L'appellation « écosystèmes forestiers
» regroupe un ensemble d'habitats très diversifiés
constitués de peuplements de différentes natures, de
densités différentes, d'âges variables et plus ou moins
modifiés par l'homme. Ils s'étendant sur plus de 9 millions
d'hectares, représentent un enjeu stratégique pour le Royaume, et
constituent un espace multifonctionnel qui conditionne l'économie rurale
des populations usagères et riveraines.
D'ailleurs, les fonctions sociales, économiques et
environnementales remplies par les formations forestières sont
estimées à 17 milliards dirhams/ an.
En outre, la dimension écologique affirme le
rôle des forêts dans (1) la conservation de la
biodiversité, (2) la protection des sols et la
régulation du cycle de l'eau et (3) la lutte contre la
désertification. L'importance de ces fonctions et la gestion durable de
ces écosystèmes, où l'effet des changements climatiques
est très marquant, constituent une priorité nationale (CESE,
2020).
Les changements climatiques ont des effets néfastes sur
lesdits écosystèmes, qui malgré leur diversité,
sont très fragiles en raison de la pression humaine sur la ressource de
plus en plus importante. Ces effets sont observés sur tous types
d'écosystèmes marocains dont la subéraie, l'arganeraie, la
cédraie, la tétraclinaie, etc.
Les peuplements de thuya, ont connu une régression
sans commune mesure pour leur emploi en marqueterie. C'est ainsi, on constate
une dédensification et un éclaircissement important dû
notamment au phénomène d'exploitation irrégulière
(coupe illicite, extraction de souche pour la recherche de la loupe, etc.) dans
les régions d'extension du thuya et principalement dans le plateau des
Haha, le Plateau Central (les forêts de Tiddas et d'El Harcha). Dans les
parties orientales des Moyen et Haut Atlas marocains, les
écosystèmes des cédraies et juniperaies ont péri,
d'autres sont en voie de dépérissement sur de vastes
étendues (Et-tobi, 2006, 2007, 2008 ; Mhirit et al. ; 2008).
Par ailleurs, l'évaluation de la
vulnérabilité des écosystèmes forestiers reste une
phase essentielle pour l'adaptation, et l'atténuation des impacts des
CC. Elle pourrait être appréciée à travers l'ampleur
de la dégradation et le rythme de déforestation, l'apparition et
l'extension des dépérissements et les mortalités de
nombreuses essences, ainsi qu'à travers les caractéristiques du
contexte climatique du pays.
La situation du Maroc dans une zone de transition entre le
climat tempéré et le climat sous influence désertique et
tropical, lui confère un climat varié et contrasté et donc
une grande vulnérabilité aux changements climatiques, ce qui
signifie aussi des conséquences et des incidences souvent graves sur les
écosystèmes forestiers nationaux.
Dans les bioclimats humides et subhumides, la tendance est
une évolution vers des bioclimats plus secs et la disparition de
certaines espèces forestières telles que, le Sapin de
Talasemtante, le cèdre de Tizi Ifri, le chêne liège de la
nappe numidienne, le cèdre de Ketama au Rif, le genévrier
thurifère du Haut Atlas. A ces disparitions, succèderaient des
espèces plus adaptées au stress hydrique comme le thuya, le
caroubier, le genévrier rouge, le pin d'Alep, le pistachier et le
genévrier rouge (Ibid.).
La vulnérabilité des forêts aux incendies
et la gravité de ces incendies varient selon les régions. Ils
sont directement liés au type de végétation et notamment
du type de sous-bois.
28
La pêche dans les eaux continentales et l'aquaculture
relevant du domaine forestier seraient également touchées
(GIEC/IPCC, 2007). Les impacts découlant de la dégradation et de
la déperdition du tissu végétal forestier auraient des
conséquences sur la biodiversité, sur la productivité
forestière et sur le bien-être des populations riveraines.
Les principales manifestations de la
vulnérabilité de la forêt aux impacts du changement
climatique sont souvent évoquées en termes de dégradation,
dysfonctionnement et transformation des écosystèmes forestiers,
de santé et dépérissement des écosystèmes
forestiers, et des incendies de forêt :
? DÉGRADATION, DYSFONCTIONNEMENT ET
TRANSFORMATION DES ÉCOSYSTÈMES FORESTIERS :
En effet, suivant les constats de la FAO, au fur et à
mesure que la population mondiale et le revenu par habitant dans de nombreux
pays augmentent, les surfaces forestières diminuent. Cette augmentation
de la population et du revenu par habitant augmente la demande en production
agricole et alimentaire, et aussi une forte demande en produits et services
forestiers (FAO/PCF, 2018).
Plusieurs organismes et auteurs considèrent
l'agriculture comme le principal facteur de déforestation dans le monde
qui se fait beaucoup plus dans les pays du Sud. Associée à la
forte consommation de combustibles ligneux, elles conduisent à la
dégradation des forêts (Bellassen et al., 2008 ; FAO/PCF, 2018 ;
Lanly, 2003 ; WWF, 2019).
En réalité, il existe rarement une cause unique
de la déforestation et/ou de la dégradation des forêts
à un endroit donné ; c'est souvent une combinaison de plusieurs
facteurs (Bellassen et al., 2008).
? SANTÉ ET DÉPÉRISSEMENT DES
ÉCOSYSTÈMES FORESTIERS :
Le dysfonctionnements physiologique et écologique des
EF traduit une grande fragilité de l'écosystème forestier
et sa vulnérabilité aux attaques de différents agents
pathogènes.
Cela représente un danger pour la santé des
forêts et pour leur capacité à assurer leurs fonctions
essentielles (production et services environnementaux). Les attaques
parasitaires et phytopathologiques touchent principalement les pins, le
cèdre, le chêne-liège et les eucalyptus.
L'apparition des dépérissements du cèdre
date de l'été 2001 pour les forêts du Moyen Atlas. Et selon
les travaux sur le dépérissement du cèdre au Moyen Atlas
(Et-tobi et al., 2003, 2006 ; Et-tobi, 2006, 2008 ; Derrak et al., 2008 ;
HCEFLCD, 2006a, 2006b, 2006c), l'impact climatique apparaît nettement
à travers les 40% de surface atteinte de dépérissement et
de mortalité.
En effet, l'analyse bioclimatique et dendrochronologique du
cèdre de l'Atlas a permis de retracer l'évolution de la
croissance du cèdre depuis 1940 ainsi que l'évolution des
paramètres bioclimatiques dans les cédraies du Moyen Atlas. Cette
évolution conjointe se traduit par une concordance des chronologies
d'épaisseurs de cernes et des variations dans les paramètres
climatiques (bilan hydrique). (Et-tobi M., 2008). L'action combinée des
conditions édapho-climatiques et anthropiques se traduit par un impact
négatif sur la croissance du cèdre (Ibid.).
? INCENDIES DE FORÊT :
29
Figure 2. Evolution de la superficie moyenne
incendiée des forêts au Maroc.
(Source :
HCEFLCD, 2019).
La figure ci-dessus donne l'évolution du nombre
d'incendies et des surfaces affectées de 2004 à 2019. L'analyse
historique montre que la surface incendiée est en diminution.
Selon les chiffres statistiques relevés par le DEFLCD
en Juillet 2019, le pays a connu une réduction significative de la
superficie incendiée de 60% en comparaison avec la moyenne des dix
dernières années durant la même période, le taux
d'incendies par an a augmenté de 17%, le taux de la superficie moyenne
brûlée a diminué de 13% (3.372 à 2.928 ha/an) et le
taux de superficie moyenne brulée par incendie a, à son tour,
baissé de 31% (8 à 5,5 ha/incendie).
En effet, le Rif (Chefchaouen, Tanger, Tétouan,
Ouazzane, Larache) reste l'une des régions les plus touchées en
termes de superficie globale incendiée par an.
? IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LA
BIODIVERSITÉ
Le dernier rapport national sur la biodiversité (MDCE,
2014) cite le changement climatique parmi les principales menaces et causes
d'appauvrissement de la diversité biologique (le coût
économique de ces impacts reste cependant difficile à
estimer).
L'enquête nationale sur l'état de conservation
des zones humides entre 2000 et 2010, montre que dans 51% des cas
étudiés, les évolutions observées sur les sites
sont liées au changement climatique.
Selon le même rapport, la moyenne annuelle des
coûts économiques additionnels de la perte de biodiversité
due au changement climatique est estimée à 300 millions de
dollars US pour l'année 2010. À l'horizon 2030, selon un
modèle intensif en carbone, couplé avec le changement climatique,
l'inaction fera passer ce chiffre à deux milliards de dollars. Les
conséquences de perte de biodiversité sur les populations sont
perceptibles à travers les exemples ci-après :
? Diminution du potentiel
végétal risque de compromettre la
sécurité énergétique. En effet, le bois de chauffe
et le charbon de bois assurent encore une grande partie de ces besoins en
milieu rural.
? Baisse du rendement agricole due
à une baisse de la fertilité des sols par
l'accélération de l'érosion éolienne et hydrique
liée en partie au déboisement mais aussi à des
phénomènes d'ensablement observés par exemple dans les
oasis du sud du pays.
30
? Détérioration de certains
services notamment la qualité de l'eau, ainsi que la
raréfaction des ressources halieutiques tel que le poisson peuvent
entrainer des carences nutritionnelles et occasionner des maladies.
? Augmentation des phénomènes
d'érosion en zones de montagne : Le phénomène
des inondations observé dans les vallées des Atlas s'explique en
partie par la perte des services de régulation de ces montagnes, qui
contribuent à la résorption des eaux de ruissellement.
Les services fournis par les écosystèmes de
montagne s'étendent bien souvent au-delà de leur zone
géographique et incluent l'équilibre hydrique, la
régulation du climat et la préservation des différentes
espèces de plantes et d'animaux.
Compte tenu de leur altitude, de leur inclinaison et de leur
exposition au soleil, les écosystèmes montagneux sont les
premiers à subir les effets des variations climatiques.
Les montagnes sont particulièrement sensibles au CC,
et nombreux sont les éléments (température,
précipitations, etc.) qui déterminent la répartition des
espèces dans ces régions. Les phénomènes
météorologiques extrêmes sont de plus en plus courants dans
les zones montagneuses.
? Réduction de la disponibilité des
ressources naturelles : Il paraît évident que la
réduction des espaces forestiers, des surfaces pastorales, de la
fertilité du sol, ... ne peuvent avoir que des conséquences
négatives sur la disponibilité des ressources naturelles et des
services que procurent ces écosystèmes (bois, sous-produits de la
forêt, céréales, légumes, unités
fourragères, cheptel, etc.).
Il paraît évident également qu'une
pénurie de ces produits ne peut se traduire sur le terrain que par une
diminution des recettes et des revenus pour les populations, moins de
journées et de postes de travail, plus de chômage, etc.
? Extension de la pauvreté :
La pauvreté est une cause de la dégradation des
ressources naturelles ; mais la pauvreté est également une
conséquence de l'ensemble de ces menaces, aussi bien celles «
naturelles » qu'anthropiques. C'est une question d'autant plus importante
que la population marocaine est essentiellement rurale et que, justement, c'est
dans ce milieu rural que sont concentrées les ressources
forestières et agricoles et, donc, les ressources naturelles constituant
le support des besoins de ces populations.
En effet, au Maroc, sur une superficie de 19 millions
d'hectares, plus de 17 millions sont dégradées. La baisse
prévue des ressources en eau, qui sont déjà dans une
situation de surexploitation importante, est évaluée en moyenne
entre 10 à 15% à l'horizon 2020. Ces dernières
années, les conséquences des inondations
répétées observées dans la région ont mis en
exergue l'extrême vulnérabilité des pays d'Afrique du Nord
et l'importance des conséquences sanitaires, économiques et
environnementales, ainsi que la faiblesse de leur capacité de
réponse.
La moyenne annuelle des coûts économiques
additionnels de la biodiversité dus au changement climatique a
été estimée à 300 millions de dollars US pour
l'année 2010. À l'horizon 2030, selon un modèle intensif
en carbone, couplé avec le changement climatique, l'inaction fera passer
ce chiffre à 2000 millions de dollars (DARA, 2012). Selon la même
source, le coût de l'inaction causera un déclin de la richesse
biologique et donc des services écosystémiques estimé
à $100 Millions à l'horizon 2030. La perte et l'érosion de
la diversité génétique, en particulier en ce qui concerne
les agriculteurs pauvres, est associée à la réduction de
la sécurité alimentaire, à une incertitude
économique accrue, à une plus
31
grande vulnérabilité aux parasites et aux
maladies, à la réduction des possibilités d'adaptation et
à une accélération de la perte de connaissances locales
sur diversité pour les générations futures.
Le rôle et l'importance des ressources biologiques dans
la vie quotidienne des populations permettent d'appréhender les
conséquences de la perte de biodiversité sur leur
bien-être. La diminution de la diversité biologique affecte et
continuera d'affecter négativement les secteurs de développement
si le processus de dégradation se maintient. L'affectation des moyens de
subsistance accentue le phénomène de pauvreté aux niveaux
rural et péri-urbain.
Par ailleurs, le Maroc enregistre une tendance à la
diminution, voire à l'éradication d'un certain nombre de maladies
: en particulier, les maladies cibles de la vaccination, mais aussi les
maladies à transmission hydrique, typhoïde et choléra en
tête, le trachome, la bilharziose, la lèpre et le paludisme.
Toutefois, le changement climatique aura des
répercussions directes et indirectes sur la santé humaine et sur
la santé animale. Les effets des phénomènes
météorologiques extrêmes et l'augmentation des maladies
infectieuses, telles que des incidences accrues de leishmaniose comptent parmi
les principaux risques à prendre en considération (Bounoua et
al., 2013).