III/3 Le Métaphysicien contre le Prince
l' Utopie de More partage des choses essentielles
avec la Cité du soleil de Campanella ; la communauté des
biens, l'amour du travail valorisé en tant que tel et comme service
à l'ensemble dans un dessein plus vaste, le mépris de
l'oisiveté. La société utopique de Campanella bien que
tardive, reste néanmoins parfaitement une oeuvre de la Renaissance en ce
qu'elle parachève et complète le modèle
épistémique que nous avons abondamment rencontré
précédemment. La réflexion du dominicain est bien à
l'image de ces aventuriers de l'esprit dont le caractère brillant,
dérangeant toute l'institution, à l'héroïsme parfait,
celui qui préfère la mort à la dénégation de
soi et qui réflète toute la grandeur d'une pensée
philosophique exprimant l'essence et la destinée unique de l'homme.
Ainsi, le modèle utopique recherché est la projection d'une image
idéale de soi, de l'homme et de son rapport au monde. La Cité
du Soleil est issue d'une métaphysique hermétique qui se
veut d'être la clé d'accès à la lecture du Livre de
la Nature. Cette conception philosophique constitue véritablement une
coupure radicale d'avec la scolastique livresque et la répétition
d'Aristote ; il s'agit plutôt d'accéder directement à la
substance du monde grâce à une théorie de la connaissance
qui le rende possible. L' hermétisme en vogue à la Renaissance
est répandu tant chez l'érudit que chez l'homme
48 Thommaso Campanella Philosophia sensibus demonstrata
p 323 (citation de Marsile Ficin), in Thommaso Campanella le livre et
le corps de la nature Germana Ernst, Paris Les Belles Lettres 2007.
du peuple en particulier grâce à la
proximité, la familiarité que chacun ressent à
l'égard de la théorie des signatures. Que l'univers soit
«à portée de main», car fondamentalement,
essentiellement la même chose que nous-même, cela Campanella l' a
retenu très tôt, et sa légende veut que sa scolarité
se soit déroulée en écoutant à la porte des
classes, lui dont la basse condition ne lui en permettait pas la
fréquentation normale. Cette conviction marquée en faveur des
ressources de l'esprit humain, jalonne l'histoire d'un homme dont la
destinée spirituelle l'a conduit à la confrontation
d'épreuves difficiles. Le premier ouvrage de Tommaso Campanella, le
Philosophia sensibus demonstrata (1591), cite Ficin , qui lui aussi,
établit un lien étroit entre l'élaboration
métaphysique et l'âme du monde : « De l'âme du monde
sort donc sans cesse en quantité une sorte d'esprit animal, sorte de
prolongement de la vie intérieure ; il s'agit d'un feu, et presque d'une
lumière animale tendue vers la dimension,..48» Cette
philosophie spirituelle se distingue de celle qui lui fera suite ; le
modèle mathématico-logique de Descartes, puis Leibniz,
s'écarte de la métaphysique comme métaphore vivante de
l'âme du monde. En cette fin de Renaissance, Campanella devient
emblématique de cette période, où le philosophe-artiste
risque sa vie sur les chemins de la vie et de la pensée,
49 Thommaso Campanella Poésie p
44, cité par Germana Ernst Thommaso Campanella
..op cit p 19.
certain d'être porteur d'une grandeur d'âme en
résonance avec celle du monde. A l'instar de Bruno, son illustre
«prédécesseur», Campanella s'intéresse de
près a Telesio, à l'interprétation de Livre de la Nature.
Le sensualisme de Tommaso n'est pas encore de l'empirisme moderne, loin s'en
faut. C'est évidemment pour mieux comprendre l'action divine qu' il faut
étudier la nature d'après elle-même et non selon
l'autorité de livres autorisés d'après la tradition
médiévale. Mais l'évolution spirituelle de Campanella va
le conduire au seuil de la prophétie ; l'étude des
mystères de la vie fait apparaître une convergence entre les
révélations scripturales bibliques, les signes célestes
montrant la volonté divine, et les analogies présentes dans les
différents éléments qui composent la nature : «le
monde est le livre où l'intelligence Éternelle écrivit ses
propres concepts, et le temple vivant qu'elle orna de bas en haut de statues
vivantes en y peignant ses gestes et son propre exemple»49.
L'aspect multiforme de la connaissance rencontrée chez ce moine
dominicain, l'assurance d'un savoir qui dépasse l'approche classique, la
caractère insatiable de ce besoin d'étudier vont condamner ce
personnage à un rejet et une mise à l'écart
fréquents : «En Mai (1592), Campanella est incarcéré
au couvent de San Domenico ; il est accusé de devoir son savoir
exceptionnel à un démon
50 Germana Ernst Thommaso Campanella op
cit p 36.
51 Ibid p 110.
familier et de s'être moqué des excommunications,
mais ce dont il est véritablement accusé, comme le
démontrera aussi l'acte de condamnation, c'est d'adhérer à
la doctrine de Télésio»50. Les thèses de
celui-ci seront examinées par le Saint Office et son De natura rerum
fût mis à l'index en 1593 . La description d'une
théorie de la connaissance sensualiste et vitaliste n'est pas conforme
au «dogme» aristotélicien ; en effet, le corps humain s'y
montre parcouru par un souffle vital animateur des différentes fonctions
corporelles, à la fois motrices et cognitives, partant du cerveau et se
ramifiant dans tout l'organisme par l'entremise des nerfs. L'élaboration
d'une science naturelle est cependant dépassée par l'oeuvre
«prophétique» du jeune dominicain dont la verve le conduit
à prêcher un réveil spirituel et une remise en cause de ce
qui concerne les points de la dogmatique. Il se veut interprète
fidèle d'un christianisme authentiquement spirituel et dont les
sacrements ne sont pas l'essentiel : «Selon ces témoignages, les
sacrements pour Campanella, «n'ont pas été enseigné
par le Christ», mais ils ont été institués par raison
d'État, c'est à dire pour entretenir la peur et la soumission des
peuples : l'eucharistie en particulier est «une bagatelle et c'est folie
que d'y croire»..51 Sur ce point, et nous y reviendrons, il
peut sembler surprenant, à première vue, de constater que le
52 Han -Fei (IIIè siècle avant), Le Tao
du Prince traduit et présenté par Jean Lévi
p 24 ,points sagesses Seuil 1999.
philosophe mystique rejoigne ici les positions
machiavéliennes sur la religion comme subordonnée à
l'exercice du pouvoir. Ceci dit, l'affaire n'est pas nouvelle et l'on peut
remarquer que dans un ancien traité chinois, Han-Fei Tse ou Le Tao
du Prince, la gouvernance se fonde sur le détachement taoïste
qui fait dire à Lao-Tseu dans son Livre de la voie et de la vertu :
« le Ciel est inhumain : il traite les hommes comme chiens de paille,
le saint est inhumain il traite les hommes comme chiens de
paille»52. Campanella ne va pas aussi loin dans
l'anti-humanisme, la religion reste néanmoins un moyen de
«dresser» le peuple. Ceci dit, si ces discours provoquent
indirectement le soulèvement des moines calabrais pour une plus grande
justice, son intention n'a jamais été la destitution du Roi
d'Espagne et il restera toujours fidèle à l'incarnation du
pouvoir par une figure tutélaire à l'image du principe divin.
Selon ses dires, il ne souhaitait pas pour lui-même le pouvoir mais
préparer un république universelle dont tout le mode aurait pu en
être bénéficiaire, tant les principaux gouvernants que le
peuple lui-même. Thommaso Campanella reconnaît et encourage
l'action humaine opportune mais il l'appelle prudence car celle-ci trouve son
fondement dans la volonté céleste et divine : «S'il est vrai
que toutes les choses sont dirigées par la prudence humaine, cause
connexe
au destin (il met en accord une infinité de causes
concomitantes agissant en vertu de la première, ou, plus exactement, il
en est constitué), c'est l'empire qui a le plus grand besoin de cette
vertu, car elle régit le monde entier et Dieu l'a semée
partout,..»53. L'action machiavélienne serait-elle
totalement à l'opposé de cet ordre du monde ? Si cet ordre
ressemble au cosmos antique, alors l'action machiavélienne s'en montre
respectueux : «Telle est la marche de la fortune : quand elle veut
conduire un grand projet à bien, elle choisit un homme d'un esprit et
d'une valeur assez grands pour savoir profiter de l'occasion qu'elle lui
présente»54. L'étude de Pascal Bouvier met en
présence deux thèses différentes : celle de Anthony J
Parel55 qui soutient la proximité de la pensée de
Machiavel avec la cyclologie propre au cosmos antique : ici, bien entendu, il
s'agit de l'anacyclose56 appliquée aux affaires humaines de
l'historien grec Polybe (IIème av ),(même si machiavel ne le cite
pas expressément, il expose ce point de vue dans ses Discours sur la
première décade de Tite Live), qui prévoit une
décadence naturelle et inévitable de la forme de gouvernance ;
d'une monarchie reposant sur la vertu du souverain, il se produit une
dégénérescence en tyrannie, laquelle sera
contrebalancée par une élite qui
53 Thommaso Campanella Monarchie d'Espagne et Monarchie de
France p 5 Puf 1997 cité par Pascal Bouvier Machiavel ou
Campanella, une alternative moderne p 166 L'harmattan 2007.
54 Nicolas Machiavel Discours sur le première
décade de Tite-Live (Livre II, ch XXIX ); Dossier les clés
de l'oeuvre Le Prince classiques Pocket 1998.
55 Anthony J Parel The Machiavelian cosmos p 28 Yale
University press 1992, cité par Pascal Bouvier op cit p 127.
56 Terme propre à l'astronomie et qui désigne le
retour des astres à leur position intiale.
formera l'aristocratie dont le pendant négatif devient
l'oligarchie, logiquement renversée par la démocratie qui
à son tour dérive en ochlocratie ; un homme providentiel,
finalement, ramènera le cycle à son origine. Machiavel se
révèle bien un partisan conservateur de l'ordre ancien ; le
retour à l'origine est salutaire tant sur le plan de la santé du
corps que celle de l'État : «Ainsi le retour au bien, dans une
république dépend d'un homme ou d'une loi. Celles dont les
Romains se servirent pour ramener la république à son principe
..il faut un homme vertueux qui puisse opposer son courage à la
puissance des transgresseurs ..et s'il ne survient pas un
événement qui renouvelle le souvenir de la punition et remplisse
les esprits d'une terreur salutaire, il se trouve bientôt tant de
coupables qu'on ne peut plus les punir sans danger.»57 . Cela
dit, cette harmonisation possible et souhaitable de l'individuel avec le
collectif selon des cycles et des humeurs changeants s'opposent tout à
fait à la notion de la liberté chrétienne et d'une
Providence divine éclairante conforme au monothéisme
judéo-chrétien. Cela fait fait de Machiavel un païen proche
de la cité antique et de ses dieux, avec leurs initiatives et leurs
caprices, venant conforter in fine la religion astrale ancienne si
emblématique des croyances renaissantes. En revanche, Miguel E
Vatter58, en cela beaucoup
57 Nicolas Machiavel Discours sur le première
décade de Tite-Live (1512-1517) Livre III, ch premier ; Dossier les
clés de l'oeuvre Le Prince classiques Pocket 1998.
58 Miguel E Vatter Between form and event ,Machiavelli's
theory of political freedomDordrecht Boston-Londres ,
plus proche de l'interprétation classique, voit dans la
conception machiavélienne de l'action, justement une figure capitale de
l'avénement de la modernité : «Machiavel serait à la
source de la modernité : en faisant de l'histoire un effet de l'action
libre, un nouveau statut serait donné à la liberté en
accordant un privilège à
l'événement..»59. N'est-il pas
célèbre en effet pour avoir, contre la tradition philosophique de
la tempérance, préféré l'audace à la sage
retenue : «Je pense assurément ceci :qu'il vaut mieux être
impétueux que circonspect, car la fortune est femme ; et il est
nécessaire, si on veut la soumettre, de la battre et de la
frapper»60. Campanella de son côté se montre lui
aussi, à sa façon, déterminé à favoriser
l'initiative humaine et la valeur de son action ; même s'il
établit clairement la distinction entre la fortune et l'astuce, l'une
étant nécessité d'agir d'agir conformément à
la volonté divine, l'autre n'étant que l'intérêt
humain visé à court terme, il n'en reste pas moins que la fortune
peut commander à des actions d'une grande violence et sur ce point , il
n'a rien à envier à Machiavel : la domination d'un pays
étranger impliquant soit sa destruction soit son occupation. Germana
Ernst nous signale dans l'ouvrage déjà mentionné que,
Campanella rappelle souvent cet épisode
Kluwer 2000.
59 Pascal Bouvier Machiavel ou Campanella op cit p
132.
60 Nicolas Machiavel Le Prince (1513) ,classiques Pocket
1998, ch 25 p 121.
61 Germana Ernst Thommaso Campanella op cit, p 133 note
56.
62 Ibid p 134.
justement tiré du Prince61.
Cependant, il faudrait comparer cette forme d'intervention violente avec
les feux et les tempêtes qui vont permettre à la nature de se
renouveler, et la politique pour cet idéaliste, n'est autre que
l'expression visible de l'action divine sur le plan de l'organisation humaine
vue comme un prolongement de la Nature, «l'art intrinsèque de
Dieu» selon l'expression de Germana Ernst62. La guerre peut se
justifier pour des raisons morales et religieuses chez Campanella alors qhe
pour More , elle peut aussi servir à assurer le libre commerce. Mais le
projet utopique jalonnant la fin de la renaissance et le début de
l'âge baroque, vient signifier justement une opposition franche au
réalisme des politiques menées par les puissants. Avec Machiavel
naît cette tendance qui deviendra une constante ; justifier la main basse
sur la cité d'un pouvoir absolu au nom de la raison d'État :
«Mais tandis qu'historiographes et penseurs politiques au service du
pouvoir disputent dans de nombreux traités, de l'Etat réel
(désormais plutôt monarchique que républicain), qu'ils en
définissent les institutions et le fonctionnement afin d'en assurer la
légitimité et la conservation, un groupe disparate d'esprits
«malcontents» et marginaux pose d'emblée le refus de la
réalité politique ambiante, avec
ses violences son cynisme, ses abus de pouvoir, ses
injustices
économiques et sociales et bientôt son dogmatisme
intolérant»63. La violence ne peut pas du tout
être une façon de gouverner ; les actes d'interventions
forcées n'ont rien de désirables ou de légitimes et
interviennent juste comme des purgatifs afin de rendre la santé au
pouvoir politique dont la constitution et l'exercice sont dans le prolongement
de la nature et peuvent se comparer au corps humain : «Le prince
suprême sacré est la tête où réside d'abord
l'âme, et d'où les esprits, les veines, les nerfs et les
artères tirent leur origine ..»64. A ce schéma
céphalocentrique, répond le métaphysicien de la
Cité du soleil, et comme la direction du corps ne saurait
être partagée sans encombre, il en va de même pour
l'exercice du pouvoir qui doit ainsi s'incarner sous la forme d'une
théocratie en la personne du pape réunissant à la fois les
pouvoirs temporels et spirituels. Ce souverain, véritable vicaire de
dieu sur Terre, doit s'élever au dessus de la mêlée afin de
pouvoir diriger et soutenir ses sujets. A ce moment là, le royaume de
Dieu pourra se réaliser en cet âge d'or ; déjà
Campanella, sur ce chemin avait été précédé
par un compatriote calabrais, lui aussi prophète d'un âge
meilleur, où le sermon sur la montagne deviendrait la chose
commune ; il s'agit de l'âge de l'esprit annoncé par Joachim de
Flore au XIIème siècle. L'aspect eschatologique de leurs
écrits respectifs les
63 Adelin Charles Fiorato La Cité heureuse , l'utopie
italienne de la Renaissance à l'âge baroque, introduction p13
L'harmattan 2001.
64 Thommaso Campanella Monarchie du Messie (1606) p
54-55 cité par germana Ernst op cit p 209.
réunit ; la conviction qu'il existe une destinée
toute particulière de la chrétienté y compris ici-bas et
que seule une lecture cachée, dans le Livre de la Nature dans le cas de
Campanella, dans l'Écriture surtout pour de Flore, peut
révéler la teneur particulière des
événements à venir pour l'humanité. Le nombres ont
un sens spécial pour les deux penseurs, en particulier le sept. La
Cité du Soleil, du natif de Stilo, est, à l'image des
sphères planétaires, entourée de sept cercles
concentriques. Cette Cité se pose dés lors comme un microcosme
idéal, une image symbolique parfaite de l'infini se reflétant
pour l'homme, comme un témoignage d'alliance avec le monde divin. Mais
comme dans le cas de l' Utopie de More, elle comporte une organisation
qui, bien que révolutionnaire, ne s'en montre pas moins tout aussi
concrète, et pour le moins fort semblable dans ses aspects les plus
essentiels pour l'homme. L'utopie se construit aussi en réaction avec
cette valorisation de l'individu au dessus de la masse, l'érudit, le
condottiere, l'artiste et qui plaisait tant à Nietzsche. Ainsi, beaucoup
plus qu'une réflexion politique à proprement parler, elle
relève plus largement de tout un mouvement social qui commence à
se dessiner et qui va se poursuivre tout au long de l'histoire
européenne. Par rapport à la société civile
véritable et corrompue, l'Utopie ne peut se développer
qu'à l'écart, sorte d'expérience pilote qui agira en son
temps sur le monde, mais qu'il
convient d'abord de soustraire aux mauvaises influences. Si
elle suscite l'espoir, elle évoque également la nostalgie de
l'état animal, la perfection fonctionnelle de la ruche et de la
fourmilière. Ce modèle chez l'homme n'est cependant pas garanti
par un instinct, et ce qui vient y suppléer c'est un forme
d'hyper-rationalisation ; les réglementations implacables dans tous les
domaines ne laissant rien au hasard. Campanella s'étonne que nous
mettions tant de soins à l'amélioration des éspèces
animales qui nous intéressent sans songer à le faire pour
l'homme. Cet eugénisme déclaré constitue
véritablement le triomphe du modèle collectif au détriment
des particularités individuelles. On peut s'en indigner mais il faut
savoir qu'il a été une constante à travers l'histoire
depuis Sparte jusqu'à la gestion des ressources humaines dans la
Suède encore récemment en passant par l'idéologie nazie ;
la politique de l'enfant unique chinois n'est pas directement eugéniste
mais elle vise un contrôle de la démographie. Là encore,
les utopistes renaissants, comme en témoigne des auteurs italiens moins
connus que Campanella tels Zuccolo et Agostini, se montrent d'ardents
défenseurs de la planification collective qui vient prendre le contre
pied du nouveau modèle montant : l'entrepreneur capitaliste. Il semble
bien que l'ultra réglementation de la Cité du soleil, signifie la
défiance à l'égard d'un système qui prétend
que le «laisser-faire»(qui est en
65 Thommaso Campanella La Cité du Soleil
trad Arnaud Tripet, intro , edit et notes Luigi Firpo, Librairie
Droz Genève 2000.
fait largement un conservatisme) suffit aux besoins de la
société. La cité radieuse est gouvernée par la
majesté d'un Soleil-Principe qui ordonne les choses à partir d'un
archétype idéal. Un mode ainsi dirigé, résout assez
facilement le problème économique en égalisant tous les
niveaux de vie et les besoins ; si le solarien est rentable c'est qu'il
n'entretient pas de désirs superflus, et s'il en est ainsi, c'est
parcequ'il vise avant tout à vivre pour développer la
connaissance. Vivre dans la cité du Soleil, c'est exister sous le
patronnage du Métaphysicien décrit comme quasiment omniscient et
la Connaissance elle-même s'expose sur les murs de la cité. La
pédagogie solarienne dépasse tout ce qui s'est fait jusque
là et tranche résolument avec tout apprentissage redondant et
laborieux : «Il ya en outre, des maîtres qui enseignent ces
disciplines, et les enfants tout en jouant, ont tout appris d'une façon
historique, sans peinr avant d'avoir atteint dix ans»65. Nous
pourrions preque dire que être c'est connaître là bas et
qu'il suffit de participer pour savoir tout ce qui nous intéresse : de
arts et métiers à la vie et la place des grands prophètes
de l'humanité, sans oublier les nouvelles importantes du monde
extérieurs rapportés par des émissaires et bien sûr,
toutes les connaissances relatives aux choses naturelles. Ce qu'il convient
sûrement de retenir de l'utopie pensée par le dominicain de
calabre, c'est
justement ce projet pédagogique qui met en avant
particulièrement bien la perfectibilité de l'homme, car pour le
reste, il nous faut constater que la révolye utopique, comme tout projet
pronant le renversement complet du système établi, se heurte
immanquablement à la force des réalités incontournables.
Campanella a payé très cher sa participation à la
révolte calabraise par les mauvais traitements et une
incarcération prolongée. L'histoire du royaume de
Naples66, nous apprend qu'il est parfois
considéré comme le messie par ses adeptes ; faute de n'avoir pu
établir le «Royaume sur Terre», Campanella s'est
contenté de réaliser le miracle de sa survie dûe aux
«pouvoirs» de la Foi.
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