UNIVERSITÉ DE DSCHANG
UNIVERSITY OF DSCHANG
ÉCOLE DOCTORALE POST GRADUATE
SCHOOL
UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE
TRAINING AND RESEARCH UNIT
FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
DSCHANG SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCE
UNITÉ DE RECHERCHE SUR LE DROIT ET LES AFFAIRES EN
AFRIQUE (URDA)
LA PARTICIPATION DES SALARIÉS EN DROIT DES
SOCIÉTÉS COMMERCIALES
Mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du diplôme de Master
en Droit Privé
Filière : Recherche Option :
Droit des affaires et de l'entreprise Soutenu par : DJIOKENG FEUJIO
Dilane Gildas
Titulaire d'une Maîtrise en Droit des
Affaires et de l'Entreprise Matricule :
CM-UDS-15SJP0149 Sous la direction de : Monsieur MOHO FOPA
Éric Aristide
Docteur/Ph.D en Droit Privé Chargé de
Cours, FSJP-UDs
Année académique
2019-2020
i
AVERTISSEMENT
ii
« L'Université de Dschang n'entend
donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Ces opinions devront être considérées comme
propres à leur auteur ».
DÉDICACE
iii
À mes chers parents, Monsieur FEUDJIO Roger
Armand et Madame TIOKENG FEUDJIO Philomène.
REMERCIEMENTS
iv
Je voudrais exprimer ma très vive reconnaissance
à tous ceux dont les encouragements ont été d'un apport
vital pour l'élaboration de ce travail. Ma gratitude s'adresse ainsi
:
- À Dieu sans la volonté de qui ce travail
n'aurait jamais pu être accompli ;
- À mon directeur de mémoire, le Docteur
MOHO FOPA Éric Aristide, qui a non seulement
accepté de diriger ce travail, mais aussi mis à contribution
toute sa rigueur scientifique, sa disponibilité et la grande
documentation qui nous a été nécessaire ;
- Au Professeur DJUIDJE CHATUÉ
Brigitte, Coordonnatrice du Master Recherche en Droit des Affaires,
pour ses multiples conseils à notre endroit ;
- À tous les enseignants de la Faculté des
Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang pour la
rigueur reçue au cours de notre formation ;
- À ma famille, pour les sacrifices énormes
qu'ils font au quotidien pour mes études ;
- À ma soeur, MEDOMBOU FEUDJIO Sandra,
et mes frères, FOLAH FEUDJIO Merleau, DONGMO
FEUDJIO Johnson, TSAGUE FEUDJIO Élisé,
puissiez-vous trouver dans ce travail, une motivation pour vos avenirs
académiques ;
- Au couple NGUENA YMELE Jean Rodrigue et
YMELE Dorlice ainsi que toute leur famille pour leur soutien
inconditionnel durant mes années universitaires dans la ville de Dschang
;
- À messieurs TSAGUE Alain, et
DJIOTSOP Joseph pour leurs conseils et encouragements ;
- À GUEGUIM Émile pour son
soutien indéfectible durant cette année ;
- À mes promotionnaires pour nos multiples
échanges sur nos différents thèmes et bien d'autres
points. Qu'ils trouvent dans cette phrase l'expression de ma profonde gratitude
pour la solidarité dont ils ont fait montre ;
- À mes amis, particulièrement, NGOUANA
Ulrich, NGUIMNANG Calrel, TADONLEKEU
Beaudrigue, DAKEU Boris, NYAMSI
Rollin, Élise NGUE, TCHIO
Ulrich, NGUANGUEM Arnold, ASSONCKENG
Carel, ZEMFACK Naomie, NJOYA
Moustapha, KAMTA Fred, DJOUSSE
Brice, NGOULA Boris, SIMO Patrice,
POUNGAM James, EBELLE Noé, MPEGNA Parfait, MOYO
Arnold, SAMNICK Érica, NDE KENGNE Pérez
;
- À tous ceux qui de près ou de loin nous ont
aidés de quelques manières que ce soit dans le cadre de ce
travail, vous trouverez ici, l'expression de ma profonde gratitude.
SIGLES ET PRINCIPALES ABRÉVIATIONS
v
AGA : Attribution Gratuite d'Actions
AGO : Assemblée Générale
Ordinaire
Al. : Alinéa
Art. : Article
AU : Acte Uniforme
AUPC : Acte Uniforme relatif aux
procédures collectives
AUPCAP : Acte Uniforme relatif aux
Procédures Collectives d'Apurement du Passif
AUPSRVE : Acte Uniforme relatif aux
Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies
d'Exécution
AUS : Acte Uniforme sur les
Sûretés
AUSC Acte Uniforme relatif aux
Sociétés Commerciales
AUSCGIE : Acte Uniforme Relatif au Droit des
Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt
Économique.
Bull. Joly : Bulletin mensuel Joly des
sociétés
C.ce : Code de commerce
C.civ. : Code civil
Cf. : Confère
CCJA : Cour Commune de Justice d'Arbitrage
C.trav. : Code du Travail
CTOM : Code du Travail d'Outre-Mer
Ed. : Édition
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
Op.cit. : Opere citato, dans
l'ouvrage précité
P. : Page
PA : Petites Affiches
PME : Petites et Moyennes Entreprises
PEE : Plan d'Épargne d'Entreprise
PP. : Pages
Préc. : Précité
PUF : Presse universitaire française
vi
Rééd. :
Réédité
Rev : Revue
Rev. Soc. : Revue du droit des
sociétés
RES : Reprise de l'Entreprise par les
Salariés
S. : Suivant (s)
S.A : Société Anonyme
S.A.S : Société par Actions
Simplifiées
V. : Voir
Vol. : Volume
LGDJ : Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
RÉSUMÉ
vii
Les salariés constituent le capital humain, la force de
travail indispensable au succès des sociétés commerciales
et plus largement, au développement économique d'un pays. Ils
sont donc des parties prenantes incontournables à l'entreprise. Pour
cette raison, ils méritent la plus grande considération, le
bénéfice des moyens devant les motiver davantage à la
performance. Dans ce sens, le droit des sociétés, aidé par
le droit social, promeut la participation des salariés dans le
fonctionnement des sociétés commerciales afin de dynamiser la
gouvernance de ces dernières. C'est ainsi qu'ils se trouvent
également au coeur de la gouvernance des entreprises.
La présente étude constate que le droit OHADA
des sociétés commerciales envisage cette participation à
travers l'adoption des règles la favorisant. Mais elle constate aussi
que la considération de ce législateur n'est pas suffisante pour
atteindre les objectifs de cette participation. Cette insuffisance est
susceptible de démotiver les salariés et de là, affaiblir
considérablement les performances des entreprises. Un affaiblissement
susceptible d'entrainer inéluctablement l'échec de l'objectif
d'intégration économique recherché par l'OHADA. C'est
pourquoi, cette étude, aidée par le droit comparé, propose
modestement, quelques pistes de solutions pour parvenir à une
participation effective et efficace des salariés dans le fonctionnement
de l'entreprise.
Mots clés : Gouvernance, participation,
salarié, société commerciale.
ABSTRACT
viii
Employees constitute the human capital, the labor force
essential to the success of commercial companies and, more broadly, to the
economic development of a country. They are therefore essential stakeholders in
the company. For this reason, they deserve the greatest consideration, the
benefit of the means to motivate them more to performance. In this vein,
company law, helped by social law, promotes wage earners participation in the
functioning of commercial companies in order to boost their governance. This is
how they are also at the heart of corporate governance.
This study finds that OHADA law for commercial companies
envisages this participation through the adoption of rules promoting it. But it
equally notes that the consideration of this legislator is not sufficient to
achieve the objectives of this participation. This insufficiency is likely to
demotivate wage earners and thus considerably weakens the performance of
companies. This weakening will unavoidably lead to the failure of the objective
of economic integration sought by OHADA. This is why this study, aided by
comparative law, modestly suggests some possible solutions to achieve effective
and efficient employee's participation in the functioning of the company.
Key words: Governance, participation, employee,
commercial company.
SOMMAIRE
ix
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA FAIBLE IMPLICATION NON
FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA
SOCIÉTÉ COMMERCIALE ... 12
CHAPITRE I : LA PARTICIPATION INSUFFISANTE DES
SALARIÉS À LA
GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE
14
SECTION I : LA CONSÉCRATION PRUDENTE DU CUMUL DU
MANDAT SOCIAL ET
DU CONTRAT DE TRAVAIL 14
SECTION II : LE RENFORCEMENT SOUHAITÉ DE LA
PARTICIPATION DES
SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA
SOCIÉTÉ 25
CHAPITRE II : L'IMPLICATION MITIGÉE DES
SALARIÉS DANS LA GESTION
DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ
COMMERCIALE 35
SECTION I : LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE
TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ LIMITÉE
À L'EXISTENCE DE LA CESSATION DES
PAIEMENTS 36
SECTION II : LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER
L'IMPLICATION DES SALARIÉS
DANS LA GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA
SOCIÉTÉ 45
SECONDE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT LIMITÉ DE
LA PARTICIPATION
FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LA
SOCIÉTÉ COMMERCIALE 55
CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION TIMIDE DE
L'ACTIONNARIAT SALARIÉ 57
SECTION I : L'ATTRIBUTION GRATUITE DES ACTIONS AUX
SALARIÉS 58
SECTION II : LES EFFETS DE L'ATTRIBUTION GRATUITE D'ACTIONS
AUX
SALARIÉS 65
CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT SOUHAITABLE DE LA
PARTICIPATION
FINANCIÈRE EN DROIT OHADA DES
SOCIÉTÉS COMMERCIALES 73
SECTION I : LA NÉCESSITÉ DE
L'ÉLARGISSEMENT DES TECHNIQUES DE
PARTICIPATION FINANCIÈRE 73
SECTION II : LA NÉCESSITÉ DES MESURES
FISCALES ET SOCIALES
INCITATIVES 82
CONCLUSION GÉNÉRALE 90
INTRODUCTION GÉNÉRALE
1
« ... C'est la participation qui elle, change
la condition de l'Homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors
que les gens se mettent ensemble pour une oeuvre commune..., en apportant soit
des capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de
gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous forment ensemble
une société où tous auront intérêt à
son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt
direct »1.
1 Général DE GAULLE lors d'un
entretien télévisé le 7 juillet 1968, cité par
COUTURIER (G.), Droit du travail, les relations collectives de
travail, 1ère éd., PUF, Paris, 1991,
rééd. 1994, p. 265.
2
La réussite d'une entreprise est absolument tributaire
de sa gouvernance. « La gouvernance d'entreprises est le
système par lequel les entreprises sont gérées et
contrôlées »2. C'est après les grands
scandales financiers du début des années 20003, que
les réflexions sur cet élément vital du fonctionnement de
l'entreprise vont s'intensifier. Recherchant les meilleures pratiques de
fonctionnement des entreprises, l'on proposa de quitter du modèle
purement actionnarial de la gouvernance qui prévalait, pour un
modèle plus participatif, ou une gouvernance «
intégrée »4, modèle jusque-là peu
sollicité. Il s'agissait plus précisément,
d'intégrer ou de faire mieux participer au fonctionnement de la
société, toutes ses parties prenantes5 (approche
partenariale de la gouvernance) et en particulier, les salariés : c'est
la gouvernance salariale, qui contribuerait à améliorer la
gouvernance d'entreprises. En effet, la gouvernance actionnariale,
axée sur la primauté des intérêts des actionnaires
au détriment de ceux des autres parties prenantes, sous-estimait le
rôle majeur de ces derniers dans le processus de création des
valeurs ou mieux, dans le fonctionnement de la société.
L'antagonisme entre le capital et le travail était alors très
accentué6. Le dialogue ne se faisait qu'entre actionnaires et
dirigeants. Les salariés ne se reconnaissant pas dans ce modèle,
il s'en est suivi une dégradation de la confiance mutuelle entre
salariés et dirigeants, un désengagement à l'égard
du travail, ce qui impacta très négativement sur la performance
de l'entreprise. Face à une telle crise du modèle actionnarial,
il devint nécessaire de réformer l'entreprise7, de
repenser sa gouvernance en lien avec l'amélioration de la participation
des salariés.
2 CADBURY (A.), Report of the committee on the
financial aspects of corporate Governance, Gee & co., Londres, 1992,
dit Rapport Cadbury, p. 15.
3 Parmi ces scandales, on peut citer, la crise
d'Enron en 2001 ; la banqueroute de Vivendi en mars 2003 ; la chute du
géant Italien Parmalat en 2003.
4 BENHAMOU (S.), « Améliorer la
gouvernance d'entreprises », rapport du centre d'analyses
stratégiques, la documentation française, Paris, 2010, p. 20.
5 La notion de « parties prenantes » est
apparue aux Etats-Unis au début de la décennie 1980 comme une
réaction libérale à la primauté accordée
à la valeur financière et à la figure actionnariale.
MERCIER (S.), définit les parties prenantes comme « l'ensemble
des agents pour lesquels le développement et la bonne santé de
l'entreprise constituent des enjeux importants » et dans une approche
stratégique, elles sont envisagées comme « tout groupe
ou individu qui peut affecter ou qui peut être affecté par la
réalisation des objectifs de l'entreprise ». On distingue
généralement les parties prenantes internes (actionnaires,
dirigeants, salariés) des parties prenantes externes (client etc.).
D'après la théorie des parties prenantes donc, il faut faire
intégrer tous ces acteurs dans le fonctionnement de l'organisation.
In PRESQUEUX (Y.), « Robert E. Freeman et la théorie des
parties prenantes en question », 12 janvier 2017, pp. 3-4. [En ligne sur]
https://halshs.archives-ouvertes.fr/cel-01432945,
(consulté le 03 Février 2020, à 15h).
6 FARJAT (G.), Droit économique, 2e
éd., PUF, Paris, 1971, p. 93.
7 La réforme de l'entreprise n'est toutefois
pas une notion qui date du début des années 2000. L'un des plus
importants ouvrages sur la question, qui date de 1963 (BLOCH-LAINE (F.),
Pour une réforme de l'entreprise, le
3
Au regard de l'importance des sociétés
commerciales pour le développement économique d'un pays, il est
logique que la recherche du modèle idoine de gouvernance soit la
préoccupation majeure de la branche du droit commerciale qui les
régit, entendue comme le droit des sociétés commerciales.
C'est ainsi que le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Île Maurice),
certains États africains8 vont créer l'Organisation
pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires à travers la
signature du traité l'instituant (OHADA)9. Cette institution
sera chargée de légiférer sur les domaines favorables au
développement économique du continent et à
l'attractivité des investissements. Pour cet objectif donc, sera
adopté le 17 Avril 1997 l'Acte Uniforme relatif au droit des
Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt
Economique (AUSCGIE)10. C'est la principale législation OHADA
en matière de sociétés commerciales. À ses
côtés pour régir la même matière, l'on
adoptera l'Acte Uniforme relatif aux Procédures Collectives d'Apurement
du Passif (AUPCAP)11, et élaborera sans jamais les adopter,
le projet d'acte uniforme relatif au droit du travail12 et bien
d'autres.
Partant de la définition de la société
prévue à l'article 1832 du Code civil13, l'article 4
de l'AUSCGIE conçoit la société commerciale comme la
création « de deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par
un contrat, d'affecter à une activité des biens en
numéraire ou en nature, ou de l'industrie, dans le but de partager le
bénéfice ou de profiter de l'économie qui devrait en
résulter » tout en contribuant aux pertes. Puisque
exceptionnellement, dans les cas prévus par la loi, la
société peut être instituée par l'acte de
volonté d'une seule personne appelée « associé unique
»14, elle est donc, un acte par lequel, une ou plusieurs
personnes
Seuil, Paris, 1963), la conçoit comme l'actualisation
de l'organisation de l'entreprise destinée à garantir son
efficacité économique mais aussi à répondre aux
aspirations des salariés.
8 Il s'agit des États membres de l'OHADA
dont le Benin, Burkina-Faso, Cameroun, Centre-Afrique, Comores, Congo,
Côte d'ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée
Equatoriale, Mali, Niger, RDC, Sénégal, Tchad et Togo.
9 Voir, POUGOUÉ (P.-G.) et KALIEU ELONGO (Y.
R.), Introduction critique à l'OHADA, PUA, Yaoundé,
2008, pp. 21-23.
10 Adopté le 17 avril 1997, il est
entré en vigueur le 1er janvier 1998. Il a ensuite
été modifié adoptée le 30 janvier 2014 à
Ouagadougou. Pour la petite histoire, avant d'arriver à cette
uniformisation, dans la plupart des États membres, dont le Cameroun, le
droit des sociétés était régi par le Code de
commerce français (et les modifications ultérieures qu'elle
subira) qui y avait été déclaré applicable, le Code
Civil, ainsi que la loi coloniale du 24 juillet 1867 sur les
sociétés par actions considérée comme la «
charte des sociétés par actions » (rendue applicable au
Cameroun par le décret du 24 juillet 1924). Cependant, la volonté
de se défaire du joug des lois coloniales était manifeste chez
beaucoup d'États à cette époque, et la plus significative
reste celle du législateur Guinéen avec la création du
Code des activités économiques de la Guinée en 1994 qui a
fortement inspiré les rédacteurs de l'acte uniforme sur les
sociétés commerciales.
11 Entré en vigueur le 1 janvier 1999.
12 L'avant-projet du 24 novembre 2006 relatif au droit
du travail.
13 Le code civil applicable au Cameroun (et dans
certains états africains comme le Sénégal) définit
la société en son article 1832 comme « un contrat par
lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en
commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en
résulter ».
14 La société individuelle a
été instituée en France dans la loi la loi du 11 juillet
1985 qui a créé l'EURL (entreprise unipersonnelle à
responsabilité limitée) ; elle est prévue à
l'article 5 de l'AUSCGIE.
4
décident ou conviennent, d'affecter à une
activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l'industrie,
dans le but de profiter du bénéfice ou de l'économie qui
pourra en résulter, tout en contribuant également aux pertes.
Mais, elle se confond très facilement à une notion qui lui est
voisine à savoir l'entreprise.
Du moment qu'on envisage l'entreprise comme une unité
de production, ou une structure économique et sociale comprenant une ou
plusieurs personnes oeuvrant de manière organisée pour fournir
des biens ou des services à ses clients dans un environnement
concurrentiel ou non15, la similarité avec la
société n'est pas évidente. Or, en réalité,
la différence est simplement que l'entreprise n'est pas une notion
juridique. Avec des notions comme la firme ou l'organisation, l'entreprise est
un mot souvent employé pour traduire une réalité
économique que « le droit n'appréhende ab initio
qu'à travers un seul moule : la société
»16. La société serait donc la conception
juridique de l'entreprise. Dans ce sens, un auteur estime qu'elle est une
technique d'organisation de l'entreprise17. Sans qu'on assiste
à une véritable logomachie, la littérature juridique
semble concéder l'usage indifférent des deux notions. D'ailleurs,
le législateur lui-même ne fait pas office de bon
élève comme le disait le doyen RIPERT, « (...)
réunirait-on tous les textes où l'expression a été
employée par le législateur, on ne serait pas beaucoup plus
avancé pour donner une définition juridique, car le
législateur use du mot quand il lui est commode de le faire, sans se
soucier de l'employer toujours dans le même sens
»18. Ceci justifie que nous serons emmenés dans le
cadre de cette étude à employer les deux notions dans le
même sens.
Mais, la vision purement contractuelle de la
société qu'adopte l'Acte Uniforme (AU) conduit à la
considérer comme la propriété exclusive des
(principaux)19 contractants que sont les associés ou les
actionnaires. Ceci appelle à une gestion sociale tournée vers
leur intérêt et le contraire serait une saugrenuité.
L'intérêt social serait synonyme de la volonté des
actionnaires. Or, nonobstant les discussions sur la question,
l'intérêt social n'est pas l'intérêt des actionnaires
: c'est l'intérêt propre de la société prise comme
le dortoir des intérêts divers. Une fois créée,
l'entreprise se met au service d'un intérêt collectif de ses
salariés, ses clients,
15 BAUDURET (J. C.), « La démocratie
dans l'entreprise »,
https://local.attac.org/attac32/spip.php?article4,
(consulté le 1février 2020).
16 ROUSSEAU (S.) et TCHOTOURIAN (I.), «
Pouvoirs, institutions et gouvernance de la société par action ;
lorsque le Canada remet en question le dogme de la primauté
actionnariale », les cahiers de la CRSDD. Collection recherche, 2012, p.
2.
17 PAILLUSSEAU (J.), La société
anonyme, technique d'organisation de l'entreprise, Ed. Sirey, Paris, 1967,
p. 125.
18 RIPERT (G.), Les aspects juridiques du
capitalisme moderne, LGDJ, Paris, 1951, rééd.1995, p.
267.
19 Par principaux ici, on entend uniquement les
apporteurs du capital financier. La précision vaut la peine car en
réalité, pendant son existence, la société est
appelée à nouer de nombreux contrats tant avec ses
salariés qu'avec la majorité de ses parties prenantes.
5
ses actionnaires, l'environnement, l'État et bien
d'autres. Toutes ces personnes sont des parties prenantes de l'entreprise et
ont intérêt à son bien-être. C'est donc au nom de cet
intérêt collectif que le droit des sociétés s'est
progressivement détaché de l'approche actionnariale de la
gouvernance pour une visée plus participative. Ainsi, elle va
jusqu'à intégrer dans les instances décisionnelles des non
propriétaires, à l'instar des salariés, pas du tout
prédestinés à décider.
Les salariés constituent la main d'oeuvre indispensable
pour la réussite d'une société commerciale. Ces
sociétés doivent donc louer les services ou la force de travail
des personnes physiques appelées travailleurs et envers qui en retour,
elles donneront un salaire : c'est pourquoi on peut parler de
travailleur-salarié. Même si les deux notions peuvent être
employées dans le même sens, il existe une différence entre
le travailleur et le salarié. Le travailleur est une personne qui
effectue une activité professionnelle pour pouvoir en tirer un profit.
Il peut le faire indépendamment (on parle de travailleur
indépendant), ou sous la houlette d'une autre personne appelée
employeur (on parle de travailleur dépendant). Le salarié renvoie
à la deuxième hypothèse. C'est le travailleur qui vit d'un
salaire versé par un employeur. Ainsi, en définissant le
travailleur en son article 1 alinéa 2 comme toute personne physique qui
sans considération de sexe, de nationalité, s'est engagée
à mettre son activité professionnelle moyennant
rémunération sous l'autorité et la direction d'un
employeur, le Code du travail camerounais règlementait plutôt le
travailleur dépendant. Cette dépendance est le fondement du
statut de salarié. Elle est la matérialisation du lien de
subordination juridique qui le lie à un employeur. Ce lien de
subordination juridique étant l'élément
caractéristique principal de son contrat de travail.
Les salariés étant des parties incontournables
de l'entreprise, il faut les associer à son fonctionnement ! Cette
affirmation qui peut résumer l'approche salariale de la gouvernance, est
pourtant très ambiguë. Dans un autre sens, elle nie le fait que ces
derniers sont déjà impliqués dans une forme quelconque de
participation. Or, réellement, les salariés ont toujours
été impliqués au fonctionnement de la
société car participer, c'est simplement prendre part à
quelque chose et en endosser la responsabilité. Par leur
définition même, ressort clairement une participation à la
production. La société les emploie, ils lui fournissent leurs
forces de travail (capital humain) qui sont des données essentielles
à la production de valeurs profitables et en échange, elle leurs
donne une rémunération. Mais, en réalité, il s'agit
là d'une forme « simple » de participation qu'on entend
désormais dépasser. Il ne faut plus les cantonner au rôle
des simples exécutants de la volonté des élites de
l'entreprise, de simples prestataires de travail. Ceci parce que leur
importance dans la société est très grande. C'est
6
eux qui maîtrisent mieux les techniques de production,
de distribution, et les principaux acteurs du marché que sont les
consommateurs.
Cette participation désigne l'ensemble des
procédés en vigueur pour faire prendre part les salariés
aux processus dans lesquels les décisions de l'entreprise sont
préparées, prises et suivies. Autrement dit, elle renvoie aux
« voies et moyens qui permettent aux travailleurs d'exercer une plus
grande influence sur les questions économiques, sociales et
professionnelles » de l'entreprise20. La
littérature juridique nous montre une utilisation indifférente de
ladite notion avec celle d'implication, or, comme le précise un
auteur21, il existe une différence bien que
légère entre ces notions. En effet, l'implication recouvre la
participation et va au-delà. L'implication est active ou passive
(implicite) 22 alors que la participation est exclusivement active.
Cette précision n'est toutefois pas de nature à influer sur la
quintessence du concept de gouvernance salariale.
La réforme du rôle des salariés dans le
gouvernement des entreprises n'emporte cependant pas l'approbation de toute la
doctrine. Certains sont farouchement opposés à cette idée.
Les principaux opposants sont favorables à une approche «
propriétariste » de l'entreprise et pensent que le salarié
n'étant pas impliqué à la création de
l'entité, n'a pas l'affectio societatis et ne supporterait pas
les risques liés à son activité. Ils trouvent dans
l'immixtion des salariés au capital, une menace pour la
propriété des associés. Dans la même lignée,
certains détracteurs pensent que l'arrivé des salariés au
conseil d'administration, affaiblirait la fonction de contrôle de cet
organe car, ces derniers ont tendance à considérer ce lieu comme
une seconde tribune de revendication. Leur présence étant
considérée comme illégitime, il peut en résulter
une marginalisation considérable de ces derniers dans les
conseils23. N'en déplaise à ces opposants, la teneur
des arguments partisans favorise le développement du concept.
En effet, les pro-gouvernances salariales trouvent dans le
concept une chose bien à deux égards. Dans une logique favorable
aux salariés, l'on pense que c'est un moyen d'amélioration les
droits des salariés. « Impliquer les salariés aux
affaires de l'entreprise,
20 ESSOHAM KOMLA (A.), La participation du
salarié au fonctionnement de la société anonyme en droit
OHADA, mémoire de DESS Droit des affaires, Université de
Lomé.2004. Cité par KOUAMO (D. R.), L'implication des
salariés dans la prévention et le traitement des
difficultés des entreprises dans l'espace OHADA : cas du Cameroun,
thèse, Université de Nantes, 9 Janvier 2018, p. 19.
21 Idem.
22 Ibid., p. 20.
23 AUBERT (N.), HERNANDEZ (S.), HOLLAND (X.),
« De la participation des salariés à l'épargne
salariale : analyse lexicale des débats parlementaires », 5 mars
2017, p. 4. [En ligne sur]
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01401959,
(consulté le 20 janvier 2020 à 13h).
7
c'est affirmer un droit fondamental
»24 ; c'est humaniser le travail, s'éloigner de sa
chosification comme le veut l'OIT25.
Par ailleurs, comme l'estiment certains auteurs, l'implication
des salariés dans le gouvernement d'entreprises, ne doit pas être
vue uniquement dans le sens de la protection des droits salariaux, mais aussi
dans une logique de protection de l'intérêt de la
société26. En réalité, outre le climat
qui serait favorable à l'entreprise, les décisions qui prennent
en compte l'avis des salariés sont, compte tenu de la place centrale de
ces derniers dans le quotidien de l'entreprise, des décisions
très réalistes et réalisables. Aussi, au regard des abus
observés dans l'exercice des pouvoirs des dirigeants
d'entreprises27, octroyer une portion du pouvoir aux salariés
permettrait de faire pièce à ces derniers, en
rééquilibrant les pouvoirs au sein de la
société.
Toutes ces idées partisanes ont permis la construction
d'une sorte de théorie de la participation des salariés. De nos
jours, il existe plusieurs modalités de participation des
salariés au fonctionnement de la société. De façon
générale, on retient au regard du droit
comparé28, deux principales à savoir : la
participation financière, et la participation
politique. La première vise à inclure les travailleurs
à la croissance économique de la société. Elle
revêt deux formes dont une participation aux résultats de
l'entreprise d'une part et une participation au capital social appelée
actionnariat salarié d'autre part.
La seconde, à savoir la participation non
financière ou politique, vise à inclure les salariés dans
la gestion, ou plus précisément, dans le processus
décisionnel. À travers cette forme, les législateurs
veulent faire peser la volonté et les intérêts des
salariés dans la prise des décisions. Elle permet aux
salariés, ou à certains d'eux, de cumuler un contrat de travail
avec un mandat social29. Elle favorise également la
création des institutions de représentation
24 KOUAMO (D. R.), op. cit., note 21, p.
28.
25 En effet, l'art.1 de la déclaration de
Philadelphie adopté par l'OIT le 24 Mai 1944 dispose que « le
travail n'est pas une marchandise ».
26 LE CROM (J. P.), L'introuvable
démocratie salariale, Syllepse, Paris, 2003, p. 3, [en ligne sur]
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00191101,
(consulté le 17 Février 2020). L'auteur pense qu'il ne s'agit pas
d'envisager les institutions de représentation des salariés dans
une logique conflictuelle c'est-à-dire uniquement comme des instruments
au service des salariés mais beaucoup plus dans une logique de
collaboration qui estime que la parole, le dialogue et l'échange sont
utiles et nécessaires à l'entreprise dans son ensemble ; Voir
également MOUTHIEU épouse NJANDEU (M.A.),
L'intérêt social en droit des sociétés,
L'Harmattan, Paris, 2009.
27 Pour la plupart des scandales
précités (note 2), les causes étaient liées aux
abus de pouvoir des dirigeants sociaux.
28 Le droit français ; le droit allemand et le
droit de l'OHADA.
29 ADIDO (R.), « La notion d'emploi effectif
des mandataires sociaux en droit OHADA » in Mélanges en
l'honneur du professeur FILIGA Michel SAWADOGO, Les horizons du droit
OHADA, CREDIJ, BENIN, 2018. pp. 57-74 ; FADOUL BECHIR (S.), le cumul d'un
mandat social avec un contrat de travail en droit OHADA, mémoire,
Université de Dschang, 2019.
8
des salariés plus influentes dans les décisions
à l'instar des comités d'entreprises. Cette dernière forme
de participation rejoint clairement la définition de la participation
faite par l'OIT à savoir, « l'ensemble des
procédés en vigueur... pour faire participer les travailleurs aux
processus dans lesquels les décisions sont préparées,
prises et suivies »30.
Cependant, la volonté de redéfinir la place des
salariés dans l'entreprise n'est pas une idée récente. Un
panorama historique nous montre qu'elle est très ancienne. Elle s'est
développée d'abord uniquement en droit du travail, avant que le
droit des sociétés, à l'époque fortement
influencé par l'approche actionnariale, ne s'y intéresse. En
effet les conséquences négatives du libéralisme social et
du capitalisme ont favorisé la formation vers le XIX siècle,
d'une véritable législation sociale principalement axée
sur la protection des salariés31. Á côté
des nombreuses lois qui virent le jour, plusieurs institutions de protection du
salarié naquirent à l'instar de l'inspection du travail, du
service de la sécurité sociale, du délégué
du personnel et des comités d'entreprises.
Malgré le fait que le droit des sociétés
ait élargi les pouvoirs de ces organes de représentation, les
salariés veulent dorénavant que soit institué un
véritable pouvoir salarial dans l'entreprise. Ainsi, après la
seconde guerre mondiale, la question va prendre plus d'intérêts.
Les réflexions sur la réforme d'entreprises dès
196032, la démocratisation de l'entreprise dès les
années 197033, l'évolution de la conception de
l'intérêt social34, vont poser les jalons de cette
gouvernance salariale, traduisant ainsi le passage d'une simple
participation
30 Résolution de la conférence
générale, 50ème session, 20 juin 1966, PV du
conseil d'administration, 167ème session, 5ème
séance.
31 LYON-CAEN (G.), PÉLISSIER (J.), Droit du
travail, 14ème éd., Dalloz, Paris, p. 10-12.
32 En France, la réforme des entreprises est
marquée par deux ouvrages principaux à savoir celui de
BLOCH-LAINE (F.), Pour une réforme de l'entreprise, Le Seuil,
Paris, 1963 ; le rapport SUDREAU en 1975 qui recommandait pour réformer
l'entreprise, d'ouvrir une nouvelle voie à la participation et
d'améliorer les mécanismes de participations des
salariés.
33 La démocratisation de l'entreprise
suppose d'appliquer les principes de la démocratie dans la vie de
l'entreprise. Elle a été la boussole du modèle de
gouvernance allemand dit du « modèle de cogestion » qui
associe de manière étroite, les dirigeants et les salariés
dans le processus décisionnel. En France, elle favorisera
l'élaboration de la loi « de démocratisation du secteur
public » du 26 juil. 1983 qui permet dans les entreprises publiques aux
représentants des salariés de siéger au conseil
d'administration ou de surveillance.
Virgile CHASSAGNON, démontrant la
nécessité de plus de démocratie dans la gestion des
entreprises, affirme qu'il faut démocratiser la gouvernance des
sociétés et faire plus participer les salariés et
renchérit en disant que « instaurer plus de démocratie
implique de tendre vers un gouvernement polyarchique de l'entreprise faisant
une vraie place aux travailleurs dans l'activité de production certes,
mais aussi dans la prise de décision » in CHASSAGNON
(V.), « La démocratisation de l'entreprise dans la
société, pensons un capitalisme plus juste », 19 Juillet
2016, [En ligne sur]
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01346445,
(consulté le 10 août 2020 à 12h 51), p. 25.
34 La notion d'intérêt social est en
droit des sociétés un standard juridique qui a toujours fait
l'objet de débat tant en doctrine qu'en jurisprudence. Il est question
de savoir ce qu'elle signifie réellement. Renvoie-t-elle à
l'intérêt des propriétaires de l'entreprise, ou à un
intérêt reconnu à la société distinct de
celui de ses propriétaires ?
9
au travail pour une véritable participation à la
gestion. Cette évolution est aussi observable dans plusieurs pays de
l'OHADA tel que le Cameroun.
Le cas du Cameroun est particulier. L'évolution de la
participation commence dans la législation nationale, et s'achève
dans le droit OHADA. Le Code du travail35 consacre dans son titre
VIII trois institutions professionnelles à savoir la Commission
Nationale Consultative du Travail, la Commission Nationale de Santé et
de Sécurité au Travail, le Délégué du
Personnel. Avec les syndicats (même si ceux-ci ne peuvent pas agir
directement dans l'entreprise), ils constitueront les seuls véritables
supports de la participation au Cameroun jusqu'à l'arrivé du
droit OHADA.
L'association du salarié à la vie de
l'entreprise a fait l'objet de plusieurs textes dans nombreux systèmes
juridiques comme en France et en Allemagne. Le droit OHADA l'a certes
envisagé, mais pas avec la même ferveur. Dans l'acte uniforme de
1998, le législateur désireux d'attractivité
économique s'est inspiré de la loi française du 24 juillet
1966 et a établi un régime de participation totalement
facultatif. Aucune disposition y relative n'est obligatoire ; il va même
jusqu'à donner la possibilité aux actionnaires d'interdire les
administrateurs salariés par le biais des clauses
statutaires36. De cette manière, il a consacré la
participation à la gestion en octroyant la possibilité à
certaines personnes d'être à la fois salariés et
mandataires sociaux à travers la formule du cumul d'un mandat social
avec un contrat de travail37. À cette époque, la
participation financière n'avait pu profiter d'une véritable
considération si ce n'est qu'une vague et imprécise mention de la
possibilité de « distribution gratuite d'actions » à
l'article 640. Le projet d'acte uniforme sur le droit du travail aurait pu, du
fait de la similarité des domaines, faire un pas en avant sur la
question de la participation en droit OHADA, mais il n'en fut pas le cas. Au
lendemain de la révision du droit des sociétés
commerciales en 2014, excepté un régime juridique de la
distribution gratuite d'actions un peu plus consistant38, le
législateur est resté fidèle à sa position de 1998.
De même, dans les deux versions de son AUPCAP, on ressent une mise
à l'écart des salariés dans la gestion des crises des
sociétés.
Cet état des choses en droit OHADA démontre une
forte emprise de l'analyse actionnariale de la gouvernance. Il peut se
justifier par une volonté d'attirer et de rassurer les
35 Loi 92/007 du 14 août 1992 portant Code du
Travail.
36 Article 426 de l'AUSCGIE de 1998 et de 2014.
37 L'article 426 dispose que « Sauf clause
contraire des statuts, un salarié peut être nommé
administrateur si son contrat de travail correspond à un emploi
effectif. De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail
avec la société si ce contrat correspond un emploi effectif
».
38 De l'article 626-1 à l'article 626-4.
10
investisseurs dans cet espace juridique. Le législateur
ne veut pas intriguer ces derniers à travers un quelconque pouvoir
salarial. Car, même s'il est bon d'être à la mode, encore
faut-il que le modèle de gouvernance à la mode épouse le
contexte, les réalités et les objectifs du continent. Mais, cette
justification est très insuffisante et le professeur Henri MODI KOKO
BEBEY39 relève qu' « On peut néanmoins
regretter que l'Acte uniforme OHADA n'ait attaché aucun
intérêt au rôle des salariés dans les
sociétés (...) le niveau de développement
économique des pays concernés ne pourrait pas seul justifier ce
choix législatif ». Même si cela est dit de
manière radicale, l'affirmation du professeur démontre la
tristesse que l'on éprouve quant à la timidité du
législateur OHADA à appliquer ce modèle de gouvernance
tant loué. C'est cette position ambiguë du législateur qui
justifie la présente étude. Et c'est tout son ambition que de
valoriser l'implication des salariés dans le fonctionnement des
entreprises.
Puisque l'impact de la gouvernance sur l'amélioration
des performances de l'entreprise n'est vraiment plus à démontrer,
et que l'objectif visé par l'amélioration de la participation des
salariés au fonctionnement des sociétés commerciales n'est
autre que le perfectionnement de cette gouvernance, il convient de mettre au
coeur de la présente étude, la question centrale40 de
savoir si la participation des salariés est suffisamment
envisagée en droit des sociétés. Autrement dit,
l'implication des salariés dans le fonctionnement des
sociétés commerciales en droit OHADA, est-elle suffisante pour
davantage améliorer la gouvernance de ces sociétés ?
Il convient d'avancer l'idée selon laquelle les
techniques de participation des salariés prévues par le
législateur OHADA sont à améliorer pour parvenir à
une meilleure gouvernance, ou tout simplement pour s'arrimer aux tendances de
la gouvernance.
L'examen de l'hypothèse posée impose le respect
d'une méthode définie comme un ensemble d'exigences et de
techniques que le chercheur doit respecter afin d'aboutir à des
résultats juridiques fiables41. Il s'agit d'une triple
méthode. La méthode exégétique permettra d'analyser
les textes de lois relatifs au sujet, la casuistique permettra d'analyser les
décisions de justice et enfin le droit comparé pour
apprécier le droit OHADA à l'aune des textes étrangers.
39 MODI KOKO BEBEY (H.D.), « La réforme
du droit des sociétés commerciales de l'OHADA
», Rev. Soc. 2002, p. 265.
40 BEAUD (M.), L'art de la thèse,
Éditions La Découverte, Paris, 1985, rééd. 2006, p.
56.
41 Cf. BACHIR (M.), « Présentation
», in CURRAPP : Les méthodes au concret :
démarches, formes de l'expérience et terrain d'investigation en
Sciences Politique, PUF, Paris, 2000, p. 5.
11
À l'heure où l'actualité juridique
mondiale est fortement marquée par les revendications salariales qui
touchent plusieurs pays42, les réflexions sur les
modèles de gouvernances des sociétés commerciales, et
l'influence sans cesse croissante des grandes sociétés anonymes
sur l'économie mondiale, il est intéressant à plusieurs
niveaux, de faire une étude sur le salarié dans les
sociétés commerciales et ceci encore plus en droit OHADA qui nous
sert de cadre spatiale d'étude.
D'une part, un intérêt théorique est
à déceler de l'étude dans la mesure où elle permet
d'apporter une contribution modeste à l'amélioration du droit des
sociétés commerciales de l'OHADA compte tenu de leurs influences
sur le développement économique que recherche l'organisation.
Ainsi, elle permettra d'éclaircir le flou juridique qu'entretient le
droit OHADA sur la place du salarié dans l'entreprise. Flou juridique
pourtant inutile et qu'il faut rapidement éclaircir vu que les multiples
réflexions liées à la recherche d'un meilleur
modèle de gouvernance des entreprises de la zone OHADA placeront
toujours la question de la participation salariale au coeur de leurs
préoccupations43.
D'autre part, le sujet recèle un intérêt
pratique pour les parties prenantes de la société commerciale. Il
concerne à la fois le droit commercial et le droit social. Il permet aux
acteurs économiques de l'OHADA et en particulier les
sociétés anonymes, de mieux appréhender le
phénomène de la gouvernance salariale, afin, si elles s'en
trouvent convaincues de l'importance, de l'intégrer dans leur
gouvernance. Puisqu'il n'est plus à démontrer que
l'amélioration des conditions de travail en général est un
facteur majeur à l'amélioration du processus de production des
valeurs, cette étude démontrera l'impact économique d'une
plus forte implication des salariés dans le fonctionnement de la
société commerciale.
À l'analyse de l'ensemble des textes régissant
principalement les sociétés commerciales dans l'espace OHADA, il
résulte qu'il y'a une faiblesse dans la participation non
financière (Première partie) et un
développement limité de la participation financière des
salariés au fonctionnement de la société commerciale
(Seconde partie).
42 Avec l'arrivée de la grande
pandémie de la covid 19, les questions sur les nouvelles conditions de
travail, de gouvernement d'entreprises sont à l'actualité ; De
plus, le 10 Juillet 2020, cinq projet de loi étaient en étude au
parlement camerounais et concernaient l'amélioration des conditions de
travail des travailleurs.
43 On ne peut en effet parler de gouvernance de
sociétés commerciales sans faire référence à
la participation ou au rôle du salarié dans celles-ci. D'ailleurs,
de la plupart (si ce n'est de la totalité) des études sur la
gouvernance on constate que les auteurs accordent beaucoup d'importance
à cette question qu'ils trouvent fondamentale pour la gouvernance.
PREMIÈRE PARTIE : LA FAIBLE IMPLICATION NON
FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA
SOCIÉTÉ COMMERCIALE
12
13
La participation politique ou non financière des
salariés couvre la participation à la gestion et le droit
à l'information de ces derniers. Il s'agit d'intégrer ces
derniers dans les organes de gestion de l'entreprise et de mettre à leur
disposition des informations assez suffisantes afin qu'ils puissent
prévenir les crises ou lorsqu'elles sont déjà
présentes, pour qu'ils participent à leur traitement.
En effet, deux situations caractérisent la vie d'une
entreprise ; celle de l'entreprise en bonne santé ou in
bonis44 qui renvoie à la gestion ordinaire et celle de
l'entreprise en difficulté ou en crise qui appelle à une gestion
exceptionnelle. Le droit commercial OHADA traite ces deux situations à
travers deux livres notamment l'AUSC (pour le fonctionnement in bonis)
et l'AUPCAP (pour le traitement des difficultés). On note à
propos des révisions apportées à ces documents, une nette
accentuation de l'implication des salariés dans les aspects non
financiers du fonctionnement de l'entreprise. Mais, cette amélioration
n'est pas si considérable car le législateur semble toujours
réticent face à l'idée d'impliquer davantage les
travailleurs dans les prises de décisions de l'entreprise. C'est devenu
une tradition chez ce dernier, vu qu'en quatre livres, il survole juste la
question en établissant un régime de participation très
succinct. Ainsi, l'on note une participation insuffisante du salarié
à la gestion ordinaire de l'entreprise (chapitre 1) et
une implication toujours mitigée du salarié dans la gestion des
crises de l'entreprise (chapitre 2).
44 On se souvient de Jules Romain qui dit que
« tout homme bien portant est un malade qui s'ignore ». En
réalité l'expression « in bonis » ne traduit
pas l'absence totale de difficultés (ce qui est bien rare dans toute
activité économique), mais la situation d'une entreprise qui est
au contrôle souverain de son patrimoine, celle qui n'est pas dessaisie de
ses pouvoirs de gestion en raison d'une liquidation des biens.
14
CHAPITRE I : LA PARTICIPATION INSUFFISANTE DES
SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ
COMMERCIALE
D'ordinaire, le fonctionnement de la société
commerciale est assuré par l'assemblée générale
d'actionnaires (organe délibérant), le ou les dirigeants (organe
de gestion). Il s'agit des principaux acteurs entre les mains desquels
s'opère une importante concentration des pouvoirs de la
société. Le salarié n'en fait pas partir. Afin d'associer
les salariés à ces hautes sphères du pouvoir
décisionnel le droit des sociétés commerciales va recourir
à plusieurs techniques. C'est dans cette logique que le droit OHADA
consacre la possibilité pour un salarié de cumuler son contrat de
travail avec un mandat social45 (section 1). Mais
cette action est très limitée et ne suffit pas à
améliorer la représentation des salariés à la
gestion ordinaire d'où le souhait d'un renforcement (section
2).
SECTION I : LA CONSÉCRATION PRUDENTE DU CUMUL
DU MANDAT SOCIAL ET DU CONTRAT DE TRAVAIL
Les dirigeants sociaux sont souvent considérés
comme des mandataires sociaux car ayant reçu mandat des associés
pour diriger l'entreprise46. Ils ne sont donc pas des
salariés et ne bénéficient pas des avantages liés
à la législation sociale tels que l'assurance chômage et le
régime protecteur des licenciements. Cependant, pour inclure le
salarié à ce cercle décisionnel, il faut
impérativement lui permettre de cumuler son emploi à un mandat
social. C'est dans ce sens que l'article 426 de l'AUSC consacre, le cumul du
mandat social d'administrateur et du contrat de travail en ces termes «
sauf clause contraire des statuts, un salarié de la
société peut être nommé administrateur (...)
De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec
la société (...) ». De la même
façon, le législateur permet au salarié d'être
simultanément président du Conseil d'Administration (art.481) ;
il lui permet également d'accéder au directoire47 en
devenant PDG (art.466), DG (art.489) etc. Toutefois,
45 D'après l'article 1984 alinéa 1 du
Code civil, « le mandat ou procuration est l'acte par lequel une
personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le
mandant et en son nom ».
46 Bien que l'acte uniforme ait
dépassé cette conception en conférant des pouvoirs
légaux aux dirigeants sociaux.
47 Le directoire ici et dans les futurs
développements de cette étude est entendu comme la direction
générale. Mais l'on reconnait la différence existante
entre les deux notions. En effet, le directoire est la direction
générale des sociétés anonymes avec conseil de
surveillance (à la place du conseil d'administration), forme née
en
15
ce « mariage d'intérêt
»48 doit être admis de façon très prudente
car les dirigeants sociaux, du fait de l'insécurité que leur
confère leur mandat social, peuvent être tentés d'obtenir
le contrat de travail dans l'unique dessein de bénéficier de la
sécurité sociale qui en découle sans réellement
effectuer la tâche qui devrait en correspondre ; de même, le
salarié en devenant dirigeant social devient son propre employeur, ce
qui est de nature à biaiser les règles de l'exécution du
travail salarial. Compte tenu de tous ces dangers, le législateur a
sécurisé la formule du cumul de fonctions en exigeant le respect
de certaines conditions (paragraphe 1) avant qu'elle produise ses effets
(paragraphe 2).
PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL
ET DU CONTRAT DE TRAVAIL
L'article 426 de l'AUSC49 énonce clairement
que le salarié ne peut être nommé administrateur que «
si son contrat de travail correspond à un emploi effectif
», de même qu'« un administrateur [ne] peut
conclure un contrat de travail avec la société [que] si
ce contrat correspond à un emploi effectif ».
Énonçant ces conditions pour le mariage du salarié et de
l'administrateur dans les sociétés anonymes avec conseil
d'administration, le législateur va les généraliser pour
tous les postes de la gestion de l'entreprise50 ; aussi, il les
étend aux sociétés par actions simplifiées
(S.A.S)51. Concernant la SARL et les sociétés de
personnes, il est taciturne. Mais, ce silence n'implique pas que le cumul n'y
est pas permis car rien n'empêche un gérant de cumuler un contrat
de travail avec sa structure. Pour cela, il devra comme tous les dirigeants des
sociétés précitées, se rassurer que ce contrat de
travail correspond à un emploi effectif et sérieux (A), et si ce
contrat intervient après sa prise de fonction en tant que dirigeant, il
devra en plus observer la procédure particulière des conventions
réglementées (B).
Allemagne et également utilisée en France. Voir,
MERLE (P.), Droit des sociétés commerciales,
20ème éd., Dalloz, Paris, 2017, p. 559.
48 DAUXERRE (L.), « Le cumul du contrat de
travail et d'un mandat social : mariage d'intérêts ? »,
JCP, éd. Spéciale, 2007, p. 1049.
49 « Sauf clause contraire des statuts, un
salarié de l'entreprise peut être nommé administrateur si
son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même,
un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la
société si ce contrat correspond à un emploi effectif.
Dans ce cas, le contrat est soumis aux dispositions des articles 438 et
suivants ci-après. »
50 Articles 466, 473, 481, 489, 499, 513.
51 L'article 853-3 élargit le régime
juridique des S.A aux S.A.S en affirmant que les règles concernant les
S.A sont applicables aux S.A.S dans mesure où elles sont compatibles
avec les dispositions spéciales de cette dernière.
16
A - La condition principale de l'effectivité de
l'emploi
« Le contrat de travail est une convention par
laquelle un travailleur s'engage à mettre son activité
professionnelle sous l'autorité et la direction d'un employeur, en
contrepartie d'une rémunération »52. Pour
qu'il soit cumulé à un mandat social, il faudrait absolument
qu'il corresponde à un emploi effectif et sérieux. Ceci dit, au
risque d'être considéré comme un emploi fictif, l'on doit
facilement pouvoir distinguer les fonctions techniques issues de ce contrat de
travail à celles issues du mandat social (1), observer aisément
l'existence d'un lien de subordination (2), et l'existence d'une dualité
de rémunérations (3).
1- La distinction des fonctions techniques des fonctions
sociales
Le dirigeant social cumulard est appelé à
exercer les tâches sociales qui lui sont dues en vertu de son mandat
social avec des tâches salariales résultant de son contrat de
travail. Cette situation étant de nature à créer un risque
de confusion entre les deux fonctions, le cumul ne sera admis que lorsque les
fonctions sociales ou administratives (contrôle et direction de
l'entreprise) seront indépendantes et facilement dissociables des
fonctions techniques issues du contrat de travail. C'est l'exigence que posait
déjà la Cour commune de justice et d'arbitrage en
201253.
Cette distinction est facilement observable lorsque le contrat
de travail est antérieur au mandat social, et c'est une des raisons pour
lesquelles en France, à la différence de la zone OHADA, il est en
principe interdit aux administrateurs de devenir également
salariés de la même société54.
Ainsi, les juges pour constater si les conditions sont
réunies, ne se bornent pas simplement à observer l'existence d'un
contrat de travail, mais s'assurent que les tâches qui y sont
précisées correspondent à des fonctions techniques
existantes dans l'entreprise55 et que leurs exécutions ne
donnent pas lieu à confusion avec les tâches liées à
la qualité de
52 Art. 23 du Code du travail camerounais.
53 CCJA, 1ère chambre arrêt
n°013/2012 du 08 mars 2012 : ohadata J-14-90.
54 Article L. 225-2-1 du code de commerce
français. L'administrateur qui désire avoir un contrat de travail
avec la société qu'il contrôle doit démissionner de
son poste. Encore faut-il que cette démission ne constitue pas une
fraude : ce sera le cas lorsque la démission ne sera pas publiée
et que la conclusion du contrat de travail suivra immédiatement.
Cependant, l'administrateur peut l'obtenir à condition que son
entreprise soit une PME au sens de l'article 2 de l'annexe à la
recommandation 2003/361/ CE de la Commission Européenne, du 6 mai 2003,
concernant la définition des micros, petites et moyennes entreprises.
55 Dans ce sens, il est conseillé aux
parties au contrat de travail, de le rédiger par écrit, et y
préciser ainsi que dans les bulletins de salaire, la nature et la
qualité des tâches à exercer.
17
mandataire social. C'est d'ailleurs la position retenue par la
CCJA dans l'affaire opposant la Banque Nationale d'Investissement de Côte
d'Ivoire dite BNI à sieur AKOBE Georges56.
Dans cette recherche, il serait convenable pour les juges
comme l'a si bien relevé un auteur, de considérer que la fonction
de mandataire social relève de l'objet social statutaire de la
société tandis que les fonctions techniques du contrat de travail
relève de son objet social réel, c'est-à-dire de
l'activité réellement exercée57. Ainsi,
implicitement, il semble que la dualité de fonctions ne soit possible
que dans les entreprises de grandes tailles dans la mesure où le risque
de confusion est moins grand58.
Cependant, il importe de préciser qu'en droit OHADA, un
grave danger plane avec les comités d'études prévus
à l'article 437. En effet, rien n'empêche à un
administrateur, membre d'un comité, de devenir salarié et rien
n'empêche également à un administrateur-salarié
d'être membre d'un comité d'entreprise, or il s'avère que
les tâches du comité d'entreprise ne sont pas loin d'être
des fonctions techniques. Les membres de ces comités risquent de se
prévaloir de ce statut et de ces tâches pour prétexter
l'existence d'un contrat de travail. Une précision législative
est alors nécessaire à ce niveau.
Il serait en outre plus sécurisant d'exiger des
salariés qui deviennent dirigeants sociaux, de suspendre automatiquement
le contrat de travail lorsque les fonctions sociales sont susceptibles
d'absorber les fonctions techniques du travail59, eu égard au
fait que cette suspension n'entrave pas la qualité de salarié.
Cette exigence de la cour de cassation française60 peut se
justifier par la fragilisation du lien de subordination.
2- L'évidence du lien de subordination
Un emploi n'est effectif que s'il met en évidence le
critère même du contrat de travail qu'est le lien de subordination
juridique. Il s'agit de la situation de dépendance du travailleur qui
exécute le travail sous l'autorité de l'employeur qui a le
pouvoir de donner des instructions, des ordres et des directives, d'en
contrôler l'exécution, les résultats et d'en
56 CCJA, 1ère chambre,
arrêt du N°003/2015 du 12 février 2015, affaire Banque
Nationale d'Investissement dite BNI contre AKOBE Georges Armand. OHADA J-16-03.
[En ligne sur]
https://juricaf.org/arret/OHADA-COURCOMMUNEDEJUSTICEETDARBITRAGE-20150212-0032015,
(consulté le 08 Août 2020).
57 ADIDO (R.), précité, p.
61.
58 Ibid., p. 62.
59 Le code AFED-MEDEF en France recommande
même une rupture automatique du contrat de travail pour les
sociétés cotées.
60 La cour de cassation, Soc., 12 déc. 1990,
n° 87-40.596, Bull. Joly 1991. 842, no 302, note de LE CANNU (P.) ;
VATINET (V. R.), « Des hypothèses de non-cumul d'un contrat de
travail et d'un mandat social », Rev. Sociétés,
1999, pp. 273-284.
18
sanctionner les manquements. Il suppose donc que le
salarié exécute son travail sous l'autorité de
l'employeur, or avec le cumul, il se trouve que l'employeur peut devenir
à la fois salarié.
Pour que le cumul soit valable, le dirigeant salarié
doit être placé dans une situation de subordonné envers la
société ; ce qui implique qu'il reçoive des ordres, des
instructions, et qu'il lui soit appliqué le pouvoir disciplinaire.
Cependant, puisque c'est lui61 qui applique à l'égard
des salariés le pouvoir disciplinaire de l'entreprise, à son
propre égard, nait une complication qui ne peut être levée
que par la suppression préalable de son statut de mandataire social. Et
c'est là ce qui justifie que les dirigeants détenant la
majorité du capital social, ne peuvent assurer l'effectivité du
lien de subordination envers la société d'où
l'interdiction à leur égard du cumul.
Dans le cas particulier où le contrat de travail du
cumulard est exercé dans un secteur d'activité dirigé par
une autre personne que lui à l'instar d'un chef d'établissement,
la détermination de l'effectivité du lien de subordination
devient complexe. C'est par exemple le cas lorsque le chef d'entreprise
exécute son contrat de travail dans une division de son entreprise
où il existe un chef de division de qui il reçoit des ordres.
Dans ce cas, le dirigeant demeure l'employeur. Mais, le chef
d'établissement ou de division où est exécuté le
travail exerce par délégation, les principaux pouvoirs patronaux
liés à l'exécution du contrat de travail. Ainsi, on ne
devrait pas reprocher l'absence de subordination juridique. Le même
raisonnement peut être utilisé dans le cadre des groupes de
sociétés où un dirigeant obtient un contrat de travail
avec une entreprise du groupe. Le lien de subordination ne sera pas remis en
cause.
La preuve de l'existence du lien de subordination juridique
incombe à celui qui argue l'existence d'un contrat de travail à
savoir le cumulard. Mais dans cette tâche, il pourra être
aidé par la véracité de l'exécution du
travail62, par la méthode du faisceau des indices ou encore
par la preuve de sa double rémunération.
3- L'existence d'une rémunération
distincte
Comme tout travailleur, le dirigeant social qui a un contrat
de travail devrait percevoir obligatoirement un salaire. Ce salaire est
fixé selon les règles de la législation du travail tandis
que la rémunération du mandat social se fait obligatoirement
selon les règles de l'AUSCGIE.
61 Gérant dans les Sarl ; DG, ou PDG dans les
S.A etc.
62 ADIDO (R.), précité, p. 69.
19
S'il perçoit également une
rémunération63 sous quelque forme que ce soit dans le
cadre de son mandat social, cela ne devrait pas l'empêcher de percevoir
parallèlement son salaire. De plus, un cumul de rétributions est
interdit peu importe son montant considérable. Si l'on cumule dans le
salaire, la rémunération du mandat social, l'on dira de ce
dernier (trop élevé) qu'il est la preuve de la sinécure,
et de là, du caractère ineffectif de l'emploi. Si l'on cumule le
salaire dans la rémunération du mandat social, les juges
concluront l'absence du contrat de travail en raison de l'absence de
salaire.
Cependant, l'existence d'une rémunération
distincte forme avec les autres conditions, des exigences
cumulatives64 auxquelles l'AUSCGIE vient ajouter une
supplémentaire lorsqu'un mandataire social veut avoir un contrat de
travail.
B - La condition supplémentaire liée à
la postérité du contrat de travail au mandat
social
Dans les sociétés anonymes, l'AUSCGIE permet aux
administrateurs de conclure un contrat de travail à la condition
supplémentaire de le soumettre à la procédure de
contrôle des conventions règlementées65. Cette
procédure a pour but de soumettre ledit contrat à l'autorisation
préalable du conseil d'administration (1) puis à l'approbation de
l'assemblée générale ordinaire (2). Cependant, il convient
d'étendre la règle au-delà des administrateurs et
l'appliquer ainsi également aux dirigeants non administrateurs. C'est
ainsi, que nous pouvons constater que les sociétés
dépourvues de conseil d'administration66 n'appliquent le
contrôle des conventions que partiellement c'est-à-dire
directement devant l'assemblé ordinaire d'actionnaires.
1- L'autorisation préalable du conseil
d'administration
Toute convention entre la société anonyme et un
de ses dirigeants doit être soumise à l'autorisation
préalable du conseil d'administration à peine de
nullité67. C'est le cas du contrat de travail. L'article 440
de l'AUSCGIE précise que dans ce cas, l'administrateur concerné
par
63 L'expression est conditionnée car, «
le mandat est gratuit, s'il n'y a convention contraire »,
(article 1986 du Code civil) ; l'AUSCGIE confirme la règle avec des
articles comme 325, 430, 431 alinéa 1.
64 C'est ce que l'on peut déduire de la
décision de la cour cassation française qui estimait que
l'existence d'une double rémunération ne justifiait pas que l'on
ne recherche point la distinction entre les fonctions techniques salariales et
les fonctions sociales. (Cass. Soc., 1er décembre 1993).
65 Articles 426 et 438.
66 C'est le cas de la S.A avec administrateur
général, la S.A.S, la Sarl.
67 Mais il s'agit d'une nullité facultative
en raison de la possibilité de régulariser par un vote
spécial de l'assemblée générale ordinaire (article
447 de l'AUSCGIE).
20
le contrat est tenu d'en informer le conseil d'administration
qui l'autorise ou pas par un vote auquel il ne prend pas part sous peine de
nullité de ladite autorisation. Mais dans la société
anonyme sans conseil d'administration, l'administrateur général
doit obtenir son autorisation préalable de l'assemblée
générale à peine de nullité68.
Ensuite, dans un délai d'un mois à compter de sa
conclusion, le PCA ou le PDG selon les cas, informe le commissaire aux comptes
du contrat de travail qui a été autorisé par le conseil
d'administration et le soumet à l'approbation finale de
l'assemblé générale ordinaire statuant sur les comptes de
l'exercice écoulé.
2- L'approbation finale de l'assemblée
générale ordinaire
Le cumul doit être approuvé in fine par
l'assemblée générale ordinaire annuelle des
associés69. Le procédé d'approbation est
sensiblement le même selon qu'on est dans une S.A, une Sarl, ou une
SAS.
Dans la société anonyme avec conseil
d'administration, le commissaire aux comptes après avoir reçu
l'information du PCA, PDG ou de l'A.G, doit dresser un rapport spécial
sur le contrat de travail autorisé à l'assemblée
générale ordinaire qui l'approuve ou le
désapprouve70. Ledit rapport doit être
déposé au siège social au moins 15 jours avant la tenue de
l'assemblée71 et son défaut entraine la nullité
de toute délibération prise portant approbation du contrat de
travail72. Et sous peine de nullité de la
délibération, le dirigeant cumulard ne prend pas part au vote de
même que ses actions ne sont pas prises en compte dans la
détermination du quorum73. La principale différence
avec la procédure d'approbation dans la Sarl ou la SAS, est liée
au fait qu'en l'absence de CAC, le rapport spécial destiné aux
propriétaires sociaux est dressé et présenté
respectivement par le gérant ou le président. Cependant, le refus
d'approbation de la l'assemblée n'entraine pas l'annulation du contrat
de travail qui produit ses effets, au risque pour le cumulard de supporter les
conséquences dommages pour la société74. Une
fois toutes ces conditions réunies, sauf cas de fraude75, le
cumul de fonctions devrait produire des effets précis.
68 Article 499 de l'AUSCGIE.
69 Toutefois, l'approbation de l'AGO n'intervient
en fin de procédure que dans les sociétés avec conseil
d'administration. Dans celles qui n'en n'ont pas, l'approbation est le seul
mode de contrôle du contrat de travail.
70 Article 440 alinéa 3.
71 Article 442.
72 Article 440 alinéa 7.
73 Article 440 alinéa 5.
74 Articles 355, 443, 853-14 alinéa 4 de
l'AUSCGIE.
21
PARAGRAPHE II : LES EFFETS DU CUMUL DE FONCTIONS :
LA MODIFICATION DU STATUT DU DIRIGEANT
L'effet principal du cumul de fonctions est la modification du
statut juridique du dirigeant qui se trouve désormais sous le
règne du droit commercial et du droit social. La particularité
est que le dirigeant qui était autrefois dans une situation
inconfortable avec son mandat social, bénéficie désormais
de la sécurité offerte par le régime protecteur du droit
social. Mais nous nous limiterons à analyser ces effets au niveau de la
responsabilité du nouveau dirigeant qui se trouve bouleversée (A)
et de la cessation de ses fonctions (B).
A - Le bouleversement du régime de la
responsabilité
Les dirigeants sociaux ont des pouvoirs de contrôle et
de direction très étendus. Dans cette logique, ils engagent en
principe la société dans tous les actes de gestions qu'ils
posent. En contrepartie de ces prérogatives, ils peuvent voir leurs
responsabilités individuelles ou solidaires engagées. Cependant,
ayant également acquis le statut de salarié, ils voient aussi
leurs responsabilités s'agrandir, bouleversant le contenu tant sur la
responsabilité qu'il devait personnellement endosser (1) que sur celle
que la société doit assumer à sa place (2).
1- La responsabilité personnelle du
dirigeant-salarié
Individuellement, le dirigeant salarié peut voir sa
propre responsabilité engagée en sa qualité de mandataire
social ou de salarié, tant sur le plan civil que pénal.
La responsabilité civile du cumulard peut être
engagée du point de vue de sa qualité de dirigeant, pour des
fautes de gestion commises dans l'exercice de son mandat social76,
en violation des statuts77, et ayant causé un
préjudice à la société à travers une action
sociale. L'action en réparation du dommage subit par la
société doit être intentée par ce même
dirigeant (action ut universi)78 ; mais si ce dernier ne le
fait pas, la demande pourra être portée par un ou plusieurs
actionnaires (action ut singuli)79.
75 CCJA, arrêt n°013/2012 du 08 mars
2012 : ohadata J-14-94 ; C.Cass. Française, Soc, 15 octobre 1970 - Bull
civ, n°534. La fraude peut être liée au fait que le contrat
de travail n'a été conclu que dans l'unique dessein d'entraver
l'application d'une règle d'ordre publique comme le principe de la
révocation ad nutum.
76 Il ne faut pas systématiquement assimiler
les erreurs de gestion aux fautes de gestion. Le caractère fautif de la
gestion pourra se déduire du comportement malhonnête ou
négligent du dirigeant.
77 Articles 330 et 740 de l'AUSCGIE.
78 Article 166 de l'AUSCGIE.
79 Article 167 de l'AUSCGIE.
22
Les tiers peuvent également exercer une action
individuelle dans le but de mettre en oeuvre la responsabilité
individuelle du dirigeant qui dans l'exercice de ses missions, leurs a commis
du tort80. Certes, le principe est celui de la responsabilité
de la société, mais l'exception est la responsabilité
individuelle des organes ou représentants en cas de faute
personnelle81. En l'absence de précisions législatives
sur la nature réelle de cette faute, la jurisprudence comparée
nous propose de retenir à ce titre qu'il s'agit d'une faute
intentionnelle, d'une particulière gravité, séparable ou
incompatible des fonctions normales, d'où la théorie de la faute
séparable des fonctions82. La procédure voudrait que
la tierce victime exerce l'action contre la société du dirigeant.
Il revient à cette société de démontrer que la
faute du dirigeant lui est personnellement imputable comme
susmentionné.
La responsabilité civile du cumulard peut
également être engagée du point de vue de son contrat de
travail. À ce niveau, c'est un salarié qui est poursuivi. Ainsi,
il lui sera très souvent reproché l'inexécution
personnelle ou la mauvaise exécution du travail promis.
Sur le plan pénal, en sa qualité de dirigeant
social, la responsabilité du dirigeant-salarié peut être
engagée par la société pour des infractions aux
dispositions législatives83 commises pendant l'exercice de
ses fonctions84. Ces infractions peuvent être de commissions
tel qu'un abus de biens sociaux85, ou d'omissions tel que le
défaut de provocation de la désignation des commissaires aux
comptes ou la non convocation de ces derniers aux assemblés
générales86. En sa qualité de salarié,
ce dernier peut voir sa responsabilité engagée lorsqu'il manque
à ses obligations morales de confidentialité et de loyauté
en divulguant par exemple illégalement, le secret
professionnel87. Certains actes de ce dirigeant-salarié
engage inéluctablement la responsabilité directe de la
société.
2- La responsabilité de la société du
fait du dirigeant-salarié
La société est en principe responsable de tous
les actes délictuels ou pas, posés par ses organes ou
représentant dans l'exercice de leurs fonctions.
80 Article 161 de l'AUSCGIE.
81 MOHO FOPA (É. A.) ; « Les fondements
de la responsabilité des personnes morales en droit privé
camerounais », Juridis périodique, n°120,
oct.-nov.-déc. 2019, p. 146.
82 Ibid., pp. 146-147.
83 Ces dispositions législatives peuvent
être des dispositions générales (Code pénal,
législation sociale etc.) ou spéciales des sociétés
commerciales (AUSCGIE).
84 Articles 330 et 740 de l'AUSCGIE.
85 Article 891 de l'AUSCGIE.
86 Article 897 de l'AUSCGIE.
87 Article 310 du code pénal camerounais.
23
Sur le plan civil, la société doit
répondre des faits dommageables commis par le dirigeant-salarié.
Mais cette responsabilité à un double fondement, selon que le
fait reproché a été posé par le cumulard ès
qualité de dirigeant, ou de salarié.
D'une part, en qualité de dirigeant, les fautes
commises par le cumulard engagent automatiquement la responsabilité
personnelle de la société88 « sans qu'il y
ait lieu de distinguer entre l'auteur réel et l'auteur
présumé de la faute »89. Il s'agit là
d'une application puriste de l'anthropomorphisme. Le dirigeant fait partie
intégrante de la personne morale pour qui, il pense et agit.
D'autre part, entend que salariés, les actes que le
dirigeant pose engage la responsabilité de la société, sur
le fondement cette fois ci, de la responsabilité du fait d'autrui. Cette
solution qui repose sur l'article 1384 du Code civil est logique. En effet, les
salariés n'incarnent pas en principe directement la personne morale
comme c'est le cas avec les dirigeants. Ils ne sont que des
préposés de la société, car ils sont liés
à elle par un lien de subordination. De ce fait, ils n'agissent que
conformément aux ordres que leurs donnent la société,
entendue comme leur commettant. C'est pourquoi, les fautes qu'ils commettent
engagent la responsabilité indirecte de la société du fait
des préposés.
Sur le plan pénal, les sociétés sont
responsables des actes du dirigeant-salarié. En effet, elles sont
automatiquement « responsables pénalement des infractions
commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants
»90. On dit qu'il s'agit d'une responsabilité du
fait personnel par représentation91. C'est une projection,
une responsabilité subjective que l'on peut croire contraire au
caractère personnel de la responsabilité pénale. Or en
réalité, elle ne l'est pour plusieurs raisons.
Premièrement, la société ne peut être
qu'effectivement responsable dans la mesure où, « autrui
» par qui est commis l'infraction, est une personne habilitée
à engager juridiquement la société. Il s'agit ainsi des
« organes ou représentants »92.
La jurisprudence comparée affirme même que la notion d'organe
ou représentant peut également viser des
salariés93. Deuxièmement, ces représentants
doivent impérativement avoir commis l'infraction pour le compte de la
société.
Tous ces comportements négatifs du dirigeant
salarié peuvent conduire aux ruptures de ses contrats avec la
société.
88 Du moment où elles ne peuvent pas
être considérées comme des fautes détachables de ses
fonctions normales et par conséquent personnellement imputables.
89 MOHO FOPA (É. A.), précité, p.
145.
90 Article 74-1 a du Code pénal camerounais.
91 MBOGNING KENFACK (J. S.), « Le livre I du
nouveau Code pénal camerounais : entre conservatisme et modernisation
», RDIC, n°3, 2017, pp. 376 et s. ; MOHO FOPA (É.
A.), précité, p. 151.
92 MOHO FOPA (É. A), précité, p.
152.
93 Idem.
24
B - La cessation des fonctions des dirigeants
salariés
« À un moment ou à un autre de la vie
sociale, la question de la cessation des fonctions des dirigeants va se poser
inéluctablement »94. Mais le mode de cessation des
fonctions du dirigeant salarié le plus problématique est celui
par lequel ses cocontractants décident de mettre fin
prématurément à leurs relations contractuelles. Il s'agit
de la révocation du mandat social ou du licenciement dans le cadre du
contrat de travail. Puisque ces deux contrats sont réunis en une seule
personne, des interférences entre les deux régimes de
révocation s'opèrent logiquement. À titre illustratif,
l'on peut constater que son licenciement ne peut s'opérer que par son
employeur qui peut être lui-même, en vertu du mandat social. Ainsi,
comment assurer son licenciement en cas de besoin ? Est-ce que sa
révocation pourra emporter systématiquement son licenciement ?
Avant de répondre à ces questions, il importe
préalablement de préciser les règles des cessations de
fonctions des dirigeants salariés.
En principe, la révocation des dirigeants sociaux est
libre, et se fait par la seule volonté de l'assemblée
générale ordinaire ou du conseil d'administration selon les cas :
on parle de révocation ad nutum95. Le
caractère d'ordre public de ce principe justifie que toute convention
tel un contrat de travail qui a pour effet d'entraver ou de restreindre son
efficacité soit interdite96. Dans ce sens, les juges de la
CCJA ont qualifié de « moyen frauduleux » et
annulé le contrat de travail d'un dirigeant social conclu dans le but de
garantir la stabilité de son mandat social97. Quant au
licenciement, sa mise en oeuvre ne donne pas autant de liberté à
l'employeur que la révocation du mandat. Il ne peut être
opéré que selon un motif légitime et réel au risque
pour l'employeur de réparer le préjudice subi par le
salarié du fait de la rupture abusive. L'on est donc en présence
de deux modes de cessation de fonctions totalement autonomes.
De par les exclusivités de leurs régimes
juridiques, la révocation du mandat social est autonome du licenciement
: c'est le principe d'autonomie du mandat social et du contrat de
travail98. Illustration de la sécurité dont jouit le
dirigeant salarié par rapport au dirigeant non
94 AKAM AKAM (A.), « La cessation des
fonctions des dirigeants des sociétés commerciales en droit OHADA
», Revue d'étude et de recherche sur le droit et
l'administration dans les pays d'Afrique (Afrilex), mars 2009, p. 1.
95 Outre le contrôle juridictionnel du «
juste motif » que consacre l'AUSCGIE, les principales exceptions à
la révocation ad nutum restent d'origines jurisprudentielle (le
respect de la procédure du contradictoire dans la prise de
décision de révocation), et pratique (l'utilisation des
techniques des parachutes dorés, des stock-options et bien d'autres),
in AKAM AKAM, précité, pp. 9-20.
96 Ibid., p. 10.
97 CCJA, arrêt n°013/2012 du 08 mars 2012 :
ohadata J-14-94.
98 En droit français, ce principe n'admet
d'exception que concernant le cumul des administrateurs représentants
les salariés dans les sociétés : article L. 225-23 et L.
225-32 du Code de commerce.
25
salarié, ce principe suppose que la révocation
du mandat social ne saurait avoir d'incidences sur le contrat de travail et
vice versa. D'une part, la révocation du dirigeant social n'emporte pas
automatiquement son licenciement. Si la confiance entre les
propriétaires de l'entreprise et leur dirigeant est devenue fragile, la
simple révocation de ce dernier ne suffira pas à l'exclure
totalement de l'entreprise, il faudra en plus que le nouveau dirigeant le
licencie. D'autre part, la rupture du contrat de travail du dirigeant n'emporte
pas automatiquement rupture de son mandat social. Dans l'hypothèse
où le dirigeant social en qualité d'employeur refuserait de se
licencier soit même, il faudra au préalable révoquer son
mandat social, puis assurer le licenciement par le nouveau dirigeant.
Le régime juridique du cumul d'un mandat social avec un
contrat de travail est la manifestation de la participation des salariés
à la gestion des sociétés commerciales en droit OHADA. Il
fait d'eux des administrateurs salariés ou des dirigeants
salariés. Mais ce régime est fragile, ce qui justifie la
nécessité de son renforcement.
SECTION II : LE RENFORCEMENT SOUHAITÉ DE LA
PARTICIPATION DES SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA
SOCIÉTÉ
L'amélioration de la participation des salariés
à la gestion ordinaire de la société passe
nécessairement par l'amélioration du régime du cumul de
fonctions (paragraphe 1), et la création des mécanismes
collectifs de représentation des salariés dans la gestion
(paragraphe 2).
PARAGRAPHE I : L'AMÉLIORATION DU RÉGIME
DE LA REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DANS LES ORGANES DE
GESTION
Les salariés participent à la gestion ordinaire
de la société commerciale lorsqu'à travers le
mécanisme du cumul de fonctions, ils sont appelés à
contrôler ou à diriger l'entreprise. Ce cumul permet une
représentation des salariés au sein du conseil d'administration
et du directoire99. Mais en droit OHADA, son régime
précédemment analysé se trouve limité par son
caractère facultatif qu'il conviendrait de rendre obligatoire (A) et de
repréciser les modalités de désignation des
administrateurs salariés (B).
99 Rappelons qu'à ce niveau, la question de
la représentation des salariés aux assemblées
générales ne sera pas traitée.
26
A - La suppression du caractère facultatif de la
représentation des salariés dans le conseil
d'administration
L'article 426 de l'AUSCGIE qui peut être
considéré comme la consécration générale du
cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail, a le mérite de
faciliter l'entrée des salariés dans le gouvernement de
l'entreprise. Cependant, il affirme comme tous ceux qui le suivent, le
caractère facultatif de cette technique et va même jusqu'à
donner la possibilité aux actionnaires de l'interdire dans les statuts.
L'emploi de l'expression « sauf clause contraire des statuts
» et du verbe « pouvoir » qui traduisent un exercice
facultatif, illustre parfaitement cet état des choses. En raison du
caractère conservateur des propriétaires du capital social, de
leur haine de l'immixtion étrangère, cette possibilité qui
leur est accordée de ne jamais faire intervenir les salariés dans
leur affaire est de nature à les éloigner pour toujours de la
gestion de l'entreprise. Ce choix du législateur OHADA peut s'explique
par sa vision encore très centrée sur la volonté des
investisseurs. Mais il rend encore difficile sa recherche d'un modèle
idéal de gouvernance.
Néanmoins, l'on doit reconnaitre que le choix des
membres du directoire doit rester totalement facultatif, car, les
associés ou les administrateurs qui décident de la personne qui
va exercer les fonctions de direction ou de gérance le font sur la base
d'une confiance qui ne doit en aucun cas être occultée par les
exigences de la gouvernance salariale. Ils doivent pouvoir choisir librement la
personne qui leur fera gagner plus des bénéfices. En effet, ce
serait une absurdité de dire que le ou les gérants d'une Sarl
doivent être des salariés. En revanche,
l'obligatoriété de la présence des salariés dans
les organes de contrôle serait une aubaine pour la dynamisation de la
gouvernance.
Dans la société anonyme, entendue comme la forme
de société la mieux organisée, la présence des
salariés dans le conseil d'administration devrait être
obligatoire. Cette idée résulte du caractère et du
rôle de cet organe. Entre les inconvénients et les avantages de
leur présence pour la société, la balance penche au profit
des seconds100. En réalité la présence des
salariés au sein de cet organe collégial de contrôle de la
direction, permet une vision transversale, plus réaliste dans la prise
des décisions. Elle favorise également la logique participative,
le dialogue, et la construction de la confiance entre partenaires
sociaux101.
100GOMEZ (P. Y.), (dir.), Cahiers pour la
réforme, La présence d'administrateurs salariés au conseil
d'administration : cahier I, arguments et propositions, études
effectuées par l'institut français de la gouvernance de l'EM
Lyon, février 2005; GAURON (A.), CHARET (V.), « Réussir la
mise en place des administrateurs salariés », presse des mines,
Paris, 2014.
101 GAURON (A.), CHARET (V.), précité, p. 27.
27
Dans ce sens, le droit OHADA gagnerait beaucoup à se
rapprocher du modèle français actuel. En effet, en France, la
présence des salariés au conseil d'administration est
obligatoire102 si l'entreprise compte plus de 5000 salariés
sur le sol français ou 10000 à travers le monde. Il ne faudra pas
forcément élever autant les critères des entreprises
contraintes, tant on sait la capacité des entreprises de la zone OHADA
en moyenne inférieure à celle des européennes. Mais il
serait également nécessaire de limiter le nombre de
salariés présents au conseil d'administration pour ne pas en
faire une sorte de syndicat des salariés.
Du moment qu'on contraint les entreprises à plus de
représentativité salariale dans le conseil d'administration, la
limitation du nombre de salariés capables de siéger au conseil
avec voix fût-elle délibérative ou consultative,
mérite d'être faite. Certes un nombre élevé de
salariés au sein du conseil permet de créer une masse critique
capable d'influencer les décisions, mais une limitation numérique
permet de préserver l'équilibre de la société en
évitant que le conseil d'administration ne soit étouffé
par le « militantisme des salariés dont la principale
préoccupation est l'amélioration des conditions de travail
»103. En France, le nombre total ne peut dépasser
le tiers des administrateurs en fonction. Il serait également
nécessaire de repenser les modalités de cette
représentation des salariés au C.A.
B - La redéfinition des modalités de
désignation des administrateurs-salariés
En l'état actuel du droit OHADA, les salariés
administrateurs sont soit désignés par les statuts ou
l'assemblée générale constitutive104, soit
nommés par l'assemblée générale
ordinaire105. La déduction lamentable est que leur
présence dépend de la volonté totale des actionnaires ; ce
qui ne facilite pas considérablement la dynamisation de la gouvernance
des sociétés anonymes. Il serait alors plus intéressant de
faire recours en outre, à des modalités de
représentativité plus participatives. L'élection par les
salariés de leurs représentants au conseil d'administration
serait un mode idoine.
Opposée de la nomination, l'élection est
l'« opération par laquelle plusieurs individus ou groupes
formant un collège électoral, investissent une personne d'un
mandat ou d'une
102 Loi française de sécurisation de l'emploi du
14 juin 2013. Avant cette loi, il s'agit d'une faculté reconnue par les
articles L. 225-27 et suivants du code de commerce.
103 KETTANI (M.), « Cumul du mandat social et du contrat
de travail : analyse juridique et jurisprudentielle », Rev., juridique
marocain, n°36, 2015.
104 Article 419 de l'AUSCGIE.
105 Article 546 de l'AUSCGIE.
28
fonction par un vote »106. C'est le
mode qui met en exergue une démocratisation des relations de travail. Il
a l'avantage de donner une légitimité à l'administrateur
salarié élu. Ainsi, tous les salariés composeront le
collège électoral et voteront celui ou ceux d'entre eux qui les
représenteront au conseil d'administration. Puisque ce modèle est
très similaire à la représentation par les
délégués du personnel, et que ces derniers en droit OHADA
ne siège pas au conseil d'administration, on peut se demander s'il ne
serait pas plus simple pour le législateur d'imposer la présence
des délégués du personnel au conseil d'administration. La
réponse nous appelle à faire recours au droit français.
Afin de maximiser la présence des représentants
du personnel salarié dans les organes sociaux, le code de commerce
français dispose que le mandat d'administrateur salarié est
incompatible avec tout mandat de membre d'un organe de représentation
des salariés107. Il importe de ne pas cumuler les deux
fonctions de représentation sur une même personne.
Quant aux modalités de l'élection, il est
possible de laisser aux statuts l'organisation du vote et d'imposer les
conditions d'exercice du suffrage et d'éligibilité similaires
à celles des délégués du personnel108.
Mais en l'absence d'orientations législatives, ce serait encore
abandonner la représentation à la volonté des
actionnaires.
Une autre modalité intéressante est
prévue par la loi française de 2013 sur la sécurisation de
l'emploi et consiste en la désignation de l'administrateur
salarié par le comité d'entreprise. Mais son application en droit
OHADA nécessiterait au préalable qu'on crée des
comités d'entreprises comme en France.
PARAGRAPHE II : LA PROMOTION DES ORGANES
COLLÉGIAUX DE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DANS
L'ENTREPRISE : L'INSPIRATION DES COMITÉS D'ENTREPRISES
Le comité d'entreprise est l'institution de
représentation collective du personnel aux missions diverses, qui dans
une entreprise, réunit sous la présidence du chef d'entreprise,
des représentants élus du personnel et représentants de
chaque organisation syndicale représentative dans
l'entreprise109. Il n'existe pas en droit OHADA et le
néophyte peut facilement l'assimiler à tort aux comités
d'études prévues à l'article 437 de l'AUSCGIE.
106 CORNU (G.), (dir.) et Association Henri CAPITANT,
Vocabulaire juridique, 12ème édition,
PUF/Humensis, 2018, p. 432.
107 Article L. 225-30.
108 Article 168 du Code de travail camerounais et article 123
de l'Avant-projet d'acte uniforme relatif au droit du travail de 2006.
109 CORNU (G.), op. cit., p. 232 ; mais cette
définition peut varier en fonction des pays.
29
Seuls quelques États membres tels que le
Gabon110, le Mali111, et la Mauritanie l'ont
consacré dans leurs législations sociales. Or il s'agit d'un
instrument de participation approprié pour l'amélioration de la
place des salariés dans l'entreprise (B) et sa consécration par
le législateur communautaire est nécessaire surtout au vu de
l'inadéquation des institutions de représentation en vigueur
(A).
A - Les comités d'entreprises justifiés par
l'inadéquation des institutions de représentation
consacrées
Dans la plupart des pays de l'OHADA, la seule institution de
représentation des salariés qui permet une participation de ces
derniers à l'intérieure de l'entreprise est le
délégué du personnel112. Bien que le droit du
Travail soit encore un « parent pauvre de l'OHADA
»113, l'intention du législateur au regard de
l'Avant-projet d'Acte Uniforme de 2006 relatif au droit du travail était
de maintenir cette logique. Ainsi, l'article 165 de ce livre voulait imposer
leurs élections dans les entreprises de plus de cinquante
salariés. Cependant, bien qu'armé de moyens considérables
de défense des intérêts salariés dans la vie de
l'entreprise, le délégué du personnel s'avère
très faible et inadéquat à la participation des
salariés dans la gestion de l'entreprise.
Vestige de l'héritage colonial, l'institution du
délégué du personnel est introduite en Afrique par
l'administration Française dès 1952 à travers le Code de
Travail d'Outre-Mer (CTOM)114 qui dote les colonies
françaises et les territoires sous administration française d'un
code de travail propre. Elle a pour mission de présenter à
l'employeur, les revendications individuelles ou collectives des travailleurs
concernant les conditions de travail que ces derniers ne peuvent faire
directement ; de veiller au respect de la législation sociale par
l'employeur ; de communiquer à l'employeur toutes suggestions et
observations du personnel tendant à l'amélioration de
l'organisation et du rendement de l'entreprise.
Cependant, en raison de plusieurs lacunes, le
délégué du personnel ne permet pas une suffisante
participation des salariés au fonctionnement ordinaire de l'entreprise.
D'une part, il
110 Adoptés sous le nom de « comités
permanents de concertation économique et sociale » par l'ordonnance
n°29/76 du 10 avril 1976 et le décret n°407 du 10 avril
1976.
111 Adoptés par le code du travail sous le nom de «
comités de gestion ».
112 Article 122 du Code du travail camerounais.
113 REIS (P.), « Le droit du travail dans le droit OHADA
», Revue de l'OHADA, n°1 de juin 2012, p. 244.
114 Loi française du 15 décembre 1952 ; v. SIM
(R.), Le délégué du personnel : Une institution
démocratique en droit de travail, Presses de l'UCAC,
Yaoundé, 2007.
30
est un organe individuel de participation ; ce qui est
très dangereux115. Ainsi, parce que mal organisé, il
lui est difficile d'influencer les décisions de l'employeur. De plus,
parce qu'il s'agit d'une personne, l'interprétation des
réclamations par ce dernier peut être biaisée par son
analyse personnelle. Ceci justifiera très souvent que les
salariés s'en passent de lui et présentent directement leurs
suggestions et réclamations à l'employeur116. Le
système de représentation dès lors perd sa raison
d'être.
D'autre part, les délégués du personnel
n'ont pas une influence sur les décisions économiques de
l'entreprise. Ils ne savent rien de la vie économique de l'entreprise et
sont vis-à-vis de l'employeur dans une position qui interdit toute
ténacité117. En effet, l'objectif de la participation
et plus largement de la gouvernance d'entreprises se trouve ignoré
lorsque le système de participation en vigueur ne permet pas aux
salariés de se prononcer sur les décisions économiques de
l'entité. Certes, il est permis aux délégués du
personnel « de communiquer à l'employeur toutes suggestions
utiles tendant à l'amélioration de l'organisation et du rendement
de l'entreprise »118, mais il s'agit là d'un
exercice facultatif. L'employeur n'est pas obligé de requérir
leur avis sur les décisions y relatives comme ce serait le cas avec le
comité d'entreprise ou encore de les informer de la vie
économique de l'entreprise. À ce niveau, on peut bien se demander
si le législateur n'a pas plutôt servit de la « fausse
monnaie » aux travailleurs119.
Le délégué du personnel a un rôle
essentiellement tourné vers l'amélioration des conditions de
travail. Du coup, son impact sur la vie économique n'est pas visible. Il
est de ce fait perçu très négativement comme un instrument
de lutte des classes par les dirigeants qui vont très vite
développer la pratique des réponses écrites aux
réclamations des délégués du personnel afin
d'éviter les contacts directs avec eux120. Ceci crée
une situation conflictuelle constante entre le directoire et le
délégué du personnel de laquelle le premier ressort
très souvent vainqueur en dépit de la protection
législative accordée au second121.
115 TAM (P.), L'institution des comités
d'entreprise en droit du travail camerounais, mémoire,
Université de Yaoundé 2, année 1988-1989, pp. 22 et s.
116 Les textes relatifs aux délégués du
personnel leurs en donnent le droit. C'est le cas de l'article 129 du code de
travail camerounais et 179 de l'avant-projet précité.
117 POUGOUÉ (P.-G.), TCHAKOUA (J. M.), « Le
difficile enracinement de la négociation en droit du travail camerounais
», Afrilex, 2000, p. 3.
118 Article 128 du code du travail ; Voir également
l'article 178 de l'avant-projet précité. Mais il s'agit là
d'une prérogative reconnue lorsqu'il n'y a pas de comité
d'entreprises.
119 POUGOUÉ (P.-G.), TCHAKOUA (J. M.),
précité, p. 3.
120 LE CROM (J.P.), op. cit., p. 73.
121 Idem.
31
Devenu une institution en difficulté dont le rôle
dans la démocratie d'entreprises est contesté, le
délégué du personnel voit son déclin
s'annoncer122. Un déclin facilité par la
simplicité des mécanismes de participation tel le cumul de
fonctions, ou la pertinence des institutions collectives de
représentation tel les comités d'entreprises.
B - Les comités d'entreprises justifiés par
leur pertinence
Institués en France par l'ordonnance du 22
février 1945 et la loi N°46-1065 du 16 mai 1946, les comités
d'entreprises sont des institutions collectives de représentation des
salariés au sein de l'entreprise. Leur consécration en droit
OHADA serait judicieuse car ils permettent mieux que les mécanismes
existants à savoir le cumul d'emploi et le délégué
du personnel, une meilleure implication des salariés dans la gestion
ordinaire de l'entreprise. Certainement que la réticence des
législateurs de l'OHADA et de quelques pays qui ne l'ont pas encore
consacré tel que le Cameroun peut s'expliquer par le contexte de
pauvreté, le désir de développement économique,
d'attractivité des investisseurs dont on craint la réaction s'ils
voient leur patronat affaiblit par celui des salariés. Cependant, cette
justification peut s'avérer inexacte ou mal fondée car, la France
du général de Gaulle après la libération, a
imaginé ce mécanisme dans ses réformes structurelles afin
de booster les performances et le rendement des entreprises et remédier
de ce fait à la situation économique catastrophique de cette
époque123. Au regard du succès que ce fût, on
peut dire qu'ils ne sont pas des moyens d'affaiblissement du patronat. En
outre, le choix des délégués du personnel au
détriment des comités d'entreprises s'explique difficilement
compte tenu du fait que les deux institutions sont consacrées à
la même époque124. Il aurait été
judicieux de tenter les deux expériences.
Loin de vouloir pousser le législateur à un
mimétisme qu'on lui a souvent reproché, l'objectif de cette
proposition est d'affirmer l'importance d'un modèle de
représentation très pertinent au regard de sa composition mixte,
qui fait intervenir différents acteurs sociaux (chef d'entreprise,
représentants élus des salariés, représentants
syndicaux : ce qui favorise les concertations entre le dirigeant et les
salariés), mais plus particulièrement au regard de son
rôle.
122 Ibid, p. 173.
123 LE CROM (J. P.), « La naissance des comités
d'entreprise : une révolution par la loi ? », Travail et
Emploi, n°63, p. 59.
124 Le délégué du personnel est
consacré en France d'abord sous l'appellation de
délégué d'ouvriers par la loi du 24 juin 1936 puis sous la
forme actuelle par la loi du 16 avril 1946.
32
Le comité d'entreprise a une composition mixte qui
regroupe à la fois des membres du directoire, des représentants
du personnel, des représentants syndicaux et parfois bien d'autres.
C'est le cas en France, où il est présidé par le chef
d'entreprise. Au Gabon, il inclut aussi des représentants des
actionnaires désignés par l'assemblée
générale. Cette diversité de membres, permet de faciliter
le dialogue social et donne au comité une meilleure
efficacité.
Le rôle du comité d'entreprise découle de
ses attributs économiques125 et
socio-culturels126. D'une part, il est un organe de concertation et
de contrôle de la gestion car il est chargé de suivre
l'évolution de l'entreprise grâce aux informations qui lui sont
fournies127 et d'agir sur les décisions du directoire en
émettant des avis. En France, la loi du 1er mars 1984 sur la
prévention des difficultés des entreprises a
considérablement renforcé ses pouvoirs et en a fait un organe de
contrôle de la gestion en lui octroyant un droit d'alerte128
aussi important que celui des associés, le droit de demander la
récusation du commissaire aux comptes129, le recours à
l'expertise de gestion130. La loi de 2001 sur les nouvelles
régulations économiques est venue par la suite ainsi que
plusieurs autres renforcer davantage ce pouvoir des comités
d'entreprises en lui octroyant de prérogatives de plus en plus
importantes131. Ces comités participent d'ailleurs
obligatoirement aux conseils d'administrations des sociétés
anonymes avec voies consultatives132.
Cependant, il ne s'agit par d'un organe de contrôle
ordinaire car il n'a pas un pouvoir de contrainte si ce n'est qu'une simple
influence sur la décision avant qu'elle ne soit prise. Par mesure de
prudence, et afin qu'il ne constitue une menace pour l'autorité du chef
d'entreprise, l'on ne lui a confié qu'un droit de consultation dont
l'avis issu ne lie pas l'employeur puisqu'il ne s'agit pas là d'une
cogestion133. Dans le domaine économique, le comité
d'entreprise n'est pas un organe de décision, car le dirigeant ayant aux
yeux du monde la responsabilité de l'affaire qu'il dirige, il est
important de lui laisser une autorité
125 Article L. 2323-1 et suivants du Code de travail
français, annoté par TEYSSIÉ (B.), 32ème
édition, LexisNexis, 2017 ; URBAN (Q.), « Comité
d'entreprises (Rôle et attributions en matière économique)
», Répertoire du droit du travail, janvier 2014 ; infra,
Chapitre 2, Section 2, §1, A : La consécration nécessaire
d'un véritable droit à l'information des salariés.
126 Article L. 2323-83 et suivants, du code du travail
précité ; ORTSCHEIDT (P.), « Comité d'entreprise
(Activités sociales et culturelles) », Répertoire du
droit du travail, Janvier 2013.
127 Articles L. 2323-2 à L. 2323-45 ; art. L. 2323-55 du
C.trav. Français
128 Article L. 2323-78 à 82 du C.trav.,
français.
129 Article L. 225-230 du C.ce., français.
130 Article L. 225-231 du C.ce., français.
131 MERLE (P.), op.cit., pp. 666-667.
132 Article L. 2323-62 à L. 2323-66 du C.trav.
Français.
133 « Il faut (...) se garder d'utiliser le
qualificatif de cogestion, qui impliquerait une participation active aux
décisions de l'employeur. Le comité d'entreprise ne dispose pas
non plus d'un pouvoir de négociation (...) », URBAN (Q.),
précité, p. 5.
33
correspondante à cette
responsabilité134. C'est d'ailleurs pourquoi il est
consacré en Mauritanie comme un organe consultatif d'entreprise et au
Gabon comme un organe de concertation.
D'autre part, le comité d'entreprise a pour rôle
de représenter les salariés et d'exprimer leur
intérêt dans la gestion en ce sens que son objet est «
d'assurer une expression collective des salariés, permettant la
prise en compte permanente de leurs intérêts dans les
décisions relatives à la gestion et à l'évolution
économique et financière, à l'organisation du travail et
aux techniques de production »135. Il devient ainsi un
instrument incontournable de la démocratie d'entreprise, un acteur
important du droit des sociétés commerciales136
134 LE CROM (J. P.), op. cit., p. 47.
135 Ancien article L. 2323-1 du Code de travail
français, cité par FRANCONI (V.), L'actualité des
attributions du comité d'entreprises en matière
économique, thèse, université Lumière Lyon 2,
15 novembre 2010, p. 14.
136 TAQUET (F.), L'amélioration des conditions
d'informations des comités d'entreprises, JCP E, 2001, p. 1205,
cité par MERLE (P.), op. cit., p. 667.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
34
Il ressort des précédents développements
que le droit OHADA se sert des formules du cumul d'un mandat social avec un
contrat de travail et du délégué du personnel prévu
dans les législations sociales des États membres pour faire
davantage participer les salariés à la gestion de la
société in bonis. Cependant, cette participation
s'avère très insuffisante en raison des carences du régime
de cumul de fonctions et de l'absence d'institutions de représentation
collective des salariés tel que le comité d'entreprise. L'on
pense au regard des analyses qui ont précédées qu'il est
nécessaire de rendre obligatoire la participation des salariés
dans les organes dirigeants de l'entreprise en supprimant le caractère
facultatif de l'administrateur salarié, et en consacrant une institution
collective de représentation tel que le comité d'entreprise. De
même en temps de difficultés, les salariés devraient
être très impliqués dans la gestion de la
société.
CHAPITRE II : L'IMPLICATION MITIGÉE DES
SALARIÉS DANS LA GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA
SOCIÉTÉ COMMERCIALE
Lorsque se présentent les difficultés
économiques ou financières, la gestion de la
société devient extraordinaire. Ces difficultés peuvent
être légères ou sérieuses, et nécessiter
respectivement une action extra judiciaire appelée la conciliation ou
une action judiciaire appelée règlement préventif. Mais
ces difficultés peuvent êtres très graves et plonger
l'entreprise dans une situation de crise économique dite de la cessation
des paiements : cette dernière nécessitera un traitement
spécial selon que l'entreprise peut être sauvée
(redressement judiciaire) ou pas (liquidation des biens). Les
conséquences de ces situations sont si importantes que toutes les
parties prenantes de l'entreprise devraient s'impliquer dans leurs
résolutions. Les salariés, parce qu'ils sont le relais entre la
vie interne et externe de l'entreprise, sont plus susceptibles de maitriser les
causes du/des problème(s), de le(s) détecter très
rapidement, et avoir ainsi des idées de résolution. Parce qu'ils
sont (on pourrait dire) autant affectés que les associés et les
créanciers, par l'issue de la procédure, ils devraient
logiquement être impliqués dans leurs traitements. C'est la raison
pour laquelle les procédures collectives qui visent à
résoudre ces difficultés ne peuvent se faire sans l'intervention
des salariés ou de leurs représentants. Mais le droit OHADA
à travers son AUPCAP, laisse perdurer les réminiscences d'une
gestion exclusive des salariés. Il semble moins en faire des acteurs que
de simples « spectateurs ou victimes »137. Dans
ce sens, puisqu'il implique de façon très mitigée les
salariés dans la gestion des crises économiques de l'entreprise
(section 1) il est nécessaire de chercher les moyens
qui favoriseront une meilleure participation des salariés
(section 2).
35
137 YANPELDA (V.), « Les salariés dans les
procédures collectives OHADA. Acteurs ou spectateurs ? », Revue
de droit comparé du travail et de la sécurité
sociale, n°1, 2011, p. 37. Les salariés sont des spectateurs
s'ils n'agissent pas et des victimes lorsqu'ils subissent l'impact des
difficultés à travers notamment les licenciements, les
reclassements etc.
36
SECTION I : LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE
TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ LIMITÉE
À L'EXISTENCE DE LA CESSATION DES PAIEMENTS
En droit OHADA des entreprises, les salariés sont
impliqués dans la gestion des difficultés économiques de
leurs employeurs. Mais cette implication est mitigée pour plusieurs
raisons. Déjà, si le salarié n'est pas également
associé/actionnaire, ou dirigeant, il est impuissant dans la
prévention de la cessation des paiements (crise
économique138) de son entreprise alors même que les
restructurations qui peuvent en sortir sont susceptibles de
l'affecter139. Il ne peut s'exprimer qu'en cas de cessation des
paiements140 en provoquant l'ouverture des procédures
curatives (paragraphe 1), ou en accordant des concessions sur ses avantages
(paragraphe 2) en vue de la résolution de la crise.
PARAGRAPHE I : LA POSSIBILITÉ D'OUVERTURE DES
PROCÉDURES COLLECTIVES CURATIVES PAR LES SALARIÉS
En principe, l'ouverture d'une procédure collective
curative est l'apanage du débiteur qui est obligé de
déclarer sa cessation des paiements141. Mais n'ayant pas
« l'assurance que le débiteur y défère
spontanément »142, le législateur a
étendu le champ de compétence à plusieurs autres
personnes. Ainsi, explicitement, l'acte uniforme donne la possibilité
aux salariés de demander l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire soit en tant que créancier de l'entreprise (A),
soit en tant qu'informateur du juge compétent en vue de sa saisine
d'office (B).
138 La crise économique est entendue ici comme toute
difficulté économique ou financière de nature à
compromettre le fonctionnement normal de l'entreprise.
139 La quasi exclusion du salarié des procédures
préventives peut s'expliquer par le fait qu'à cette étape
des crises, la société étant toujours in bonis,
sa gestion est toujours normale, ses dirigeants de ce fait ont toujours
l'exclusivité de tous leurs pouvoirs de gestion. Les procédures
préventives étant considérées comme des actes de
gestion. Aussi, ces procédures ont été instituées
dans l'intérêt du débiteur pour qui, elles sont des moyens
de protection judiciaires, et qui seul, peut décider de leur
opportunité ; Voir, KOUAMO (D.R.), L'implication du salarié
dans la prévention et le traitement des difficultés entreprises
dans l'espace OHADA. Le cas du Cameroun, thèse, Université
de Nantes, 9 janvier 2018, p. 179-182.
140 Article 25 al.2 de l'AUPCAP : « La cessation des
paiements est l'état où le débiteur se trouve dans
l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son
actif disponible, à l'exclusion des situations où les
réserves de crédit ou les délais de paiement dont le
débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui
permettent de faire face à son passif exigible ».
141 Article 25 et 228 de l'AUPCAP. 142KOUAMO (D.R.),
op. cit., p. 227.
37
A - L'action individuelle des salariés en tant que
créanciers de la société
À la différence des procédures
préventives d'apurement du passif, l'AUPCAP élargit le champ des
requérants d'une ouverture des procédures curatives.
D'après l'article 28, l'orée de ces procédures peut
être l'initiative d'un créancier qui justifie d'une créance
certaine, liquide et exigible, à l'encontre de l'entreprise
débitrice. Ce dernier a le droit de saisir la juridiction
compétente et demander l'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens à l'encontre de son
débiteur. L'initiative n'est plus l'apanage du débiteur comme
c'est le cas avec les procédures préventives. Et ceci se justifie
aisément par le fait que l'objectif poursuivi dans les procédures
curatives n'est plus uniquement la protection du débiteur, mais plus
largement, la défense des intérêts de toutes les parties
prenantes (internes et externes) de l'entreprise. C'est également l'une
des raisons de la restriction des pouvoirs de gestions des organes de la
société à ce stade, à travers la gestion de la
procédure par des acteurs externes, l'assistance ou le dessaisissement
du débiteur143. Bref, les créanciers ont un
intérêt à assigner le débiteur en justice en vue de
demander son redressement ou sa liquidation. Cet intérêt à
agir est d'ailleurs la condition sine qua none de l'assignation et se
matérialise par l'exigence des caractères cumulatifs de
certitude, liquidité et exigibilité de la
créance144. Comme le rappelle le professeur KALIEU, «
le droit d'assignation des créanciers n'est pas
systématiquement mis en oeuvre. Il faut que le créancier ait un
intérêt personnel à demander l'ouverture d'une
procédure collective contre son débiteur », au risque
de se verser dans un abus de droit d'ester145.
Le salarié dans la mesure où il est
créancier envers son employeur de son salaire, a également la
qualité pour demander l'ouverture d'une procédure curative en cas
de retard ou de non-paiement. À cet effet, sa demande doit
préciser la nature et le montant de sa créance et viser le titre
sur lequel elle se fonde. Dans ce cas, la juridiction compétente
statuant sur l'ouverture de la procédure « adéquate »,
peut entendre le salarié demandeur ou les représentants du
personnel146.
Toutefois, il faut préciser que le salarié n'est
pas un créancier ordinaire. Ceci dans la mesure où à la
différence de tous les autres créanciers dans la masse, il
bénéficie d'une
143 Chapitre 3 de l'AUPCAP.
144 Jl s'agit là des conditions cumulatives comme l'ont
laissé entendre les juges : Arrêt Cour d'appel de Ouagadougou,
n° 52 du 16 avril 2004, « SOSACO /BATEC, BTM », Ohadata
J-08-20.
145 KALIEU ELONGO (Y. R.), « Notion de procédure
collective », in Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy,
2011, p. 1259.
146 Article 32 al.1 de l'AUPCAP.
38
protection légale : c'est le super privilège des
salariés147. Il devra être
désintéressé « au plus tard, dans les dix (10)
jours qui suivent la décision d'ouverture et sur simple décision
du juge-commissaire »148. Cette protection est due en
raison de la nature alimentaire particulière de sa créance.
Cependant, ce n'est que très marginalement que l'on
peut considérer cette action individuelle des salariés en
qualité de créanciers comme des mesures de participation directe
au traitement des crises de la société. En effet, elles
contraignent ces derniers à n'agir que si leurs salaires n'ont pas
été convenablement payés. Or, la cessation des paiements
peut bien exister en l'absence d'une irrégularité dans le
paiement des charges sociales. Il aurait été nécessaire de
leurs consacrer un droit d'action directe sans besoin d'être
créanciers car plus vite la crise est résolue, plus sûr est
leur avenir et leur bien être dans l'entreprise. Malheureusement, en
l'état actuel du droit des entreprises OHADA, aucune technique ne permet
aux salariés lambda de faire une alerte tant au niveau interne
(auprès des organes de contrôle) qu'au niveau externe
(auprès d'une juridiction compétente) sur une crise dont ils ont
connaissance. Pourtant, très souvent, ils s'enquièrent rapidement
de l'existence d'une crise à travers leur place centrale dans
l'entité contrairement aux autres créanciers. Or en l'absence
d'un tel droit d'alerte à eux reconnu, la situation risque de
s'envenimer en raison du manque de diligence des dirigeants optimistes sur leur
capacité à résorber la crise. Il devient alors
intéressant de s'interroger sur les moyens de participation du
salarié non créancier ou lambda.
B - L'action collective des salariés en tant
qu'informateurs de la juridiction
compétente
Le seul moyen pour les salariés non créanciers
de déclencher l'ouverture d'une procédure collective est celui
prévu à l'article 29 de l'AUPCAP. D'après cet article,
« la juridiction compétente peut se saisir d'office notamment
sur la base des informations fournies par (...) les membres de cette personne
morale ou les institutions représentatives du personnel qui lui
indiquent les faits de nature à motiver cette saisine ». En
réalité, il ne s'agit que d'une action indirecte dans la mesure
où c'est la juridiction compétente qui se saisit d'office. Les
salariés ici n'ont qu'un rôle d'incitateurs car ils ne font
qu'informer le juge de
147 Article 95 de l'AUPCAP.
148 Article 96 al.1 de l'AUPCAP.
39
l'existence d'une situation économique
préoccupante149. Cette activité d'informateur peut
être menée intentionnellement en vue de provoquer la saisine
d'office du juge (déclaration) ou à d'autres fins (assignation
pour paiement). La CCJA a d'ailleurs confirmé cette règle dans
l'affaire SOCALIB150. En l'espèce, le collectif des
travailleurs (maltraités) de la SOCALIB a assigné leur employeur
auprès du tribunal d'instance de Ouesso dans le but d'obtenir le constat
de l'abandon des employés et le paiement de leurs arriérés
de salaire et autres droits conventionnels. À l'occasion de cette
plainte, le juge est informé de l'ampleur des difficultés de la
société et décide de passer outre les revendications du
collectif pour constater la cessation des paiements et prononcer la liquidation
de ses biens. Ainsi, la haute juridiction communautaire en reconnaissant que
les juges du fond se sont « plutôt saisis d'office en raison des
informations fournies par le collectif des salariés de la SOCALIB, pour
prononcer la liquidation des biens de ladite société »,
reconnaissait par la même occasion, l'action indirecte des
salariés en qualité d'informateurs judiciaires.
L'action d'information des salariés se trouve alors
fusionnée dans la saisine d'office du juge. Cette saisine d'office du
juge sur la base des informations des salariés, se justifie par «
le fait que les procédures collectives d'apurement du passif sont
d'intérêt général et d'ordre public
»151. Il s'agit d'un mécanisme salutaire dans la
mesure où il permet de retirer de l'emprise de la volonté du
débiteur, l'initiative des procédures collectives152.
Il permet de pallier au manque de diligence d'un débiteur en cessation
des paiements qui par trop d'optimisme se permettrait de ne pas la
déclarer et aggraver davantage la situation de l'entreprise.
Nonobstant toutes les difficultés juridiques
posées par l'institution de la saisine d'office du juge153,
on constate qu'elle permet en outre, une implication plus marquée des
149 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement
n°1503 du 27 avril 2002, affaire Compagnie multinationale aérienne
Air Afrique,
http://www.ohada.com,
Ohadata J-5-49.
150 CCJA, 3e Chambre, Arrêt n° 32 du 08
décembre 2011, affaire : Société Congolaise Arabe Lybienne
de Bois dite SOCALIB c/ Collectif des travailleurs de la SOCALIB, JURIDATA
n°J032-12/2011 ; MOHO FOPA (É. A.), note sous jurisprudence,
CCJA, 3e Chambre, Arrêt n° 32 du 08 décembre 2011,
affaire : Société Congolaise Arabe Lybienne de Bois dite SOCALIB
c/ Collectif des travailleurs de la SOCALIB, Juridis périodique
n° 105, janvier-mars 2016, pp. 113-121.
151 MOHO FOPA (É. A.), précité, p. 116.
152 Ibidem, p. 117.
153 La saisine d'office du juge dans les procédures
collectives a été sortie de l'ordonnancement juridique
français par une décision du conseil constitutionnel du 07
décembre 2012 qui la considérait inconstitutionnel car
étant de nature à violer le principe fondamentale d'une justice
équitable mais a été maintenue en droit OHADA. D'une part,
il pose véritablement problème car ne permet pas au juge
d'être impartial dans son action, mais d'autre part, c'est un mal
nécessaire dans la mesure où les procédures visées
étant d'intérêt général, la saisine d'office
permettra au juge d'assurer et de garantir efficacement cet
intérêt. V. MOHO FOPA (É. A.), précité, p.
117 ; KOUAMO (D. R.), op. cit., pp. 228-230 ; BIBOUM BIKAY (F.),
« Les pouvoirs d'office du juge des procédures collectives de
l'organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)
», Juridical Tribune, volume 5, Issue 2, Décembre 2015, p.
233-253.
40
salariés dans le traitement des difficultés de
leurs employeurs. En effet, on peut croire que le législateur utilise
cette voie pour compenser l'impossibilité pour les salariés de
déclencher une alerte. Car comme on l'a déjà
précédemment dit et comme on le verra154, les
salariés n'ont pas un droit d'alerte dans les sociétés
commerciales OHADA. La saisine d'office du juge sur la base de leurs
informations leur permet donc de déclencher une alerte externe afin de
ralentir la chute de l'entreprise. Certes, le moyen est explicitement curatif,
mais l'on peut aussi y voir une forme de prévention des
difficultés dans la mesure où l'AUPCAP ne précise pas la
qualité de l'information à fournir. Celle-ci peut être
déterminante ou non ; en tout cas, elle ne lie pas le juge qui doit
encore vérifier l'effectivité de la cessation des paiements. La
seule mention concernant la qualité de l'information est qu'elle soit
relative aux faits de nature à motiver la saisine d'office du juge.
Alors, les salariés peuvent se fonder sur ce laxisme législatif
pour exercer une action préventive sans être sûrs de
l'effectivité de la cessation des paiements. Lorsqu'ils ont la
connaissance de quelques difficultés que ce soit, ils saisissent le juge
afin de pousser ce dernier à analyser la gestion de l'entreprise.
L'action, intentée dans un but préventif, pourra
très bien aboutir. Ceci parce qu'après réception des
informations, le juge entend le débiteur sur l'existence de la
crise155. Ce dernier devra produire si le juge le veut, une
série de documents prévus à l'article 26 parmi lesquels,
les états financiers de synthèse, l'état de la
trésorerie, un état des créances et des dettes de
l'entreprise et bien d'autres. Ces documents permettent au juge d'exercer
même s'il y'a pas encore cessation des paiements, un contrôle en
vue de la prévenir. L'alerte des salariés aura donc produit ses
effets.
Cependant, nait un problème, celui du risque d'une
multiplication abusive des actions des salariés qui conduira à
une immixtion exagérée du juge et fragilisera la gestion de la
société. C'est pourquoi il faut instituer des moyens de garanties
contre cet effet pervers. Certainement, qu'on pourrait se dire que l'exigence
d'une représentation collective des salariés comme destinateur de
l'information suffirait car à ce qu'il paraît, l'informateur doit
avoir la qualité de représentant du personnel. Malheureusement,
on n'en est pas très sûr car «
l'énumération des destinateurs de l'information est loin
d'être limitative »156, et rien n'indique les
conditions dans lesquelles ces informations sont fournies au juge.
Une fois l'ouverture de la procédure prononcée,
il importe de s'interroger sur le rôle des salariés dans son
déroulement.
154 Infra, B : L'élargissement des mécanismes de
contrôle de la gestion au profit des salariés.
155 Article 29 alinéa 3 et 4 de l'AUPCAP.
156 KALIEU ELONGO (Y. R.), précité, p. 1259.
41
PARAGRAPHE II : L'IMPLICATION DES SALARIÉS DANS LE
DÉROULEMENT DES PROCÉDURES CURATIVES
Durant le déroulement des mesures de traitement de la
crise de l'entreprise, les salariés s'impliquent soit de façon
représentative ou individuelle. Ces situations correspondent
respectivement à l'action des contrôleurs représentant le
personnel (A) ou aux concessions que font les salariés en vue de mettre
un terme à la crise (B).
A - Le contrôleur salarié
Les salariés participent au déroulement des
procédures de traitement des crises économiques (redressement
judiciaire et liquidation des biens) de l'entreprise à travers leurs
représentants que sont les contrôleurs. Ces contrôleurs sont
des organes non judiciaires à part entière de la
procédure. D'après l'article 48 de l'AUPCAP, « À
toute époque de la procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens, un (01) à cinq (05) contrôleurs peuvent
être désignés par le juge commissaire parmi les
créanciers non-salariés. (...). Lorsque le nombre de
salariés est supérieur à dix (10) au cours des six (06)
mois précédant la saisine de la juridiction compétente, le
syndic invite le comité d'entreprise ou, à défaut, les
délégués du personnel, à désigner un
salarié en qualité de contrôleur, dans un délai de
vingt (20) jours à compter de la décision d'ouverture
». La participation des salariés est donc actée par le
contrôleur-salarié. Il s'agit là d'une innovation par
rapport à l'AUPCAP de 1999 qui ne prévoyait pas la place d'un
salarié lambda comme contrôleur, et ceci dans le même esprit
que le code de commerce français157. Ce dernier n'excluait
pas qu'un salarié soit contrôleur mais à la condition qu'il
soit un créancier. « À la faveur de la réforme,
les salariés ont bénéficié de l'autonomisation de
leur statut de contrôleur. Ils ne sont plus
désignés contrôleurs en raison de leurs créances
mais en raison de leur qualité de salariés
»158.
Le contrôleur-salarié est un salarié
désigné au sein de l'entreprise atteignant le seuil
susmentionné par les institutions de représentation du personnel
s'il y'en a, ou élu par les collègues dans le cas contraire. La
personne ainsi désignée ou élue, est nommée en
cette qualité par le juge-commissaire. Quand l'entreprise n'atteint pas
le seuil exigé, le juge-commissaire est appelé à
désigner un de façon discrétionnaire. Aucune
précision n'est faite
157 Article L. 621-10 du C.ce. Français.
158 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 240.
42
sur les conditions de ce salarié si ce n'est qu'il ne
doit avoir aucun lien de parenté ou d'alliance avec les dirigeants de la
société jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni
détenir directement ou indirectement tout ou partie du capital ou des
droits de vote de la société commerciale. Il ne peut en avoir
qu'un seul dans l'entreprise.
Le contrôleur salarié permet de faire entendre la
voix des salariés dans le déroulement des procédures. Il a
une double mission159. D'une part, il a une mission de
défense des intérêts des créanciers. Le fait que les
syndics représentent presque tous les intérêts en jeu,
justifie que l'on crée des contrôleurs chargés
spécialement de la défense des intérêts des
personnes qu'ils représentent ; le contrôleur salarié
veille donc à la protection des intérêts des
salariés160. Dans ce sens, il peut dans
l'intérêt des salariés, demander la conclusion d'un contrat
de location gérance en vue de la continuation des activités ou
plutôt sa résiliation161.
D'autre part, le contrôleur salarié a une mission
d'assistance du syndic dans ses fonctions et le juge commissaire dans sa
surveillance du déroulement de la procédure. En fait, le
contrôleur salarié facilite la tâche du juge commissaire en
exerçant un contrôle sur l'activité du ou des syndics.
À cette fin, il exerce plusieurs prérogatives qui varient selon
le type de procédure. C'est ainsi que dans le redressement judiciaire,
il a le droit de demander au syndic des comptes sur l'état de la
procédure, des actes accomplis par ce dernier ainsi que des recettes et
versements faits162. Si le syndic refuse son assistance pour
accomplir des actes d'administration ou de disposition, le contrôleur
peut l'y contraindre par une décision du juge commissaire163.
Il peut même demander sa révocation auprès du juge
commissaire164 : de telles prérogatives peuvent-être
« de nature à obliger le syndic à effectuer une gestion
saine de l'entreprise en difficulté »165.
Dans la liquidation des biens, ce contrôleur a comme
tous les contrôleurs, un véritable droit d'information qui lui
permet d'être obligatoirement consulté à l'occasion de la
réalisation des biens du débiteur. Il assiste également
à la vérification des créances produites dans la
masse166. Il est obligatoirement informé chaque trimestre de
la part du syndic de l'état de la liquidation des
biens167.
159 Article 49 de l'AUPCAP.
160 KALIEU ELONGO (Y. R.), « Les organes des
procédures collectives », in Encyclopédie du droit
OHADA, Paris, Lamy, 2011, p. 1312.
161 Article 115 et 116 de l'AUPCAP.
162 Article 49 al.2 de l'AUPCAP.
163 Article 52 de l'AUPCAP.
164 Article 42 de l'AUPCAP.
165 YANPELDA (V.), précité, p. 39.
166 Article 84 de l'AUPCAP.
167 Article 169 de l'AUPCAP.
43
À travers toutes les prérogatives qui
précèdent, il apparait que le contrôleur salarié
concoure au bon déroulement des procédures de traitement des
difficultés de la société et à la
préservation de l'intérêt des salariés qu'il
représente168. Cette participation est accompagnée des
concessions qu'accordent les salariés en vue de la résolution de
la crise.
B - Les concessions salariales pour le traitement de la
crise
Comme toutes les parties prenantes de l'entreprise,
intéressées par la procédure de traitement en cours, les
salariés peuvent consentir des concessions sur des droits et avantages
qu'ils détiennent à son endroit en vue de sauver l'outil de
production. Tous ces efforts ne seront en principe possibles que dans le plan
de redressement judiciaire car la liquidation suppose déjà
l'irréversibilité de la situation de l'entreprise. Les mesures de
restructuration issues de ce plan de redressement peuvent même les amener
à consentir à leur licenciement. Ainsi, ces efforts peuvent
concerner leurs rémunérations et ne pas affecter le lien
contractuel ou concerner leur statut dans l'entreprise et affecter le lien
contractuel.
D'une part, les salariés peuvent faire des concessions
sur leurs salaires échus. Toutefois, en raison de la nature
particulière de cette créance, la loi a strictement
encadré leur action. Sur leurs salaires déjà exigibles,
les salariés peuvent accorder des délais supplémentaires
de paiements, ou des remises partielles de dettes. Mais toutes ces concessions
ne doivent pas porter atteinte au super privilège conféré
à leur salaire car comme on l'a déjà dit, les
salariés sont des créanciers protégés en raison de
la nature alimentaire et fragile de leurs créances : l'article 134 de
l'AUPCAP dispose à cet effet que, les travailleurs ne peuvent se voir
imposer aucune remise ni délais excédant deux (02) ans sans
préjudice des dispositions de l'article 96. Autrement dit, les
salariés ne peuvent consentir ou se voir imposer des délais de
grâce ou des remises partielles qu'exclusivement sur la quotité
saisissable de leurs salaires. La fraction insaisissable représentant la
nature alimentaire du salaire n'en-est aucunement concernée. La
renonciation des salaires est un moyen providentiel de financement pour les
entreprises en difficultés tant les charges salariales sont une
faiblesse pour elles169.
En effet, c'est parce que le paiement intégral de la
masse salariale pourrait saper les chances de redressement de l'entreprise et
compromettre le paiement des autres créanciers
168 YANPELDA (V.), précité, p. 40.
169 MAGUEU KAMDEM (J. D.), Le financement des entreprises
en difficultés en droit OHADA, thèse, Université de
Dschang, 2016, p. 221.
44
qu'il est permis aux salariés de faire des
renonciations de salaires170. Afin que ces renonciations ou remises
de dettes ne préjudicient au super privilège du salaire, elles
doivent se faire suivant un formalisme rigoureux. À ce titre, l'article
177 de l'AUVE dispose qu'elles doivent se faire suivant les règles
fixées par les législations sociales de chaque États
membres171.
D'autre part, dans l'intérêt de l'entreprise, les
mesures de restructurations liées aux difficultés
économiques peuvent parfois imposer à l'employeur une
réduction de son effectif. Cette réduction de l'effectif salarial
implique logiquement des licenciements qui seront dits « pour motifs
économiques ». C'est à ce moment que l'implication des
salariés est louable car en disant en son article 110 que les
licenciements économiques sont envisageables uniquement s'ils sont
urgents ou indispensables, l'AUPC laisse aux parties une brèche pour le
recours à d'autres solutions qui auraient le même effet de
réduire l'importance des charges salariales.
L'entreprise est en crise, le salarié veut garder son
emploi et l'employeur veut continuer l'activité avec les mêmes
salariés : une négociation est alors très possible car
comme le disait Jean Moulin, « les hommes n'acceptent le changement
que dans la nécessité et ne voient la nécessité que
dans la crise »172. Dans ce sens, ils pourront ensemble
comme le prévoit le Code de travail camerounais, ouvrir des
négociations pour des mesures alternatives. Au rang de ces mesures,
« la réduction des heures de travail, le travail par roulement,
le travail à temps partiel, le chômage technique, le
réaménagement des primes, indemnités et avantages de toute
nature, voire la réduction des salaires [à
venir]»173. Ce n'est que lorsque le salarié «
refuse par écrit » les mesures envisagées ou
lorsqu'en dépit d'elles, les licenciements s'avèrent encore
nécessaires qu'il est procédé aux licenciements pour motif
économique. Ses charges salariales ainsi réduites, l'entreprise
pourra relancer aisément son activité tout en évitant une
rechute.
L'on retiendra donc que le droit OHADA des entreprises en
difficultés envisage clairement la participation des salariés
dans la gestion des difficultés de l'entreprise. Cependant, il la limite
à la survenance de la cessation des paiements en leurs permettant
d'ouvrir la procédure et de s'impliquer dans elle, ce qui nous
emmène à rechercher comment améliorer cette
participation.
170 Ibid.
171 Ibid., pp. 265-267.
172 Jean MOULIN, cité par GADRAT (M.),
Restructurations et droit social, thèse, Université de
Bordeaux, Tome 1, 9 décembre 2014, p. 17.
173 Article 40 alinéa 3 du Code de travail camerounais.
45
SECTION II : LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER
L'IMPLICATION DES SALARIÉS DANS LA GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA
SOCIÉTÉ
Les apporteurs en capital semblent être les seuls
intéressés au bien-être de l'entreprise d'après le
droit OHADA. Or, les salariés sont également des parties
prenantes autant intéressés de la bonne santé de leur
employeur. Il serait judicieux aussi dans l'intérêt de
l'entreprise que ces derniers soient impliqués dans la prévention
des difficultés (§1) et que leur rôle soit renforcé
lorsque surviennent les difficultés (§2).
PARAGRAPHE I : L'INSTAURATION SOUHAITABLE DES
MÉCANISMES PERMETTANT LA PRÉVENTION ET LA DÉTECTION DES
DIFFICULTÉS PAR
LES SALARIÉS
En négligeant l'intérêt des
salariés dans l'entreprise, le droit OHADA les a complètement
exclus des mécanismes de prévention des difficultés de
l'entreprise. Or étant des parties prenantes de l'entreprise qui ont
également un intérêt à son bien-être, il
serait bien de leur consacrer un véritable droit d'information (A) et de
leur permettre d'utiliser aussi les mécanismes de contrôle de la
gestion (B).
A - La consécration d'un véritable droit
à l'information des salariés
Le droit à l'information est un pilier fondamental de
la bonne gouvernance. Pour détecter des problèmes encore mineurs,
il faut être vigilent ; l'idéal étant de disposer d'un
système d'informations fiables sur l'état financier de
l'entreprise qui révèlera très tôt des
anomalies174. Or en droit OHADA, les salariés ne sont pas des
destinataires de l'information économique. Ce droit est celui de
quelques privilégiés dont le commissaire aux comptes, les
associés/actionnaires. Il faut pénétrer les
différentes législations sociales des États membres ou se
référer à l'avant-projet d'acte uniforme relatif au droit
du travail (de 2006) pour ramasser quelques bribes d'un droit à
l'information à destination des salariés. Mais pour l'essentiel,
ces informations ne concernent que les conditions de travail et non la vie
économique de l'employeur.
174FIDEGNON (J.), Le règlement des
procédures collectives par le tribunal de première instance de
première classe de Cotonou, mémoire de fin de formation du
cycle ii filière : Magistrature, Université d'Abomey
Calavi-Bénin, 2011, p. x (résumé).
46
L'on est donc favorable à un droit d'informations des
travailleurs de la société commerciale qui s'accompagnerait d'un
droit de consultation préalable sur des décisions
économiques majeures. Dans ce sens, les institutions de
représentation du personnel seraient les plus adaptées à
exercer ce droit. Le droit français qui nous inspire dans cette
proposition, accorde ce droit aux comités d'entreprises à travers
ses attributs économiques175. Ainsi, à défaut
de consacrer cette institution, l'on pourrait très bien s'approprier ses
attributs.
Les destinateurs à savoir les dirigeants et le
commissaire aux comptes doivent être obligés de mettre à la
disposition des salariés des informations générales ou
permanentes et des informations ponctuelles ou occasionnelles. Les employeurs
doivent fournir par écrit, selon une périodicité
préfixée (annuelle, trimestrielle, mensuelle etc.), des rapports
sur la situation et les résultats de l'entreprise. Afin de ne pas les
saturer avec des tâches superfétatoires. La nature de ces
informations devrait être clairement précisée. Les
destinateurs devront y être obligés, au risque d'être
coupables de délit d'entrave176.
Le droit de consultation est logiquement le corolaire de
l'information des salariés. L'information donnée aux
salariés serait vaine si elle n'était pas accompagnée de
la possibilité d'émettre leur avis. La consultation est donc le
moyen qui permettra aux salariés de participer à la prise des
décisions de l'employeur en émettant leur avis sur des questions
importantes de l'entreprise. L'employeur devra préalablement consulter
les représentants des salariés, requérir à leur
avis avant de prendre la décision. En France, le code du travail rend
cette consultation obligatoire en ce qui concerne les orientations
stratégiques de l'entreprise ; la situation économique et
financière de l'entreprise ; la politique sociale de l'entreprise, les
conditions de travail et d'emploi177. Ce droit permet aux
salariés d'influencer dans l'entreprise et de contrôler la gestion
du dirigeant. Mais pour ne pas devenir un facteur de division au sein de
l'entreprise, il doit être limité aux décisions majeures et
l'avis issu doit avoir un caractère consultatif et non
délibératif. En plus des informations reçues, les
salariés devraient bénéficier des mécanismes de
contrôle de la gestion.
175 Code de travail français, Deuxième partie-
Les relations collectives de travail, Livre3- Les institutions
représentatives du personnel, Titre2- Comités d'entreprises,
Chapitre3- Attributions, Section1- Attributions économiques.
176 Article L. 2328-1 du C.trav. Français ; AUZERO
(G.), note de jurisprudence, Crim., 23 oct. 2007, n°0686.458, Bull.
Joly 2008, vol.226, n°52.
177 Articles L. 2323-1 et L. 2323-6 du C.trav.
Français, dans leurs versions modifiées par l'article 18 de la
loi n°2015-994 du 17 août 2015 précitée, entrée
en vigueur le 1er janvier 2016.
47
B - L'élargissement des mécanismes de
contrôle aux salariés
Les mécanismes de contrôle sont des moyens qui
permettent d'éviter les difficultés économiques en
contrôlant la gestion des dirigeants sociaux. Ils permettent à
leurs initiateurs de s'impliquer davantage dans la marche de la
société en menant des investigations sur sa gestion. En droit
OHADA, ces mécanismes sont extrajudiciaires (procédure d'alerte)
ou judiciaires (expertise de gestion et administration provisoire) et sont
réservés à une minorité de
privilégiés de laquelle est complètement exclu le
salarié. Or, le salarié a autant d'intérêts que ces
privilégiés dans le bon fonctionnement de la
société ; ils devraient logiquement aussi en
bénéficier.
Dans un premier temps, la santé de la
société gagnerait à ce que les salariés
bénéficient du droit d'alerte social. L'alerte est une
procédure destinée à réveiller les dirigeants de la
société178. Elle permet à ses initiateurs de
protéger l'intérêt social en amenant le dirigeant de la
société à prendre des mesures qui s'imposent pour
remédier à la menace qui pèse sur
l'entreprise179. En droit OHADA, elle appartient exclusivement aux
commissaires aux comptes180 et aux
associés/actionnaires181. Cette exclusion des salariés
peut être justifiée par le fait qu'à ce moment, la
situation de l'entreprise n'étant pas encore difficultueuse, la
discrétion devrait guider la gestion du risque qui se présente.
Or, il est de l'intérêt des salariés de protéger la
société et sa santé financière. En plus, leur
position centrale dans le fonctionnement de l'entreprise leur permet facilement
de détecter les risques économiques de celle-ci. C'est ainsi
qu'en France, depuis la loi du 1er mars 1984 sur la
prévention des difficultés des entreprises, les salariés
peuvent désormais intervenir dans le cadre de la procédure
d'alerte lorsqu'ils ont connaissance des faits de nature à compromettre
la situation ou l'avenir de l'entreprise182. L'amélioration
de la participation des salariés dans la prévention des
difficultés des sociétés commerciales OHADA passerait donc
par une appropriation de la procédure d'alerte. Parallèlement,
ladite procédure se trouverait renforcée si elle était
élargie à leur profit.
La procédure d'alerte exercée par les
travailleurs pourra être similaire à celle actuellement en
vigueur. Ainsi, sous l'impulsion de leurs représentants, les
salariés qui ont
178 NJANDEU (M.-A.), « La protection de la
société commerciale en droit OHADA », in Les mutations
juridiques dans le système OHADA, Paris, L'Harmattan, 2009, pp.
232-234.
179 Ibidem, p. 234.
180 Articles 150 à 152 (dans les sociétés
autres que les sociétés par actions), et 153 à 157 (pour
les sociétés de capitaux) de l'AUSCGIE.
181 Article 157 (dans les sociétés autres que
les sociétés par actions) et 158 (dans les sociétés
de capitaux) de l'AUSCGIE.
182 NJANDEU (M.-A.), précité, p. 234.
48
connaissance de tout fait de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation « pourront »183
demander par écrit, des explications sur la situation aux gérants
ou aux dirigeants sociaux qui seront tenus d'en fournir par écrit. Un
auteur pense que si ceci n'aboutit pas, une seconde phase devrait être
envisagée, elle consistera pour l'institution représentative
à établir un rapport sur l'état des difficultés,
lequel rapport sera communiqué au commissaire aux comptes, au conseil
d'administration ou à l'assemblée des actionnaires184.
Mais bien que pertinente, cette idée se heurte au sérieux
problème d'accessibilité du conseil d'administration ou de
l'assemblée générale par les représentants du
personnel. Elle serait plus réaliste s'il existait déjà
une participation obligatoire des salariés ou de leurs
représentants dans ces organes.
Dans un second temps, les salariés devraient pouvoir
aussi exercer des mécanismes de contrôles qui permettent de
demander aux juges l'intervention d'un organe externe dans la gestion de
l'entreprise. En droit OHADA, ces mécanismes existent bien mais ne sont
pas à la portée des salariés : il s'agit de l'expertise de
gestion185 et de l'administration provisoire186. Dans le
premier cas, les salariés via leurs représentants pourront
demander en justice la désignation d'un ou de plusieurs experts
chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion. Dans le second cas, lorsque le fonctionnement
normal de la société est rendu impossible soit du fait des
organes sociaux, soit du fait des associés, les salariés pourront
demander à la juridiction compétente la nomination d'un
administrateur provisoire qui sera chargé d'assurer momentanément
la gestion des affaires sociales.
Enfin, l'on pense comme d'autres auteurs que le droit OHADA
renforcerait encore davantage son système de prévention des
difficultés s'il faisait recours à des techniques d'alerte encore
plus simplistes et directes comme le « whistleblowing
»187. Le whistleblowing ou lancement d'alerte
éthique en français, est une pratique née aux Etats-Unis.
Il est considéré comme un système permettant aux
salariés d'alerter individuellement leurs dirigeants ou un organisme
spécialement constitué, sans risque d'être personnellement
inquiété des irrégularités ou des mauvais
comportements professionnels qu'ils constatent dans l'entreprise
183 En effet, si la procédure d'alerte est obligatoire
à l'égard du CAC, on la voit difficilement obligatoire à
l'égard du salarié, sa fonction principale à la
différence du CAC n'étant pas de contrôler la gestion.
184TAKAFO KENFACK (D.), « Libres propos sur la
réglementation de l'alerte en OHADA », revue des
procédures collectives, lexisnexis, jurisclasseur, mars-avril 2016,
p. 24.
185 Articles 159 et 160 de l'AUSCGIE.
186 Articles 160-1 à 160-8 de l'AUSCGIE.
187 AMISSI MANIRABONA (M.), « Un renforcement du
mécanisme d'alerte pour lutter efficacement contre la criminalité
économique dans l'espace OHADA », Bull. de droit
économique, Faculté de droit de l'université Laval,
2017, [en ligne sur]
http://www.droit-economique.org/wp-content/uploads/2017/12/Amissi-1.pdf,
(consulté le 20 juin 2020 à 17h16); KOUAMO (D. R.), op.
cit., p. 160-164.
49
et dont ils estiment qu'ils font courir un risque
sérieux à l'entreprise188. À la
différence de la procédure d'alerte en vigueur, il peut
aisément s'exercer par un salarié individuellement et sans que ce
dernier ne soit inquiété des représailles puisque le
« whistleblower » (lanceur d'alerte) exerce l'action dans
l'anonymat. Par ailleurs, ce système permet de pallier aux
difficultés nées de l'absence des institutions de
représentation du personnel dans les entreprises.
Lorsque l'exercice de tous ces mécanismes de
contrôle n'a pas permis d'éviter l'arrivé des
difficultés, la participation des salariés dans les
procédures collectives devraient également se voir
accentuée.
PARAGRAPHE II : L'AMÉLIORATION DU RÔLE DES
SALARIES EN CAS DE SURVENANCE DES DIFFICULTÉS
Le rôle des salariés devrait être
amélioré dans l'entreprise en difficulté tant avant la
survenance de la cessation des paiements (A) qu'après sa survenance
(B).
A - L'implication des salariés dans les
procédures de prévention de la cessation des
paiements
Mis à part quelques rares recours (indispensables) aux
salariés, l'AUPCAP semble négliger la valeur de ces derniers dans
les réussites des procédures collectives préventives que
sont la conciliation et les règlements préventifs. Or sans
être prétentieux, l'on estime que la présence des
salariés dans ces procédures serait une bonne chose.
Dans la procédure de conciliation, la participation des
salariés semble moins nécessaire surtout s'ils sont
déjà associés à la prévention des
difficultés comme on le souhaite. Il serait préférable de
s'en tenir à cette limitation de la participation des salariés eu
égard de la nature et des caractères de la procédure de
conciliation. En réalité, elle ne vise qu'à
protéger le débiteur contre les actions en paiement de ses
créanciers en le plaçant sous la protection d'un accord, et elle
est soumise à la stricte confidentialité189.
Cependant, on peut se permettre de relever une
amélioration nécessaire de cette implication. En effet, à
ce niveau, à moins que les salariés ne constituent les
principaux
188 ELIET (G.), « Whistleblowing : quel système
d'alerte éthique pour les entreprises françaises ? »,
Les cahiers d'éthique, 2005, cité par AMISSI MANIRABONA
(M.), précité, p. 10.
189 Article 5-1 de l'AUPCAP.
50
créanciers avec qui le débiteur cherche un
accord, ils sont quasiment exclus de la procédure pour des raisons
sus-évoquées. Or au final, l'accord de conciliation peut
entrainer des mesures de restructurations qui vont impliquer une
réduction de la masse salariale, ceci très souvent en vue de
rassurer les créanciers partisans. C'est à cette étape que
seront conviés les salariés pour faire des concessions ; ce qui
sera dès lors très difficile vu le caractère inattendu de
la demande pour eux qui n'avaient pas connaissance de la procédure.
Alors, il aurait été préférable de les inclure
individuellement ou de façon représentative dans le
déroulement de la procédure. Le représentant du personnel
serait toujours tenu à la confidentialité. De plus, le juge
pourra avant d'ouvrir la procédure de conciliation, d'homologuer ou
d'exéquaturer l'accord, auditionner les salariés ou leur
représentant afin d'avoir des connaissances exactes sur la situation
réelle de l'entreprise.
D'autre part, la participation des salariés dans le
règlement préventif est aussi à améliorer.
Rappelons déjà qu'au regard de l'AUPCAP, les salariés,
lorsqu'ils ne sont pas créanciers, peuvent intervenir très
laconiquement dans la procédure et seulement si l'expert au
règlement préventif décide de les entendent190,
s'ils sont invités à faire des concessions dans le projet de
concordat191 ou s'ils sont nommés en qualité de
contrôleur de l'exécution du concordat192. Il aurait
été peut-être judicieux de les impliquer davantage comme
nous l'avons suggéré ci haut pour la procédure de
conciliation. De plus, vu qu'il est possible que les salariés ne soient
jamais désignés en qualité de contrôleur
salarié, il serait judicieux « d'imposer » leur
présence dans le contrôle de l'exécution du concordat
préventif.
B - Le renforcement du statut des contrôleurs
salariés dans les procédures de curation de la cessation des
paiements
Le contrôleur-salarié est le représentant
du personnel dans l'entreprise en crise. Pour cette raison, il est au coeur de
la participation des salariés dans les procédures de curation.
Ces missions et prérogatives précédemment analysées
en disent long sur cette place centrale qu'il occupe. Cependant, son statut en
droit OHADA est à améliorer afin de permettre une meilleure
implication des salariés dans les crises de l'entreprise.
Primo, le régime de la désignation du
contrôleur-salarié est en souffrance. Tout d'abord, la
désignation du contrôleur salarié comme pour tous les
autres, n'est pas
190 Article 12 de l'AUPCAP.
191 Article 7 et 15 de l'AUPCAP.
192 Article 16 de l'AUPCAP.
51
systématique193. Elle dépend de la
volonté du juge-commissaire et des créanciers. Une analyse
à la lettre de l'article 48 de l'AUPCAP nous montre en effet que, le
juge commissaire décide en principe librement de la
nécessité d'instituer les contrôleurs pour la
procédure ; il n'en est obligé que si les «
créanciers représentants au moins un tiers du total des
créances » lui en font la demande. De plus, l'alinéa 2
concernant la désignation du contrôleur-salarié dit qu'elle
se fait sous « invitation » du syndic. Cette expression
déjà utilisé par le législateur
français194 montre simplement qu'il ne s'agit pas d'une
obligation195. Enfin, il semble qu'outre le cas où il est
obligé par les créanciers conformément à
l'alinéa 1 de l'article précité, le juge-commissaire en la
matière ne peut pas être sanctionné s'il refuse de
désigner un contrôleur. Deux arguments expliquent clairement cette
opinion ; l'un est lié à l'impossibilité d'exercer les
voies de recours (opposition ou appel) contre sa décision de nomination
du contrôleur196 et l'autre est lié à une
décision jurisprudentielle qui a reconnu que le juge-commissaire n'est
pas obligé de désigner un contrôleur même si une
demande lui en a été faite, lorsqu'il estime que cette
désignation ruinerait la transparence et célérité
dont jouit déjà la procédure en cours197.
Pour pallier ce problème de présence des
contrôleurs-salariés, il serait appréciable de voir la
désignation d'au moins un salarié en qualité de
contrôleur rendue obligatoire. On pourrait soumettre cette
obligatoriété à la demande préalable des
salariés (ou de leur représentant) comme c'est le cas avec les
créanciers. Car à la différence des créanciers, les
salariés sont absolument des parties internes de l'entité en
crise. Aucune brèche législative ne devrait permettre de les
écarter de la gestion quoique cette gestion soit exceptionnelle. Par
ailleurs, cette désignation permettrait d'éviter le
problème de rémunération des contrôleurs. Sur cette
question, un auteur pense que l'absence de rémunération
étant de nature à créer un manque de zèle dans les
missions des contrôleurs, « il serait souhaitable que l'on
s'appuie beaucoup plus sur les contrôleurs salariés qui sont
déjà rémunérés par leur temps de travail
»198.
Secundo, les contrôleurs salariés seraient comme
tous les autres, des géants aux pieds d'argiles : ce qui met à
mal leur participation dans la gestion de la crise. En effet, tous les
contrôleurs ont des missions et prérogatives multiples, mais
contrairement aux autres principaux organes de la procédure curative
(juge-commissaire, syndic, juridiction compétente,
193 KALIEU ELONGO (Y. R.), précité, p. 1310.
194 Article L. 621-4 du Code de commerce français.
195 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 241.
196 Article 216 de l'AUPCAP.
197 Tribunal de grande instance du Noun, ordonnance du 19
Janvier 2009, affaire Caisse nationale de prévoyance sociale (C.N.P.S)
contre Liquidation SEFN, ohadata, note de KALIEU ELONGO Yvette Rachel.
198 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 242.
52
etc.), ils sont cantonnés à l'observation,
dépourvus d'un pouvoir réel d'action ; ce qui en fait des
spectateurs plutôt que des acteurs. Ils ne peuvent prendre des
initiatives si ce n'est dénoncer les manquements du syndic. Il est alors
nécessaire que ses pouvoirs soient renforcés. L'on pourra par
exemple leurs permettre de proposer des plans de continuation du point de vu
des personnes dont ils représentent les intérêts : le
contrôleur salarié présentant des plans vus des
salariés. Ces plans pourront envisager la reprise de l'entreprise par
les salariés, impliquant alors ces derniers dans une participation
financière.
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
53
En définitive, la participation des salariés
dans la gestion des difficultés de l'entreprise en droit OHADA est
très faible. Le législateur, conscient de l'importance de ces
derniers dans l'entreprise a voulu les intégrer dans cette gestion.
Mais, l'analyse de cette volonté montre qu'au lieu d'en faire des
acteurs, il en fait presque des simples spectateurs. En effet, en amont, le
législateur ne les a pas dotés de moyens de préventions ou
de détections des difficultés tels que le droit aux informations
ou aux mécanismes de contrôle de la gestion. En aval, quand
viennent les difficultés économiques, il ne les implique pas dans
la résolution des difficultés mineures ; ce qui n'est pas louable
surtout concernant le règlement préventif. Il
préfère que ces travailleurs participent lorsque vient la
cessation des paiements. Mais là encore, s'il leurs permet de
façon salutaire de déclencher les procédures de
redressement et de liquidation judiciaire, il limite malheureusement leur marge
d'action dans le déroulement de ces procédures en cantonnant leur
représentant, le contrôleur salarié dont la
désignation est déjà facultative, à un simple
rôle d'observateur des actions du syndic. Il serait donc
préférable que les salariés soient davantage
impliqués dans la gestion des difficultés économiques de
l'entreprise dans le sens des propositions formulées.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
54
Au fil des réformes législatives, on peut croire
que le droit OHADA des entreprises améliore la participation politique
des salariés dans le fonctionnement des sociétés
commerciales. Mais, l'analyse minutieuse de ces dispositifs nous montre que
cette participation est très insuffisante pour dynamiser davantage la
gouvernance de ces sociétés.
Dans le fonctionnement ordinaire de la société,
la consécration du cumul de mandat semble être un exploit vu
qu'elle permet aux salariés d'être représentés dans
les organes de gestion de la société. Mais cela n'est
réellement pas le cas car, le caractère facultatif que le
législateur y attache ne favorise pas les choses. De plus, la
représentation officielle des salariés dans les
sociétés OHADA souffre de l'absence d'un organe collégial
de représentation tel que le comité d'entreprise dont le droit
comparé nous enseigne les vertus.
Dans la gestion des difficultés économiques de
la société, les salariés sont mis à l'écart.
Ils ne peuvent agir que lorsque survient la cessation des paiements. Il est
pourtant nécessaire de renforcer leur rôle à ce niveau en
les intégrant dans la prévention des difficultés car du
fait de leur position centrale dans le quotidien de l'entreprise, ils sont plus
aptes que les traditionnels acteurs de la prévention à
protéger la société de la survenance de ces
difficultés. En plus, quand viennent ces difficultés, il faudra
reconfigurer la participation des salariés dans leurs traitements.
Cependant, on peut aisément penser que les
salariés ne manifesteront une curiosité plus grande à
participer réellement à la vie de l'entreprise que s'ils
étaient impliqués financièrement.
SECONDE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT LIMITÉ
DE LA PARTICIPATION FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LA
SOCIÉTÉ COMMERCIALE
55
56
L'autre versant de la participation des salariés dans
les sociétés a un aspect financier mais conduit au même
objectif que la participation politique : il s'agit de la participation
financière. Tandis que la participation non financière permet au
salarié d'acquérir un pouvoir de dirigeant, la participation
financière lui permet d'acquérir un pouvoir d'actionnaire. C'est
ainsi que les droits attachés aux techniques de cette participation sont
proches de ceux des actionnaires.
Elle permet d'associer étroitement les salariés
à la performance et au développement de
l'entreprise199. À travers elle, ces derniers se trouvent
impliqués sur les résultats et sur le capital de l'entreprise.
S'agissant de la participation aux résultats, elle est une association
des travailleurs aux fruits de l'expansion de l'entreprise. Elle permet de
leurs attribuer, une fraction des bénéfices
réalisés par la société et ceci dans le but de les
stimuler davantage au travail200. S'agissant de la participation au
capital, elle vise en général, à faire entrer le
salarié dans le capital social. Il s'agit dans ce sens, de
l'actionnariat salarié.
La participation financière est également une
nouvelle politique de rémunération, un moyen
différé, et flexible de rémunération. Dans la
réalité, très souvent, elle tend à
récompenser en sus du salaire, la fidélité ou la
performance du travailleur. C'est justement ce qui justifie son
caractère essentiellement facultatif dans le droit OHADA. En effet,
l'AUSC dans toutes ses versions, n'a jamais vu la participation
financière des salariés que sous l'angle de la participation au
capital. Son comportement montre bien qu'il hésite à accorder aux
salariés un pouvoir d'actionnaire. Dans cette logique, il s'est
limité à la technique d'actionnariat salarié qui permet
d'attribuer gratuitement les actions aux salariés de l'entreprise
(CHAPITRE 1), négligeant ainsi plusieurs formules de la
participation financière et dénuant son action de mesures
incitatives (CHAPITRE 2).
199 AUBERT (N.), HERNANDEZ (S.), HOLLAND (X.), « De la
participation des salariés à l'épargne salariale : analyse
lexicale des débats parlementaires », 5 mars 2017, p. x
(résumé), [en ligne sur]
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01401959,
(consulté le 20 janvier 2020 à 13h).
200En France, la participation aux
bénéfices se fait à travers un régime facultatif,
laissé au bon vouloir de
l'entreprise qu'est l'intéressement et un
régime obligatoire pour des entreprises remplissant certaines conditions
appelé participation proprement dite contrairement au
Royaume-Uni et aux Etats-Unis où elle est complètement
facultative.
CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION TIMIDE DE
L'ACTIONNARIAT
SALARIÉ
|
57
Le meilleur moyen d'établir des relations de travail
satisfaisantes et de supprimer l'antagonisme entre employeurs et
salariés est de rapprocher ces derniers des propriétaires des
entreprises dans lesquelles ils exercent leur activité,
c'est-à-dire leur en distribuer le capital201 : c'est
l'actionnariat salarié. C'est l'ensemble des techniques qui permettent
de faire entrer les salariés dans le capital social. En clair, on
insère ces derniers dans le capital social par des moyens plus
avantageux qu'un actionnaire ordinaire. Ses actions sont ainsi parfois
qualifiées d'actions de performance, car elles permettent directement de
stimuler les efforts du travailleur, de lui donner une raison de croire que son
travail lui est directement profitable.
L'actionnariat salarié permet également
d'intéresser à long terme les salariés et de les
fidéliser à l'entreprise car les fruits d'une participation ne
sont perçus qu'à long terme à la différence des
primes annuelles ou mensuelles. D'ailleurs, la majorité d'études
réalisées sur l'impact de l'actionnariat salarié sur la
performance, montrent que les sociétés dans lesquelles le capital
social est détenu entièrement ou partiellement par les
salariés sont les plus performantes202. L'on soutient que
l'actionnariat salarié influence positivement la productivité des
salariés203.
L'actionnariat salarié se fait à travers
différentes formules notamment, les plans d'épargnes
d'entreprises, les options de souscription ou d'achat d'actions de
l'entreprise, le rachat de l'entreprise par ses salariés et
l'attribution gratuite d'actions aux salariés204. C'est
exclusivement cette dernière formule qui a été
envisagée par le législateur OHADA. L'on note à cet effet,
une timidité dans son comportement vu qu'il semble l'admettre
difficilement. En effet, dans l'AUSC de 1998, ce n'est que de manière
vague qu'il admettait le concept sans véritable régime juridique.
À l'occasion de la réforme de 2014, il va consacrer à
l'AGA un véritable régime juridique bien que toujours laconique.
Ainsi, une fois que les salariés
201 COUTURIER (G.), op. cit., p. 287.
202NGONGANG (D.), « actionnariat
salarié comme levier de création de valeur ajoutée et de
productivité dans les entreprises Camerounaises », La Revue
Gestion et Organisation, 2013, pp. 3-4; LECOURT (B.), « The promotion
of employee Ownership and Participation, Commission européenne »,
Rév. Sociétés, 2015, p. 139.
203 GARFATTA (R.), Actionnariat salarié et
création de valeur dans le cadre d'une gouvernance actionnariale et
partenariale: Application au contexte français, Thèse de
Doctorat, IAE, Université de Bourgogne, 2010, [en ligne sur]
http://tel.archivesouvertes.fr/docs/00/59/28/PDF/these_A_GARFATTA;
NGONGANG, précité, p. 3.
204 COUTURIER (G.), op. cit., pp. 289-291 ; MERLE (P.),
op. cit., pp. 679-693.
58
remplissent certaines conditions, des actions gratuites
peuvent leurs être attribuées (section1), ce qui
produira des effets positifs sur leur participation
(section2).
SECTION I : L'ATTRIBUTION GRATUITE DES ACTIONS AUX
SALARIÉS
Pour distribuer des actions nouvelles ou anciennes à
ses salariés, la société doit posséder pour son
compte ses propres actions. Or, en droit OHADA, une société ne
peut pas souscrire ou acheter elle-même ses propres actions que ce soit
directement ou par personne interposée205.
La souscription d'action est l'engagement pris en vue
d'acheter des actions à émettre206 alors que l'achat
d'action est l'acte par lequel une personne acquiert la propriété
des actions déjà existantes dans une société.
L'interdiction faite à la société de réaliser ces
actes se justifie par la nécessité de protéger la
réalité du capital social207. Des dérogations
au principe sont néanmoins admises et sont relatives à la
réduction ou à l'augmentation du capital. Ces opérations
peuvent s'avérer nécessaires pour une gestion financière
de la société, mais également pour une insertion du
personnel au capital de l'entreprise. Ainsi, dans le cadre de la promotion de
l'actionnariat salarié, l'article 640 de l'AUSC dispose que les
sociétés d'actions peuvent souscrire des actions ou acheter leurs
propres actions en vue de les attribuer gratuitement à son personnel.
Ceci permet aux salariés en principe et aux mandataires sociaux
accessoirement d'obtenir des actions gratuitement de la part de leur
entreprise. Dans ce dernier cas, des conditions préalables doivent
être observées (paragraphe 1) et les salariés devront
remplir certaines conditions (paragraphe 2).
205 Article 639 alinéa 1 de l'AUSC ; voir MORTIER (R.),
Le rachat par la société de ses droits sociaux, Dalloz,
coll. Nouvelle bibliothèque de thèse, 2003.
206 C'est très souvent le cas lors de la constitution ou
de l'augmentation du capital social.
207 En France, l'interdiction a été levée
depuis par la loi n° 98-546 du 02 juillet 1998, elle est devenue le
principe général de l'autorisation du rachat ; ceci pour
s'arrimer à la tendance qui prévalait déjà depuis
chez ses voisins anglo-saxons. Immédiatement après, le
succès de la réforme était au rendez-vous comme l'atteste
le rapport du BULLETIN DE LA COMMISSION BANCAIRE (française), n° 22
- AVRIL 2000.
59
PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS GÉNÉRALES
PRÉALABLES À
L'ATTRIBUTION DES ACTIONS
L'attribution gratuite des actions ne peut être faite
que selon la volonté des actionnaires. Ainsi, seuls ces derniers
réunis en assemblée générale extraordinaire peuvent
l'autoriser (A) et les actions à distribuer doivent remplir certaines
conditions (B).
A - Les pouvoirs des organes donateurs
Comme toutes les décisions affectant le capital ou le
statut des actionnaires de la société d'actions, l'attribution
gratuite d'actions aux salariés est une faculté qui dépend
de la volonté des actionnaires. Il ne s'agit pas d'un acte de gestion
ordinaire à portée de main des dirigeants. Si ces derniers
ressentent le besoin de motiver le personnel à travers un « plan
d'actionnariat », ils devraient en informer le conseil d'administration
qui demande l'autorisation de distribuer aux actionnaires. Les
compétences sont donc bien partagées dans ce mécanisme.
En effet, d'après l'article 626-1, sous peine de
nullité, l'attribution gratuite des actions au personnel ne peut se
faire qu'en vertu de l'autorisation de l'assemblée
générale « extraordinaire », sur rapport du conseil
d'administration ou de l'administrateur générale (s'il y'a pas de
conseil d'administration), et sur rapport spécial du ou des CAC qui
donnent leur avis sur le projet. L'on suppose que dans la SAS, s'il n'a pas
été désigné de CAC, il devra être
désigné un à cet effet208. L'importance des
rapports est telle que le législateur frappe de nullité les
délibérations prises à défaut. Dans cet esprit, on
doit comprendre à l'évidence que le rapport des organes de
gestions doit contenir les motifs de l'opération
(généralement tournées vers l'intérêt social
que vers le bien être des salariés), des arguments convaincants
à la hauteur des sacrifices que doivent consentir les actionnaires.
L'autorisation de l'AGE vaut également autorisation à
procéder à la souscription ou au rachat de ses propres actions
par la société.
L'AGE fixe dans son autorisation, le maximum d'actions
à distribuer, qui ne peut être supérieur à 10% du
capital social à la date de distribution. Cette limitation du capital
à rétrocéder est due aux soucis de protéger les
actionnaires en place contre une immixtion
208 En France c'est le cas tel que prévu par l'article
L. 225-197-1 du C.ce. L'on fait ce parallèle parce qu'il faut absolument
que l'assemblée générale soit informée par un
rapport d'un commissaire aux comptes. L'article 6261 de l'AUSC fait d'ailleurs
du défaut de rapport, une cause de nullité de l'autorisation. Or
si l'on n'en désigne pas un spécialement pour cette cause, il
reviendra au président de la SAS d'établir ce rapport en sus de
celui qu'il établira en tant que conseil d'administration : ce qui ne
peut pas être admis.
60
outrée des salariés dans le capital. Bref, c'est
une prévention du risque de dilution des actionnaires en place. En
France, ce taux peut être étendu à 30% si le
mécanisme bénéficie à tous les
salariés209. L'autorisation doit en outre contenir la
durée de validation de l'autorisation qui ne peut excéder 36 mois
ainsi que les durées des périodes d'acquisition et de
conservation telles qu'étudiées ci-après.
La justification probable des pouvoirs de l'AGE en
matière d'AGA est que le dispositif touche au capital de l'entreprise.
De plus, ce sont les actionnaires qui financent les actions souscrites ou
acheté car les réserves qui servent à libérer
lesdites actions appartiennent en principe aux actionnaires ; les droits
préférentiels que ces derniers doivent abandonnés en cas
de souscription en disent long.
Après avoir reçu le permis des
propriétaires du capital, l'organe exécutif à savoir, le
conseil d'administration, ou l'administrateur général ou encore
le président de la SAS selon le cas, établit un plan
d'attribution gratuite d'actions aux salariés afin de procéder
à la distribution. Ainsi, ce dernier fixe les conditions dans lesquelles
le processus se déroulera et le profil des bénéficiaires.
Pendant la durée de validité de l'autorisation telle que
fixée par l'AGE, l'organe exécutif devra souscrire ou acheter une
fois ou à plusieurs reprises les actions puis les distribuer. À
chaque assemblée générale ordinaire210, il
devra faire un rapport spécial à destination des actionnaires sur
l'ensemble des opérations réalisées dans le cadre de cette
attribution gratuite : c'est « l'information a postériori »
des actionnaires211. Il devra en outre s'assurer que les actions
à attribuer remplissent plusieurs conditions.
B - Les conditions relatives aux actions
concernées
Les actions à distribuer gratuitement par l'entreprise
peuvent être nouvelles et dites à émettre (lorsqu'elles ont
été souscrites212) ou déjà existantes
(lorsqu'elles ont été achetées213).
209 Art. L. 225-197-1 du C.ce.
210 À l'évidence il s'agit de l'assemblée
générale annuelle statuant sur l'approbation des comptes.
211 PRIEUR (J.), « L'attribution d'actions gratuites : la
nouvelle donne juridique et fiscale », Option Finance, n°
Hors-série, 7 nov. 2005, p. 10.
212 La souscription suppose de prendre des actions qu'elle va
émettre ; donc des actions nouvelles. Elle concerne les cas
d'augmentation du capital. En l'absence de dispositions législatives
spéciales relatives à la procédure d'émission des
actions devant faire l'objet d'une attribution gratuite, il faut adopter le
droit commun de l'émission d'actions par la société sous
réserve des dispositions particulières de l'attribution gratuite
des actions.
213 Le rachat par l'entreprise suppose que cette
dernière achète des actions qui existent déjà.
Cependant, l'AUSC ne précise la procédure de rachat que lorsqu'il
est fait en vue d'une diminution du capital de l'entreprise : technique souvent
utilisée pour revaloriser les actions. Mais en l'absence de
précision sur la procédure de rachat en vue d'une attribution
gratuite, on pense logiquement que sous réserve des dispositions
particulières liées à l'attribution gratuite d'actions
(626 et 640), les articles 643 à 648 qui fixent les règles de
l'achat d'actions en vue de leur annulation pour une réduction du
capital à due concurrence devront être appliquées.
61
Dans tous les cas, pour être distribuées, elles
sont soumises à une triple condition relative à leur
quantité et leur qualité.
En premier lieu, le nombre total d'actions à attribuer
gratuitement ne peut excéder 10% du capital social au moment où
les dirigeants décident de procéder à la
distribution214. Également, avant la distribution, la
société ne peut souscrire ou acheter plus de 10% du total de ses
actions propres215. Que ce soit conséquemment à un
achat ou à plusieurs, la société ne doit pas
posséder directement ou indirectement plus de 10% de son capital. La
limitation du nombre d'actions à distribuer est un excellent moyen de
promouvoir l'implication des salariés sans laisser les actionnaires dans
la crainte de perdre leur propriété. La protection de ces
derniers justifie également le fait que les actions gratuites ne peuvent
profiter à un salarié disposant déjà une part
considérable du capital social216.
Par ailleurs, le seuil de 10% peut même être
ramené plus bas : c'est le cas lorsque l'achat d'actions par la
société a altéré considérablement la
consistance du capital social. En effet, l'avant dernier alinéa de
l'article 640 énonce que l'acquisition d'actions de la
société ne peut avoir pour effet d'abaisser les capitaux propres
à un montant inférieur à celui du capital augmenté
des réserves non distribuables (réserves légales et
statutaires). Autrement dit, seules les sociétés en bonne
santé financière peuvent acheter leurs propres actions.
Ensuite, les actions à distribuer aux salariés
doivent avoir été mises sous la forme nominative et
entièrement libérées lors de leurs souscriptions ou
achats. D'une part, l'exigence de la forme nominative est un moyen de faciliter
la négociabilité de ces actions. En effet, une action est dite
nominative, lorsqu'elle est représentée par un titre sur lequel
se trouve inscrit le nom de son titulaire, à la différence des
actions aux porteurs217. Ainsi lorsque la société
acquiert des actions, elle doit les mettre sous la forme nominative, afin de
les attribuer aux salariés, la transmission d'actions ne pouvant
valablement être faite que par l'inscription sur les registres de la
société du nom du nouvel acquéreur et la radiation de
celui de l'ancien218. D'autre part, les actions ainsi souscrites ou
acquises doivent être entièrement libérées ou
payées lors de la souscription ou de l'acquisition219. Ceci
suppose que la société doit verser (au notaire ou dans un fond
spécial) le montant des actions concernées. L'exigence de la
libération entière est inspirée par un besoin de rendre
les actions immédiatement
214 Article 626 alinéa 2 de l'AUSC.
215 Article 640 alinéa 2 de l'AUSC.
216 Article 626-1-2-1 de l'AUSC.
217 L'action est dite au porteur lorsqu'elle ne porte aucune
mention du nom de son titulaire.
218 ANOUKAHA (F.), CISSE (A.), DIOUF (N.), NGUEBOU-TOUKAM
(J.), POUGOUE (P.-G.) et SAMB (M.), Sociétés commerciales et
G.I.E., Bruxelles, Bruyllant, 2002, p. 460.
219 Article 640 al 3 de l'AUSC.
62
négociables par la société et lui
permettre ainsi de procéder très rapidement à la
distribution gratuite tout en évitant une acquisition fictive. Ce
versement est réalisé par un prélèvement
obligatoire à concurrence du montant des actions à attribuer, sur
la part des bénéfices distribuables d'un ou de plusieurs
exercices220.
Enfin, les actions souscrites ou achetées par la
société doivent être attribuées gratuitement comme
prévues dans un délai d'un an a compté de leur
acquisition221. Dans le cas contraire, elle se verra obligée
de les annuler car elle sera en situation d'auto détention
irrégulière222. Par ailleurs, durant ce délai,
elles ne peuvent donner droit aux dividendes223; ne donnent pas un
droit préférentiel de souscription à la
société ; sont dépourvues de droit de vote et ne peuvent
être prises en compte dans le calcul des quorums224. En
réalité, ces actions ne peuvent pas conférer à la
société la qualité d'actionnaire.
PARAGRAPHE II : LES CONDITIONS LIÉES AUX
SALARIÉS BÉNÉFICIAIRES
L'alinéa 1 de l'article 626-1 de l'AUSC donne la
possibilité à l'AGE de choisir entre l'ensemble du personnel
salarié et une catégorie de celui-ci comme devant être
attributaires d'actions gratuites225. Sous réserve du choix
de l'AGE, les distributeurs avaient naguère sous l'égide de
l'ancien AUSC, un pouvoir discrétionnaire dans la fixation des
conditions d'éligibilité des salariés. Cependant, avec la
réforme du 30 janvier 2014, le législateur a tenté
d'encadrer la liberté de ces organes exécutifs en fixant quelques
conditions bien que cela ne soit faite que de façon succincte. Les
bénéficiaires peuvent être des salariés comme des
mandataires sociaux. Mais nous envisagerons ces conditions sur l'angle des
salariés226. Elles sont liées à l'existence
d'un contrat de travail régulier entre le salarié et l'entreprise
(A) et au respect du plafond d'actions que ce dernier peut détenir
(B).
220 Art. 640-1 de l'AUSC.
221 Art. 640 al. 1.
222 Art. 649 in fine de l'AUSC.
223 Art. 640 in fine de l'AUSC.
224 Art. 542 de l'AUSC.
225 L'AUSC ne donne pas les conditions selon lesquelles l'AGE
peut effectuer son choix. Cependant, pour éviter des discriminations
dangereuses pour l'entreprise, à défaut de choisir l'ensemble du
personnel, elle peut se servir des catégories connues en droit du
travail (ouvriers, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres).
226 Art. 626-1-2 de l'AUSC.
63
A - L'existence d'un contrat de travail
L'attribution gratuite d'actions est un moyen de
récompense des salariés. Ainsi, pour être attributaire
d'actions gratuites, ces derniers devront appartenir à la
société distributrice.
Le salarié bénéficiaire d'actions
gratuites doit avoir avec la société distributrice, un contrat de
travail régulier. Certes il semble un peu superflu d'en faire une
condition dans la mesure où la qualité de salarié est la
résultante d'un contrat de travail. Mais la précision est
nécessaire pour les sociétés ayant entre elles des liens.
On se demande par exemple si le salarié d'une société
contrôlée, n'ayant pas de contrat de travail avec la
société contrôleuse peut bénéficier des
actions gratuites de la part de cette dernière.
À cet effet, l'article 626-2 de l'AUSC précise
que les sociétés qui détiennent des titres de
participation dans le capital d'une autre (au moins 10% du capital
social)227 peuvent attribuer gratuitement les actions aux
salariés de celle-ci et inversement. Il renchérit en disant que
les salariés des sociétés contrôlées peuvent
recevoir gratuitement de la part de celle qui contrôle leur employeur,
des actions qui sont admises à la négociation sur une bourse de
valeurs. Dans ce dernier cas, l'inverse n'est plus possible. Cet
élargissement des bénéficiaires démontre la
volonté du législateur d'intégrer le plus grand nombre de
salariés possible au capital des entreprises qu'ils contribuent à
développer directement ou indirectement.
Pour le législateur donc, le fait d'être une main
d'oeuvre directement ou indirectement, octroie la qualité de
bénéficiaire. Cependant tous les travailleurs peuvent-ils en
bénéficier ? La réponse est forcément ambiguë.
En réalité, tout dépend du rapport entre le nombre de
salariés et celui des actions attribuables ainsi que de la
volonté des distributeurs. Ces derniers bénéficient de
larges pouvoirs dans la distribution car le législateur ne leurs impose
pas des critères précis ; il dispose simplement qu'ils fixent les
conditions et les critères d'attributions. Rien ne les empêche
alors d'exiger du salarié bénéficiaire, une
ancienneté dans l'entreprise. En droit français, une
ancienneté de 06 mois peut être demandée aux
salariés.
La loi exige également un plafonnement du nombre
d'actions que les bénéficiaires pourront détenir dans
l'entreprise.
227 Au sens de l'art. 176 de l'AUSC.
64
B - Le plafonnement des attributions par salarié
L'article 626-1-2-1 fixe un taux maximal d'actions que peuvent
détenir les salariés attributaires d'actions gratuites dans la
société. En ce sens, il dispose qu'il ne peut pas être
attribué d'actions aux salariés et aux dirigeants sociaux
détenant chacun plus de 10% du capital social. Exceptionnellement, dans
les sociétés cotées, ce pourcentage peut être
élevé à 20%. Cela ne signifie pas que les salariés
d'une société ne peuvent avoir un taux aussi élevé
du capital, mais simplement, qu'une fois ce seuil possédé, ils
perdent le droit aux bénéfices qui résultait de leurs
statuts de salariés. En l'absence de précision, sur le
caractère directe ou indirecte de la détention, il semble qu'on
devrait élargir cette exigence aux salariés qui détiennent
indirectement c'est-à-dire, par personne interposée, le taux
limitatif.
La raison derrière cette limitation est un souci de
respect d'égalité entre les actionnaires. En effet, l'AGA menace
considérablement l'égalité des actionnaires en ce sens que
le bénéfice des actions gratuites par les salariés
étant indépendant de la qualité d'actionnaires, il s'en
suit que certains actionnaires en raison de leur qualité de
salarié, pourront considérablement grossir leur portefeuille
gratuitement au grand dam des actionnaires non-salariés qui
généralement perdent sur le coup leur droit
préférentiel de souscription.
La limitation au seuil de 10% atteste que pour le
législateur, la relation entre actionnariat salarié et
performance de l'entreprise est curvilinéaire. En effet, des
études statistiques montrent que la rentabilité financière
augmente au fur et à mesure que la part du capital détenu par les
salariés s'accroît, jusqu'à ce que cette dernière
atteigne 10 %. Au-delà de ce seuil, la rentabilité
financière a tendance à décroître et la relation
prend la forme d'un « U » inversé228. La limitation
est donc salutaire.
Les organes exécutifs chargés de l'attribution
pourront en outre se servir du critère de performance comme condition
supplémentaire afin de pallier à la difficulté de faire
bénéficier les actions à tous les salariés. Dans
cet esprit, les actions gratuites sont souvent qualifiées d'actions de
performance. Ceci aura pour effet un accroissement de la productivité
des salariés due à la motivation que leurs procure l'exigence
d'une performance. Les critères de performances devront donc être
définis préalablement. Mais ces critères ne doivent pas
avoir pour effet de créer des répartitions
inéquitables.
228 NGONGANG (D.), précité, p. 3.
65
In fine, on constate qu'après que l'assemblée
générale extraordinaire ait donné l'autorisation
d'attribuer gratuitement des actions aux salariés, l'organe
exécutif fixe les critères que devront présenter les
salariés pour en bénéficier sous réserve de quelque
uns posés par la loi. Ce n'est qu'une fois ces critères remplis
que le salarié se voit attribué gratuitement des actions ; ce qui
produit des effets précis liées à sa place dans la
société.
SECTION II : LES EFFETS DE L'ATTRIBUTION GRATUITE
D'ACTIONS AUX
SALARIÉS
L'attribution gratuite d'actions a pour principal effet, une
entrée des salariés dans le capital social. Ces derniers
deviennent des salariés actionnaires. Mais ceci se fait de
manière progressive (paragraphe1) et la qualité d'actionnaires
qu'ils obtiennent au final améliore de par les droits qui y sont
attachés, leur participation dans les sociétés (paragraphe
2).
PARAGRAPHE I : L'ENTRÉE PROGRESSIVE DU
SALARIÉ DANS LE CAPITAL DE LA SOCIÉTÉ
Le régime de l'attribution gratuite organise une
entrée en possession graduelle des actions pour les
salariés229. Ainsi, l'attributaire des actions gratuites
n'acquiert la propriété qu'après une période dite
d'acquisition (A), puis est soumis pendant une nouvelle période dite de
conservation à l'obligation de ne pas les céder (B).
A - Un actionnaire en devenir pendant la période
d'acquisition
L'attribution gratuite d'actions aux salariés n'est
définitivement réalisée qu'au terme d'une période
d'acquisition dont la durée minimale qui ne peut être
inférieure à 2 ans est fixée par l'assemblée
générale230. La période d'acquisition est ce
laps de temps à l'écoulement duquel, le titulaire d'un droit
d'attribution d'actions obtient la propriété effective de ces
actions. Cette durée court à partir de la date d'attribution
fixée par les organes exécutifs et s'éteint au jour
fixé par l'AGE. Ceci suppose que pendant cette période, les
salariés qui ont bénéficié des actions gratuites ne
détiennent qu'un droit d'attribution et non des actions.
229 ISSA SAYEGH (J.), POUGOUÉ (P-G.), SAWADOGO (F. M.)
(sous la coordination), OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, Juriscope, mai 2018, commentaire de
l'article 626-1 de l'AUSCGIE, p. 600.
230 Article 626-1 al.5 de l'AUSC.
66
L'attribution gratuite d'actions est dite à terme (et
conditionnelle si elle est assortie des conditions de performance par exemple)
car la propriété de ces actions n'est transférée au
salarié qu'après l'écoulement de la période
d'acquisition pendant laquelle il doit demeurer sous contrat avec la
société. Durant cette période, il n'est titulaire que d'un
droit de créance personnelle et incessible sur la société.
Cette situation emporte des conséquences juridiques pour les deux
parties.
D'une part, s'agissant du salarié, pendant la
période d'acquisition, il ne détient qu'un droit de
créance qui a la particularité d'être
incessible231. Il n'a donc pas encore la qualité
d'actionnaires et ne peut revendiquer aucun droit y découlant. Il
n'aspire qu'à l'être en vertu de son droit d'attribution. Cela
suppose également que si le salarié cesse, pour une raison ou une
autre, d'appartenir à la société avant le terme de la
période d'acquisition, son droit tombe.
Cependant, trois situations doivent être
observées à ce niveau. D'abord, en cas de licenciement abusif, il
est évident que l'employeur soit contraint à dédommager le
droit d'attribution perdu par le salarié232. Ensuite, en cas
d'invalidité du bénéficiaire se trouvant dans
l'incapacité d'exercer une profession quelconque, l'alinéa 5 de
l'article 626-1 donne la possibilité à l'AGE de prévoir
l'attribution définitive des actions avant le terme à son profit.
Dans ce dernier cas, le législateur semble dire que la décision
de l'assemblée est antérieure à l'invalidité.
Toutefois, logiquement, on devrait aussi entendre cette disposition
parallèlement comme donnant compétence à
l'assemblée de lever la période d'acquisition après la
survenance de l'invalidité. Enfin, en cas de décès du
bénéficiaire, ses héritiers peuvent demander l'attribution
définitive des actions dans un délai de six mois à compter
du décès. Ces actions sont librement cessibles dans ce dernier
cas233. Dit autrement, les héritiers ne sont plus
obligés de respecter la période de conservation234.
D'autre part, l'employeur qui attribue gratuitement des
actions au salarié est à l'égard de ce dernier,
débiteur d'une promesse unilatérale de donation pendant la
période d'acquisition. Il conserve les actions qui sont encore inscrits
dans un compte spécial de réserves comme le veut l'article 640-1
alinéa 2.
Le but de la période d'acquisition est de
fidéliser le salarié à l'entreprise et accroitre sa
productivité. En réalité, l'on veut le contraindre
à rester dans l'entreprise. C'est ainsi que seul
231 Article 626-3 de l'AUSC : « Les droits
résultants de l'attribution gratuite d'actions sont incessibles jusqu'au
terme d'une période d'acquisition ».
232LE NABASQUE (H.), note sous jurisprudence, Cour
de cassation, chambre commerciale, 15 janv. 2002, Bull. Joly 2002,
p.633. Cette jurisprudence a été prononcée concernant les
stock-options, mais elle peut bien être appliquée aux attributions
gratuites d'actions.
233 Art. 626-3 al.2 de l'AUSC.
234 FOY (R.), précité, p. 18.
67
le terme de la période d'acquisition, opère
l'attribution définitive des actions aux bénéficiaires
à travers le transfert de la propriété235 : le
salarié devient propriétaire à part entière des
actions, qui sont inscrits en compte à son profit (avec toutes les
formalités nécessaires). Mais ce dernier n'est pas associé
au même titre que les actionnaires ordinaires. Pour obtenir sa
fidélité, on lui interdit de céder les actions
reçues généreusement.
B - Un actionnaire asservi par l'obligation de
conservation pendant la période obligatoire de conservation
Le salarié qui reçoit définitivement les
actions gratuites après le terme de la période d'acquisition,
doit obligatoirement les conserver dans son patrimoine pendant un certain
temps. La période obligatoire de conservation dans ce sens est le laps
de temps avant l'écoulement duquel, les actions reçues
gratuitement ne peuvent pas être cessibles. Autrement dit, le titulaire
n'exerce la plénitude de ses droits d'actionnaire et spécialement
sa liberté d'en disposer qu'après l'écoulement du temps
préfixé. Pendant cette période, il ne peut pas les
céder236 sous quelques formes que ce soit mais
bénéficie des autres droits d'actionnaires.
La fixation de la durée de l'obligation de conservation
qui ne peut être inférieure à 2 ans est l'apanage de l'AGE
qui la fait à travers son autorisation d'attribution gratuite des
actions237. Elle commence à courir quand les actions ont
été définitivement attribuées au salarié,
c'est-à-dire à compter de l'échéance de la
période d'acquisition. Durant toute cette période, le
salarié est obligé de demeurer actionnaire de l'entreprise : ses
actions sont légalement inaliénables238. Et c'est tout
l'intérêt de ce dispositif que de contraindre le salarié
à demeurer dans l'entreprise afin que par l'effet stimulateur que lui
ont procuré les actions
235 Les bénéficiaires reçoivent l'action
dans leurs patrimoines à la valeur qu'elles ont au terme de la
période d'acquisition. Ceci suppose que dans les sociétés
cotées, ils reçoivent définitivement l'action gratuite
à son cours du marché.
236 Le bénéficiaire peut-il louer ses actions ?
Peut-il les nantir ? Le cas de la location est très particulier. La
vérité est que la location n'est pas interdite en droit OHADA et
même d'après le code de commerce Français. La location
n'étant en rien un acte de disposition. Mais il s'agit d'un acte
susceptible de nuire à la fidélité (recherchée) du
bénéficiaire. En France, une note de l'administration fiscale
l'interdit (instruction n° 5F-17-06 du 10 nov. 2006), bien que ce ne soit
certainement pas dans le but d'assurer la fidélité du
bénéficiaire. Quant à savoir si les actions ainsi que les
droits d'associés qui en découlent peuvent être nanties
pendant la période de conservation, aucun acte uniforme n'interdit pas
cela. Cependant, logiquement le nantissement ne pourra pas se réaliser
avant la fin de la période de conservation.
237 Art. 626-1 al.6 de l'AUSC.
238 MERLE (P.), op.cit., p. 397.
68
reçues, il puisse avoir la hargne du travail. La
gratuité a donc un prix : la fidélité du
bénéficiaire239.
Exceptionnellement, dans bien des cas, l'obligation de
conservation peut être levée avant même la fin de la
durée fixée. Premièrement, lorsque l'AGE a fixée
pour la période d'acquisition une durée supérieure ou
égale à 4 ans, elle peut décider de l'inopportunité
de la période de conservation et ne pas la prévoir ou
prévoir une durée inférieure aux deux ans
requis240. Ensuite, toutes les actions sont librement cessibles en
cas d'invalidité des bénéficiaires se trouvant d'exercer
une profession quelconque. In fine en cas décès, l'AUSC ne
précise pas la conduite à tenir. Mais ayant prévu qu'en
cas de décès survenir pendant la période d'acquisition,
les héritiers bénéficient des actions s'ils en font la
demande dans le délai de 06 mois à compter du décès
et que ces actions seront librement cessibles, il est évident qu'on
devrait appliquer la même règle au cas du décès
survenu pendant la période de conservation241. De plus, la
précédente disposition démontre à suffisance que
seule la cession entre vifs est interdite.
La fin de la période obligatoire de conservation marque
alors en principe la levée de l'indisponibilité légale.
Toutefois, afin d'éviter les délits d'initiés dans les
sociétés cotées, l'article 626-1-1 de l'AUSC
prévoit que les actions gratuitement attribuées ne peuvent
être cédées à l'issue de la période
d'obligation de conservation dans le délai de 10 séances de
bourses précédant et suivant la date à laquelle les
comptes consolidés ou à défaut les comptes annuels sont
rendus publics ; dans le délai compris entre la date à laquelle
les organes sociaux de la société ont connaissance d'une
information qui, si elle était rendue publique pourrait avoir une
incidence significative sur la valeur boursière des titres et la date
postérieure de 10 séances de bourse à celle où
cette information est rendue publique.
Une fois l'indisponibilité légale levée,
le salarié bénéficiaire de l'AGA devient un actionnaire de
l'entreprise, ce qui est susceptible d'accroitre fortement sa participation
dans le fonctionnement de celle-ci.
239 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des
sociétés, 23e éd., Litec LexisNexis,
Paris, 2010, n°803, p. 421.
240 Art. 626-1 al.7 de l'AUSC.
241 Art.626-3 al.2 de l'AUSC.
69
PARAGRAPHE II : LES SALARIÉS DÉFINITIVEMENT
ACTIONNAIRES : ACCROISSEMENT DE LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE
FONCTIONNEMENT DE L'ENTREPRISE
« La détention, par le personnel d'une
société d'une fraction du capital, confère aux
travailleurs le pouvoir de contrôler, dans la mesure des droits des
actionnaires, la marche de cette société et l'on ne peut exclure
que de cette situation procèdent des rapports nouveaux au sein de
l'entreprise »242. En effet, le salarié
bénéficiaire d'actions gratuites devient actionnaire comme tous
les autres et profite de ce fait de tous les droits d'actionnaires. Il s'agit
des droits politiques ou extra pécuniaires qui lui permettent de
participer à sa gestion (A) et les droits financiers qui lui permettent
de participer aux bénéfices (B).
A - Les droits politiques renforçant l'implication
des salariés à la gestion de
l'entreprise
Le salarié attributaire d'actions gratuites est devenu
un salarié actionnaire. De ce fait, comme tous les actionnaires, il peut
revendiquer des droits politiques ou extrapécuniaires qui
découlent du droit commun des actionnaires. Les droits
extrapécuniaires sont des droits personnels à l'actionnaire et
qui lui permettent d'exercer une influence sur la gestion de la
société243. Ils permettent aux actionnaires de prendre
ensemble des décisions sur la direction que devra prendre le projet
social qui les unis. C'est dans ce sens qu'on dit qu'ils découlent de
l'affectio societatis244. Ils lui permettent
également de contrôler la gestion de l'entreprise à travers
les informations dont il est destinataire.
Les prérogatives politiques sont au nombre de deux.
D'une part, le droit de participer aux décisions collectives.
D'après l'article 125 de l'AUSC, tout [actionnaire] a le droit de
participer aux votes des décisions collectives. Cela implique pour ce
dernier, qu'il a le droit de participer à toutes les assemblées
d'actionnaires. D'ailleurs, l'article 891-3 prévoit des sanctions
pénales pour toute personne qui, sciemment, empêche un actionnaire
ou un associé de participer à une assemblée
générale. Cela implique également qu'il a le droit de
voter avec voix délibérative lors de toutes ces
assemblées. À travers cette première prérogative,
on voit clairement que le salarié devenu actionnaire peut participer
à la prise des décisions qui
242 CATALA (N.), L'entreprise, Dalloz, Paris, 1980, p.
1217.
243 ANOUKAHA (F.), CISSE (A.), DIOUF (N.), NGUEBOU-TOUKAM
(J.), POUGOUE (P.-G.) et SAMB (M.), op. cit., pp. 74-75.
244 Idem.
70
concernent la vie de l'entreprise. Il devient actif dans
l'élaboration et le choix des décisions. La participation des
travailleurs à la gestion se trouve ainsi renforcée.
Le droit à l'information est l'autre part des droits
politiques de l'actionnaire. Il suppose principalement que l'actionnaire ait en
permanence à sa disposition, des informations écrites sur la
situation de l'entreprise et secondairement, qu'il puisse obtenir d'autres
à l'occasion de certains évènements (avant
l'assemblée générale par exemple). Toutes ces informations
lui permettent de mieux exprimer son avis sur les affaires de l'entreprise,
elles renforcent ses capacités à intervenir dans les
stratégies de l'entreprise. La participation des travailleurs une fois
de plus se trouve renforcée.
Par le sentiment d'égalité qu'ils créent
entre les actionnaires, les droits politiques permettront aux salariés
actionnaires de se sentir davantage impliqués dans la
société. Ces derniers serviront de navette entre la vie pratique
réelle de l'entreprise incarnée par le salarié lambda, et
le cénacle décisionnel des actionnaires souvent
déconnectés de cette réalité. L'effet positif
direct sera le réalisme des décisions issues de
l'assemblée.
En effet, l'assemblée d'actionnaires, organe le plus
influant dans la gestion de l'entreprise, est souvent amenée à
prendre des décisions sans tenir compte de l'intérêt des
salariés et très souvent, elles impactent négativement sur
son statut dans l'entreprise. Il en va ainsi des décisions de
restructuration proactive telle que l'arrêt d'une branche de la
production devenue moins rentable. C'est pourquoi dans le raisonnement de la
gouvernance salariale, l'on propose aussi d'impliquer les salariés dans
l'assemblée générale, ne serait-ce qu'avec voix
consultative, ce qui n'emporte pas la conviction de tous. Le droit OHADA
déjà très réticent à l'implication des
salariés n'a expressément rien prévu pour leur
participation dans l'assemblée générale à la
différence du législateur français par exemple.
Cependant, on peut implicitement, voir que par l'adoption du
mécanisme d'attribution gratuite d'actions aux salariés, le droit
OHADA les faire participer aux assemblées d'actionnaires. On peut donc
considérer les bénéficiaires de ce dispositif comme des
représentants des salariés à l'assemblée
générale.
Les droits patrimoniaux réalisent également le
même effet d'accroitre la participation des salariés dans la vie
de l'entreprise.
B - Les droits pécuniaires renforçant
l'intéressement des salariés aux bénéfices
Les actions confèrent à leurs titulaires des
droits sur les bénéfices qu'elles auraient produits et la
capacité d'exercer sur eux des prérogatives patrimoniales.
71
En premier lieu, tous les salariés actionnaires doivent
avoir une part des bénéfices réalisés par
l'entreprise. C'est la conséquence de la nature lucrative de la
société commerciale. Il s'agit de leurs droits financiers ou
pécuniaires découlant des actions qu'ils ont gracieusement
reçues. Le mécanisme de l'AGA permet donc un intéressement
du salarié aux bénéfices de l'entreprise. Ces
prérogatives financières conférées au
désormais actionnaire se subdivisent en trois types en fonction de la
nature du bénéfice.
D'abord, les actionnaires ont tous droit aux dividendes. Les
dividendes représentent la part des bénéfices
réalisés distribuables que l'assemblée
générale ordinaire, annuelle, statuant sur l'approbation des
états financiers de synthèse, décide de distribuer aux
actionnaires245. Sous réserve des privilèges
liés aux éventuelles actions de
préférences246, les dividendes sont fonctions du
nombre d'actions. Ensuite, ils ont le droit de prétendre à une
part des réserves lorsque leur indisponibilité (en ce qui
concerne les réserves légales et statutaires) sera levée.
Celles-ci constituant bien évidemment des bénéfices
écartés de la répartition dans le but de prévenir
une crise du capital social. Enfin, ils ont droit au boni de liquidation, ce
qui suppose qu'en cas de liquidation de la société, ils pourront
profiter avec les autres actionnaires, du solde entre le passif et l'actif de
la société.
En second lieu, les titulaires d'actions peuvent exercer
dessus des droits patrimoniaux. Un droit patrimonial désigne la
capacité de son titulaire à disposer librement de son bien. En
effet, c'est que l'action ayant une valeur vénale, est entrée
dans le patrimoine de son propriétaire et en l'absence d'une
interdiction légalement telle qu'une période obligatoire de
conservation, son propriétaire a le droit d'en disposer à sa
guise. Le salarié actionnaire pourra très bien céder ses
actions et réaliser une plus-value selon la situation, ou s'en servir
comme instrument de garantie247 ; il peut en outre les
négocier librement selon les règles de l'AUSC.
Tous ces droits patrimoniaux renforcent le sentiment
d'appartenance du salarié actionnaire à l'entreprise, chose qui
est évidemment de nature à accroitre sa productivité. Ils
pourront d'ailleurs s'analyser à l'égard de ce salarié
comme une forme indirecte de rémunération248.
245 Art. 142- 146 de l'AUSC ; COZIAN (M.), VIANDIER (A.),
DEBOISSY (F.), op. cit., p. 316.
246 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op.cit.,
p. 318.
247 Ibid., p. 158.
248 MUCHA (L.), La motivation du personnel et la
performance dans les entreprises, mémoire professionnel,
Université de Reims, Champagne-Ardenne, 2010, p. 91.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
72
En somme, le droit OHADA envisage la participation
financière des salariés uniquement sous l'angle de la prise de
participation au capital social. Dans ce sens, il a adopté de
manière très laconique, la technique d'actionnariat
salarié qui consiste à attribuer gratuitement des actions aux
salariés, ce qui a indiscutablement pour effet d'accroitre l'implication
de ces derniers dans le fonctionnement de la société. Cependant,
se focaliser uniquement sur l'actionnariat salarié et de surcroît
n'y envisager qu'une seule technique, c'est déjà saper le
perfectionnement de la participation des salariés, chose qui ne facilite
pas la dynamisation recherchée de la gouvernance des
sociétés commerciales OHADA. Or, l'aspect financier de la
participation des salariés est un élément majeur dans
cette recherche ; il permet d'impliquer directement et individuellement au
fonctionnement, un nombre plus important de salariés à la
différence de la participation à la gestion où la
représentation semble plus adéquate. Ainsi peut-on
dénombrer plusieurs limites à la participation financière
en droit OHADA qui rendent nécessaire son amélioration.
73
CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT SOUHAITABLE DE
LA PARTICIPATION FINANCIÈRE EN DROIT OHADA DES
SOCIÉTÉS COMMERCIALES
Il nous a été donné de constater que le
droit OHADA des sociétés commerciales n'envisage la participation
financière des salariés dans les sociétés
commerciales que sur l'angle des attributions gratuites d'actions. Cette vision
suffit-elle à dynamiser la gouvernance de ces sociétés ?
Sûrement pas ! En effet, alors que dans cet objectif l'on devrait
maximiser les techniques qui permettront une implication financière
considérable du capital humain, le droit OHADA ne se limite qu'à
une seule (section1) et n'a prévu aucune mesure fiscale
et sociale incitative (section 2). Il est nécessaire de
remédier à ces limites.
SECTION I : LA NÉCESSITÉ DE
L'ÉLARGISSEMENT DES TECHNIQUES DE PARTICIPATION
FINANCIÈRE
À l'insuffisance des techniques de participation
financière en droit OHADA des sociétés commerciales, l'on
pourrait recourir à d'autres mécanismes d'actionnariat
salarié (paragraphe 1) et envisager la possibilité de faire enfin
participer les salariés aux bénéfices sans qu'ils n'aient
besoin d'être actionnaires (paragraphe 2).
PARAGRAPHE I : LE RECOURS À D'AUTRES
MÉCANISMES D'ACTIONNARIAT
SALARIÉ
Il existe une multitude de techniques d'actionnariat
très séduisantes qui favoriseraient mieux la participation des
salariés dans la vie des sociétés commerciales OHADA. L'on
pourrait dans ce sens envisager la consécration des options de
souscription ou d'achat d'actions (A) et le rachat de l'entreprise en temps de
crise par ses salariés (B).
A - La consécration envisageable des options de
souscription ou d'achat d'actions
Le droit OHADA ne consacre pas que les sociétés
commerciales puissent octroyer à leurs travailleurs ou mandataires
sociaux des options de souscription ou d'achat d'actions. Or
74
l'option de souscription ou d'achat des actions, pratique
inspirée du modèle américain des « stock-options
plans », a pris aujourd'hui corps dans plusieurs législations
à travers le monde. Elle arrive en France par une loi du 31
décembre 1970 et occupe aujourd'hui une place importante dans le code de
commerce249. Cette évolution ne traduit-elle pas le
succès d'une formule qui pourrait aider à dynamiser la
gouvernance des entreprises OHADA et justifier que législateur s'en
inspire ?
En effet, l'option de souscription ou d'achat d'actions est
une formule d'actionnariat salarié permettant aux salariés d'une
société commerciale d'actions, de souscrire des actions à
émettre ou d'acheter des actions existantes à un prix fixé
ab initio sous certaines conditions. Clairement, c'est une promesse
unilatérale que la société fait à certains de ses
salariés de leurs vendre ou de les laisser souscrire un certain nombre
déterminé d'actions pendant une durée précise
à un prix définitivement fixé à
l'avance250.
À l'inspiration du droit Français, on constate
que l'option de souscription ou d'achat d'actions présente une
similarité avec l'attribution gratuite d'actions en ce qui concerne les
conditions d'ouverture. Mais le mécanisme251 dans sa
totalité tel qu'il suit s'avère différent de celui des
AGA. En effet, l'assemblée générale extraordinaire
autorise le conseil d'administration (ou l'administrateur général
selon le cas) à offrir pendant une période le droit de souscrire
ou d'acheter des actions à un prix fixé à l'avance et qui
restera le même au jour de l'exécution dudit droit. À
l'évidence, le salarié ne lèvera son option que quand la
valeur de l'action sera en hausse afin de réaliser un gain quitte
à le céder immédiatement252. Les stock-options
ne sont donc pas des cadeaux offerts par les actionnaires aux salariés
en ce sens que le bénéficiaire devra dépenser pour avoir
la propriété de l'action.
La nature onéreuse des options de souscriptions ou
d'achat d'actions est certainement un inconvénient pour le
salarié bénéficiaire, dans la mesure où il n'est
pas garanti de faire les bénéfices. La conjoncture
économique pouvant même l'obliger à abandonner son droit
d'option253. Mais dans le cadre de l'OHADA, elle pourrait
s'avérer être un avantage. À vrai dire, les actionnaires
sont moins favorables à l'AGA en raison de l'énormité du
sacrifice qu'ils doivent faire. Dans un environnement économique moins
rentable que celui de la France, les sociétés du droit OHADA
pourraient être moins réticentes à appliquer les
stock-options que l'AGA car ils ne sont pas totalement gratuits. Cette formule
permet en quelque
249 Art. L. 225-177 et suivants.
250 MERLE (P.), op. cit., p. 681.
251 Ibid., pp. 680-681; COZIAN (M.), VIANDIER (A.),
DEBOISSY (F.), op. cit., p. 344. 252Idem ;
Idem.
253 FOY (R.), précité, p. 3.
75
sorte de concilier l'approche actionnariale du droit des
sociétés avec une vision un peu partenariale. Comme toutes les
formules de l'actionnariat salarié, elle renforce l'efficacité de
la gouvernance d'entreprise et favorise la convergence des
intérêts des différentes parties prenantes254.
C'est pourquoi l'on pense qu'elle serait une solution adéquate pour
faciliter l'actionnariat salarié et de là, dynamiser la
gouvernance.
Cependant, l'adoption du mécanisme de l'option sur
actions en droit OHADA devra se faire de façon prudente. En effet, en
raison de sa réglementation fragile (à la base255),
les stock-options ont donné lieu en France à des pratiques peu
orthodoxes qui ont relancé le débat sur son efficacité et
son importance. Par exemple, en raison d'une absence d'obligation de
conservation des actions comme c'est le cas avec l'AGA, les
bénéficiaires revendaient directement les actions une fois
l'option levée afin de se faire rapidement des gains ; ce qui
détourne ce mécanisme de la finalité recherchée :
la fidélisation du salarié256. En plus, il s'est
avéré que la formule n'était utilisée que pour
associer les cadres dirigeants à la prospérité de
l'entreprise de la société que pour développer
l'actionnariat salarié257. Mais sa pertinence ne devrait pas
être remise en cause pour autant. Le législateur français
la conserve toujours et la doctrine (économique surtout)
majoritairement, s'accorde à dire que la formule des stock-options
influence positivement les performances de l'entreprise258. Elle
incite les bénéficiaires à accroitre la valeur de leurs
actions259. Elle est en outre un excellent outil de gestion des
ressources humaines, permettant, d'attirer, motiver et conserver les
salariés performants dont la fidélisation est indispensable
à la rentabilité de l'entreprise260.
L'on pourra aussi envisager le rachat d'une branche de la
société ou de sa totalité par ses propres
salariés.
254 DESBRIERES (P.), « Les actionnaires salariés
», Revue Française de Gestion, Vol. 28, n° 141, 2002,
pp. 11.
255 De nombreux textes sont depuis lors intervenus pour
régulariser cette pratique. Mais ils n'ont fait que le rendre moins
attractif.
256 FOY (R.), précité, pp. 3-4.
257 COUTURIER (G.), op. cit., p. 290 ; COZIAN (M.),
VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op. cit., p. 345.
258 IDI CHEFFOU (A.), « Les Stock-options en faveur des
dirigeants : déterminants d'octroi et impact sur la performance des
entreprises, le cas français », janvier 2007, [en ligne sur]
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00151918,
(consulté le 29 mai 2020 à 10h).
259 Théorie de l'incitation. V., JENSEN (M. C.) et
MURPHY (K.), 1990, « Performance Pay and Top Management incentives »,
Journal of Political Economy, Vol. 98(2), 1990, pp. 225-264.
260 GUILLOT-SOULEZ (C.), « Comment mesurer la performance
des plans d'options sur actions (stock-options) ? Les liens inévitables
entre le social et le financier », p. 2666.
76
B - La consécration envisageable de la reprise de
l'entreprise par ses salariés
Dans l'optique de développer la participation
financière des salariés, l'on peut également envisager que
ces derniers rachètent la société qui les emploie
lorsqu'une menace pèse sur sa survie. Cette reprise de l'entreprise
(RES) peut être totale ou dans le cadre des groupes de
sociétés, ne concerner qu'une branche des activités.
Apparue aux États-Unis dans les années 1970,
puis en Grande Bretagne sous le nom de leverage management buy out
(LMBO)261, la reprise de l'entreprise par ses salariés a
inspirée de nombreuses législations. La France l'a adopté
à travers la loi du 09 juillet 1984 relative au développement de
l'initiative économique. Le droit OHADA des sociétés
commerciales n'a jamais consacré cette mesure. Pourtant, plus proche de
lui, le législateur camerounais l'a fait depuis 1990. Ce dernier, permet
aux salariés des sociétés en cours de privatisation
d'acquérir le capital social. En effet, l'article 16 du décret
n°90/1257 du 30 août 1990 portant application de l'ordonnance
n°90/004 du 22 juin 1990 sur la privatisation des entreprises publiques et
parapubliques dispose qu': « Il peut être dérogé,
conformément aux dispositions de l'article 4 de l'ordonnance
n°90/004 du 22 juin 1990 au principe de l'appel à la concurrence
prévu à l'article 11 ci-dessus afin de favoriser : (...)- la
participation des salariés au capital de l'entreprise, voir même
sa reprise totale par ceux-ci ». Il est donc curieux de voir que le
législateur OHADA n'a pas insérer un tel mécanisme dans
ses dispositions.
Le choix du législateur, pourrait-il être
justifié par l'approche actionnariale qui le caractérise ? En
réalité, il est possible que l'idée d'un rachat de
l'entreprise effraie les actionnaires. Cette formule réalise en effet
une transmission de l'entreprise des mains des propriétaires
(supposés) aux salariés. La mesure pourrait être mal vue
des investisseurs étrangers et rendre le droit OHADA moins attractif.
Mais cet argument est très fragile. À vrai dire, dans les faits,
la RES ne s'effectue qu'en temps de crise, lorsqu'une cessation des paiements
par exemple menace la survie de l'entreprise ou encore quand les
propriétaires du capital financier envisagent de mettre un terme
à l'entreprise, d'où le terme « reprise ». Alors, afin
de protéger les emplois et le tissu économique, toute source de
financement est la bienvenue. Cette formule loin d'être un handicap
à l'objectif de l'OHADA, présente même de nombreux
avantages.
261 MERLE (P.), op. cit., p. 692.
77
En effet, indiscutablement, la survie de toute entreprise
concoure au développement économique. C'est pourquoi, il faut
envisager que des tiers (au capital social) reprennent celles qui risquent la
fermeture. Dans l'intérêt de l'entreprise, il serait souhaitable
que sa continuité se fasse avec ses travailleurs qui maîtrisent
mieux son environnement. Un salarié qui a une ancienneté de 20
ans dans l'entreprise est certainement une matière grise non
négligeable pour celle-ci. Dès lors, permettre aux
salariés de reprendre l'entreprise peut redynamiser celle-ci et la
rendre mieux performante.
Dans un autre sens, les salariés étant des
parties prenantes à l'entreprise ont au même titre que les
actionnaires, un intérêt à ce qu'elle survive, seule la
nature de ces intérêts diffère. Ainsi, afin de
protéger leurs emplois, ils pourront très bien reprendre la
structure. Mais où trouveront-ils les financements pour une telle
opération ?
La question du financement de l'opération est au coeur
même du mécanisme de RES262. Laconiquement, le
mécanisme peut être le suivant. Sans risquer leurs
économies personnelles, les salariés sont aidés par des
groupes d'investisseurs externes qui rachètent la société.
Grâce à un soutient fiscal de l'État, les
bénéfices réalisés par la nouvelle
société serviront à rembourser ces dettes. Afin de se
rassurer de l'effectivité d'une reprise par les salariés
plutôt que par le groupe d'investissement, la loi impose un quota de
droit de vote que devront détenir des personnes qui à la date de
la reprise, étaient salariés de l'entreprise263.
Outre la participation au capital, l'on pourrait aussi
envisager la participation directe aux bénéfices.
PARAGRAPHE II : L'IMPORTANCE D'UNE PARTICIPATION DES
SALARIÉS AUX RÉSULTATS DE LA SOCIÉTÉ
En droit OHADA, les principaux bénéficiaires des
performances de l'entreprise sont le trésor et les actionnaires. Les
salariés ne sont pas pris en compte. Or, les actionnaires ne supportent
pas seul le risque entrepreneurial264. En investissant dans des
compétences spécifiques difficilement remplaçables
(capital humain), les salariés se trouvent dans la même situation
que celles des actionnaires (fonds propres). Tous deux sont des «
créanciers résiduels » de l'entreprise, dans la mesure
où ils supportent les risques265. Ainsi, il est dangereux de
les écarter du magot. Le danger vient de ce que cette mise à
l'écart à une
262 Idem.
263 Idem.
264 BENHAMOU (S.), précité, p. 65.
265 Idem.
78
désincitation au travail qui affaiblit les performances
de l'entreprise. C'est pourquoi, il est important d'envisager un
intéressement des salariés aux fruits de l'expansion de
l'entreprise. Et dans ce sens, le droit comparé nous propose une
participation des salariés aux bénéfices de l'entreprise
(A) et la promotion de l'épargne salariale (B).
A - La participation souhaitable des salariés aux
bénéfices de l'entreprise
La participation du salarié aux bénéfices
est le droit reconnu pour le travailleur de profiter d'une part des
bénéfices réalisés par l'entreprise dans laquelle
il offre ses services au cours d'une année. Elle consiste à
attribuer à ce dernier des primes, exclues des éléments du
salaire, en fonction de l'accroissement des performances de l'entreprise. C'est
un système d'incitation comme on l'a déjà dit, c'est
pourquoi il est essentiellement lié à la prospérité
de l'entreprise266. Mais le droit OHADA des sociétés
commerciales ne l'envisage pas ; du moins il ne le consacre pas car ne l'ayant
pas explicitement interdit, chaque société peut librement
l'organiser. Le voeu formuler à ce niveau est donc celui d'une
consécration explicite.
Influencé par l'approche actionnariale de la
gouvernance, le législateur OHADA n'a pas explicitement permis aux
salariés de profiter des performances de l'entreprise. L'avant-projet
d'acte uniforme de 2006 relatif au droit du travail ne l'envisageait non plus.
Pourtant, l'implication des salariés aux bénéfices de
l'entreprise a été solidement implantée dans d'autres
législations telle qu'en France, et continue
d'évoluer267.
À cet effet, le droit français nous offre deux
principales modalités d'implication des salariés aux
bénéfices. L'une purement facultative appelée «
l'intéressement » et l'autre obligatoire (à partir d'un
seuil de salariés dans l'entreprise) appelée la «
participation »268. Bien que leurs régimes juridiques
soient très différents, ces deux techniques de participation aux
bénéfices consistent simplement à attribuer à tous
les salariés de l'entreprise, des primes (d'intéressement et de
participation) dont les modalités, les critères de calcul et de
répartition sont fixés par des conventions collectives (accords
de participation ou d'intéressement269).
266 POUGOUÉ (P.-G.), Droit du travail et de la
prévoyance sociale au Cameroun, Presses Universitaires du Cameroun,
Paris, Tome 1, 1988, p. 247.
267 COUTURIER (G.), op. cit., pp. 277-279 ; DESPAX
(M.), « La participation des salariés aux fruits de l'expansion de
l'entreprise en France : (ordonnance du 17 août 1967 et décret du
19 décembre 1967) », Les cahiers de droit, volume 9,
n°3, 1967-68, pp. 365-390 ; MERLE (P.), op. cit., p. 674.
268 MERLE (P.), op.cit., pp. 674-679 ; la loi
française du 30 décembre 2006 relative au développement de
la participation et de l'actionnariat salarié, a créé une
troisième modalité très symbolique qu'est le «
dividende du travail ».
269 Voir, COUTURIER (G.), op. cit., p. 286.
79
Alors, s'il ne s'agit que de primes de performances, pourquoi
dire que droit OHADA en est indigent ? Certes, il n'existe pas encore de droit
OHADA du travail, mais au regard du droit du travail camerounais par exemple,
la question mérite d'être posée vu qu'il y existe,
plusieurs accessoires du salaire versés par l'employeur et apparemment
similaires aux primes de participation aux bénéfices sus
mentionnées. Pour répondre à cette question, nous allons
reprendre les mots du professeur POUGOUÉ Paul-Gérard qui disait
que la participation aux bénéfices ne se trouve pas dans le droit
positif camerounais ; « (...) des conventions collectives
prévoient plutôt des gratifications subordonnées aux
résultats positifs de l'entreprise et à la manière de
servir du travailleur (...)» et les lois prévoient
d'autres primes ayant pour cause le travail270. Pour clarifier cette
situation, il convient de comparer les primes de participations aux
bénéfices, de ces différents accessoires du salaire
reconnus par le droit positif camerounais.
D'une part, les gratifications sont des sommes d'argent
remises par l'employeur pour marquer sa satisfaction du travail accompli et
ayant contribué à la prospérité de l'entreprise, ou
plus rarement, à l'occasion d'évènements personnels de la
vie du salarié271. Il peut s'agir des primes de vacances, du
treizième mois etc. Elles sont différentes des primes
d'intéressement et de participation en deux points. Premièrement,
elles n'ont pas en principe un caractère obligatoire pour l'employeur et
s'analysent comme des donations de sa part. Secondement, elles n'ont aucun
caractère collectif dans ce sens qu'elles ne profitent pas à tous
les salariés. Or pour les primes de participations par exemple, «
tous les salariés ont, en principe, vocation à être
bénéficiaires »272.
D'autre part, les primes qui servent de compléments de
salaires à savoir principalement la prime
d'ancienneté273 et la prime de rendement se rapprochent quand
même des participations aux bénéfices. Elles
récompensent toutes, la fidélité et la productivité
du salarié que l'on veut inciter à de meilleurs résultats.
Mais outre le caractère collectif, une raison fondamentale les
différentie. En effet, alors que les primes d'ancienneté et de
rendement prévues en droit positif camerounais sont des accessoires du
salaire, des éléments directs de celui-ci, les primes de
participation ne le sont pas. Les primes d'intéressement par
270 POUGOUÉ (P-G.), op. cit., p. 247.
271 Idem.
272 COUTURIER (G.), op. cit., p. 283.
273 Article 119 de l'avant-projet d'acte uniforme relatif au
Droit du Travail du 24 novembre 2006.
80
exemple en France, « s'ajoutent » au salaire, elles
ne peuvent être substituées à aucun élément
de celui-ci274.
Cette nature particulière des primes de participation
aux bénéfices justifie largement le traitement fiscal et social
avantageux qui leurs est souvent accordé. Dans la plupart des cas, elles
sont exonérées d'impôts et des cotisations
sociales275.
Ce qui séduit sur les mécanismes de
participation aux bénéfices est sans doute la finalité des
primes. Elles sont principalement destinées à constituer un fond
d'investissement au profit des salariés pour qu'ils acquièrent
facilement des valeurs mobilières sans difficultés
financières.
Ainsi, la participation aux bénéfices concoure
inéluctable à dynamiser la gouvernance ; elle rapproche les
travailleurs de la gestion, favorise le dialogue social, améliore les
conditions des travailleurs, les incitent à la production et de
là le développement de l'entreprise est assuré. C'est
justement pourquoi en droit OHADA, un tel mécanisme est essentiel pour
le développement économique. De plus, on devrait penser à
promouvoir l'épargne salariale.
B - La promotion de l'épargne salarial
Un des moyens de développer la participation sociale
financière des salariés en droit OHADA serait de promouvoir
l'épargne salariale comme c'est le cas ailleurs. L'épargne
salariale est un système collectif de cotisation permettant aux
salariés d'investir dans des entreprises. Il ne s'agit pas des
associations intra-entreprises n'ayant pour but que de renforcer la
solidarité entre les travailleurs comme on peut le voir dans nos
entreprises africaines. Elle se réalise surtout à travers
l'établissement dans l'entreprise, des plans dits d'épargne
salariale.
Développée dès les années 1950 en
France, elle y a depuis fait l'objet de multiples lois276. La
législation française propose plusieurs plans d'épargne
salariale dont le plus ancien277 est le plan d'épargne
d'entreprise (PEE)278. C'est un système d'épargne
collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de
participer, avec l'aide de celle-ci à la constitution d'un portefeuille
de valeurs mobilières. Ce plan a permis le développement de
274 SAVATIER (J. V.), « L'interdiction de substituer un
intéressement à un élément du salaire »,
Dr. soc., 1991, p. 756.
275 MERLE (P.), op.cit., p. 677.
276 Ministère français du travail, de l'emploi et
dialogue et autres, Guide de l'épargne salariale, juillet 2014,
p. 4.
277 Créé par une ordonnance le 17 août
1967.
278 Art. L. 3332-1 à L. 3332-28 du C.trav.
81
l'épargne salariale en France. Sa promotion par le
législateur va l'emmener à créer d'autres plans en
2001279.
« L'épargne salariale recouvre un ensemble de
dispositifs dont l'objectif est d'associer les salariés aux
résultats de leur entreprise et de favoriser l'épargne collective
et le développement des investissements des entreprises
»280. Cette définition donnée par le
gouvernement français contient les éléments
déterminants de la nature participative de l'épargne
salariale.
D'abord, l'épargne salariale a pour objectif «
d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise
». En effet, c'est la raison pour laquelle elle est une technique de
participation financière. Le régime des PEE par exemple nous
laisse comprendre que les plans d'épargne sont alimentés par
trois principales sources à savoir : les primes de participations aux
bénéfices ; les versements volontaires et gratuits de l'employeur
appelés abondement ; et les versements volontaires des
salariés281. En principe, les fonds du plan sont
approvisionnés uniquement par les primes de participations aux
bénéfices, les salariés ne sont pas obligés
d'effectuer des versements.
Ensuite, l'épargne salariale permet de «
favoriser l'épargne collective ». En effet, les
dispositifs d'épargne salariale sont nécessairement collectifs et
aucun salarié ne peut en être exclu. Ce caractère collectif
a plusieurs vertus sur la gouvernance. Il favorise le dialogue social, la
solidarité entre travailleurs et harmonise leurs efforts. Il permet en
outre, une implication de tous les travailleurs aux questions
économiques de l'entreprise.
Enfin, l'épargne salariale favorise « le
développement des investissements des entreprises ». Les fonds
perçues dans le cadre du plan sont bloqués pendant une
période d'indisponibilité et consacrés à
l'acquisition de valeurs mobilières à l'intérieur de
l'entreprise ou à l'extérieur. La doctrine économiste
préconise que les acquisitions soient diversifiées,
c'est-à-dire qu'elles ne se limitent pas qu'à l'achat de valeurs
émises par l'employeur282. En effet, à la base,
l'idée était de permettre une entrée des salariés
dans le capital de leur propre entreprise lors des augmentations de capitaux ou
lors des crises financières. Mais afin de
279 La loi du 19 février 2001 sur l'épargne
salariale a créé également le plan d'épargne
interentreprises et le plan d'épargne pour retraite collective
(PERCO).
280 Ministère français du travail, de l'emploi et
dialogue et autres, op. cit., p. 4.
281 MERLE (P.), op. cit., p. 677.
282 « Les préconisations de la théorie
moderne du portefeuille disqualifient toute épargne placée au
sein de l'entreprise au motif qu'elle consisterait à se priver des
avantages de la diversification. Cette préconisation qui aurait
historiquement déplacé l'épargne des salariés de
leur entreprise vers des produits diversifiés est parfois
identifiée comme le point de départ de la financiarisation de
l'économie à partir des années 1970 », in
BEKRAR (Y.), Trois essais sur l'épargne salariale comme
dispositif d'association des salaries à la croissance et au
développement de l'entreprise, thèse, Université de
TOULON - Institut d'administration des entreprises, 15 mars 2017, p. 16.
82
sécuriser les placements contre le risque d'une perte
totale de biens pour les bénéficiaires en cas de faillite de
l'entreprise par exemple, il est plus sécurisant que les travailleurs
acquièrent des valeurs mobilières dans d'autres entreprises par
le biais des fonds commun de placement des entreprises (FCPE) ou des
sociétés d'investissements à capitaux variables
(SICAV).
Au regard de ce qui précède, l'épargne
salariale est incontestablement un vecteur de participation financière
des salariés. Elle se situe entre l'implication aux
bénéfices et l'actionnariat salarié dans la mesure
où les bénéfices des salariés leurs servent
à acheter des actions. Ainsi, elle s'avère être un
dispositif très important pour la dynamisation de la gouvernance des
sociétés que le droit OHADA gagnerait à consacrer. Le
succès d'un tel mécanisme est également dû aux
nombreuses mesures fiscales et sociales avantageuses qui ont incité les
acteurs sociaux à l'utiliser.
SECTION II : LA NÉCESSITÉ DES MESURES
FISCALES ET SOCIALES INCITATIVES
Si en France de nos jours, l'actionnariat salarié a un
écho favorable et semble plaire à tous les acteurs
sociaux283, c'est parce que le droit de la participation salariale y
bénéficie d'un régime fiscal et social qui incite tant les
actionnaires que les salariés eux même. En droit OHADA, la simple
consécration ne suffit pas. Il faudrait au-delà de rendre cette
pratique obligatoire, essayer d'emmener les acteurs sociaux à s'y
investir soient même. Au-delà de ce que l'on peut penser, il est
bien possible d'instaurer ces mesures dans l'espace communautaire (paragraphe
2) au regard de leur utilité (paragraphe 1).
PARAGRAPHE I : L'UTILITÉ DE L'INSTAURATION DES
MESURES FISCALES ET SOCIALES INCITATIVES
L'utilité de l'instauration des mesures fiscales et
sociales avantageuses s'analyse au regard du désengagement des acteurs
sociaux à l'égard de la participation financière des
salariés lorsque le régime fiscal n'a rien d'incitatif comme on
l'observe actuellement en droit OHADA (A) contrairement au droit
français (B).
283 MERLE (P.), op. cit., p. 680.
83
A - L'effet désincitatif du régime actuel :
cas du Cameroun
En l'état actuel du droit OHADA, seules les
attributions gratuites d'actions aux salariés représentent la
participation financière et il revient à chaque État
membre d'en établir le régime fiscal et social. En l'absence
d'orientation du législateur OHADA, chaque membre le fait à sa
guise. L'on note l'absence de caractère incitatif dans les
prévisions fiscales et sociales de ces États. Ces derniers ne
tiennent pas compte du but recherché par le législateur OHADA
à travers l'institution des AGA (la promotion de l'actionnariat
salarié). Il s'en suit que l'action de l'OHADA perd sa pertinence.
Le cas du Cameroun est révélateur de cette
situation. La législation n'encourage pas les employeurs à
procéder à l'attribution gratuite des actions aux
salariés.
Sur le plan fiscal, les employeurs distributeurs d'actions
gratuites et les salariés qui les reçoivent ne sont pas
fiscalement avantagés. L'employeur distribue les actions gratuitement
à ses salariés à ses risques et périls. En effet,
certes le plan comptable OHADA prévoit que les dépenses
liées à la participation des salariés sont
comptabilisées comme des charges pour la détermination du
résultat comptable284. Mais lors de la détermination
du bénéfice imposable, ces charges doivent être
réintégrées dans les produits car aucune loi fiscale
à notre connaissance n'autorise qu'elles soient
considérées comme des charges. Plus clairement, les actions
gratuitement attribuées aux salariés ne sont pas
considérées des charges déductibles au sens de l'article 7
du code général des impôts camerounais.
En outre, si l'on se fie à l'article 640-1 de l'AUSCGIE
qui dit que les actions gratuitement attribuées sont
libérées ou payées par l'employeur par
prélèvement obligatoire sur les réserves non
légales, on comprend que l'employeur paie les impôts sur ces
actions. Les réserves non légales en effet ne sont pas
déductibles de l'assiette des impôts.
Sur le plan social, la participation financière des
salariés ne bénéficie également d'aucun
régime social avantageux de nature à inciter les employeurs
à la pratiquer. En effet, l'assiette des cotisations sociales
étant le salaire, celui-ci est compris dans un sens très large.
En ce sens, le salaire est entendu comme l'ensemble des sommes dues au
travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail. Ces sommes
comprennent le salaire de base, les indemnisations, primes, gratifications et
autres avantages en nature ou en espèce. L'employeur est tenu de payer
à l'administration sociale en guise de cotisation, un
taux285
284 Classe 8 (compte des autres charges et autres produits) -
compte 87 (participation des travailleurs), Système comptable
OHADA.
285 Ce taux au Cameroun varie en fonction des régimes, du
secteur d'activité et de la teneur du risque à assurer.
84
prélevé sur l'ensemble des sommes
attribuées au salarié. Aucune loi relative à la
sécurité sociale ne prévoit que les actions gratuites
seront exclues de l'assiette. Par conséquent, s'il le fait, il ne fera
qu'accroitre l'assiette de ses cotisations. Ceci ne les encourage pas à
procéder aux AGA et les statistiques en témoignent.
La participation moyenne des salariés au capital des
entreprises est en moyenne de 2,9 % au Cameroun286. Un pourcentage
qui intervient dans un contexte marqué par l'absence de marché
financier efficace. En plus, l'actionnariat salarié au Cameroun n'est
pratiqué qu'à travers la seule méthode de reprise de
l'entreprise par ses salariés lors de la privatisation, prévue
par le législateur national287. Cette statistique,
très faible, et très raisonnable, démontre alors le
caractère désincitatif du régime fiscal et social de
l'actionnariat salarié ou plus précisément de l'AGA dans
les pays de l'OHADA à la différence d'un pays comme la France.
B - L'effet incitatif d'un régime avantageux : cas
de la France
Le droit comparé français nous enseigne qu'un
régime fiscal et social avantageux est le meilleur facteur d'incitation
des acteurs sociaux à la pratique de l'actionnariat salarié. Nous
allons nous servir uniquement du régime fiscal et social des
attributions gratuites d'actions pour le démontrer.
À l'égard de l'employeur, les régimes
fiscaux et sociaux sont très avantageux. Sur le plan des impôts,
les sociétés qui attribuent gratuitement des actions à
leurs salariés ont l'obligation d'enregistrer une provision dès
la décision d'AGA, ce qui leur permet de les comptabiliser en charges
déductibles. Concrètement, tous les frais généraux
et charges engendrées par l'entreprises à cette fin (frais de
rachat, d'augmentation de capital, de gestion des droits des attributaires, de
rémunération des intermédiaires et des diverses
formalités) sont fiscalement déductibles. Sur le plan des
cotisations sociales, l'article L. 242-1 du code de la sécurité
sociale dispose que les attributions gratuites d'actions effectuées
conformément aux dispositions du code de commerce sont exclues de
l'assiette des cotisations sociales288.
286 NGONGANG (D.), précité, p. 7.
287 Article 16 du décret n°90/1257 du 30
août 1990 portant application de l'ordonnance n°90/004 du 22 juin
1990 sur la privatisation des entreprises publiques et parapubliques. Nous
avons pu constater que (sauf erreur de notre part), les entreprises qui
pratiquent l'actionnariat salarié au Cameroun sont donc majoritairement
des entreprises privatisées telle que la SOCAPALM.
288 PRIEUR (J.), précité, p. 12.
85
À l'égard du salarié, les sommes
reçues en guise de participation (A.G.A et participation aux
bénéfices) ne sont pas assimilées aux salaires et ne sont
par conséquent soumises ni à l'impôt sur le revenu, ni aux
charges fiscales et parafiscales qui pèsent sur les salaires. Mais
à la condition que ce dernier respecte les périodes
d'indisponibilité qui peuvent y être
attachées289. Dans les faits, après l'attribution
définitive des actions gratuites, le salarié est
exonéré des cotisations sociales. Dès cette acquisition
définitive, il bénéficie d'un taux avantageux
d'imposition. Lorsqu'il décide de les céder, la plus-value (PVC)
conserve son régime, celui du droit commun et n'est imposée que
si la cession est à titre onéreux. Elle alors est imposable selon
le régime de droit commun des plus-values (au taux de 18 % depuis
2008)290.
En France, d'après la FAS (Fédération
française des associations d'actionnaires salariés et d'anciens
salariés), on estime en 2008 à environ 2,5 à 3 millions le
nombre de salariés détenteurs d'actions de leurs entreprises sur
les 6,7 millions d'actionnaires individuels (contre 1,6 million en 2003, par
exemple). Un chiffre en constante évolution. Du côté des
entreprises, au deuxième trimestre 2009, on peut recenser 153
entreprises cotées parmi les 250 plus grandes capitalisations
boursières pratiquant l'actionnariat salarié291. En
2017, plus d'une société sur trois pratique l'actionnariat
salarié. Les actionnaires salariés détiendraient plus de
3,9 % du capital de leurs sociétés292.
L'intérêt est encore plus considérable dans les grandes
entreprises. Ainsi, les salariés de Bouygues détiennent
plus de 23,31% des actions de la société et ceux d'Eiffage,
25,30%293. Toutes ces statistiques démontrent l'effet
incitatif qu'a eu un régime fiscal et social avantageux sur la
volonté des acteurs à promouvoir l'actionnariat salarié.
Elles nous poussent à rechercher comment instituer un tel dispositif
dans la législation OHADA.
PARAGRAPHE II : LA POSSIBILITÉ D'INSTAURATION
D'UN RÉGIME FISCAL ET SOCIAL INCITATIF EN DROIT OHADA
Plusieurs obstacles peuvent être avancés pour
justifier l'absence d'un régime fiscal et social incitatif en droit
OHADA (A), mais il existe biens des moyens d'y remédier (B).
289 DESPAX (M.), précité, p. 381.
290 Voir, DE FRÉMINET, « Attribution gratuite
d'actions. (Régime fiscal et social) », Rép.
Sociétés Dalloz, sept. 2008 ; MERLE (P.), op. cit.,
p. 690.
291 BENHAMOU, précité, p. 46.
292 MERLE (P.), op. cit., p. 680.
293 Idem.
86
A - Les obstacles à la mise en place d'un
régime fiscal et social incitatif en droit
OHADA
Les obstacles à l'instauration d'un régime
fiscal et social avantageux pour la participation financière des
salariés en droit OHADA sont principalement législatifs. En
effet, on note chez le législateur communautaire, une indigence en ce
qui concerne le droit social et le droit fiscal.
D'une part, l'absence de législation sociale en droit
OHADA pourrait justifier la difficulté qu'il y'a à y instaurer
des mesures de prévoyances sociales avantageuses. En effet, les
cotisations sociales sont du domaine du droit social et plus
précisément de la prévoyance sociale. Or, le droit social
et particulièrement le droit du travail, bien qu'il figure en bonne
place dans la liste nominative des domaines de l'harmonisation294,
n'a pas encore reçu une consécration. L'avant-projet du 24
novembre 2006 s'est soldé par un échec. Cependant, même en
auscultant cet avant-projet, on ne voit aucune mesure de prévoyance
sociale.
D'autre part, on note l'absence de législation fiscale
dans le ressort du droit OHADA. Certes le droit fiscal est une matière
liée à la vie des entreprises. D'ailleurs, on trouve dans
certains textes OHADA quelques dispositions qui font référence au
droit fiscal. C'est l'exemple en droit des sûretés et droit des
procédures collectives avec le privilège du trésor. Mais
toutes ces légères références ne touchent que de
manière incidente le droit fiscal. Dans un avis, la CCJA avait
même affirmé que le droit fiscal « ne fait pas partie
à ce jour des matières rentrant dans le domaine du droit des
affaires harmonisées tel que défini à l'article 2 du
Traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des affaires
»295. Ceci est sans doute lié à la
souveraineté des États qui le considère
généralement un attribut de leur souveraineté.
En plus de ces difficultés théoriques, on
pourrait ajouter les difficultés économiques qui ne permettent
pas facilement aux pays membres de l'OHADA de se séparer d'une branche
de rentabilité aussi considérable découlant des
cotisations fiscales en cause. Cependant, si l'on convient qu'il est
nécessaire de promouvoir l'actionnariat salarié, on est enclin
à rechercher les moyens d'instaurer des mesures fiscales et sociales
incitatives.
294 Art.2 du Traité OHADA.
295 Avis n°001/2001/EP du 30 avril 2001.
87
B - L'existence des moyens de formation des mesures
fiscales et sociales incitatives en
droit OHADA
Plusieurs éléments peuvent nous permettre de
garder espoir d'une future consécration d'un régime fiscal et
social en droit OHADA.
D'abord, l'on peut noter qu'il est possible d'instaurer un
droit fiscal et social OHADA dans la mesure où, il existe
déjà des essais du même genre dans d'autres
communautés. En ce sens, dans le cadre de la CEMAC, de nombreux textes
ont été adoptés touchant la fiscalité des
États membres. Sur le plan douanier, on peut citer le Code des douanes
commun aux États membres et le tarif douanier. Dans la perspective de
l'harmonisation de la législation fiscale des États membres, les
actes portant adoption des règles fiscales communes sont intervenues en
matières de TVA, d'impôt sur les sociétés, des
droits d'enregistrement, du timbre et de la curatelle. Tout ceci montre
à quel point, seule la volonté des dirigeants suffit à
communautariser le droit fiscal au niveau de l'OHADA. L'article 2 du
traité OHADA donne d'ailleurs la possibilité au conseil des
ministres d'élargir les domaines visés par le droit OHADA.
Ensuite, on peut croire que le pas est déjà
très avancé en vue de la consécration d'un droit fiscal au
regard de l'existence d'un droit comptable OHADA. Il prévoit
déjà que le compte 87 des charges comptables représentera
les dépenses liées à la participation des travailleurs.
Reste plus que le droit fiscal confirme cela comme charge fiscale.
Enfin, le législateur OHADA pourrait comme il le fait
avec d'autres domaines, effectuer simplement des recommandations aux
législations fiscales de ses États membres. Il faudra par exemple
qu'à la suite du dispositif de l'attribution gratuite, qu'il recommande
que les États membres fassent des allègements sur le plan fiscal
ou social. Cette technique peut très bien rendre le dispositif
d'actionnariat salarié plus attractif.
88
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
La participation financière des salariés au
fonctionnement des sociétés commerciales en droit OHADA souffre
de nombreuses difficultés qu'il faut résoudre. Dans ce sens, elle
est exclusivement limitée à l'attribution gratuite des actions,
qui plus est totalement facultative. Le législateur OHADA ne s'est
limité qu'à cette technique, oubliant de ce fait, d'autres
mécanismes très importants tels que les options de souscription
ou d'achat d'actions, ou encore la reprise de la société par ses
salariés lorsqu'une mécane pèse sur sa continuité.
Aussi, l'absence de mécanismes permettant aux salariés de
bénéficier directement d'une part des bénéfices
serait une bonne solution envisageable. On pense dans ce sens, à
l'intéressement des salariés aux résultats ainsi
qu'à la promotion de l'épargne salariale. En outre, il faudrait
que le dispositif actuel de l'actionnariat ou les dispositifs à venir
bénéficie absolument d'un régime fiscal et social qui
inciterait davantage les acteurs sociaux à leur utilisation.
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
89
La participation financière des salariés au
fonctionnement des sociétés commerciales en droit OHADA ne suffit
pas à dynamiser la gouvernance de ces sociétés. C'est le
triste constat que l'on peut faire à la fin de son analyse.
En effet, le législateur hésite encore à
impliquer les salariés dans le capital de leurs employeurs. Il a
timidement consacré l'actionnariat des salariés. La seule mesure
d'actionnariat salarié qu'il a envisagé est l'attribution
gratuite des actions. Cette limitation ne peut pas s'expliquer par le souci
d'attirer et de conserver les investisseurs car, l'attribution gratuite
d'actions présente d'ailleurs moins d'avantages pour ces derniers que
les autres formules telles que les options de souscriptions ou d'achats
d'actions.
De plus, le droit OHADA des sociétés
commerciales maintient toujours la tradition actionnariale selon laquelle les
salariés ne doivent pas profiter des fruits de la réussite de
l'entreprise. Dans ce sens, il n'envisage pas de les faire participer aux
bénéfices comme c'est le cas dans d'autres législations.
Or, ceci n'a rien de dangereux pour les actionnaires dans la mesure où
les bénéfices qui sont attribués aux salariés
grâce à la participation aux bénéfices, sont
récupérés doublement à travers la motivation qu'ils
procurent aux salariés ; motivation qui accroit leur productivité
et la performance de l'entreprise. Le droit des sociétés
commerciales OHADA dynamiserait davantage la gouvernance de ses entreprises
s'il envisageait toutes ces formules et établissait des moyens plus
incitatifs tels que des avantages fiscaux et sociaux pour les acteurs
concernés par la gouvernance salariale.
CONCLUSION GÉNÉRALE
90
91
L'analyse de la participation des salariés dans le
droit des sociétés commerciales, nous montre au premier abord que
l'ensemble des textes OHADA relatifs aux sociétés commerciales
tiennent compte de l'importance d'une participation plus accrue des
salariés dans le fonctionnement de ces sociétés. Le
législateur OHADA a envisagé les deux aspects de cette
participation à savoir financière et politique. Cependant,
lorsqu'on ausculte en profondeur les textes, on découvre l'ampleur du
vide, cette participation s'avère émasculée,
ôtée de certaines formules essentielles à la dynamisation
de la gouvernance. La participation telle qu'envisagée par ledit
législateur est très insuffisante pour dynamiser davantage la
gouvernance de sociétés commerciales.
En effet, le droit OHADA des sociétés
commerciales tente d'impliquer les salariés dans la gestion desdites
sociétés en consacrant principalement le cumul de mandat, ou
encore en temps de crise, en consacrant les contrôleurs-salariés.
Mais guidée par sa vision trop actionnariale, il a rendu ces formules
totalement facultatives. Il a également décider de ne pas
améliorer le cadre de la représentativité des
salariés dans l'entreprise en restant sur un modèle de
représentation aujourd'hui insuffisant qu'est le
délégué du personnel. Au plan financier, la
réticence du législateur est encore plus flagrante. Il a
conçu un cadre de participation au capital totalement facultatif et
axé sur un seul modèle à savoir l'attribution gratuite
d'actions. Certes, le contexte économique pourrait expliquer sa peur du
pouvoir salariale. L'actionnariat salarié traduisant bien
évidement l'intégration des salariés dans le capital
social.
Mais le contexte économique ne suffit pas à
justifier que l'on refuse de consacrer des techniques qui permettraient de
développer les entreprises. En effet, la gouvernance d'entreprise par la
participation des salariés, n'est pas qu'une simple mode. C'est un
système qui permet le développement harmonieux de l'entreprise
à travers l'amélioration du capital humain. La motivation des
travailleurs qui en résulte est le premier facteur de performance et de
succès de l'entreprise. Il n'est pas question de confisquer le pouvoir
patronal pour l'attribuer aux salariés. Simplement, il s'agit
d'intégrer dans les instances décisionnelles, les personnes qui
connaissent mieux le fonctionnement pratique et quotidien de l'entité.
C'est donc suivant ce raisonnement, que nous pensons en définitive que
le législateur OHADA devrait réviser dans le sens d'une
amélioration, la participation des salariés tant au plan
politique que financier afin d'atteindre le développement
économique recherché par l'organisation.
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Soc., n°3, mars 2002, pp. 286-297.
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TABLE DE MATIÈRES
102
AVERTISSEMENT i
DÉDICACE iii
REMERCIEMENTS iv
SIGLES ET PRINCIPALES ABRÉVIATIONS v
RÉSUMÉ vii
ABSTRACT viii
SOMMAIRE ix
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA FAIBLE IMPLICATION NON
FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA
SOCIÉTÉ COMMERCIALE ... 12
CHAPITRE I : LA PARTICIPATION INSUFFISANTE DES
SALARIÉS À LA
GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE
14
SECTION I : LA CONSÉCRATION PRUDENTE DU CUMUL DU
MANDAT SOCIAL ET
DU CONTRAT DE TRAVAIL 14
PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL
ET DU
CONTRAT DE TRAVAIL 15
A - La condition principale de l'effectivité de l'emploi
16
1- La distinction des fonctions techniques des fonctions
sociales 16
2- L'évidence du lien de subordination 17
3- L'existence d'une rémunération distincte 18
B - La condition supplémentaire liée à
la postérité du contrat de travail au mandat
social 19
1- L'autorisation préalable du conseil d'administration
19
2- L'approbation finale de l'assemblée
générale ordinaire 20
PARAGRAPHE II : LES EFFETS DU CUMUL DE FONCTIONS : LA
MODIFICATION DU
STATUT DU DIRIGEANT 21
A - Le bouleversement du régime de la
responsabilité 21
1- La responsabilité personnelle du
dirigeant-salarié 21
2- La responsabilité de la société du fait
du dirigeant-salarié 22
B - La cessation des fonctions des dirigeants salariés
24
SECTION II : LE RENFORCEMENT SOUHAITÉ DE LA
PARTICIPATION DES
SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA
SOCIÉTÉ 25
103
PARAGRAPHE I . L'AMÉLIORATION DU RÉGIME
DE LA REPRÉSENTATION DES
SALARIÉS DANS LES ORGANES DE GESTION 25
A - La suppression du caractère facultatif de la
représentation des salariés dans le
conseil d'administration 26
B - La redéfinition des modalités de
désignation des administrateurs salariés 27
PARAGRAPHE II : LA PROMOTION DES ORGANES COLLÉGIAUX DE
REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DANS L'ENTREPRISE . L'INSPIRATION
DES
COMITÉS D'ENTREPRISES 28
A - Les comités d'entreprises justifiés par
l'inadéquation des institutions de
représentation consacrées 29
B - Les comités d'entreprises justifiés par leur
pertinence 31
CONCLUSION DU CHAPITRE I 34
CHAPITRE II : L'IMPLICATION MITIGÉE DES
SALARIÉS DANS LA GESTION
DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ
COMMERCIALES 35
SECTION I : LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE
TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ LIMITÉE
À L'EXISTENCE DE LA CESSATION DES
PAIEMENTS 36
PARAGRAPHE I . LA POSSIBILITÉ D'OUVERTURE DES
PROCÉDURES COLLECTIVES
CURATIVES PAR LES SALARIÉS 36
A - L'action individuelle des salariés en tant que
créanciers de la société 37
B - L'action collective des salariés en tant
qu'informateurs de la juridiction
compétente 38
PARAGRAPHE II . L'IMPLICATION DES SALARIÉS DANS
LE DÉROULEMENT DES
PROCÉDURES CURATIVES 41
A - Le contrôleur salarié 41
B - Les concessions salariales pour le traitement de la crise
43
SECTION II : LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER
L'IMPLICATION DES SALARIÉS
DANS LA GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA
SOCIÉTÉ 45
PARAGRAPHE I . L'INSTAURATION SOUHAITABLE DES
MÉCANISMES PERMETTANT
LA PRÉVENTION ET LA DÉTECTION DES
DIFFICULTÉS PAR LES SALARIÉS 45
A - La consécration d'un véritable droit à
l'information des salariés 45
B - L'élargissement des mécanismes de
contrôle aux salariés 47
PARAGRAPHE II . L'AMÉLIORATION DU RÔLE DES
SALARIES EN CAS DE
SURVENANCE DES DIFFICULTÉS 49
A - L'implication des salariés dans les
procédures de prévention de la cessation des
paiements 49
B - Le renforcement du statut des contrôleurs
salariés dans les procédures de curation
de la cessation des paiements 50
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 53
104
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 54
SECONDE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT LIMITÉ DE
LA PARTICIPATION
FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LA
SOCIÉTÉ COMMERCIALE 55
CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION TIMIDE DE
L'ACTIONNARIAT SALARIÉ 57
SECTION I : L'ATTRIBUTION GRATUITE DES ACTIONS AUX
SALARIÉS 58
PARAGRAPHE I . LES CONDITIONS GÉNÉRALES
PRÉALABLES À L'ATTRIBUTION DES
ACTIONS 59
A - Les pouvoirs des organes donateurs 59
B - Les conditions relatives aux actions concernées 60
PARAGRAPHE II . LES CONDITIONS LIÉES AUX
SALARIÉS BÉNÉFICIAIRES 62
A - L'existence d'un contrat de travail 63
B - Le plafonnement des attributions par salarié 64
SECTION II : LES EFFETS DE L'ATTRIBUTION GRATUITE
D'ACTIONS AUX
SALARIÉS 65
PARAGRAPHE I . L'ENTRÉE PROGRESSIVE DU
SALARIÉ DANS LE CAPITAL DE LA
SOCIÉTÉ 65
A - Un actionnaire en devenir pendant la période
d'acquisition 65
B - Un actionnaire asservi par l'obligation de conservation
pendant la période
obligatoire de conservation 67
PARAGRAPHE II . LES SALARIÉS DÉFINITIVEMENT
ACTIONNAIRES . ACCROISSEMENT DE LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS
LE
FONCTIONNEMENT DE L'ENTREPRISE 69
A - Les droits politiques renforçant l'implication des
salariés à la gestion de
l'entreprise 69
B - Les droits pécuniaires renforçant
l'intéressement des salariés aux bénéfices 70
CONCLUSION DU CHAPITRE I 72
CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT SOUHAITABLE DE LA
PARTICIPATION
FINANCIÈRE EN DROIT OHADA DES
SOCIÉTÉS COMMERCIALES 73
SECTION I : LA NÉCESSITÉ DE
L'ÉLARGISSEMENT DES TECHNIQUES DE
PARTICIPATION FINANCIÈRE 73
PARAGRAPHE I . LE RECOURS À D'AUTRES
MÉCANISMES D'ACTIONNARIAT
SALARIÉ 73
A - La consécration envisageable des options de
souscription ou d'achat d'actions 73
B - La consécration envisageable de la reprise de
l'entreprise par ses salariés 76
PARAGRAPHE II . L'IMPORTANCE D'UNE PARTICIPATION DES
SALARIÉS AUX
RÉSULTATS DE LA SOCIÉTÉ 77
A - La participation souhaitable des salariés aux
bénéfices de l'entreprise 78
B - La promotion de l'épargne salarial 80
105
SECTION II : LA NÉCESSITÉ DES MESURES
FISCALES ET SOCIALES INCITATIVES
82
PARAGRAPHE I . L'UTILITÉ DE L'INSTAURATION DES
MESURES FISCALES ET
SOCIALES INCITATIVES 82
A - L'effet désincitatif du régime actuel : cas
du Cameroun 83
B - L'effet incitatif d'un régime avantageux : cas de
la France 84
PARAGRAPHE II . LA POSSIBILITÉ D'INSTAURATION
D'UN RÉGIME FISCAL ET
SOCIAL INCITATIF EN DROIT OHADA 85
A - Les obstacles à la mise en place d'un
régime fiscal et social incitatif en droit
OHADA 86
B - L'existence des moyens de formation des mesures
fiscales et sociales incitatives
en droit OHADA 87
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 88
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 89
CONCLUSION GÉNÉRALE 90
BIBLIOGRAPHIE 92
TABLE DE MATIÈRES 102
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