Chapitre IV. DISCUSSION
IV.1. LA FREQUENCE
La fréquence de colostomie et iléostomie dans
notre étude était de 12 cas soit une incidence annuelle de 2
stomie intestinale par an (Tab I.). Ces résultats sont inférieurs
à ceux des autres auteurs africains qui ont noté des incidences
annuelles de 15 ;9 ;27 et14 stomies respectivement pour Boro Gosso au centre
hospitalier hospitalier national Yaldago Ouedraogo au Burkinafaso (25),Tligui
Mourad à l'hôpital militaire Mohammed V de Rabat au Maroc
(28),Guede D. au service de chirurgie générale de l'hôpital
Heinrich Lubke de Diourbel au Sénégal (26), Koffi en côte
d'ivoire (8) ainsi que Traoré et al qui ont enregistré 32 cas
dans une étude prospective de 6 mois (29).
Nos résultats et ceux de ces auteurs africains sont de
très loin inferieurs à celui de Bail J.P qui estimait à
3000 les nouvelles stomies par an en France(30).
Selon Koffi (8), la rareté de certaines affections
inflammatoires chroniques et la pathologie colique carcinomateuse en Afrique
(pourtant très répandue en Europe) justifie ces taux bas.
Le faible nombre de colostomie et iléostomie
pratiquée en Afrique et plus particulièrement dans notre
série pourrait s'expliquer par la rareté et le coût
élevé des matériels et appareillage appropriés,
l'absence de stomathérapeute. Les chirurgiens confrontés à
ces difficultés redoutent la stomie dans les péritonites par
perforation d'origine infectieuse pourtant répandue dans notre milieu,
ils optent plus souvent pour des anastomoses ou un ravivement suture des
perforations intestinales (25).
IV.2. L'AGE
Il ressort du Tab II relatif à l'âge de patients
que la moitié de sujets de notre étude soit 6 cas (50%) avait un
âge compris entre 16 et 30 ans suivi de la tranche de 31 à 45 ans
4 cas soit 33,4 % et le reste 1 cas dans la tranche d'âge de 1 à
15 ans et 1 cas également dans celle de 46 à 60 ans .
Les analyses statistiques déterminent un âge
moyen de 29,25 ans avec un écart type de 11,38 ans soit une
étendue de distribution de 29,25 #177;11,38 ans (18-40 ans).Les
extrêmes d'âge ont été 1 et 51 ans.
- 36 -
Ces résultats corroborent presque ceux de Boro Gosso
(25) qui a noté un âge moyen de 25 ans.
En effet, ils traduisent la jeunesse de notre
échantillon par rapport à ceux d'autres auteurs dont Tligui,
Bousbaa et Bail (28, 31,30) qui ont noté respectivement un âge
moyen de 54,44 ans (extrêmes 12-77 ans) ; 52,64 ans (extrêmes 24-77
ans) et 65 ans.
Cet âge moyen bas de nos sujets d'étude pourrait
s'expliquer par :
? La jeunesse de la population de la RDC en
général .En effet, 46,3 % de la population congolaise a moins de
15 ans. La base de la pyramide des âges large atteste la jeunesse de la
population (32).
? La forte prévalence de perforations typhiques chez
les adolescents dans beaucoup d'études (25,33).
IV.3. LE SEXE
Au vu du Tab III reprenant le sexe des sujets, une
prédominance masculine se lit dans 7 cas (58,3%) contre 5 cas (41,7%)
pour le sexe féminin soit un sex ratio de 1,2. Ces résultats se
marient avec la quasi-totalité des résultats d'autres
études qui ont noté une prédominance masculine dans 61% ;
62,5% ; 75% (28, 31,25).Cette prédominance masculine dans notre
étude serait liée à :
? Une discrimination socio-économique en faveur du sexe
masculin en Afrique. En effet, dans les sociétés traditionnelles
d'Afrique en général et la notre en particulier, l'homme exerce
un pouvoir presque absolu sur les biens et richesses de la famille, il a
accès plus aisément au traitement médical
considéré plus onéreux que celui traditionnel. De plus,
les enfants de sexe masculin sont considérés comme
héritiers de la famille. Par conséquent ils
bénéficient de plus de soins que leurs soeurs à
l'égard desquelles peu de dépenses sont faites car celles-ci sont
appelées à quitter la famille paternelle lorsqu'elles se
marient.
? La division du travail fait que les hommes soient
exposés à des maladies du péril oro-fécal comme la
FT lorsqu'ils sont soit dans les mines ou lors de voyages de colportage pendant
lesquels les conditions d'hygiène laissent à désirer.
- 37 -
IV.4.TYPE DE STOMIE
L'examen du Tab IV consacré au type de stomie
révèle que la dérivation a concerné plus le
grêle (58%) que le colon (41,7%).Ces résultats épousent
ceux de Boro Gosso qui a noté que dans 57% de cas la stomie avait
porté sur le grêle et dans 43% sur le colon (25).
Les études de Tligui et Bousbaa (28,31) ont noté
des résultats presque similaires avec respectivement 61,53 % et 59,37 %
pour l'iléostomie contre 35 ,89% et 37,52% pour la colostomie alors que
dans 2,58% et 3,12% de cas une iléostomie était associée
à une colostomie.
Toutefois, beaucoup d'autres littératures constatent
plutôt l'inversement de tendance au profit de la colostomie : dans
l'étude de Koffi, l'iléostomie représente 36,6% alors que
la colostomie est pratiquée dans 66,66% des cas (8). Baumel, Bikandou et
Traoré font état respectivement de 10%, 45% et 28,1% pour
l'iléostomie et 90%, 55% et 65,66% pour la colostomie (34, 35,29).
En effet, le type de stomie s'impose par la nature des
lésions. Selon Boro Gosso, la distribution géographique de
certaines affections pourrait expliquer la disparité observée
entre les résultats de plusieurs auteurs par rapport au siège de
la stomie (25). La prévalence de la perforation typhique dans notre
contexte expliquerait la proportion élevée de
l'iléostomie.
IV.5. LA REVERSIBILITE DE LA STOMIE
Le Tab V fait état du caractère temporaire de
toutes les stomies réalisées (100%).Ces résultats
concordent avec la plupart de littératures africaines .En effet, Koffi
(8) en Côte d'ivoire, Bikandou (35) au Congo Brazzaville, Boro Gosso (25)
au Burkinafaso ont rapporté dans leurs séries 100%
d'iléostomie temporaire.
A l'opposé, d'autres études africaines et
occidentales relèvent une variabilité avec respectivement 50%
contre 50% ; 78% de stomie provisoire contre 22% de stomie définitive,
78,1% de stomie temporaire et 21,9% de stomie définitive pour Bail,
Bousbaa et Traoré (30, 31,29).
Cette prédominance totale du caractère
temporaire de stomies réalisées dans notre étude ainsi que
dans beaucoup d'études africaines relève de l'extrême
rareté de certaines affections en Afrique. A titre
- 38 -
illustratif, l'iléostomie définitive est
indiquée après paucoloprotectomie au cours de la RCUH, la maladie
de Crohn et la RCF. Ces affections sont rarissimes en Afrique. Par contre,
elles sont répandues en Europe (8).Mais ce sont plutôt les
pathologies infectieuses comme la FT qui en motivent plus les indications.
IV.6. INDICATIONS ET LEURS CAUSES
IV.6.1. Colostomie
Au regard des Tab VI.1 et VI.2, l'occlusion intestinale a
été l'indication prédominante de colostomie (60%) dans
laquelle le volvulus était la principale cause (66,7%).Elle était
également indiquée pour une malformation congénitale type
mégacôlon (20%) ainsi qu'autres affections colo-rectales acquises.
Ces résultats corroborent ceux des autres auteurs africains dont les
études notent le volvulus du sigmoïde comme la première
indication de colostomie quand bien même les taux rapportés sont
variables d'un auteur à l'autre :
Koffi : 44,5% (8),
Guede D. : 56% (26),
Traoré et al : 31,3% (29).
Par ailleurs, le volvulus était la seconde indication
de colostomie (22%) après l'imperforation anale (48%) dans la
série de Boro Gosso (25).
En Europe pourtant, c'est une indication rarissime et y
prédominent comme indication les cancers du côlon dans 60%
(30).
Ce taux élevé dans le traitement de volvulus
dans notre contexte s'expliquerait par la distribution géographique de
volvulus dans le monde. En effet, le volvulus est rare en Amérique du
nord et en Europe. Sa présence est importante en Afrique noire, en Asie
(36). La constipation chronique, le régime riche en fibres
végétales, les drogues ralentissant le transit intestinal sont
les facteurs qui favoriseraient la survenu de volvulus.
- 39 -
IV.6.2 Iléostomie
L'exploitation des Tab VI.3 et VI.4 révèle que
les iléostomies ont été indiquées dans 71,4% pour
les péritonites toutes dominées par une perforation iléale
typhique (100%). Les autres indications ont été la fistule
digestive post opératoire (14,3%) ainsi que l'occlusion du grêle
(14,3%).
Ces résultats corroborent ceux de beaucoup d'autres
études africaines qui notent une prédominante indication des
iléostomies par la perforation d'origine infectieuse typhique :
? Boro Gosso : 93% (25)
? James au Togo : 19% (37) ? Koffi : 37,5% (8)
? Bikandou : 46,9% (35).
Cette fréquence importante de la pathologie infectieuse
en Afrique et plus particulièrement dans notre contexte dans les
indications des iléostomies s'expliquerait par les mauvaises conditions
d'hygiène d'une part et d'autre part elle révèle la
localisation élective des perforations lors de ces affections. Elles
surviennent sur la dernière anse grêle. Ces perforations sont dues
à la nécrose des vaisseaux lymphatiques (Plaques de Peyer) qui
sont abondant à ce niveau (38).
IV.7. LE SIEGE DE STOMIE
IV.7.1. Colostomie
Il découle du Tab VII.1 que la colostomie a de
façon prédominante porté sur le colon descendant (gauche)
dans 80% de cas et dans 20% sur le colon transverse. Ces résultats se
rapprochent de ceux de Koffi dont l'étude a révélé
une colostomie gauche dans 73% de cas et une localisation transverse dans 23%
de cas.
En effet, la localisation à prédominance gauche
de la colostomie concorde avec les données de la littérature et
se justifie par la localisation colique basse fréquente de certaines
affections chirurgicales : le volvulus intéresse le sigmoïde dans
85% des cas (37), le mégacôlon siège en aval de l'angle
colique gauche dans une proportion de 75% (30).
- 40 -
IV.7.2. L'iléostomie
Au vu du Tab VII.2, l'iléostomie a porté dans 5
cas soit 71,4% sur l'iléon distal (terminal) et dans 2 cas soit 28,6%
sur l'iléon moyen. La situation pariétale de stomie dans le flanc
droit est classique dans la littérature pour les iléostomies
latérales (35).Cette situation met l'orifice de la stomie à une
distance suffisante des reliefs osseux (épine iliaque, pubis et rebord
costal) de l'incision de la laparotomie médiane. Ceci permet
d'aménager assez d'espace pour un bon appareillage. Koffi par exemple a
eu dans 79,5% de cas l'iléostomie terminale et dans 20,5% la stomie
portait sur l'iléon moyen (8).
Cette dominante localisation de l'iléostomie terminale
s'harmonise avec la localisation fréquente élevée de la
pathologie infectieuse particulièrement typhique dont la localisation
élective est l'iléon terminal (8,33).
IV.8. COMPLICATIONS
Il ressort des Tab VIII.1 et VIII.2 que de 12 stomies
intestinales (colostomie et iléostomie) réalisées, 4
s'étaient compliquées soit 33,3% de complications. Elles ont
été représentées par la dénutrition dans 50%
de cas, la suppuration péristomiale (25% de cas) ainsi que l'irritation
cutanée (25% de cas).
Les données de la littérature sont très
variées sur la question :
? Guedé D note 25 stomies digestives compliquées
sur les 276 réalisées soit 9% de complications (26).
? Dans la série de Bousbaa 43,75% des stomies se sont
compliquées notamment de suppuration (37,50%), éventration
(18,75%) et les restes se partagent entre prolapsus, sténose,
eczéma et hémorragie (31).
? Tligui enregistre dans sa série une fréquence
de 43,58% de complications dans lesquelles prédominent la suppuration
(40%) et l'éviscération dans 23% de cas(28).
? Dans la série de Caricato, les principales
complications étaient les dermatites, les éventrations
péristomiales, le lâchage d'anastomoses et les sténoses
(39).
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? Dans d'autres différentes séries, les
principales complications sont aussi : prolapsus stomiaux, désinsertion
ou rétraction stomiale, hernie et éventration parastomiale,
irritation de la peau, obstruction intestinale, le désordre
hydro-électrolytique (40, 39,41).
Kaldar et al considèrent que la technique chirurgicale
ainsi que l'expérience du chirurgien sont des facteurs qui
prédisposent aux complications d'où la nécessité
pour tout chirurgien d'apprendre les principes de base de la confection d'une
bonne stomie. Ces principes sont variables selon que la stomie à
réaliser est une colostomie ou une iléostomie.
La dénutrition qui prédomine dans les
complications survenues dans notre série comme d'autres complications
générales n'est pas évoquée dans la plus part des
séries. Elle serait la conjonction de plusieurs facteurs dont :
? La réalisation de l'intervention en urgence ne permet
pas une bonne réanimation pré-opératoire dans notre
contexte où les péritonites par perforation typhique ont pris une
bonne proportion, hors ces dernières sont des urgences chirurgicales.
? L'altération de l'état général
déjà présente à l'admission des patients à
l'hôpital est la conséquence des retards de consultation d'autant
plus que la péritonite et l'occlusion sont source de
déshydratation, d'anorexie et de vomissement.
? La dérivation intestinale associée à la
résection exclut une portion de l'intestin du transit. Les
conséquences de cette exclusion sont plus graves quand la stomie
intéresse l'iléon. C'est au niveau des villosités que
s'effectue la majeure partie de l'absorption dont les glucides, les protides et
les lipides(15).
? De même, certains malades s'imposent une restriction
alimentaire pour ralentir la fréquence d'émission des selles.
Cette attitude est en général observée pour les patients
ne supportant pas de voir couler les selles par leur paroi. Cela diminue le
nombre de vidange et de fixation des poches, mais elle va entrainer une
dégradation lente de l'état général (37).
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IV.9. EVOLUTION
Il découle du Tab IX que le décès est
survenu dans 25% de cas.
Ce résultat corrobore presque celui de James au Togo
qui avait noté un taux de mortalité de 23,52% (37).Ce taux est
supérieur à celui de Boro(25) au Burkinafaso (19%), Koffi (8) en
Conte d'ivoire (11,6), Bikandou(34) au Congo Brazzaville (10,4%) ainsi que de
la plupart d'autres séries magrebiennes et occidentales dans lesquelles
ce taux varie entre 0,5 à 13%(31, 30, 43, 44,38).
A l'opposé, ce taux est inférieur à ceux
de séries de Bell (45), Garcia (46), Lertshichal (47) et Caricato (39)
qui ont enregistré respectivement 32,5% ; 33,1 ; 41,5% et 60%.
Ces décès dans notre étude sont
attribuables à la dénutrition et la suppuration (traduisant une
infection) comme rapporté dans la série de Koffi(8) et Boro Gosso
(25).Cela serait lié au coût élevé de la nutrition
parentérale dans notre contexte et à la possibilité de la
dissémination bactérienne au cours de l'évolution
trainante de la FT et d'un traitement antibiotique discontinu ou interrompu
tôt du fait de manque de moyens.
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