§4. Les Crises Economiques Et Les Guerres
A. La première guerre mondiale
La première guerre mondiale marque une rupture brutale
dans l'évolution des dépenses publiques et dans la nature des
fonctions de l'Etat. Le financement de la guerre provoque un gonflement subit
des dépenses de l'Etat malgré une diminution parallèle de
toutes les autres catégories de dépenses publiques. Ainsi en
1916, la défense nationale coûte 8 fois plus chère qu'en
1913.
Après la guerre, si les dépenses de
défense nationale diminuent rapidement, le relais est pris par le
paiement des dommages de guerre, par les pensions des anciens combattants et
par l'accroissement de la dette publique qui a plus que quadruplé entre
1914 et 1921.
63 Fabrice MAZEROLLE, op.cit, p25
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A côté de ces dépenses, on note de
multiples interventions de l'Etat dans la vie économique et sociale :
quasi-monopole du commerce extérieur, rationnement et contrôle des
prix des biens de consommation alimentaire, extension de la législation
sociale des industries d'armement, contrôle des prix des fournitures de
guerre. Un décret du 15 juillet 1915, permettra même au
gouvernement français d'accorder des avances aux industriels pour leurs
investissements.
L'idée que l'Etat pouvait être appelé au
cours des périodes difficiles, à élargir le champ de sa
vocation en se faisant le protecteur, et non le simple arbitre, du
système capitaliste, fût progressivement admise.
Ce changement considérable, opéré dans la
conception des missions de l'Etat, se radicalisa dans les années qui
suivirent la grande crise de 1929. En effet, avant même que John Maynard
Keynes ait développé sa « Théorie
Générale de l'Emploi, de l'intérêt et de la monnaie
»
et jeté les fondements théoriques d'une
légitimité du rôle régulateur de l'Etat, plusieurs
grandes puissances, animées par des motifs politiques très divers
allaient déjà mettre en oeuvre des politiques de lutte contre la
crise.64
B. La crise de 1929 et le New Deal Américain de
1934
Le New Deal est le nom de la politique
interventionniste mise en place par le président Franklin Roosevelt pour
lutter contre la crise économique de 1929. Cet exemple est
particulièrement intéressant car il s'agit d'un pays qui, bien
que profondément imprégné par l'idéologie
libérale, va mettre en oeuvre un arsenal de mesures
réglementaires réorganisant tous les aspects essentiels de la vie
économique et sociale.
Le New Deal constitue donc une première
expérience d'Etat providence aux Etats-Unis. Les historiens ont coutume
de distinguer deux New Deal. 65
Le premier mis en oeuvre au cours des 100 jours (du 9 mars au
16 juin 1933) et qui comprend un grand nombre de mesures réglementant
l'organisation monétaire et le contrôle du crédit, le
contrôle des opérations boursières, les rapports entre
l'état et les industriels, les rapports entre patrons et ouvriers, les
droits syndicaux, le
64 Michel Beaud et Gilles Dostaler, La pense
économique depuis Keynes, Paris, Seuil, 1993, p. 57.
65 Joseph D. et Philippe Guglan, Analyses
économiques des crises, PUF, Paris, 2001, p14
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contrôle des ententes, le mécanisme de soutien
des prix agricoles, la limitation des productions agricoles, la lutte massive
contre le chômage (politique des grands travaux), la politique
d'aménagement du territoire (expérience de la Tennessee
Valley).
Le second New Deal fait suite à l'invalidation de
l'Agricultural Adjustment Act (AAA) et le National Industrial
Recovery Act (NIRA) par la Cour Suprême. Roosevelt est alors
amené à proposer une nouvelle série de mesures
réformatrices. Durant le 1er New Deal, Roosevelt bénéficie
d'un Congrès qui lui est dévolu (victoire écrasante du
Parti Démocrate aux élections de 1932) et d'un climat
d'incertitude lié à la Crise de 1929. Il peut ainsi
procéder à une série de mesures destinées à
rétablir l'équilibre du système bancaire, du marché
financier et aider les chômeurs.66
Ø Le 6 mars 1933, toutes les banques seront
fermées durant quatre jours (Bank Holidays), le temps que le
Congrès, réuni en session extraordinaire, vote l'Emergency
Banking Act. Une nouvelle commission, la Securities and Exchange
Commission (SEC), est chargée de réguler les marchés
financiers et de jouer le rôle de gendarme. Afin de permettre une
remontée des prix, l'étalon or est abandonné en avril
1933. Il s'ensuit une baisse du dollar (ce dernier est dévalué en
1934 et fixé à 59,06% de sa valeur) et une lente reprise
économique ;
Ø L'Administration américaine entreprit
également de protéger les agriculteurs contre les aléas du
marché en distribuant des subventions fédérales et en
contrôlant la production par l'Agricultural Adjustment Act. La
réduction des récoltes fût décidée pour faire
remonter les cours des matières agricoles.
The National Industrial Recovery Act fat sign end 1933. Il
s'appuyait sur deux types de réformes. D'un côté, il
encourageait les industriels à signer des codes de loyale concurrence,
de l'autre, il accordait aux ouvriers la liberté de se syndiquer et de
négocier des conventions collectives.
66 Denis HUISMAN, et Serge le Strat, lexique de
philosophie, éd Nathan, paris, P25
49
Ø L'une des plus grandes avancées de cette
période est cependant le vote du Social Security Act, le 14
août 1935. Les Etats-Unis se dotent d'un système de protection
sociale au niveau fédéral : retraite pour les plus de 65 ans,
assurance chômage et aides diverses pour les handicapés (la
maladie et l'invalidité ne seront pas couvertes).
Les années 30 verront aussi la création d'un
système de retraites par répartition destinée à
protéger les personnes âgées contre la misère.
Toutes ces dispositions furent saluées par le patronat, les
salariés et l'ensemble des américains.
Le New Deal lançait ainsi les bases du Welfare
State. Les réformes de Roosevelt seront brusquement
arrêtées par la Cour Suprême dès 1835. C'est tout la
NRA qui est condamnée. Les neuf juges estimaient que les codes de loyale
concurrence allaient à l'encontre des dispositions commerciales de la
Constitution ;
Puis, c'est au tour de l'AAA d'être invalidée en
janvier 1936 pour avoir créée une taxe illégale en faveur
des exploitants agricoles. 67
Ces deux arrêts interviennent au moment où les
Etats-Unis renouent avec la croissance et n'auront pas de conséquences
sur l'activité économique. Toutefois, le pays connaît une
nouvelle récession au cours de l'été 1937. Cette
dernière a pour conséquence d'entraîner une diminution de
la production de 30% et une augmentation de près de 5 pts du taux de
chômage (14,3% à 19%) entre 1937 et 1938. Roosevelt convoquera le
Congrès et obtiendra une rallonge budgétaire de 5 milliards de
dollars. Grâce à cette injonction de nouveaux crédits, la
situation s'améliora. Le Second New Deal comportait des mesures
telles que la limitation de la durée hebdomadaire du travail à 44
heures ; la mise en place d'un salaire minimal ; l'ouverture de crédits
pour la construction d'habitations ainsi que diverses mesures en faveur de
l'agriculture.
Mais surtout, contrairement au premier New Deal, le second
fût fortement influencé par les travaux de John Maynard Keynes et
l'école dite des conjoncturistes (Hansen, Foster). A l'Etat arbitre,
devenu l'Etat protecteur, allait ainsi se substituer l'Etat interventionniste,
ayant le devoir de veiller au bien-être de la population, et donc de se
substituer, chaque fois que nécessaire, aux partenaires
défaillants.68
67 Joseph D et Philippe G., op.cit., p15
68 Pierre Rosanvallon, La crise de l
Etat-providence, Paris, Seuil, 1981, p. 50
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