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L’intelligence artificielle. Outil de la gestion des connaissances.


par Jamal ELMAHDALI
Ecole de Management de Grenoble - Mastère spécialisé en management des systèmes d'information 2018
  

Disponible en mode multipage

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L'intelligence artificielle : outil de la gestion

des connaissances

Thèse professionnelle

Comment automatiser la classification d'une base
documentaire grâce au Machine Learning ?

Jamal EL MAHDALI

MASTERE SPECIALISÉ

MANAGEMENT DES SYSTEMES D'INFORMATION

DÉCEMBRE 2018

 

1

Remerciements

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce au concours de plusieurs personnes à qui je voudrais témoigner toute ma reconnaissance.

Je remercie bien sûr mon tuteur école, Alain RIVET, pour ses conseils dans l'approche de cette étude.

Le sujet de l'étude a été proposé par TCS et je tiens à remercier Hervé LEBEL, Manager, et Charles SIMILIA, Directeur de projets pour leur participation.

Mes remerciements vont aussi à tous les professionnels qui ont accepté de partager leur expérience.

Enfin, je suis reconnaissant envers ma famille et mes proches qui m'ont encouragé et soutenu dans cette entreprise. Et je tiens à remercier particulièrement mon épouse pour son soutien et sa patience sans lesquels ce travail n'aurait pu aboutir.

2

Résumé

Cette étude a pour objectif de proposer une série de recommandations dans le cadre d'un projet pilote, pour automatiser la classification d'une masse importante de documents textuels. Les méthodes utilisées dans ce mémoire sont classiques, à savoir une revue de littérature complétée par une série d'entretiens avec des professionnels.

A l'époque de l'économie de la connaissance, l'enjeu de la gestion des connaissances et en particulier de la gestion d'information est crucial pour les entreprises. L'accès aux documents, support de la connaissance explicite, est de plus en plus difficile pour les utilisateurs, eu égard à l'infobésité galopante et à la structure hiérarchique des bases documentaires étouffées par les strates accumulées au fil des années.

Certaines entreprises profitent des opportunités offertes par la transformation digitale pour basculer leurs bases documentaires, importante partie de leur patrimoine informationnel, vers des solutions cloud de type ECM afin de mieux les gérer. Ces nouveaux outils issus du web 2.0 apportent une multitude de fonctionnalités qui permettent d'accroître la productivité des utilisateurs, en facilitant le transfert des connaissances. L'accès aux informations sur ces outils est facilité par une organisation de la connaissance basée sur l'étiquetage des documents, via la méthode des métadonnées. Ces nouveautés apportent leur lot de changements d'usage qu'il faut gérer avec une stratégie de conduite du changement.

Une autre problématique, plus technique, empêche la faisabilité du projet. D'une part, l'étiquetage de documents est difficilement automatisable, car la complexité de la tâche requiert un système de règles dont le coût ne serait pas justifié. D'autre part, la quantité astronomique de documents à étiqueter n'est pas réalisable manuellement, ce qui mène le projet à une impasse.

Une discipline, très médiatisée ces derniers temps, propose des solutions à ce type de problème, c'est le Machine Learning. Ce domaine a connu des progrès spectaculaires ces vingt dernières années, grâce aux progrès des capacités de calcul et à l'explosion des données disponibles. Ces méthodes sont totalement différentes des solutions classiques, car elles se basent sur une démarche empirique qui consiste à construire une solution qui imite le processus cognitif humain simplement à partir d'exemples.

La littérature est relativement fournie à ce sujet, surtout sur les aspects techniques. Nous avons pu y relever un certain nombre de spécificités propres au traitement de données textuelles, ainsi que d'autres comme l'implication des métiers au point de le faire participer aux tâches de construction de la solution.

Le retour d'expérience des professionnels valide en grande partie les informations issues de la littérature, et complète celle-ci par certaines informations concernant les aspects organisationnels à appliquer dans le cadre de cette démarche.

Nous n'avons pas relevé de contradictions dans cette étude entre la littérature et le monde professionnel, ce qui a facilité la rédaction des recommandations. Ces dernières font un focus sur les méthodes et techniques à privilégier dans le cadre de la modélisation d'une solution de classification automatique de documents.

3

Table des matières

Remerciements 1

Résumé 2

Table des matières 3

Table des figures 5

Liste des tableaux 5

1 INTRODUCTION GENERALE 6

1.1 Contexte de l'étude 7

1.1.1 Etat des lieux 7

1.1.2 Les bases documentaires IT 7

1.2 Problématique 8

1.2.1 Questions de recherche 8

1.3 Méthodologique 9

1.3.1 Revues de littératures 9

1.3.2 Entretiens 9

2 GESTION DES CONNAISSANCES ET CLASSIFICATION 11

2.1 La gestion des connaissances 11

2.1.1 Définition du KM 11

2.1.2 La connaissance 12

2.1.3 Création et transfert de la connaissance 13

2.2 Gestion documentaire 14

2.2.1 Outils et méthodes 14

2.2.2 Classification de documents 16

2.2.3 Accès à l'information 16

2.2.4 Métadonnée 17

2.3 Etiquetage manuel 17

2.4 Conclusion 18

3 L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LA CLASSIFICATION DE DOCUMENTS 19

3.1 L'intelligence artificielle 19

3.1.1 Différentes définitions 19

3.1.2 Historique de l'intelligence artificielle 19

3.1.3 L'intelligence artificielle est déjà là ! 20

3.1.4 Enjeux pour les entreprises 21

3.2 Les domaines de l'intelligence artificielle 22

3.2.1 Les approches 23

4

3.2.2 Les sous-domaines de l'intelligence artificielle 23

3.3 La classification de document 25

3.4 Le traitement automatique du langage naturel 25

3.5 Le Machine Learning 26

3.5.1 Les modes d'apprentissage et les types de problèmes à résoudre 27

3.5.2 Les étapes du Machine Learning supervisé 27

3.5.3 Les données 29

3.5.4 Les algorithmes utilisés en Machine Learning 30

3.5.5 Algorithmes adaptés à la classification de document textuel 32

3.5.6 La mesure des performances du modèle 33

3.5.7 Leviers d'ajustement 35

3.6 Spécificités de la classification de texte 37

3.6.1 Etapes du pré-traitement des données textuelles 37

3.7 Outils 40

3.8 Conclusion 41

4 ENTRETIENS 42

4.1 Aspect projet 42

4.1.1 Quelle méthode de projet choisir ? 42

4.1.2 Phase de cadrage 42

4.1.3 Quels sont les rôles et compétences nécessaires ? 43

4.1.4 Comment définir la qualité du livrable ? 43

4.1.5 Comment estimer l'opportunité ? 43

4.1.6 Quels sont les principaux risques ? 44

4.1.7 Faut-il prévoir une MCO particulière ? 44

4.2 Aspect technique 45

4.2.1 Comment préparer les données ? 45

4.2.2 Choix de l'algorithme 45

4.2.3 Validation et régularisation du classifieur 46

4.2.4 Outillage 46

4.3 Conclusion 47

5 RECOMMANDATIONS SYNTHÉTISÉES 48

6 CONCLUSION 50

BIBLIOGRAPHIE 52

ANNEXE 58

5

Table des figures

FIGURE 1- INTERDISCIPLINARITE DE LA GESTION DES CONNAISSANCES (DALKIR, 2013) 12

FIGURE 2 - PYRAMIDE DIKW (ERMINE, ET AL., 2012) 12

FIGURE 3 - MODELE SECI (NONAKA, ET AL., 2000) 13

FIGURE 4 - CYCLE CONNAISSANCE-INFORMATION (BLUMENTRITT & JOHNSTON, 1999) 14

FIGURE 5 - INTEGRATION DE LA GESTION DOCUMENTAIRE DANS L'ECM (KATUU, 2012) 15

FIGURE 6 - CYCLE DE VIE DU DOCUMENT (CABANAC & AL, 2006) 16

FIGURE 7 - ADOPTION DE L'IA PAR LES ENTREPRISES (MIT, 2017) 21

FIGURE 8 - CHAMPS DE L'IA (VILLANUEVA & SALENGA, 2018) 23

FIGURE 9 - L'IA : UNE INTERCONNEXION D'APPLICATIONS, DE DOMAINES ET DE METHODES (SEE, 2016) 24

FIGURE 10 - LA CLASSIFICATION, A LA CROISEE DES CHEMINS DE L'IA 25

FIGURE 11 - LES DEUX PHASES DE L'APPRENTISSAGE AUTOMATIQUE (CHAOUCHE, 2018) 26

FIGURE 12 - ETAPES DE MODELISATION D'UN CLASSIFIEUR 28

FIGURE 13 - IMPORTANCE DES DONNEES PAR RAPPORT AUX ALGORITHMES (BANKO ET BRILL - 2001) 29

FIGURE 14 - EXEMPLE DE MATRICE DE CONFUSION ACCOMPAGNEE DE LA F-MESURE (F1) (AWS, S.D.) 35

FIGURE 15 - CONSEQUENCES DU SOUS-APPRENTISSAGE ET DU SUR-APPRENTISSAGE SUR LE TAUX D'ERREUR (AL-BEHADILI, ET AL.,

2018) 35

FIGURE 16 - PROCESSUS DE MODELISATION D'UN CLASSIFIEUR (OSISANWO, 2017) 36

FIGURE 17 - PRE-TRAITEMENT DES DONNEES TEXTUELLES 37

FIGURE 18 - ETAPES DU PRE-TRAITEMENT DES DONNEES TEXTUELLES (OSISANWO, 2017) 38

FIGURE 19 - COMPARAISON DES MLAAS DE AWS, MS, GOOGLE ET IBM (ALTEXSOFT, 2018) 40

FIGURE 20 - AZURE ML TEXT CLASSIFICATION WORKFLOW (ABDEL-HADY, 2015) 40

Liste des tableaux

TABLEAU 1 - REPRESENTATION DES DONNEES SOUS FORME D'UNE MATRICE (BIERNAT & LUTZ, 2015) 30

TABLEAU 2 - EXEMPLES D'ALGORITHMES (BIERNAT & LUTZ, 2015) 31

TABLEAU 3 - MATRICE DE CONFUSION 34

TABLEAU 4 - MATRICE DOCUMENT-TERMES 39

6

1 INTRODUCTION GENERALE

La maxime "Scientia potentia est"1 est plus pertinente que jamais dans le monde d'aujourd'hui. Ce qu'une entreprise sait est souvent plus important que ce qu'elle produit. La bonne gestion des connaissances au sein des organisations est une question stratégique, plus encore pour le domaine de l'informatique, car marqué par une rotation des employés et des technologies. Dans ce secteur, le patrimoine informationnel doit être maintenu pour garantir sa qualité et en faciliter sa circulation. Malheureusement encore trop d'entreprises stockent leurs documents sur des serveurs bureautique, se coupant ainsi de l'apport des technologies du web 2.0, connues pour faciliter l'échange informationnel et la collaboration.

Une grande entreprise consciente de l'enjeux a décidé d'actionner ce levier. La DSI2 de cette organisation a pris la décision de basculer ses bases documentaires vers la solution cloud SharePoint Online. Pour bénéficier des fonctionnalités de recherche de SharePoint, les documents doivent tous être taggués (étiquetés) avec leur(s) catégorie(s) en utilisant les métadonnées. Pour valider la faisabilité de ce projet, une opération pilote sur les bases documentaires du département EUS3 de la DSI doit être effectuée. Cette opération ne peut pas être effectuée manuellement, car le corpus compte plusieurs dizaines de milliers de documents, il faut donc automatiser cette tâche.

Avec l'arrivée de l'intelligence artificielle, l'automatisation n'est plus confinée aux seules tâches courantes, les progrès rapides dans ce domaine annoncent le remplacement d'un plus grand nombre d'activités par des machines. Ainsi elle ouvre d'innombrables perspectives aux entreprises en termes de productivité. Des spécialistes de renom proposent d'explorer ces opportunités pour améliorer la performance de la gestion des connaissances. Parmi ces solutions, le Machine Learning est la discipline qui se distingue le plus. Elle s'est considérablement développée au cours des quinze dernières années en raison de la croissance de la puissance de calcul disponible ainsi que des progrès réalisés dans la conception d'algorithmes.

Il nous parait nécessaire d'explorer cette méthode pour savoir si elle peut solutionner notre problème, et si oui, comment ?

Nous commencerons par une revue de littérature qui va porter dans un premier temps, sur l'enjeu pour les entreprises de gérer efficacement leur capital informationnel, ensuite nous étudierons le rôle que joue la classification dans la gestion d'information. Dans un deuxième temps, nous essayerons de comprendre ce qu'est l'intelligence artificielle avant de passer au coeur de la partie théorique, c-à-d rechercher les méthodes du Machine Learning applicables au domaine de la gestion documentaire, et plus particulièrement à la classification de documents.

Nous compléterons la revue de littérature par une série d'entretiens auprès de professionnels du secteur pour collecter des retours d'expériences, qui ne sont pas légion dans ce domaine.

Enfin, l'analyse des résultats de cette recherche permettra de proposer des recommandations.

1 Le savoir est pouvoir

2 Direction des systèmes d'information

3 End User Services : support aux utilisateurs

7

1.1 Contexte de l'étude

Dans le cadre d'un projet de transformation digitale, l'entreprise TCS4 recherche une solution pour préparer la migration des bases documentaires d'une grande entreprise française vers le cloud. Le premier objectif est l'identification et la classification des bases de connaissances, le deuxième est l'implémentation d'un outil pour aider l'utilisateur à mieux classer les nouveaux documents. Afin d'atteindre cet objectif, TCS souhaite intégrer une solution de classification automatique basée sur l'intelligence artificielle. Cette étude a pour objectif d'éclairer le sujet à travers une série de recommandations.

1.1.1 Etat des lieux

La DSI du groupe a décidé de transférer une partie de son patrimoine informationnel, composé de nombreuses bases documentaires actuellement stockées sur ses serveurs, vers le cloud, plus précisément vers la solution ECM5 de Microsoft : SharePoint Online. Le but est de promouvoir un usage des informations contenues dans les documents qui soit plus intuitif et collaboratif. La problématique principale consiste à préparer cette migration, en effet, les bases documentaires ne sont pas systématiquement structurées de façon hiérarchique, c-à-d que les documents sont éparpillés sur différents dossiers partagés. Il faut trouver une solution pour classifier ces documents avant de les transférer sur le cloud. Une autre problématique concerne l'implémentation d'une solution d'assistance « en ligne » complétement automatisée, qui aidera les utilisateurs à mieux classer leurs nouveaux documents sur le cloud, ce deuxième point ne sera pas abordé dans cette étude.

La contrainte principale est le temps nécessaire pour classer manuellement les éléments de ces bases documentaires, car d'une part, le nombre de fichiers à classer est important et d'autre part, la tâche de classification manuelle prend du temps eu égard au processus cognitif nécessaire pour classer un document dans la bonne catégorie. Or, l'entreprise n'a ni le temps ni le budget suffisant pour préparer les bases documentaires manuellement.

1.1.2 Les bases documentaires IT

La gestion des connaissances dans le domaine de l'informatique est importante, les bases documentaires le sont aussi parce qu'elles sont le support principal du transfert de l'information et donc des connaissances. Une bonne gestion des connaissances répond aux contraintes inhérentes de la vie d'un service informatique, notamment :

4 TATA Consultancy Services

5 Entreprise Content Management

·

8

L'obsolescence technologique : Le domaine informatique est très dépendant de la technologie. Contrairement à d'autres métiers, il faut régulièrement mettre à jour les outils, mais aussi les compétences des collaborateurs. En effet, l'obsolescence des compétences est un phénomène qui survient régulièrement à la suite d'une évolution technologique (Geyer, 2017).

· Le turn-over : Le taux de turn-over dans le secteur informatique est le plus élevé du marché, avec près de 20% (Lo, 2014) , il n'est pas nouveau et est propre au secteur, les entreprises doivent éviter de perdre une partie de leurs connaissances avec le départ de collaborateurs (Chafiqi & El Moustafid, 2006).

· L'externalisation : 90% des entreprises en France ont eu recours à l'externalisation de leur informatique, ce type d'activité est marqué par un niveau d'externalisation élevé (ABSYS, 2016), il faut gérer au mieux la transition entre les fournisseurs, notamment le transfert des connaissances (Grim-Yefsah, et al., 2010).

De façon générale, les acteurs du domaine de l'informatique sont soucieux du niveau de qualité de leur base de connaissances (Jäntti & Cater-Steel, 2017).

1.2 Problématique

Quelles sont les bonnes pratiques qui permettent de réussir l'implémentation d'une solution basée sur l'intelligence artificielle pour automatiser la classification d'une base documentaire ?

1.2.1 Questions de recherche

Dans un premier temps, nous essayerons de comprendre l'importance de la classification des données dans le cadre de la gestion des connaissances et plus particulièrement de la gestion documentaire, ainsi que du rôle des métadonnées.

Question de recherche 1 : Quelle est l'importance de la classification et du rôle des métadonnées dans le domaine de la gestion des connaissances et en particulier pour la gestion documentaire ?

Une seconde question permettra de comprendre ce qu'est l'intelligence artificielle et les sous-domaines la composant afin de cibler les méthodes applicables à notre étude.

Question de recherche 2 : Quelles méthodes basées sur l'intelligence artificielle permettent d'automatiser la tâche de classification manuelle des documents textuels d'une base documentaire ?

Enfin, la dernière question devra mettre en exergue les bonnes pratiques pour réussir l'implémentation d'une solution basée sur l'intelligence artificielle, notamment dans le contexte de notre étude, en utilisant les retours d'expériences d'experts dans le domaine.

Question de recherche 3 : Quelles sont les bonnes pratiques à appliquer pour réussir l'automatisation de la classification de documents ?

9

1.3 Méthodologie

Une série de recommandations sera formulée dans le chapitre 5 à partir de l'analyse de la revue de littérature et des entretiens.

1.3.1. Revue de littérature

Nous abordons notre étude par une revue de littérature qui va porter sur les grands thèmes de cette problématique. Dans le chapitre 2, nous verrons l'importance que requière la gestion des connaissances pour les entreprises, ensuite nous ferons un focus sur le rôle de la gestion documentaire, puis nous finirons sur les méthodes de structuration de bases documentaires et leur importance. Dans le chapitre 3, nous verrons les enjeux de l'intelligence artificielle pour les organisations, puis nous rechercherons les méthodes du Machine Learning qui conviennent le mieux à notre problématique.

1.3.2 Entretiens

Pour compléter la revue de littérature, des données ont été collectées auprès d'entreprises qui utilisent ou délivrent des services dans le domaine du Machine Learning, à travers cinq entretiens semi-directifs.

L'entretien est une technique d'investigation qui nous permet de recueillir des informations auprès de professionnels. Il existe trois types d'entretiens, directif, non-directif et semi-directif, c'est ce dernier qui a été choisi. La réalisation de l'entretien semi-directif implique la prise en compte d'un certain nombre d'éléments parmi lesquels figurent les buts de l'étude, le cadre conceptuel, les questions de recherche (Imbert, 2010).

La méthode de l'entretien semi-directif a été retenue car d'une part le sujet est assez cadré, et d'autre part cela donne une plus grande liberté à l'interrogé de développer sur des sujets non relevés dans la revue de littérature.

Un guide d'entretien a été rédigé grâce à la revue de littérature, il comporte vingt-quatre questions et est divisé en deux parties, la première est centrée sur les sujets d'ordre organisationnel tel que la gestion de projet, la deuxième porte sur les aspects techniques de l'étude. Les questions sont disponibles en annexe. Chaque entretien a duré environ une heure.

Les entretiens ont été retranscrits, analysés, codés et synthétisés. La synthèse est présentée dans le chapitre 4 à travers dix sujets répartis dans deux thèmes ; les questions relevant de la gestion de projet, et celles consacrées aux méthodes techniques.

Présentation des fonctions des experts interrogés ainsi que leur entreprise :

10

1.3.2.1 MS Azure CS

Consultant expert en data science, il travaille pour l'éditeur Microsoft sur l'offre de service Microsoft Azure cognitive services, qui est une plate-forme cloud du géant américain dédiée à l'intégration et au développement de solutions basées sur l'intelligence artificielle. (Microsoft, 2018)

1.3.2.2 Upfluence

Docteur en Machine Learning, il travaille pour une start-up nommée Upfluence dont le coeur de métier est le marketing d'influence sur Internet, cette entreprise utilise beaucoup les technologies de l'intelligence artificielle, elle compte parmi ses clients de grandes entreprises françaises. (Upfluence, 2018)

1.3.2.3 Antidot

Responsable R&D de l'entreprise Antidot, qui est un éditeur spécialiste dans les solutions de recherche d'accès à l'information, cette entreprise développe notamment des solutions basées sur le Machine Learning. (Antidot, 2018)

1.3.2.4 Bull-Atos

Directeur innovation de l'agence Bull Atos de Grenoble, cette entreprise est un géant des prestations de services numériques, elle intervient dans le domaine du Machine Learning en déléguant des spécialistes techniques auprès de clients grands comptes. (Bull-Atos, 2018)

1.3.2.5 Sinequa

Consultants Machine Learning chez Sinequa, qui est un éditeur de solutions basées sur les technologies de l'intelligence artificielle, cette entreprise est spécialisée dans l'intégration de moteurs de recherches d'entreprises et développe des solutions basées sur le Machine Learning. (Sinequa, 2018)

Ces cinq entreprises ont en commun le fait de développer des solutions basées sur le Machine Learning pour de grandes organisations, ce qui correspond à notre contexte.

11

2 GESTION DES CONNAISSANCES ET CLASSIFICATION

A notre époque, les entreprises sont confrontées à un environnement en perpétuelle évolution, la capacité d'adaptation est devenue essentielle, parmi les leviers de performance organisationnelle, la gestion des connaissances joue un rôle important. La gestion documentaire est un vecteur de transferts des connaissances. Elle connait une mutation au travers des outils de dernière génération qui offrent des fonctionnalités permettant d'améliorer la circulation des connaissances, notamment en simplifiant l'accès aux documents.

2.1 La gestion des connaissances

D'après Jean-Louis Ermine, nous sommes entrés depuis 20 ans dans l'économie de la connaissance, la prise en compte de cette réalité pour les organisations n'est plus un choix mais une nécessité (Ermine, 2018). Depuis la version 2015 de la norme ISO 9001, un chapitre concernant la connaissance a fait son apparition. Afin d'être en règle, les organismes certifiés sont tenus de mettre en place une gestion de la connaissance qu'ils considèrent comme nécessaire à la mise en oeuvre de leurs processus. Le savoir et la connaissance deviennent des ressources importantes pour l'organisation (AFNOR, 2015).

Les entreprises sont donc confrontées à la recherche de démarches spécifiques de gestion des connaissances, que l'on désigne le plus souvent sous le nom de KM ou « knowledge management » (Dudezert, 2013). Parmi les facteurs qui poussent les organisations à adopter une démarche KM on retrouve (Dalkir, 2013) :

· La globalisation de l'économie qui exacerbe la nécessité de trouver de nouveau levier pour se distinguer de la concurrence

· L'impact des progrès technologiques de l'informatique qui ont complexifié l'environnement de travail

· La mobilité des employés qui appauvrit le capital connaissance

2.1.1 Définition du KM

Il n'y a pas de définition généralement acceptée de la gestion des connaissances, mais la plupart des praticiens et des professionnels s'accordent à dire que la gestion des connaissances est le processus de création, de partage, d'utilisation des connaissances et des informations d'une organisation (Girard & Girard, 2015). Le KM n'est pas une nouvelle démarche managériale, elle est pratiquée dans une grande diversité de contextes sous différentes appellations. Son champ d'application est large et interconnecté avec de nombreuses disciplines comme le montre la figure 1 (Dalkir, 2013) :

12

Figure 1- interdisciplinarité de la gestion des connaissances (Dalkir, 2013)

L'objectif principal de la gestion des connaissances est de faciliter la circulation des informations entre l'organisation et les individus en améliorant le travail de chacun et la connaissance métier. Ceci dans le but de renforcer ou sauvegarder les compétences de l'organisation. L'une des caractéristiques les plus importantes du KM réside dans le fait qu'elle traite à la fois de la connaissance et de l'information.

2.1.2 La connaissance

Figure 2 - Pyramide DIKW (Ermine, et al., 2012)

La description des constituants de la connaissance est un bon moyen de définir la connaissance, la pyramide DIKW6 est la façon la plus connue d'illustrer ses constituants. Cette représentation suggère que les éléments supérieurs dépendent de leur base, ainsi la connaissance est construite à partir de l'information et celle-ci à partir de données. (Ermine, et al., 2012)

Les données sont des faits bruts qui ont été accumulés par des personnes ou des machines, elles sont donc une collection de « faits » et de nombres bruts. Robert Reix explique le lien entre les données et l'information : « passer du monde des symboles à celui du sens, des significations, donc des données à l'information, n'est pas automatique, mais se réalise par l'intermédiaire de processus spécifiques d'interprétation, de cognition » (Reix, 2016), l'information est donc produite lorsque les données sont assez structurées et organisées pour produire du sens. Enfin, la connaissance se construit à partir de l'information. Pour un individu, le processus de création de connaissances consiste à analyser, comprendre et assimiler l'information pour en produire

6 Data, Information, knowledge and wisdom

13

une représentation personnelle. Du point de vue de l'organisation, la connaissance est la faculté à donner aux informations reliées un sens en son sein. Autrement dit, les connaissances organisationnelles sont « un ensemble de connaissances individuelles, spécifiques ou partagées » (Bouhedi, 2017).

2.1.3 Création et transfert de la connaissance

Selon la théorie de la création de la connaissance dans les organisations (Nonaka et al., 1995), les connaissances surgissent d'une interaction entre deux types de connaissances : les connaissances explicites et les connaissances tacites.

La connaissance explicite fait référence au « savoir » verbalisable, transmissible oralement ou par l'écriture. La connaissance tacite se réfère plutôt au « savoir-faire », c'est une connaissance pratique qui résulte de l'expérience et se traduit par le geste.

 

Figure 3 - Modèle SECI (Nonaka, et al., 2000)

Ces connaissances circulent dans l'organisation selon un processus de transfert. Le modèle SECI7 représenté ci-dessus est sans doute l'un des plus populaires. Il décrit le processus de création et de transfert des connaissances en quatre étapes :

1. La socialisation : processus de transfert du savoir tacite entre individu

2. L'externalisation : formalisation sous forme de concept de connaissances explicites

3. La combinaison : reformulation d'une donnée explicite

4. L'internalisation : transfert des connaissances explicites vers des connaissances tacites, ce processus correspond à l'apprentissage et à la transformation du savoir vers le savoir-faire, où les connaissances explicites transmises sont assimilées par les individus qui acquièrent de nouvelles connaissances (Bouhedi, 2017).

7 SECI : Socialisation, Externalisation, Combination, Internalisation

Cette dernière étape s'appuie sur les connaissances explicites qui sont formalisées, codifiées, transformées et partagées sous forme de documents ou de base de données (Wallez, 2010). Autrement dit, la connaissance redevient de l'information, ce qui permettra la sauvegarde et le transfert de celle-ci à travers le cycle connaissance-information (fig. 4).

L'interaction entre le transfert de connaissances et le stockage de connaissances est donc cruciale pour le KM (Jasimuddin, 2005). Pour assurer cette mission, les organisations doivent disposer d'un

Figure 4 - Cycle connaissance-Information (Blumentritt & Johnston, 1999)

14

mécanisme de partage des connaissances qui s'appuie sur des documents électroniques sous forme de bases de connaissances (Janicot & Mignon, 2008). Cette méthode de gestion est communément appelée gestion documentaire ou GED qui est une branche de la gestion des connaissances (Dalkir, 2013).

2.2 Gestion documentaire

Une organisation se doit de conserver certains contenus, indispensables au maintien des activités de l'organisation, le chapitre 7.1.6 de la norme ISO 9001 (2015) en fait référence.

Le document est certainement le support de la connaissance le plus connu. Selon la définition de l'ISO, un document est un ensemble constitué d'un support d'informations et des données enregistrées sur celui-ci sous une forme généralement permanente et lisible par l'homme ou par une machine. Le document est donc la conséquence de l'interaction d'une information, d'une connaissance et d'un support. Ce support est souvent un document électronique sous forme de fichier bureautique.

Ces documents peuvent former des bases de connaissances (Janicot & Mignon, 2008), cependant, il est important de préciser que parmi les documents, certains servent directement ou indirectement de support de capitalisation de connaissances, mais d'autres ne le sont pas (MAHÉ, et al., 2012).

La gestion de ces documents, est un enjeu de plus en plus important pour les entreprises (Dupoirier, 2009), ainsi les systèmes de gestion documentaire peuvent améliorer significativement la gouvernance de l'information (Hubain, 2016) et par conséquent la performance du KM.

2.2.1 Outils et méthodes

La gestion documentaire ou GED est le contrôle automatisé des documents électroniques tout au long de leur cycle de vie au sein d'une organisation, de la création à l'archivage final (Nastase & al., 2009).

Figure 5 - Intégration de la gestion documentaire dans l'ECM (Katuu, 2012)

Elle est à la fois une méthode et un outil qui permet de gérer une base documentaire composée principalement de fichiers bureautiques (Crozat, 2016). Sa fonction première est le stockage des documents électroniques pour en assurer la qualité, c-à-d la disponibilité, l'intégrité et la confidentialité, conformément aux critères de sécurité du système d'information DICP8 (Faris, 2013).

Depuis l'arrivée dans les organisations des outils du web 2.0, on voit l'intégration de la gestion documentaire dans une solution plus large qui englobe tous type de support d'information, on peut en voir une représentation sur la figure 5. Cette méthode, appelée ECM9, a pour but de centraliser l'information pour faciliter la circulation des connaissances en favorisant le partage des connaissances et la collaboration (Alalwan & Heinz, 2012).

Parmi les usages nouveaux, on peut citer la coédition,

la gestion du « versionning » et l'utilisation des métadonnées pour classer les documents.

Mais ce genre d'applications n'est à la portée que de grandes organisations. Microsoft a ainsi réalisé des partenariats pour intégrer sa solution ECM SharePoint au sein des grandes organisations. Cependant, la valeur ajoutée de ces solutions n'est pas assez exploitée (Alalwan & Heinz, 2012), il est nécessaire de revoir l'usage de ces applications, notamment la façon d'organiser et d'exploiter ce type d'informations.

15

8 DICP : Disponibilité, Intégrité, Confidentialité, Preuve

9 Enterprise Content Management

16

2.2.2 Classification de documents

Pour rappel, l'un des objectifs de la gestion des connaissances est de faciliter la circulation des connaissances, à travers notamment l'information contenue dans les bases documentaires.

La diffusion et l'exploitation sont au coeur du cycle de vie du document comme le montre la figure 6 (Cabanac & al, 2006), l'accessibilité des documents est une question importante, c'est pourquoi la structure de la base documentaire doit être pensée de façon à faciliter l'accès aux informations recherchées, notamment en structurant la base documentaire de sorte que le stockage et la recherche de documents soit le plus intuitif possible pour les utilisateurs. L'organisation des documents a un impact important sur la circulation des informations, alors, quelle structure choisir ?

 

Figure 6 - Cycle de vie du document (Cabanac & al, 2006)

D'après Michèle Hudon, il ne peut exister de structure idéale et absolue pour organiser les connaissances, cependant le processus d'organisation suppose presque toujours une opération de classification.

La classification est la méthode classique de structuration, elle est définie comme l'opération qui organise des entités en classes, de sorte que les entités semblables ou parentes soient regroupées et séparées des entités non semblables ou étrangères. Par analogie, la classification documentaire est donc l'opération qui consiste à regrouper en classes les documents semblables ou liés, en les séparant des documents avec lesquels ils n'entretiennent aucun lien ou n'ont aucune caractéristique commune. Le plus souvent, la classification est fondée sur la thématique du contenu du document (Hudon & El Hadi, 2010).

La représentation des documents est propre à chaque organisation, et dépend principalement du domaine métier et de l'organisation interne.

2.2.3 Accès à l'information

Il existe, dans les organisations, deux types d'accès à l'information : la navigation à travers une structure hiérarchique et la recherche de documents (Voit, et al., 2011) :

· La navigation est la méthode classique. Elle consiste à franchir une hiérarchie de dossiers (représentants des catégories ou des classes) en naviguant jusqu'au document contenant l'information. Comme toute structure hiérarchique, elle est rigide, il n'est, par exemple, pas évident de déplacer une sous-catégorie d'une catégorie à une autre. De plus, un document ne correspond pas obligatoirement à une seule catégorie (Francis & Quesnel, 2007).

· La recherche permet de retrouver et d'accéder directement au document recherché. Les outils habituellement utilisés s'appuient sur le mécanisme d'indexation. Le système indexe en amont les informations contenues dans les documents, l'utilisateur doit alors renseigner des éléments caractérisant le document pour le retrouver, ce qui n'est pas évident dans le cas d'indexation plein texte tel que proposé par les systèmes d'exploitation.

L'augmentation de la quantité de documents rend la classification d'une base documentaire plus complexe, il est alors nécessaire de trouver une solution pour accéder plus facilement à l'information. Les outils modernes comme l'ECM10 propose une indexation intelligente des informations, ils tirent parti des métadonnées pour améliorer la pertinence des recherches de document.

2.2.4 Métadonnée

Les métadonnées, littéralement « les données des données », sont les propriétés d'un document, décrit sous trois aspects : technique, administratif et descriptif. Les métadonnées permettent d'identifier chaque document et de le relier à l'ensemble de la base (Westeel, 2010).

L'approche fondée sur les métadonnées pour structurer une base documentaire n'utilise pas de dossiers pour organiser le contenu. Les documents sont étiquetés avec des valeurs descriptives telles que « classe de document », « date de création », « utilisateur », « client », « projet », « fournisseur », « mots-clés », « description ». La structure des métadonnées est entièrement personnalisable ( GED.fr, s.d.). Enfin, cette méthode permet d'associer un document à plusieurs catégories.

La recherche basée sur l'indexation des métadonnées facilite l'accès et l'échange d'informations (Morel-Pair, 2005), et par conséquent améliore le transfert de connaissances.

2.3 Etiquetage manuel

Nous venons de voir l'avantage d'utiliser la classification par l'étiquetage des éléments composant une base documentaire pour en faciliter l'exploitation, voyons maintenant comment s'effectue une tâche d'étiquetage.

L'opération consiste à analyser le contenu pour trouver des éléments distinctifs qui serviront à prendre la décision de classer le document dans telle ou telle catégorie. Ce processus, lorsqu'il est effectué par un humain peut être long et donc couteux, surtout si la quantité de documents est importante. La solution est alors de chercher à automatiser la tâche.

L'automatisation de ce genre de tâches est réalisée habituellement en développant un logiciel. Cette tâche de classification nécessite un certain niveau d'analyse qui ne peut être traité par un programme informatique classique. En effet, la complexité cognitive du traitement de l'information par l'être humain n'est reproductible que par l'approche symbolique des systèmes de règles aussi appelés

17

10 Entreprise Content Management

18

systèmes experts. Cependant, le temps et le coût élevé de modélisation d'un tel système sont inadaptés à notre situation.

Une autre approche dite numérique propose d'imiter ce type de tâche, elle se base sur la notion d'apprentissage. K.C. Laudon propose, pour améliorer la performance de la gestion des connaissances, d'explorer les opportunités offertes par l'intelligence artificielle. Le domaine du Machine Learning permet d'imiter l'intelligence humaine (Laudon, 2013).

2.4 Conclusion

Nous avons exploré le domaine de la gestion documentaire qui est un enjeu important pour les organisations, en ce sens qu'elle améliore la circulation de l'information métier. D'autre part, les outils de gestion ECM propose une meilleure organisation de l'information basée sur les métadonnées. Cette méthode de recherche d'informations accélère grandement l'accès aux informations contenues dans les bases documentaires.

Nous avons ainsi répondu à la première question de recherches, dont l'objectif était de comprendre le sens du projet de migration ainsi que la nécessité d'automatiser la classification des documents à migrer. Nous allons maintenant nous plonger dans le domaine de l'intelligence artificielle et notamment le Machine Learning.

19

3 L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET LA CLASSIFICATION DE DOCUMENTS

3.1 L'intelligence artificielle

L'intelligence artificielle est une technologie qui arrive aujourd'hui à maturité (Panetta, 2018). Elle trouve des débouchés croissants dans les entreprises qui la considèrent comme un levier de compétitivité. Mais elle ne touche pas que le monde des entreprises, elle est déjà présente dans nos vies de tous les jours.

Alors, qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?

3.1.1 Différentes définitions

Il est difficile de donner une définition unique de l'intelligence artificielle car elle peut être abordée de différentes manières, elle touche ainsi différentes disciplines, tels que la philosophie, les mathématiques, l'économie, les neurosciences, la psychologie ainsi que l'informatique qui nous intéressera tout particulièrement dans cette étude.

Il y a donc plusieurs définitions de l'intelligence artificielle, mais en voici deux qui caractérisent bien les deux champs couverts par l'intelligence artificielle dans notre sujet, la première est issue du Mercator : « Discipline qui travaille sur les méthodes et les programmes informatiques permettant de résoudre des tâches complexes que les êtres humains accomplissent aujourd'hui en utilisant des processus mentaux de haut niveau (comme l'apprentissage et le raisonnement)» (Lendrevie & Lévy, 2014). La seconde est celle de Cédric Vilani, député et célèbre mathématicien qui a été chargé par le gouvernement d'une mission sur l'intelligence artificielle : « L'intelligence artificielle, c'est l'art de la programmation qui permet à un algorithme, un ordinateur de réaliser des tâches subtiles en tenant compte de nombreux paramètres » (Ceaux, 2018).

Pour résumer, l'intelligence artificielle est la mise en oeuvre de solutions techniques pour automatiser des tâches complexes nécessitant jusqu'alors l'intervention de l'homme.

Beaucoup pourraient croire que l'intelligence artificielle est une innovation récente tellement le sujet est rabâché à longueur d'articles depuis quelques années, elle n'est pourtant pas un concept nouveau. La notion a été introduite il y a environ 70 ans.

3.1.2 Historique de l'intelligence artificielle

L'histoire de l'intelligence artificielle est parsemée de succès, de déceptions et de prédictions non réalisées. Dès 1950, Alan Turing tente d'établir un critère permettant de juger de l'intelligence d'une

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machine à travers le test dit « de Turing », il prédisait qu'en l'an 2000 personne ne pourrait distinguer les réponses données par un homme ou un ordinateur (De Ganay & Dominique, 2017). La naissance à proprement dit de l'intelligence artificielle date de l'été 1956 sur le campus de Dartmouth College aux USA durant lequel une dizaine de chercheurs définissent ce nouveau domaine de recherche, et parmi eux John Mc Carthy et Marvin Lee Minsky qui co-fondent en 1959 le groupe d'intelligence artificielle du MIT (MIT AI Lab) grand artisan du développement de cette discipline (Russell & Norvig, 2010).

Jusqu'au milieu des années 70, c'est l'euphorie, la recherche n'a pas de mal à trouver du financement et les espoirs sont grandissants. Certains experts prédisent même que « des machines seront capables, d'ici 20 ans, de faire le travail que toute personne peut faire ». Malheureusement les résultats ne seront pas au rendez-vous, principalement à cause d'un manque de maturité des algorithmes et aux faibles capacités du « hardware » de l'époque. Les principaux financeurs se désengagent des différents projets et la discipline connaitra un hiver qui durera jusqu'aux années 90.

En parallèle, un nouveau type de solution apparait, c'est le « système expert » qui est basé sur un ensemble de règles configurées par des experts humains. Il connaitra un succès certain avec par exemple, dans le domaine médical MYCIN qui contenait 450 règles, ce système réussissait à diagnostiquer à un niveau proche des experts humains. Ces systèmes seront progressivement adoptés par l'industrie dans les années 80 (Russell & Norvig, 2010).

A partir de 1987, l'intelligence artificielle adopte les méthodes scientifiques, ce qui va accélérer les progrès en la matière. La victoire du superordinateur d'IBM « Deep Blue » sur le champion des échecs Garry Kasparov en 1997 marque un premier tournant en matière de progrès de l'intelligence artificielle (Russell & Norvig, 2010). Les années suivantes seront marquées par l'explosion de données disponibles, qui, conjuguées aux progrès énormes en matière de puissance de calcul vont booster cette discipline tout au long des années 2000. La démonstration de la solution actuelle d'IBM « Watson » qui gagne aux jeux de Jeopardy en 2011, et l'an dernier celle de Google « AlphaGO Zero » au jeu de go en sont de belles illustrations.

3.1.3 L'intelligence artificielle est déjà là !

L'intelligence artificielle est longtemps restée cloitrée dans un rôle d'expert, en effet les systèmes experts ne se sont pas popularisés à cause du coût prohibitif et du champ d'application limité à un certain niveau de complexité. Depuis une quinzaine d'années, les progrès du Machine Learning, la puissance de calcul et les données de plus en plus disponibles ont permis de « démocratiser » l'usage de l'intelligence artificielle. Aujourd'hui, ces solutions sont déjà à l'oeuvre dans de nombreux domaines, en voici quelques exemples :

· Le géant Google a utilisé sa solution phare « DeepMind » pour améliorer l'efficience énergétique de ses datacenters. L'algorithme a été entrainé avec plusieurs années de données de consommations électriques et de données météorologiques. La consommation électrique a diminué de 40% (MANAGERIS, 2018).

· Airbus a décidé d'implémenter de l'intelligence artificielle dans la gestion des interruptions de productions de son nouvel appareil l'A350. La solution a été implémentée en intégrant toutes les données historiques. Lorsqu'un problème survient, le système analyse les données

21

contextuelles et donne à l'équipe une recommandation. Cela a permis de réduire d'un tiers le temps nécessaire à la gestion des interruptions de production (MIT, 2017).

· La société JobiJoba a développé un outil basé sur l'intelligence artificielle appelé "CV Catcher", celui-ci a déjà été implémenté sur les sites de recrutement de 40 grandes entreprises comme SFR, la SNCF et EDF. L'algorithme permet au candidat de connaitre, immédiatement après avoir uploadé son CV, les postes à pourvoir qui correspondent à son profil.

· Tout un chacun profite déjà de l'implémentation de solution d'intelligence artificielle comme, le filtre anti-spam de nos boites email, la traduction automatique en ligne, et plus récemment avec l'apparition d'assistants virtuels sur nos smartphones comme Siri, Google Assistant ou Cortana qui simplifie au quotidien nos usages personnels.

Bien entendu, ces quelques exemples sont loin d'être exhaustifs, notons néanmoins que le champ d'application des solutions d'intelligence artificielle est vaste, car elles visent à améliorer d'une manière générale la productivité. C'est pourquoi de plus en plus d'entreprises s'intéressent de près à ces solutions (MIT, 2017).

Figure 7 - Adoption de l'IA par les entreprises (MIT, 2017)

3.1.4 Enjeux pour les entreprises

Cette technologie n'en est qu'à ses débuts et nous sommes encore loin de la phase d'intégration à grande échelle dans les entreprises.

Une étude menée l'an dernier par le MIT auprès de 3000 entreprises montre qu'il y a un grand écart entre les ambitions et la mise en pratique en matière de

stratégie d'intelligence
artificielle (MIT, 2017) ainsi 85% des dirigeants interrogés estiment que l'intelligence artificielle leur permettra d'obtenir ou de conserver un avantage concurrentiel, alors que 40% ont mis en place une stratégie d'intelligence artificielle et seule une entreprise sur vingt a intégré l'intelligence artificielle dans ses offres ou ses processus (figure 7).

Avant de mettre en oeuvre une gouvernance de l'intelligence artificielle, les entreprises attendent de tirer les leçons des premières expériences (CIGREF, 2017). Et celles-ci montrent qu'il y a des conditions à respecter pour réussir l'intégration de solution d'intelligence artificielle, en voici quelques exemples :

·

22

Définir le besoin : La solution à implémenter doit répondre à un besoin clairement identifié, il convient de bien comprendre la problématique business et de s'assurer que l'intelligence artificielle est capable de la résoudre (Caseau, 2018).

· Disposer de données : S'assurer de disposer de données en quantité et en qualité. Il a été prouvé que la performance de ces solutions est proportionnelle à la quantité de données à disposition (Banko & Brill, 2001).

· Adopter une démarche empirique : Les solutions « clés en main » n'existe pas en IA, chaque solution doit s'imprégner du contexte métier du problème à résoudre. Car aucun modèle et algorithme ne fonctionne bien pour tous les problèmes, on parle du théorème « No free lunch » (Wolpert & Macready, 1997).

· Acquérir les compétences : L'implémentation d'une solution d'intelligence artificielle demande l'intervention de profils spécifiques tel que les data scientistes, qui doivent bien entendu être accompagnés par le business afin de cadrer le besoin (MANAGERIS, 2018).

· Prévoir une MCO : Il est nécessaire dès le début du projet de prévoir la MCO (maintenance en condition opérationnelle) en effet, les mutations que peuvent subir les données dans le temps entraineront à coût sûre une dégradation du niveau de qualité de la machine, sans compter les mises à jour nécessaires (MANAGERIS, 2018).

Les enjeux de l'intelligence artificielle notamment opérationnels sont considérables, mais avant d'entamer la phase de « transition intelligente » les entreprises doivent apprivoiser cette révolution technologique (CIGREF, 2017).

3.2 Les domaines de l'intelligence artificielle

Il faut distinguer 2 formes d'intelligence artificielle, « l'intelligence artificielle forte » (Artificial General Intelligence) et « l'intelligence artificielle faible » (en anglais Artificial Narrow Intelligence) (Gonenc, et al., 2016) :

· L'intelligence artificielle « forte » se rapproche du raisonnement humain. Ce type d'intelligence artificielle est capable d'appliquer l'intelligence à tout problème contrairement à l'intelligence artificielle faible. A ce jour il n'existe aucune AGI opérationnelle, ce domaine se cantonne (pour l'instant) à la recherche. Le grand public a tendance à penser que c'est ce type d'intelligence artificielle qui est appliqué alors qu'il relève de la science-fiction tout comme une troisième forme nommée ASI (Artificial Super Intelligence) et qui prévoit le sur-classement de l'homme par la machine dans 30 ans.

· L'intelligence artificielle « faible » beaucoup plus « terre à terre » vise à imiter l'intelligence pour répondre à un problème spécifique, la machine ne fait que donner une impression d'intelligence. Toutes les applications actuelles sont basées sur des solutions d'intelligence artificielle faible !

23

3.2.1 Les approches

Depuis les débuts de l'intelligence artificielle dans les années 1950, deux approches ont été employées :

Dans la première approche dite symbolique, on programme des règles et résout un problème à travers une série d'étapes (les pionniers de l'intelligence artificielle, pour la plupart logiciens, appréciaient beaucoup cette méthode). Elle a culminé dans les années 1980 avec le développement des systèmes experts, programmes dont le but était d'intégrer une base de connaissances et un moteur de décision venant de spécialistes de domaines pointus. Cette approche souffre d'un manque de souplesse, par exemple il faut repartir de zéro lorsque l'on développe un nouveau modèle.

Dans la deuxième approche dite numérique, on se concentre sur les données. Les solutions vont rechercher des corrélations au sein d'ensemble de données de différentes formes. Cette approche connait depuis une vingtaine d'années une évolution croissante grâce à l'augmentation de la puissance de calcul avec notamment l'utilisation des GPU et l'explosion de la quantité de données disponibles. La plupart des systèmes actuels utilise le Machine Learning 11, une méthode fondée sur une représentation mathématique, stochastique et informatique.

3.2.2 Les sous-domaines de l'intelligence artificielle

Dans certains articles on peut trouver une représentation classique de l'intelligence artificielle (figure 8) mais il est difficile de parler d'un domaine avec ses sous branches, l'intelligence artificielle est plus un concept qui rassemble d'elle-même une multitude de disciplines scientifiques, d'applications et de méthodes. Toutes plus ou moins interconnectées. Il est donc difficile de présenter une liste exhaustive des domaines, cependant voici une présentation des principaux « sous-domaines » (INRIA, 2016) (Russell & Norvig, 2010) :

Figure 8 - Champs de l'IA (Villanueva & Salenga, 2018)

11 Apprentissage automatique

· Représentation des connaissances : Cette branche traite de la formalisation des connaissances, le but est d'implémenter dans les systèmes les représentations symboliques du savoir humain. C'est là un des secteurs les plus importants de la recherche en intelligence artificielle.

· Traitement du langage naturel : Cette discipline vise à étudier la compréhension et l'utilisation du langage naturel des humains par les machines, on parle de langage naturel par opposition au langage codé de l'informatique.

· Vision artificielle : Le but de cette discipline est de permettre aux ordinateurs de comprendre les images et la vidéo.

· Robotique : Ce sous-domaine vise à fabriquer des machines physiques, ce qu'on appelle habituellement un robot. Les robots industriels sont utilisés depuis longtemps, mais ici on vise à créer des robots avec une certaine autonomie et capables de percevoir et d'interagir avec leur environnement.

· Machine Learning : Le Machine Learning vise à automatiser l'analyse de grands ensembles de données en utilisant des méthodes stochastiques, mathématiques et d'optimisation. Le but est de trouver des corrélations dans les données de façon autonome ou non. Les applications sont diverses.

· Moteurs de règle et système experts : un système expert est un programme configuré par un spécialiste qui effectue des tâches précises afin de simuler le comportement humain.

Ces sous-domaines ne fonctionnent pas en silos, il y a des interactions fortes entre eux (Russell & Norvig, 2010) (Cambrai, 2017). Par exemple on peut en NLP utiliser le Machine Learning (Machine

Figure 9 - L'IA : une interconnexion d'applications, de domaines et de méthodes (See, 2016)

24

25

Learning), les langages développés dans la représentation des connaissances peuvent servir de base à des systèmes experts. La figure 9 illustre bien les liens complexes qu'il y a entre les applications (à gauche), les sous-domaines et les méthodes d'intelligence artificielle.

Notre étude porte sur la recherche d'une solution qui permet de classer des données au format texte, c'est précisément le but d'une tâche qui est au croisement de deux sous-domaines du TALN12 (en anglais NLP13) et du Machine Learning : La classification de documents (document classification en anglais).

3.3 La classification de documents

Figure 10 - La classification, à la croisée des chemins de l'IA

Parmi la multitude d'applications de l'intelligence artificielle, la classification de documents consiste à regrouper les documents en catégories en fonction de leur contenu. La classification des documents joue un rôle essentiel dans diverses

applications d'intelligence artificielle
traitant de l'organisation, de la classification et de la recherche de quantités importantes de données textuelles. La classification de documents est une discipline étudiée de longue date dans les disciplines de la recherche d'information (Power, et al., 2010) (Patra & Singh, 2013). C'est aussi une des tâches de la fouille de texte qui utilise les techniques et méthodes du TALN et le Machine Learning (figure 10).

3.4 Le traitement automatique du langage naturel

Le TALN (NLP en anglais) ou TAL est le domaine de l'intelligence artificielle qui s'intéresse à l'analyse et à la compréhension des langues naturelles. Bien que cette discipline ait plus de soixante ans, ce n'est qu'à partir des années 90 qu'elle se développe, grâce aux progrès de l'informatique qui a permis le traitement du texte au format numérique. Les techniques utilisées aujourd'hui sont issues de l'informatique, de la linguistique et du Machine Learning (Tellier, 2010).

Il existe deux approches distinctes, l'approche linguistique et l'approche syntaxique (aussi appelée stochastique), cette dernière s'appuie sur les méthodes numériques, principalement statistiques et probabilistes, elle ne cherche pas à comprendre le texte mais à étudier les corrélations présentes dans celui-ci. Depuis que les chercheurs se sont tournés vers ces nouvelles méthodes de l'intelligence

12 Traitement automatique de la langue naturelle

13 Natural language Processing

26

artificielle, le TALN a connu une avancée remarquable, parmi les applications que le grand public utilise, il y a la correction orthographique des logiciels de traitement de textes, la reconnaissance de caractère, et plus récemment la traduction automatique et la reconnaissance vocale.

Nous ferons un focus sur ces méthodes appliquées à la classification textuelle qui sont principalement issues du Machine Learning.

3.5 Le Machine Learning

Comme toutes les branches de l'intelligence artificielle, les domaines du Machine Learning et du TALN partagent l'objectif de douer les machines de certaines capacités humaines (Tellier, 2010), comme nous l'avons vu plus haut le TALN utilise les méthodes du Machine Learning en particulier dans les tâches de fouille de textes et de recherche d'informations. Le Machine Learning est un domaine vaste et complexe, nous nous limiterons aux aspects qui s'appliquent à notre sujet.

Le Machine Learning est la voie qui donne aujourd'hui les meilleurs résultats dans les applications d'intelligence artificielle. Cette discipline étudie, développe des techniques et méthodes qui permettent à un algorithme d'apprendre à partir d'exemples. C'est une démarche empirique qui tient plus de l'observation que de la logique mathématique.

Parmi les nombreuses définitions du Machine Learning celle-ci résume assez bien le but du Machine Learning : « une machine14 est censée apprendre, si à partir d'une expérience E en respectant les classes de la tâche T et en mesurant la performance P sa performance à exécuter la tâche T mesuré par P s'améliore avec l'expérience E » (Mitchell & al., 1997), en d'autres termes il s'agit d'améliorer la performance d'un algorithme à réaliser la tâche en utilisant un ensemble d'exercices d'apprentissage.

Figure 11 - Les deux phases de l'apprentissage automatique (Chaouche, 2018)

Rappelons que la plupart des applications de Machine Learning ont pour objectif d'automatiser, tout ou partie, des tâches complexes accessibles seulement à l'être humain. Le ML15 répond ainsi aux problématiques non résolues par les systèmes basés sur l'approche symbolique traditionnelle de l'intelligence artificielle. Ceux-ci ne peuvent être modélisés et configurés que par des spécialistes, cette approche devient problématique lorsque la complexité augmente et limite le

champ d'application de

l'intelligence artificielle. Au
contraire, le ML qui se base principalement sur une approche

analogiste va limiter

14 « Machine » est pris au sens informatique, autrement dit c'est un programme

15 Machine Learning

l'intervention d'experts, ce système utilise des exemples déjà vus pour prendre des décisions. Dans une première phase, il va rechercher des corrélations à partir d'un jeu de données en entrée pour créer une règle, puis le but est de généraliser cette règle apprise à de nouvelles données dans une deuxième phase (figure 11).

3.5.1 Les modes d'apprentissage et les types de problèmes à résoudre

Il existe plusieurs techniques de Machine Learning (Russell & Norvig, 2010) :

· L'apprentissage supervisé : Un expert labelise une partie des données qui va servir à l'apprentissage. L'algorithme va alors apprendre la tâche de classification en se basant sur les données labelisées.

· L'apprentissage non supervisé : L'algorithme doit découvrir de lui-même les ressemblances et différences dans les données fournies pour apprendre la tâche.

· L'apprentissage semi-supervisé : Les algorithmes fonctionnent comme pour l'apprentissage supervisé mais acceptent en plus des données non labelisées pendant la phase d'apprentissage.

· L'apprentissage par renforcement : L'algorithme doit apprendre les actions à partir d'expériences, de façon à gagner une récompense et à éviter un gage.

Il existe deux types de problèmes bien distincts pour lesquels le ML propose une solution, la classification et la régression.

· Classification : Un problème d'apprentissage supervisé où la réponse à apprendre est celle d'un nombre infini de valeurs possibles. C'est un type de tâche qui va chercher à catégoriser des éléments à partir d'autres. Quand il n'y a que deux valeurs possibles, on dit que c'est un problème de classification binaire, s'il y en a plus on parle de classification multi-classes.

· Régression : Un problème d'apprentissage supervisé où la réponse à apprendre est une valeur continue. L'algorithme va chercher à prédire un chiffre.

La tâche à traiter dans notre contexte relève de la classification supervisée, nous ne nous intéresserons pas aux autres cas dans la suite de ce chapitre. Le modèle de classification supervisée à construire est communément appelé « classifieur » (Boucheron, et al., 2005).

27

3.5.2 Les étapes du Machine Learning supervisé

28

La résolution d'un problème par l'apprentissage machine peut se résumer en trois étapes, voir quatre si on estime que la compréhension de la problématique posée entre dans le processus d'apprentissage (Chaouche, 2018) :

· La tâche spécifique : comprendre le problème à résoudre

· Les données : préparer les données

· L'algorithme d'apprentissage : choisir et paramétrer un algorithme

· La mesure des performances du modèle : évaluer le modèle pour ajuster au mieux ses paramètres.

Avant de démarrer un projet de Machine Learning il est nécessaire de comprendre la problématique afin de sélectionner les bonnes données, le bon algorithme et les bons paramétrages.

Figure 12 - Etapes de modélisation d'un classifieur

Comme toute démarche empirique, le processus d'apprentissage est itératif, il est peu probable d'arriver au meilleur résultat possible du premier coup. Il sera donc nécessaire de revenir sur certaines étapes pour améliorer le résultat. L'évaluation permet de cibler les paramètres à optimiser tant au niveau de l'algorithme que du pré-traitement des données (figure 12).

Figure 13 - Importance des données par rapport aux algorithmes (Banko et Brill - 2001)

3.5.3 Les données

Le traitement des données est une étape cruciale dans le processus de construction du modèle.

3.5.3.1 Quantité suffisante

Sans les données, il ne peut y avoir d'apprentissage, c'est donc la première étape dans ce genre de projet : vérifier que l'on dispose d'assez de données pour que le projet soit viable.

29

D'ailleurs, il est prouvé que la performance de l'apprentissage machine s'améliore avec la quantité de données en entrée. Comme on peut le constater dans la figure 13,

l'augmentation des performances résultant de l'utilisation de plus de données dépasse toute différence de choix d'algorithmes. Un algorithme médiocre avec cent millions de mots d'apprentissage dépasse le meilleur algorithme connu avec un million de mots indépendamment de la technique choisie (Banko & Brill, 2001).

Peter Norvig avance même que les données sont plus importantes que les algorithmes notamment dans le cas de résolution de problèmes complexes (Halevy, et al., 2009).

3.5.3.2 Donnée représentative

Les résultats seront bons si, et seulement si, les données sont représentatives du corpus à traiter en production. La sélection des données pour l'entrainement aura donc un impact important sur la performance du modèle construit (Géron, 2017).

3.5.3.3 Structure exploitable

Toutes sortes de données peuvent être exploitées, bases de données, images, documents textuels, à condition de les préparer, car les algorithmes ne traitent les données que sous forme matricielle. En effet, elles sont rarement stockées dans un fichier csv prêt à l'emploi, on parle alors de nettoyage et de pré-traitement des données.

Ce traitement ne sera pas le même en fonction de la structuration des données :

· Données structurées : ce sont des données qui peuvent être organisées sous forme de tableaux. Ces données peuvent être affichées par un tableur et contiennent des lignes et des colonnes de variables, variables dont l'ensemble des valeurs possibles peuvent être déterminées. C'est le cas d'une base de données ou d'un fichier csv.

· Données non structurées : ce sont principalement des documents textuels, audios ou graphiques.

30

Seules les données structurées peuvent être directement représentées dans un tableau. Quant aux données non-structurées, elles doivent subir un pré-traitement pour les convertir en chiffres. Nous verrons que les données textuelles doivent subir un traitement spécifique pour être exploitées par les algorithmes de Machine Learning.

3.5.3.4 Représentation des données

Tout objet est décrit par un ensemble de variables. L'objectif du Machine Learning est de rechercher des régularités dans ces données grâce à l'observation d'un grand nombre d'objets. On représente ces objets caractérisés par leur variable de façon matricielle, chaque ligne est un objet (un document dans notre contexte) et chaque colonne, une variable (attribut, ou feature en anglais), qui peut être représenté comme ceci :

Variables

 
 
 
 

v 1

 
 
 
 
 
 
 
 

v n

 
 

...

 

Objets

o 1

o

o

x1,1

 
 

x1,n

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

...

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

xm,1

 
 
 
 

o m

 
 

xm,n

 
 
 
 
 
 

Tableau 1 - Représentation des données sous forme d'une matrice (Biernat & Lutz, 2015)

Ce n'est en fait qu'un tableau composé de n variable(s) et m objet(s) ! On obtient donc un ensemble de données de M vecteurs à N dimensions. Dans le cas de la classification supervisée, chaque vecteur sera labelisé, c'est-à-dire qu'on associera à chaque vecteur, du jeu de données d'entrainement, une catégorie.

3.5.3.5 Répartition des données

Le jeu de données doit être découpé en deux parties, la première servira à l'entrainement et la seconde est réservée aux tests pour la mise en production (Géron, 2017). Le jeu d'entrainement est lui-même scindé en deux, un pour l'entrainement et l'autre pour l'évaluation du modèle (Ibekwe-Sanjuan, 2007). Pour résumer, les données qui permettent de construire et valider un modèle de classification sont réparties de la manière suivante :

· Le jeu d'entrainement : 80%

o Dont 80% pour le jeu d'apprentissage

o Dont 20% pour le jeu de validation (20%)

· Le jeu de test : 20%

Ce découpage n'est nécessaire que lorsque le problème est complexe, en effet, dans les cas les plus simples, on pourra n'utiliser que le jeu d'entrainement, c'est-à-dire 80% pour l'apprentissage et 20% pour la validation.

3.5.4 Les algorithmes utilisés en Machine Learning

Les algorithmes sont les outils essentiels du Machine Learning, ils sont basés sur des règles statistiques et probabilistes. Un algorithme va analyser des données et extraire des régularités qui les

31

caractérisent. C'est ce qui permettra l'apprentissage. Dans le cas de la classification, le but est de séparer, identifier ou discriminer des données par rapport à d'autres.

3.5.4.1 Spécialisation des algorithmes

Les algorithmes sont souvent dédiés à un type d'apprentissage, en voici quelques exemples :

Algorithme

Mode d'apprentissage

Type de problème à traiter

Régression linéaire

Supervisé

Régression

Régression polynomiale

Supervisé

Régression

Naive Bayes

Supervisé

Classification

Régression logistique

Supervisé

Classification

Arbres de décision

Supervisé

Régression ou classification

Random forest

Supervisé

Régression ou classification

Gradient boosting

Supervisé

Régression ou classification

Support Vector Machine

Supervisé

Régression ou classification

Clustering

Non supervisé

-

 

Tableau 2 - Exemples d'algorithmes (Biernat & Lutz, 2015)

3.5.4.2 Que fait l'algorithme dans le cas de la classification supervisée ?

Le programme recherche une fonction qui prendra, en entrée, un vecteur (ligne du tableau) et fournira, en sortie, le nom d'une classe (catégorie). Ce cheminement n'est pas automatique, il nécessite un ajustement. Le but étant de sélectionner une fonction qui décrit au mieux les données du jeu d'apprentissage, on parle alors de minimisation du risque empirique. Les valeurs de la fonction seront interprétées de façon différente selon la famille de l'algorithme, il en est de même pour le seuil qui fixe l'appartenance à telle ou telle classe (Ibekwe-Sanjuan, 2007).

3.5.4.3 Comment choisir l'algorithme ?

Un théorème mathématique prouve qu'il n'existe pas de meilleure méthode que toutes les autres sur tous les problèmes de Machine Learning possibles, c'est le « NO FREE LUNCH » (Wolpert & Macready, 1997). En d'autres termes, si un algorithme de Machine Learning fonctionne bien sur un type de tâche particulière, il sera moins performant en moyenne sur d'autres types de tâches. Il faut donc rechercher et tester l'algorithme qui sera le plus adapté pour la tâche à accomplir.

Voici trois critères de choix qui permettent de faire une première sélection :

· Type de tâche

Le tableau 2 nous montre que les algorithmes sont spécialisés, seuls certains pourront répondre à notre contexte.

· Type de données

Certains algorithmes seront plus performants que d'autres en fonction des données, par exemple les documents textuels contiennent beaucoup de dimensions, par conséquent il faut un algorithme assez puissant pour traiter ce type de données.

· 32

Adaptabilité

Cette notion d'adaptabilité concerne le fait de pouvoir mettre à jour le modèle construit, en effet certains algorithmes peuvent être facilement mis à jour alors que d'autres pas du tout. Ce critère est fonction de l'utilisation, par exemple un modèle de classification de données en masse aura moins besoin d'être mis à jour qu'un modèle de traitement de données en continu.

Le choix de l'algorithme sera donc fait en fonction du problème à résoudre.

3.5.5 Algorithmes adaptés à la classification de documents textuels

Certains programmes sont plus performants que d'autres, parmi ceux qu'on retrouve dans la littérature, le SVM et le Bayésien Naïf sont souvent en tête pour les tâches de classification de document textuel (Osisanwo, 2017) (Kotsiantis, et al., 2007) (Mertsalov, 2009).

3.5.5.1 Les SVM

Le SVM16 est un classifieur linéaire, c-à-d que les données doivent être linéairement séparables. Les données sont représentées dans un espace vectoriel. La fonction va rechercher le meilleur séparateur pour partager les données en deux classes via une ligne, ou un hyperplan, qui sera placée de façon à maximiser les marges la séparant des points, représentant les variables, les plus proches. Si les données ne sont pas linéairement séparables, on utilise alors la technique du « noyau » qui consiste à considérer le problème dans un espace de dimension supérieure, ainsi on augmente grandement les chances de trouver une séparation.

C'est algorithme de classification binaire, mais il existe des méthodes pour l'adapter à la classification multi-classes, notamment la technique « one-vs-all ».

Le SVM est largement accepté dans l'industrie ainsi que dans le monde académique. Par exemple, Health Discovery Corporation utilise le SVM dans un outil d'analyse d'images médicales actuellement sous licence de Pfizer. Dow Chemical utilise le SVM dans ses recherches pour la détection des valeurs aberrantes et Reuters l'utilise pour la classification de textes (Mertsalov, 2009).

Ils sont particulièrement bien adaptés aux problèmes de classification binaire dans des espaces vectoriels de grande dimension. Les documents textuels étant par définition composé d'un grand nombre de dimensions, le SVM est donc particulièrement performant sur ce type de données (Amancio, 2014). Le SVM surclasse les autres algorithmes sur les aspects de surdimensionnement, de redondance des fonctionnalités, de robustesse et donc de précision de la classification (Luo & Li, 2014). De plus, il performe bien avec peu d'exemples.

Malheureusement, il n'est pas incrémental (Tellier, 2010), il ne peut s'adapter au changement de nature inhérents aux document textuels. Mais d'autres le sont, notamment le Bayésien naïf.

3.5.5.2 Le Bayésien naïf

C'est un classifieur17 probabiliste, basé sur le théorème de Bayes. Ces programmes sont simples, rapides et relativement efficaces pour les données textuelles. Un de leur principal intérêt est leur

16 Support Vector Machine

17 Modèle de classification

33

caractère quasi-incrémental. Comme le »modèle» sur lequel il repose n'est fait que de comptes de nombres d'occurrences, il est très facile à mettre à jour si de nouveaux exemples sont disponibles. C'est probablement pour cela qu'ils sont utilisés pour ranger en »spam» ou »non spam» des emails qui arrivent en flux continus dans les gestionnaires de courriers électroniques (Tellier, 2010).

Malgré le fait que l'algorithme suppose une indépendance entre les caractéristiques d'un exemple d'entraînement, son efficacité rivalise tout de même avec des algorithmes plus puissants. Il peut être considéré comme un très bon classifieur (Ting, 2011).

3.5.5.3 Le paramétrage des algorithmes

Pour améliorer la performance du modèle il est généralement utile de régler les paramètres de l'algorithme, on les nomme hyperparamètres.

Il est possible de le faire manuellement mais des outils permettent de rechercher automatiquement les paramètres optimaux, le plus connu est le Grid Search. Cette méthode consiste à balayer tous les paramètres possibles dans un espace déterminé (Bergstra, 2012). C'est un programme qui automatise l'étape de choix et de paramétrage de l'algorithme.

3.5.6 La mesure des performances du modèle

La troisième étape de l'apprentissage consiste à évaluer la performance du modèle construit en prédiction. Un bon classifieur est un classifieur qui généralise bien, c-à-d qu'il aura appris suffisamment de situations pour prédire correctement. C'est ce critère de performance qu'il faut mesurer. Les métriques les plus utilisées sont le taux de succès, la précision, le rappel et la F-mesure (ou f1-score), (Tellier, 2010). Ces mesures serviront à vérifier la capacité d'un classifieur à bien généraliser.

3.5.6.1 La matrice de confusion

La matrice de confusion indique le niveau de performance du classifieur, les résultats serviront de base aux calculs des différents types de métriques.

Dans le cas d'un problème à deux classes (catégories), considérons les classes A et B d'un jeu de données composé de documents. Après la phase d'apprentissage, la phase de test consiste à soumettre au classifieur le jeu de données de test durant lequel il classera les documents soit en catégorie A soit en catégorie B. Il en résultera 4 cas :

· Nombre de documents A classé A : Vrai positif noté VP

· Nombre de documents A classé B : Faux négatif noté FN

· Nombre de documents B classé A : Faux positif noté FP

· Nombre de documents B classé B : Vrai négatif noté VN

La matrice est complétée avec ces 4 résultats :

34

Classes Prédites

 

Classe B

Classes Réelles

Classe A

VP

FN

 

FP

VN

 

Tableau 3 - Matrice de confusion

Même si cette matrice fournit beaucoup d'informations, elle n'est pas utilisable en production, on utilisera pour cela les métriques suivantes.

3.5.6.2 Le taux de succès

Le taux de succès ou exactitude s'obtient avec le calcul suivant :

Cette métrique désigne simplement la proportion de classes qui ont été bien classées. En général, on l'utilise pour avoir une première vue de l'apprentissage. Si la répartition des classes est déséquilibrée, cette métrique ne sera pas pertinente. Pour valider le classifieur on utilisera plutôt les métriques précision/rappel et F-mesure.

3.5.6.3 La précision

La précision s'obtient avec le calcul suivant :

Cette métrique permet de connaitre les prédictions de type vrai (positive, c-à-d la classe A), mais elle n'est pas complète car avec cette seule valeur, nous ne pouvons pas connaitre le nombre de documents de classe A mal classés, c'est pourquoi il faut l'associer au rappel.

3.5.6.4 Le rappel

Le rappel s'obtient avec le calcul suivant :

VP

Rappel =

VP + FN

Le rappel nous permet donc d'avoir la proportion de bonne prédiction de la classe A sur le nombre total. L'utilisation de la courbe précision/rappel permet d'avoir une visualisation graphique qui peut faciliter l'interprétation.

3.5.6.5 La F-Mesure

La F-Mesure est la moyenne harmonique du rappel et de la précision qui s'obtient avec le calcul

2 x (Précision x Rappel)

F-Mesure =

suivant : Précision x Rappel

Figure 15 - Conséquences du sous-apprentissage et du sur-apprentissage sur le taux d'erreur (Al-Behadili, et al., 2018)

Cette métrique résume assez bien l'évaluation, cependant il faut quand même vérifier la précision et le rappel afin de mieux cerner le comportement du classifieur. La F-mesure est également appelée F1, car les valeurs de rappel et de précision ont la même pondération (Aphinyanaphongs, et al., 2014). Accompagner cette métrique de la matrice de confusion permet de mieux visualiser la situation (figure 14).

3.5.7 Leviers d'ajustement

Rappelons que l'objectif du modèle est la bonne généralisation de la règle induite par l'apprentissage. On entend par « bonne » généralisation un niveau d'apprentissage qui ne soit ni insuffisant ni trop élevé (Al-Behadili, et al., 2018). Pour obtenir le meilleur taux de réussite possible en production, il faut éviter le

sous-apprentissage et le sur-
apprentissage, comme on peut le voir sur la figure 15 :

35

Figure 14 - Exemple de matrice de confusion accompagnée de la F-mesure (F1) (AWS, s.d.)

· Le sous-apprentissage arrive
lorsque le modèle n'a presque rien appris à partir des données d'apprentissage.

· Le sur-apprentissage arrive quand le modèle de classification prédit exactement le label des données d'apprentissage, alors qu'il est incapable de prédire correctement le label de nouvelles données.

Figure 16 - Processus de modélisation d'un classifieur (Osisanwo, 2017)

36

Plusieurs méthodes permettent de réduire ces risques. La régularisation est la technique la plus utilisée, mais on peut jouer sur les données en elles-mêmes en répartissant les données d'apprentissage et de validation, en réduisant la dimensionnalité (le nombre de variables), en supprimant les données aberrantes (le bruit) ou même, en optant pour un algorithme plus puissant. Cette façon itérative de rechercher la meilleure optimisation d'un classifieur est inhérente à la démarche du ML comme on peut le voir sur la figure 16.

3.5.7.1 La Régularisation

La régularisation est l'action qui permet d'ajuster au mieux les paramètres de l'algorithme, celle-ci est effectuée via les hyperparamètres qui sont propres à chaque famille d'algorithmes. L'objectif est de trouver la valeur du paramètre qui équilibre le mieux le sous-apprentissage et le sur-apprentissage pour offrir la meilleure précision possible sur le jeu de test (Russell & Norvig, 2010). Cet ajustement est manuel, mais il est possible d'utiliser la méthode Grid Search qui est un programme qui va tester automatiquement tous les paramètres possibles d'un algorithme, comme vu précédemment.

3.5.7.2 Les données

Si les variables sélectionnées ne sont pas représentatives du corpus de données, il sera nécessaire de revoir le pré-traitement des données, par exemple en changeant de méthode de représentation des données, ou en utilisant une autre méthode de sélection de variables (Géron, 2017).

3.5.7.3 La validation croisée

L'approche traditionnelle de découpage du jeu d'entrainement en deux sous-ensembles peut amener le modèle à sur-apprendre, c-à-d que le résultat en production sera très différent de celui attendu. C'est ce qui arrive lorsque la distribution de variables est déséquilibrée dans le jeu de données. Pour diminuer ce risque, il est possible de découper en petit sous-ensembles les jeux de données d'apprentissage et de validation. Cette technique augmente l'intégrité des résultats du modèle. (Aphinyanaphongs, et al., 2014)

3.5.7.4 L'algorithme

Il y a des algorithmes qui sont sensibles au sur-apprentissage et inversement il y en a qui sont sujets au sous-apprentissage car trop simples. C'est pourquoi, lorsque les leviers précédents n'ont pas été suffisants, le changement d'algorithme devient nécessaire (Kotsiantis, et al., 2007).

3.5.7.5 La réduction de dimension

La matrice dans laquelle est représenté le jeu de donnée peut être de très grande dimension, ce qui risque de consommer énormément de temps et de ressources pour traiter les données, on nomme ce risque « la malédiction de la dimension » (Biernat & Lutz, 2015). Il faut réduire la

37

dimension. L'idée principale est de sélectionner un sous-ensemble de termes caractéristiques du document, et ce, en gardant les mots dotés des scores ou poids les plus élevés, en appliquant des mesures confirmant l'importance des termes sélectionnés. De nombreuses mesures d'évaluation des termes sont utilisées dans la littérature, en voici quelques un : le seuillage de fréquence, le Gain d'information, la mesure de x2 et Odds Ratio (Bazzi, 2016).

3.6 Spécificités de la classification de textes

Figure 17 - Pré-traitement des données textuelles

Contrairement aux données structurées, les données textuelles doivent subir une modification car elles ne sont pas exploitables par les algorithmes telles quelles, il faut les rendre mathématiquement intelligibles en les transformant en chiffres (Leopold & Kindermann, 2002).

La représentation des documents textuels au format numérique n'est pas simple. Une des particularités du problème de classification de textes est le nombre de variables, qui peut facilement atteindre les dizaines de milliers, car dans l'absolu, une variable peut représenter un mot ou une chaine de caractères. Cela peut poser de nombreux problèmes aux algorithmes qui auront du mal à traiter un espace d'une telle dimension. Le pré-traitement des données répond à cette problématique en réduisant le nombre de variables grâce à différentes techniques (Ikonomakis, et al., 2005). Il a été démontré que la phase de pré-traitement (figure 17) était très importante pour augmenter la qualité d'un classifieur (Ting, 2011).

L'objectif de ce processus sera de déterminer les variables les plus pertinentes pour la classification. En effet, certaines variables sont beaucoup plus susceptibles d'être corrélées à la distribution de classes que d'autres. Une grande variété de méthodes est proposée dans la littérature afin de déterminer les caractéristiques les plus importantes pour la classification (Aggarwal & Zhai, 2012). Le choix de combinaisons appropriées de méthodes de pré-traitement peut apporter une amélioration significative de la précision de la classification (Gunal, 2014). Dans la suite de ce chapitre, nous choisirons les techniques classiques à mettre en oeuvre.

3.6.1 Etapes du pré-traitement des données textuelles

Le processus de pré-traitement est composé habituellement de cinq étapes (figure 18), on commence d'abord à segmenter le texte en token, c'est-à-dire en termes (généralement en mots), ensuite un filtrage est effectué pour ne prendre en compte que les mots qui ont du sens. Puis, une autre technique

38

permet de réduire le nombre variable en ramenant les mots à leur forme d'origine ou canonique. Chaque texte peut désormais être représenté par un vecteur de nombres qui correspond au nombre d'occurrences de chaque variable (mot). Enfin, la phase la plus importante, celle qui aura le plus d'impact sur la qualité du corpus, est la sélection des variables. On utilisera une technique de pondération non-supervisée (Tellier, 2010).

3.6.1.1 Tokenisation

La tokenisation consiste à découper un texte en mots (mots / phrases) appelés token. Il est ensuite possible de traiter chacun de ces mots pour réduire la taille de chaque texte (Webster & Kit, 1992).

Figure 18 - Etapes du pré-traitement des données textuelles

(Osisanwo, 2017)

3.6.1.2 Lemmatisation

Il existe deux façons de fusionner des mots proches pour diminuer la dimension : la racinisation et la lemmatisation. La racinisation est plus adaptée à l'anglais alors que la lemmatisation le sera pour le français.

La racinisation consiste à ramener un mot à sa racine en se basant sur des règles et un lexique. La lemmatisation consiste à remplacer un mot par sa forme canonique à partir de son analyse morphosyntaxique. En d'autres termes, on tente de mettre les verbes à l'infinitif et les noms au masculin singulier.

L'inconvénient de ces deux méthodes est la perte de sens.

3.6.1.3 Filtrage

Le filtrage est généralement effectué afin de supprimer certains mots. Un filtrage courant est la suppression des mots vides, les stopwords. Ce sont les mots qui apparaissent très fréquemment dans le texte, ou inversement les mots rarement présents et qui n'ont que peu de pertinence, tous peuvent être supprimés. Les seuils sont à déterminer en fonction du contexte. Les ponctuations et les chiffres sont aussi filtrés, enfin, il est aussi conseillé de normaliser la case.

3.6.1.4 Vectorisation des textes

La représentation de documents la plus utilisée est appelée modèle vectoriel. Le principe est d'affecter une dimension de l'espace à chaque variable présente dans les documents du jeu de données. Les documents sont représentés par des vecteurs de mots de grande dimension et creux, en effet, un nombre important de cellules sera vide eu égard à l'improbabilité d'avoir les mêmes mots dans tous les documents.

Chaque document est donc un vecteur dont les coordonnées sont la suite des nombres présents sur toute la ligne. L'algorithme va considérer les nombres contenus dans chaque colonne comme un point de coordonnées dans un espace vectoriel.

Mais cette représentation a des limites, la haute dimensionnalité, la perte de corrélation avec les mots adjacents et la perte de relation sémantique existants entre les termes d'un document. Pour résoudre

Terme 1

Terme 2

...

...

Terme ri

39

ces problèmes, les méthodes de pondération de termes sont utilisées pour attribuer une pondération appropriée (Korde & Mahender, 2012).

3.6.1.5 Sélection des variables

Les variables sont définies, il n'y a plus qu'à les compter. Le but est de rechercher des variables discriminantes, pour cela il faut évaluer l'importance des variables dans un texte par rapport à l'ensemble des documents. La méthode la plus simple est basée sur la fréquence des variables le TF-IDF (Term Frequency-Inverse Document Frequency). C'est une méthode de pondération non-supervisée (Patra & Singh, 2013), le poids de chaque variable augmente proportionnellement au nombre d'occurrences du mot dans le document.

D'une part, il va augmenter, pour chaque document, l'importance des mots présents plusieurs fois dans ce document, et d'autre part, il va augmenter globalement l'impact des mots présents dans peu de documents.

Les inconvénients sont le risque d'augmenter le bruit et de biaiser l'algorithme, ils sont dus à la porosité de la matrice. Les variables ne sont pas présentes dans tous les documents, on aura beaucoup de cases à 0. Un autre inconvénient est la non prise en compte des relations potentiellement précieuses de la polysémie et de la synonymie (Luo & Li, 2014).

Une alternative basée sur la prédiction se nomme le Word Embedding, par exemple les méthodes PCA, LSA ou LDA basées sur la fréquence, ou des méthodes plus récentes Word2vec ou Fastext. A la différence de TF.IDF, ces méthodes prennent en compte le contexte de la variable, c-à-d les variables qui l'entourent. Des variables souvent associées auront un sens particulier, les vecteurs de comparaison seront plus précis.

Document 1

Document 2

...

...

...

Document m

Tableau 4 - Matrice Document-Termes

40

3.7 Outils

Figure 19 - Comparaison des MLaaS de AWS, MS, Google et IBM (AltexSoft, 2018)

Pour développer une solution basée sur le Machine Learning, il faut disposer d'un toolkit. Il en existe en open-source à installer sur son ordinateur comme Knime ou Weka (Tellier, 2010). Mais la tendance est l'utilisation de toolkit disponible sur le cloud, cette solution permet de disposer immédiatement d'outils avec des ressources de calculs et de mémoires bien supérieurs au poste de travail traditionnel. Ce sont principalement les géants de l'internet (GAFAMI18) qui

fournissent ces solutions
d'Machine Learning, nommées MLaaS19 (Yao, 2017). Ils ont mis à disposition l'ensemble des « briques de base » en open source (Caseau, 2018), et permettent l'interopérabilité avec les outils de certaines plateformes comme on peut le voir sur la figure 19 (AltexSoft, 2018).

Un autre avantage de ces plateformes propose des outils entièrement automatisés qui optimisent les classifieurs en utilisant des tests internes (Yao, 2017) comme nous l'avons vu précédemment pour la technique du Grid Search.

Enfin, il y a deux façons de créer un pipeline20 sur ces plateformes, soit en scriptant avec un langage comme python soit en utilisant une interface graphique (figure 20) qui ne nécessite aucune expertise technique.

Figure 20 - Azure ML text classification workflow (Abdel-Hady, 2015)

18 Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, IBM

19 Machine Learning as a Service

20 Suite de brique séquentielle qui compose le modèle

41

3.8 Conclusion

Parmi les branches de l'intelligence le domaine du Machine Learning est le plus d'avancées. Cette méthode est celle qui est la plus adaptée à l'automatisation de la classification de documents, à travers la modélisation d'un classifieur supervisé. C'est une démarche empirique qui se résume à une succession de choix et d'expérimentations pour arriver à construire le modèle qui répondra correctement aux besoins du problème posé. Ceci répond donc à la deuxième question de recherche.

Ces deux derniers chapitres nous ont permis de comprendre le point de vue théorique du sujet, voyons maintenant quelles sont les meilleures pratiques utilisées par les professionnels du secteur.

42

4 ENTRETIENS

La revue de littérature est complétée par une série d'entretiens qui a permis de relever quelques précieux retours d'expérience. En effet, d'après plusieurs professionnels du secteur, le domaine du Machine Learning en entreprise est récent et les retours d'expérience sont rares (DOCUMATION, 2018).

La synthèse de ces retours d'expérience est présentée dans deux chapitres : le premier, relatif aux questions organisationnelles et le second, aux questions techniques.

4.1 Aspect projet

4.1.1 Quelle méthode de projet choisir ?

Les méthodes de gestion de projet classiques peuvent s'appliquer à ce type de solution (Microsoft, 2018). Cependant, d'après tous les experts, les méthodes agiles sont mieux adaptées au développement de solutions basées sur le Machine Learning. Le mode de travail itératif, qui est une des particularités des méthodes agiles, convient parfaitement à la modélisation d'un classificateur qui est rarement construit d'un seul tenant.

La première itération sert généralement à définir le MVP21 qui est l'objectif minimum à atteindre en termes de qualité (Microsoft, 2018). Le nombre d'itérations dépend du contexte (Sinequa, 2018), plus il est complexe et plus il y en aura.

L'agilité permet d'impliquer le métier tout au long du projet, ce qui est important car son rôle est primordial dans la construction d'un modèle.

Enfin, il est important de noter que dans ce domaine, nous sommes toujours en phase exploratoire. Les entreprises expérimentent souvent cette technologie à travers des projets pilotes (Antidot, 2018) (Microsoft, 2018), là encore l'agilité est bien adaptée.

4.1.2 Phase de cadrage

Il ne faut jamais se lancer dans un tel projet sans partir d'un besoin ou d'un cas d'usage (Microsoft, 2018) (Sinequa, 2018). Il faut par exemple se poser la question suivante : « est-ce qu'un être humain pourrait s'en sortir avec les informations mises à disposition ? », si la réponse est négative, il faut oublier le ML (Microsoft, 2018).

Ensuite, il faut s'assurer d'avoir le prérequis essentiel : les données ! S'il n'y a pas de données on ne peut pas lancer de projet, elles doivent être en quantité suffisante (Antidot, 2018) (Sinequa, 2018).

21 Minimum Viable Product

43

4.1.3 Quels sont les rôles et compétences nécessaires ?

La taille de l'équipe projet sera bien sûr fonction du problème à résoudre, mais elle ne doit pas dépasser quatre à cinq membres, et chacun d'eux doit comprendre au minimum ce qu'est la démarche du Machine Learning (Antidot, 2018) (Bull-Atos, 2018),.

Concernant les compétences, l'équipe doit être composée d'au moins un spécialiste Machine Learning et d'un expert métier (Antidot, 2018). Tous les experts sont unanimes pour dire que le représentant métier joue un rôle important, en ce sens qu'il participe véritablement à la construction du modèle, tout en orientant l'utilité de la solution. En conséquence, le spécialiste technique devra être capable de comprendre les enjeux métiers, pour accompagner le métier dans son rôle (Microsoft, 2018).

Le profil technique type est celui du data scientistes (Antidot, 2018), cependant il est aujourd'hui de plus en plus facile de monter en compétence un profil développeur (Microsoft, 2018) (Bull-Atos, 2018), car deux compétences techniques sont relativement nécessaires en fonction des outils et du problème à résoudre. La première est la compréhension des mécanismes statistiques propres à la distribution des variables dans un jeu de données. La deuxième est la capacité à programmer les paramètres via les langages de script de type python ou R, voir des langages classiques pour les solutions d'éditeur.

Il est important de noter que les derniers progrès sur les plateformes cloud de Machine Learning permettent de construire un modèle sans être spécialiste en développement (Upfluence, 2018) (Sinequa, 2018). En revanche, il faut être capable de comprendre le fonctionnement d'un modèle du point de vue des données (Sinequa, 2018).

4.1.4 Comment définir la qualité du livrable ?

Il est difficile de répondre à cette question car cela dépend beaucoup du contexte, c'est-à-dire de la problématique à résoudre et des données à disposition.

D'abord, il est important de comprendre que la mesure de performance en ML est particulière, par exemple un score de prédiction de 100% est paradoxalement un mauvais score, car cela signifie que le classifieur généralise mal (Antidot, 2018) (Bull-Atos, 2018).

Le score de performance habituel d'un bon classifieur se situe entre 80 et 90 %. Au-dessus, le score serait exceptionnel et en dessous, cela dépendrait de la problématique à résoudre. Dans certains cas un score de 50% reste acceptable car la moitié du travail aura été fait, mais dans d'autres plus sensibles comme la santé, le résultat serait inexploitable (Bull-Atos, 2018) (Sinequa, 2018). Si le modèle de classification est exploité avec un flux de données en continu, le score doit rester au-dessus de 90% (Sinequa, 2018), ce type d'exploitation s'obtient avec des modèles matures.

4.1.5 Comment estimer l'opportunité ?

Pour rappel, l'intégration de solutions du Machine Learning dans les organisations est toujours en phase exploratoire, les projets sont souvent des POC22 (projets pilotes) qui servent à évaluer

22 Proof of concept

44

l'opportunité et la faisabilité de ce genre de projet, notamment en termes de coût et de délai (Microsoft, 2018) (Antidot, 2018) (Bull-Atos, 2018). Il est par conséquent difficile de parler de ROI23. Concernant les projets appliqués à la gestion documentaire, les retours d'expérience sont rares (DOCUMATION, 2018).

Les arguments justifiant ce type de projet pour les entreprises sont de deux sortes (Microsoft, 2018) (Antidot, 2018) (Bull-Atos, 2018):

- Optimiser un processus métier

- Conquérir de nouveaux marchés, développer de nouveaux usages

4.1.6 Quels sont les principaux risques ?

Un besoin mal défini représente un risque important. Certaines entreprises pensent à tort que le Machine Learning peut résoudre des problèmes non résolus avec les méthodes classiques (Microsoft, 2018) (Sinequa, 2018). La méthode du ML a besoin de données suffisamment pertinentes et en quantité. Lancer un projet sans prendre en compte cette condition est sans aucun doute une prise de risque.

Un facteur de risque important se situe pendant la phase de construction du jeu de données d'entrainement. Pour construire un classifieur, les données d'entrainement doivent être étiquetées à la main. Cette tâche est rébarbative car le nombre de documents à classer manuellement peut être élevé. L'algorithme se basera sur ces données pour construire le modèle, donc, si l'étiquetage est mauvais, le classifieur le sera aussi (Sinequa, 2018) (GROUIN & FOREST, 2012). Par conséquent, le facteur humain doit être pris en compte.

Un autre facteur de risque provient des métiers qui peuvent accueillir ce genre de projets avec méfiance (Microsoft, 2018).

4.1.7 Faut-il prévoir une MCO24 particulière ?

Il convient de prévoir la gestion du cycle de vie de la solution dès lors que la décision est prise de la mettre en production, le processus doit comprendre trois actions (Microsoft, 2018) (Antidot, 2018) (Sinequa, 2018):

- Une supervision pour vérifier la performance du classifieur dans le temps est primordiale car

ce type de solution est sensible à l'évolution des données en entrée qui sont inhérentes à tout type de métier.

- La détection de baisse de performance doit déclencher une phase de réapprentissage pour mettre à jour le classifieur, cette action peut être prise en charge par le métier.

- Si le réapprentissage ne suffit pas, il sera nécessaire de faire appel à un spécialiste technique
pour remonter les performances du classifieur.

23 Retour sur investissement

24 Maintien en condition opérationnelle

45

4.2 Aspect technique

4.2.1 Comment préparer les données ?

4.2.1.1 Vérifier les données à disposition

La première phase consiste à vérifier que les données à disposition sont exploitables. Il n'existe pas d'outils pour évaluer la faisabilité du projet en fonction des données disponibles (Microsoft, 2018). Cependant, on peut estimer qu'un corpus d'environ 100 000 mots est suffisant pour construire un classifieur correct, et même moins si le champ lexical est restreint (Antidot, 2018). En effet, lorsque les variables discriminantes sont clairement identifiables, le besoin en exemple lors de l'apprentissage est moindre (Sinequa, 2018).

4.2.1.2 Effectuer le prétraitement

Les données textuelles ne sont pas exploitables, il faut les transformer numériquement. Cette opération nécessite de réduire le nombre de variables, le plus souvent des mots, en filtrant ceux qui ne portent pas de sens, et en les rapportant à leur racine (Microsoft, 2018) (Upfluence, 2018) (Sinequa, 2018). La première technique est le stopword et la deuxième, « racinisation ».

La sélection de variables est l'opération la plus importante du pré-traitement (Microsoft, 2018). Elle consiste à sélectionner les éléments les plus pertinents qui caractérisent chaque document (Upfluence, 2018) (Antidot, 2018). L'implication du métier dans cette phase est primordiale (Sinequa, 2018).

Les techniques de sélection de variables sont nombreuses. La plus classique se base sur la fréquence des mots, nommée « tf.idf ». Les méthodes les plus récentes sont basées sur la prédiction, elles semblent être plus efficaces (Sinequa, 2018), car elles prennent en compte l'aspect sémantique du texte en se basant sur une énorme base de données. Cependant, elles ne sont pas efficaces sur les textes longs (Upfluence, 2018), par exemple « word2vec » ou « fastext ».

4.2.1.3 Définir le jeu d'entrainement

Il faut définir une stratégie de répartition de l'échantillon de données qui servira à la construction du modèle. Il est conseillé de garder une petite partie, en général 20 %, pour le test final avant mise en production. Puis de scinder en deux le reste, la plus grande partie servira à l'apprentissage et doit être étiqueter à la main avec les métiers, attention c'est une phase sensible (Antidot, 2018) (Sinequa, 2018).

La technique de « validation croisée » augmente les chances de construire un bon classifieur (Microsoft, 2018) (Sinequa, 2018), cette technique permet de diminuer le risque de surapprentissage.

4.2.2 Choix de l'algorithme

En référence au théorème « No Free launch », il n'y a pas de meilleur algorithme qui s'appliquerait sur tous les problèmes, il faut donc faire un choix (Upfluence, 2018). Les algorithmes « state of the art » sont connus et reconnus pour leur performance, notamment pour la classification textuelle (Sinequa, 2018). C'est le cas par exemple pour la famille d'algorithme SVM et les réseaux bayésiens (Upfluence, 2018). Le SVM est robuste mais ne peut pas se mettre à jour, le Bayésien Naïf performe bien avec peu de données et se met à jour facilement.

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Il existe aujourd'hui des techniques qui permettent de sélectionner automatiquement le meilleur algorithme ainsi que les paramètres optimisés en fonction des données en entrée (Microsoft, 2018) (Upfluence, 2018) (Sinequa, 2018). Par exemple la technique de « Grid Search » associée à la « validation croisée » permet de tester dans un intervalle prédéfini, à la main, tous les algorithmes et leurs paramètres.

4.2.3 Validation et régularisation du classifieur

4.2.3.1 La validation

Il y a différentes techniques de validation du classifieur, la validation permet de construire le modèle en charge en cherchant pourquoi il réagit de telle ou telle façon. C'est ce qui guidera vers les paramètres à modifier (Sinequa, 2018).

La technique de validation classique consiste à utiliser plusieurs mesures, il est conseillé de les utiliser dans l'ordre suivant (Microsoft, 2018) (Upfluence, 2018) :

- Le taux de réussite pour s'assurer que le classifieur fonctionne bien.

- La matrice de confusion pour analyser le fonctionnement du classifieur pour voir en détail les

erreurs et leur origine.

- La F-Mesure (F1-score) permet d'avoir une métrique de performance comme mesure de performance pour la supervision.

Le taux de réussite ne donne pas d'informations sur la distribution des classes. Lors de la construction du modèle, il faudra impérativement analyser la matrice de confusion pour déterminer les leviers à utiliser pour régulariser le modèle. C'est encore plus important si le classifieur est multi-classes (Microsoft, 2018) (Upfluence, 2018).

4.2.3.2 La régularisation

Cette phase consiste à revenir sur certains paramètres. Si l'algorithme a été sélectionné avec une méthode automatique, la régularisation consistera surtout à améliorer la qualité du jeu d'entrainement, par exemple, en améliorant l'apprentissage, en ajoutant de nouveaux exemples (Antidot, 2018), ou en changeant la technique de sélection de variable comme le « word2vec » (Upfluence, 2018).

4.2.4 Outillage

La quantité et la qualité de l'outillage à disposition est un des facteurs qui facilite la modélisation d'un classifieur (Sinequa, 2018).

Les plateforme cloud qu'on nomme MLaaS25 propose un catalogue d'outillages et permet même l'interopérabilité d'autres bibliothèques open source. C'est le cas de TensorFlow de google (Upfluence, 2018), Microsoft offre aussi une plate-forme de Machine Learning « MS azure ML studio » (Microsoft, 2018).

25 Machine Learning as a Service

47

Mais la solution peut aussi être construite par un éditeur spécialisé, pour une prise en charge clés en main du projet. C'est le cas des sociétés Sinequa et Antidot qui développent et implémentent ce genre de solutions.

4.3 Conclusion

Ces entretiens ont confirmé en grande partie ce qui a été relevé dans la littérature en termes de solutions techniques, mais ils apportent aussi des éclairages sur les pratiques à adopter en matière de management de projet.

Les difficultés rencontrées lors de projet d'intégration de solution ML dans les entreprises s'expliquent par le manque de compréhension de ce qu'est le ML par les métiers. Les entreprises ont été habituées à exploiter des solutions logiciel sur étagère, c'est pourquoi, beaucoup de projets sont des pilotes. Les derniers progrès d'algorithmes réutilisables sont trop récents pour imaginer des solutions pseudo-génériques sur étagère.

En attendant l'arrivée de solutions pseudo-génériques, l'approche actuelle consiste à construire un modèle de prédiction via une démarche empirique, qui est une succession de choix et d'expérimentations, grâce à des outils toujours plus performants. Une fois construit et mis en production, il faudra mettre à jour régulièrement le modèle comme toute application.

Il est intéressant de noter que les outils actuels, notamment disponibles sur le cloud, permettent d'automatiser en partie le processus de création du modèle. Ce qui facilitera à l'avenir la modélisation. En attendant, les bonnes pratiques qui répondent à la troisième et dernière question de recherche sont présentées dans le chapitre suivant.

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5 RECOMMANDATIONS SYNTHÉTISÉES

Rappel de la problématique :

Quelles sont les bonnes pratiques qui permettent de réussir l'implémentation d'une solution basée sur l'intelligence artificielle pour automatiser la classification d'une base documentaire ?

Réponses à la problématique :

Vérifier la quantité de données disponibles

- La quantité minimum d'exemples nécessaires est d'au moins 100 documents pour un corpus spécialisé.

Choisir une méthode de projet agile

- Cette méthode permet de planifier des itérations calquées sur la démarche empirique du Machine Learning.

Choisir un profil technique qui a les capacités d'interpréter les résultats d'un cycle d'apprentissage

- Un profil développeur ne suffit pas, il faut avoir des bases solides en Machine Learning,
notamment être capable de comprendre le comportement du modèle pour ajuster les paramètres d'optimisation, notamment la sélection de variables qui nécessite de comprendre le fonctionnement des méthodes.

Intégrer un spécialiste métier dans l'équipe dès le début du projet et le faire monter en compétence - Le métier doit comprendre le fonctionnement des méthodes de Machine Learning, notamment les spécificités de la classification supervisée de données textuelles. Cela lui permettra de comprendre ce qu'on attend de lui.

Démarrer la première itération avec des méthodes classiques

- Cela permettra de définir une référence et un objectif à atteindre pour les itérations suivantes.

Utiliser de préférence l'outillage disponible sur les plateformes MLaaS

- Les outils présents sur ces framework permettent de construire un modèle plus facilement, grâce à une interface graphique et à des outils d'assistance au paramétrage.

Choisir un algorithme « state of the art » connu pour performer sur la tâche de classification de textes

- Si l'outillage ne permet pas de choisir automatiquement un algorithme et ses paramètres, alors il faut choisir l'algorithme SVM qui est connu pour être le meilleur dans ce type de tâche. Essayer d'abord la version linéaire, puis la version kernel.

Choisir aléatoirement l'échantillon de données et utiliser une méthode de « validation croisée »

- Cela diminuera le risque de distribution déséquilibrée dans l'échantillon d'apprentissage, et
donc de sur-apprentissage.

L'étiquetage des exemples doit être fait par un spécialiste métier

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- La phase la plus critique est l'étiquetage manuel des documents qui serviront d'exemples pour

la phase d'apprentissage, il faut donc la traiter avec la plus grande minutie.

Commencer par utiliser la méthode TF.IDF pour sélectionner les variables

- C'est une méthode classique qui donne de bons résultats. La phase de sélection de variables est importante, il ne faut pas hésiter à utiliser d'autres méthodes plus évoluées pour améliorer le modèle comme les méthodes SVD ou LDA.

Mesurer la performance du modèle avec la matrice de confusion

- La matrice de confusion permet de mieux comprendre le comportement du modèle. Pour une métrique en production, choisir la mesure F-mesure.

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6 CONCLUSION

La question du transfert des connaissances est essentielle pour les organisations. Une entreprise souhaite migrer ses bases documentaires vers un outil récent pour profiter des fonctionnalités qui facilitent le partage des connaissances. Cependant, ces documents doivent être étiquetés avant la migration, au prix d'un travail conséquent de classification manuelle. Les récents progrès de l'intelligence artificielle permettent d'automatiser certaines tâches lourdes et rébarbatives. La problématique de cette étude était de rechercher les facteurs clés de réussite d'un projet de Machine Learning pour automatiser la classification de documents.

Les outils récents, comme SharePoint, proposent de structurer les bases documentaires à travers une classification basée sur les métadonnées des documents, cette technique facilite la circulation des informations. Pour cela chaque document doit être étiqueté. Cependant, les bases documentaires contiennent des centaines de milliers d'éléments, ce qui rend impossible l'étiquetage manuel.

L'automatisation de la tâche de classification est à la portée des solutions proposées par l'intelligence artificielle, notamment le Machine Learning. Cette méthode est déjà utilisée par certaines grandes entreprises pour classer des documents. Elles se basent sur une démarche empirique qui tranche avec les méthodes classiques de développement, le Machine Learning explore les données pour construire un modèle de classification automatique uniquement à partir d'exemples et sans code.

Nous avons exploré différentes techniques sans les mettre en pratique, cependant la littérature et les retours d'expérience de professionnels confirment les capacités attendues des méthodes du Machine Learning, à condition de respecter certains principes et bonnes pratiques.

Ces principes sont assez simples et peuvent se résumer en deux points. D'abord, posséder suffisamment d'exemples, cette condition est un prérequis. Ensuite, impliquer le métier, la classification en Machine Learning s'appuie sur des caractéristiques clairement identifiées qui sont propres à chaque métier.

Ces conditions doivent être accompagnées de bonnes pratiques : Adopter une méthode de projet Agile, qui convient parfaitement à une démarche empirique. Inclure le métier dès le début du projet pour qu'il se sente concerné, et le faire monter en compétence sur le ML pour qu'il comprenne ce qu'on attend de lui. Choisir un expert technique surtout sur la base de ses compétences en analyse de données, car un profil développeur ne suffit pas, il faut comprendre ce qui se cache dans la boite noire. Débuter le processus de modélisation en utilisant des méthodes simples pour établir une référence. Concentrer les efforts d'optimisation sur la phase de sélection des variables. Enfin, la dernière condition concerne l'outillage qui doit être adapté à la tâche de classification de données textuelles, et qui sont notamment disponibles sur les plateformes MLaaS dont l'utilisation est très intuitive, grâce à des interfaces graphique qui vulgarisent la construction de modèles.

Les progrès en matière de performance des programmes utilisés sur ces plateformes cloud permettent d'automatiser certaines tâches qui sont habituellement réalisées par les data scientistes. Cela augure un virage dans l'adoption des solutions ML. En effet, la première conséquence de ces progrès technologiques est la vulgarisation progressive de la modélisation, les profils aptes à intégrer ces solutions seront mécaniquement plus nombreux. Ce phénomène accélèrera probablement l'adoption de ces technologies par les entreprises, car en parallèle, les données de ces dernières sont en train de migrer massivement vers le cloud.

51

Enfin, la problématique de résistance au changement induit par la classification basée sur les métadonnées, qui est un problème adjacent mais néanmoins corrélé au sujet initial, peut également être solutionnée avec le Machine Learning. Ce changement d'usage peut inclure un agent intelligent qui jouera le rôle d'assistant pour aider les utilisateurs lors de la création d'un nouveau document, l'agent pourra proposer, en analysant le contenu du document, une ou plusieurs catégories que l'utilisateur devra valider ou modifier.

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58

ANNEXE

Questionnaire utilisé lors des entretiens

Aspects organisationnels

n Démarche projet

- Est-ce que l'aspect itératif de la méthode ML26 supervisée est inhérent à tous les problèmes ?

- Quelle méthode projet conseillez-vous ? L'approche agile vous parait-elle adaptée ?

- Peut-on utiliser les retours d'expériences passés (REX27), si oui quelles en sont les limites ?

n Contraintes projet

- Budget/ROI : Quels arguments pourraient valider le business case d'un tel projet ?

- Délai : Quelle est la durée moyenne d'un POC28 (en jours) hors phase de cadrage ?

- Qualité : quel score maximal (performance) peut-on espérer avec cette méthode (%) ?

- Quels sont les risques habituellement rencontrés ?

n Rôles et compétences

- Quelle sont les parties-prenantes et quel est leur rôle dans le projet ?

- Quelle sont les compétences nécessaires minimales pour mener à bien un tel projet ? - Est-ce qu'un profil avec peu d'expériences pourrait prendre en charge cette mission ?

n Maintenance de la solution

- Y a-t-il une MCO29 à prévoir après la mise en production ?

- Est-ce qu'une ressource non spécialiste pourrait prendre en charge la MCO ? Aspects techniques

- Quelle est la quantité minimale de données nécessaires pour qu'un projet de ce type soit viable ?

- Est-ce qu'un corpus très limité est un point bloquant ?

- Existe-il une méthode performante pour traiter un jeu de données très limité ?

- Quelle méthode conseillez-vous pour réduire la dimension d'un document textuel ?

26 Machine Learning

27 Retours d'expérience

28 Proof of concept : Projet pilote

29 Maintien en condition opérationnelle

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- Quelles méthodes de pondération conseillez-vous ?

- Quelle(s) famille(s) d'algorithme(s) sont les plus adaptée(s) à la classification de données textuelles multi-classes ?

- Quel est la meilleure métrique pour mesurer la performance d'un « classifieur » ?

- Existe-il des algorithmes d'optimisation simples et faciles à implémenter, par exemple avec peu de paramètres ?

- Le réglage des hyperparamètres est-il obligatoire ou existe-il des algorithmes qui « s'auto-corrigent » ?

- Quelles techniques de validation conseillez-vous ?

- Quelle solution logicielle connaissez-vous et utilisez-vous ?






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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius