Section 1 : Paradigmes néoclassiques de
l'économie environnementale
Dans la seconde moitié du XIXème siècle,
les néoclassiques ont bouleversé l'analyse économique en
fondant leur raisonnement sur la notion de rareté. Ainsi, pour un
état du monde donné, l'objectif de ce courant théorique
est d'optimiser l'allocation des ressources rares de la société
entre les utilisations alternatives qu'on peut en faire. Dans cette
perspective, un ensemble de nouveaux concepts économiques a
émergé à la fin du siècle dernier,
débouchant sur l'élaboration par Walras du modèle
d'équilibre général d'une économie pure. Alliant
les mathématiques à la logique économique, ce
modèle est aujourd'hui la pierre angulaire de la théorie
néoclassique : l'économie environnementale s'y rattache
également en assimilant l'environnement à une ressource
économique.
1.1. L'équilibre général
néoclassique
La théorie économique se veut une abstraction
"éclairante" de la réalité. De ce point de vue, le
modèle d'équilibre général a suscité un
bouleversement de la conception de l'économie, en constituant "un
idéal rationnel" (Allais, 1943) censé guider l'action dans le
monde réel et
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Ononino Jean Charles
répondre à l'objectif d'utilisation efficiente
des ressources. L'objectif, dans cette section, est de voir en quoi cette
représentation formelle de la réalité peut s'appliquer
à l'environnement. Pour cela, il est nécessaire de commencer par
préciser les conditions préalables à
l'établissement d'un équilibre général et, à
travers elles, d'appréhender les représentations formelles que ce
paradigme se fait de la réalité.
1.2. L'économie pure de Walras
L'économie néoclassique telle que l'utilise la
majorité des économistes actuels, doit beaucoup aux travaux de
Léon Walras et principalement à son oeuvre fondatrice,
Eléments d'économie politique pure (Walras, 1896). L'objet
de cet ouvrage est de proposer "une solution mathématique du
problème de la détermination des prix courants, ainsi qu'une
formule scientifique de la loi de l'offre et de la demande, dans le cas de
l'échange d'un nombre quelconque de marchandises entre elles". En
recourant à un type de raisonnement "à la marge", Walras en vient
à élaborer un modèle d'équilibre
général de l'économie, pièce centrale de la
théorie néoclassique contemporaine. Dans la logique de Walras,
cette économie pure ne représente pourtant ni l'ensemble de
l'économie, ni surtout l'économie réelle :
l'économie pure permet de retrouver ce que Walras estime être les
grandes lignes du monde économique observable. De telles analyses
permettent de le rendre intelligible : "cet état d'équilibre de
la production est, comme l'état d'équilibre de l'échange,
un état idéal et non réel. Il n'arrive jamais que le prix
de vente des produits soit absolument égal à leur prix de revient
en services producteurs, pas plus qu'il n'arrive jamais que l'offre et la
demande effectives des services producteurs ou des produits soient absolument
égales. Mais c'est l'état normal en ce sens que c'est celui vers
lequel les choses tendent d'elles-mêmes sous le régime de la libre
concurrence appliqué à la production comme à
l'échange". Pour le courant néoclassique orthodoxe, l'ouvrage
"Elément d'économie politique pure" présente un
intérêt crucial puisque, en montrant mathématiquement que
les phénomènes économiques se déterminent ensemble
et de façon simultanée, Walras donne un nouvel objet
d'étude à la science économique : elle n'est plus,
dès lors, la recherche des causes des phénomènes
économiques mais la détermination des conditions de leur
équilibre global. Dans ce contexte, le modèle d'équilibre
général de l'économie pure se pose comme le paradigme
fondateur de l'économie néoclassique moderne. Ses principales
caractéristiques sont présentées ici, avant de voir
comment les ressources de l'environnement intègreront ce modèle,
à partir des années 1970, avec l'instauration de
l'économie environnementale.
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