladie infectieuse en prison OR=3,020[1,633-6,680].
Analyses multi
variées
Tableau XVIII.
Déterminants de la dénutrition.
Déterminants de la dénutrition
|
B
|
E.S.
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Wald
|
pa
|
Exp(B)
|
IC pour Exp(B) 95,0%
|
Inférieur
|
Supérieur
|
Age =46 ans
|
1,261
|
0,364
|
12,032
|
0,001
|
3,530
|
1,731
|
7,201
|
Nombre des repas pris par jour (1 vs 2 repas
|
1,162
|
0,435
|
7,142
|
0,008
|
15,195
|
6,363
|
89,489
|
Appréciation sur la nourriture en quantité
(insuffisante vs suffisante)
|
1,391
|
0,395
|
12,370
|
0,000
|
4,018
|
1,851
|
8,723
|
Contraction d'une maladie en prison (Oui vs
non)
|
1,186
|
0,552
|
,114
|
0,003
|
25,205
|
3,408
|
70,558
|
Constante
|
-,813
|
0,416
|
3,827
|
0,050
|
0,443
|
|
|
Légende : B : coefficient de
régression ; E.S : erreur standard du
coefficient de régression ; Wald : test de
Wald ; pa : p-valeur ajustée ;
Exp(B) : Odds Ratio ajusté, IC pour
Exp(B) : Intervalle de confiance de Exp(B).
Les déterminants de la dénutrition chez les
détenus dans notre milieu d'étude sont l'âge =46 ans
(ORa=3,530 ; IC95%= [1,731-7,201] ; pa=0,001) ; la prise d'un
seul repas par jour (ORa=15,195 ; IC95%= [6,363-89,489] ; pa=0,008) ;
l'appréciation sur la nourriture en quantité (insuffisante vs
suffisante) (ORa=4,018 ; IC95%= [1,851-8,723] ; pa=0,000) ainsi
que la contraction d'une maladie en prison (ORa=25,205; IC95%=
[3,408-70,558] ; pa=0,003)
CHAPITRE V. DISCUSSION DES
RESULTATS
Les résultats de cette étude montrent que sur un
total de 147 détenus ayant constitué notre échantillon, 52
soit 35,4% étaient malnutris. Nos résultats se rapprochent
à ceux de l'ONG « Terre des hommes-lausanne »
(à Conakry) qui rapportait, chez les détenus, la proportion de la
dénutrition de 36,2% (ONG Terre des hommes, 2011). Nos résultats
sont supérieurs de ceux de la MONUSCO qui avait noté une
fréquence de 23,75% des détentions à la MAC de Mbuji-Mayi.
Le contexte sociopolitique et économique peut contribuer à
expliquer ces différences. En effet, le contexte sociopolitique est plus
difficile à Kamina.
L'étude a indiqué une prédominance des
détenus dans la tranche d'âge comprise entre 19 et 45 ans (78,2%).
Les résultats relatifs à l'âge pourraient traduire une
délinquance accrue, ou une justice plus sévère, avec
l'augmentation de l'âge. En effet, en 2017 en France, 54,8%, 41,1% et
2,4% des détenus condamnés étaient âgés
respectivement de plus de 20 ans (Razafindranovono Tiaray, 2017). Il convient
de noter toutefois que l'âge de la responsabilité pénale en
République Démocratique du Congo est de 18 ans et plus. Ce qui
justifie la faible représentativité des mineurs (7,6%) dans notre
échantillon.
Les résultats de cette étude montrent
également une prédominance masculine (91,2%) parmi les
détenus de la prison centrale de Kamina. Nos résultats sont
semblables à ceux de Bado au Burkina qui notait une prédominance
des hommes dans les milieux carcéraux (92,5%). Même constat pour
Brisset qui notait en France que les garçons représentaient
environ 96% de personnes en détention (Brisset C., 2014). Cette
prédominance masculine a été également
rapportée par Walmsley R (2006), qui notait que le sexe féminin
contribue seulement pour 2 à 9 % de la population carcérale
mondiale. A cet effet, Combessie P (2011) affirmait que « la variable
sociologique la plus discriminante en matière de criminalité est
assurément le sexe ». Cliveti M, membre de la commission des
questions sociales, de la santé et de la famille de l'assemblée
européenne disait ceci : « le fossé entre les sexes est sans
doute l'un des aspects les plus remarquables de la criminalité. En
général, le crime est l'apanage des hommes, si bien qu'en
survolant l'histoire des femmes en prison, l'on retrouve les mêmes
inégalités » (Conseil de l'Europe, 2008). Dans nos
sociétés les hommes sont plus exposés aux comportements
délinquants car plus prompts à se retrouver dans la rue où
l'influence des autres est déterminante. En effet, comme le disait
Kvaraceus W, là où sévît la délinquance on
retrouve des `bandes de jeunes' qui se recrutent habituellement parmi les
adolescents instables, sans attaches et sans emploi, qui se retrouvent le plus
souvent dans la rue (Kvaraceus William C, 2014). Or, les filles
s'intègrent moins dans cette culture parce que, dans les
catégories populaires concernées, elles reçoivent la
charge d'aider leurs mères dans les tâches
ménagères, et sont donc moins tournées vers
l'extérieur.
Au regard de cette étude, nous disons que le risque de
dénutrition augmentait avec l'âge, il était très
élevé chez les détenus qui avaient plus de 35 ans. Au
regard de nos résultats, nous pouvons dire que le risque de
dénutrition augmente avec l'âge. Plusieurs auteurs ont
tenté d'expliquer ce phénomène à l'instar de Martin
A et al (2011) qui stipulent que dans le vieillissement normal, des
modifications de l'organisme favorisent la survenue de la dénutrition.
L'avancée dans l'âge peut s'accompagner de troubles de
l'appétit pouvant conduire à une consommation alimentaire
insuffisante. Selon Dinkins et al (2019) on observe chez les personnes
âgées des modifications du métabolisme protéique
conduisant à une diminution progressive de la masse maigre au profit de
la masse grasse. Ce mécanisme appelé sarcopénie conduit
à la dénutrition chez la personne âge de 40 ans et plus
surtout en état de détresse.
Nous avons noté une association significative entre la
prise de moins de deux (2) repas par jour ; la mauvaise
appréciation sur la nourriture en quantité et la
dénutrition chez les détenus. Une étude menée au
Bénin par Sinnaeve O, et al (2016) avait mis en évidence
l'association significative entre la dénutrition et le défaut
quantitatif de la ration alimentaire de 24 dernières heures. Ceci
peut s'expliquer par le fait qu'une bonne alimentation doit respecter quelques
conditions dont une bonne qualité, une quantité suffisante et une
fréquence de prise des repas acceptable.
Dans notre série statistique, une association
statistiquement significative a été trouvée entre la
dénutrition et le non accès à l'eau potable. Selon
Alassane Traore (2018), si la dénutrition ou la sous-nutrition ne peut
être considérée comme une maladie hydrique au sens propre,
on estime qu'elle est associée dans 50% des cas à des
diarrhées, elles-mêmes provoquées par l'ingestion d'eau
insalubre et de mauvaises pratiques d'hygiène. Cette
théorique peut expliquer ma relation trouvée dans notre
étude entre la dénutrition et le non accès à l'eau
potable. Certaines études ont obtenu des résultats similaires.
Une étude Egyptienne menée par Mohamed-Hussein AA et al
(2021) a montré également une relation entre la
dénutrition et le non accès à l'eau potable. Une autre
étude réalisée aux États-Unis a pour sa part
décelée que le risque de dénutrition était
très élevé chez les détenus qui n'avaient pas
accès à l'eau potable.
Signalons que dans cette étude, la durée
d'incarcération supérieure à une année augmentait
2,48 fois le risque de dénutrition chez les détenus. Ces
résultats rejoignent ceux d'autres auteurs qui ont constaté un
lien significatif entre la durée du séjour en prison et
l'accroissement du risque de la dénutrition. Dinkins et al (2019) ont
montré par exemple que dans les prisons d'Haïti, les détenus
bien nouris à leur arrivée en prison présentaient un
risque deux fois plus élevé de développer la malnutrition
après un an de détention. De même, selon Aerts et al (2020)
au Gabon, les prisonniers incarcérés pendant au moins deux ans
seraient plus à risque de développer la malnutrition que ceux qui
avaient été détenus pendant moins d'un an.
La relation entre la dénutrition et la contraction
d'une maladie infectieuse en prison OR=3,020[1,633-6,680] paraît
controversée. La relation entre ces deux pathologies est sujette
à des nombreuses controverses : certains auteurs avaient
trouvé que la dénutrition favoriserait les maladies infectieuses
(Unicef, 2010) alors que d'autres soutiennent que ces sont les maladies
infectieuses qui entraineraient la dénutrition (OMS, 2008), là
où les autres pensent, enfin, qu'il n'existerait aucune relation
statistiquement prouvée (Verhoef H et al., 2012). Dans le cadre de nos
résultats, cette relation s'expliquerait par le fait que les infections,
surtout si elles s'accompagnent de fièvre, entraînent souvent une
perte d'appétit et donc une diminution de la ration alimentaire.
Certaines maladies infectieuses provoquent généralement des
vomissements, ce qui revient au même. En effet, des nombreux auteurs
stipulent que la synergie entre malnutrition et maladies infectieuses est
maintenant reconnue et a été prouvée par les
expérimentations sur les animaux. La présence simultanée
de la malnutrition et de l'infection a des conséquences plus
sérieuses pour l'hôte que si les deux fonctionnent
séparément. Les infections aggravent la malnutrition et une
mauvaise nutrition accentue la gravité des maladies infectieuses. Le
nombre d'infections virales, bactériennes et parasitaires tend à
augmenter et chaque type d'infection peut avoir des répercussions
négatives sur l'état nutritionnel des enfants et des adultes. Une
situation similaire existait en Amérique du Nord et en Europe entre 1900
et 1925 ; les maladies infectieuses courantes ont eu un impact sur la nutrition
et ont entraîné des taux élevés de mortalité.
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