I-1-2 Une analyse historique du commerce
Le rôle du commerce dans le développement
économique et social des Etats, territoires et zones ne fait l'ombre
d'aucun doute. Il constitue le fondement des progrès depuis
l'Antiquité. Ce sont les échanges qui ont consacré la
division du travail au sein des communautés primitives. Partout dans le
monde, le commerce se positionne ainsi comme un des principaux vecteurs de la
croissance économique et un des baromètres de
l'appréciation de la conjoncture économique des Etats, voire des
régions. De nombreux travaux ont montré par exemple qu'une simple
augmentation d'un point des exportations des produits agricoles, pouvait
générer environ 0,5 à 1,8 % de taux supplémentaire
de croissance globale de l'économie dans certains pays
(IFPRI1, 2005) en développement.
Le commerce est aussi considéré comme un
puissant instrument de consolidation des relations sociales, de rapprochement
des peuples, de sociabilité (AGIER, 1985), entre des groupes, de
renforcement des liens entre les pays. Il permet également la mise en
place de puissants réseaux intracommunautaires et Trans étatiques
voire transcontinentaux. La création du GATT en 1946, au lendemain de la
seconde guerre mondiale, a reposé sur la conviction que le
développement du commerce entre les nations constituerait, non seulement
une source importante de prospérité, mais aussi un puissant
facteur de consolidation de la paix.
I-2 Analyse théorique du commerce
extérieur
I-2-1 Théories du commerce extérieur
Selon sa théorie, Adam Smith explique dans son ouvrage
paru en 1776 intitulé « Recherches sur la nature et les causes de
la richesse des Nations », qu'un pays gagne d'avantage s'il se
spécialise dans la production du bien dont il est absolument
propriétaire. Par conséquent, Adam Smith incite le pays de cesser
de produire les autres produits qui sont jugés moins avantageux par
rapport aux autres plus compétitifs (Théorie des avantages
absolus). L'acquisition de ses biens se fait par la substitution des
importations dont le pays
1 International Food Policy Research Institute
11
peut se procurer grâce aux excédents de ses
propres exportations. Ainsi, il est convaincu que c'est la division du travail
qui est à la base de la croissance économique d'un pays. De ce
fait, les pays sous industrialisés doivent se spécialiser
à l'exportation des produits agricoles et des matières
premières qu'ils possèdent en abondance. Enfin la théorie
d'Adam Smith n'explique pas tout, mais ce n'est qu'une partie des
échanges extérieurs seulement, car au cas échéant,
un pays peut ne pas avoir absolument des produits plus avantageux. Cette
théorie sera remise en cause par ses détracteurs en se demandant
si le pays ne pourra pas se lancer à l'échange lorsqu'il ne
dispose pas d'avantage absolu ? C'est pour cette raison qu'apparait
ultérieurement la théorie de David Ricardo (1772 - 1823) sur les
avantages comparatifs.
David Ricardo avance dans son ouvrage paru en 1817
intitulé « Des principes de l'économie politique et de
l'impôt », l'idée selon laquelle un pays a toujours
intérêt à se lancer au commerce des produits agricoles
même s'il n'est pas absolument avantageux par rapport aux autres. Le
principe de l'avantage comparatif, dénommé aussi « principe
des coûts comparés », rappelle aussi qu'à la condition
nécessaire et suffisante, il existe une différence entre les
coûts comparés constatés en autarcie dans plusieurs pays,
chacun d'eux trouvera avantage à se spécialiser et à
exporter les biens c'est-à-dire des produits agricoles pour lesquels ils
disposent d'un avantage comparé ou d'un moindre désavantage
comparé. Ainsi, la théorie confirme ainsi qu'il serait
souhaitable que le commerce doit s'effectuer entre deux pays dont leurs
productions de matière sont différentes en supposant que
l'exportation de la technologie s'avère impossible.
Ces deux théories se heurtent à des obstacles du
rendement décroissant des facteurs de production qui rend la croissance
limitée par les rendements décroissant de la terre
(Théorie de la rente différentielle de Ricardo). Tout comme
l'état stationnaire de R. Malthus2 qui limite la
possibilité de croissance par le nombre de la population active. Ces
théories nient l'existence du facteur humain ainsi que ceux des facteurs
de production transférable comme la technologie. Cela amène
Heckscher à formuler une autre théorie plus objective, celle de :
« la loi des facteurs ».
La théorie HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson) se fonde sur
la différence des coûts de production. A cela, il ajoute la
possibilité de transfert de la technologie d'un pays à l'autre.
Et précise aussi la possession d'une différence de source de
mains d'oeuvre entre les
2 Thomas Robert Malthus (1766 - 1836) ouvrage principal :
« Essai sur le principe de population » (1798).
Pour Malthus, la production progresse moins vite que la croissance
économique.
pays coéchangistes. Dans ce cas, les deux facteurs
considérés sont : Le facteur capital (K) et la main d'oeuvre (L).
Par l'hypothèse de la mobilité internationale des facteurs de
production avec identité du facteur technologie entre les pays, il y a
possibilité de croissance illimitée. La
théorie avance alors que, parce que les pays sont différemment
dotés des facteurs de production et des coûts de productions
différentes, ils se spécialisent dans la production des biens des
produits agricoles à forte valeur ajoutée exportable à
faibles coûts. Samuelson ajoute à son tour, qu'à long
terme, le commerce extérieur tend à produire une
équité à la rémunération des facteurs.
Ce qui conduit chaque pays à se spécialiser
à la production de gammes des produits agricoles disposés en
grande quantité. Selon cette théorie, un pays qui est mieux
doté en facteur travail doit se spécialiser en la production des
biens qui utilisent une main d'oeuvre abondante, et au contraire, un pays qui
dispose de plus de capital a intérêt à fournir des biens
demandant à forte intensité capitalistique.
Par rapport aux autres économistes
précédents, Stuart Mill se distingue sur son analyse des
échanges internationaux par sa thèse défendant que les
produits agricoles s'échangent contre des produits agricoles dont la
valeur des exportations doit correspondre à ceux des importations des
autres (Offre est égale à la Demande). Cet échange
s'effectue par un rapport des prix (terms of trade) à l'intérieur
et à l'extérieur du pays. Les avantages entre les pays sont
repartis en fonction des rapports de changes. Donc, c'est celui qui peut offrir
la quantité le moins élevée et qui arrive à obtenir
le maximum possible, qui gagne le plus. Il a noté que chaque pays est
à la fois offreur et demandeur, cette théorie est un prolongement
de la loi de la valeur qui est généralement
dénommée « La loi de l'offre et de la demande ». Cette
dernière explique que la valeur d'une marchandise varie jusqu'à
ce que le prix ajuste l'offre et la demande3. Le schéma
suivant illustre bien la théorie :
12
3 John Stuart Mill, in « Principes de l'économie
politique et de l'impôt » (1848), p 592
Prix du dra p P
D > O
D < O
O
D
O
D
13
Quantité de drap Q Quantité de drap Q
Pays A Pays B
Source: Roger Backhouse, «Economics and
Economy»1997, p.78
Figure 1 : La loi des valeurs
internationales
Si deux pays A et B vont produire plus et consommer moins, les
quantités échangées vont dépasser les demandes
internes. D'où dans en A : O > D, cela veut dire qu'il devient
exportateur. Et si dans B : D > O, B devient importateur. En effet,
l'équilibre des échanges extérieur s'établit
lorsque les exportations de A égalisent les importations de B. Mais ce
rapport d'échange est toujours fonction des rapports des prix à
l'extérieur. En fin, le pays le plus riche est gagnant.
A la différence du libre-échange, Friedrich
LIST4 (1789-1846) défend la philosophie selon laquelle, un
certain degré de mesures protectionnistes est acceptable pour
défendre surtout les industries naissantes. Ces barrières sont
mises en place car l'existence des coûts énormes non encore
amortis défavorise la compétitivité des industries
locales. Ainsi, la rentabilité internationale ne peut être
atteinte instantanément, car elle exige parfois de longues années
d'effort. C'est cette théorie qui soutient le protectionnisme
éducateur applicable à tous les produits non compétitifs.
Le niveau de protectionnisme diffère énormément selon les
pays, il peut être sectoriel ou ciblé voir même total. Mais
dans un intervalle de temps relativement court (au maximum 50ans) il doit
être accompagné par des critères de performance de la part
des entreprises locales pour qu'elles soient encore compétitives
après la suppression de ces barrières.
En résumé, je peux dire que les théories
traditionnelles excluent dans leurs analyses les firmes multinationales et les
équilibres partiels comme le cas des commerces intra-
4 Friedrich LIST (1789-1846), in « Le système
national d'économie politique », 1973
14
branches. Ces anciennes théories nient l'existence des
rendements d'échelle croissants. Malgré les critiques
attribuées à l'endroit des anciennes théories de la
croissance, d'autres auteurs ont apporté quelques innovations dont : le
paradoxe de Leontief, l'existence des économies d'échelles
externes, la théorie de la demande représentative de Linder ainsi
que les spécialisations par filières. Ces dernières
constituent les principales incompatibilités de l'ancienne
théorie du commerce extérieur. Cela a donné naissance aux
nouvelles théories du commerce international qui fera l'objet de la
section suivante.
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