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La participation des salariés en droit des sociétés commerciales


par Dilane Gildas DJIOKENG FEUJIO
Université de Dschang - Master 2 2019
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE DSCHANG

UNIVERSITY OF DSCHANG

ÉCOLE DOCTORALE
POST GRADUATE SCHOOL

UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE TRAINING AND RESEARCH UNIT

FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DSCHANG SCHOOL OF LAW AND POLITICAL SCIENCE

UNITÉ DE RECHERCHE SUR LE DROIT ET LES AFFAIRES EN AFRIQUE (URDA)

LA PARTICIPATION DES SALARIÉS EN DROIT DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du diplôme de Master

en Droit Privé

Filière : Recherche
Option : Droit des affaires et de l'entreprise
Soutenu par :
DJIOKENG FEUJIO Dilane Gildas

Titulaire d'une Maîtrise en Droit des Affaires et de l'Entreprise
Matricule
: CM-UDS-15SJP0149
Sous la direction de :
Monsieur MOHO FOPA Éric Aristide

Docteur/Ph.D en Droit Privé Chargé de Cours, FSJP-UDs

Année académique

2019-2020

i

AVERTISSEMENT

ii

« L'Université de Dschang n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions devront être considérées comme propres à leur auteur ».

DÉDICACE

iii

À mes chers parents, Monsieur FEUDJIO Roger Armand et Madame TIOKENG FEUDJIO Philomène.

REMERCIEMENTS

iv

Je voudrais exprimer ma très vive reconnaissance à tous ceux dont les encouragements ont été d'un apport vital pour l'élaboration de ce travail. Ma gratitude s'adresse ainsi :

- À Dieu sans la volonté de qui ce travail n'aurait jamais pu être accompli ;

- À mon directeur de mémoire, le Docteur MOHO FOPA Éric Aristide, qui a non seulement accepté de diriger ce travail, mais aussi mis à contribution toute sa rigueur scientifique, sa disponibilité et la grande documentation qui nous a été nécessaire ;

- Au Professeur DJUIDJE CHATUÉ Brigitte, Coordonnatrice du Master Recherche en Droit des Affaires, pour ses multiples conseils à notre endroit ;

- À tous les enseignants de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang pour la rigueur reçue au cours de notre formation ;

- À ma famille, pour les sacrifices énormes qu'ils font au quotidien pour mes études ;

- À ma soeur, MEDOMBOU FEUDJIO Sandra, et mes frères, FOLAH FEUDJIO Merleau, DONGMO FEUDJIO Johnson, TSAGUE FEUDJIO Élisé, puissiez-vous trouver dans ce travail, une motivation pour vos avenirs académiques ;

- Au couple NGUENA YMELE Jean Rodrigue et YMELE Dorlice ainsi que toute leur famille pour leur soutien inconditionnel durant mes années universitaires dans la ville de Dschang ;

- À messieurs TSAGUE Alain, et DJIOTSOP Joseph pour leurs conseils et encouragements ;

- À GUEGUIM Émile pour son soutien indéfectible durant cette année ;

- À mes promotionnaires pour nos multiples échanges sur nos différents thèmes et bien d'autres points. Qu'ils trouvent dans cette phrase l'expression de ma profonde gratitude pour la solidarité dont ils ont fait montre ;

- À mes amis, particulièrement, NGOUANA Ulrich, NGUIMNANG Calrel, TADONLEKEU Beaudrigue, DAKEU Boris, NYAMSI Rollin, Élise NGUE, TCHIO Ulrich, NGUANGUEM Arnold, ASSONCKENG Carel, ZEMFACK Naomie, NJOYA Moustapha, KAMTA Fred, DJOUSSE Brice, NGOULA Boris, SIMO Patrice, POUNGAM James, EBELLE Noé, MPEGNA Parfait, MOYO Arnold, SAMNICK Érica, NDE KENGNE Pérez ;

- À tous ceux qui de près ou de loin nous ont aidés de quelques manières que ce soit dans le cadre de ce travail, vous trouverez ici, l'expression de ma profonde gratitude.

SIGLES ET PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

v

AGA : Attribution Gratuite d'Actions

AGO : Assemblée Générale Ordinaire

Al. : Alinéa

Art. : Article

AU : Acte Uniforme

AUPC : Acte Uniforme relatif aux procédures collectives

AUPCAP : Acte Uniforme relatif aux Procédures Collectives d'Apurement du Passif

AUPSRVE : Acte Uniforme relatif aux Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution

AUS : Acte Uniforme sur les Sûretés

AUSC Acte Uniforme relatif aux Sociétés Commerciales

AUSCGIE : Acte Uniforme Relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Économique.

Bull. Joly : Bulletin mensuel Joly des sociétés

C.ce : Code de commerce

C.civ. : Code civil

Cf. : Confère

CCJA : Cour Commune de Justice d'Arbitrage

C.trav. : Code du Travail

CTOM : Code du Travail d'Outre-Mer

Ed. : Édition

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Op.cit. : Opere citato, dans l'ouvrage précité

P. : Page

PA : Petites Affiches

PME : Petites et Moyennes Entreprises

PEE : Plan d'Épargne d'Entreprise

PP. : Pages

Préc. : Précité

PUF : Presse universitaire française

vi

Rééd. : Réédité

Rev : Revue

Rev. Soc. : Revue du droit des sociétés

RES : Reprise de l'Entreprise par les Salariés

S. : Suivant (s)

S.A : Société Anonyme

S.A.S : Société par Actions Simplifiées

V. : Voir

Vol. : Volume

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

RÉSUMÉ

vii

Les salariés constituent le capital humain, la force de travail indispensable au succès des sociétés commerciales et plus largement, au développement économique d'un pays. Ils sont donc des parties prenantes incontournables à l'entreprise. Pour cette raison, ils méritent la plus grande considération, le bénéfice des moyens devant les motiver davantage à la performance. Dans ce sens, le droit des sociétés, aidé par le droit social, promeut la participation des salariés dans le fonctionnement des sociétés commerciales afin de dynamiser la gouvernance de ces dernières. C'est ainsi qu'ils se trouvent également au coeur de la gouvernance des entreprises.

La présente étude constate que le droit OHADA des sociétés commerciales envisage cette participation à travers l'adoption des règles la favorisant. Mais elle constate aussi que la considération de ce législateur n'est pas suffisante pour atteindre les objectifs de cette participation. Cette insuffisance est susceptible de démotiver les salariés et de là, affaiblir considérablement les performances des entreprises. Un affaiblissement susceptible d'entrainer inéluctablement l'échec de l'objectif d'intégration économique recherché par l'OHADA. C'est pourquoi, cette étude, aidée par le droit comparé, propose modestement, quelques pistes de solutions pour parvenir à une participation effective et efficace des salariés dans le fonctionnement de l'entreprise.

Mots clés : Gouvernance, participation, salarié, société commerciale.

ABSTRACT

viii

Employees constitute the human capital, the labor force essential to the success of commercial companies and, more broadly, to the economic development of a country. They are therefore essential stakeholders in the company. For this reason, they deserve the greatest consideration, the benefit of the means to motivate them more to performance. In this vein, company law, helped by social law, promotes wage earners participation in the functioning of commercial companies in order to boost their governance. This is how they are also at the heart of corporate governance.

This study finds that OHADA law for commercial companies envisages this participation through the adoption of rules promoting it. But it equally notes that the consideration of this legislator is not sufficient to achieve the objectives of this participation. This insufficiency is likely to demotivate wage earners and thus considerably weakens the performance of companies. This weakening will unavoidably lead to the failure of the objective of economic integration sought by OHADA. This is why this study, aided by comparative law, modestly suggests some possible solutions to achieve effective and efficient employee's participation in the functioning of the company.

Key words: Governance, participation, employee, commercial company.

SOMMAIRE

ix

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : LA FAIBLE IMPLICATION NON FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE ... 12

CHAPITRE I : LA PARTICIPATION INSUFFISANTE DES SALARIÉS À LA

GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE 14

SECTION I : LA CONSÉCRATION PRUDENTE DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL ET

DU CONTRAT DE TRAVAIL 14

SECTION II : LE RENFORCEMENT SOUHAITÉ DE LA PARTICIPATION DES

SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ 25

CHAPITRE II : L'IMPLICATION MITIGÉE DES SALARIÉS DANS LA GESTION

DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE 35

SECTION I : LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ LIMITÉE À L'EXISTENCE DE LA CESSATION DES

PAIEMENTS 36

SECTION II : LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER L'IMPLICATION DES SALARIÉS

DANS LA GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ 45

SECONDE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT LIMITÉ DE LA PARTICIPATION

FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE 55

CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION TIMIDE DE L'ACTIONNARIAT SALARIÉ 57

SECTION I : L'ATTRIBUTION GRATUITE DES ACTIONS AUX SALARIÉS 58

SECTION II : LES EFFETS DE L'ATTRIBUTION GRATUITE D'ACTIONS AUX

SALARIÉS 65

CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT SOUHAITABLE DE LA PARTICIPATION

FINANCIÈRE EN DROIT OHADA DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES 73

SECTION I : LA NÉCESSITÉ DE L'ÉLARGISSEMENT DES TECHNIQUES DE

PARTICIPATION FINANCIÈRE 73

SECTION II : LA NÉCESSITÉ DES MESURES FISCALES ET SOCIALES

INCITATIVES 82

CONCLUSION GÉNÉRALE 90

INTRODUCTION GÉNÉRALE

1

« ... C'est la participation qui elle, change la condition de l'Homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une oeuvre commune..., en apportant soit des capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous forment ensemble une société où tous auront intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct »1.

1 Général DE GAULLE lors d'un entretien télévisé le 7 juillet 1968, cité par COUTURIER (G.), Droit du travail, les relations collectives de travail, 1ère éd., PUF, Paris, 1991, rééd. 1994, p. 265.

2

La réussite d'une entreprise est absolument tributaire de sa gouvernance. « La gouvernance d'entreprises est le système par lequel les entreprises sont gérées et contrôlées »2. C'est après les grands scandales financiers du début des années 20003, que les réflexions sur cet élément vital du fonctionnement de l'entreprise vont s'intensifier. Recherchant les meilleures pratiques de fonctionnement des entreprises, l'on proposa de quitter du modèle purement actionnarial de la gouvernance qui prévalait, pour un modèle plus participatif, ou une gouvernance « intégrée »4, modèle jusque-là peu sollicité. Il s'agissait plus précisément, d'intégrer ou de faire mieux participer au fonctionnement de la société, toutes ses parties prenantes5 (approche partenariale de la gouvernance) et en particulier, les salariés : c'est la gouvernance salariale, qui contribuerait à améliorer la gouvernance d'entreprises. En effet, la gouvernance actionnariale, axée sur la primauté des intérêts des actionnaires au détriment de ceux des autres parties prenantes, sous-estimait le rôle majeur de ces derniers dans le processus de création des valeurs ou mieux, dans le fonctionnement de la société. L'antagonisme entre le capital et le travail était alors très accentué6. Le dialogue ne se faisait qu'entre actionnaires et dirigeants. Les salariés ne se reconnaissant pas dans ce modèle, il s'en est suivi une dégradation de la confiance mutuelle entre salariés et dirigeants, un désengagement à l'égard du travail, ce qui impacta très négativement sur la performance de l'entreprise. Face à une telle crise du modèle actionnarial, il devint nécessaire de réformer l'entreprise7, de repenser sa gouvernance en lien avec l'amélioration de la participation des salariés.

2 CADBURY (A.), Report of the committee on the financial aspects of corporate Governance, Gee & co., Londres, 1992, dit Rapport Cadbury, p. 15.

3 Parmi ces scandales, on peut citer, la crise d'Enron en 2001 ; la banqueroute de Vivendi en mars 2003 ; la chute du géant Italien Parmalat en 2003.

4 BENHAMOU (S.), « Améliorer la gouvernance d'entreprises », rapport du centre d'analyses stratégiques, la documentation française, Paris, 2010, p. 20.

5 La notion de « parties prenantes » est apparue aux Etats-Unis au début de la décennie 1980 comme une réaction libérale à la primauté accordée à la valeur financière et à la figure actionnariale. MERCIER (S.), définit les parties prenantes comme « l'ensemble des agents pour lesquels le développement et la bonne santé de l'entreprise constituent des enjeux importants » et dans une approche stratégique, elles sont envisagées comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou qui peut être affecté par la réalisation des objectifs de l'entreprise ». On distingue généralement les parties prenantes internes (actionnaires, dirigeants, salariés) des parties prenantes externes (client etc.). D'après la théorie des parties prenantes donc, il faut faire intégrer tous ces acteurs dans le fonctionnement de l'organisation. In PRESQUEUX (Y.), « Robert E. Freeman et la théorie des parties prenantes en question », 12 janvier 2017, pp. 3-4. [En ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/cel-01432945, (consulté le 03 Février 2020, à 15h).

6 FARJAT (G.), Droit économique, 2e éd., PUF, Paris, 1971, p. 93.

7 La réforme de l'entreprise n'est toutefois pas une notion qui date du début des années 2000. L'un des plus importants ouvrages sur la question, qui date de 1963 (BLOCH-LAINE (F.), Pour une réforme de l'entreprise, le

3

Au regard de l'importance des sociétés commerciales pour le développement économique d'un pays, il est logique que la recherche du modèle idoine de gouvernance soit la préoccupation majeure de la branche du droit commerciale qui les régit, entendue comme le droit des sociétés commerciales. C'est ainsi que le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Île Maurice), certains États africains8 vont créer l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires à travers la signature du traité l'instituant (OHADA)9. Cette institution sera chargée de légiférer sur les domaines favorables au développement économique du continent et à l'attractivité des investissements. Pour cet objectif donc, sera adopté le 17 Avril 1997 l'Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique (AUSCGIE)10. C'est la principale législation OHADA en matière de sociétés commerciales. À ses côtés pour régir la même matière, l'on adoptera l'Acte Uniforme relatif aux Procédures Collectives d'Apurement du Passif (AUPCAP)11, et élaborera sans jamais les adopter, le projet d'acte uniforme relatif au droit du travail12 et bien d'autres.

Partant de la définition de la société prévue à l'article 1832 du Code civil13, l'article 4 de l'AUSCGIE conçoit la société commerciale comme la création « de deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d'affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l'industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui devrait en résulter » tout en contribuant aux pertes. Puisque exceptionnellement, dans les cas prévus par la loi, la société peut être instituée par l'acte de volonté d'une seule personne appelée « associé unique »14, elle est donc, un acte par lequel, une ou plusieurs personnes

Seuil, Paris, 1963), la conçoit comme l'actualisation de l'organisation de l'entreprise destinée à garantir son efficacité économique mais aussi à répondre aux aspirations des salariés.

8 Il s'agit des États membres de l'OHADA dont le Benin, Burkina-Faso, Cameroun, Centre-Afrique, Comores, Congo, Côte d'ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, RDC, Sénégal, Tchad et Togo.

9 Voir, POUGOUÉ (P.-G.) et KALIEU ELONGO (Y. R.), Introduction critique à l'OHADA, PUA, Yaoundé, 2008, pp. 21-23.

10 Adopté le 17 avril 1997, il est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Il a ensuite été modifié adoptée le 30 janvier 2014 à Ouagadougou. Pour la petite histoire, avant d'arriver à cette uniformisation, dans la plupart des États membres, dont le Cameroun, le droit des sociétés était régi par le Code de commerce français (et les modifications ultérieures qu'elle subira) qui y avait été déclaré applicable, le Code Civil, ainsi que la loi coloniale du 24 juillet 1867 sur les sociétés par actions considérée comme la « charte des sociétés par actions » (rendue applicable au Cameroun par le décret du 24 juillet 1924). Cependant, la volonté de se défaire du joug des lois coloniales était manifeste chez beaucoup d'États à cette époque, et la plus significative reste celle du législateur Guinéen avec la création du Code des activités économiques de la Guinée en 1994 qui a fortement inspiré les rédacteurs de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales.

11 Entré en vigueur le 1 janvier 1999.

12 L'avant-projet du 24 novembre 2006 relatif au droit du travail.

13 Le code civil applicable au Cameroun (et dans certains états africains comme le Sénégal) définit la société en son article 1832 comme « un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».

14 La société individuelle a été instituée en France dans la loi la loi du 11 juillet 1985 qui a créé l'EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) ; elle est prévue à l'article 5 de l'AUSCGIE.

4

décident ou conviennent, d'affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou de l'industrie, dans le but de profiter du bénéfice ou de l'économie qui pourra en résulter, tout en contribuant également aux pertes. Mais, elle se confond très facilement à une notion qui lui est voisine à savoir l'entreprise.

Du moment qu'on envisage l'entreprise comme une unité de production, ou une structure économique et sociale comprenant une ou plusieurs personnes oeuvrant de manière organisée pour fournir des biens ou des services à ses clients dans un environnement concurrentiel ou non15, la similarité avec la société n'est pas évidente. Or, en réalité, la différence est simplement que l'entreprise n'est pas une notion juridique. Avec des notions comme la firme ou l'organisation, l'entreprise est un mot souvent employé pour traduire une réalité économique que « le droit n'appréhende ab initio qu'à travers un seul moule : la société »16. La société serait donc la conception juridique de l'entreprise. Dans ce sens, un auteur estime qu'elle est une technique d'organisation de l'entreprise17. Sans qu'on assiste à une véritable logomachie, la littérature juridique semble concéder l'usage indifférent des deux notions. D'ailleurs, le législateur lui-même ne fait pas office de bon élève comme le disait le doyen RIPERT, « (...) réunirait-on tous les textes où l'expression a été employée par le législateur, on ne serait pas beaucoup plus avancé pour donner une définition juridique, car le législateur use du mot quand il lui est commode de le faire, sans se soucier de l'employer toujours dans le même sens »18. Ceci justifie que nous serons emmenés dans le cadre de cette étude à employer les deux notions dans le même sens.

Mais, la vision purement contractuelle de la société qu'adopte l'Acte Uniforme (AU) conduit à la considérer comme la propriété exclusive des (principaux)19 contractants que sont les associés ou les actionnaires. Ceci appelle à une gestion sociale tournée vers leur intérêt et le contraire serait une saugrenuité. L'intérêt social serait synonyme de la volonté des actionnaires. Or, nonobstant les discussions sur la question, l'intérêt social n'est pas l'intérêt des actionnaires : c'est l'intérêt propre de la société prise comme le dortoir des intérêts divers. Une fois créée, l'entreprise se met au service d'un intérêt collectif de ses salariés, ses clients,

15 BAUDURET (J. C.), « La démocratie dans l'entreprise », https://local.attac.org/attac32/spip.php?article4, (consulté le 1février 2020).

16 ROUSSEAU (S.) et TCHOTOURIAN (I.), « Pouvoirs, institutions et gouvernance de la société par action ; lorsque le Canada remet en question le dogme de la primauté actionnariale », les cahiers de la CRSDD. Collection recherche, 2012, p. 2.

17 PAILLUSSEAU (J.), La société anonyme, technique d'organisation de l'entreprise, Ed. Sirey, Paris, 1967, p. 125.

18 RIPERT (G.), Les aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, Paris, 1951, rééd.1995, p. 267.

19 Par principaux ici, on entend uniquement les apporteurs du capital financier. La précision vaut la peine car en réalité, pendant son existence, la société est appelée à nouer de nombreux contrats tant avec ses salariés qu'avec la majorité de ses parties prenantes.

5

ses actionnaires, l'environnement, l'État et bien d'autres. Toutes ces personnes sont des parties prenantes de l'entreprise et ont intérêt à son bien-être. C'est donc au nom de cet intérêt collectif que le droit des sociétés s'est progressivement détaché de l'approche actionnariale de la gouvernance pour une visée plus participative. Ainsi, elle va jusqu'à intégrer dans les instances décisionnelles des non propriétaires, à l'instar des salariés, pas du tout prédestinés à décider.

Les salariés constituent la main d'oeuvre indispensable pour la réussite d'une société commerciale. Ces sociétés doivent donc louer les services ou la force de travail des personnes physiques appelées travailleurs et envers qui en retour, elles donneront un salaire : c'est pourquoi on peut parler de travailleur-salarié. Même si les deux notions peuvent être employées dans le même sens, il existe une différence entre le travailleur et le salarié. Le travailleur est une personne qui effectue une activité professionnelle pour pouvoir en tirer un profit. Il peut le faire indépendamment (on parle de travailleur indépendant), ou sous la houlette d'une autre personne appelée employeur (on parle de travailleur dépendant). Le salarié renvoie à la deuxième hypothèse. C'est le travailleur qui vit d'un salaire versé par un employeur. Ainsi, en définissant le travailleur en son article 1 alinéa 2 comme toute personne physique qui sans considération de sexe, de nationalité, s'est engagée à mettre son activité professionnelle moyennant rémunération sous l'autorité et la direction d'un employeur, le Code du travail camerounais règlementait plutôt le travailleur dépendant. Cette dépendance est le fondement du statut de salarié. Elle est la matérialisation du lien de subordination juridique qui le lie à un employeur. Ce lien de subordination juridique étant l'élément caractéristique principal de son contrat de travail.

Les salariés étant des parties incontournables de l'entreprise, il faut les associer à son fonctionnement ! Cette affirmation qui peut résumer l'approche salariale de la gouvernance, est pourtant très ambiguë. Dans un autre sens, elle nie le fait que ces derniers sont déjà impliqués dans une forme quelconque de participation. Or, réellement, les salariés ont toujours été impliqués au fonctionnement de la société car participer, c'est simplement prendre part à quelque chose et en endosser la responsabilité. Par leur définition même, ressort clairement une participation à la production. La société les emploie, ils lui fournissent leurs forces de travail (capital humain) qui sont des données essentielles à la production de valeurs profitables et en échange, elle leurs donne une rémunération. Mais, en réalité, il s'agit là d'une forme « simple » de participation qu'on entend désormais dépasser. Il ne faut plus les cantonner au rôle des simples exécutants de la volonté des élites de l'entreprise, de simples prestataires de travail. Ceci parce que leur importance dans la société est très grande. C'est

6

eux qui maîtrisent mieux les techniques de production, de distribution, et les principaux acteurs du marché que sont les consommateurs.

Cette participation désigne l'ensemble des procédés en vigueur pour faire prendre part les salariés aux processus dans lesquels les décisions de l'entreprise sont préparées, prises et suivies. Autrement dit, elle renvoie aux « voies et moyens qui permettent aux travailleurs d'exercer une plus grande influence sur les questions économiques, sociales et professionnelles » de l'entreprise20. La littérature juridique nous montre une utilisation indifférente de ladite notion avec celle d'implication, or, comme le précise un auteur21, il existe une différence bien que légère entre ces notions. En effet, l'implication recouvre la participation et va au-delà. L'implication est active ou passive (implicite) 22 alors que la participation est exclusivement active. Cette précision n'est toutefois pas de nature à influer sur la quintessence du concept de gouvernance salariale.

La réforme du rôle des salariés dans le gouvernement des entreprises n'emporte cependant pas l'approbation de toute la doctrine. Certains sont farouchement opposés à cette idée. Les principaux opposants sont favorables à une approche « propriétariste » de l'entreprise et pensent que le salarié n'étant pas impliqué à la création de l'entité, n'a pas l'affectio societatis et ne supporterait pas les risques liés à son activité. Ils trouvent dans l'immixtion des salariés au capital, une menace pour la propriété des associés. Dans la même lignée, certains détracteurs pensent que l'arrivé des salariés au conseil d'administration, affaiblirait la fonction de contrôle de cet organe car, ces derniers ont tendance à considérer ce lieu comme une seconde tribune de revendication. Leur présence étant considérée comme illégitime, il peut en résulter une marginalisation considérable de ces derniers dans les conseils23. N'en déplaise à ces opposants, la teneur des arguments partisans favorise le développement du concept.

En effet, les pro-gouvernances salariales trouvent dans le concept une chose bien à deux égards. Dans une logique favorable aux salariés, l'on pense que c'est un moyen d'amélioration les droits des salariés. « Impliquer les salariés aux affaires de l'entreprise,

20 ESSOHAM KOMLA (A.), La participation du salarié au fonctionnement de la société anonyme en droit OHADA, mémoire de DESS Droit des affaires, Université de Lomé.2004. Cité par KOUAMO (D. R.), L'implication des salariés dans la prévention et le traitement des difficultés des entreprises dans l'espace OHADA : cas du Cameroun, thèse, Université de Nantes, 9 Janvier 2018, p. 19.

21 Idem.

22 Ibid., p. 20.

23 AUBERT (N.), HERNANDEZ (S.), HOLLAND (X.), « De la participation des salariés à l'épargne salariale : analyse lexicale des débats parlementaires », 5 mars 2017, p. 4. [En ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01401959, (consulté le 20 janvier 2020 à 13h).

7

c'est affirmer un droit fondamental »24 ; c'est humaniser le travail, s'éloigner de sa chosification comme le veut l'OIT25.

Par ailleurs, comme l'estiment certains auteurs, l'implication des salariés dans le gouvernement d'entreprises, ne doit pas être vue uniquement dans le sens de la protection des droits salariaux, mais aussi dans une logique de protection de l'intérêt de la société26. En réalité, outre le climat qui serait favorable à l'entreprise, les décisions qui prennent en compte l'avis des salariés sont, compte tenu de la place centrale de ces derniers dans le quotidien de l'entreprise, des décisions très réalistes et réalisables. Aussi, au regard des abus observés dans l'exercice des pouvoirs des dirigeants d'entreprises27, octroyer une portion du pouvoir aux salariés permettrait de faire pièce à ces derniers, en rééquilibrant les pouvoirs au sein de la société.

Toutes ces idées partisanes ont permis la construction d'une sorte de théorie de la participation des salariés. De nos jours, il existe plusieurs modalités de participation des salariés au fonctionnement de la société. De façon générale, on retient au regard du droit comparé28, deux principales à savoir : la participation financière, et la participation politique. La première vise à inclure les travailleurs à la croissance économique de la société. Elle revêt deux formes dont une participation aux résultats de l'entreprise d'une part et une participation au capital social appelée actionnariat salarié d'autre part.

La seconde, à savoir la participation non financière ou politique, vise à inclure les salariés dans la gestion, ou plus précisément, dans le processus décisionnel. À travers cette forme, les législateurs veulent faire peser la volonté et les intérêts des salariés dans la prise des décisions. Elle permet aux salariés, ou à certains d'eux, de cumuler un contrat de travail avec un mandat social29. Elle favorise également la création des institutions de représentation

24 KOUAMO (D. R.), op. cit., note 21, p. 28.

25 En effet, l'art.1 de la déclaration de Philadelphie adopté par l'OIT le 24 Mai 1944 dispose que « le travail n'est pas une marchandise ».

26 LE CROM (J. P.), L'introuvable démocratie salariale, Syllepse, Paris, 2003, p. 3, [en ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00191101, (consulté le 17 Février 2020). L'auteur pense qu'il ne s'agit pas d'envisager les institutions de représentation des salariés dans une logique conflictuelle c'est-à-dire uniquement comme des instruments au service des salariés mais beaucoup plus dans une logique de collaboration qui estime que la parole, le dialogue et l'échange sont utiles et nécessaires à l'entreprise dans son ensemble ; Voir également MOUTHIEU épouse NJANDEU (M.A.), L'intérêt social en droit des sociétés, L'Harmattan, Paris, 2009.

27 Pour la plupart des scandales précités (note 2), les causes étaient liées aux abus de pouvoir des dirigeants sociaux.

28 Le droit français ; le droit allemand et le droit de l'OHADA.

29 ADIDO (R.), « La notion d'emploi effectif des mandataires sociaux en droit OHADA » in Mélanges en l'honneur du professeur FILIGA Michel SAWADOGO, Les horizons du droit OHADA, CREDIJ, BENIN, 2018. pp. 57-74 ; FADOUL BECHIR (S.), le cumul d'un mandat social avec un contrat de travail en droit OHADA, mémoire, Université de Dschang, 2019.

8

des salariés plus influentes dans les décisions à l'instar des comités d'entreprises. Cette dernière forme de participation rejoint clairement la définition de la participation faite par l'OIT à savoir, « l'ensemble des procédés en vigueur... pour faire participer les travailleurs aux processus dans lesquels les décisions sont préparées, prises et suivies »30.

Cependant, la volonté de redéfinir la place des salariés dans l'entreprise n'est pas une idée récente. Un panorama historique nous montre qu'elle est très ancienne. Elle s'est développée d'abord uniquement en droit du travail, avant que le droit des sociétés, à l'époque fortement influencé par l'approche actionnariale, ne s'y intéresse. En effet les conséquences négatives du libéralisme social et du capitalisme ont favorisé la formation vers le XIX siècle, d'une véritable législation sociale principalement axée sur la protection des salariés31. Á côté des nombreuses lois qui virent le jour, plusieurs institutions de protection du salarié naquirent à l'instar de l'inspection du travail, du service de la sécurité sociale, du délégué du personnel et des comités d'entreprises.

Malgré le fait que le droit des sociétés ait élargi les pouvoirs de ces organes de représentation, les salariés veulent dorénavant que soit institué un véritable pouvoir salarial dans l'entreprise. Ainsi, après la seconde guerre mondiale, la question va prendre plus d'intérêts. Les réflexions sur la réforme d'entreprises dès 196032, la démocratisation de l'entreprise dès les années 197033, l'évolution de la conception de l'intérêt social34, vont poser les jalons de cette gouvernance salariale, traduisant ainsi le passage d'une simple participation

30 Résolution de la conférence générale, 50ème session, 20 juin 1966, PV du conseil d'administration, 167ème session, 5ème séance.

31 LYON-CAEN (G.), PÉLISSIER (J.), Droit du travail, 14ème éd., Dalloz, Paris, p. 10-12.

32 En France, la réforme des entreprises est marquée par deux ouvrages principaux à savoir celui de BLOCH-LAINE (F.), Pour une réforme de l'entreprise, Le Seuil, Paris, 1963 ; le rapport SUDREAU en 1975 qui recommandait pour réformer l'entreprise, d'ouvrir une nouvelle voie à la participation et d'améliorer les mécanismes de participations des salariés.

33 La démocratisation de l'entreprise suppose d'appliquer les principes de la démocratie dans la vie de l'entreprise. Elle a été la boussole du modèle de gouvernance allemand dit du « modèle de cogestion » qui associe de manière étroite, les dirigeants et les salariés dans le processus décisionnel. En France, elle favorisera l'élaboration de la loi « de démocratisation du secteur public » du 26 juil. 1983 qui permet dans les entreprises publiques aux représentants des salariés de siéger au conseil d'administration ou de surveillance.

Virgile CHASSAGNON, démontrant la nécessité de plus de démocratie dans la gestion des entreprises, affirme qu'il faut démocratiser la gouvernance des sociétés et faire plus participer les salariés et renchérit en disant que « instaurer plus de démocratie implique de tendre vers un gouvernement polyarchique de l'entreprise faisant une vraie place aux travailleurs dans l'activité de production certes, mais aussi dans la prise de décision » in CHASSAGNON (V.), « La démocratisation de l'entreprise dans la société, pensons un capitalisme plus juste », 19 Juillet 2016, [En ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01346445, (consulté le 10 août 2020 à 12h 51), p. 25.

34 La notion d'intérêt social est en droit des sociétés un standard juridique qui a toujours fait l'objet de débat tant en doctrine qu'en jurisprudence. Il est question de savoir ce qu'elle signifie réellement. Renvoie-t-elle à l'intérêt des propriétaires de l'entreprise, ou à un intérêt reconnu à la société distinct de celui de ses propriétaires ?

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au travail pour une véritable participation à la gestion. Cette évolution est aussi observable dans plusieurs pays de l'OHADA tel que le Cameroun.

Le cas du Cameroun est particulier. L'évolution de la participation commence dans la législation nationale, et s'achève dans le droit OHADA. Le Code du travail35 consacre dans son titre VIII trois institutions professionnelles à savoir la Commission Nationale Consultative du Travail, la Commission Nationale de Santé et de Sécurité au Travail, le Délégué du Personnel. Avec les syndicats (même si ceux-ci ne peuvent pas agir directement dans l'entreprise), ils constitueront les seuls véritables supports de la participation au Cameroun jusqu'à l'arrivé du droit OHADA.

L'association du salarié à la vie de l'entreprise a fait l'objet de plusieurs textes dans nombreux systèmes juridiques comme en France et en Allemagne. Le droit OHADA l'a certes envisagé, mais pas avec la même ferveur. Dans l'acte uniforme de 1998, le législateur désireux d'attractivité économique s'est inspiré de la loi française du 24 juillet 1966 et a établi un régime de participation totalement facultatif. Aucune disposition y relative n'est obligatoire ; il va même jusqu'à donner la possibilité aux actionnaires d'interdire les administrateurs salariés par le biais des clauses statutaires36. De cette manière, il a consacré la participation à la gestion en octroyant la possibilité à certaines personnes d'être à la fois salariés et mandataires sociaux à travers la formule du cumul d'un mandat social avec un contrat de travail37. À cette époque, la participation financière n'avait pu profiter d'une véritable considération si ce n'est qu'une vague et imprécise mention de la possibilité de « distribution gratuite d'actions » à l'article 640. Le projet d'acte uniforme sur le droit du travail aurait pu, du fait de la similarité des domaines, faire un pas en avant sur la question de la participation en droit OHADA, mais il n'en fut pas le cas. Au lendemain de la révision du droit des sociétés commerciales en 2014, excepté un régime juridique de la distribution gratuite d'actions un peu plus consistant38, le législateur est resté fidèle à sa position de 1998. De même, dans les deux versions de son AUPCAP, on ressent une mise à l'écart des salariés dans la gestion des crises des sociétés.

Cet état des choses en droit OHADA démontre une forte emprise de l'analyse actionnariale de la gouvernance. Il peut se justifier par une volonté d'attirer et de rassurer les

35 Loi 92/007 du 14 août 1992 portant Code du Travail.

36 Article 426 de l'AUSCGIE de 1998 et de 2014.

37 L'article 426 dispose que « Sauf clause contraire des statuts, un salarié peut être nommé administrateur si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond un emploi effectif ».

38 De l'article 626-1 à l'article 626-4.

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investisseurs dans cet espace juridique. Le législateur ne veut pas intriguer ces derniers à travers un quelconque pouvoir salarial. Car, même s'il est bon d'être à la mode, encore faut-il que le modèle de gouvernance à la mode épouse le contexte, les réalités et les objectifs du continent. Mais, cette justification est très insuffisante et le professeur Henri MODI KOKO BEBEY39 relève qu' « On peut néanmoins regretter que l'Acte uniforme OHADA n'ait attaché aucun intérêt au rôle des salariés dans les sociétés (...) le niveau de développement économique des pays concernés ne pourrait pas seul justifier ce choix législatif ». Même si cela est dit de manière radicale, l'affirmation du professeur démontre la tristesse que l'on éprouve quant à la timidité du législateur OHADA à appliquer ce modèle de gouvernance tant loué. C'est cette position ambiguë du législateur qui justifie la présente étude. Et c'est tout son ambition que de valoriser l'implication des salariés dans le fonctionnement des entreprises.

Puisque l'impact de la gouvernance sur l'amélioration des performances de l'entreprise n'est vraiment plus à démontrer, et que l'objectif visé par l'amélioration de la participation des salariés au fonctionnement des sociétés commerciales n'est autre que le perfectionnement de cette gouvernance, il convient de mettre au coeur de la présente étude, la question centrale40 de savoir si la participation des salariés est suffisamment envisagée en droit des sociétés. Autrement dit, l'implication des salariés dans le fonctionnement des sociétés commerciales en droit OHADA, est-elle suffisante pour davantage améliorer la gouvernance de ces sociétés ?

Il convient d'avancer l'idée selon laquelle les techniques de participation des salariés prévues par le législateur OHADA sont à améliorer pour parvenir à une meilleure gouvernance, ou tout simplement pour s'arrimer aux tendances de la gouvernance.

L'examen de l'hypothèse posée impose le respect d'une méthode définie comme un ensemble d'exigences et de techniques que le chercheur doit respecter afin d'aboutir à des résultats juridiques fiables41. Il s'agit d'une triple méthode. La méthode exégétique permettra d'analyser les textes de lois relatifs au sujet, la casuistique permettra d'analyser les décisions de justice et enfin le droit comparé pour apprécier le droit OHADA à l'aune des textes étrangers.

39 MODI KOKO BEBEY (H.D.), « La réforme du droit des sociétés commerciales de l'OHADA », Rev. Soc. 2002, p. 265.

40 BEAUD (M.), L'art de la thèse, Éditions La Découverte, Paris, 1985, rééd. 2006, p. 56.

41 Cf. BACHIR (M.), « Présentation », in CURRAPP : Les méthodes au concret : démarches, formes de l'expérience et terrain d'investigation en Sciences Politique, PUF, Paris, 2000, p. 5.

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À l'heure où l'actualité juridique mondiale est fortement marquée par les revendications salariales qui touchent plusieurs pays42, les réflexions sur les modèles de gouvernances des sociétés commerciales, et l'influence sans cesse croissante des grandes sociétés anonymes sur l'économie mondiale, il est intéressant à plusieurs niveaux, de faire une étude sur le salarié dans les sociétés commerciales et ceci encore plus en droit OHADA qui nous sert de cadre spatiale d'étude.

D'une part, un intérêt théorique est à déceler de l'étude dans la mesure où elle permet d'apporter une contribution modeste à l'amélioration du droit des sociétés commerciales de l'OHADA compte tenu de leurs influences sur le développement économique que recherche l'organisation. Ainsi, elle permettra d'éclaircir le flou juridique qu'entretient le droit OHADA sur la place du salarié dans l'entreprise. Flou juridique pourtant inutile et qu'il faut rapidement éclaircir vu que les multiples réflexions liées à la recherche d'un meilleur modèle de gouvernance des entreprises de la zone OHADA placeront toujours la question de la participation salariale au coeur de leurs préoccupations43.

D'autre part, le sujet recèle un intérêt pratique pour les parties prenantes de la société commerciale. Il concerne à la fois le droit commercial et le droit social. Il permet aux acteurs économiques de l'OHADA et en particulier les sociétés anonymes, de mieux appréhender le phénomène de la gouvernance salariale, afin, si elles s'en trouvent convaincues de l'importance, de l'intégrer dans leur gouvernance. Puisqu'il n'est plus à démontrer que l'amélioration des conditions de travail en général est un facteur majeur à l'amélioration du processus de production des valeurs, cette étude démontrera l'impact économique d'une plus forte implication des salariés dans le fonctionnement de la société commerciale.

À l'analyse de l'ensemble des textes régissant principalement les sociétés commerciales dans l'espace OHADA, il résulte qu'il y'a une faiblesse dans la participation non financière (Première partie) et un développement limité de la participation financière des salariés au fonctionnement de la société commerciale (Seconde partie).

42 Avec l'arrivée de la grande pandémie de la covid 19, les questions sur les nouvelles conditions de travail, de gouvernement d'entreprises sont à l'actualité ; De plus, le 10 Juillet 2020, cinq projet de loi étaient en étude au parlement camerounais et concernaient l'amélioration des conditions de travail des travailleurs.

43 On ne peut en effet parler de gouvernance de sociétés commerciales sans faire référence à la participation ou au rôle du salarié dans celles-ci. D'ailleurs, de la plupart (si ce n'est de la totalité) des études sur la gouvernance on constate que les auteurs accordent beaucoup d'importance à cette question qu'ils trouvent fondamentale pour la gouvernance.

PREMIÈRE PARTIE : LA FAIBLE IMPLICATION NON FINANCIÈRE
DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIÉTÉ
COMMERCIALE

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La participation politique ou non financière des salariés couvre la participation à la gestion et le droit à l'information de ces derniers. Il s'agit d'intégrer ces derniers dans les organes de gestion de l'entreprise et de mettre à leur disposition des informations assez suffisantes afin qu'ils puissent prévenir les crises ou lorsqu'elles sont déjà présentes, pour qu'ils participent à leur traitement.

En effet, deux situations caractérisent la vie d'une entreprise ; celle de l'entreprise en bonne santé ou in bonis44 qui renvoie à la gestion ordinaire et celle de l'entreprise en difficulté ou en crise qui appelle à une gestion exceptionnelle. Le droit commercial OHADA traite ces deux situations à travers deux livres notamment l'AUSC (pour le fonctionnement in bonis) et l'AUPCAP (pour le traitement des difficultés). On note à propos des révisions apportées à ces documents, une nette accentuation de l'implication des salariés dans les aspects non financiers du fonctionnement de l'entreprise. Mais, cette amélioration n'est pas si considérable car le législateur semble toujours réticent face à l'idée d'impliquer davantage les travailleurs dans les prises de décisions de l'entreprise. C'est devenu une tradition chez ce dernier, vu qu'en quatre livres, il survole juste la question en établissant un régime de participation très succinct. Ainsi, l'on note une participation insuffisante du salarié à la gestion ordinaire de l'entreprise (chapitre 1) et une implication toujours mitigée du salarié dans la gestion des crises de l'entreprise (chapitre 2).

44 On se souvient de Jules Romain qui dit que « tout homme bien portant est un malade qui s'ignore ». En réalité l'expression « in bonis » ne traduit pas l'absence totale de difficultés (ce qui est bien rare dans toute activité économique), mais la situation d'une entreprise qui est au contrôle souverain de son patrimoine, celle qui n'est pas dessaisie de ses pouvoirs de gestion en raison d'une liquidation des biens.

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CHAPITRE I : LA PARTICIPATION INSUFFISANTE DES SALARIÉS
À LA GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE

D'ordinaire, le fonctionnement de la société commerciale est assuré par l'assemblée générale d'actionnaires (organe délibérant), le ou les dirigeants (organe de gestion). Il s'agit des principaux acteurs entre les mains desquels s'opère une importante concentration des pouvoirs de la société. Le salarié n'en fait pas partir. Afin d'associer les salariés à ces hautes sphères du pouvoir décisionnel le droit des sociétés commerciales va recourir à plusieurs techniques. C'est dans cette logique que le droit OHADA consacre la possibilité pour un salarié de cumuler son contrat de travail avec un mandat social45 (section 1). Mais cette action est très limitée et ne suffit pas à améliorer la représentation des salariés à la gestion ordinaire d'où le souhait d'un renforcement (section 2).

SECTION I : LA CONSÉCRATION PRUDENTE DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL ET DU CONTRAT DE TRAVAIL

Les dirigeants sociaux sont souvent considérés comme des mandataires sociaux car ayant reçu mandat des associés pour diriger l'entreprise46. Ils ne sont donc pas des salariés et ne bénéficient pas des avantages liés à la législation sociale tels que l'assurance chômage et le régime protecteur des licenciements. Cependant, pour inclure le salarié à ce cercle décisionnel, il faut impérativement lui permettre de cumuler son emploi à un mandat social. C'est dans ce sens que l'article 426 de l'AUSC consacre, le cumul du mandat social d'administrateur et du contrat de travail en ces termes « sauf clause contraire des statuts, un salarié de la société peut être nommé administrateur (...) De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société (...) ». De la même façon, le législateur permet au salarié d'être simultanément président du Conseil d'Administration (art.481) ; il lui permet également d'accéder au directoire47 en devenant PDG (art.466), DG (art.489) etc. Toutefois,

45 D'après l'article 1984 alinéa 1 du Code civil, « le mandat ou procuration est l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

46 Bien que l'acte uniforme ait dépassé cette conception en conférant des pouvoirs légaux aux dirigeants sociaux.

47 Le directoire ici et dans les futurs développements de cette étude est entendu comme la direction générale. Mais l'on reconnait la différence existante entre les deux notions. En effet, le directoire est la direction générale des sociétés anonymes avec conseil de surveillance (à la place du conseil d'administration), forme née en

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ce « mariage d'intérêt »48 doit être admis de façon très prudente car les dirigeants sociaux, du fait de l'insécurité que leur confère leur mandat social, peuvent être tentés d'obtenir le contrat de travail dans l'unique dessein de bénéficier de la sécurité sociale qui en découle sans réellement effectuer la tâche qui devrait en correspondre ; de même, le salarié en devenant dirigeant social devient son propre employeur, ce qui est de nature à biaiser les règles de l'exécution du travail salarial. Compte tenu de tous ces dangers, le législateur a sécurisé la formule du cumul de fonctions en exigeant le respect de certaines conditions (paragraphe 1) avant qu'elle produise ses effets (paragraphe 2).

PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL ET DU
CONTRAT DE TRAVAIL

L'article 426 de l'AUSC49 énonce clairement que le salarié ne peut être nommé administrateur que « si son contrat de travail correspond à un emploi effectif », de même qu'« un administrateur [ne] peut conclure un contrat de travail avec la société [que] si ce contrat correspond à un emploi effectif ». Énonçant ces conditions pour le mariage du salarié et de l'administrateur dans les sociétés anonymes avec conseil d'administration, le législateur va les généraliser pour tous les postes de la gestion de l'entreprise50 ; aussi, il les étend aux sociétés par actions simplifiées (S.A.S)51. Concernant la SARL et les sociétés de personnes, il est taciturne. Mais, ce silence n'implique pas que le cumul n'y est pas permis car rien n'empêche un gérant de cumuler un contrat de travail avec sa structure. Pour cela, il devra comme tous les dirigeants des sociétés précitées, se rassurer que ce contrat de travail correspond à un emploi effectif et sérieux (A), et si ce contrat intervient après sa prise de fonction en tant que dirigeant, il devra en plus observer la procédure particulière des conventions réglementées (B).

Allemagne et également utilisée en France. Voir, MERLE (P.), Droit des sociétés commerciales, 20ème éd., Dalloz, Paris, 2017, p. 559.

48 DAUXERRE (L.), « Le cumul du contrat de travail et d'un mandat social : mariage d'intérêts ? », JCP, éd. Spéciale, 2007, p. 1049.

49 « Sauf clause contraire des statuts, un salarié de l'entreprise peut être nommé administrateur si son contrat de travail correspond à un emploi effectif. De même, un administrateur peut conclure un contrat de travail avec la société si ce contrat correspond à un emploi effectif. Dans ce cas, le contrat est soumis aux dispositions des articles 438 et suivants ci-après. »

50 Articles 466, 473, 481, 489, 499, 513.

51 L'article 853-3 élargit le régime juridique des S.A aux S.A.S en affirmant que les règles concernant les S.A sont applicables aux S.A.S dans mesure où elles sont compatibles avec les dispositions spéciales de cette dernière.

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A - La condition principale de l'effectivité de l'emploi

« Le contrat de travail est une convention par laquelle un travailleur s'engage à mettre son activité professionnelle sous l'autorité et la direction d'un employeur, en contrepartie d'une rémunération »52. Pour qu'il soit cumulé à un mandat social, il faudrait absolument qu'il corresponde à un emploi effectif et sérieux. Ceci dit, au risque d'être considéré comme un emploi fictif, l'on doit facilement pouvoir distinguer les fonctions techniques issues de ce contrat de travail à celles issues du mandat social (1), observer aisément l'existence d'un lien de subordination (2), et l'existence d'une dualité de rémunérations (3).

1- La distinction des fonctions techniques des fonctions sociales

Le dirigeant social cumulard est appelé à exercer les tâches sociales qui lui sont dues en vertu de son mandat social avec des tâches salariales résultant de son contrat de travail. Cette situation étant de nature à créer un risque de confusion entre les deux fonctions, le cumul ne sera admis que lorsque les fonctions sociales ou administratives (contrôle et direction de l'entreprise) seront indépendantes et facilement dissociables des fonctions techniques issues du contrat de travail. C'est l'exigence que posait déjà la Cour commune de justice et d'arbitrage en 201253.

Cette distinction est facilement observable lorsque le contrat de travail est antérieur au mandat social, et c'est une des raisons pour lesquelles en France, à la différence de la zone OHADA, il est en principe interdit aux administrateurs de devenir également salariés de la même société54.

Ainsi, les juges pour constater si les conditions sont réunies, ne se bornent pas simplement à observer l'existence d'un contrat de travail, mais s'assurent que les tâches qui y sont précisées correspondent à des fonctions techniques existantes dans l'entreprise55 et que leurs exécutions ne donnent pas lieu à confusion avec les tâches liées à la qualité de

52 Art. 23 du Code du travail camerounais.

53 CCJA, 1ère chambre arrêt n°013/2012 du 08 mars 2012 : ohadata J-14-90.

54 Article L. 225-2-1 du code de commerce français. L'administrateur qui désire avoir un contrat de travail avec la société qu'il contrôle doit démissionner de son poste. Encore faut-il que cette démission ne constitue pas une fraude : ce sera le cas lorsque la démission ne sera pas publiée et que la conclusion du contrat de travail suivra immédiatement. Cependant, l'administrateur peut l'obtenir à condition que son entreprise soit une PME au sens de l'article 2 de l'annexe à la recommandation 2003/361/ CE de la Commission Européenne, du 6 mai 2003, concernant la définition des micros, petites et moyennes entreprises.

55 Dans ce sens, il est conseillé aux parties au contrat de travail, de le rédiger par écrit, et y préciser ainsi que dans les bulletins de salaire, la nature et la qualité des tâches à exercer.

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mandataire social. C'est d'ailleurs la position retenue par la CCJA dans l'affaire opposant la Banque Nationale d'Investissement de Côte d'Ivoire dite BNI à sieur AKOBE Georges56.

Dans cette recherche, il serait convenable pour les juges comme l'a si bien relevé un auteur, de considérer que la fonction de mandataire social relève de l'objet social statutaire de la société tandis que les fonctions techniques du contrat de travail relève de son objet social réel, c'est-à-dire de l'activité réellement exercée57. Ainsi, implicitement, il semble que la dualité de fonctions ne soit possible que dans les entreprises de grandes tailles dans la mesure où le risque de confusion est moins grand58.

Cependant, il importe de préciser qu'en droit OHADA, un grave danger plane avec les comités d'études prévus à l'article 437. En effet, rien n'empêche à un administrateur, membre d'un comité, de devenir salarié et rien n'empêche également à un administrateur-salarié d'être membre d'un comité d'entreprise, or il s'avère que les tâches du comité d'entreprise ne sont pas loin d'être des fonctions techniques. Les membres de ces comités risquent de se prévaloir de ce statut et de ces tâches pour prétexter l'existence d'un contrat de travail. Une précision législative est alors nécessaire à ce niveau.

Il serait en outre plus sécurisant d'exiger des salariés qui deviennent dirigeants sociaux, de suspendre automatiquement le contrat de travail lorsque les fonctions sociales sont susceptibles d'absorber les fonctions techniques du travail59, eu égard au fait que cette suspension n'entrave pas la qualité de salarié. Cette exigence de la cour de cassation française60 peut se justifier par la fragilisation du lien de subordination.

2- L'évidence du lien de subordination

Un emploi n'est effectif que s'il met en évidence le critère même du contrat de travail qu'est le lien de subordination juridique. Il s'agit de la situation de dépendance du travailleur qui exécute le travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des instructions, des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution, les résultats et d'en

56 CCJA, 1ère chambre, arrêt du N°003/2015 du 12 février 2015, affaire Banque Nationale d'Investissement dite BNI contre AKOBE Georges Armand. OHADA J-16-03. [En ligne sur] https://juricaf.org/arret/OHADA-COURCOMMUNEDEJUSTICEETDARBITRAGE-20150212-0032015, (consulté le 08 Août 2020).

57 ADIDO (R.), précité, p. 61.

58 Ibid., p. 62.

59 Le code AFED-MEDEF en France recommande même une rupture automatique du contrat de travail pour les sociétés cotées.

60 La cour de cassation, Soc., 12 déc. 1990, n° 87-40.596, Bull. Joly 1991. 842, no 302, note de LE CANNU (P.) ; VATINET (V. R.), « Des hypothèses de non-cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social », Rev. Sociétés, 1999, pp. 273-284.

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sanctionner les manquements. Il suppose donc que le salarié exécute son travail sous l'autorité de l'employeur, or avec le cumul, il se trouve que l'employeur peut devenir à la fois salarié.

Pour que le cumul soit valable, le dirigeant salarié doit être placé dans une situation de subordonné envers la société ; ce qui implique qu'il reçoive des ordres, des instructions, et qu'il lui soit appliqué le pouvoir disciplinaire. Cependant, puisque c'est lui61 qui applique à l'égard des salariés le pouvoir disciplinaire de l'entreprise, à son propre égard, nait une complication qui ne peut être levée que par la suppression préalable de son statut de mandataire social. Et c'est là ce qui justifie que les dirigeants détenant la majorité du capital social, ne peuvent assurer l'effectivité du lien de subordination envers la société d'où l'interdiction à leur égard du cumul.

Dans le cas particulier où le contrat de travail du cumulard est exercé dans un secteur d'activité dirigé par une autre personne que lui à l'instar d'un chef d'établissement, la détermination de l'effectivité du lien de subordination devient complexe. C'est par exemple le cas lorsque le chef d'entreprise exécute son contrat de travail dans une division de son entreprise où il existe un chef de division de qui il reçoit des ordres. Dans ce cas, le dirigeant demeure l'employeur. Mais, le chef d'établissement ou de division où est exécuté le travail exerce par délégation, les principaux pouvoirs patronaux liés à l'exécution du contrat de travail. Ainsi, on ne devrait pas reprocher l'absence de subordination juridique. Le même raisonnement peut être utilisé dans le cadre des groupes de sociétés où un dirigeant obtient un contrat de travail avec une entreprise du groupe. Le lien de subordination ne sera pas remis en cause.

La preuve de l'existence du lien de subordination juridique incombe à celui qui argue l'existence d'un contrat de travail à savoir le cumulard. Mais dans cette tâche, il pourra être aidé par la véracité de l'exécution du travail62, par la méthode du faisceau des indices ou encore par la preuve de sa double rémunération.

3- L'existence d'une rémunération distincte

Comme tout travailleur, le dirigeant social qui a un contrat de travail devrait percevoir obligatoirement un salaire. Ce salaire est fixé selon les règles de la législation du travail tandis que la rémunération du mandat social se fait obligatoirement selon les règles de l'AUSCGIE.

61 Gérant dans les Sarl ; DG, ou PDG dans les S.A etc.

62 ADIDO (R.), précité, p. 69.

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S'il perçoit également une rémunération63 sous quelque forme que ce soit dans le cadre de son mandat social, cela ne devrait pas l'empêcher de percevoir parallèlement son salaire. De plus, un cumul de rétributions est interdit peu importe son montant considérable. Si l'on cumule dans le salaire, la rémunération du mandat social, l'on dira de ce dernier (trop élevé) qu'il est la preuve de la sinécure, et de là, du caractère ineffectif de l'emploi. Si l'on cumule le salaire dans la rémunération du mandat social, les juges concluront l'absence du contrat de travail en raison de l'absence de salaire.

Cependant, l'existence d'une rémunération distincte forme avec les autres conditions, des exigences cumulatives64 auxquelles l'AUSCGIE vient ajouter une supplémentaire lorsqu'un mandataire social veut avoir un contrat de travail.

B - La condition supplémentaire liée à la postérité du contrat de travail au mandat

social

Dans les sociétés anonymes, l'AUSCGIE permet aux administrateurs de conclure un contrat de travail à la condition supplémentaire de le soumettre à la procédure de contrôle des conventions règlementées65. Cette procédure a pour but de soumettre ledit contrat à l'autorisation préalable du conseil d'administration (1) puis à l'approbation de l'assemblée générale ordinaire (2). Cependant, il convient d'étendre la règle au-delà des administrateurs et l'appliquer ainsi également aux dirigeants non administrateurs. C'est ainsi, que nous pouvons constater que les sociétés dépourvues de conseil d'administration66 n'appliquent le contrôle des conventions que partiellement c'est-à-dire directement devant l'assemblé ordinaire d'actionnaires.

1- L'autorisation préalable du conseil d'administration

Toute convention entre la société anonyme et un de ses dirigeants doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration à peine de nullité67. C'est le cas du contrat de travail. L'article 440 de l'AUSCGIE précise que dans ce cas, l'administrateur concerné par

63 L'expression est conditionnée car, « le mandat est gratuit, s'il n'y a convention contraire », (article 1986 du Code civil) ; l'AUSCGIE confirme la règle avec des articles comme 325, 430, 431 alinéa 1.

64 C'est ce que l'on peut déduire de la décision de la cour cassation française qui estimait que l'existence d'une double rémunération ne justifiait pas que l'on ne recherche point la distinction entre les fonctions techniques salariales et les fonctions sociales. (Cass. Soc., 1er décembre 1993).

65 Articles 426 et 438.

66 C'est le cas de la S.A avec administrateur général, la S.A.S, la Sarl.

67 Mais il s'agit d'une nullité facultative en raison de la possibilité de régulariser par un vote spécial de l'assemblée générale ordinaire (article 447 de l'AUSCGIE).

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le contrat est tenu d'en informer le conseil d'administration qui l'autorise ou pas par un vote auquel il ne prend pas part sous peine de nullité de ladite autorisation. Mais dans la société anonyme sans conseil d'administration, l'administrateur général doit obtenir son autorisation préalable de l'assemblée générale à peine de nullité68.

Ensuite, dans un délai d'un mois à compter de sa conclusion, le PCA ou le PDG selon les cas, informe le commissaire aux comptes du contrat de travail qui a été autorisé par le conseil d'administration et le soumet à l'approbation finale de l'assemblé générale ordinaire statuant sur les comptes de l'exercice écoulé.

2- L'approbation finale de l'assemblée générale ordinaire

Le cumul doit être approuvé in fine par l'assemblée générale ordinaire annuelle des associés69. Le procédé d'approbation est sensiblement le même selon qu'on est dans une S.A, une Sarl, ou une SAS.

Dans la société anonyme avec conseil d'administration, le commissaire aux comptes après avoir reçu l'information du PCA, PDG ou de l'A.G, doit dresser un rapport spécial sur le contrat de travail autorisé à l'assemblée générale ordinaire qui l'approuve ou le désapprouve70. Ledit rapport doit être déposé au siège social au moins 15 jours avant la tenue de l'assemblée71 et son défaut entraine la nullité de toute délibération prise portant approbation du contrat de travail72. Et sous peine de nullité de la délibération, le dirigeant cumulard ne prend pas part au vote de même que ses actions ne sont pas prises en compte dans la détermination du quorum73. La principale différence avec la procédure d'approbation dans la Sarl ou la SAS, est liée au fait qu'en l'absence de CAC, le rapport spécial destiné aux propriétaires sociaux est dressé et présenté respectivement par le gérant ou le président. Cependant, le refus d'approbation de la l'assemblée n'entraine pas l'annulation du contrat de travail qui produit ses effets, au risque pour le cumulard de supporter les conséquences dommages pour la société74. Une fois toutes ces conditions réunies, sauf cas de fraude75, le cumul de fonctions devrait produire des effets précis.

68 Article 499 de l'AUSCGIE.

69 Toutefois, l'approbation de l'AGO n'intervient en fin de procédure que dans les sociétés avec conseil d'administration. Dans celles qui n'en n'ont pas, l'approbation est le seul mode de contrôle du contrat de travail.

70 Article 440 alinéa 3.

71 Article 442.

72 Article 440 alinéa 7.

73 Article 440 alinéa 5.

74 Articles 355, 443, 853-14 alinéa 4 de l'AUSCGIE.

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PARAGRAPHE II : LES EFFETS DU CUMUL DE FONCTIONS : LA
MODIFICATION DU STATUT DU DIRIGEANT

L'effet principal du cumul de fonctions est la modification du statut juridique du dirigeant qui se trouve désormais sous le règne du droit commercial et du droit social. La particularité est que le dirigeant qui était autrefois dans une situation inconfortable avec son mandat social, bénéficie désormais de la sécurité offerte par le régime protecteur du droit social. Mais nous nous limiterons à analyser ces effets au niveau de la responsabilité du nouveau dirigeant qui se trouve bouleversée (A) et de la cessation de ses fonctions (B).

A - Le bouleversement du régime de la responsabilité

Les dirigeants sociaux ont des pouvoirs de contrôle et de direction très étendus. Dans cette logique, ils engagent en principe la société dans tous les actes de gestions qu'ils posent. En contrepartie de ces prérogatives, ils peuvent voir leurs responsabilités individuelles ou solidaires engagées. Cependant, ayant également acquis le statut de salarié, ils voient aussi leurs responsabilités s'agrandir, bouleversant le contenu tant sur la responsabilité qu'il devait personnellement endosser (1) que sur celle que la société doit assumer à sa place (2).

1- La responsabilité personnelle du dirigeant-salarié

Individuellement, le dirigeant salarié peut voir sa propre responsabilité engagée en sa qualité de mandataire social ou de salarié, tant sur le plan civil que pénal.

La responsabilité civile du cumulard peut être engagée du point de vue de sa qualité de dirigeant, pour des fautes de gestion commises dans l'exercice de son mandat social76, en violation des statuts77, et ayant causé un préjudice à la société à travers une action sociale. L'action en réparation du dommage subit par la société doit être intentée par ce même dirigeant (action ut universi)78 ; mais si ce dernier ne le fait pas, la demande pourra être portée par un ou plusieurs actionnaires (action ut singuli)79.

75 CCJA, arrêt n°013/2012 du 08 mars 2012 : ohadata J-14-94 ; C.Cass. Française, Soc, 15 octobre 1970 - Bull civ, n°534. La fraude peut être liée au fait que le contrat de travail n'a été conclu que dans l'unique dessein d'entraver l'application d'une règle d'ordre publique comme le principe de la révocation ad nutum.

76 Il ne faut pas systématiquement assimiler les erreurs de gestion aux fautes de gestion. Le caractère fautif de la gestion pourra se déduire du comportement malhonnête ou négligent du dirigeant.

77 Articles 330 et 740 de l'AUSCGIE.

78 Article 166 de l'AUSCGIE.

79 Article 167 de l'AUSCGIE.

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Les tiers peuvent également exercer une action individuelle dans le but de mettre en oeuvre la responsabilité individuelle du dirigeant qui dans l'exercice de ses missions, leurs a commis du tort80. Certes, le principe est celui de la responsabilité de la société, mais l'exception est la responsabilité individuelle des organes ou représentants en cas de faute personnelle81. En l'absence de précisions législatives sur la nature réelle de cette faute, la jurisprudence comparée nous propose de retenir à ce titre qu'il s'agit d'une faute intentionnelle, d'une particulière gravité, séparable ou incompatible des fonctions normales, d'où la théorie de la faute séparable des fonctions82. La procédure voudrait que la tierce victime exerce l'action contre la société du dirigeant. Il revient à cette société de démontrer que la faute du dirigeant lui est personnellement imputable comme susmentionné.

La responsabilité civile du cumulard peut également être engagée du point de vue de son contrat de travail. À ce niveau, c'est un salarié qui est poursuivi. Ainsi, il lui sera très souvent reproché l'inexécution personnelle ou la mauvaise exécution du travail promis.

Sur le plan pénal, en sa qualité de dirigeant social, la responsabilité du dirigeant-salarié peut être engagée par la société pour des infractions aux dispositions législatives83 commises pendant l'exercice de ses fonctions84. Ces infractions peuvent être de commissions tel qu'un abus de biens sociaux85, ou d'omissions tel que le défaut de provocation de la désignation des commissaires aux comptes ou la non convocation de ces derniers aux assemblés générales86. En sa qualité de salarié, ce dernier peut voir sa responsabilité engagée lorsqu'il manque à ses obligations morales de confidentialité et de loyauté en divulguant par exemple illégalement, le secret professionnel87. Certains actes de ce dirigeant-salarié engage inéluctablement la responsabilité directe de la société.

2- La responsabilité de la société du fait du dirigeant-salarié

La société est en principe responsable de tous les actes délictuels ou pas, posés par ses organes ou représentant dans l'exercice de leurs fonctions.

80 Article 161 de l'AUSCGIE.

81 MOHO FOPA (É. A.) ; « Les fondements de la responsabilité des personnes morales en droit privé camerounais », Juridis périodique, n°120, oct.-nov.-déc. 2019, p. 146.

82 Ibid., pp. 146-147.

83 Ces dispositions législatives peuvent être des dispositions générales (Code pénal, législation sociale etc.) ou spéciales des sociétés commerciales (AUSCGIE).

84 Articles 330 et 740 de l'AUSCGIE.

85 Article 891 de l'AUSCGIE.

86 Article 897 de l'AUSCGIE.

87 Article 310 du code pénal camerounais.

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Sur le plan civil, la société doit répondre des faits dommageables commis par le dirigeant-salarié. Mais cette responsabilité à un double fondement, selon que le fait reproché a été posé par le cumulard ès qualité de dirigeant, ou de salarié.

D'une part, en qualité de dirigeant, les fautes commises par le cumulard engagent automatiquement la responsabilité personnelle de la société88 « sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'auteur réel et l'auteur présumé de la faute »89. Il s'agit là d'une application puriste de l'anthropomorphisme. Le dirigeant fait partie intégrante de la personne morale pour qui, il pense et agit.

D'autre part, entend que salariés, les actes que le dirigeant pose engage la responsabilité de la société, sur le fondement cette fois ci, de la responsabilité du fait d'autrui. Cette solution qui repose sur l'article 1384 du Code civil est logique. En effet, les salariés n'incarnent pas en principe directement la personne morale comme c'est le cas avec les dirigeants. Ils ne sont que des préposés de la société, car ils sont liés à elle par un lien de subordination. De ce fait, ils n'agissent que conformément aux ordres que leurs donnent la société, entendue comme leur commettant. C'est pourquoi, les fautes qu'ils commettent engagent la responsabilité indirecte de la société du fait des préposés.

Sur le plan pénal, les sociétés sont responsables des actes du dirigeant-salarié. En effet, elles sont automatiquement « responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants »90. On dit qu'il s'agit d'une responsabilité du fait personnel par représentation91. C'est une projection, une responsabilité subjective que l'on peut croire contraire au caractère personnel de la responsabilité pénale. Or en réalité, elle ne l'est pour plusieurs raisons. Premièrement, la société ne peut être qu'effectivement responsable dans la mesure où, « autrui » par qui est commis l'infraction, est une personne habilitée à engager juridiquement la société. Il s'agit ainsi des « organes ou représentants »92. La jurisprudence comparée affirme même que la notion d'organe ou représentant peut également viser des salariés93. Deuxièmement, ces représentants doivent impérativement avoir commis l'infraction pour le compte de la société.

Tous ces comportements négatifs du dirigeant salarié peuvent conduire aux ruptures de ses contrats avec la société.

88 Du moment où elles ne peuvent pas être considérées comme des fautes détachables de ses fonctions normales et par conséquent personnellement imputables.

89 MOHO FOPA (É. A.), précité, p. 145.

90 Article 74-1 a du Code pénal camerounais.

91 MBOGNING KENFACK (J. S.), « Le livre I du nouveau Code pénal camerounais : entre conservatisme et modernisation », RDIC, n°3, 2017, pp. 376 et s. ; MOHO FOPA (É. A.), précité, p. 151.

92 MOHO FOPA (É. A), précité, p. 152.

93 Idem.

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B - La cessation des fonctions des dirigeants salariés

« À un moment ou à un autre de la vie sociale, la question de la cessation des fonctions des dirigeants va se poser inéluctablement »94. Mais le mode de cessation des fonctions du dirigeant salarié le plus problématique est celui par lequel ses cocontractants décident de mettre fin prématurément à leurs relations contractuelles. Il s'agit de la révocation du mandat social ou du licenciement dans le cadre du contrat de travail. Puisque ces deux contrats sont réunis en une seule personne, des interférences entre les deux régimes de révocation s'opèrent logiquement. À titre illustratif, l'on peut constater que son licenciement ne peut s'opérer que par son employeur qui peut être lui-même, en vertu du mandat social. Ainsi, comment assurer son licenciement en cas de besoin ? Est-ce que sa révocation pourra emporter systématiquement son licenciement ? Avant de répondre à ces questions, il importe préalablement de préciser les règles des cessations de fonctions des dirigeants salariés.

En principe, la révocation des dirigeants sociaux est libre, et se fait par la seule volonté de l'assemblée générale ordinaire ou du conseil d'administration selon les cas : on parle de révocation ad nutum95. Le caractère d'ordre public de ce principe justifie que toute convention tel un contrat de travail qui a pour effet d'entraver ou de restreindre son efficacité soit interdite96. Dans ce sens, les juges de la CCJA ont qualifié de « moyen frauduleux » et annulé le contrat de travail d'un dirigeant social conclu dans le but de garantir la stabilité de son mandat social97. Quant au licenciement, sa mise en oeuvre ne donne pas autant de liberté à l'employeur que la révocation du mandat. Il ne peut être opéré que selon un motif légitime et réel au risque pour l'employeur de réparer le préjudice subi par le salarié du fait de la rupture abusive. L'on est donc en présence de deux modes de cessation de fonctions totalement autonomes.

De par les exclusivités de leurs régimes juridiques, la révocation du mandat social est autonome du licenciement : c'est le principe d'autonomie du mandat social et du contrat de travail98. Illustration de la sécurité dont jouit le dirigeant salarié par rapport au dirigeant non

94 AKAM AKAM (A.), « La cessation des fonctions des dirigeants des sociétés commerciales en droit OHADA », Revue d'étude et de recherche sur le droit et l'administration dans les pays d'Afrique (Afrilex), mars 2009, p. 1.

95 Outre le contrôle juridictionnel du « juste motif » que consacre l'AUSCGIE, les principales exceptions à la révocation ad nutum restent d'origines jurisprudentielle (le respect de la procédure du contradictoire dans la prise de décision de révocation), et pratique (l'utilisation des techniques des parachutes dorés, des stock-options et bien d'autres), in AKAM AKAM, précité, pp. 9-20.

96 Ibid., p. 10.

97 CCJA, arrêt n°013/2012 du 08 mars 2012 : ohadata J-14-94.

98 En droit français, ce principe n'admet d'exception que concernant le cumul des administrateurs représentants les salariés dans les sociétés : article L. 225-23 et L. 225-32 du Code de commerce.

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salarié, ce principe suppose que la révocation du mandat social ne saurait avoir d'incidences sur le contrat de travail et vice versa. D'une part, la révocation du dirigeant social n'emporte pas automatiquement son licenciement. Si la confiance entre les propriétaires de l'entreprise et leur dirigeant est devenue fragile, la simple révocation de ce dernier ne suffira pas à l'exclure totalement de l'entreprise, il faudra en plus que le nouveau dirigeant le licencie. D'autre part, la rupture du contrat de travail du dirigeant n'emporte pas automatiquement rupture de son mandat social. Dans l'hypothèse où le dirigeant social en qualité d'employeur refuserait de se licencier soit même, il faudra au préalable révoquer son mandat social, puis assurer le licenciement par le nouveau dirigeant.

Le régime juridique du cumul d'un mandat social avec un contrat de travail est la manifestation de la participation des salariés à la gestion des sociétés commerciales en droit OHADA. Il fait d'eux des administrateurs salariés ou des dirigeants salariés. Mais ce régime est fragile, ce qui justifie la nécessité de son renforcement.

SECTION II : LE RENFORCEMENT SOUHAITÉ DE LA PARTICIPATION DES
SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ

L'amélioration de la participation des salariés à la gestion ordinaire de la société passe nécessairement par l'amélioration du régime du cumul de fonctions (paragraphe 1), et la création des mécanismes collectifs de représentation des salariés dans la gestion (paragraphe 2).

PARAGRAPHE I : L'AMÉLIORATION DU RÉGIME DE LA REPRÉSENTATION
DES SALARIÉS DANS LES ORGANES DE GESTION

Les salariés participent à la gestion ordinaire de la société commerciale lorsqu'à travers le mécanisme du cumul de fonctions, ils sont appelés à contrôler ou à diriger l'entreprise. Ce cumul permet une représentation des salariés au sein du conseil d'administration et du directoire99. Mais en droit OHADA, son régime précédemment analysé se trouve limité par son caractère facultatif qu'il conviendrait de rendre obligatoire (A) et de repréciser les modalités de désignation des administrateurs salariés (B).

99 Rappelons qu'à ce niveau, la question de la représentation des salariés aux assemblées générales ne sera pas traitée.

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A - La suppression du caractère facultatif de la représentation des salariés dans le conseil d'administration

L'article 426 de l'AUSCGIE qui peut être considéré comme la consécration générale du cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail, a le mérite de faciliter l'entrée des salariés dans le gouvernement de l'entreprise. Cependant, il affirme comme tous ceux qui le suivent, le caractère facultatif de cette technique et va même jusqu'à donner la possibilité aux actionnaires de l'interdire dans les statuts. L'emploi de l'expression « sauf clause contraire des statuts » et du verbe « pouvoir » qui traduisent un exercice facultatif, illustre parfaitement cet état des choses. En raison du caractère conservateur des propriétaires du capital social, de leur haine de l'immixtion étrangère, cette possibilité qui leur est accordée de ne jamais faire intervenir les salariés dans leur affaire est de nature à les éloigner pour toujours de la gestion de l'entreprise. Ce choix du législateur OHADA peut s'explique par sa vision encore très centrée sur la volonté des investisseurs. Mais il rend encore difficile sa recherche d'un modèle idéal de gouvernance.

Néanmoins, l'on doit reconnaitre que le choix des membres du directoire doit rester totalement facultatif, car, les associés ou les administrateurs qui décident de la personne qui va exercer les fonctions de direction ou de gérance le font sur la base d'une confiance qui ne doit en aucun cas être occultée par les exigences de la gouvernance salariale. Ils doivent pouvoir choisir librement la personne qui leur fera gagner plus des bénéfices. En effet, ce serait une absurdité de dire que le ou les gérants d'une Sarl doivent être des salariés. En revanche, l'obligatoriété de la présence des salariés dans les organes de contrôle serait une aubaine pour la dynamisation de la gouvernance.

Dans la société anonyme, entendue comme la forme de société la mieux organisée, la présence des salariés dans le conseil d'administration devrait être obligatoire. Cette idée résulte du caractère et du rôle de cet organe. Entre les inconvénients et les avantages de leur présence pour la société, la balance penche au profit des seconds100. En réalité la présence des salariés au sein de cet organe collégial de contrôle de la direction, permet une vision transversale, plus réaliste dans la prise des décisions. Elle favorise également la logique participative, le dialogue, et la construction de la confiance entre partenaires sociaux101.

100GOMEZ (P. Y.), (dir.), Cahiers pour la réforme, La présence d'administrateurs salariés au conseil d'administration : cahier I, arguments et propositions, études effectuées par l'institut français de la gouvernance de l'EM Lyon, février 2005; GAURON (A.), CHARET (V.), « Réussir la mise en place des administrateurs salariés », presse des mines, Paris, 2014.

101 GAURON (A.), CHARET (V.), précité, p. 27.

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Dans ce sens, le droit OHADA gagnerait beaucoup à se rapprocher du modèle français actuel. En effet, en France, la présence des salariés au conseil d'administration est obligatoire102 si l'entreprise compte plus de 5000 salariés sur le sol français ou 10000 à travers le monde. Il ne faudra pas forcément élever autant les critères des entreprises contraintes, tant on sait la capacité des entreprises de la zone OHADA en moyenne inférieure à celle des européennes. Mais il serait également nécessaire de limiter le nombre de salariés présents au conseil d'administration pour ne pas en faire une sorte de syndicat des salariés.

Du moment qu'on contraint les entreprises à plus de représentativité salariale dans le conseil d'administration, la limitation du nombre de salariés capables de siéger au conseil avec voix fût-elle délibérative ou consultative, mérite d'être faite. Certes un nombre élevé de salariés au sein du conseil permet de créer une masse critique capable d'influencer les décisions, mais une limitation numérique permet de préserver l'équilibre de la société en évitant que le conseil d'administration ne soit étouffé par le « militantisme des salariés dont la principale préoccupation est l'amélioration des conditions de travail »103. En France, le nombre total ne peut dépasser le tiers des administrateurs en fonction. Il serait également nécessaire de repenser les modalités de cette représentation des salariés au C.A.

B - La redéfinition des modalités de désignation des administrateurs-salariés

En l'état actuel du droit OHADA, les salariés administrateurs sont soit désignés par les statuts ou l'assemblée générale constitutive104, soit nommés par l'assemblée générale ordinaire105. La déduction lamentable est que leur présence dépend de la volonté totale des actionnaires ; ce qui ne facilite pas considérablement la dynamisation de la gouvernance des sociétés anonymes. Il serait alors plus intéressant de faire recours en outre, à des modalités de représentativité plus participatives. L'élection par les salariés de leurs représentants au conseil d'administration serait un mode idoine.

Opposée de la nomination, l'élection est l'« opération par laquelle plusieurs individus ou groupes formant un collège électoral, investissent une personne d'un mandat ou d'une

102 Loi française de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013. Avant cette loi, il s'agit d'une faculté reconnue par les articles L. 225-27 et suivants du code de commerce.

103 KETTANI (M.), « Cumul du mandat social et du contrat de travail : analyse juridique et jurisprudentielle », Rev., juridique marocain, n°36, 2015.

104 Article 419 de l'AUSCGIE.

105 Article 546 de l'AUSCGIE.

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fonction par un vote »106. C'est le mode qui met en exergue une démocratisation des relations de travail. Il a l'avantage de donner une légitimité à l'administrateur salarié élu. Ainsi, tous les salariés composeront le collège électoral et voteront celui ou ceux d'entre eux qui les représenteront au conseil d'administration. Puisque ce modèle est très similaire à la représentation par les délégués du personnel, et que ces derniers en droit OHADA ne siège pas au conseil d'administration, on peut se demander s'il ne serait pas plus simple pour le législateur d'imposer la présence des délégués du personnel au conseil d'administration. La réponse nous appelle à faire recours au droit français.

Afin de maximiser la présence des représentants du personnel salarié dans les organes sociaux, le code de commerce français dispose que le mandat d'administrateur salarié est incompatible avec tout mandat de membre d'un organe de représentation des salariés107. Il importe de ne pas cumuler les deux fonctions de représentation sur une même personne.

Quant aux modalités de l'élection, il est possible de laisser aux statuts l'organisation du vote et d'imposer les conditions d'exercice du suffrage et d'éligibilité similaires à celles des délégués du personnel108. Mais en l'absence d'orientations législatives, ce serait encore abandonner la représentation à la volonté des actionnaires.

Une autre modalité intéressante est prévue par la loi française de 2013 sur la sécurisation de l'emploi et consiste en la désignation de l'administrateur salarié par le comité d'entreprise. Mais son application en droit OHADA nécessiterait au préalable qu'on crée des comités d'entreprises comme en France.

PARAGRAPHE II : LA PROMOTION DES ORGANES COLLÉGIAUX DE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DANS L'ENTREPRISE : L'INSPIRATION DES COMITÉS D'ENTREPRISES

Le comité d'entreprise est l'institution de représentation collective du personnel aux missions diverses, qui dans une entreprise, réunit sous la présidence du chef d'entreprise, des représentants élus du personnel et représentants de chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise109. Il n'existe pas en droit OHADA et le néophyte peut facilement l'assimiler à tort aux comités d'études prévues à l'article 437 de l'AUSCGIE.

106 CORNU (G.), (dir.) et Association Henri CAPITANT, Vocabulaire juridique, 12ème édition, PUF/Humensis, 2018, p. 432.

107 Article L. 225-30.

108 Article 168 du Code de travail camerounais et article 123 de l'Avant-projet d'acte uniforme relatif au droit du travail de 2006.

109 CORNU (G.), op. cit., p. 232 ; mais cette définition peut varier en fonction des pays.

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Seuls quelques États membres tels que le Gabon110, le Mali111, et la Mauritanie l'ont consacré dans leurs législations sociales. Or il s'agit d'un instrument de participation approprié pour l'amélioration de la place des salariés dans l'entreprise (B) et sa consécration par le législateur communautaire est nécessaire surtout au vu de l'inadéquation des institutions de représentation en vigueur (A).

A - Les comités d'entreprises justifiés par l'inadéquation des institutions de représentation consacrées

Dans la plupart des pays de l'OHADA, la seule institution de représentation des salariés qui permet une participation de ces derniers à l'intérieure de l'entreprise est le délégué du personnel112. Bien que le droit du Travail soit encore un « parent pauvre de l'OHADA »113, l'intention du législateur au regard de l'Avant-projet d'Acte Uniforme de 2006 relatif au droit du travail était de maintenir cette logique. Ainsi, l'article 165 de ce livre voulait imposer leurs élections dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Cependant, bien qu'armé de moyens considérables de défense des intérêts salariés dans la vie de l'entreprise, le délégué du personnel s'avère très faible et inadéquat à la participation des salariés dans la gestion de l'entreprise.

Vestige de l'héritage colonial, l'institution du délégué du personnel est introduite en Afrique par l'administration Française dès 1952 à travers le Code de Travail d'Outre-Mer (CTOM)114 qui dote les colonies françaises et les territoires sous administration française d'un code de travail propre. Elle a pour mission de présenter à l'employeur, les revendications individuelles ou collectives des travailleurs concernant les conditions de travail que ces derniers ne peuvent faire directement ; de veiller au respect de la législation sociale par l'employeur ; de communiquer à l'employeur toutes suggestions et observations du personnel tendant à l'amélioration de l'organisation et du rendement de l'entreprise.

Cependant, en raison de plusieurs lacunes, le délégué du personnel ne permet pas une suffisante participation des salariés au fonctionnement ordinaire de l'entreprise. D'une part, il

110 Adoptés sous le nom de « comités permanents de concertation économique et sociale » par l'ordonnance n°29/76 du 10 avril 1976 et le décret n°407 du 10 avril 1976.

111 Adoptés par le code du travail sous le nom de « comités de gestion ».

112 Article 122 du Code du travail camerounais.

113 REIS (P.), « Le droit du travail dans le droit OHADA », Revue de l'OHADA, n°1 de juin 2012, p. 244.

114 Loi française du 15 décembre 1952 ; v. SIM (R.), Le délégué du personnel : Une institution démocratique en droit de travail, Presses de l'UCAC, Yaoundé, 2007.

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est un organe individuel de participation ; ce qui est très dangereux115. Ainsi, parce que mal organisé, il lui est difficile d'influencer les décisions de l'employeur. De plus, parce qu'il s'agit d'une personne, l'interprétation des réclamations par ce dernier peut être biaisée par son analyse personnelle. Ceci justifiera très souvent que les salariés s'en passent de lui et présentent directement leurs suggestions et réclamations à l'employeur116. Le système de représentation dès lors perd sa raison d'être.

D'autre part, les délégués du personnel n'ont pas une influence sur les décisions économiques de l'entreprise. Ils ne savent rien de la vie économique de l'entreprise et sont vis-à-vis de l'employeur dans une position qui interdit toute ténacité117. En effet, l'objectif de la participation et plus largement de la gouvernance d'entreprises se trouve ignoré lorsque le système de participation en vigueur ne permet pas aux salariés de se prononcer sur les décisions économiques de l'entité. Certes, il est permis aux délégués du personnel « de communiquer à l'employeur toutes suggestions utiles tendant à l'amélioration de l'organisation et du rendement de l'entreprise »118, mais il s'agit là d'un exercice facultatif. L'employeur n'est pas obligé de requérir leur avis sur les décisions y relatives comme ce serait le cas avec le comité d'entreprise ou encore de les informer de la vie économique de l'entreprise. À ce niveau, on peut bien se demander si le législateur n'a pas plutôt servit de la « fausse monnaie » aux travailleurs119.

Le délégué du personnel a un rôle essentiellement tourné vers l'amélioration des conditions de travail. Du coup, son impact sur la vie économique n'est pas visible. Il est de ce fait perçu très négativement comme un instrument de lutte des classes par les dirigeants qui vont très vite développer la pratique des réponses écrites aux réclamations des délégués du personnel afin d'éviter les contacts directs avec eux120. Ceci crée une situation conflictuelle constante entre le directoire et le délégué du personnel de laquelle le premier ressort très souvent vainqueur en dépit de la protection législative accordée au second121.

115 TAM (P.), L'institution des comités d'entreprise en droit du travail camerounais, mémoire, Université de Yaoundé 2, année 1988-1989, pp. 22 et s.

116 Les textes relatifs aux délégués du personnel leurs en donnent le droit. C'est le cas de l'article 129 du code de travail camerounais et 179 de l'avant-projet précité.

117 POUGOUÉ (P.-G.), TCHAKOUA (J. M.), « Le difficile enracinement de la négociation en droit du travail camerounais », Afrilex, 2000, p. 3.

118 Article 128 du code du travail ; Voir également l'article 178 de l'avant-projet précité. Mais il s'agit là d'une prérogative reconnue lorsqu'il n'y a pas de comité d'entreprises.

119 POUGOUÉ (P.-G.), TCHAKOUA (J. M.), précité, p. 3.

120 LE CROM (J.P.), op. cit., p. 73.

121 Idem.

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Devenu une institution en difficulté dont le rôle dans la démocratie d'entreprises est contesté, le délégué du personnel voit son déclin s'annoncer122. Un déclin facilité par la simplicité des mécanismes de participation tel le cumul de fonctions, ou la pertinence des institutions collectives de représentation tel les comités d'entreprises.

B - Les comités d'entreprises justifiés par leur pertinence

Institués en France par l'ordonnance du 22 février 1945 et la loi N°46-1065 du 16 mai 1946, les comités d'entreprises sont des institutions collectives de représentation des salariés au sein de l'entreprise. Leur consécration en droit OHADA serait judicieuse car ils permettent mieux que les mécanismes existants à savoir le cumul d'emploi et le délégué du personnel, une meilleure implication des salariés dans la gestion ordinaire de l'entreprise. Certainement que la réticence des législateurs de l'OHADA et de quelques pays qui ne l'ont pas encore consacré tel que le Cameroun peut s'expliquer par le contexte de pauvreté, le désir de développement économique, d'attractivité des investisseurs dont on craint la réaction s'ils voient leur patronat affaiblit par celui des salariés. Cependant, cette justification peut s'avérer inexacte ou mal fondée car, la France du général de Gaulle après la libération, a imaginé ce mécanisme dans ses réformes structurelles afin de booster les performances et le rendement des entreprises et remédier de ce fait à la situation économique catastrophique de cette époque123. Au regard du succès que ce fût, on peut dire qu'ils ne sont pas des moyens d'affaiblissement du patronat. En outre, le choix des délégués du personnel au détriment des comités d'entreprises s'explique difficilement compte tenu du fait que les deux institutions sont consacrées à la même époque124. Il aurait été judicieux de tenter les deux expériences.

Loin de vouloir pousser le législateur à un mimétisme qu'on lui a souvent reproché, l'objectif de cette proposition est d'affirmer l'importance d'un modèle de représentation très pertinent au regard de sa composition mixte, qui fait intervenir différents acteurs sociaux (chef d'entreprise, représentants élus des salariés, représentants syndicaux : ce qui favorise les concertations entre le dirigeant et les salariés), mais plus particulièrement au regard de son rôle.

122 Ibid, p. 173.

123 LE CROM (J. P.), « La naissance des comités d'entreprise : une révolution par la loi ? », Travail et Emploi, n°63, p. 59.

124 Le délégué du personnel est consacré en France d'abord sous l'appellation de délégué d'ouvriers par la loi du 24 juin 1936 puis sous la forme actuelle par la loi du 16 avril 1946.

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Le comité d'entreprise a une composition mixte qui regroupe à la fois des membres du directoire, des représentants du personnel, des représentants syndicaux et parfois bien d'autres. C'est le cas en France, où il est présidé par le chef d'entreprise. Au Gabon, il inclut aussi des représentants des actionnaires désignés par l'assemblée générale. Cette diversité de membres, permet de faciliter le dialogue social et donne au comité une meilleure efficacité.

Le rôle du comité d'entreprise découle de ses attributs économiques125 et socio-culturels126. D'une part, il est un organe de concertation et de contrôle de la gestion car il est chargé de suivre l'évolution de l'entreprise grâce aux informations qui lui sont fournies127 et d'agir sur les décisions du directoire en émettant des avis. En France, la loi du 1er mars 1984 sur la prévention des difficultés des entreprises a considérablement renforcé ses pouvoirs et en a fait un organe de contrôle de la gestion en lui octroyant un droit d'alerte128 aussi important que celui des associés, le droit de demander la récusation du commissaire aux comptes129, le recours à l'expertise de gestion130. La loi de 2001 sur les nouvelles régulations économiques est venue par la suite ainsi que plusieurs autres renforcer davantage ce pouvoir des comités d'entreprises en lui octroyant de prérogatives de plus en plus importantes131. Ces comités participent d'ailleurs obligatoirement aux conseils d'administrations des sociétés anonymes avec voies consultatives132.

Cependant, il ne s'agit par d'un organe de contrôle ordinaire car il n'a pas un pouvoir de contrainte si ce n'est qu'une simple influence sur la décision avant qu'elle ne soit prise. Par mesure de prudence, et afin qu'il ne constitue une menace pour l'autorité du chef d'entreprise, l'on ne lui a confié qu'un droit de consultation dont l'avis issu ne lie pas l'employeur puisqu'il ne s'agit pas là d'une cogestion133. Dans le domaine économique, le comité d'entreprise n'est pas un organe de décision, car le dirigeant ayant aux yeux du monde la responsabilité de l'affaire qu'il dirige, il est important de lui laisser une autorité

125 Article L. 2323-1 et suivants du Code de travail français, annoté par TEYSSIÉ (B.), 32ème édition, LexisNexis, 2017 ; URBAN (Q.), « Comité d'entreprises (Rôle et attributions en matière économique) », Répertoire du droit du travail, janvier 2014 ; infra, Chapitre 2, Section 2, §1, A : La consécration nécessaire d'un véritable droit à l'information des salariés.

126 Article L. 2323-83 et suivants, du code du travail précité ; ORTSCHEIDT (P.), « Comité d'entreprise (Activités sociales et culturelles) », Répertoire du droit du travail, Janvier 2013.

127 Articles L. 2323-2 à L. 2323-45 ; art. L. 2323-55 du C.trav. Français

128 Article L. 2323-78 à 82 du C.trav., français.

129 Article L. 225-230 du C.ce., français.

130 Article L. 225-231 du C.ce., français.

131 MERLE (P.), op.cit., pp. 666-667.

132 Article L. 2323-62 à L. 2323-66 du C.trav. Français.

133 « Il faut (...) se garder d'utiliser le qualificatif de cogestion, qui impliquerait une participation active aux décisions de l'employeur. Le comité d'entreprise ne dispose pas non plus d'un pouvoir de négociation (...) », URBAN (Q.), précité, p. 5.

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correspondante à cette responsabilité134. C'est d'ailleurs pourquoi il est consacré en Mauritanie comme un organe consultatif d'entreprise et au Gabon comme un organe de concertation.

D'autre part, le comité d'entreprise a pour rôle de représenter les salariés et d'exprimer leur intérêt dans la gestion en ce sens que son objet est « d'assurer une expression collective des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière, à l'organisation du travail et aux techniques de production »135. Il devient ainsi un instrument incontournable de la démocratie d'entreprise, un acteur important du droit des sociétés commerciales136

134 LE CROM (J. P.), op. cit., p. 47.

135 Ancien article L. 2323-1 du Code de travail français, cité par FRANCONI (V.), L'actualité des attributions du comité d'entreprises en matière économique, thèse, université Lumière Lyon 2, 15 novembre 2010, p. 14.

136 TAQUET (F.), L'amélioration des conditions d'informations des comités d'entreprises, JCP E, 2001, p. 1205, cité par MERLE (P.), op. cit., p. 667.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

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Il ressort des précédents développements que le droit OHADA se sert des formules du cumul d'un mandat social avec un contrat de travail et du délégué du personnel prévu dans les législations sociales des États membres pour faire davantage participer les salariés à la gestion de la société in bonis. Cependant, cette participation s'avère très insuffisante en raison des carences du régime de cumul de fonctions et de l'absence d'institutions de représentation collective des salariés tel que le comité d'entreprise. L'on pense au regard des analyses qui ont précédées qu'il est nécessaire de rendre obligatoire la participation des salariés dans les organes dirigeants de l'entreprise en supprimant le caractère facultatif de l'administrateur salarié, et en consacrant une institution collective de représentation tel que le comité d'entreprise. De même en temps de difficultés, les salariés devraient être très impliqués dans la gestion de la société.

CHAPITRE II : L'IMPLICATION MITIGÉE DES SALARIÉS DANS LA
GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE

Lorsque se présentent les difficultés économiques ou financières, la gestion de la société devient extraordinaire. Ces difficultés peuvent être légères ou sérieuses, et nécessiter respectivement une action extra judiciaire appelée la conciliation ou une action judiciaire appelée règlement préventif. Mais ces difficultés peuvent êtres très graves et plonger l'entreprise dans une situation de crise économique dite de la cessation des paiements : cette dernière nécessitera un traitement spécial selon que l'entreprise peut être sauvée (redressement judiciaire) ou pas (liquidation des biens). Les conséquences de ces situations sont si importantes que toutes les parties prenantes de l'entreprise devraient s'impliquer dans leurs résolutions. Les salariés, parce qu'ils sont le relais entre la vie interne et externe de l'entreprise, sont plus susceptibles de maitriser les causes du/des problème(s), de le(s) détecter très rapidement, et avoir ainsi des idées de résolution. Parce qu'ils sont (on pourrait dire) autant affectés que les associés et les créanciers, par l'issue de la procédure, ils devraient logiquement être impliqués dans leurs traitements. C'est la raison pour laquelle les procédures collectives qui visent à résoudre ces difficultés ne peuvent se faire sans l'intervention des salariés ou de leurs représentants. Mais le droit OHADA à travers son AUPCAP, laisse perdurer les réminiscences d'une gestion exclusive des salariés. Il semble moins en faire des acteurs que de simples « spectateurs ou victimes »137. Dans ce sens, puisqu'il implique de façon très mitigée les salariés dans la gestion des crises économiques de l'entreprise (section 1) il est nécessaire de chercher les moyens qui favoriseront une meilleure participation des salariés (section 2).

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137 YANPELDA (V.), « Les salariés dans les procédures collectives OHADA. Acteurs ou spectateurs ? », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, n°1, 2011, p. 37. Les salariés sont des spectateurs s'ils n'agissent pas et des victimes lorsqu'ils subissent l'impact des difficultés à travers notamment les licenciements, les reclassements etc.

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SECTION I : LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ LIMITÉE À L'EXISTENCE DE LA CESSATION DES PAIEMENTS

En droit OHADA des entreprises, les salariés sont impliqués dans la gestion des difficultés économiques de leurs employeurs. Mais cette implication est mitigée pour plusieurs raisons. Déjà, si le salarié n'est pas également associé/actionnaire, ou dirigeant, il est impuissant dans la prévention de la cessation des paiements (crise économique138) de son entreprise alors même que les restructurations qui peuvent en sortir sont susceptibles de l'affecter139. Il ne peut s'exprimer qu'en cas de cessation des paiements140 en provoquant l'ouverture des procédures curatives (paragraphe 1), ou en accordant des concessions sur ses avantages (paragraphe 2) en vue de la résolution de la crise.

PARAGRAPHE I : LA POSSIBILITÉ D'OUVERTURE DES PROCÉDURES
COLLECTIVES CURATIVES PAR LES SALARIÉS

En principe, l'ouverture d'une procédure collective curative est l'apanage du débiteur qui est obligé de déclarer sa cessation des paiements141. Mais n'ayant pas « l'assurance que le débiteur y défère spontanément »142, le législateur a étendu le champ de compétence à plusieurs autres personnes. Ainsi, explicitement, l'acte uniforme donne la possibilité aux salariés de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire soit en tant que créancier de l'entreprise (A), soit en tant qu'informateur du juge compétent en vue de sa saisine d'office (B).

138 La crise économique est entendue ici comme toute difficulté économique ou financière de nature à compromettre le fonctionnement normal de l'entreprise.

139 La quasi exclusion du salarié des procédures préventives peut s'expliquer par le fait qu'à cette étape des crises, la société étant toujours in bonis, sa gestion est toujours normale, ses dirigeants de ce fait ont toujours l'exclusivité de tous leurs pouvoirs de gestion. Les procédures préventives étant considérées comme des actes de gestion. Aussi, ces procédures ont été instituées dans l'intérêt du débiteur pour qui, elles sont des moyens de protection judiciaires, et qui seul, peut décider de leur opportunité ; Voir, KOUAMO (D.R.), L'implication du salarié dans la prévention et le traitement des difficultés entreprises dans l'espace OHADA. Le cas du Cameroun, thèse, Université de Nantes, 9 janvier 2018, p. 179-182.

140 Article 25 al.2 de l'AUPCAP : « La cessation des paiements est l'état où le débiteur se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l'exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible ».

141 Article 25 et 228 de l'AUPCAP. 142KOUAMO (D.R.), op. cit., p. 227.

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A - L'action individuelle des salariés en tant que créanciers de la société

À la différence des procédures préventives d'apurement du passif, l'AUPCAP élargit le champ des requérants d'une ouverture des procédures curatives. D'après l'article 28, l'orée de ces procédures peut être l'initiative d'un créancier qui justifie d'une créance certaine, liquide et exigible, à l'encontre de l'entreprise débitrice. Ce dernier a le droit de saisir la juridiction compétente et demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens à l'encontre de son débiteur. L'initiative n'est plus l'apanage du débiteur comme c'est le cas avec les procédures préventives. Et ceci se justifie aisément par le fait que l'objectif poursuivi dans les procédures curatives n'est plus uniquement la protection du débiteur, mais plus largement, la défense des intérêts de toutes les parties prenantes (internes et externes) de l'entreprise. C'est également l'une des raisons de la restriction des pouvoirs de gestions des organes de la société à ce stade, à travers la gestion de la procédure par des acteurs externes, l'assistance ou le dessaisissement du débiteur143. Bref, les créanciers ont un intérêt à assigner le débiteur en justice en vue de demander son redressement ou sa liquidation. Cet intérêt à agir est d'ailleurs la condition sine qua none de l'assignation et se matérialise par l'exigence des caractères cumulatifs de certitude, liquidité et exigibilité de la créance144. Comme le rappelle le professeur KALIEU, « le droit d'assignation des créanciers n'est pas systématiquement mis en oeuvre. Il faut que le créancier ait un intérêt personnel à demander l'ouverture d'une procédure collective contre son débiteur », au risque de se verser dans un abus de droit d'ester145.

Le salarié dans la mesure où il est créancier envers son employeur de son salaire, a également la qualité pour demander l'ouverture d'une procédure curative en cas de retard ou de non-paiement. À cet effet, sa demande doit préciser la nature et le montant de sa créance et viser le titre sur lequel elle se fonde. Dans ce cas, la juridiction compétente statuant sur l'ouverture de la procédure « adéquate », peut entendre le salarié demandeur ou les représentants du personnel146.

Toutefois, il faut préciser que le salarié n'est pas un créancier ordinaire. Ceci dans la mesure où à la différence de tous les autres créanciers dans la masse, il bénéficie d'une

143 Chapitre 3 de l'AUPCAP.

144 Jl s'agit là des conditions cumulatives comme l'ont laissé entendre les juges : Arrêt Cour d'appel de Ouagadougou, n° 52 du 16 avril 2004, « SOSACO /BATEC, BTM », Ohadata J-08-20.

145 KALIEU ELONGO (Y. R.), « Notion de procédure collective », in Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy, 2011, p. 1259.

146 Article 32 al.1 de l'AUPCAP.

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protection légale : c'est le super privilège des salariés147. Il devra être désintéressé « au plus tard, dans les dix (10) jours qui suivent la décision d'ouverture et sur simple décision du juge-commissaire »148. Cette protection est due en raison de la nature alimentaire particulière de sa créance.

Cependant, ce n'est que très marginalement que l'on peut considérer cette action individuelle des salariés en qualité de créanciers comme des mesures de participation directe au traitement des crises de la société. En effet, elles contraignent ces derniers à n'agir que si leurs salaires n'ont pas été convenablement payés. Or, la cessation des paiements peut bien exister en l'absence d'une irrégularité dans le paiement des charges sociales. Il aurait été nécessaire de leurs consacrer un droit d'action directe sans besoin d'être créanciers car plus vite la crise est résolue, plus sûr est leur avenir et leur bien être dans l'entreprise. Malheureusement, en l'état actuel du droit des entreprises OHADA, aucune technique ne permet aux salariés lambda de faire une alerte tant au niveau interne (auprès des organes de contrôle) qu'au niveau externe (auprès d'une juridiction compétente) sur une crise dont ils ont connaissance. Pourtant, très souvent, ils s'enquièrent rapidement de l'existence d'une crise à travers leur place centrale dans l'entité contrairement aux autres créanciers. Or en l'absence d'un tel droit d'alerte à eux reconnu, la situation risque de s'envenimer en raison du manque de diligence des dirigeants optimistes sur leur capacité à résorber la crise. Il devient alors intéressant de s'interroger sur les moyens de participation du salarié non créancier ou lambda.

B - L'action collective des salariés en tant qu'informateurs de la juridiction

compétente

Le seul moyen pour les salariés non créanciers de déclencher l'ouverture d'une procédure collective est celui prévu à l'article 29 de l'AUPCAP. D'après cet article, « la juridiction compétente peut se saisir d'office notamment sur la base des informations fournies par (...) les membres de cette personne morale ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver cette saisine ». En réalité, il ne s'agit que d'une action indirecte dans la mesure où c'est la juridiction compétente qui se saisit d'office. Les salariés ici n'ont qu'un rôle d'incitateurs car ils ne font qu'informer le juge de

147 Article 95 de l'AUPCAP.

148 Article 96 al.1 de l'AUPCAP.

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l'existence d'une situation économique préoccupante149. Cette activité d'informateur peut être menée intentionnellement en vue de provoquer la saisine d'office du juge (déclaration) ou à d'autres fins (assignation pour paiement). La CCJA a d'ailleurs confirmé cette règle dans l'affaire SOCALIB150. En l'espèce, le collectif des travailleurs (maltraités) de la SOCALIB a assigné leur employeur auprès du tribunal d'instance de Ouesso dans le but d'obtenir le constat de l'abandon des employés et le paiement de leurs arriérés de salaire et autres droits conventionnels. À l'occasion de cette plainte, le juge est informé de l'ampleur des difficultés de la société et décide de passer outre les revendications du collectif pour constater la cessation des paiements et prononcer la liquidation de ses biens. Ainsi, la haute juridiction communautaire en reconnaissant que les juges du fond se sont « plutôt saisis d'office en raison des informations fournies par le collectif des salariés de la SOCALIB, pour prononcer la liquidation des biens de ladite société », reconnaissait par la même occasion, l'action indirecte des salariés en qualité d'informateurs judiciaires.

L'action d'information des salariés se trouve alors fusionnée dans la saisine d'office du juge. Cette saisine d'office du juge sur la base des informations des salariés, se justifie par « le fait que les procédures collectives d'apurement du passif sont d'intérêt général et d'ordre public »151. Il s'agit d'un mécanisme salutaire dans la mesure où il permet de retirer de l'emprise de la volonté du débiteur, l'initiative des procédures collectives152. Il permet de pallier au manque de diligence d'un débiteur en cessation des paiements qui par trop d'optimisme se permettrait de ne pas la déclarer et aggraver davantage la situation de l'entreprise.

Nonobstant toutes les difficultés juridiques posées par l'institution de la saisine d'office du juge153, on constate qu'elle permet en outre, une implication plus marquée des

149 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n°1503 du 27 avril 2002, affaire Compagnie multinationale aérienne Air Afrique, http://www.ohada.com, Ohadata J-5-49.

150 CCJA, 3e Chambre, Arrêt n° 32 du 08 décembre 2011, affaire : Société Congolaise Arabe Lybienne de Bois dite SOCALIB c/ Collectif des travailleurs de la SOCALIB, JURIDATA n°J032-12/2011 ; MOHO FOPA (É. A.), note sous jurisprudence, CCJA, 3e Chambre, Arrêt n° 32 du 08 décembre 2011, affaire : Société Congolaise Arabe Lybienne de Bois dite SOCALIB c/ Collectif des travailleurs de la SOCALIB, Juridis périodique n° 105, janvier-mars 2016, pp. 113-121.

151 MOHO FOPA (É. A.), précité, p. 116.

152 Ibidem, p. 117.

153 La saisine d'office du juge dans les procédures collectives a été sortie de l'ordonnancement juridique français par une décision du conseil constitutionnel du 07 décembre 2012 qui la considérait inconstitutionnel car étant de nature à violer le principe fondamentale d'une justice équitable mais a été maintenue en droit OHADA. D'une part, il pose véritablement problème car ne permet pas au juge d'être impartial dans son action, mais d'autre part, c'est un mal nécessaire dans la mesure où les procédures visées étant d'intérêt général, la saisine d'office permettra au juge d'assurer et de garantir efficacement cet intérêt. V. MOHO FOPA (É. A.), précité, p. 117 ; KOUAMO (D. R.), op. cit., pp. 228-230 ; BIBOUM BIKAY (F.), « Les pouvoirs d'office du juge des procédures collectives de l'organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) », Juridical Tribune, volume 5, Issue 2, Décembre 2015, p. 233-253.

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salariés dans le traitement des difficultés de leurs employeurs. En effet, on peut croire que le législateur utilise cette voie pour compenser l'impossibilité pour les salariés de déclencher une alerte. Car comme on l'a déjà précédemment dit et comme on le verra154, les salariés n'ont pas un droit d'alerte dans les sociétés commerciales OHADA. La saisine d'office du juge sur la base de leurs informations leur permet donc de déclencher une alerte externe afin de ralentir la chute de l'entreprise. Certes, le moyen est explicitement curatif, mais l'on peut aussi y voir une forme de prévention des difficultés dans la mesure où l'AUPCAP ne précise pas la qualité de l'information à fournir. Celle-ci peut être déterminante ou non ; en tout cas, elle ne lie pas le juge qui doit encore vérifier l'effectivité de la cessation des paiements. La seule mention concernant la qualité de l'information est qu'elle soit relative aux faits de nature à motiver la saisine d'office du juge. Alors, les salariés peuvent se fonder sur ce laxisme législatif pour exercer une action préventive sans être sûrs de l'effectivité de la cessation des paiements. Lorsqu'ils ont la connaissance de quelques difficultés que ce soit, ils saisissent le juge afin de pousser ce dernier à analyser la gestion de l'entreprise.

L'action, intentée dans un but préventif, pourra très bien aboutir. Ceci parce qu'après réception des informations, le juge entend le débiteur sur l'existence de la crise155. Ce dernier devra produire si le juge le veut, une série de documents prévus à l'article 26 parmi lesquels, les états financiers de synthèse, l'état de la trésorerie, un état des créances et des dettes de l'entreprise et bien d'autres. Ces documents permettent au juge d'exercer même s'il y'a pas encore cessation des paiements, un contrôle en vue de la prévenir. L'alerte des salariés aura donc produit ses effets.

Cependant, nait un problème, celui du risque d'une multiplication abusive des actions des salariés qui conduira à une immixtion exagérée du juge et fragilisera la gestion de la société. C'est pourquoi il faut instituer des moyens de garanties contre cet effet pervers. Certainement, qu'on pourrait se dire que l'exigence d'une représentation collective des salariés comme destinateur de l'information suffirait car à ce qu'il paraît, l'informateur doit avoir la qualité de représentant du personnel. Malheureusement, on n'en est pas très sûr car « l'énumération des destinateurs de l'information est loin d'être limitative »156, et rien n'indique les conditions dans lesquelles ces informations sont fournies au juge.

Une fois l'ouverture de la procédure prononcée, il importe de s'interroger sur le rôle des salariés dans son déroulement.

154 Infra, B : L'élargissement des mécanismes de contrôle de la gestion au profit des salariés.

155 Article 29 alinéa 3 et 4 de l'AUPCAP.

156 KALIEU ELONGO (Y. R.), précité, p. 1259.

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PARAGRAPHE II : L'IMPLICATION DES SALARIÉS DANS LE DÉROULEMENT DES PROCÉDURES CURATIVES

Durant le déroulement des mesures de traitement de la crise de l'entreprise, les salariés s'impliquent soit de façon représentative ou individuelle. Ces situations correspondent respectivement à l'action des contrôleurs représentant le personnel (A) ou aux concessions que font les salariés en vue de mettre un terme à la crise (B).

A - Le contrôleur salarié

Les salariés participent au déroulement des procédures de traitement des crises économiques (redressement judiciaire et liquidation des biens) de l'entreprise à travers leurs représentants que sont les contrôleurs. Ces contrôleurs sont des organes non judiciaires à part entière de la procédure. D'après l'article 48 de l'AUPCAP, « À toute époque de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, un (01) à cinq (05) contrôleurs peuvent être désignés par le juge commissaire parmi les créanciers non-salariés. (...). Lorsque le nombre de salariés est supérieur à dix (10) au cours des six (06) mois précédant la saisine de la juridiction compétente, le syndic invite le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, à désigner un salarié en qualité de contrôleur, dans un délai de vingt (20) jours à compter de la décision d'ouverture ». La participation des salariés est donc actée par le contrôleur-salarié. Il s'agit là d'une innovation par rapport à l'AUPCAP de 1999 qui ne prévoyait pas la place d'un salarié lambda comme contrôleur, et ceci dans le même esprit que le code de commerce français157. Ce dernier n'excluait pas qu'un salarié soit contrôleur mais à la condition qu'il soit un créancier. « À la faveur de la réforme, les salariés ont bénéficié de l'autonomisation de leur statut de contrôleur. Ils ne sont plus désignés contrôleurs en raison de leurs créances mais en raison de leur qualité de salariés »158.

Le contrôleur-salarié est un salarié désigné au sein de l'entreprise atteignant le seuil susmentionné par les institutions de représentation du personnel s'il y'en a, ou élu par les collègues dans le cas contraire. La personne ainsi désignée ou élue, est nommée en cette qualité par le juge-commissaire. Quand l'entreprise n'atteint pas le seuil exigé, le juge-commissaire est appelé à désigner un de façon discrétionnaire. Aucune précision n'est faite

157 Article L. 621-10 du C.ce. Français.

158 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 240.

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sur les conditions de ce salarié si ce n'est qu'il ne doit avoir aucun lien de parenté ou d'alliance avec les dirigeants de la société jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni détenir directement ou indirectement tout ou partie du capital ou des droits de vote de la société commerciale. Il ne peut en avoir qu'un seul dans l'entreprise.

Le contrôleur salarié permet de faire entendre la voix des salariés dans le déroulement des procédures. Il a une double mission159. D'une part, il a une mission de défense des intérêts des créanciers. Le fait que les syndics représentent presque tous les intérêts en jeu, justifie que l'on crée des contrôleurs chargés spécialement de la défense des intérêts des personnes qu'ils représentent ; le contrôleur salarié veille donc à la protection des intérêts des salariés160. Dans ce sens, il peut dans l'intérêt des salariés, demander la conclusion d'un contrat de location gérance en vue de la continuation des activités ou plutôt sa résiliation161.

D'autre part, le contrôleur salarié a une mission d'assistance du syndic dans ses fonctions et le juge commissaire dans sa surveillance du déroulement de la procédure. En fait, le contrôleur salarié facilite la tâche du juge commissaire en exerçant un contrôle sur l'activité du ou des syndics. À cette fin, il exerce plusieurs prérogatives qui varient selon le type de procédure. C'est ainsi que dans le redressement judiciaire, il a le droit de demander au syndic des comptes sur l'état de la procédure, des actes accomplis par ce dernier ainsi que des recettes et versements faits162. Si le syndic refuse son assistance pour accomplir des actes d'administration ou de disposition, le contrôleur peut l'y contraindre par une décision du juge commissaire163. Il peut même demander sa révocation auprès du juge commissaire164 : de telles prérogatives peuvent-être « de nature à obliger le syndic à effectuer une gestion saine de l'entreprise en difficulté »165.

Dans la liquidation des biens, ce contrôleur a comme tous les contrôleurs, un véritable droit d'information qui lui permet d'être obligatoirement consulté à l'occasion de la réalisation des biens du débiteur. Il assiste également à la vérification des créances produites dans la masse166. Il est obligatoirement informé chaque trimestre de la part du syndic de l'état de la liquidation des biens167.

159 Article 49 de l'AUPCAP.

160 KALIEU ELONGO (Y. R.), « Les organes des procédures collectives », in Encyclopédie du droit OHADA, Paris, Lamy, 2011, p. 1312.

161 Article 115 et 116 de l'AUPCAP.

162 Article 49 al.2 de l'AUPCAP.

163 Article 52 de l'AUPCAP.

164 Article 42 de l'AUPCAP.

165 YANPELDA (V.), précité, p. 39.

166 Article 84 de l'AUPCAP.

167 Article 169 de l'AUPCAP.

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À travers toutes les prérogatives qui précèdent, il apparait que le contrôleur salarié concoure au bon déroulement des procédures de traitement des difficultés de la société et à la préservation de l'intérêt des salariés qu'il représente168. Cette participation est accompagnée des concessions qu'accordent les salariés en vue de la résolution de la crise.

B - Les concessions salariales pour le traitement de la crise

Comme toutes les parties prenantes de l'entreprise, intéressées par la procédure de traitement en cours, les salariés peuvent consentir des concessions sur des droits et avantages qu'ils détiennent à son endroit en vue de sauver l'outil de production. Tous ces efforts ne seront en principe possibles que dans le plan de redressement judiciaire car la liquidation suppose déjà l'irréversibilité de la situation de l'entreprise. Les mesures de restructuration issues de ce plan de redressement peuvent même les amener à consentir à leur licenciement. Ainsi, ces efforts peuvent concerner leurs rémunérations et ne pas affecter le lien contractuel ou concerner leur statut dans l'entreprise et affecter le lien contractuel.

D'une part, les salariés peuvent faire des concessions sur leurs salaires échus. Toutefois, en raison de la nature particulière de cette créance, la loi a strictement encadré leur action. Sur leurs salaires déjà exigibles, les salariés peuvent accorder des délais supplémentaires de paiements, ou des remises partielles de dettes. Mais toutes ces concessions ne doivent pas porter atteinte au super privilège conféré à leur salaire car comme on l'a déjà dit, les salariés sont des créanciers protégés en raison de la nature alimentaire et fragile de leurs créances : l'article 134 de l'AUPCAP dispose à cet effet que, les travailleurs ne peuvent se voir imposer aucune remise ni délais excédant deux (02) ans sans préjudice des dispositions de l'article 96. Autrement dit, les salariés ne peuvent consentir ou se voir imposer des délais de grâce ou des remises partielles qu'exclusivement sur la quotité saisissable de leurs salaires. La fraction insaisissable représentant la nature alimentaire du salaire n'en-est aucunement concernée. La renonciation des salaires est un moyen providentiel de financement pour les entreprises en difficultés tant les charges salariales sont une faiblesse pour elles169.

En effet, c'est parce que le paiement intégral de la masse salariale pourrait saper les chances de redressement de l'entreprise et compromettre le paiement des autres créanciers

168 YANPELDA (V.), précité, p. 40.

169 MAGUEU KAMDEM (J. D.), Le financement des entreprises en difficultés en droit OHADA, thèse, Université de Dschang, 2016, p. 221.

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qu'il est permis aux salariés de faire des renonciations de salaires170. Afin que ces renonciations ou remises de dettes ne préjudicient au super privilège du salaire, elles doivent se faire suivant un formalisme rigoureux. À ce titre, l'article 177 de l'AUVE dispose qu'elles doivent se faire suivant les règles fixées par les législations sociales de chaque États membres171.

D'autre part, dans l'intérêt de l'entreprise, les mesures de restructurations liées aux difficultés économiques peuvent parfois imposer à l'employeur une réduction de son effectif. Cette réduction de l'effectif salarial implique logiquement des licenciements qui seront dits « pour motifs économiques ». C'est à ce moment que l'implication des salariés est louable car en disant en son article 110 que les licenciements économiques sont envisageables uniquement s'ils sont urgents ou indispensables, l'AUPC laisse aux parties une brèche pour le recours à d'autres solutions qui auraient le même effet de réduire l'importance des charges salariales.

L'entreprise est en crise, le salarié veut garder son emploi et l'employeur veut continuer l'activité avec les mêmes salariés : une négociation est alors très possible car comme le disait Jean Moulin, « les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la crise »172. Dans ce sens, ils pourront ensemble comme le prévoit le Code de travail camerounais, ouvrir des négociations pour des mesures alternatives. Au rang de ces mesures, « la réduction des heures de travail, le travail par roulement, le travail à temps partiel, le chômage technique, le réaménagement des primes, indemnités et avantages de toute nature, voire la réduction des salaires [à venir]»173. Ce n'est que lorsque le salarié « refuse par écrit » les mesures envisagées ou lorsqu'en dépit d'elles, les licenciements s'avèrent encore nécessaires qu'il est procédé aux licenciements pour motif économique. Ses charges salariales ainsi réduites, l'entreprise pourra relancer aisément son activité tout en évitant une rechute.

L'on retiendra donc que le droit OHADA des entreprises en difficultés envisage clairement la participation des salariés dans la gestion des difficultés de l'entreprise. Cependant, il la limite à la survenance de la cessation des paiements en leurs permettant d'ouvrir la procédure et de s'impliquer dans elle, ce qui nous emmène à rechercher comment améliorer cette participation.

170 Ibid.

171 Ibid., pp. 265-267.

172 Jean MOULIN, cité par GADRAT (M.), Restructurations et droit social, thèse, Université de Bordeaux, Tome 1, 9 décembre 2014, p. 17.

173 Article 40 alinéa 3 du Code de travail camerounais.

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SECTION II : LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER L'IMPLICATION DES SALARIÉS DANS LA GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ

Les apporteurs en capital semblent être les seuls intéressés au bien-être de l'entreprise d'après le droit OHADA. Or, les salariés sont également des parties prenantes autant intéressés de la bonne santé de leur employeur. Il serait judicieux aussi dans l'intérêt de l'entreprise que ces derniers soient impliqués dans la prévention des difficultés (§1) et que leur rôle soit renforcé lorsque surviennent les difficultés (§2).

PARAGRAPHE I : L'INSTAURATION SOUHAITABLE DES MÉCANISMES
PERMETTANT LA PRÉVENTION ET LA DÉTECTION DES DIFFICULTÉS PAR

LES SALARIÉS

En négligeant l'intérêt des salariés dans l'entreprise, le droit OHADA les a complètement exclus des mécanismes de prévention des difficultés de l'entreprise. Or étant des parties prenantes de l'entreprise qui ont également un intérêt à son bien-être, il serait bien de leur consacrer un véritable droit d'information (A) et de leur permettre d'utiliser aussi les mécanismes de contrôle de la gestion (B).

A - La consécration d'un véritable droit à l'information des salariés

Le droit à l'information est un pilier fondamental de la bonne gouvernance. Pour détecter des problèmes encore mineurs, il faut être vigilent ; l'idéal étant de disposer d'un système d'informations fiables sur l'état financier de l'entreprise qui révèlera très tôt des anomalies174. Or en droit OHADA, les salariés ne sont pas des destinataires de l'information économique. Ce droit est celui de quelques privilégiés dont le commissaire aux comptes, les associés/actionnaires. Il faut pénétrer les différentes législations sociales des États membres ou se référer à l'avant-projet d'acte uniforme relatif au droit du travail (de 2006) pour ramasser quelques bribes d'un droit à l'information à destination des salariés. Mais pour l'essentiel, ces informations ne concernent que les conditions de travail et non la vie économique de l'employeur.

174FIDEGNON (J.), Le règlement des procédures collectives par le tribunal de première instance de première classe de Cotonou, mémoire de fin de formation du cycle ii filière : Magistrature, Université d'Abomey Calavi-Bénin, 2011, p. x (résumé).

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L'on est donc favorable à un droit d'informations des travailleurs de la société commerciale qui s'accompagnerait d'un droit de consultation préalable sur des décisions économiques majeures. Dans ce sens, les institutions de représentation du personnel seraient les plus adaptées à exercer ce droit. Le droit français qui nous inspire dans cette proposition, accorde ce droit aux comités d'entreprises à travers ses attributs économiques175. Ainsi, à défaut de consacrer cette institution, l'on pourrait très bien s'approprier ses attributs.

Les destinateurs à savoir les dirigeants et le commissaire aux comptes doivent être obligés de mettre à la disposition des salariés des informations générales ou permanentes et des informations ponctuelles ou occasionnelles. Les employeurs doivent fournir par écrit, selon une périodicité préfixée (annuelle, trimestrielle, mensuelle etc.), des rapports sur la situation et les résultats de l'entreprise. Afin de ne pas les saturer avec des tâches superfétatoires. La nature de ces informations devrait être clairement précisée. Les destinateurs devront y être obligés, au risque d'être coupables de délit d'entrave176.

Le droit de consultation est logiquement le corolaire de l'information des salariés. L'information donnée aux salariés serait vaine si elle n'était pas accompagnée de la possibilité d'émettre leur avis. La consultation est donc le moyen qui permettra aux salariés de participer à la prise des décisions de l'employeur en émettant leur avis sur des questions importantes de l'entreprise. L'employeur devra préalablement consulter les représentants des salariés, requérir à leur avis avant de prendre la décision. En France, le code du travail rend cette consultation obligatoire en ce qui concerne les orientations stratégiques de l'entreprise ; la situation économique et financière de l'entreprise ; la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et d'emploi177. Ce droit permet aux salariés d'influencer dans l'entreprise et de contrôler la gestion du dirigeant. Mais pour ne pas devenir un facteur de division au sein de l'entreprise, il doit être limité aux décisions majeures et l'avis issu doit avoir un caractère consultatif et non délibératif. En plus des informations reçues, les salariés devraient bénéficier des mécanismes de contrôle de la gestion.

175 Code de travail français, Deuxième partie- Les relations collectives de travail, Livre3- Les institutions représentatives du personnel, Titre2- Comités d'entreprises, Chapitre3- Attributions, Section1- Attributions économiques.

176 Article L. 2328-1 du C.trav. Français ; AUZERO (G.), note de jurisprudence, Crim., 23 oct. 2007, n°0686.458, Bull. Joly 2008, vol.226, n°52.

177 Articles L. 2323-1 et L. 2323-6 du C.trav. Français, dans leurs versions modifiées par l'article 18 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015 précitée, entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

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B - L'élargissement des mécanismes de contrôle aux salariés

Les mécanismes de contrôle sont des moyens qui permettent d'éviter les difficultés économiques en contrôlant la gestion des dirigeants sociaux. Ils permettent à leurs initiateurs de s'impliquer davantage dans la marche de la société en menant des investigations sur sa gestion. En droit OHADA, ces mécanismes sont extrajudiciaires (procédure d'alerte) ou judiciaires (expertise de gestion et administration provisoire) et sont réservés à une minorité de privilégiés de laquelle est complètement exclu le salarié. Or, le salarié a autant d'intérêts que ces privilégiés dans le bon fonctionnement de la société ; ils devraient logiquement aussi en bénéficier.

Dans un premier temps, la santé de la société gagnerait à ce que les salariés bénéficient du droit d'alerte social. L'alerte est une procédure destinée à réveiller les dirigeants de la société178. Elle permet à ses initiateurs de protéger l'intérêt social en amenant le dirigeant de la société à prendre des mesures qui s'imposent pour remédier à la menace qui pèse sur l'entreprise179. En droit OHADA, elle appartient exclusivement aux commissaires aux comptes180 et aux associés/actionnaires181. Cette exclusion des salariés peut être justifiée par le fait qu'à ce moment, la situation de l'entreprise n'étant pas encore difficultueuse, la discrétion devrait guider la gestion du risque qui se présente. Or, il est de l'intérêt des salariés de protéger la société et sa santé financière. En plus, leur position centrale dans le fonctionnement de l'entreprise leur permet facilement de détecter les risques économiques de celle-ci. C'est ainsi qu'en France, depuis la loi du 1er mars 1984 sur la prévention des difficultés des entreprises, les salariés peuvent désormais intervenir dans le cadre de la procédure d'alerte lorsqu'ils ont connaissance des faits de nature à compromettre la situation ou l'avenir de l'entreprise182. L'amélioration de la participation des salariés dans la prévention des difficultés des sociétés commerciales OHADA passerait donc par une appropriation de la procédure d'alerte. Parallèlement, ladite procédure se trouverait renforcée si elle était élargie à leur profit.

La procédure d'alerte exercée par les travailleurs pourra être similaire à celle actuellement en vigueur. Ainsi, sous l'impulsion de leurs représentants, les salariés qui ont

178 NJANDEU (M.-A.), « La protection de la société commerciale en droit OHADA », in Les mutations juridiques dans le système OHADA, Paris, L'Harmattan, 2009, pp. 232-234.

179 Ibidem, p. 234.

180 Articles 150 à 152 (dans les sociétés autres que les sociétés par actions), et 153 à 157 (pour les sociétés de capitaux) de l'AUSCGIE.

181 Article 157 (dans les sociétés autres que les sociétés par actions) et 158 (dans les sociétés de capitaux) de l'AUSCGIE.

182 NJANDEU (M.-A.), précité, p. 234.

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connaissance de tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation « pourront »183 demander par écrit, des explications sur la situation aux gérants ou aux dirigeants sociaux qui seront tenus d'en fournir par écrit. Un auteur pense que si ceci n'aboutit pas, une seconde phase devrait être envisagée, elle consistera pour l'institution représentative à établir un rapport sur l'état des difficultés, lequel rapport sera communiqué au commissaire aux comptes, au conseil d'administration ou à l'assemblée des actionnaires184. Mais bien que pertinente, cette idée se heurte au sérieux problème d'accessibilité du conseil d'administration ou de l'assemblée générale par les représentants du personnel. Elle serait plus réaliste s'il existait déjà une participation obligatoire des salariés ou de leurs représentants dans ces organes.

Dans un second temps, les salariés devraient pouvoir aussi exercer des mécanismes de contrôles qui permettent de demander aux juges l'intervention d'un organe externe dans la gestion de l'entreprise. En droit OHADA, ces mécanismes existent bien mais ne sont pas à la portée des salariés : il s'agit de l'expertise de gestion185 et de l'administration provisoire186. Dans le premier cas, les salariés via leurs représentants pourront demander en justice la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion. Dans le second cas, lorsque le fonctionnement normal de la société est rendu impossible soit du fait des organes sociaux, soit du fait des associés, les salariés pourront demander à la juridiction compétente la nomination d'un administrateur provisoire qui sera chargé d'assurer momentanément la gestion des affaires sociales.

Enfin, l'on pense comme d'autres auteurs que le droit OHADA renforcerait encore davantage son système de prévention des difficultés s'il faisait recours à des techniques d'alerte encore plus simplistes et directes comme le « whistleblowing »187. Le whistleblowing ou lancement d'alerte éthique en français, est une pratique née aux Etats-Unis. Il est considéré comme un système permettant aux salariés d'alerter individuellement leurs dirigeants ou un organisme spécialement constitué, sans risque d'être personnellement inquiété des irrégularités ou des mauvais comportements professionnels qu'ils constatent dans l'entreprise

183 En effet, si la procédure d'alerte est obligatoire à l'égard du CAC, on la voit difficilement obligatoire à l'égard du salarié, sa fonction principale à la différence du CAC n'étant pas de contrôler la gestion.

184TAKAFO KENFACK (D.), « Libres propos sur la réglementation de l'alerte en OHADA », revue des procédures collectives, lexisnexis, jurisclasseur, mars-avril 2016, p. 24.

185 Articles 159 et 160 de l'AUSCGIE.

186 Articles 160-1 à 160-8 de l'AUSCGIE.

187 AMISSI MANIRABONA (M.), « Un renforcement du mécanisme d'alerte pour lutter efficacement contre la criminalité économique dans l'espace OHADA », Bull. de droit économique, Faculté de droit de l'université Laval, 2017, [en ligne sur] http://www.droit-economique.org/wp-content/uploads/2017/12/Amissi-1.pdf, (consulté le 20 juin 2020 à 17h16); KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 160-164.

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et dont ils estiment qu'ils font courir un risque sérieux à l'entreprise188. À la différence de la procédure d'alerte en vigueur, il peut aisément s'exercer par un salarié individuellement et sans que ce dernier ne soit inquiété des représailles puisque le « whistleblower » (lanceur d'alerte) exerce l'action dans l'anonymat. Par ailleurs, ce système permet de pallier aux difficultés nées de l'absence des institutions de représentation du personnel dans les entreprises.

Lorsque l'exercice de tous ces mécanismes de contrôle n'a pas permis d'éviter l'arrivé des difficultés, la participation des salariés dans les procédures collectives devraient également se voir accentuée.

PARAGRAPHE II : L'AMÉLIORATION DU RÔLE DES SALARIES EN CAS DE
SURVENANCE DES DIFFICULTÉS

Le rôle des salariés devrait être amélioré dans l'entreprise en difficulté tant avant la survenance de la cessation des paiements (A) qu'après sa survenance (B).

A - L'implication des salariés dans les procédures de prévention de la cessation des

paiements

Mis à part quelques rares recours (indispensables) aux salariés, l'AUPCAP semble négliger la valeur de ces derniers dans les réussites des procédures collectives préventives que sont la conciliation et les règlements préventifs. Or sans être prétentieux, l'on estime que la présence des salariés dans ces procédures serait une bonne chose.

Dans la procédure de conciliation, la participation des salariés semble moins nécessaire surtout s'ils sont déjà associés à la prévention des difficultés comme on le souhaite. Il serait préférable de s'en tenir à cette limitation de la participation des salariés eu égard de la nature et des caractères de la procédure de conciliation. En réalité, elle ne vise qu'à protéger le débiteur contre les actions en paiement de ses créanciers en le plaçant sous la protection d'un accord, et elle est soumise à la stricte confidentialité189.

Cependant, on peut se permettre de relever une amélioration nécessaire de cette implication. En effet, à ce niveau, à moins que les salariés ne constituent les principaux

188 ELIET (G.), « Whistleblowing : quel système d'alerte éthique pour les entreprises françaises ? », Les cahiers d'éthique, 2005, cité par AMISSI MANIRABONA (M.), précité, p. 10.

189 Article 5-1 de l'AUPCAP.

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créanciers avec qui le débiteur cherche un accord, ils sont quasiment exclus de la procédure pour des raisons sus-évoquées. Or au final, l'accord de conciliation peut entrainer des mesures de restructurations qui vont impliquer une réduction de la masse salariale, ceci très souvent en vue de rassurer les créanciers partisans. C'est à cette étape que seront conviés les salariés pour faire des concessions ; ce qui sera dès lors très difficile vu le caractère inattendu de la demande pour eux qui n'avaient pas connaissance de la procédure. Alors, il aurait été préférable de les inclure individuellement ou de façon représentative dans le déroulement de la procédure. Le représentant du personnel serait toujours tenu à la confidentialité. De plus, le juge pourra avant d'ouvrir la procédure de conciliation, d'homologuer ou d'exéquaturer l'accord, auditionner les salariés ou leur représentant afin d'avoir des connaissances exactes sur la situation réelle de l'entreprise.

D'autre part, la participation des salariés dans le règlement préventif est aussi à améliorer. Rappelons déjà qu'au regard de l'AUPCAP, les salariés, lorsqu'ils ne sont pas créanciers, peuvent intervenir très laconiquement dans la procédure et seulement si l'expert au règlement préventif décide de les entendent190, s'ils sont invités à faire des concessions dans le projet de concordat191 ou s'ils sont nommés en qualité de contrôleur de l'exécution du concordat192. Il aurait été peut-être judicieux de les impliquer davantage comme nous l'avons suggéré ci haut pour la procédure de conciliation. De plus, vu qu'il est possible que les salariés ne soient jamais désignés en qualité de contrôleur salarié, il serait judicieux « d'imposer » leur présence dans le contrôle de l'exécution du concordat préventif.

B - Le renforcement du statut des contrôleurs salariés dans les procédures de curation de la cessation des paiements

Le contrôleur-salarié est le représentant du personnel dans l'entreprise en crise. Pour cette raison, il est au coeur de la participation des salariés dans les procédures de curation. Ces missions et prérogatives précédemment analysées en disent long sur cette place centrale qu'il occupe. Cependant, son statut en droit OHADA est à améliorer afin de permettre une meilleure implication des salariés dans les crises de l'entreprise.

Primo, le régime de la désignation du contrôleur-salarié est en souffrance. Tout d'abord, la désignation du contrôleur salarié comme pour tous les autres, n'est pas

190 Article 12 de l'AUPCAP.

191 Article 7 et 15 de l'AUPCAP.

192 Article 16 de l'AUPCAP.

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systématique193. Elle dépend de la volonté du juge-commissaire et des créanciers. Une analyse à la lettre de l'article 48 de l'AUPCAP nous montre en effet que, le juge commissaire décide en principe librement de la nécessité d'instituer les contrôleurs pour la procédure ; il n'en est obligé que si les « créanciers représentants au moins un tiers du total des créances » lui en font la demande. De plus, l'alinéa 2 concernant la désignation du contrôleur-salarié dit qu'elle se fait sous « invitation » du syndic. Cette expression déjà utilisé par le législateur français194 montre simplement qu'il ne s'agit pas d'une obligation195. Enfin, il semble qu'outre le cas où il est obligé par les créanciers conformément à l'alinéa 1 de l'article précité, le juge-commissaire en la matière ne peut pas être sanctionné s'il refuse de désigner un contrôleur. Deux arguments expliquent clairement cette opinion ; l'un est lié à l'impossibilité d'exercer les voies de recours (opposition ou appel) contre sa décision de nomination du contrôleur196 et l'autre est lié à une décision jurisprudentielle qui a reconnu que le juge-commissaire n'est pas obligé de désigner un contrôleur même si une demande lui en a été faite, lorsqu'il estime que cette désignation ruinerait la transparence et célérité dont jouit déjà la procédure en cours197.

Pour pallier ce problème de présence des contrôleurs-salariés, il serait appréciable de voir la désignation d'au moins un salarié en qualité de contrôleur rendue obligatoire. On pourrait soumettre cette obligatoriété à la demande préalable des salariés (ou de leur représentant) comme c'est le cas avec les créanciers. Car à la différence des créanciers, les salariés sont absolument des parties internes de l'entité en crise. Aucune brèche législative ne devrait permettre de les écarter de la gestion quoique cette gestion soit exceptionnelle. Par ailleurs, cette désignation permettrait d'éviter le problème de rémunération des contrôleurs. Sur cette question, un auteur pense que l'absence de rémunération étant de nature à créer un manque de zèle dans les missions des contrôleurs, « il serait souhaitable que l'on s'appuie beaucoup plus sur les contrôleurs salariés qui sont déjà rémunérés par leur temps de travail »198.

Secundo, les contrôleurs salariés seraient comme tous les autres, des géants aux pieds d'argiles : ce qui met à mal leur participation dans la gestion de la crise. En effet, tous les contrôleurs ont des missions et prérogatives multiples, mais contrairement aux autres principaux organes de la procédure curative (juge-commissaire, syndic, juridiction compétente,

193 KALIEU ELONGO (Y. R.), précité, p. 1310.

194 Article L. 621-4 du Code de commerce français.

195 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 241.

196 Article 216 de l'AUPCAP.

197 Tribunal de grande instance du Noun, ordonnance du 19 Janvier 2009, affaire Caisse nationale de prévoyance sociale (C.N.P.S) contre Liquidation SEFN, ohadata, note de KALIEU ELONGO Yvette Rachel.

198 KOUAMO (D. R.), op. cit., p. 242.

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etc.), ils sont cantonnés à l'observation, dépourvus d'un pouvoir réel d'action ; ce qui en fait des spectateurs plutôt que des acteurs. Ils ne peuvent prendre des initiatives si ce n'est dénoncer les manquements du syndic. Il est alors nécessaire que ses pouvoirs soient renforcés. L'on pourra par exemple leurs permettre de proposer des plans de continuation du point de vu des personnes dont ils représentent les intérêts : le contrôleur salarié présentant des plans vus des salariés. Ces plans pourront envisager la reprise de l'entreprise par les salariés, impliquant alors ces derniers dans une participation financière.

CONCLUSION DU CHAPITRE 2

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En définitive, la participation des salariés dans la gestion des difficultés de l'entreprise en droit OHADA est très faible. Le législateur, conscient de l'importance de ces derniers dans l'entreprise a voulu les intégrer dans cette gestion. Mais, l'analyse de cette volonté montre qu'au lieu d'en faire des acteurs, il en fait presque des simples spectateurs. En effet, en amont, le législateur ne les a pas dotés de moyens de préventions ou de détections des difficultés tels que le droit aux informations ou aux mécanismes de contrôle de la gestion. En aval, quand viennent les difficultés économiques, il ne les implique pas dans la résolution des difficultés mineures ; ce qui n'est pas louable surtout concernant le règlement préventif. Il préfère que ces travailleurs participent lorsque vient la cessation des paiements. Mais là encore, s'il leurs permet de façon salutaire de déclencher les procédures de redressement et de liquidation judiciaire, il limite malheureusement leur marge d'action dans le déroulement de ces procédures en cantonnant leur représentant, le contrôleur salarié dont la désignation est déjà facultative, à un simple rôle d'observateur des actions du syndic. Il serait donc préférable que les salariés soient davantage impliqués dans la gestion des difficultés économiques de l'entreprise dans le sens des propositions formulées.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

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Au fil des réformes législatives, on peut croire que le droit OHADA des entreprises améliore la participation politique des salariés dans le fonctionnement des sociétés commerciales. Mais, l'analyse minutieuse de ces dispositifs nous montre que cette participation est très insuffisante pour dynamiser davantage la gouvernance de ces sociétés.

Dans le fonctionnement ordinaire de la société, la consécration du cumul de mandat semble être un exploit vu qu'elle permet aux salariés d'être représentés dans les organes de gestion de la société. Mais cela n'est réellement pas le cas car, le caractère facultatif que le législateur y attache ne favorise pas les choses. De plus, la représentation officielle des salariés dans les sociétés OHADA souffre de l'absence d'un organe collégial de représentation tel que le comité d'entreprise dont le droit comparé nous enseigne les vertus.

Dans la gestion des difficultés économiques de la société, les salariés sont mis à l'écart. Ils ne peuvent agir que lorsque survient la cessation des paiements. Il est pourtant nécessaire de renforcer leur rôle à ce niveau en les intégrant dans la prévention des difficultés car du fait de leur position centrale dans le quotidien de l'entreprise, ils sont plus aptes que les traditionnels acteurs de la prévention à protéger la société de la survenance de ces difficultés. En plus, quand viennent ces difficultés, il faudra reconfigurer la participation des salariés dans leurs traitements.

Cependant, on peut aisément penser que les salariés ne manifesteront une curiosité plus grande à participer réellement à la vie de l'entreprise que s'ils étaient impliqués financièrement.

SECONDE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT LIMITÉ DE LA
PARTICIPATION FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LA SOCIÉTÉ
COMMERCIALE

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L'autre versant de la participation des salariés dans les sociétés a un aspect financier mais conduit au même objectif que la participation politique : il s'agit de la participation financière. Tandis que la participation non financière permet au salarié d'acquérir un pouvoir de dirigeant, la participation financière lui permet d'acquérir un pouvoir d'actionnaire. C'est ainsi que les droits attachés aux techniques de cette participation sont proches de ceux des actionnaires.

Elle permet d'associer étroitement les salariés à la performance et au développement de l'entreprise199. À travers elle, ces derniers se trouvent impliqués sur les résultats et sur le capital de l'entreprise. S'agissant de la participation aux résultats, elle est une association des travailleurs aux fruits de l'expansion de l'entreprise. Elle permet de leurs attribuer, une fraction des bénéfices réalisés par la société et ceci dans le but de les stimuler davantage au travail200. S'agissant de la participation au capital, elle vise en général, à faire entrer le salarié dans le capital social. Il s'agit dans ce sens, de l'actionnariat salarié.

La participation financière est également une nouvelle politique de rémunération, un moyen différé, et flexible de rémunération. Dans la réalité, très souvent, elle tend à récompenser en sus du salaire, la fidélité ou la performance du travailleur. C'est justement ce qui justifie son caractère essentiellement facultatif dans le droit OHADA. En effet, l'AUSC dans toutes ses versions, n'a jamais vu la participation financière des salariés que sous l'angle de la participation au capital. Son comportement montre bien qu'il hésite à accorder aux salariés un pouvoir d'actionnaire. Dans cette logique, il s'est limité à la technique d'actionnariat salarié qui permet d'attribuer gratuitement les actions aux salariés de l'entreprise (CHAPITRE 1), négligeant ainsi plusieurs formules de la participation financière et dénuant son action de mesures incitatives (CHAPITRE 2).

199 AUBERT (N.), HERNANDEZ (S.), HOLLAND (X.), « De la participation des salariés à l'épargne salariale : analyse lexicale des débats parlementaires », 5 mars 2017, p. x (résumé), [en ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01401959, (consulté le 20 janvier 2020 à 13h).

200En France, la participation aux bénéfices se fait à travers un régime facultatif, laissé au bon vouloir de

l'entreprise qu'est l'intéressement et un régime obligatoire pour des entreprises remplissant certaines conditions appelé participation proprement dite contrairement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis où elle est complètement facultative.

CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION TIMIDE DE L'ACTIONNARIAT

SALARIÉ

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Le meilleur moyen d'établir des relations de travail satisfaisantes et de supprimer l'antagonisme entre employeurs et salariés est de rapprocher ces derniers des propriétaires des entreprises dans lesquelles ils exercent leur activité, c'est-à-dire leur en distribuer le capital201 : c'est l'actionnariat salarié. C'est l'ensemble des techniques qui permettent de faire entrer les salariés dans le capital social. En clair, on insère ces derniers dans le capital social par des moyens plus avantageux qu'un actionnaire ordinaire. Ses actions sont ainsi parfois qualifiées d'actions de performance, car elles permettent directement de stimuler les efforts du travailleur, de lui donner une raison de croire que son travail lui est directement profitable.

L'actionnariat salarié permet également d'intéresser à long terme les salariés et de les fidéliser à l'entreprise car les fruits d'une participation ne sont perçus qu'à long terme à la différence des primes annuelles ou mensuelles. D'ailleurs, la majorité d'études réalisées sur l'impact de l'actionnariat salarié sur la performance, montrent que les sociétés dans lesquelles le capital social est détenu entièrement ou partiellement par les salariés sont les plus performantes202. L'on soutient que l'actionnariat salarié influence positivement la productivité des salariés203.

L'actionnariat salarié se fait à travers différentes formules notamment, les plans d'épargnes d'entreprises, les options de souscription ou d'achat d'actions de l'entreprise, le rachat de l'entreprise par ses salariés et l'attribution gratuite d'actions aux salariés204. C'est exclusivement cette dernière formule qui a été envisagée par le législateur OHADA. L'on note à cet effet, une timidité dans son comportement vu qu'il semble l'admettre difficilement. En effet, dans l'AUSC de 1998, ce n'est que de manière vague qu'il admettait le concept sans véritable régime juridique. À l'occasion de la réforme de 2014, il va consacrer à l'AGA un véritable régime juridique bien que toujours laconique. Ainsi, une fois que les salariés

201 COUTURIER (G.), op. cit., p. 287.

202NGONGANG (D.), « actionnariat salarié comme levier de création de valeur ajoutée et de productivité dans les entreprises Camerounaises », La Revue Gestion et Organisation, 2013, pp. 3-4; LECOURT (B.), « The promotion of employee Ownership and Participation, Commission européenne », Rév. Sociétés, 2015, p. 139.

203 GARFATTA (R.), Actionnariat salarié et création de valeur dans le cadre d'une gouvernance actionnariale et partenariale: Application au contexte français, Thèse de Doctorat, IAE, Université de Bourgogne, 2010, [en ligne sur] http://tel.archivesouvertes.fr/docs/00/59/28/PDF/these_A_GARFATTA; NGONGANG, précité, p. 3.

204 COUTURIER (G.), op. cit., pp. 289-291 ; MERLE (P.), op. cit., pp. 679-693.

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remplissent certaines conditions, des actions gratuites peuvent leurs être attribuées (section1), ce qui produira des effets positifs sur leur participation (section2).

SECTION I : L'ATTRIBUTION GRATUITE DES ACTIONS AUX SALARIÉS

Pour distribuer des actions nouvelles ou anciennes à ses salariés, la société doit posséder pour son compte ses propres actions. Or, en droit OHADA, une société ne peut pas souscrire ou acheter elle-même ses propres actions que ce soit directement ou par personne interposée205.

La souscription d'action est l'engagement pris en vue d'acheter des actions à émettre206 alors que l'achat d'action est l'acte par lequel une personne acquiert la propriété des actions déjà existantes dans une société. L'interdiction faite à la société de réaliser ces actes se justifie par la nécessité de protéger la réalité du capital social207. Des dérogations au principe sont néanmoins admises et sont relatives à la réduction ou à l'augmentation du capital. Ces opérations peuvent s'avérer nécessaires pour une gestion financière de la société, mais également pour une insertion du personnel au capital de l'entreprise. Ainsi, dans le cadre de la promotion de l'actionnariat salarié, l'article 640 de l'AUSC dispose que les sociétés d'actions peuvent souscrire des actions ou acheter leurs propres actions en vue de les attribuer gratuitement à son personnel. Ceci permet aux salariés en principe et aux mandataires sociaux accessoirement d'obtenir des actions gratuitement de la part de leur entreprise. Dans ce dernier cas, des conditions préalables doivent être observées (paragraphe 1) et les salariés devront remplir certaines conditions (paragraphe 2).

205 Article 639 alinéa 1 de l'AUSC ; voir MORTIER (R.), Le rachat par la société de ses droits sociaux, Dalloz, coll. Nouvelle bibliothèque de thèse, 2003.

206 C'est très souvent le cas lors de la constitution ou de l'augmentation du capital social.

207 En France, l'interdiction a été levée depuis par la loi n° 98-546 du 02 juillet 1998, elle est devenue le principe général de l'autorisation du rachat ; ceci pour s'arrimer à la tendance qui prévalait déjà depuis chez ses voisins anglo-saxons. Immédiatement après, le succès de la réforme était au rendez-vous comme l'atteste le rapport du BULLETIN DE LA COMMISSION BANCAIRE (française), n° 22 - AVRIL 2000.

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PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS GÉNÉRALES PRÉALABLES À

L'ATTRIBUTION DES ACTIONS

L'attribution gratuite des actions ne peut être faite que selon la volonté des actionnaires. Ainsi, seuls ces derniers réunis en assemblée générale extraordinaire peuvent l'autoriser (A) et les actions à distribuer doivent remplir certaines conditions (B).

A - Les pouvoirs des organes donateurs

Comme toutes les décisions affectant le capital ou le statut des actionnaires de la société d'actions, l'attribution gratuite d'actions aux salariés est une faculté qui dépend de la volonté des actionnaires. Il ne s'agit pas d'un acte de gestion ordinaire à portée de main des dirigeants. Si ces derniers ressentent le besoin de motiver le personnel à travers un « plan d'actionnariat », ils devraient en informer le conseil d'administration qui demande l'autorisation de distribuer aux actionnaires. Les compétences sont donc bien partagées dans ce mécanisme.

En effet, d'après l'article 626-1, sous peine de nullité, l'attribution gratuite des actions au personnel ne peut se faire qu'en vertu de l'autorisation de l'assemblée générale « extraordinaire », sur rapport du conseil d'administration ou de l'administrateur générale (s'il y'a pas de conseil d'administration), et sur rapport spécial du ou des CAC qui donnent leur avis sur le projet. L'on suppose que dans la SAS, s'il n'a pas été désigné de CAC, il devra être désigné un à cet effet208. L'importance des rapports est telle que le législateur frappe de nullité les délibérations prises à défaut. Dans cet esprit, on doit comprendre à l'évidence que le rapport des organes de gestions doit contenir les motifs de l'opération (généralement tournées vers l'intérêt social que vers le bien être des salariés), des arguments convaincants à la hauteur des sacrifices que doivent consentir les actionnaires. L'autorisation de l'AGE vaut également autorisation à procéder à la souscription ou au rachat de ses propres actions par la société.

L'AGE fixe dans son autorisation, le maximum d'actions à distribuer, qui ne peut être supérieur à 10% du capital social à la date de distribution. Cette limitation du capital à rétrocéder est due aux soucis de protéger les actionnaires en place contre une immixtion

208 En France c'est le cas tel que prévu par l'article L. 225-197-1 du C.ce. L'on fait ce parallèle parce qu'il faut absolument que l'assemblée générale soit informée par un rapport d'un commissaire aux comptes. L'article 6261 de l'AUSC fait d'ailleurs du défaut de rapport, une cause de nullité de l'autorisation. Or si l'on n'en désigne pas un spécialement pour cette cause, il reviendra au président de la SAS d'établir ce rapport en sus de celui qu'il établira en tant que conseil d'administration : ce qui ne peut pas être admis.

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outrée des salariés dans le capital. Bref, c'est une prévention du risque de dilution des actionnaires en place. En France, ce taux peut être étendu à 30% si le mécanisme bénéficie à tous les salariés209. L'autorisation doit en outre contenir la durée de validation de l'autorisation qui ne peut excéder 36 mois ainsi que les durées des périodes d'acquisition et de conservation telles qu'étudiées ci-après.

La justification probable des pouvoirs de l'AGE en matière d'AGA est que le dispositif touche au capital de l'entreprise. De plus, ce sont les actionnaires qui financent les actions souscrites ou acheté car les réserves qui servent à libérer lesdites actions appartiennent en principe aux actionnaires ; les droits préférentiels que ces derniers doivent abandonnés en cas de souscription en disent long.

Après avoir reçu le permis des propriétaires du capital, l'organe exécutif à savoir, le conseil d'administration, ou l'administrateur général ou encore le président de la SAS selon le cas, établit un plan d'attribution gratuite d'actions aux salariés afin de procéder à la distribution. Ainsi, ce dernier fixe les conditions dans lesquelles le processus se déroulera et le profil des bénéficiaires. Pendant la durée de validité de l'autorisation telle que fixée par l'AGE, l'organe exécutif devra souscrire ou acheter une fois ou à plusieurs reprises les actions puis les distribuer. À chaque assemblée générale ordinaire210, il devra faire un rapport spécial à destination des actionnaires sur l'ensemble des opérations réalisées dans le cadre de cette attribution gratuite : c'est « l'information a postériori » des actionnaires211. Il devra en outre s'assurer que les actions à attribuer remplissent plusieurs conditions.

B - Les conditions relatives aux actions concernées

Les actions à distribuer gratuitement par l'entreprise peuvent être nouvelles et dites à émettre (lorsqu'elles ont été souscrites212) ou déjà existantes (lorsqu'elles ont été achetées213).

209 Art. L. 225-197-1 du C.ce.

210 À l'évidence il s'agit de l'assemblée générale annuelle statuant sur l'approbation des comptes.

211 PRIEUR (J.), « L'attribution d'actions gratuites : la nouvelle donne juridique et fiscale », Option Finance, n° Hors-série, 7 nov. 2005, p. 10.

212 La souscription suppose de prendre des actions qu'elle va émettre ; donc des actions nouvelles. Elle concerne les cas d'augmentation du capital. En l'absence de dispositions législatives spéciales relatives à la procédure d'émission des actions devant faire l'objet d'une attribution gratuite, il faut adopter le droit commun de l'émission d'actions par la société sous réserve des dispositions particulières de l'attribution gratuite des actions.

213 Le rachat par l'entreprise suppose que cette dernière achète des actions qui existent déjà. Cependant, l'AUSC ne précise la procédure de rachat que lorsqu'il est fait en vue d'une diminution du capital de l'entreprise : technique souvent utilisée pour revaloriser les actions. Mais en l'absence de précision sur la procédure de rachat en vue d'une attribution gratuite, on pense logiquement que sous réserve des dispositions particulières liées à l'attribution gratuite d'actions (626 et 640), les articles 643 à 648 qui fixent les règles de l'achat d'actions en vue de leur annulation pour une réduction du capital à due concurrence devront être appliquées.

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Dans tous les cas, pour être distribuées, elles sont soumises à une triple condition relative à leur quantité et leur qualité.

En premier lieu, le nombre total d'actions à attribuer gratuitement ne peut excéder 10% du capital social au moment où les dirigeants décident de procéder à la distribution214. Également, avant la distribution, la société ne peut souscrire ou acheter plus de 10% du total de ses actions propres215. Que ce soit conséquemment à un achat ou à plusieurs, la société ne doit pas posséder directement ou indirectement plus de 10% de son capital. La limitation du nombre d'actions à distribuer est un excellent moyen de promouvoir l'implication des salariés sans laisser les actionnaires dans la crainte de perdre leur propriété. La protection de ces derniers justifie également le fait que les actions gratuites ne peuvent profiter à un salarié disposant déjà une part considérable du capital social216.

Par ailleurs, le seuil de 10% peut même être ramené plus bas : c'est le cas lorsque l'achat d'actions par la société a altéré considérablement la consistance du capital social. En effet, l'avant dernier alinéa de l'article 640 énonce que l'acquisition d'actions de la société ne peut avoir pour effet d'abaisser les capitaux propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves non distribuables (réserves légales et statutaires). Autrement dit, seules les sociétés en bonne santé financière peuvent acheter leurs propres actions.

Ensuite, les actions à distribuer aux salariés doivent avoir été mises sous la forme nominative et entièrement libérées lors de leurs souscriptions ou achats. D'une part, l'exigence de la forme nominative est un moyen de faciliter la négociabilité de ces actions. En effet, une action est dite nominative, lorsqu'elle est représentée par un titre sur lequel se trouve inscrit le nom de son titulaire, à la différence des actions aux porteurs217. Ainsi lorsque la société acquiert des actions, elle doit les mettre sous la forme nominative, afin de les attribuer aux salariés, la transmission d'actions ne pouvant valablement être faite que par l'inscription sur les registres de la société du nom du nouvel acquéreur et la radiation de celui de l'ancien218. D'autre part, les actions ainsi souscrites ou acquises doivent être entièrement libérées ou payées lors de la souscription ou de l'acquisition219. Ceci suppose que la société doit verser (au notaire ou dans un fond spécial) le montant des actions concernées. L'exigence de la libération entière est inspirée par un besoin de rendre les actions immédiatement

214 Article 626 alinéa 2 de l'AUSC.

215 Article 640 alinéa 2 de l'AUSC.

216 Article 626-1-2-1 de l'AUSC.

217 L'action est dite au porteur lorsqu'elle ne porte aucune mention du nom de son titulaire.

218 ANOUKAHA (F.), CISSE (A.), DIOUF (N.), NGUEBOU-TOUKAM (J.), POUGOUE (P.-G.) et SAMB (M.), Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruyllant, 2002, p. 460.

219 Article 640 al 3 de l'AUSC.

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négociables par la société et lui permettre ainsi de procéder très rapidement à la distribution gratuite tout en évitant une acquisition fictive. Ce versement est réalisé par un prélèvement obligatoire à concurrence du montant des actions à attribuer, sur la part des bénéfices distribuables d'un ou de plusieurs exercices220.

Enfin, les actions souscrites ou achetées par la société doivent être attribuées gratuitement comme prévues dans un délai d'un an a compté de leur acquisition221. Dans le cas contraire, elle se verra obligée de les annuler car elle sera en situation d'auto détention irrégulière222. Par ailleurs, durant ce délai, elles ne peuvent donner droit aux dividendes223; ne donnent pas un droit préférentiel de souscription à la société ; sont dépourvues de droit de vote et ne peuvent être prises en compte dans le calcul des quorums224. En réalité, ces actions ne peuvent pas conférer à la société la qualité d'actionnaire.

PARAGRAPHE II : LES CONDITIONS LIÉES AUX SALARIÉS BÉNÉFICIAIRES

L'alinéa 1 de l'article 626-1 de l'AUSC donne la possibilité à l'AGE de choisir entre l'ensemble du personnel salarié et une catégorie de celui-ci comme devant être attributaires d'actions gratuites225. Sous réserve du choix de l'AGE, les distributeurs avaient naguère sous l'égide de l'ancien AUSC, un pouvoir discrétionnaire dans la fixation des conditions d'éligibilité des salariés. Cependant, avec la réforme du 30 janvier 2014, le législateur a tenté d'encadrer la liberté de ces organes exécutifs en fixant quelques conditions bien que cela ne soit faite que de façon succincte. Les bénéficiaires peuvent être des salariés comme des mandataires sociaux. Mais nous envisagerons ces conditions sur l'angle des salariés226. Elles sont liées à l'existence d'un contrat de travail régulier entre le salarié et l'entreprise (A) et au respect du plafond d'actions que ce dernier peut détenir (B).

220 Art. 640-1 de l'AUSC.

221 Art. 640 al. 1.

222 Art. 649 in fine de l'AUSC.

223 Art. 640 in fine de l'AUSC.

224 Art. 542 de l'AUSC.

225 L'AUSC ne donne pas les conditions selon lesquelles l'AGE peut effectuer son choix. Cependant, pour éviter des discriminations dangereuses pour l'entreprise, à défaut de choisir l'ensemble du personnel, elle peut se servir des catégories connues en droit du travail (ouvriers, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres).

226 Art. 626-1-2 de l'AUSC.

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A - L'existence d'un contrat de travail

L'attribution gratuite d'actions est un moyen de récompense des salariés. Ainsi, pour être attributaire d'actions gratuites, ces derniers devront appartenir à la société distributrice.

Le salarié bénéficiaire d'actions gratuites doit avoir avec la société distributrice, un contrat de travail régulier. Certes il semble un peu superflu d'en faire une condition dans la mesure où la qualité de salarié est la résultante d'un contrat de travail. Mais la précision est nécessaire pour les sociétés ayant entre elles des liens. On se demande par exemple si le salarié d'une société contrôlée, n'ayant pas de contrat de travail avec la société contrôleuse peut bénéficier des actions gratuites de la part de cette dernière.

À cet effet, l'article 626-2 de l'AUSC précise que les sociétés qui détiennent des titres de participation dans le capital d'une autre (au moins 10% du capital social)227 peuvent attribuer gratuitement les actions aux salariés de celle-ci et inversement. Il renchérit en disant que les salariés des sociétés contrôlées peuvent recevoir gratuitement de la part de celle qui contrôle leur employeur, des actions qui sont admises à la négociation sur une bourse de valeurs. Dans ce dernier cas, l'inverse n'est plus possible. Cet élargissement des bénéficiaires démontre la volonté du législateur d'intégrer le plus grand nombre de salariés possible au capital des entreprises qu'ils contribuent à développer directement ou indirectement.

Pour le législateur donc, le fait d'être une main d'oeuvre directement ou indirectement, octroie la qualité de bénéficiaire. Cependant tous les travailleurs peuvent-ils en bénéficier ? La réponse est forcément ambiguë. En réalité, tout dépend du rapport entre le nombre de salariés et celui des actions attribuables ainsi que de la volonté des distributeurs. Ces derniers bénéficient de larges pouvoirs dans la distribution car le législateur ne leurs impose pas des critères précis ; il dispose simplement qu'ils fixent les conditions et les critères d'attributions. Rien ne les empêche alors d'exiger du salarié bénéficiaire, une ancienneté dans l'entreprise. En droit français, une ancienneté de 06 mois peut être demandée aux salariés.

La loi exige également un plafonnement du nombre d'actions que les bénéficiaires pourront détenir dans l'entreprise.

227 Au sens de l'art. 176 de l'AUSC.

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B - Le plafonnement des attributions par salarié

L'article 626-1-2-1 fixe un taux maximal d'actions que peuvent détenir les salariés attributaires d'actions gratuites dans la société. En ce sens, il dispose qu'il ne peut pas être attribué d'actions aux salariés et aux dirigeants sociaux détenant chacun plus de 10% du capital social. Exceptionnellement, dans les sociétés cotées, ce pourcentage peut être élevé à 20%. Cela ne signifie pas que les salariés d'une société ne peuvent avoir un taux aussi élevé du capital, mais simplement, qu'une fois ce seuil possédé, ils perdent le droit aux bénéfices qui résultait de leurs statuts de salariés. En l'absence de précision, sur le caractère directe ou indirecte de la détention, il semble qu'on devrait élargir cette exigence aux salariés qui détiennent indirectement c'est-à-dire, par personne interposée, le taux limitatif.

La raison derrière cette limitation est un souci de respect d'égalité entre les actionnaires. En effet, l'AGA menace considérablement l'égalité des actionnaires en ce sens que le bénéfice des actions gratuites par les salariés étant indépendant de la qualité d'actionnaires, il s'en suit que certains actionnaires en raison de leur qualité de salarié, pourront considérablement grossir leur portefeuille gratuitement au grand dam des actionnaires non-salariés qui généralement perdent sur le coup leur droit préférentiel de souscription.

La limitation au seuil de 10% atteste que pour le législateur, la relation entre actionnariat salarié et performance de l'entreprise est curvilinéaire. En effet, des études statistiques montrent que la rentabilité financière augmente au fur et à mesure que la part du capital détenu par les salariés s'accroît, jusqu'à ce que cette dernière atteigne 10 %. Au-delà de ce seuil, la rentabilité financière a tendance à décroître et la relation prend la forme d'un « U » inversé228. La limitation est donc salutaire.

Les organes exécutifs chargés de l'attribution pourront en outre se servir du critère de performance comme condition supplémentaire afin de pallier à la difficulté de faire bénéficier les actions à tous les salariés. Dans cet esprit, les actions gratuites sont souvent qualifiées d'actions de performance. Ceci aura pour effet un accroissement de la productivité des salariés due à la motivation que leurs procure l'exigence d'une performance. Les critères de performances devront donc être définis préalablement. Mais ces critères ne doivent pas avoir pour effet de créer des répartitions inéquitables.

228 NGONGANG (D.), précité, p. 3.

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In fine, on constate qu'après que l'assemblée générale extraordinaire ait donné l'autorisation d'attribuer gratuitement des actions aux salariés, l'organe exécutif fixe les critères que devront présenter les salariés pour en bénéficier sous réserve de quelque uns posés par la loi. Ce n'est qu'une fois ces critères remplis que le salarié se voit attribué gratuitement des actions ; ce qui produit des effets précis liées à sa place dans la société.

SECTION II : LES EFFETS DE L'ATTRIBUTION GRATUITE D'ACTIONS AUX

SALARIÉS

L'attribution gratuite d'actions a pour principal effet, une entrée des salariés dans le capital social. Ces derniers deviennent des salariés actionnaires. Mais ceci se fait de manière progressive (paragraphe1) et la qualité d'actionnaires qu'ils obtiennent au final améliore de par les droits qui y sont attachés, leur participation dans les sociétés (paragraphe 2).

PARAGRAPHE I : L'ENTRÉE PROGRESSIVE DU SALARIÉ DANS LE CAPITAL
DE LA SOCIÉTÉ

Le régime de l'attribution gratuite organise une entrée en possession graduelle des actions pour les salariés229. Ainsi, l'attributaire des actions gratuites n'acquiert la propriété qu'après une période dite d'acquisition (A), puis est soumis pendant une nouvelle période dite de conservation à l'obligation de ne pas les céder (B).

A - Un actionnaire en devenir pendant la période d'acquisition

L'attribution gratuite d'actions aux salariés n'est définitivement réalisée qu'au terme d'une période d'acquisition dont la durée minimale qui ne peut être inférieure à 2 ans est fixée par l'assemblée générale230. La période d'acquisition est ce laps de temps à l'écoulement duquel, le titulaire d'un droit d'attribution d'actions obtient la propriété effective de ces actions. Cette durée court à partir de la date d'attribution fixée par les organes exécutifs et s'éteint au jour fixé par l'AGE. Ceci suppose que pendant cette période, les salariés qui ont bénéficié des actions gratuites ne détiennent qu'un droit d'attribution et non des actions.

229 ISSA SAYEGH (J.), POUGOUÉ (P-G.), SAWADOGO (F. M.) (sous la coordination), OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, mai 2018, commentaire de l'article 626-1 de l'AUSCGIE, p. 600.

230 Article 626-1 al.5 de l'AUSC.

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L'attribution gratuite d'actions est dite à terme (et conditionnelle si elle est assortie des conditions de performance par exemple) car la propriété de ces actions n'est transférée au salarié qu'après l'écoulement de la période d'acquisition pendant laquelle il doit demeurer sous contrat avec la société. Durant cette période, il n'est titulaire que d'un droit de créance personnelle et incessible sur la société. Cette situation emporte des conséquences juridiques pour les deux parties.

D'une part, s'agissant du salarié, pendant la période d'acquisition, il ne détient qu'un droit de créance qui a la particularité d'être incessible231. Il n'a donc pas encore la qualité d'actionnaires et ne peut revendiquer aucun droit y découlant. Il n'aspire qu'à l'être en vertu de son droit d'attribution. Cela suppose également que si le salarié cesse, pour une raison ou une autre, d'appartenir à la société avant le terme de la période d'acquisition, son droit tombe.

Cependant, trois situations doivent être observées à ce niveau. D'abord, en cas de licenciement abusif, il est évident que l'employeur soit contraint à dédommager le droit d'attribution perdu par le salarié232. Ensuite, en cas d'invalidité du bénéficiaire se trouvant dans l'incapacité d'exercer une profession quelconque, l'alinéa 5 de l'article 626-1 donne la possibilité à l'AGE de prévoir l'attribution définitive des actions avant le terme à son profit. Dans ce dernier cas, le législateur semble dire que la décision de l'assemblée est antérieure à l'invalidité. Toutefois, logiquement, on devrait aussi entendre cette disposition parallèlement comme donnant compétence à l'assemblée de lever la période d'acquisition après la survenance de l'invalidité. Enfin, en cas de décès du bénéficiaire, ses héritiers peuvent demander l'attribution définitive des actions dans un délai de six mois à compter du décès. Ces actions sont librement cessibles dans ce dernier cas233. Dit autrement, les héritiers ne sont plus obligés de respecter la période de conservation234.

D'autre part, l'employeur qui attribue gratuitement des actions au salarié est à l'égard de ce dernier, débiteur d'une promesse unilatérale de donation pendant la période d'acquisition. Il conserve les actions qui sont encore inscrits dans un compte spécial de réserves comme le veut l'article 640-1 alinéa 2.

Le but de la période d'acquisition est de fidéliser le salarié à l'entreprise et accroitre sa productivité. En réalité, l'on veut le contraindre à rester dans l'entreprise. C'est ainsi que seul

231 Article 626-3 de l'AUSC : « Les droits résultants de l'attribution gratuite d'actions sont incessibles jusqu'au terme d'une période d'acquisition ».

232LE NABASQUE (H.), note sous jurisprudence, Cour de cassation, chambre commerciale, 15 janv. 2002, Bull. Joly 2002, p.633. Cette jurisprudence a été prononcée concernant les stock-options, mais elle peut bien être appliquée aux attributions gratuites d'actions.

233 Art. 626-3 al.2 de l'AUSC.

234 FOY (R.), précité, p. 18.

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le terme de la période d'acquisition, opère l'attribution définitive des actions aux bénéficiaires à travers le transfert de la propriété235 : le salarié devient propriétaire à part entière des actions, qui sont inscrits en compte à son profit (avec toutes les formalités nécessaires). Mais ce dernier n'est pas associé au même titre que les actionnaires ordinaires. Pour obtenir sa fidélité, on lui interdit de céder les actions reçues généreusement.

B - Un actionnaire asservi par l'obligation de conservation pendant la période obligatoire de conservation

Le salarié qui reçoit définitivement les actions gratuites après le terme de la période d'acquisition, doit obligatoirement les conserver dans son patrimoine pendant un certain temps. La période obligatoire de conservation dans ce sens est le laps de temps avant l'écoulement duquel, les actions reçues gratuitement ne peuvent pas être cessibles. Autrement dit, le titulaire n'exerce la plénitude de ses droits d'actionnaire et spécialement sa liberté d'en disposer qu'après l'écoulement du temps préfixé. Pendant cette période, il ne peut pas les céder236 sous quelques formes que ce soit mais bénéficie des autres droits d'actionnaires.

La fixation de la durée de l'obligation de conservation qui ne peut être inférieure à 2 ans est l'apanage de l'AGE qui la fait à travers son autorisation d'attribution gratuite des actions237. Elle commence à courir quand les actions ont été définitivement attribuées au salarié, c'est-à-dire à compter de l'échéance de la période d'acquisition. Durant toute cette période, le salarié est obligé de demeurer actionnaire de l'entreprise : ses actions sont légalement inaliénables238. Et c'est tout l'intérêt de ce dispositif que de contraindre le salarié à demeurer dans l'entreprise afin que par l'effet stimulateur que lui ont procuré les actions

235 Les bénéficiaires reçoivent l'action dans leurs patrimoines à la valeur qu'elles ont au terme de la période d'acquisition. Ceci suppose que dans les sociétés cotées, ils reçoivent définitivement l'action gratuite à son cours du marché.

236 Le bénéficiaire peut-il louer ses actions ? Peut-il les nantir ? Le cas de la location est très particulier. La vérité est que la location n'est pas interdite en droit OHADA et même d'après le code de commerce Français. La location n'étant en rien un acte de disposition. Mais il s'agit d'un acte susceptible de nuire à la fidélité (recherchée) du bénéficiaire. En France, une note de l'administration fiscale l'interdit (instruction n° 5F-17-06 du 10 nov. 2006), bien que ce ne soit certainement pas dans le but d'assurer la fidélité du bénéficiaire. Quant à savoir si les actions ainsi que les droits d'associés qui en découlent peuvent être nanties pendant la période de conservation, aucun acte uniforme n'interdit pas cela. Cependant, logiquement le nantissement ne pourra pas se réaliser avant la fin de la période de conservation.

237 Art. 626-1 al.6 de l'AUSC.

238 MERLE (P.), op.cit., p. 397.

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reçues, il puisse avoir la hargne du travail. La gratuité a donc un prix : la fidélité du bénéficiaire239.

Exceptionnellement, dans bien des cas, l'obligation de conservation peut être levée avant même la fin de la durée fixée. Premièrement, lorsque l'AGE a fixée pour la période d'acquisition une durée supérieure ou égale à 4 ans, elle peut décider de l'inopportunité de la période de conservation et ne pas la prévoir ou prévoir une durée inférieure aux deux ans requis240. Ensuite, toutes les actions sont librement cessibles en cas d'invalidité des bénéficiaires se trouvant d'exercer une profession quelconque. In fine en cas décès, l'AUSC ne précise pas la conduite à tenir. Mais ayant prévu qu'en cas de décès survenir pendant la période d'acquisition, les héritiers bénéficient des actions s'ils en font la demande dans le délai de 06 mois à compter du décès et que ces actions seront librement cessibles, il est évident qu'on devrait appliquer la même règle au cas du décès survenu pendant la période de conservation241. De plus, la précédente disposition démontre à suffisance que seule la cession entre vifs est interdite.

La fin de la période obligatoire de conservation marque alors en principe la levée de l'indisponibilité légale. Toutefois, afin d'éviter les délits d'initiés dans les sociétés cotées, l'article 626-1-1 de l'AUSC prévoit que les actions gratuitement attribuées ne peuvent être cédées à l'issue de la période d'obligation de conservation dans le délai de 10 séances de bourses précédant et suivant la date à laquelle les comptes consolidés ou à défaut les comptes annuels sont rendus publics ; dans le délai compris entre la date à laquelle les organes sociaux de la société ont connaissance d'une information qui, si elle était rendue publique pourrait avoir une incidence significative sur la valeur boursière des titres et la date postérieure de 10 séances de bourse à celle où cette information est rendue publique.

Une fois l'indisponibilité légale levée, le salarié bénéficiaire de l'AGA devient un actionnaire de l'entreprise, ce qui est susceptible d'accroitre fortement sa participation dans le fonctionnement de celle-ci.

239 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), Droit des sociétés, 23e éd., Litec LexisNexis, Paris, 2010, n°803, p. 421.

240 Art. 626-1 al.7 de l'AUSC.

241 Art.626-3 al.2 de l'AUSC.

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PARAGRAPHE II : LES SALARIÉS DÉFINITIVEMENT ACTIONNAIRES : ACCROISSEMENT DE LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE L'ENTREPRISE

« La détention, par le personnel d'une société d'une fraction du capital, confère aux travailleurs le pouvoir de contrôler, dans la mesure des droits des actionnaires, la marche de cette société et l'on ne peut exclure que de cette situation procèdent des rapports nouveaux au sein de l'entreprise »242. En effet, le salarié bénéficiaire d'actions gratuites devient actionnaire comme tous les autres et profite de ce fait de tous les droits d'actionnaires. Il s'agit des droits politiques ou extra pécuniaires qui lui permettent de participer à sa gestion (A) et les droits financiers qui lui permettent de participer aux bénéfices (B).

A - Les droits politiques renforçant l'implication des salariés à la gestion de

l'entreprise

Le salarié attributaire d'actions gratuites est devenu un salarié actionnaire. De ce fait, comme tous les actionnaires, il peut revendiquer des droits politiques ou extrapécuniaires qui découlent du droit commun des actionnaires. Les droits extrapécuniaires sont des droits personnels à l'actionnaire et qui lui permettent d'exercer une influence sur la gestion de la société243. Ils permettent aux actionnaires de prendre ensemble des décisions sur la direction que devra prendre le projet social qui les unis. C'est dans ce sens qu'on dit qu'ils découlent de l'affectio societatis244. Ils lui permettent également de contrôler la gestion de l'entreprise à travers les informations dont il est destinataire.

Les prérogatives politiques sont au nombre de deux. D'une part, le droit de participer aux décisions collectives. D'après l'article 125 de l'AUSC, tout [actionnaire] a le droit de participer aux votes des décisions collectives. Cela implique pour ce dernier, qu'il a le droit de participer à toutes les assemblées d'actionnaires. D'ailleurs, l'article 891-3 prévoit des sanctions pénales pour toute personne qui, sciemment, empêche un actionnaire ou un associé de participer à une assemblée générale. Cela implique également qu'il a le droit de voter avec voix délibérative lors de toutes ces assemblées. À travers cette première prérogative, on voit clairement que le salarié devenu actionnaire peut participer à la prise des décisions qui

242 CATALA (N.), L'entreprise, Dalloz, Paris, 1980, p. 1217.

243 ANOUKAHA (F.), CISSE (A.), DIOUF (N.), NGUEBOU-TOUKAM (J.), POUGOUE (P.-G.) et SAMB (M.), op. cit., pp. 74-75.

244 Idem.

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concernent la vie de l'entreprise. Il devient actif dans l'élaboration et le choix des décisions. La participation des travailleurs à la gestion se trouve ainsi renforcée.

Le droit à l'information est l'autre part des droits politiques de l'actionnaire. Il suppose principalement que l'actionnaire ait en permanence à sa disposition, des informations écrites sur la situation de l'entreprise et secondairement, qu'il puisse obtenir d'autres à l'occasion de certains évènements (avant l'assemblée générale par exemple). Toutes ces informations lui permettent de mieux exprimer son avis sur les affaires de l'entreprise, elles renforcent ses capacités à intervenir dans les stratégies de l'entreprise. La participation des travailleurs une fois de plus se trouve renforcée.

Par le sentiment d'égalité qu'ils créent entre les actionnaires, les droits politiques permettront aux salariés actionnaires de se sentir davantage impliqués dans la société. Ces derniers serviront de navette entre la vie pratique réelle de l'entreprise incarnée par le salarié lambda, et le cénacle décisionnel des actionnaires souvent déconnectés de cette réalité. L'effet positif direct sera le réalisme des décisions issues de l'assemblée.

En effet, l'assemblée d'actionnaires, organe le plus influant dans la gestion de l'entreprise, est souvent amenée à prendre des décisions sans tenir compte de l'intérêt des salariés et très souvent, elles impactent négativement sur son statut dans l'entreprise. Il en va ainsi des décisions de restructuration proactive telle que l'arrêt d'une branche de la production devenue moins rentable. C'est pourquoi dans le raisonnement de la gouvernance salariale, l'on propose aussi d'impliquer les salariés dans l'assemblée générale, ne serait-ce qu'avec voix consultative, ce qui n'emporte pas la conviction de tous. Le droit OHADA déjà très réticent à l'implication des salariés n'a expressément rien prévu pour leur participation dans l'assemblée générale à la différence du législateur français par exemple.

Cependant, on peut implicitement, voir que par l'adoption du mécanisme d'attribution gratuite d'actions aux salariés, le droit OHADA les faire participer aux assemblées d'actionnaires. On peut donc considérer les bénéficiaires de ce dispositif comme des représentants des salariés à l'assemblée générale.

Les droits patrimoniaux réalisent également le même effet d'accroitre la participation des salariés dans la vie de l'entreprise.

B - Les droits pécuniaires renforçant l'intéressement des salariés aux bénéfices

Les actions confèrent à leurs titulaires des droits sur les bénéfices qu'elles auraient produits et la capacité d'exercer sur eux des prérogatives patrimoniales.

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En premier lieu, tous les salariés actionnaires doivent avoir une part des bénéfices réalisés par l'entreprise. C'est la conséquence de la nature lucrative de la société commerciale. Il s'agit de leurs droits financiers ou pécuniaires découlant des actions qu'ils ont gracieusement reçues. Le mécanisme de l'AGA permet donc un intéressement du salarié aux bénéfices de l'entreprise. Ces prérogatives financières conférées au désormais actionnaire se subdivisent en trois types en fonction de la nature du bénéfice.

D'abord, les actionnaires ont tous droit aux dividendes. Les dividendes représentent la part des bénéfices réalisés distribuables que l'assemblée générale ordinaire, annuelle, statuant sur l'approbation des états financiers de synthèse, décide de distribuer aux actionnaires245. Sous réserve des privilèges liés aux éventuelles actions de préférences246, les dividendes sont fonctions du nombre d'actions. Ensuite, ils ont le droit de prétendre à une part des réserves lorsque leur indisponibilité (en ce qui concerne les réserves légales et statutaires) sera levée. Celles-ci constituant bien évidemment des bénéfices écartés de la répartition dans le but de prévenir une crise du capital social. Enfin, ils ont droit au boni de liquidation, ce qui suppose qu'en cas de liquidation de la société, ils pourront profiter avec les autres actionnaires, du solde entre le passif et l'actif de la société.

En second lieu, les titulaires d'actions peuvent exercer dessus des droits patrimoniaux. Un droit patrimonial désigne la capacité de son titulaire à disposer librement de son bien. En effet, c'est que l'action ayant une valeur vénale, est entrée dans le patrimoine de son propriétaire et en l'absence d'une interdiction légalement telle qu'une période obligatoire de conservation, son propriétaire a le droit d'en disposer à sa guise. Le salarié actionnaire pourra très bien céder ses actions et réaliser une plus-value selon la situation, ou s'en servir comme instrument de garantie247 ; il peut en outre les négocier librement selon les règles de l'AUSC.

Tous ces droits patrimoniaux renforcent le sentiment d'appartenance du salarié actionnaire à l'entreprise, chose qui est évidemment de nature à accroitre sa productivité. Ils pourront d'ailleurs s'analyser à l'égard de ce salarié comme une forme indirecte de rémunération248.

245 Art. 142- 146 de l'AUSC ; COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op. cit., p. 316.

246 COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op.cit., p. 318.

247 Ibid., p. 158.

248 MUCHA (L.), La motivation du personnel et la performance dans les entreprises, mémoire professionnel, Université de Reims, Champagne-Ardenne, 2010, p. 91.

CONCLUSION DU CHAPITRE I

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En somme, le droit OHADA envisage la participation financière des salariés uniquement sous l'angle de la prise de participation au capital social. Dans ce sens, il a adopté de manière très laconique, la technique d'actionnariat salarié qui consiste à attribuer gratuitement des actions aux salariés, ce qui a indiscutablement pour effet d'accroitre l'implication de ces derniers dans le fonctionnement de la société. Cependant, se focaliser uniquement sur l'actionnariat salarié et de surcroît n'y envisager qu'une seule technique, c'est déjà saper le perfectionnement de la participation des salariés, chose qui ne facilite pas la dynamisation recherchée de la gouvernance des sociétés commerciales OHADA. Or, l'aspect financier de la participation des salariés est un élément majeur dans cette recherche ; il permet d'impliquer directement et individuellement au fonctionnement, un nombre plus important de salariés à la différence de la participation à la gestion où la représentation semble plus adéquate. Ainsi peut-on dénombrer plusieurs limites à la participation financière en droit OHADA qui rendent nécessaire son amélioration.

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CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT SOUHAITABLE DE LA
PARTICIPATION FINANCIÈRE EN DROIT OHADA DES SOCIÉTÉS
COMMERCIALES

Il nous a été donné de constater que le droit OHADA des sociétés commerciales n'envisage la participation financière des salariés dans les sociétés commerciales que sur l'angle des attributions gratuites d'actions. Cette vision suffit-elle à dynamiser la gouvernance de ces sociétés ? Sûrement pas ! En effet, alors que dans cet objectif l'on devrait maximiser les techniques qui permettront une implication financière considérable du capital humain, le droit OHADA ne se limite qu'à une seule (section1) et n'a prévu aucune mesure fiscale et sociale incitative (section 2). Il est nécessaire de remédier à ces limites.

SECTION I : LA NÉCESSITÉ DE L'ÉLARGISSEMENT DES TECHNIQUES DE
PARTICIPATION FINANCIÈRE

À l'insuffisance des techniques de participation financière en droit OHADA des sociétés commerciales, l'on pourrait recourir à d'autres mécanismes d'actionnariat salarié (paragraphe 1) et envisager la possibilité de faire enfin participer les salariés aux bénéfices sans qu'ils n'aient besoin d'être actionnaires (paragraphe 2).

PARAGRAPHE I : LE RECOURS À D'AUTRES MÉCANISMES D'ACTIONNARIAT

SALARIÉ

Il existe une multitude de techniques d'actionnariat très séduisantes qui favoriseraient mieux la participation des salariés dans la vie des sociétés commerciales OHADA. L'on pourrait dans ce sens envisager la consécration des options de souscription ou d'achat d'actions (A) et le rachat de l'entreprise en temps de crise par ses salariés (B).

A - La consécration envisageable des options de souscription ou d'achat d'actions

Le droit OHADA ne consacre pas que les sociétés commerciales puissent octroyer à leurs travailleurs ou mandataires sociaux des options de souscription ou d'achat d'actions. Or

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l'option de souscription ou d'achat des actions, pratique inspirée du modèle américain des « stock-options plans », a pris aujourd'hui corps dans plusieurs législations à travers le monde. Elle arrive en France par une loi du 31 décembre 1970 et occupe aujourd'hui une place importante dans le code de commerce249. Cette évolution ne traduit-elle pas le succès d'une formule qui pourrait aider à dynamiser la gouvernance des entreprises OHADA et justifier que législateur s'en inspire ?

En effet, l'option de souscription ou d'achat d'actions est une formule d'actionnariat salarié permettant aux salariés d'une société commerciale d'actions, de souscrire des actions à émettre ou d'acheter des actions existantes à un prix fixé ab initio sous certaines conditions. Clairement, c'est une promesse unilatérale que la société fait à certains de ses salariés de leurs vendre ou de les laisser souscrire un certain nombre déterminé d'actions pendant une durée précise à un prix définitivement fixé à l'avance250.

À l'inspiration du droit Français, on constate que l'option de souscription ou d'achat d'actions présente une similarité avec l'attribution gratuite d'actions en ce qui concerne les conditions d'ouverture. Mais le mécanisme251 dans sa totalité tel qu'il suit s'avère différent de celui des AGA. En effet, l'assemblée générale extraordinaire autorise le conseil d'administration (ou l'administrateur général selon le cas) à offrir pendant une période le droit de souscrire ou d'acheter des actions à un prix fixé à l'avance et qui restera le même au jour de l'exécution dudit droit. À l'évidence, le salarié ne lèvera son option que quand la valeur de l'action sera en hausse afin de réaliser un gain quitte à le céder immédiatement252. Les stock-options ne sont donc pas des cadeaux offerts par les actionnaires aux salariés en ce sens que le bénéficiaire devra dépenser pour avoir la propriété de l'action.

La nature onéreuse des options de souscriptions ou d'achat d'actions est certainement un inconvénient pour le salarié bénéficiaire, dans la mesure où il n'est pas garanti de faire les bénéfices. La conjoncture économique pouvant même l'obliger à abandonner son droit d'option253. Mais dans le cadre de l'OHADA, elle pourrait s'avérer être un avantage. À vrai dire, les actionnaires sont moins favorables à l'AGA en raison de l'énormité du sacrifice qu'ils doivent faire. Dans un environnement économique moins rentable que celui de la France, les sociétés du droit OHADA pourraient être moins réticentes à appliquer les stock-options que l'AGA car ils ne sont pas totalement gratuits. Cette formule permet en quelque

249 Art. L. 225-177 et suivants.

250 MERLE (P.), op. cit., p. 681.

251 Ibid., pp. 680-681; COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op. cit., p. 344. 252Idem ; Idem.

253 FOY (R.), précité, p. 3.

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sorte de concilier l'approche actionnariale du droit des sociétés avec une vision un peu partenariale. Comme toutes les formules de l'actionnariat salarié, elle renforce l'efficacité de la gouvernance d'entreprise et favorise la convergence des intérêts des différentes parties prenantes254. C'est pourquoi l'on pense qu'elle serait une solution adéquate pour faciliter l'actionnariat salarié et de là, dynamiser la gouvernance.

Cependant, l'adoption du mécanisme de l'option sur actions en droit OHADA devra se faire de façon prudente. En effet, en raison de sa réglementation fragile (à la base255), les stock-options ont donné lieu en France à des pratiques peu orthodoxes qui ont relancé le débat sur son efficacité et son importance. Par exemple, en raison d'une absence d'obligation de conservation des actions comme c'est le cas avec l'AGA, les bénéficiaires revendaient directement les actions une fois l'option levée afin de se faire rapidement des gains ; ce qui détourne ce mécanisme de la finalité recherchée : la fidélisation du salarié256. En plus, il s'est avéré que la formule n'était utilisée que pour associer les cadres dirigeants à la prospérité de l'entreprise de la société que pour développer l'actionnariat salarié257. Mais sa pertinence ne devrait pas être remise en cause pour autant. Le législateur français la conserve toujours et la doctrine (économique surtout) majoritairement, s'accorde à dire que la formule des stock-options influence positivement les performances de l'entreprise258. Elle incite les bénéficiaires à accroitre la valeur de leurs actions259. Elle est en outre un excellent outil de gestion des ressources humaines, permettant, d'attirer, motiver et conserver les salariés performants dont la fidélisation est indispensable à la rentabilité de l'entreprise260.

L'on pourra aussi envisager le rachat d'une branche de la société ou de sa totalité par ses propres salariés.

254 DESBRIERES (P.), « Les actionnaires salariés », Revue Française de Gestion, Vol. 28, n° 141, 2002, pp. 11.

255 De nombreux textes sont depuis lors intervenus pour régulariser cette pratique. Mais ils n'ont fait que le rendre moins attractif.

256 FOY (R.), précité, pp. 3-4.

257 COUTURIER (G.), op. cit., p. 290 ; COZIAN (M.), VIANDIER (A.), DEBOISSY (F.), op. cit., p. 345.

258 IDI CHEFFOU (A.), « Les Stock-options en faveur des dirigeants : déterminants d'octroi et impact sur la performance des entreprises, le cas français », janvier 2007, [en ligne sur] https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00151918, (consulté le 29 mai 2020 à 10h).

259 Théorie de l'incitation. V., JENSEN (M. C.) et MURPHY (K.), 1990, « Performance Pay and Top Management incentives », Journal of Political Economy, Vol. 98(2), 1990, pp. 225-264.

260 GUILLOT-SOULEZ (C.), « Comment mesurer la performance des plans d'options sur actions (stock-options) ? Les liens inévitables entre le social et le financier », p. 2666.

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B - La consécration envisageable de la reprise de l'entreprise par ses salariés

Dans l'optique de développer la participation financière des salariés, l'on peut également envisager que ces derniers rachètent la société qui les emploie lorsqu'une menace pèse sur sa survie. Cette reprise de l'entreprise (RES) peut être totale ou dans le cadre des groupes de sociétés, ne concerner qu'une branche des activités.

Apparue aux États-Unis dans les années 1970, puis en Grande Bretagne sous le nom de leverage management buy out (LMBO)261, la reprise de l'entreprise par ses salariés a inspirée de nombreuses législations. La France l'a adopté à travers la loi du 09 juillet 1984 relative au développement de l'initiative économique. Le droit OHADA des sociétés commerciales n'a jamais consacré cette mesure. Pourtant, plus proche de lui, le législateur camerounais l'a fait depuis 1990. Ce dernier, permet aux salariés des sociétés en cours de privatisation d'acquérir le capital social. En effet, l'article 16 du décret n°90/1257 du 30 août 1990 portant application de l'ordonnance n°90/004 du 22 juin 1990 sur la privatisation des entreprises publiques et parapubliques dispose qu': « Il peut être dérogé, conformément aux dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n°90/004 du 22 juin 1990 au principe de l'appel à la concurrence prévu à l'article 11 ci-dessus afin de favoriser : (...)- la participation des salariés au capital de l'entreprise, voir même sa reprise totale par ceux-ci ». Il est donc curieux de voir que le législateur OHADA n'a pas insérer un tel mécanisme dans ses dispositions.

Le choix du législateur, pourrait-il être justifié par l'approche actionnariale qui le caractérise ? En réalité, il est possible que l'idée d'un rachat de l'entreprise effraie les actionnaires. Cette formule réalise en effet une transmission de l'entreprise des mains des propriétaires (supposés) aux salariés. La mesure pourrait être mal vue des investisseurs étrangers et rendre le droit OHADA moins attractif. Mais cet argument est très fragile. À vrai dire, dans les faits, la RES ne s'effectue qu'en temps de crise, lorsqu'une cessation des paiements par exemple menace la survie de l'entreprise ou encore quand les propriétaires du capital financier envisagent de mettre un terme à l'entreprise, d'où le terme « reprise ». Alors, afin de protéger les emplois et le tissu économique, toute source de financement est la bienvenue. Cette formule loin d'être un handicap à l'objectif de l'OHADA, présente même de nombreux avantages.

261 MERLE (P.), op. cit., p. 692.

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En effet, indiscutablement, la survie de toute entreprise concoure au développement économique. C'est pourquoi, il faut envisager que des tiers (au capital social) reprennent celles qui risquent la fermeture. Dans l'intérêt de l'entreprise, il serait souhaitable que sa continuité se fasse avec ses travailleurs qui maîtrisent mieux son environnement. Un salarié qui a une ancienneté de 20 ans dans l'entreprise est certainement une matière grise non négligeable pour celle-ci. Dès lors, permettre aux salariés de reprendre l'entreprise peut redynamiser celle-ci et la rendre mieux performante.

Dans un autre sens, les salariés étant des parties prenantes à l'entreprise ont au même titre que les actionnaires, un intérêt à ce qu'elle survive, seule la nature de ces intérêts diffère. Ainsi, afin de protéger leurs emplois, ils pourront très bien reprendre la structure. Mais où trouveront-ils les financements pour une telle opération ?

La question du financement de l'opération est au coeur même du mécanisme de RES262. Laconiquement, le mécanisme peut être le suivant. Sans risquer leurs économies personnelles, les salariés sont aidés par des groupes d'investisseurs externes qui rachètent la société. Grâce à un soutient fiscal de l'État, les bénéfices réalisés par la nouvelle société serviront à rembourser ces dettes. Afin de se rassurer de l'effectivité d'une reprise par les salariés plutôt que par le groupe d'investissement, la loi impose un quota de droit de vote que devront détenir des personnes qui à la date de la reprise, étaient salariés de l'entreprise263.

Outre la participation au capital, l'on pourrait aussi envisager la participation directe aux bénéfices.

PARAGRAPHE II : L'IMPORTANCE D'UNE PARTICIPATION DES SALARIÉS
AUX RÉSULTATS DE LA SOCIÉTÉ

En droit OHADA, les principaux bénéficiaires des performances de l'entreprise sont le trésor et les actionnaires. Les salariés ne sont pas pris en compte. Or, les actionnaires ne supportent pas seul le risque entrepreneurial264. En investissant dans des compétences spécifiques difficilement remplaçables (capital humain), les salariés se trouvent dans la même situation que celles des actionnaires (fonds propres). Tous deux sont des « créanciers résiduels » de l'entreprise, dans la mesure où ils supportent les risques265. Ainsi, il est dangereux de les écarter du magot. Le danger vient de ce que cette mise à l'écart à une

262 Idem.

263 Idem.

264 BENHAMOU (S.), précité, p. 65.

265 Idem.

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désincitation au travail qui affaiblit les performances de l'entreprise. C'est pourquoi, il est important d'envisager un intéressement des salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise. Et dans ce sens, le droit comparé nous propose une participation des salariés aux bénéfices de l'entreprise (A) et la promotion de l'épargne salariale (B).

A - La participation souhaitable des salariés aux bénéfices de l'entreprise

La participation du salarié aux bénéfices est le droit reconnu pour le travailleur de profiter d'une part des bénéfices réalisés par l'entreprise dans laquelle il offre ses services au cours d'une année. Elle consiste à attribuer à ce dernier des primes, exclues des éléments du salaire, en fonction de l'accroissement des performances de l'entreprise. C'est un système d'incitation comme on l'a déjà dit, c'est pourquoi il est essentiellement lié à la prospérité de l'entreprise266. Mais le droit OHADA des sociétés commerciales ne l'envisage pas ; du moins il ne le consacre pas car ne l'ayant pas explicitement interdit, chaque société peut librement l'organiser. Le voeu formuler à ce niveau est donc celui d'une consécration explicite.

Influencé par l'approche actionnariale de la gouvernance, le législateur OHADA n'a pas explicitement permis aux salariés de profiter des performances de l'entreprise. L'avant-projet d'acte uniforme de 2006 relatif au droit du travail ne l'envisageait non plus. Pourtant, l'implication des salariés aux bénéfices de l'entreprise a été solidement implantée dans d'autres législations telle qu'en France, et continue d'évoluer267.

À cet effet, le droit français nous offre deux principales modalités d'implication des salariés aux bénéfices. L'une purement facultative appelée « l'intéressement » et l'autre obligatoire (à partir d'un seuil de salariés dans l'entreprise) appelée la « participation »268. Bien que leurs régimes juridiques soient très différents, ces deux techniques de participation aux bénéfices consistent simplement à attribuer à tous les salariés de l'entreprise, des primes (d'intéressement et de participation) dont les modalités, les critères de calcul et de répartition sont fixés par des conventions collectives (accords de participation ou d'intéressement269).

266 POUGOUÉ (P.-G.), Droit du travail et de la prévoyance sociale au Cameroun, Presses Universitaires du Cameroun, Paris, Tome 1, 1988, p. 247.

267 COUTURIER (G.), op. cit., pp. 277-279 ; DESPAX (M.), « La participation des salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise en France : (ordonnance du 17 août 1967 et décret du 19 décembre 1967) », Les cahiers de droit, volume 9, n°3, 1967-68, pp. 365-390 ; MERLE (P.), op. cit., p. 674.

268 MERLE (P.), op.cit., pp. 674-679 ; la loi française du 30 décembre 2006 relative au développement de la participation et de l'actionnariat salarié, a créé une troisième modalité très symbolique qu'est le « dividende du travail ».

269 Voir, COUTURIER (G.), op. cit., p. 286.

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Alors, s'il ne s'agit que de primes de performances, pourquoi dire que droit OHADA en est indigent ? Certes, il n'existe pas encore de droit OHADA du travail, mais au regard du droit du travail camerounais par exemple, la question mérite d'être posée vu qu'il y existe, plusieurs accessoires du salaire versés par l'employeur et apparemment similaires aux primes de participation aux bénéfices sus mentionnées. Pour répondre à cette question, nous allons reprendre les mots du professeur POUGOUÉ Paul-Gérard qui disait que la participation aux bénéfices ne se trouve pas dans le droit positif camerounais ; « (...) des conventions collectives prévoient plutôt des gratifications subordonnées aux résultats positifs de l'entreprise et à la manière de servir du travailleur (...)» et les lois prévoient d'autres primes ayant pour cause le travail270. Pour clarifier cette situation, il convient de comparer les primes de participations aux bénéfices, de ces différents accessoires du salaire reconnus par le droit positif camerounais.

D'une part, les gratifications sont des sommes d'argent remises par l'employeur pour marquer sa satisfaction du travail accompli et ayant contribué à la prospérité de l'entreprise, ou plus rarement, à l'occasion d'évènements personnels de la vie du salarié271. Il peut s'agir des primes de vacances, du treizième mois etc. Elles sont différentes des primes d'intéressement et de participation en deux points. Premièrement, elles n'ont pas en principe un caractère obligatoire pour l'employeur et s'analysent comme des donations de sa part. Secondement, elles n'ont aucun caractère collectif dans ce sens qu'elles ne profitent pas à tous les salariés. Or pour les primes de participations par exemple, « tous les salariés ont, en principe, vocation à être bénéficiaires »272.

D'autre part, les primes qui servent de compléments de salaires à savoir principalement la prime d'ancienneté273 et la prime de rendement se rapprochent quand même des participations aux bénéfices. Elles récompensent toutes, la fidélité et la productivité du salarié que l'on veut inciter à de meilleurs résultats. Mais outre le caractère collectif, une raison fondamentale les différentie. En effet, alors que les primes d'ancienneté et de rendement prévues en droit positif camerounais sont des accessoires du salaire, des éléments directs de celui-ci, les primes de participation ne le sont pas. Les primes d'intéressement par

270 POUGOUÉ (P-G.), op. cit., p. 247.

271 Idem.

272 COUTURIER (G.), op. cit., p. 283.

273 Article 119 de l'avant-projet d'acte uniforme relatif au Droit du Travail du 24 novembre 2006.

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exemple en France, « s'ajoutent » au salaire, elles ne peuvent être substituées à aucun élément de celui-ci274.

Cette nature particulière des primes de participation aux bénéfices justifie largement le traitement fiscal et social avantageux qui leurs est souvent accordé. Dans la plupart des cas, elles sont exonérées d'impôts et des cotisations sociales275.

Ce qui séduit sur les mécanismes de participation aux bénéfices est sans doute la finalité des primes. Elles sont principalement destinées à constituer un fond d'investissement au profit des salariés pour qu'ils acquièrent facilement des valeurs mobilières sans difficultés financières.

Ainsi, la participation aux bénéfices concoure inéluctable à dynamiser la gouvernance ; elle rapproche les travailleurs de la gestion, favorise le dialogue social, améliore les conditions des travailleurs, les incitent à la production et de là le développement de l'entreprise est assuré. C'est justement pourquoi en droit OHADA, un tel mécanisme est essentiel pour le développement économique. De plus, on devrait penser à promouvoir l'épargne salariale.

B - La promotion de l'épargne salarial

Un des moyens de développer la participation sociale financière des salariés en droit OHADA serait de promouvoir l'épargne salariale comme c'est le cas ailleurs. L'épargne salariale est un système collectif de cotisation permettant aux salariés d'investir dans des entreprises. Il ne s'agit pas des associations intra-entreprises n'ayant pour but que de renforcer la solidarité entre les travailleurs comme on peut le voir dans nos entreprises africaines. Elle se réalise surtout à travers l'établissement dans l'entreprise, des plans dits d'épargne salariale.

Développée dès les années 1950 en France, elle y a depuis fait l'objet de multiples lois276. La législation française propose plusieurs plans d'épargne salariale dont le plus ancien277 est le plan d'épargne d'entreprise (PEE)278. C'est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. Ce plan a permis le développement de

274 SAVATIER (J. V.), « L'interdiction de substituer un intéressement à un élément du salaire », Dr. soc., 1991, p. 756.

275 MERLE (P.), op.cit., p. 677.

276 Ministère français du travail, de l'emploi et dialogue et autres, Guide de l'épargne salariale, juillet 2014, p. 4.

277 Créé par une ordonnance le 17 août 1967.

278 Art. L. 3332-1 à L. 3332-28 du C.trav.

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l'épargne salariale en France. Sa promotion par le législateur va l'emmener à créer d'autres plans en 2001279.

« L'épargne salariale recouvre un ensemble de dispositifs dont l'objectif est d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise et de favoriser l'épargne collective et le développement des investissements des entreprises »280. Cette définition donnée par le gouvernement français contient les éléments déterminants de la nature participative de l'épargne salariale.

D'abord, l'épargne salariale a pour objectif « d'associer les salariés aux résultats de leur entreprise ». En effet, c'est la raison pour laquelle elle est une technique de participation financière. Le régime des PEE par exemple nous laisse comprendre que les plans d'épargne sont alimentés par trois principales sources à savoir : les primes de participations aux bénéfices ; les versements volontaires et gratuits de l'employeur appelés abondement ; et les versements volontaires des salariés281. En principe, les fonds du plan sont approvisionnés uniquement par les primes de participations aux bénéfices, les salariés ne sont pas obligés d'effectuer des versements.

Ensuite, l'épargne salariale permet de « favoriser l'épargne collective ». En effet, les dispositifs d'épargne salariale sont nécessairement collectifs et aucun salarié ne peut en être exclu. Ce caractère collectif a plusieurs vertus sur la gouvernance. Il favorise le dialogue social, la solidarité entre travailleurs et harmonise leurs efforts. Il permet en outre, une implication de tous les travailleurs aux questions économiques de l'entreprise.

Enfin, l'épargne salariale favorise « le développement des investissements des entreprises ». Les fonds perçues dans le cadre du plan sont bloqués pendant une période d'indisponibilité et consacrés à l'acquisition de valeurs mobilières à l'intérieur de l'entreprise ou à l'extérieur. La doctrine économiste préconise que les acquisitions soient diversifiées, c'est-à-dire qu'elles ne se limitent pas qu'à l'achat de valeurs émises par l'employeur282. En effet, à la base, l'idée était de permettre une entrée des salariés dans le capital de leur propre entreprise lors des augmentations de capitaux ou lors des crises financières. Mais afin de

279 La loi du 19 février 2001 sur l'épargne salariale a créé également le plan d'épargne interentreprises et le plan d'épargne pour retraite collective (PERCO).

280 Ministère français du travail, de l'emploi et dialogue et autres, op. cit., p. 4.

281 MERLE (P.), op. cit., p. 677.

282 « Les préconisations de la théorie moderne du portefeuille disqualifient toute épargne placée au sein de l'entreprise au motif qu'elle consisterait à se priver des avantages de la diversification. Cette préconisation qui aurait historiquement déplacé l'épargne des salariés de leur entreprise vers des produits diversifiés est parfois identifiée comme le point de départ de la financiarisation de l'économie à partir des années 1970 », in BEKRAR (Y.), Trois essais sur l'épargne salariale comme dispositif d'association des salaries à la croissance et au développement de l'entreprise, thèse, Université de TOULON - Institut d'administration des entreprises, 15 mars 2017, p. 16.

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sécuriser les placements contre le risque d'une perte totale de biens pour les bénéficiaires en cas de faillite de l'entreprise par exemple, il est plus sécurisant que les travailleurs acquièrent des valeurs mobilières dans d'autres entreprises par le biais des fonds commun de placement des entreprises (FCPE) ou des sociétés d'investissements à capitaux variables (SICAV).

Au regard de ce qui précède, l'épargne salariale est incontestablement un vecteur de participation financière des salariés. Elle se situe entre l'implication aux bénéfices et l'actionnariat salarié dans la mesure où les bénéfices des salariés leurs servent à acheter des actions. Ainsi, elle s'avère être un dispositif très important pour la dynamisation de la gouvernance des sociétés que le droit OHADA gagnerait à consacrer. Le succès d'un tel mécanisme est également dû aux nombreuses mesures fiscales et sociales avantageuses qui ont incité les acteurs sociaux à l'utiliser.

SECTION II : LA NÉCESSITÉ DES MESURES FISCALES ET SOCIALES
INCITATIVES

Si en France de nos jours, l'actionnariat salarié a un écho favorable et semble plaire à tous les acteurs sociaux283, c'est parce que le droit de la participation salariale y bénéficie d'un régime fiscal et social qui incite tant les actionnaires que les salariés eux même. En droit OHADA, la simple consécration ne suffit pas. Il faudrait au-delà de rendre cette pratique obligatoire, essayer d'emmener les acteurs sociaux à s'y investir soient même. Au-delà de ce que l'on peut penser, il est bien possible d'instaurer ces mesures dans l'espace communautaire (paragraphe 2) au regard de leur utilité (paragraphe 1).

PARAGRAPHE I : L'UTILITÉ DE L'INSTAURATION DES MESURES FISCALES
ET SOCIALES INCITATIVES

L'utilité de l'instauration des mesures fiscales et sociales avantageuses s'analyse au regard du désengagement des acteurs sociaux à l'égard de la participation financière des salariés lorsque le régime fiscal n'a rien d'incitatif comme on l'observe actuellement en droit OHADA (A) contrairement au droit français (B).

283 MERLE (P.), op. cit., p. 680.

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A - L'effet désincitatif du régime actuel : cas du Cameroun

En l'état actuel du droit OHADA, seules les attributions gratuites d'actions aux salariés représentent la participation financière et il revient à chaque État membre d'en établir le régime fiscal et social. En l'absence d'orientation du législateur OHADA, chaque membre le fait à sa guise. L'on note l'absence de caractère incitatif dans les prévisions fiscales et sociales de ces États. Ces derniers ne tiennent pas compte du but recherché par le législateur OHADA à travers l'institution des AGA (la promotion de l'actionnariat salarié). Il s'en suit que l'action de l'OHADA perd sa pertinence.

Le cas du Cameroun est révélateur de cette situation. La législation n'encourage pas les employeurs à procéder à l'attribution gratuite des actions aux salariés.

Sur le plan fiscal, les employeurs distributeurs d'actions gratuites et les salariés qui les reçoivent ne sont pas fiscalement avantagés. L'employeur distribue les actions gratuitement à ses salariés à ses risques et périls. En effet, certes le plan comptable OHADA prévoit que les dépenses liées à la participation des salariés sont comptabilisées comme des charges pour la détermination du résultat comptable284. Mais lors de la détermination du bénéfice imposable, ces charges doivent être réintégrées dans les produits car aucune loi fiscale à notre connaissance n'autorise qu'elles soient considérées comme des charges. Plus clairement, les actions gratuitement attribuées aux salariés ne sont pas considérées des charges déductibles au sens de l'article 7 du code général des impôts camerounais.

En outre, si l'on se fie à l'article 640-1 de l'AUSCGIE qui dit que les actions gratuitement attribuées sont libérées ou payées par l'employeur par prélèvement obligatoire sur les réserves non légales, on comprend que l'employeur paie les impôts sur ces actions. Les réserves non légales en effet ne sont pas déductibles de l'assiette des impôts.

Sur le plan social, la participation financière des salariés ne bénéficie également d'aucun régime social avantageux de nature à inciter les employeurs à la pratiquer. En effet, l'assiette des cotisations sociales étant le salaire, celui-ci est compris dans un sens très large. En ce sens, le salaire est entendu comme l'ensemble des sommes dues au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail. Ces sommes comprennent le salaire de base, les indemnisations, primes, gratifications et autres avantages en nature ou en espèce. L'employeur est tenu de payer à l'administration sociale en guise de cotisation, un taux285

284 Classe 8 (compte des autres charges et autres produits) - compte 87 (participation des travailleurs), Système comptable OHADA.

285 Ce taux au Cameroun varie en fonction des régimes, du secteur d'activité et de la teneur du risque à assurer.

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prélevé sur l'ensemble des sommes attribuées au salarié. Aucune loi relative à la sécurité sociale ne prévoit que les actions gratuites seront exclues de l'assiette. Par conséquent, s'il le fait, il ne fera qu'accroitre l'assiette de ses cotisations. Ceci ne les encourage pas à procéder aux AGA et les statistiques en témoignent.

La participation moyenne des salariés au capital des entreprises est en moyenne de 2,9 % au Cameroun286. Un pourcentage qui intervient dans un contexte marqué par l'absence de marché financier efficace. En plus, l'actionnariat salarié au Cameroun n'est pratiqué qu'à travers la seule méthode de reprise de l'entreprise par ses salariés lors de la privatisation, prévue par le législateur national287. Cette statistique, très faible, et très raisonnable, démontre alors le caractère désincitatif du régime fiscal et social de l'actionnariat salarié ou plus précisément de l'AGA dans les pays de l'OHADA à la différence d'un pays comme la France.

B - L'effet incitatif d'un régime avantageux : cas de la France

Le droit comparé français nous enseigne qu'un régime fiscal et social avantageux est le meilleur facteur d'incitation des acteurs sociaux à la pratique de l'actionnariat salarié. Nous allons nous servir uniquement du régime fiscal et social des attributions gratuites d'actions pour le démontrer.

À l'égard de l'employeur, les régimes fiscaux et sociaux sont très avantageux. Sur le plan des impôts, les sociétés qui attribuent gratuitement des actions à leurs salariés ont l'obligation d'enregistrer une provision dès la décision d'AGA, ce qui leur permet de les comptabiliser en charges déductibles. Concrètement, tous les frais généraux et charges engendrées par l'entreprises à cette fin (frais de rachat, d'augmentation de capital, de gestion des droits des attributaires, de rémunération des intermédiaires et des diverses formalités) sont fiscalement déductibles. Sur le plan des cotisations sociales, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que les attributions gratuites d'actions effectuées conformément aux dispositions du code de commerce sont exclues de l'assiette des cotisations sociales288.

286 NGONGANG (D.), précité, p. 7.

287 Article 16 du décret n°90/1257 du 30 août 1990 portant application de l'ordonnance n°90/004 du 22 juin 1990 sur la privatisation des entreprises publiques et parapubliques. Nous avons pu constater que (sauf erreur de notre part), les entreprises qui pratiquent l'actionnariat salarié au Cameroun sont donc majoritairement des entreprises privatisées telle que la SOCAPALM.

288 PRIEUR (J.), précité, p. 12.

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À l'égard du salarié, les sommes reçues en guise de participation (A.G.A et participation aux bénéfices) ne sont pas assimilées aux salaires et ne sont par conséquent soumises ni à l'impôt sur le revenu, ni aux charges fiscales et parafiscales qui pèsent sur les salaires. Mais à la condition que ce dernier respecte les périodes d'indisponibilité qui peuvent y être attachées289. Dans les faits, après l'attribution définitive des actions gratuites, le salarié est exonéré des cotisations sociales. Dès cette acquisition définitive, il bénéficie d'un taux avantageux d'imposition. Lorsqu'il décide de les céder, la plus-value (PVC) conserve son régime, celui du droit commun et n'est imposée que si la cession est à titre onéreux. Elle alors est imposable selon le régime de droit commun des plus-values (au taux de 18 % depuis 2008)290.

En France, d'après la FAS (Fédération française des associations d'actionnaires salariés et d'anciens salariés), on estime en 2008 à environ 2,5 à 3 millions le nombre de salariés détenteurs d'actions de leurs entreprises sur les 6,7 millions d'actionnaires individuels (contre 1,6 million en 2003, par exemple). Un chiffre en constante évolution. Du côté des entreprises, au deuxième trimestre 2009, on peut recenser 153 entreprises cotées parmi les 250 plus grandes capitalisations boursières pratiquant l'actionnariat salarié291. En 2017, plus d'une société sur trois pratique l'actionnariat salarié. Les actionnaires salariés détiendraient plus de 3,9 % du capital de leurs sociétés292. L'intérêt est encore plus considérable dans les grandes entreprises. Ainsi, les salariés de Bouygues détiennent plus de 23,31% des actions de la société et ceux d'Eiffage, 25,30%293. Toutes ces statistiques démontrent l'effet incitatif qu'a eu un régime fiscal et social avantageux sur la volonté des acteurs à promouvoir l'actionnariat salarié. Elles nous poussent à rechercher comment instituer un tel dispositif dans la législation OHADA.

PARAGRAPHE II : LA POSSIBILITÉ D'INSTAURATION D'UN RÉGIME FISCAL
ET SOCIAL INCITATIF EN DROIT OHADA

Plusieurs obstacles peuvent être avancés pour justifier l'absence d'un régime fiscal et social incitatif en droit OHADA (A), mais il existe biens des moyens d'y remédier (B).

289 DESPAX (M.), précité, p. 381.

290 Voir, DE FRÉMINET, « Attribution gratuite d'actions. (Régime fiscal et social) », Rép. Sociétés Dalloz, sept. 2008 ; MERLE (P.), op. cit., p. 690.

291 BENHAMOU, précité, p. 46.

292 MERLE (P.), op. cit., p. 680.

293 Idem.

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A - Les obstacles à la mise en place d'un régime fiscal et social incitatif en droit

OHADA

Les obstacles à l'instauration d'un régime fiscal et social avantageux pour la participation financière des salariés en droit OHADA sont principalement législatifs. En effet, on note chez le législateur communautaire, une indigence en ce qui concerne le droit social et le droit fiscal.

D'une part, l'absence de législation sociale en droit OHADA pourrait justifier la difficulté qu'il y'a à y instaurer des mesures de prévoyances sociales avantageuses. En effet, les cotisations sociales sont du domaine du droit social et plus précisément de la prévoyance sociale. Or, le droit social et particulièrement le droit du travail, bien qu'il figure en bonne place dans la liste nominative des domaines de l'harmonisation294, n'a pas encore reçu une consécration. L'avant-projet du 24 novembre 2006 s'est soldé par un échec. Cependant, même en auscultant cet avant-projet, on ne voit aucune mesure de prévoyance sociale.

D'autre part, on note l'absence de législation fiscale dans le ressort du droit OHADA. Certes le droit fiscal est une matière liée à la vie des entreprises. D'ailleurs, on trouve dans certains textes OHADA quelques dispositions qui font référence au droit fiscal. C'est l'exemple en droit des sûretés et droit des procédures collectives avec le privilège du trésor. Mais toutes ces légères références ne touchent que de manière incidente le droit fiscal. Dans un avis, la CCJA avait même affirmé que le droit fiscal « ne fait pas partie à ce jour des matières rentrant dans le domaine du droit des affaires harmonisées tel que défini à l'article 2 du Traité relatif à l'harmonisation en Afrique du droit des affaires »295. Ceci est sans doute lié à la souveraineté des États qui le considère généralement un attribut de leur souveraineté.

En plus de ces difficultés théoriques, on pourrait ajouter les difficultés économiques qui ne permettent pas facilement aux pays membres de l'OHADA de se séparer d'une branche de rentabilité aussi considérable découlant des cotisations fiscales en cause. Cependant, si l'on convient qu'il est nécessaire de promouvoir l'actionnariat salarié, on est enclin à rechercher les moyens d'instaurer des mesures fiscales et sociales incitatives.

294 Art.2 du Traité OHADA.

295 Avis n°001/2001/EP du 30 avril 2001.

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B - L'existence des moyens de formation des mesures fiscales et sociales incitatives en

droit OHADA

Plusieurs éléments peuvent nous permettre de garder espoir d'une future consécration d'un régime fiscal et social en droit OHADA.

D'abord, l'on peut noter qu'il est possible d'instaurer un droit fiscal et social OHADA dans la mesure où, il existe déjà des essais du même genre dans d'autres communautés. En ce sens, dans le cadre de la CEMAC, de nombreux textes ont été adoptés touchant la fiscalité des États membres. Sur le plan douanier, on peut citer le Code des douanes commun aux États membres et le tarif douanier. Dans la perspective de l'harmonisation de la législation fiscale des États membres, les actes portant adoption des règles fiscales communes sont intervenues en matières de TVA, d'impôt sur les sociétés, des droits d'enregistrement, du timbre et de la curatelle. Tout ceci montre à quel point, seule la volonté des dirigeants suffit à communautariser le droit fiscal au niveau de l'OHADA. L'article 2 du traité OHADA donne d'ailleurs la possibilité au conseil des ministres d'élargir les domaines visés par le droit OHADA.

Ensuite, on peut croire que le pas est déjà très avancé en vue de la consécration d'un droit fiscal au regard de l'existence d'un droit comptable OHADA. Il prévoit déjà que le compte 87 des charges comptables représentera les dépenses liées à la participation des travailleurs. Reste plus que le droit fiscal confirme cela comme charge fiscale.

Enfin, le législateur OHADA pourrait comme il le fait avec d'autres domaines, effectuer simplement des recommandations aux législations fiscales de ses États membres. Il faudra par exemple qu'à la suite du dispositif de l'attribution gratuite, qu'il recommande que les États membres fassent des allègements sur le plan fiscal ou social. Cette technique peut très bien rendre le dispositif d'actionnariat salarié plus attractif.

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CONCLUSION DU CHAPITRE 2

La participation financière des salariés au fonctionnement des sociétés commerciales en droit OHADA souffre de nombreuses difficultés qu'il faut résoudre. Dans ce sens, elle est exclusivement limitée à l'attribution gratuite des actions, qui plus est totalement facultative. Le législateur OHADA ne s'est limité qu'à cette technique, oubliant de ce fait, d'autres mécanismes très importants tels que les options de souscription ou d'achat d'actions, ou encore la reprise de la société par ses salariés lorsqu'une mécane pèse sur sa continuité. Aussi, l'absence de mécanismes permettant aux salariés de bénéficier directement d'une part des bénéfices serait une bonne solution envisageable. On pense dans ce sens, à l'intéressement des salariés aux résultats ainsi qu'à la promotion de l'épargne salariale. En outre, il faudrait que le dispositif actuel de l'actionnariat ou les dispositifs à venir bénéficie absolument d'un régime fiscal et social qui inciterait davantage les acteurs sociaux à leur utilisation.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

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La participation financière des salariés au fonctionnement des sociétés commerciales en droit OHADA ne suffit pas à dynamiser la gouvernance de ces sociétés. C'est le triste constat que l'on peut faire à la fin de son analyse.

En effet, le législateur hésite encore à impliquer les salariés dans le capital de leurs employeurs. Il a timidement consacré l'actionnariat des salariés. La seule mesure d'actionnariat salarié qu'il a envisagé est l'attribution gratuite des actions. Cette limitation ne peut pas s'expliquer par le souci d'attirer et de conserver les investisseurs car, l'attribution gratuite d'actions présente d'ailleurs moins d'avantages pour ces derniers que les autres formules telles que les options de souscriptions ou d'achats d'actions.

De plus, le droit OHADA des sociétés commerciales maintient toujours la tradition actionnariale selon laquelle les salariés ne doivent pas profiter des fruits de la réussite de l'entreprise. Dans ce sens, il n'envisage pas de les faire participer aux bénéfices comme c'est le cas dans d'autres législations. Or, ceci n'a rien de dangereux pour les actionnaires dans la mesure où les bénéfices qui sont attribués aux salariés grâce à la participation aux bénéfices, sont récupérés doublement à travers la motivation qu'ils procurent aux salariés ; motivation qui accroit leur productivité et la performance de l'entreprise. Le droit des sociétés commerciales OHADA dynamiserait davantage la gouvernance de ses entreprises s'il envisageait toutes ces formules et établissait des moyens plus incitatifs tels que des avantages fiscaux et sociaux pour les acteurs concernés par la gouvernance salariale.

CONCLUSION GÉNÉRALE

90

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L'analyse de la participation des salariés dans le droit des sociétés commerciales, nous montre au premier abord que l'ensemble des textes OHADA relatifs aux sociétés commerciales tiennent compte de l'importance d'une participation plus accrue des salariés dans le fonctionnement de ces sociétés. Le législateur OHADA a envisagé les deux aspects de cette participation à savoir financière et politique. Cependant, lorsqu'on ausculte en profondeur les textes, on découvre l'ampleur du vide, cette participation s'avère émasculée, ôtée de certaines formules essentielles à la dynamisation de la gouvernance. La participation telle qu'envisagée par ledit législateur est très insuffisante pour dynamiser davantage la gouvernance de sociétés commerciales.

En effet, le droit OHADA des sociétés commerciales tente d'impliquer les salariés dans la gestion desdites sociétés en consacrant principalement le cumul de mandat, ou encore en temps de crise, en consacrant les contrôleurs-salariés. Mais guidée par sa vision trop actionnariale, il a rendu ces formules totalement facultatives. Il a également décider de ne pas améliorer le cadre de la représentativité des salariés dans l'entreprise en restant sur un modèle de représentation aujourd'hui insuffisant qu'est le délégué du personnel. Au plan financier, la réticence du législateur est encore plus flagrante. Il a conçu un cadre de participation au capital totalement facultatif et axé sur un seul modèle à savoir l'attribution gratuite d'actions. Certes, le contexte économique pourrait expliquer sa peur du pouvoir salariale. L'actionnariat salarié traduisant bien évidement l'intégration des salariés dans le capital social.

Mais le contexte économique ne suffit pas à justifier que l'on refuse de consacrer des techniques qui permettraient de développer les entreprises. En effet, la gouvernance d'entreprise par la participation des salariés, n'est pas qu'une simple mode. C'est un système qui permet le développement harmonieux de l'entreprise à travers l'amélioration du capital humain. La motivation des travailleurs qui en résulte est le premier facteur de performance et de succès de l'entreprise. Il n'est pas question de confisquer le pouvoir patronal pour l'attribuer aux salariés. Simplement, il s'agit d'intégrer dans les instances décisionnelles, les personnes qui connaissent mieux le fonctionnement pratique et quotidien de l'entité. C'est donc suivant ce raisonnement, que nous pensons en définitive que le législateur OHADA devrait réviser dans le sens d'une amélioration, la participation des salariés tant au plan politique que financier afin d'atteindre le développement économique recherché par l'organisation.

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TABLE DE MATIÈRES

102

AVERTISSEMENT i

DÉDICACE iii

REMERCIEMENTS iv

SIGLES ET PRINCIPALES ABRÉVIATIONS v

RÉSUMÉ vii

ABSTRACT viii

SOMMAIRE ix

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

PREMIÈRE PARTIE : LA FAIBLE IMPLICATION NON FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE ... 12

CHAPITRE I : LA PARTICIPATION INSUFFISANTE DES SALARIÉS À LA

GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE 14

SECTION I : LA CONSÉCRATION PRUDENTE DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL ET

DU CONTRAT DE TRAVAIL 14

PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS DU CUMUL DU MANDAT SOCIAL ET DU

CONTRAT DE TRAVAIL 15

A - La condition principale de l'effectivité de l'emploi 16

1- La distinction des fonctions techniques des fonctions sociales 16

2- L'évidence du lien de subordination 17

3- L'existence d'une rémunération distincte 18

B - La condition supplémentaire liée à la postérité du contrat de travail au mandat

social 19

1- L'autorisation préalable du conseil d'administration 19

2- L'approbation finale de l'assemblée générale ordinaire 20

PARAGRAPHE II : LES EFFETS DU CUMUL DE FONCTIONS : LA MODIFICATION DU

STATUT DU DIRIGEANT 21

A - Le bouleversement du régime de la responsabilité 21

1- La responsabilité personnelle du dirigeant-salarié 21

2- La responsabilité de la société du fait du dirigeant-salarié 22

B - La cessation des fonctions des dirigeants salariés 24

SECTION II : LE RENFORCEMENT SOUHAITÉ DE LA PARTICIPATION DES

SALARIÉS À LA GESTION ORDINAIRE DE LA SOCIÉTÉ 25

103

PARAGRAPHE I . L'AMÉLIORATION DU RÉGIME DE LA REPRÉSENTATION DES

SALARIÉS DANS LES ORGANES DE GESTION 25

A - La suppression du caractère facultatif de la représentation des salariés dans le

conseil d'administration 26

B - La redéfinition des modalités de désignation des administrateurs salariés 27

PARAGRAPHE II : LA PROMOTION DES ORGANES COLLÉGIAUX DE REPRÉSENTATION DES SALARIÉS DANS L'ENTREPRISE . L'INSPIRATION DES

COMITÉS D'ENTREPRISES 28

A - Les comités d'entreprises justifiés par l'inadéquation des institutions de

représentation consacrées 29

B - Les comités d'entreprises justifiés par leur pertinence 31

CONCLUSION DU CHAPITRE I 34

CHAPITRE II : L'IMPLICATION MITIGÉE DES SALARIÉS DANS LA GESTION

DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ COMMERCIALES 35

SECTION I : LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE TRAITEMENT DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ LIMITÉE À L'EXISTENCE DE LA CESSATION DES

PAIEMENTS 36

PARAGRAPHE I . LA POSSIBILITÉ D'OUVERTURE DES PROCÉDURES COLLECTIVES

CURATIVES PAR LES SALARIÉS 36

A - L'action individuelle des salariés en tant que créanciers de la société 37

B - L'action collective des salariés en tant qu'informateurs de la juridiction

compétente 38

PARAGRAPHE II . L'IMPLICATION DES SALARIÉS DANS LE DÉROULEMENT DES

PROCÉDURES CURATIVES 41

A - Le contrôleur salarié 41

B - Les concessions salariales pour le traitement de la crise 43

SECTION II : LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER L'IMPLICATION DES SALARIÉS

DANS LA GESTION DES DIFFICULTÉS DE LA SOCIÉTÉ 45

PARAGRAPHE I . L'INSTAURATION SOUHAITABLE DES MÉCANISMES PERMETTANT

LA PRÉVENTION ET LA DÉTECTION DES DIFFICULTÉS PAR LES SALARIÉS 45

A - La consécration d'un véritable droit à l'information des salariés 45

B - L'élargissement des mécanismes de contrôle aux salariés 47

PARAGRAPHE II . L'AMÉLIORATION DU RÔLE DES SALARIES EN CAS DE

SURVENANCE DES DIFFICULTÉS 49

A - L'implication des salariés dans les procédures de prévention de la cessation des

paiements 49

B - Le renforcement du statut des contrôleurs salariés dans les procédures de curation

de la cessation des paiements 50

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 53

104

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 54

SECONDE PARTIE : LE DÉVELOPPEMENT LIMITÉ DE LA PARTICIPATION

FINANCIÈRE DES SALARIÉS DANS LA SOCIÉTÉ COMMERCIALE 55

CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION TIMIDE DE L'ACTIONNARIAT SALARIÉ 57

SECTION I : L'ATTRIBUTION GRATUITE DES ACTIONS AUX SALARIÉS 58

PARAGRAPHE I . LES CONDITIONS GÉNÉRALES PRÉALABLES À L'ATTRIBUTION DES

ACTIONS 59

A - Les pouvoirs des organes donateurs 59

B - Les conditions relatives aux actions concernées 60

PARAGRAPHE II . LES CONDITIONS LIÉES AUX SALARIÉS BÉNÉFICIAIRES 62

A - L'existence d'un contrat de travail 63

B - Le plafonnement des attributions par salarié 64

SECTION II : LES EFFETS DE L'ATTRIBUTION GRATUITE D'ACTIONS AUX

SALARIÉS 65

PARAGRAPHE I . L'ENTRÉE PROGRESSIVE DU SALARIÉ DANS LE CAPITAL DE LA

SOCIÉTÉ 65

A - Un actionnaire en devenir pendant la période d'acquisition 65

B - Un actionnaire asservi par l'obligation de conservation pendant la période

obligatoire de conservation 67

PARAGRAPHE II . LES SALARIÉS DÉFINITIVEMENT ACTIONNAIRES . ACCROISSEMENT DE LA PARTICIPATION DES SALARIÉS DANS LE

FONCTIONNEMENT DE L'ENTREPRISE 69

A - Les droits politiques renforçant l'implication des salariés à la gestion de

l'entreprise 69

B - Les droits pécuniaires renforçant l'intéressement des salariés aux bénéfices 70

CONCLUSION DU CHAPITRE I 72

CHAPITRE II : LE RENFORCEMENT SOUHAITABLE DE LA PARTICIPATION

FINANCIÈRE EN DROIT OHADA DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES 73

SECTION I : LA NÉCESSITÉ DE L'ÉLARGISSEMENT DES TECHNIQUES DE

PARTICIPATION FINANCIÈRE 73

PARAGRAPHE I . LE RECOURS À D'AUTRES MÉCANISMES D'ACTIONNARIAT

SALARIÉ 73

A - La consécration envisageable des options de souscription ou d'achat d'actions 73

B - La consécration envisageable de la reprise de l'entreprise par ses salariés 76

PARAGRAPHE II . L'IMPORTANCE D'UNE PARTICIPATION DES SALARIÉS AUX

RÉSULTATS DE LA SOCIÉTÉ 77

A - La participation souhaitable des salariés aux bénéfices de l'entreprise 78

B - La promotion de l'épargne salarial 80

105

SECTION II : LA NÉCESSITÉ DES MESURES FISCALES ET SOCIALES INCITATIVES

82

PARAGRAPHE I . L'UTILITÉ DE L'INSTAURATION DES MESURES FISCALES ET

SOCIALES INCITATIVES 82

A - L'effet désincitatif du régime actuel : cas du Cameroun 83

B - L'effet incitatif d'un régime avantageux : cas de la France 84

PARAGRAPHE II . LA POSSIBILITÉ D'INSTAURATION D'UN RÉGIME FISCAL ET

SOCIAL INCITATIF EN DROIT OHADA 85

A - Les obstacles à la mise en place d'un régime fiscal et social incitatif en droit

OHADA 86

B - L'existence des moyens de formation des mesures fiscales et sociales incitatives

en droit OHADA 87

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 88

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 89

CONCLUSION GÉNÉRALE 90

BIBLIOGRAPHIE 92

TABLE DE MATIÈRES 102






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo