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Infini et liberté dans la philosophie de la renaissance


par Sylvain Sella
Université Paul Valéry Montpellier III - Master 2 2012
  

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III/3 Le Métaphysicien contre le Prince

l' Utopie de More partage des choses essentielles avec la Cité du soleil de Campanella ; la communauté des biens, l'amour du travail valorisé en tant que tel et comme service à l'ensemble dans un dessein plus vaste, le mépris de l'oisiveté. La société utopique de Campanella bien que tardive, reste néanmoins parfaitement une oeuvre de la Renaissance en ce qu'elle parachève et complète le modèle épistémique que nous avons abondamment rencontré précédemment. La réflexion du dominicain est bien à l'image de ces aventuriers de l'esprit dont le caractère brillant, dérangeant toute l'institution, à l'héroïsme parfait, celui qui préfère la mort à la dénégation de soi et qui réflète toute la grandeur d'une pensée philosophique exprimant l'essence et la destinée unique de l'homme. Ainsi, le modèle utopique recherché est la projection d'une image idéale de soi, de l'homme et de son rapport au monde. La Cité du Soleil est issue d'une métaphysique hermétique qui se veut d'être la clé d'accès à la lecture du Livre de la Nature. Cette conception philosophique constitue véritablement une coupure radicale d'avec la scolastique livresque et la répétition d'Aristote ; il s'agit plutôt d'accéder directement à la substance du monde grâce à une théorie de la connaissance qui le rende possible. L' hermétisme en vogue à la Renaissance est répandu tant chez l'érudit que chez l'homme

48 Thommaso Campanella Philosophia sensibus demonstrata p 323 (citation de Marsile Ficin), in Thommaso Campanella le livre et le corps de la nature Germana Ernst, Paris Les Belles Lettres 2007.

du peuple en particulier grâce à la proximité, la familiarité que chacun ressent à l'égard de la théorie des signatures. Que l'univers soit «à portée de main», car fondamentalement, essentiellement la même chose que nous-même, cela Campanella l' a retenu très tôt, et sa légende veut que sa scolarité se soit déroulée en écoutant à la porte des classes, lui dont la basse condition ne lui en permettait pas la fréquentation normale. Cette conviction marquée en faveur des ressources de l'esprit humain, jalonne l'histoire d'un homme dont la destinée spirituelle l'a conduit à la confrontation d'épreuves difficiles. Le premier ouvrage de Tommaso Campanella, le Philosophia sensibus demonstrata (1591), cite Ficin , qui lui aussi, établit un lien étroit entre l'élaboration métaphysique et l'âme du monde : « De l'âme du monde sort donc sans cesse en quantité une sorte d'esprit animal, sorte de prolongement de la vie intérieure ; il s'agit d'un feu, et presque d'une lumière animale tendue vers la dimension,..48» Cette philosophie spirituelle se distingue de celle qui lui fera suite ; le modèle mathématico-logique de Descartes, puis Leibniz, s'écarte de la métaphysique comme métaphore vivante de l'âme du monde. En cette fin de Renaissance, Campanella devient emblématique de cette période, où le philosophe-artiste risque sa vie sur les chemins de la vie et de la pensée,

49 Thommaso Campanella Poésie p 44, cité par Germana Ernst Thommaso Campanella ..op cit p 19.

certain d'être porteur d'une grandeur d'âme en résonance avec celle du monde. A l'instar de Bruno, son illustre «prédécesseur», Campanella s'intéresse de près a Telesio, à l'interprétation de Livre de la Nature. Le sensualisme de Tommaso n'est pas encore de l'empirisme moderne, loin s'en faut. C'est évidemment pour mieux comprendre l'action divine qu' il faut étudier la nature d'après elle-même et non selon l'autorité de livres autorisés d'après la tradition médiévale. Mais l'évolution spirituelle de Campanella va le conduire au seuil de la prophétie ; l'étude des mystères de la vie fait apparaître une convergence entre les révélations scripturales bibliques, les signes célestes montrant la volonté divine, et les analogies présentes dans les différents éléments qui composent la nature : «le monde est le livre où l'intelligence Éternelle écrivit ses propres concepts, et le temple vivant qu'elle orna de bas en haut de statues vivantes en y peignant ses gestes et son propre exemple»49. L'aspect multiforme de la connaissance rencontrée chez ce moine dominicain, l'assurance d'un savoir qui dépasse l'approche classique, la caractère insatiable de ce besoin d'étudier vont condamner ce personnage à un rejet et une mise à l'écart fréquents : «En Mai (1592), Campanella est incarcéré au couvent de San Domenico ; il est accusé de devoir son savoir exceptionnel à un démon

50 Germana Ernst Thommaso Campanella op cit p 36.

51 Ibid p 110.

familier et de s'être moqué des excommunications, mais ce dont il est véritablement accusé, comme le démontrera aussi l'acte de condamnation, c'est d'adhérer à la doctrine de Télésio»50. Les thèses de celui-ci seront examinées par le Saint Office et son De natura rerum fût mis à l'index en 1593 . La description d'une théorie de la connaissance sensualiste et vitaliste n'est pas conforme au «dogme» aristotélicien ; en effet, le corps humain s'y montre parcouru par un souffle vital animateur des différentes fonctions corporelles, à la fois motrices et cognitives, partant du cerveau et se ramifiant dans tout l'organisme par l'entremise des nerfs. L'élaboration d'une science naturelle est cependant dépassée par l'oeuvre «prophétique» du jeune dominicain dont la verve le conduit à prêcher un réveil spirituel et une remise en cause de ce qui concerne les points de la dogmatique. Il se veut interprète fidèle d'un christianisme authentiquement spirituel et dont les sacrements ne sont pas l'essentiel : «Selon ces témoignages, les sacrements pour Campanella, «n'ont pas été enseigné par le Christ», mais ils ont été institués par raison d'État, c'est à dire pour entretenir la peur et la soumission des peuples : l'eucharistie en particulier est «une bagatelle et c'est folie que d'y croire»..51 Sur ce point, et nous y reviendrons, il peut sembler surprenant, à première vue, de constater que le

52 Han -Fei (IIIè siècle avant), Le Tao du Prince traduit et présenté par Jean Lévi p 24 ,points sagesses Seuil 1999.

philosophe mystique rejoigne ici les positions machiavéliennes sur la religion comme subordonnée à l'exercice du pouvoir. Ceci dit, l'affaire n'est pas nouvelle et l'on peut remarquer que dans un ancien traité chinois, Han-Fei Tse ou Le Tao du Prince, la gouvernance se fonde sur le détachement taoïste qui fait dire à Lao-Tseu dans son Livre de la voie et de la vertu : « le Ciel est inhumain : il traite les hommes comme chiens de paille, le saint est inhumain il traite les hommes comme chiens de paille»52. Campanella ne va pas aussi loin dans l'anti-humanisme, la religion reste néanmoins un moyen de «dresser» le peuple. Ceci dit, si ces discours provoquent indirectement le soulèvement des moines calabrais pour une plus grande justice, son intention n'a jamais été la destitution du Roi d'Espagne et il restera toujours fidèle à l'incarnation du pouvoir par une figure tutélaire à l'image du principe divin. Selon ses dires, il ne souhaitait pas pour lui-même le pouvoir mais préparer un république universelle dont tout le mode aurait pu en être bénéficiaire, tant les principaux gouvernants que le peuple lui-même. Thommaso Campanella reconnaît et encourage l'action humaine opportune mais il l'appelle prudence car celle-ci trouve son fondement dans la volonté céleste et divine : «S'il est vrai que toutes les choses sont dirigées par la prudence humaine, cause connexe

au destin (il met en accord une infinité de causes concomitantes agissant en vertu de la première, ou, plus exactement, il en est constitué), c'est l'empire qui a le plus grand besoin de cette vertu, car elle régit le monde entier et Dieu l'a semée partout,..»53. L'action machiavélienne serait-elle totalement à l'opposé de cet ordre du monde ? Si cet ordre ressemble au cosmos antique, alors l'action machiavélienne s'en montre respectueux : «Telle est la marche de la fortune : quand elle veut conduire un grand projet à bien, elle choisit un homme d'un esprit et d'une valeur assez grands pour savoir profiter de l'occasion qu'elle lui présente»54. L'étude de Pascal Bouvier met en présence deux thèses différentes : celle de Anthony J Parel55 qui soutient la proximité de la pensée de Machiavel avec la cyclologie propre au cosmos antique : ici, bien entendu, il s'agit de l'anacyclose56 appliquée aux affaires humaines de l'historien grec Polybe (IIème av ),(même si machiavel ne le cite pas expressément, il expose ce point de vue dans ses Discours sur la première décade de Tite Live), qui prévoit une décadence naturelle et inévitable de la forme de gouvernance ; d'une monarchie reposant sur la vertu du souverain, il se produit une dégénérescence en tyrannie, laquelle sera contrebalancée par une élite qui

53 Thommaso Campanella Monarchie d'Espagne et Monarchie de France p 5 Puf 1997 cité par Pascal Bouvier Machiavel ou Campanella, une alternative moderne p 166 L'harmattan 2007.

54 Nicolas Machiavel Discours sur le première décade de Tite-Live (Livre II, ch XXIX ); Dossier les clés de l'oeuvre Le Prince classiques Pocket 1998.

55 Anthony J Parel The Machiavelian cosmos p 28 Yale University press 1992, cité par Pascal Bouvier op cit p 127.

56 Terme propre à l'astronomie et qui désigne le retour des astres à leur position intiale.

formera l'aristocratie dont le pendant négatif devient l'oligarchie, logiquement renversée par la démocratie qui à son tour dérive en ochlocratie ; un homme providentiel, finalement, ramènera le cycle à son origine. Machiavel se révèle bien un partisan conservateur de l'ordre ancien ; le retour à l'origine est salutaire tant sur le plan de la santé du corps que celle de l'État : «Ainsi le retour au bien, dans une république dépend d'un homme ou d'une loi. Celles dont les Romains se servirent pour ramener la république à son principe ..il faut un homme vertueux qui puisse opposer son courage à la puissance des transgresseurs ..et s'il ne survient pas un événement qui renouvelle le souvenir de la punition et remplisse les esprits d'une terreur salutaire, il se trouve bientôt tant de coupables qu'on ne peut plus les punir sans danger.»57 . Cela dit, cette harmonisation possible et souhaitable de l'individuel avec le collectif selon des cycles et des humeurs changeants s'opposent tout à fait à la notion de la liberté chrétienne et d'une Providence divine éclairante conforme au monothéisme judéo-chrétien. Cela fait fait de Machiavel un païen proche de la cité antique et de ses dieux, avec leurs initiatives et leurs caprices, venant conforter in fine la religion astrale ancienne si emblématique des croyances renaissantes. En revanche, Miguel E Vatter58, en cela beaucoup

57 Nicolas Machiavel Discours sur le première décade de Tite-Live (1512-1517) Livre III, ch premier ; Dossier les clés de l'oeuvre Le Prince classiques Pocket 1998.

58 Miguel E Vatter Between form and event ,Machiavelli's theory of political freedomDordrecht Boston-Londres ,

plus proche de l'interprétation classique, voit dans la conception machiavélienne de l'action, justement une figure capitale de l'avénement de la modernité : «Machiavel serait à la source de la modernité : en faisant de l'histoire un effet de l'action libre, un nouveau statut serait donné à la liberté en accordant un privilège à l'événement..»59. N'est-il pas célèbre en effet pour avoir, contre la tradition philosophique de la tempérance, préféré l'audace à la sage retenue : «Je pense assurément ceci :qu'il vaut mieux être impétueux que circonspect, car la fortune est femme ; et il est nécessaire, si on veut la soumettre, de la battre et de la frapper»60. Campanella de son côté se montre lui aussi, à sa façon, déterminé à favoriser l'initiative humaine et la valeur de son action ; même s'il établit clairement la distinction entre la fortune et l'astuce, l'une étant nécessité d'agir d'agir conformément à la volonté divine, l'autre n'étant que l'intérêt humain visé à court terme, il n'en reste pas moins que la fortune peut commander à des actions d'une grande violence et sur ce point , il n'a rien à envier à Machiavel : la domination d'un pays étranger impliquant soit sa destruction soit son occupation. Germana Ernst nous signale dans l'ouvrage déjà mentionné que, Campanella rappelle souvent cet épisode

Kluwer 2000.

59 Pascal Bouvier Machiavel ou Campanella op cit p 132.

60 Nicolas Machiavel Le Prince (1513) ,classiques Pocket 1998, ch 25 p 121.

61 Germana Ernst Thommaso Campanella op cit, p 133 note 56.

62 Ibid p 134.

justement tiré du Prince61. Cependant, il faudrait comparer cette forme d'intervention violente avec les feux et les tempêtes qui vont permettre à la nature de se renouveler, et la politique pour cet idéaliste, n'est autre que l'expression visible de l'action divine sur le plan de l'organisation humaine vue comme un prolongement de la Nature, «l'art intrinsèque de Dieu» selon l'expression de Germana Ernst62. La guerre peut se justifier pour des raisons morales et religieuses chez Campanella alors qhe pour More , elle peut aussi servir à assurer le libre commerce. Mais le projet utopique jalonnant la fin de la renaissance et le début de l'âge baroque, vient signifier justement une opposition franche au réalisme des politiques menées par les puissants. Avec Machiavel naît cette tendance qui deviendra une constante ; justifier la main basse sur la cité d'un pouvoir absolu au nom de la raison d'État : «Mais tandis qu'historiographes et penseurs politiques au service du pouvoir disputent dans de nombreux traités, de l'Etat réel (désormais plutôt monarchique que républicain), qu'ils en définissent les institutions et le fonctionnement afin d'en assurer la légitimité et la conservation, un groupe disparate d'esprits «malcontents» et marginaux pose d'emblée le refus de la réalité politique ambiante, avec

ses violences son cynisme, ses abus de pouvoir, ses injustices

économiques et sociales et bientôt son dogmatisme intolérant»63. La violence ne peut pas du tout être une façon de gouverner ; les actes d'interventions forcées n'ont rien de désirables ou de légitimes et interviennent juste comme des purgatifs afin de rendre la santé au pouvoir politique dont la constitution et l'exercice sont dans le prolongement de la nature et peuvent se comparer au corps humain : «Le prince suprême sacré est la tête où réside d'abord l'âme, et d'où les esprits, les veines, les nerfs et les artères tirent leur origine ..»64. A ce schéma céphalocentrique, répond le métaphysicien de la Cité du soleil, et comme la direction du corps ne saurait être partagée sans encombre, il en va de même pour l'exercice du pouvoir qui doit ainsi s'incarner sous la forme d'une théocratie en la personne du pape réunissant à la fois les pouvoirs temporels et spirituels. Ce souverain, véritable vicaire de dieu sur Terre, doit s'élever au dessus de la mêlée afin de pouvoir diriger et soutenir ses sujets. A ce moment là, le royaume de Dieu pourra se réaliser en cet âge d'or ; déjà Campanella, sur ce chemin avait été précédé par un compatriote calabrais, lui aussi prophète d'un âge meilleur, où le sermon sur la montagne deviendrait la chose commune ; il s'agit de l'âge de l'esprit annoncé par Joachim de Flore au XIIème siècle. L'aspect eschatologique de leurs écrits respectifs les

63 Adelin Charles Fiorato La Cité heureuse , l'utopie italienne de la Renaissance à l'âge baroque, introduction p13 L'harmattan 2001.

64 Thommaso Campanella Monarchie du Messie (1606) p 54-55 cité par germana Ernst op cit p 209.

réunit ; la conviction qu'il existe une destinée toute particulière de la chrétienté y compris ici-bas et que seule une lecture cachée, dans le Livre de la Nature dans le cas de Campanella, dans l'Écriture surtout pour de Flore, peut révéler la teneur particulière des événements à venir pour l'humanité. Le nombres ont un sens spécial pour les deux penseurs, en particulier le sept. La Cité du Soleil, du natif de Stilo, est, à l'image des sphères planétaires, entourée de sept cercles concentriques. Cette Cité se pose dés lors comme un microcosme idéal, une image symbolique parfaite de l'infini se reflétant pour l'homme, comme un témoignage d'alliance avec le monde divin. Mais comme dans le cas de l' Utopie de More, elle comporte une organisation qui, bien que révolutionnaire, ne s'en montre pas moins tout aussi concrète, et pour le moins fort semblable dans ses aspects les plus essentiels pour l'homme. L'utopie se construit aussi en réaction avec cette valorisation de l'individu au dessus de la masse, l'érudit, le condottiere, l'artiste et qui plaisait tant à Nietzsche. Ainsi, beaucoup plus qu'une réflexion politique à proprement parler, elle relève plus largement de tout un mouvement social qui commence à se dessiner et qui va se poursuivre tout au long de l'histoire européenne. Par rapport à la société civile véritable et corrompue, l'Utopie ne peut se développer qu'à l'écart, sorte d'expérience pilote qui agira en son temps sur le monde, mais qu'il

convient d'abord de soustraire aux mauvaises influences. Si elle suscite l'espoir, elle évoque également la nostalgie de l'état animal, la perfection fonctionnelle de la ruche et de la fourmilière. Ce modèle chez l'homme n'est cependant pas garanti par un instinct, et ce qui vient y suppléer c'est un forme d'hyper-rationalisation ; les réglementations implacables dans tous les domaines ne laissant rien au hasard. Campanella s'étonne que nous mettions tant de soins à l'amélioration des éspèces animales qui nous intéressent sans songer à le faire pour l'homme. Cet eugénisme déclaré constitue véritablement le triomphe du modèle collectif au détriment des particularités individuelles. On peut s'en indigner mais il faut savoir qu'il a été une constante à travers l'histoire depuis Sparte jusqu'à la gestion des ressources humaines dans la Suède encore récemment en passant par l'idéologie nazie ; la politique de l'enfant unique chinois n'est pas directement eugéniste mais elle vise un contrôle de la démographie. Là encore, les utopistes renaissants, comme en témoigne des auteurs italiens moins connus que Campanella tels Zuccolo et Agostini, se montrent d'ardents défenseurs de la planification collective qui vient prendre le contre pied du nouveau modèle montant : l'entrepreneur capitaliste. Il semble bien que l'ultra réglementation de la Cité du soleil, signifie la défiance à l'égard d'un système qui prétend que le «laisser-faire»(qui est en

65 Thommaso Campanella La Cité du Soleil trad Arnaud Tripet, intro , edit et notes Luigi Firpo, Librairie Droz Genève 2000.

fait largement un conservatisme) suffit aux besoins de la société. La cité radieuse est gouvernée par la majesté d'un Soleil-Principe qui ordonne les choses à partir d'un archétype idéal. Un mode ainsi dirigé, résout assez facilement le problème économique en égalisant tous les niveaux de vie et les besoins ; si le solarien est rentable c'est qu'il n'entretient pas de désirs superflus, et s'il en est ainsi, c'est parcequ'il vise avant tout à vivre pour développer la connaissance. Vivre dans la cité du Soleil, c'est exister sous le patronnage du Métaphysicien décrit comme quasiment omniscient et la Connaissance elle-même s'expose sur les murs de la cité. La pédagogie solarienne dépasse tout ce qui s'est fait jusque là et tranche résolument avec tout apprentissage redondant et laborieux : «Il ya en outre, des maîtres qui enseignent ces disciplines, et les enfants tout en jouant, ont tout appris d'une façon historique, sans peinr avant d'avoir atteint dix ans»65. Nous pourrions preque dire que être c'est connaître là bas et qu'il suffit de participer pour savoir tout ce qui nous intéresse : de arts et métiers à la vie et la place des grands prophètes de l'humanité, sans oublier les nouvelles importantes du monde extérieurs rapportés par des émissaires et bien sûr, toutes les connaissances relatives aux choses naturelles. Ce qu'il convient sûrement de retenir de l'utopie pensée par le dominicain de calabre, c'est

justement ce projet pédagogique qui met en avant particulièrement bien la perfectibilité de l'homme, car pour le reste, il nous faut constater que la révolye utopique, comme tout projet pronant le renversement complet du système établi, se heurte immanquablement à la force des réalités incontournables. Campanella a payé très cher sa participation à la révolte calabraise par les mauvais traitements et une incarcération prolongée. L'histoire du royaume de Naples66, nous apprend qu'il est parfois considéré comme le messie par ses adeptes ; faute de n'avoir pu établir le «Royaume sur Terre», Campanella s'est contenté de réaliser le miracle de sa survie dûe aux «pouvoirs» de la Foi.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984