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Infini et liberté dans la philosophie de la renaissance


par Sylvain Sella
Université Paul Valéry Montpellier III - Master 2 2012
  

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Conclusion.

En revanche, le projet éducatif ébauché par les fictions utopiques est suivi par une réalité sociale qui admet et reconnaît les vertus de l'humanisme. Cela finalement aboutira, comme aujourd'hui à la prise de conscience que le niveau d'instuction d'une population est fondamentale pour son développement économique et sociale ainsi que pour sa bonne santé au sens large67. Mais au XVIIème, c'est véritablement Komensky Comenius (1592-1670) qui se fait le porte-parole de l'importance primordiale d'une extension générale du savoir et de son accessibilité au

66 De Pietro Gianonne cité par François Villegardelle La Cité du Soleil Paris, Paul 1841.(numérique)

67 La santé est désormais définie de façon positive pa l'OMS comme «un état de complet bien_être physique, mental et social»

68 Société secrète connue pour sa Fama fraternitatis, une publication affichée sur les murs de Paris en 1616 et qui prétendait détenir un enseignement susceptible de conduire au salut et à la régénération de l'humanité.

plus grand nombre. Le pédagogue tchèque est lui aussi un métaphysicien, partisan d'une sagesse universelle inspirée par l'ésotérisme des Rose-Croix68,tel que présenté par Johan Valentin Andrae avec qui il est en correspondance. L'homme étant conçu à l'image de Dieu, c'est grâce à l'éducation qu'il pourra actualiser son potentiel, voilà la grande idée «utopique» de Comenius, qui semble trop métaphysique pour l'esprit des lumières et Diderot, en praticulier, dénonce l'obscurantisme de sa pensée. Pourtant, deux grandes idées phares notamment dans l'Opera didactica omnia (1657) orientent la volonté d'édification du penseur tchèque : l'homme est destiné à apprendre et son perfectionnement est sans limite ; cette éducation de l'homme sera suivie d'une transformation de la société etd u monde. Mais il ne faut pas s'y tromper, comme pour le citoyen des cités utopiques, l'enseignement ne saurait vraiment valoir pour lui-même, comme la poursuite d'une instruction variée à souhait et sans but. Dans l'Unique nécessaire (1668), ainsi que dans le Labyrinthe du monde et le paradis du coeur , il apparaît qu'une instruction protéiforme et sans fil conducteur pourrait bien davantage nous éloigner de la sagesse divine. Comenius ici, se méfie d'un phénomène de son temps : les livres commencent à être imprimés et publié en grand nombre et il se demande

vers quel type de savoir cela va-t-il nous conduire? On retrouve ici, la problématique déjà évoquée part Platon : sans la connaissance du bien le plus élevé, la connaissance ne se mue pas en sagesse et devient inutile voire nuisible comme dans le cas de la sophistique. Dans l' Euthydème , les protagonistes s'avèrent être capable de toutes sortes d'exercices, notamment athlétiques et militaires et depuis quelque temps, ils professent même la sagesse ; Socrate en les interrogeant, mettra à jour la perversion de leur discours. Il est clair cependant que, afin de parvenir à la vérité et appliquer un plan de sagesse universelle, Comenius veut échapper au risque de confinement de l'enseignement confidentiel de maître à élève et élargit au contraire son projet pédagogique à tous, filles et garçons, riches et pauvres. Il pose ainsi les fondations de l'instruction publique et place l'école au coeur de la vie des jeunes en respectant également une progression naturelle et continue en instituant des cycles scolaires suivant les âges respectifs.

De la lecture de Comenius, il ressort que la sagesse ne saurait être cultivée indépendament d'une vision métaphysique. Cela s'applique, d'une façon générale, à cette étude sur la philosophie de la Renaissance, dont la partie centrale est constitué par ce désir de l'être, cet «éros» philosophique capable de révéler des penseurs à la richesse personnelle qui

deviendra légendaire. Campanella choisit la date de 1600 pour annoncer des changements majeurs dans le monde et c'est aussi la date à laquelle, le bûcher de Giordano Bruno s'embrase. Les limites du monde connu sont repoussés et c'est dans l'espace infini que l'on cherche des lueurs de vérité. Il n'est pas anodin que les artistes ou les scientifiques soient davantage connus ; Copernic, Képler, Galilée, voilà des noms qui renvoient à des découvertes capitales pour la compréhension du monde physique, mais les Marsile Ficin et autre Giordano Bruno proposent une philosophie complète qui ne saurait être réduite à un marchepied pour la modernité. Certes, une rupture s'annonce ; la naissance du paradigme «mécaniste» est rendu possible grâce aux lois de la physique, la métaphysique elle aussi va se muer par la suite en «mathésis universalis». L'histoire de la pensée occidentale peut-elle être pensée selon un progrès de la raison ou vue comme un «oubli» de l'être selon la vision heidegerienne ? L'étude de la philosophie renaissante pourrait constituer surtout une interrogation sur le sens de la metaphysique elle-même, une rémémoration d'avant l»'interdit « kantien. Certes Kant fait sa critique contre la dogmatique et non contre toute réflexion métaphysique, à laquelle il se livre lui-même ; mais inévitablement cela va marquer une étape essentielle dans «le devenir fable du monde vrai». Il est vrai que depuis Aristote, déjà, la «doublure» du réel

est critiqué, la pensée moderne se caractérise par un rejet du «platonisme», qui néanmoins a survécu par le truchement d'objets mathématiques subistant par eux-mêmes et reconnus seulement par quelques spécialistes ; au départ les fondateurs de la logique moderne tels Frege, Russell ou Cantor. Ce dernier soutiendra que la vraie science doit être fondée sur une métaphysique ; l'en soi du monde et ses lois existent réellement et indépendament de notre esprit subjectif. Mais la métaphysique, ne saurait être appréhendée seulement dans son rapport au vrai, mais aussi et surtout dans son expression du beau et du bien, justement la penssée de la Renaissance le montre. Le réel et son être ne cessent de s'imposer, de surgir incessament devant nous et il nous faut le penser. La poésie est-elle seule parvenue à dire le mystère comme l'ont souhaité, chacun à leur façon, Heidegger et le positivisme? Un vide profond est apparu quant à la question du sens de la vie, laissant la place dans la pensée contemporaine, dans les meilleur des cas, à des adeptes orientaux du Yoga et du Vedanta, dans le pire, à de nombreuses dérives sectaires et au grand «bazar» du nouvel-âge. Face à l'impossibilité de donner un sens supérieur à l'existence, la philosophie est devenue affaire de spécialistes, oeuvrant seulement pour un public restreint ; elle s'est professionalisée et il n'est plus vraiment possible de parler d'une vocation à la sagesse. 202Mais il

semblerait que certains veillent, tentant de ranimer les braises d'un ancien foyer. L'»être» n'est -il que la copule permettant de lier nos jeux de langage ou enferme encore et toujours un sens transcendant que l'amour de la sagesse aurait à charge de dire à nouveau : «Et si la métaphysique est intrinséquement compénétrée de l'être, son absolu n'est pas seulement ontologique, mais religieux. C'est dire que la métaphysique est d'essence spirituelle, voire religieuse, car elle exprime une expérience intérieure fondamentale qui est celle de l'Être. Car l'être est intimement l'homme, il est son essence, il est sa réalité, il est sa noblesse il est son mystère»69.

69 Paul Emmanuel Stradda Metaphysica Theoria, tome 3 Philosophie première p 119 , L'Harmattan 2012.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille