B- L'acceptation explicite par l'Union Africaine
L'Union africaine est une organisation d'Etats africains dont
l'Acte constitutif a été signé le 11 juillet 2000 à
Lomé au Togo et entré en vigueur le 9 juillet 2002 à
Durban en Afrique du Sud, en application de la déclaration de Syrte du 9
septembre 1999144. Elle a remplacé l'Organisation de
l'Unité Africaine145 (OUA).
Ses objectifs sont d'oeuvrer à la promotion de la
démocratie, des droits de l'homme et du développement à
travers l'Afrique, surtout par l'augmentation des investissements
extérieurs par l'intermédiaire du Nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique (NEPAD)146.
L'on peut constater, respectivement dans les dispositifs de
son Acte constitutif (1) et Protocole relatif à la
création du Conseil de Paix et de Sécurité (CPS)
(2), les ingrédients
142 SALMON (Jean) (dir.), Dictionnaire du droit international
public, op. cit., p. 779
143 FLORY (Maurice), « L'ONU et les opérations de
maintien de la paix », AFDI, 1965, p. 446.
144 Il s'agit de la Déclaration que les Chefs d'Etats
membres de l'Union ont adoptée lors de la quatrième session
extraordinaire de leur Conférence à Syrte, en Grande Jamahiriya
arabe libyenne populaire socialiste, et par laquelle ils ont
décidé de créer l'Union africaine, conformément aux
objectifs fondamentaux de la Charte de l'Organisation de l'Unité
Africaine (OUA) et du Traité instituant la Communauté
économique africaine.
145 L'OUA était une organisation interétatique,
créée et présidée par l'empereur Hailé
SELASSIE en 1963 et dissoute en 2002 dont les buts n'étaient pas
fondamentalement différents de ceux de l'Union africaine.
146 Le NEPAD est un programme qui considère que la paix
et la démocratie sont des préalables indispensables au
développement durable.
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La régionalisation du maintien de la paix et de la
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d'une acceptation de la relation de sous-traitance
établie par l'ONU en matière de maintien de la paix et de la
sécurité internationales.
1- Une acceptation exprimée dans le dispositif
de l'Acte constitutif de l'UA
En donnant naissance à l'Union Africaine,
l'Organisation régionale continentale, l'Acte constitutif, lui assignait
en même temps comme objectif la promotion de la paix et de la
sécurité en Afrique. Plus que partout ailleurs, il faut en
convenir, les questions de paix, de sécurité et de
stabilité, hier comme aujourd'hui demeurent significativement une
préoccupation importante sur ce continent147.
L'on peut le lire dans l'article premier alinéa 3 de la
Charte des NU, l'un des buts des NU est de « réaliser la
coopération internationale (...).
Ce n'est pas différent, en tout cas dans le fond, de ce
qui est « repris » dans l'article 3 paragraphe « e » de
l'Acte constitutif de l'UA (les objectifs de l'Union sont « favoriser
la coopération internationale, en tenant dûment compte de la
Charte des Nations Unies (...) ;... ». Et les NU, dans les articles
et paragraphe considérés, comptent réaliser cette
coopération internationale « ... en résolvant les
problèmes internationaux d'ordre économique, social,
intellectuel..., » ; c'est ce qu'a dûment tenu compte
l'UA dans la consécration du paragraphe « j » («
promouvoir le développement durable aux plans économique,
social et culturel, ainsi que l'intégration des économies
africaines ». Il faut le dire, le Protocole relatif à la
création du CPS de l'UA n'est pas du reste dans cette dynamique
d'acceptation.
2- Une acceptation exprimée dans le dispositif
du Protocole relatif à la création du CPS de
l'UA
Le CPS est un organe de décision permanent pour la
prévention, la gestion et le règlement des conflits ; il
constitue un système de sécurité collective et d'alerte
rapide, visant à permettre une réaction rapide et efficace aux
situations de conflit et de crise en Afrique et est appuyé par la
Commission, un Groupe des sages, ainsi que par un système continental
d'alerte rapide, une force africaine prépositionnée et un Fonds
spécial148.
A côté des autres principes149, le CPS
affirme être « guidé par les principes
énoncés dans ... la Charte des Nations Unies ... » en
particulier a) « le règlement pacifique des différends
et
147 NTWARI (Guy-Fleury), L'Union africaine et la promotion
de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique,
Thèse de Doctorat de droit international et relations
internationales, Université Jean Moulin-Lyon 3, 2014, p. 1.
148 Article 2 paragraphes 1 et 2 du Protocole relatif
à la création du CPS.
149 b. la réaction rapide pour maîtriser les
situations de crise avant qu'elles ne se transforment en conflits ouverts ;
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des conflits ; » et j) « le droit de
l'Union d'intervenir dans un Etat membre (...) dans certaines
circonstances graves ... »
Il est évident que le règlement
organisé150 ou pacifique d'un litige ne saurait
être obtenu au moyen du recours à la menace ou de l'utilisation
des armes, interdit, sauf dans des situations exceptionnelles, par la Charte
des NU autant que par le droit international africain en
général.
Le règlement pacifique des différends et des
conflits, un des principes sacro-saints de l'ONU puis de l'UA, est un ensemble
de mécanismes offerts aux Etats afin de régler leurs oppositions
sans recourir à la force et porter atteinte à la paix et à
la sécurité internationales. Par « règlement »,
il faut entendre la fin définitive d'un contentieux151. Cela
semble présupposer une solution agréée par les
parties152 ou une décision obligatoire et
définitive153. Dans ses Chapitres VI et VII,
consacrés au maintien de la paix et de la sécurité
internationales par exemple, la Charte des NU opère une distinction
fondamentale entre i) le règlement pacifique des différends qui,
s'ils demeureraient sans solution, mettraient en danger cette paix et
sécurité (Chapitre VI) ; et ii) les mesures de contrainte,
économiques, militaires ou autres, consécutives à une
menace de la paix, à une rupture de celle-ci ou à un acte
d'agression (Chapitre VII), que ces actes soient ou non la conséquence
d'un différend préalable (comme cela fut le cas des
opérations entreprises contre l'Irak à la suite de l'invasion du
Koweït, dont l'Irak revendiquait le territoire). Quoi qu'il en soit ces
extraits d'instruments juridiques,
c. le respect de l'état de droit, des droits
fondamentaux de l'homme et des libertés, le respect du caractère
sacré de la vie humaine, ainsi que du droit international humanitaire
;
d. l'interdépendance entre le développement
socio-économique et la sécurité des peuples et des Etats
;
e. le respect de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale des Etats membres ;
f. la non-ingérence d'un Etat membre dans les affaires
intérieures d'un autre Etat membre ;
g. l'égalité souveraine et
l'interdépendance des Etats membres ;
h. le droit inaliénable à une existence
indépendante ;
i. le respect des frontières existant au moment de
l'accession à l'indépendance ;
j. le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur
décision de la
Conférence dans certaines circonstances graves,
à savoir les crimes de guerre, le génocide, les crimes contre
l'humanité, conformément à l'Article 4(h) de l'Acte
constitutif ;
k. le droit des Etats membres de solliciter l'intervention de
l'Union pour restaurer la paix et la sécurité,
conformément à l'Article 4(j) de l'Acte constitutif.
150 CAFLISCH (Lucius), « Le règlement pacifique
des différends internationaux á la lumière des
bouleversements intervenus en Europe centrale et en Europe de l'est »,
in Anuaro español de derecho internacional, N ° 9, 1993,
p. 18.
151 CAFLISCH (Lucius), « Cent ans de règlement
pacifique des différends interétatiques », in Collected
Courses of the Hague Academy of international Law, The Hague Academy of
international Law, Vol. 288, 2001, p. 268.
152 Idem.
153 Idem.
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La régionalisation du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Etude appliquée au conflit en
République Centrafricaine
soient-ils de l'UA ou de la CEEAC, témoignent de leur
acception de la relation de sous-traitance avec les NU, et ce même de
façon tacite.
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