La préservation de la zone côtière en droit ivoirienpar Bokoua Yao OUAGA Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody - Diplomes d'Etudes Approfondies (DEA) ou Master 2 Recherche 2014 |
INTRODUCTION GENERALE« L'homme doit constamment faire le point de
son expérience et continuer à découvrir,
à Ce constat dressé par l'article 1 alinéa 3 de la Déclaration de Stockholm sur l'environnement du 16 juin 1972 révèle combien de fois l'homme est à la fois coupable et victime de la dégradation de l'environnement. Les conséquences néfastes de ses activités se répercutent sur son propre bien-être. Indispensable à l'économie, au développement, à l'urbanisation l'espace naturel ce bien rare, fragile et précieux est menacé dans ses différentes composantes, ses équilibres et dans sa durabilité. Ceci est essentiellement dû, à la surexploitation généralisée des ressources naturelles, ainsi qu'à l'utilisation de certains processus de production et certains modes de consommation inadéquats avec les équilibres et l'harmonie du milieu naturel et le souci de la préservation des ressources naturelles. Toute la complexité de la protection du milieu naturel et des espaces réside actuellement dans l'arbitrage entre les impératifs de développement socio-économiques qui priment, souvent, sur les préoccupations écologiques qui sont placées dans un rang secondaire, notamment dans les pays en voie de développement. La conception traditionnelle des politiques publiques, visant la protection des différents éléments naturels physiques, tels que les forêts, l'eau ou les sols, va donc être renforcée mais surtout intégrée dans les nécessités de la production économique. Ainsi, un espace naturel physique important constituant une partie importante de cette protection, et constituant également un tremplin considérable au développement économique, va se trouver inclus dans les nécessités nouvelles de ce développement durable, il s'agit du littoral. L'Agenda 21 issu de la Conférence de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement apparaît à cet égard comme une étape clé dans la cristallisation d'une doctrine qui propose le dépassement de ce clivage à travers le concept de Développement durable. Ce concept implique par rapport à l'objet de la présente étude une gestion rationnelle et intégrée de l'espace naturel avec notamment ses différentes composantes terrestres et marines et en particulier la zone côtière; c'est à dire une gestion qui, tout en satisfaisant les besoins de consommation de cet espace et de ses ressources, doit tenir compte des besoins des générations présentes, sans compromettre ceux des générations futures4. Les actions multiples entreprises par l'État ivoirien en vue de protéger ses espaces marins et côtiers sont motivées par des considérations diverses. Celles-ci, dans l'ensemble, relèvent aussi bien de l'ordre économique qu'écologique. 3Article 1 alinéa 3 de la Déclaration de Stockholm sur l'environnement du 16 juin 1972. 4MIOSSEC (Alain), Géographie humaine des littoraux maritimes, éditions SEDES, Paris, 1998, p. 12 12 Pour mieux appréhender et aborder l'étude de la zone côtière en Droit ivoirien, il faudrait percevoir, et définir les concepts du sujet. Mais avant, il conviendrait de donner un bref éclairage sur l'évolution historique du droit ivoirien en matièrede zone côtière. Aussi, une présentation du champ géographique de l'étude s'avère nécessaire. Cependant, Il ne suffit pas de traiter un thème mais de savoir si celui-ci est un sujet d'actualité. Cet éclaircissement nous permettra de mieux circonscrire le champ du sujet et son intérêt afin de mettre en relief les raisons qui justifient la présente étude . L'étude de la problématique sera l'occasion de souligner les interrogations auxquelles nous entendons apporter des réponses en vue de contribuer efficacement à la matérialisation de la protection du littoral de la Côte d'Ivoire. La réponse à la problématique obéira aux normes méthodologiques en vigueur que nous ne traiterons pas dans cette étude car réservé à la Thèse mais débouchera plutôt sur l'annonce du plan . Depuis quelques années, la Côte d'Ivoire dont le modèle de développement avait été fondé sur ses ressources agricoles (cacao, café et hévéa principalement) connaît de profonds bouleversements. La situation de conflit armé depuis 2002 a en effet renforcé le processus déjà engagé de concentration des pôles de croissance du pays dans la zone Sud littorale autour de l'exploitation pétrolière off-shore. Sa capitale économique, Abidjan, qui en constitue le point d'ancrage principal a connu depuis un demi-siècle un développement exceptionnel, avec un rythme de croissance annuelle de 10 %, l'un des plus élevés au monde5. Cette croissance a été provoquée non seulement par une évolution démographique très rapide au niveau national, mais également par une grande mobilité de la population, une forte immigration étrangère, un exode rural intense et plus récemment une forte migration des populations de la zone septentrionale du pays fuyant la guerre pour le Sud sous contrôle gouvernemental6. La prise de conscience, exacerbée par la situation actuelle, de l'existence d'un littoral fragile au potentiel écologique et économique intéressant remonte au sommet de la Terre (1992) par la mise en place d'un Plan National d'Action Environnemental (PNAE). Ce PNAE s'est traduit par un premier livre blanc de l'environnement en Côte d'Ivoire (1995) qui propose quatre actions prioritaires à mettre en oeuvre sur le littoral : l'aide à la gestion, la lutte contre les pollutions, la gestion de l'eau et la préservation de la biodiversité. Concrètement, c'est à la fin des années 1990 que la réflexion, initiée par le PNAE, démontre l'opportunité de réintroduire la ressource littorale dans une démarche globale qui s'amorce par des études consacrées aux risques côtiers7, à l'économie des pêches8 et du tourisme9, à la pollution10 ou à l'élaboration de plans de gestion11. 5 ZOGNOU (Théophile), La protection de l'environnement marin et côtier dans le golfe de guinée, Thèse, Doctorat de Droit, Université de Limoges, Décembre 2012, p384. 6Selon l'Institut National de la Statistique, depuis le début de la situation de crise, le flux de migrants vers le Sud du pays aurait probablement concerné 50 % des populations résidant auparavant dans la zone Nord, soit près de 1,7 million de personnes. 7HAUHOUOT (Célestin), Analyse et cartographie de la dynamique du littoral et des risques naturels côtiers en Côted'Ivoire. Doctorat de Géographie, Université de Nantes. 2000, p. 35 et ss. 8KOFFIE-BIKPO (Céline Yolande), La pêche artisanale maritime en Côte d'Ivoire : étude géographique. Doctorat deGéographie, Université de Nantes, 1997, pp. 203-237. 9APHING-KOUASSI (N'dri Germain), Le tourisme littoral dans le sud-ouest ivoirien, Thèse, Géographie,Université de Cocody (Abidjan). 2001, p. 70 et ss. 10 AFFIAN (Kouadio), Approche environnementale d'un écosystème lagunaire microtidal (la lagune Ebrié en Côted'Ivoire) par des études géochimiques, bathymétriques et hydrologiques. Contribution du S.I.G. et de laTélédétection. Doctorat de Géographie, Université d'Abidjan. 2003. 11KABA (Nasséré), et ABE (Jacques), Plan de gestion de la zone côtière. Projet EG/RAF/92/G34, contrôle de la pollution et préservation de la biodiversité dans le Grand Ecosystème Marin du Golfe de Guinée, FEM. 1999. 13 Ces études sont réalisées dans le cadre d'une collaboration entre les universités d'Abidjan (Côte d'Ivoire) et de Nantes (France) établie dans les années 1980 et qui se poursuit actuellement. La démarche conduit ensuite, au niveau institutionnel, à la création d'une Cellule de Gestion du Littoral, rattachée au Ministère de l'Environnement, qui a rédigé le second livre blanc s'appuyant sur un diagnostic du littoral (2001-2002) et sur la préparation d'une stratégie de gestion (2002-2003) au service des quatre enjeux majeurs identifiés en Côte d'Ivoire : la consolidation et la traduction d'une volonté politique ayant pour objectif la sauvegarde durable du littoral ; l'organisation de l'occupation du littoral et des modalités d'accès au foncier ; la protection et la mise en valeur raisonnée et durable des ressources et des potentialités du littoral ; l'adoption de comportements citoyens compatibles avec la gestion durable du littoral. Le maniement des concepts est une étape primordiale et décisive dans l'analyse d'un sujet. Le maniement du langage dépend de la signification des mots employés. Toute signification a pour objectif de cerner, de saisir le sujet afin d'en dégager la portée réelle. La signification du concept d'« environnement » paraît de ce point de vue importante parce qu'elle conditionne et détermine la portée des règles juridiques destinées à régir le domaine dans lequel s'inscrit notre thème. Le concept d'environnement mais aussi les mots clés du sujet connaissent une floraison de définitions. Il ne s'agit pas ici de nous engager dans des démonstrations sémantiques qui paraîtraient vaines pour notre travail, mais plutôt de mettre en relief le contenu matériel de ces concepts afin de procéder à une analyse dialectique de leurs relations. Notre attention se portera exclusivement mais successivement sur les notions de préservation et zone côtière. La « préservation c'est l'action de préserver : préservation de la nature (synonyme sauvegarde, protection) »12. Ainsi, préserver est définit comme : - Garantir d'un mal, mettre à l'abri de quelque chose ; synonyme : protéger, prémunir. - Soustraire à l'altération, à la destruction : préserver une espèce animale en voie de disparition ; il a pour synonymeSauvegarde. En outre, la préservation13 de la nature est une démarche qui vise à protéger la nature pour elle-même, contre les effets néfastes de l'action des sociétés, selon un principe biocentré d'une nature en-dehors de l'homme. Cette approche "préservationniste", apparue à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis, représente un courant radical dominant jusque dans les années 1950. En réaction à ce mouvement, le « conservationnisme » a proposé au contraire de ne pas exclure l'homme des politiques de protection. C'est pourquoi, l'article 192 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) du 10 décembre 1982 (ci-après Convention de MontegoBay ou CMB) dispose : « les États ont l'obligation de protéger et préserver le milieu marin ». 12C'est le sens que nous donne le Dictionnaire du collège, 6è / 3è, LAROUSSE, p.1346. 13 http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/preservation, Publié le 09/10/2013 ; Pour compléter : Notion à la une : protéger, préserver ou conserver la nature ?, Samuel Depraz, 2013 ; Consulté le samedi 19 Avril 2014 à 19 h 30 14 Le Dr. TIEBLEY vient souligne une difference entre protection et préservation au regard de l'analyse qu'il fait de l'article précité. Selon lui, l'emploi cumulatif des termes « protéger » et « préserver » pourrait être perçu comme de la redondance. Pour lui, Il n'en est rien. Qu'en réalité, il existe une différence - de degré il est vrai - entre la protection et la préservation. Si le terme « protection » paraît viser les mesures principalement passives de lutte contre les différentes agressions subies par l'environnement marin, le terme « préservation » inclut nécessairement des mesures actives de la part des États en vue d'éviter qu'il ne se détériore, ce à l'égard de tous les facteurs de cette détérioration14. Considérant la CMB comme le fondement international de la « protection et l'utilisation durable de l'environnement marin »15,l'Agenda 21, dans son chapitre 17, appuie un tel raisonnement et donne une interprétation large du devoir de protéger et préserver le milieu marin prescrit par l'article 192 de la CMB. Cette acception large du concept protection/préservation du milieu marin rencontre, dit-il son assentiment dans la mesure où les conséquences néfastes des déversements de substances organiques ou chimiques dans le milieu marin ne sont pas, à l'heure actuelle, toutes appréhendées. Qu'il existe vraisemblablement des risques non encore identifiés à ce jour. En ce qui nous concerne, au regard de tout ce qui précède, nous choisirons volontairement d'assimiler préservation à protection. La nature complexe de la zone côtière, notion aux multiples visages non définie par le droit, rend cet espace difficilement saisissable à l'échelle internationale16. Le terme « littoral » n'est apparu que tardivement dans la langue française. La notion de rivage, définie comme « le bord de la mer ou d'un fleuve17 », lui ayant été préférée jusqu'au XIXe siècle. Le littoral trouve son origine sémantique dans le latin littusqui signifie rivage, côte de la mer et par extension rive d'un fleuve18. Cette difficulté à distinguer les deux notions perdure aujourd'hui. En témoigne la définition du littoral proposée par le dictionnaire Bordas de la langue française : « rivage de la mer ». Ainsi, les mots rivage et littoral ont, dans le langage courant tout au moins, un sens très proche. En langue anglaise, l'interface terre - mer est désigné par le terme de coastal zone que l'on traduit par zone côtière et qui s'emploie aujourd'hui largement dans la littérature scientifique. D'autres vocables sont communément employés pour définir ce milieu, comme ceux de façade côtière - fascia costiera - ou d'aire côtière - area costiera- très souvent utilisés en langue italienne. Si certains auteurs considèrent que le terme de zone côtière apparaît en français plus restrictif que celui de littoral19 ou que coastal area constitue une notion géographiquement plus large que celle de coastal zone20, l'ensemble de ces expressions désigne un même espace de bord de mer aux frontières imprécises. 14 Cf. SADELEER (Nicolas de) et BORN (Ch.), Vade-mecum sur le droit international de la biodiversité, op.cit., p.187. Cité par TIEBLEY (Yves Didier), La Côte d'Ivoire et la gestion durable des ressources naturelles marines, Thèse Unique, Droit Public, 2010, p.134 15Paragraphe 17.1 16 Réflexion de ROCHETTE (Julien), Le traitement juridique d'une singularité territoriale : la zone côtière. Étude en droit international et droit comparé franco-italien, Thèse, Université de Nantes , Droit Public, Université de Milan, Droit International, 10 Juillet 2007, P.41 17 DE FERRIERE (C-J), Dictionnaire de droit et de pratique contenant l'explication des termes de droit,Veuve Brunet, Paris, 1769.Cité par ROCHETTE (Julien), 2007,P.33 18 Dictionnaire latin-français, Gaffiot, 1992. Cité par ROCHETTE Julien, 2007, P.33 19 BODIGUEL (M) (Sous la direction de), Le littoral, entre nature et politique, L'Harmattan, 1997, p.11. 20 PNUE, Directives concernant la gestion intégrée des régions littorales, avec une référence particulière au bassin méditerranéen, Rapports et études des mers régionales No161, PAP/CAR (PAM-PNUE), Split, 1995,p.58. 15 Une étude sémantique des versions française et anglaise de certaines conventions internationales confirme d'ailleurs que ces termes sont utilisés comme synonymes. La CNUDM utilise ainsi le terme coastline, traduit en français par littoral21. La version française de la Convention sur la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen utilise quant à elle le terme littoral à la fois comme synonyme de coastalregion, coastal area et coastal zone22. En outre, la version française de l'Agenda 21 traduit coastal area tantôt par zone côtière23, tantôt par littoral24. Il n'y a donc aucune cohérence dans la traduction de ces textes à moins de considérer, ce que nous ferons, que ces expressions sont synonymes. De nombreuses études sont régulièrement menées afin de définir et délimiter matériellement le littoral. Toutefois, la perception de cet espace dépend avant tout de la qualité de celui qui l'observe. Ainsi, pour le pêcheur à pied ou le paludier, le littoral correspond au linéaire côtier, au trait de côte. Du point de vue d'un gestionnaire de port ou d'un économiste, le littoral comprend non seulement l'interface terre - mer mais également l'arrière-pays, l'hinterland. Pour les géographes, le littoral est généralement synonyme de « côte », terme qui désigne la partie du continent bordant la limite entre la mer et la terre25. Si les caractéristiques physiques restent déterminantes, le géographe ne peut cependant occulter le fait que le littoral est avant tout un espace anthropique ; la relation homme - nature est donc au coeur de la perception du système littoral26, l'écosystème et le socio-système en constituant les deux composantes indissociables27. Ainsi, « géomorphologues et géographes ne proposent pas de limites figées car le littoral est, par sa nature même, un espace dynamique et mobile28 ». Le naturaliste, pour lequel « le littoral correspond à un ensemble de systèmes écologiques comprenant des composantes biotiques et abiotiques29 », abonde en ce sens : ainsi se refusera-t-il à toute délimitation du cadre écosystémique qui « ne pourra être ni défini par une distance mesurée, ni s'enfermer dans une superficie préalablement imposée » puisque « fonction des conditions locales de l'ensemble des facteurs biotopiques de l'environnement30 ». Zone de rencontre entre sept milieux31, le littoral reste en définitive un espace difficile à définir en raison des nombreuses composantes qui lui sont attachées. À cet égard, la densification du droit sur le bord de mer n'a pas résolu le problème de la définition juridique de la zone côtière. 21 Articles 211-1, 211-17 et 221-1. 22 Articles 1-2, 2-2 et 4-3-e. 23 Articles 17-3, 17-6-i et 17-133. 24 Articles 17-37-c et 17-72. 25 PRATS (Y), « Vers une politique du littoral », AJDA, 20 décembre 1978, No spécial, p.601. 26 MARCADON (J), CHAUSSADE (J), DESSE (R-P), PERON (F), L'espace littoral. Approche degéographie humaine, PUR, 1999, pp.10-18. 27 DEBOUDT (P), MEUR-FEREC (C), RUZ (M-H), « Définition et perception de l'espace littoral. Le pointde vue des géographes » in DAUVIN (J-C) (Coord.), Gestion intégrée des zones côtières : outils etperspectives pour la préservation du patrimoine naturel, Patrimoines naturels, 57, 2002, p.35. 28 Ibidem. 29 BELLAN (G), BELLAN-SANTINI (D), DAUVIN (J-C), « Définition et perception de l'espace littoral.Le point de vue des naturalistes » in DAUVIN (J-C) (Coord.), Gestion intégrée des zones côtières : outils etperspectives pour la préservation du patrimoine naturel, Patrimoines naturels, 57, 2002, p.42. 30 Ibidem. 31 Sol, eau, espaces aérien, terrestre et marin, socle sous-marin, masse sous-marine. 16 Les systèmes juridiques nationaux ne proposent que très rarement de définition juridique précise du territoire littoral. Le plus souvent, le juriste procède d'une démarche comparable à celle du géographe ou du naturaliste : dès lors qu'il élabore des normes applicables à un espace plus vaste que le simple rivage ou le domaine public maritime, il se refuse à délimiter l'étendue exacte des interventions et, par là même, à « fixer arbitrairement et uniformément la profondeur du littoral à partir de la côte32 ». Ainsi, la reconnaissance juridique de la spécificité littorale ne requiert pas nécessairement une définition précise de cet espace. Le premier instrument juridique national s'attachant de manière spécifique aux problématiques côtières est le Coastal Zone Management Act, adopté par le Congrès des États-Unis le 27 octobre 1972. Né d'un rapport commandé par le Président Nixon, le texte débute par une déclaration politique proclamant - de manière assez visionnaire il nous semble-la nécessité de préserver les ressources littorales par l'adoption de plans de gestion spécifiques : « la gestion, l'utilisation à des fins économiques, la protection et le développement des zones côtières sont d'intérêt national (...). La pression croissante a entraîné la diminution de la ressource biologique marine, la transformation constante et regrettable des écosystèmes, la diminution des espaces accessibles au public, l'érosion côtière (...). Les États doivent tenir compte du réchauffement de la planète33 (...) ». Afin de préciser le champ d'application de la loi, la section 304 propose une définition de la zone côtière : il s'agit des « eaux côtières (y compris le sol et le sous-sol) et des terres adjacentes (y compris les eaux de surfaces et souterraines), fortement influencées les unes par les autres, incluant les îles, les zones de transition et intertidales, les prés salés, les zones humides et les plages, s'avançant en direction du large à l'extrême limite des eaux territoriales et, vers l'intérieur des terres, à la limite des aires exposées à l'élévation du niveau de la mer et dont le développement peut affecter la qualité des eaux marines de façon directe et significative ». Ainsi, la limite maritime de la zone côtière est-elle fixe et correspond à la limite des eaux territoriales. Côté terre à l'inverse, le législateur américain se contente d'une délimitation dynamique et imprécise, fondée sur les interactions entre activités humaines et milieu aquatique. Si elle reste variable puisque dépendante de chaque système juridique, cette approche spatiale de la zone côtière constitue celle communément admise par la plupart des institutions internationales d'une part, par de nombreux systèmes juridiques nationaux d'autre part. Les études menées par les institutions internationales soulignent en effet la nature éminemment flexible de la zone côtière. Écosystème et socio-système doivent ainsi être appréhendés de manière dynamique, sans qu'il soit nécessaire d'en définir préalablement et arbitrairement les contours : la largeur d'un tel espace dépendra donc directement de l'environnement local et des circonstances d'espèce. Ainsi, les organisations internationales à vocation universelle et régionale insistent-elles largement sur cette dimension téléologique de la zone côtière : selon l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) en effet, « la zone côtière est constituée d'une double frange terrestre et marine aux influences croisées » dont « la délimitation précise dépend directement de la problématique posée initialement34 ». De même, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) considère que « les limites de la zone côtière dépendent (...) de l'objectif visé » et doivent dès lors « s'étendre vers l'intérieur des terres et vers la mer 32 GODFRIN (P), « La loi du 3 janvier 1986 sur l'aménagement, la protection et la mise en valeur dulittoral », AJDA, 1986, p.360. 33Coastal Zone Management Act, Section 302. 34 Commission océanographique intergouvernementale, Guide méthodologique d'aide à la gestion intégréedes zones côtières, Série des Manuels et guides, No36, UNESCO, Paris, 1997, p.16. 17 aussi loin que l'exige la réalisation des objectifs du programme de gestion35 ». Puisque « diverses de par leurs fonctions et leurs formes », l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) observe que les zones côtières « ne se prêtent guère à des définitions par délimitation spatiale stricte. Au contraire des bassins versants, il n'y a pas de frontière naturelle précise délimitant sans ambiguïté les zones côtières36». En des termes d'une concision remarquable, la Commission européenne synthétise en ces termes une telle approche : « la zone côtière est une bande terrestre et marine dont la largeur varie en fonction de la configuration du milieu et des besoins de l'aménagement37 ». Les différents travaux autour de la zone côtière insistent donc sur le caractère flexible et dynamique de cet espace. Pourtant, le littoral, zone naturelle, doit s'inscrire dans la dimension politique, administrative et juridique de chaque État. Pour cette raison, les droits nationaux s'appuient le plus souvent sur des considérations administratives afin de circonscrire, sinon délimiter, le périmètre de l'espace littoral. Les limites de la zone côtière sont donc le plus souvent définies de manière arbitraire, sur le fondement des limites de juridiction ou pour des convenances administratives38. Côté mer, la zone côtière - du moins l'intervention normative sur cet espace - s'étendra sur l'ensemble des eaux territoriales (États-Unis39) ou sur des espaces plus réduits, délimités au regard des règles de la domanialité publique (Espagne40), selon des considérations géographiques (Algérie41) ou de manière totalement arbitraire (Croatie42). Côté terre, la limite de l'unité administrative littorale constitue le socle minimal que les circonstances d'espèce peuvent étendre : c'est là une exigence prônée par le modèle de loi sur la gestion durable des zones côtières, élaboré par le professeur Prieur pour le Conseil de l'Europe43, mais dont l'application est souvent supplantée par l'utilisation de critères géographiques (États- Unis44, Croatie45, Algérie46). 35 OCDE, Gestion des zones côtières - Politiques intégrées, Les Éditions de l'OCDE, Paris, 1993, p.24. 36 SCIALABBA (N) (Ed.), Integrated coastal management and agriculture, forestry and Fisheries, FAOGuidelines, Environment and Natural Resources Service, FAO, Rome, 1998, p.3. 37 Communication de la commission européenne au conseil, Programme de démonstration surl'aménagement intégré des zones côtières, février 1996. 38 POST (J.C.), LUNDIN (C.G.) (Eds.), Guidelines for integrated costal zone management, EnvironmentallySustainable Development Studies and Monographs Series No9, The World Bank, Washington D.C, 1996, p.3. 39Coastal Zone Management Act, Section 304. 40Ley 22/1988 de costas, article 3-1. 41 En Algérie, la partie maritime du littoral englobe l'ensemble des îles et îlots ainsi que le plateaucontinental : Loi N°02-02 du 5 février 2002 relative à la protection et à la valorisation du littoral, Journalofficiel de la République algérienne démocratique et populaire No10 du 12 février 2002, article 7. 42 Ainsi, en Croatie, la zone régie par le Règlement de 2004 correspond, côté mer, à une bande marine de300 mètres : Règlement sur l'aménagement et la protection de la zone littorale protégée, Journal officiel de laRépublique de Croatie, 13 septembre 2004. 43 Conseil de l'Europe, Modèle de loi sur la gestion durable des zones côtières, Sauvegarde de la natureNo101, Éditions du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1999, article 1. Ainsi le littoral doit-il inclure « auminimum tout ou partie des eaux territoriales ainsi que le domaine public maritime de l'État et le territoiredes communes riveraines des mers et océans » ; cet espace peut être étendu « selon des nécessités localesspécifiques de nature économique et/ou écologique (...) ». 44 Aux États-Unis, la zone côtière s'étend vers l'intérieur des terres jusqu'à la limite des aires exposées àl'élévation du niveau de la mer et dont le développement peut affecter la qualité des eaux marines de façondirecte et significative : Coastal Zone Management Act, Section 304. 45 L'espace terrestre soumis au Règlement de 2004 concerne les îles ainsi qu'une bande terrestre d'unelargeur de 1.000 mètres : Règlement sur l'aménagement et la protection de la zone littorale protégée, Journalofficiel de la République de Croatie, 13 septembre 2004, article 2. 46 En Algérie, « le littoral englobe l'ensemble des îles et îlots, le plateau continental ainsi qu'une bande deterre d'une largeur minimale de huit cents mètres, longeant la mer et incluant : les versants de collines etmontagnes, visibles de la mer et n'étant pas séparés du rivage par une plaine littorale ; les plaines littorales demoins de trois kilomètres de profondeur à partir des plus hautes eaux maritimes ; l'intégralité des massifsforestiers ; les terres à vocation agricole ; l'intégralité des zones humides et leurs rivages dont une partie sesitue dans le littoral à partir des plus hautes eaux maritimes tel que défini ci-dessus ; les sites présentant uncaractère paysager, culturel ou historique » : Loi N°02-02 du 5 février 2002 relative à la protection et à lavalorisation du littoral, Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire No10 du 12 février 2002, article 7. 18 Bien qu'employé dans le langage courant en de nombreuses circonstances, le littoral ne semble pas couvrir une notion tout à fait définie. Comme nous l'avons souligné, son appréhension dépend largement de la qualité de celui qui l'observe : aménageurs, scientifiques, économistes, géographes ne perçoivent cet espace qu'au prisme de leurs spécialités, lui déniant alors tout espoir de définition et de délimitation univoques. Ces acteurs se rejoignent pourtant sur un point : il est difficilement concevable d'envisager le périmètre du littoral comme un espace fini. L'état actuel du droit s'inscrit dans cette imprécision. Ainsi, lorsqu'il lui reconnaît une spécificité à travers l'application de dispositions juridiques particulières, le législateur évite le plus souvent de proposer une définition précise du littoral. Si le juriste ne se satisfait guère d'une notion dont les contours ne lui sont pas clairement précisés, il convient cependant d'en relativiser les conséquences47. Plus qu'une notion juridique, le littoral apparaît donc avant tout comme une aire d'influence au sein de laquelle des politiques particulières sont menées afin d'en assurer une gestion pérenne. Ainsi, l'espace littoral ne fait pas l'objet d'une définition spécifique dans la réglementation en vigueur en Côte d'Ivoire. La délimitation de cet espace devrait s'apprécier à partir des limites du domaine public de l'État plus particulièrement du domaine public maritime tel que défini par le décret du 29 septembre 1928 portant réglementation du domaine public et des servitudes d'utilité publique en Côte d'Ivoire. Cependant, à défaut d'une définition exacte et précise, les autorités administratives donnent une approche définitionnelle du littoral au regard de la réglementation domaniale héritée de la France. C'est pourquoi, la zone littorale serait considérée comme faisant partie du domaine public selon la réglementation domaniale. Il comprendrait le rivage de la mer plus 100 mètres de large à partir des plus hautes marrées48. Du point de vue spatial, on distingue en Afrique de l'Ouest, une partie humide et côtière située au sud et une autre, soudano-sahélienne qui est située au nord. L'Afrique occidentale soudano-sahélienne est composée de pays tels que le Burkina Faso, le Mali, le Niger, qui n'ont pas d'ouverture sur la mer. Cependant des pays tels que la Mauritanie et le Sénégal, disposant chacun d'un littoral, en font partie compte tenu du fait qu'ils sont également traversés par le désert sahélien. Tous les pays de la côte occidentale de l'Afrique sont situés dans le Golfe de Guinée. Treize pays sont situés le long de la côte de l'Afrique de l'Ouest. Il s'agit notamment du Bénin, du Cap Vert, de la Gambie, du Ghana, de la Guinée-Conakry, de la Guinée-Bissau, du Libéria, de la Mauritanie, du Nigeria, du Sénégal, de la Sierra Leone, du Togo et de la Côte d'Ivoire. Cependant, la présente étude ne couvrira que la Côte d'Ivoire. De manière plus concrète, l'exemple de la France49, quoique pays de l'Union Européenne, sera donné à plusieurs reprises tout au long de cette étude, afin de démontrer les progrès effectués par ce pays en matière de protection et de gestion de l'environnement marin et côtier en comparaison avec les actions menées dans les pays de l'Afrique de l'ouest. Ainsi, nous présenterons de manière générale la Côte d'ivoire et la zone d'étude, d'une part. Et les caractéristiques de cette zone, d'autre part. 47 En ce sens voir : BECET (Jean-Marie), Le droit de l'urbanisme littoral, PUR, 2002, p.45 ; MESNARD (A-H), « Le droit du littoral » in BEURIER (J-P) (Sous la direction de), Droits maritimes, Dalloz, 2006, p.526. 48 VoirAPHING-KOUASSI (N'dri Germain), op.cit. PP18-19 49 Il ne sera cependant pas procédé à une description géographique de la France, ni à une présentation descaractéristiques physiques de son environnement marin et côtier car le lien qui doit être établi concernesurtout les actions menées par ce pays sur le plan juridique. 19 La République de Côte d'Ivoire est située en Afrique de l'ouest dans la zone intertropicale, dans le golfe de Guinée. Les États voisins de la Côte d'Ivoire sont le Mali et le Burkina Faso au nord, le Ghana à l'est, la Guinée et le Liberia à l'ouest. La République de Côte d'Ivoire s'inscrit dans un carré dont les coordonnées sont de 2°30' et 8°30' de longitude ouest, et 4°30' et 10°30' de latitude nord. L'environnement côtier ivoirien caractérisé par un vaste système de lagunes50, fait partie du grand écosystème marin du golfe de Guinée qui s'étend de la Guinée Bissau au cape Lopez au Gabon. Il ne représente qu'une petite partie de ce grand écosystème et est situé en Afrique de l'Ouest. Il est délimité par le cap des Palmes (Frontière avec le Libéria) à l'Ouest et par le cap de Trois Pointes (au Ghana) à l'Est. La façade maritime ivoirienne s'étend sur près de 566 km51 et c'est l'un des littoraux les plus importants des pays situés dans le Golfe de Guinée52. Le littoral ivoirien ainsi identifié est limité au nord par la route côtière à l'ouest d'Abidjan et la route de Noé en passant par Alépé à l'Est. Dans la partie sud, il est délimité par l'isobathe - 120 m. Sa superficie est estimée à 23 253 km2, soit 7 % de la superficie totale de la Côte-d'Ivoire qui est de 322 463 km253. Il regroupe, plus de 30% du potentiel humain. Selon l'Institut National de la Statistique, depuis le début de la situation de crise, le flux de migrants vers le Sud du pays aurait probablement concerné 50 % des populations résidant auparavant dans la zone Nord, soit près de 1,7 million de personnes. Elle est divisée en trois secteurs : - Le secteur ouest entre Tabou, Sassandra et Fresco (230 km), orienté à 70°en moyenne, est une côte mixte (roches et sables) dont les falaises atteignent directement l'océan, en alternance avec les criques comme à Grand-Béréby, Monogaga et San-Pedro; - Le secteur centre entre Fresco et Abidjan (Port Bout) (190 km), orienté à 81° en moyenne, est interrompu, seulement, par l'embouchure de Grand-Lahou (fleuve Bandama) et le canal artificiel de Vridi; - Le secteur est entre Abidjan (Port-Bouët) et Frontière du Ghana (100 km) est orientée à 101° et situé après le point de changement important de direction du littoral survenant au niveau du « Trou Sans Fond » dans la baie de Port-Bouêt. Il est caractérisé par une côte presque rectiligne interrompue par l'intermittente passe de Grand-Bassam (embouchure du Comoé) et la passe permanente d'Assinie54. Cette zone présente des caractéristiques physiques, mais aussi assez de particularités. 50LE LOEUFF (P.) ET MARCHAL (E.), Géographie littorale. In: Environnement et ressources aquatiques en Côte D'Ivoire. I-Le milieu marin. Paris, ORSTOM, 1993, P.15-22. 51Ministère de l'environnement, de la salubrité urbaine et du développement durable, Atelier de validation de la stratégie nationale de gestion de l'environnement côtier 2016-2020, jeudi 11 décembre 2014, salle 24 de l'ENA sise au II Plateaux, P.14 (voir le Dr. TIEBLEY pour precision) 52PNUE, Programme pour les mers régionales, Synthèse sur les sources de pollution due aux activités terrestres et qui affectent l'environnement marin, côtier et les eaux douces continentales dans la région del'Afrique de l'Ouest et du Centre, Rapports et études sur les mers régionales, n°171, PNUE 1999, p. 32. 53 POTTIER (Patrick) et ANOH (Kouassi Paul), Dirs. , Géographie du littoral de Côte-d'Ivoire : éléments de réflexion pour une politique de gestion intégrée. CNRS-LETG UMR 6554 et IGT : Nantes - Abidjan, 2008, 325p, Les Cahiers d'Outre-Mer [En ligne], 251 | Juillet-Septembre 2010, mis en ligne le 01 juillet 2013, consulté le 13 août 2014. URL : http://com.revues.org/6097 , P.13 54Ministère de l'environnement, de la salubrité urbaine et du développement durable, atelier de validation de la stratégie nationale de gestion de l'environnement côtier 2016-2020, op. cit. p.14 ; 20 Une très grande importance est accordée aux zones côtières de l'Afrique occidentale. Réputées très riches en ressources naturelles, elles constituent dans la plupart des pays des habitats naturels pour des espèces animales et végétales. En Côte d'Ivoire55, les différents écosystèmes de la zone côtière sont aussi bien les mangroves, marais et marécages, les lagunes, les estuaires et les cours inférieurs des fleuves et rivières, les forêts, les écosystèmes marins que les écosystèmes artificialisés (agricultures). Beaucoup d'oiseaux, de mammifères, de reptiles, d'insectes et d'espèces de poissons y vivent. Les 1200 km2 de lagune fournissent un habitat pour de nombreuses espèces de poissons, et servent de nurseries pour des espèces marines et côtières. Elles constituent des sanctuaires importants pour des oiseaux locaux et migrateurs. Sur le plan écologique, elles constituent des habitats pour une gamme d'espèces d'animaux fouisseurs, notamment les crustacés et mollusques et sont des abris et des lieux de résidence pour un certain nombre de reptiles et d'oiseaux. Le paysage côtier ivoirien comprend 366 km de plages de sable et 200 km de côtes rocheuses et semi-rocheuses56. Nous pouvons dire sans retenu que notre sujet est d'actualité car il suffit de tendre les oreilles vers les médias et le quotidien des riverains pour s'apercevoir que la situation du littoral est alarmante. On assiste aujourd'hui à une véritable « explosion » des problèmes juridiques concernant le littoral, espace rare et fragile, concurrentiel et surexploité. En effet, en ce début du 21e siècle, les divergences entre aménageurs et protecteurs de l'environnement existent toujours. Mais leur poids dans les choix d'aménagement s'en trouve-t-il accru ? D'un côté, les débats57, nombreuses manifestations publiques58et programmes de recherche59témoignent toujours de cette montée en puissance des préoccupations environnementales, jusqu'à l'inscription dans des conventions et chartes nationales60de nombreux concepts et principes récents (de prévention, de précaution, gestion intégrée, développement durable). De l'autre, le littoral reste un espace toujours aussi convoité par des activités et usages variés, nouveaux ou non : sports d'eau, plaisance, énergie éolienne, développement des ressources halieutiques (etc.), qui nécessitent en permanence de nouveaux équipements, d'où l'intérêt de vérifier la pertinence et l'impact de procédures réglementaires pour la prise en compte de l'environnement côtier. 55Ibidem 56République de Côte d'Ivoire, Ministère du Logement du Cadre de Vie et de l'Environnement, GrandEcosystème Marin du Golfe de Guinée, Côte d'Ivoire -Profil environnemental de la zone côtière, CEDA,1997, p. 10-20, on http://www.globaloceans.org/country/cote/cote.pdf 57 Carrefours citoyens, réunions publiques, débats publics, etc... En 1998, le colloque de l'IFSA souligne l'apparition de nouveauxtermes tels que consultation, concertation, négociation, information, communication, médiatisation, transparence, dialogue,participation, proximité, accueil, écoute, médiation, partenariat. Ce petit lexique est frappant par la nouveauté de ces termes quiexprime l'émergence d'une nouvelle mentalité, de nouvelles relations. 58 Par exemple en France, la Semaine du développement durable, pilotée par le Ministère de l'écologie et du développement durable et leSecrétariat d'Etat au développement durable, en juin 2003 et 2004. 59 Par exemple en France, l'Action Concertée Incitative engagée par le Ministère de la Recherche en 2004 sur le thème « Sociétés et cultures dans le développement durable » ; le programme MATE et Ademe « Concertation, Décision, Environnement » de 1999 à 2001 (dont le compte rendu était pour mars 2005). 60 Par exemple, le projet de loi constitutionnelle de Charte de l'environnement n°992 adoptée par le Parlement le 27 juin 2003. 21 C'est pourquoi les géographes du littoral n'hésitent pas à affirmer que « dans un pays comme la Côte d'Ivoire où l'activité socio-économique est fortement « littoralisée » et quelque fois « maritimisée ». Il est en effet urgent que cette problématique de l'environnement et de la gestion durable des espaces littoraux soit traitée prioritairement »61. Ces alertes ont eu écho favorable au niveau étatique de sorte à constater ces cinq (5) dernières années, de fortes initiatives. La thématique des zones humides côtières s'inscrit dans une réflexion déjà bien engagée par des chercheurs contemporains sur le développement des littoraux dans le monde et particulièrement dans le golfe de Guinée. Les travaux à ce sujet sont légions aussi bien juridiquement que dans tous les autres domaines scientifiques. Dans notre démarche fondée sur l'étude de la préservation de la zone côtière en droit ivoirien, nous avons voulu faire oeuvre utile en apportant notre modeste contribution à cette oeuvre. En effet, la rareté des études juridiques portant sur la zone côtière ivoirienne a pesé essentiellement dans le choix du sujet que nous sommes vus proposer par notre directeur de mémoire à l'occasion de cette recherche. Objectivement,desétudes actuelles et qui restent d'ailleurs l'une des premières,ontétéconsacréau droit du littoral dans notre pays mais elles restent partielles puisque n'épuisant pas la question. Cette insuffisancedoctrinale, que nous voulons modestement combler, a conduit inévitablement au choix du sujet de cette étude. En outre, on note qu'aucune recherche antérieure n'a porté spécifiquementsur la question de la préservation de la zone côtière en droit ivoirien. Dans l'Hexagone, M. PRIEUR (Michel)62, mais aussi M. BECET (Jean-Marie) et MORVAN (Didier) ont éloquemment exploré le sujet au point de l'avoir totalement « asséché». En Afrique, particulièrement dans la partie occidentale et centrale, M. KAMTO (Maurice) ainsi que Mme ASSEMBONI OGUJIMI (Alida Nababoué) et M. ZOGNOU (Théophile) ont aussi menés des réflexions sur la question. En Côte d'ivoire, deux chercheurs ont jetés les jalons de l'étude sur le littoral. C'est donc le lieu de leur rendre hommage puisque c'est à partir de leurs travaux que nous avons peaufiné le nôtre, il s'agit de M. TIEBLEY (Yves Didier) et M. DAKOURY (Jean-Claude). Si notre étude associe étroitement la terre et la mer, c'est donc logiquement que les réflexions de M.MAMBO Paterne nous a été d'un grand secours car ses travaux traitent du droit de l'urbanisme en Côte d'ivoire63. Au-delà de cette évidence, on soulignera que le choix de ce thème de réflexion repose sur diverses motivations théoriques ou scientifiques mais surtout pratiques. Sans omettre les motivations personnelles. Le motif théorique ou scientifique du thème va cristalliser notre ambition et justifier du coup l'intérêt de cette étude. En effet, on peut remarquer que toute étude consacré à la zone côtière, a l'avantage d'enrichir le monde universitaire de travaux actualisés, lorsqu'ils portent particulièrement sur une question peu explorée par les chercheurs africains en général, et ivoiriens en particulier. Au surplus, le sujet tel que libellé, en mettant en évidence plusieurs matières juridiques importantes- le droit de la mer, le droit maritime, le droit de la décentralisation et de l'aménagement du territoire, le droit de l'urbanisme, le droit de l'environnement et le droit du 61 POTTIER (Patrick) et ANOH (Kouassi Paul), Géographie du Littoral de Côte d'Ivoire, éléments de réflexion pour une politique de gestion intégré, Coopération Interuniversitaire Abidjan Cocody (Côte d'ivoire)/ Nantes (France) 2008, P.18. 62Celui que les juristes de l'environnement nomment le « Pape du Droit de l'environnement » 63La bibliographie sera consacrée à leurs nombreux écrits 22 littoral64 pour ne citer que ceux-là-, ne peut manquer d'intéresser la recherche scientifique. On n'ignore pas que ces disciplines précitées sont essentielles même si le droit du littoral n'est pas encore connu et développé en Côte d'ivoire ; on insistera particulièrement sur l'importance du droit de l'environnement et dans un moindre mesure le droit de l'urbanisme , qui se révèlent comme des « disciplines carrefours» dont un des atouts est de « briser » les cloisons étanches entre le droit public et le droit privé, puisqu'il puise à la « sources » de ces deux branches juridiques fondamentales65. Les règles qui président au droit de l'environnement et au droit de l'urbanisme , empruntent aussi bien au droit privé-droit civil, droit pénal, droit commercial... - qu'au droit public - droit administratif, droit constitutionnel, droit international public...- , sans denier à la discipline son autonomie de plus en plus affirmée. Il en va de même avec les autres sciences humaines et sociales : le juriste environnementaliste et urbaniste s'intéresse à la statistique, aux sciences économiques, à la géographie, à l'histoire, à l'anthropologie, à la sociologie, à l'écologie, à la géologie, etc. le droit de l'environnement se révèlent donc comme une discipline juridique dotée d'un champ d'étude pluridisciplinaire. Au plan de la pratique , l'intérêt de cette rechercheréside au niveau de l'éclairage qu'il importe d'apporter aux praticiens, notamment aux juristes de l'environnement , aux urbanistes et aux architectes qui sont à amener à concevoir et à réaliser la gestion, la protection et l'aménagement des agglomérations urbaines du littoral. Mais cette étude s'adresse également à un public très diversifié : l'Etat, élus, responsables des collectivités littorales particulièrement aux autorités municipales ; mouvements associatifs ; dirigeants d'établissement public ou d'organismes intervenant sur cet espace ; et/ou gérant des activités maritimes ou littorales ; universitaires, étudiants, spécialistes des problèmes de la domanialité et d'environnement ; et, d'une manièregénérale, tous ceux qui sont sensibilisés par les problèmes du littoral . Enfin, nous nous sommes efforcés de donner à cette étude une forme qui le rende accessible à tous les lecteurs potentiels. La prise en compte des questions environnementales et l'aménagement de l'espace littoral sont les axes centraux de ce mémoire. De nombreux travaux en géographie qui s'intéressent à l'impact des aménagements sur l'évolution des milieux côtiers font état du droit et de son implication dans les processus d'évolution de l'espace. S'intégrant parfaitement au concept de Développement durable, l'aménagement des littoraux, plus spécifiquement, celui des zones humides connaît une importance de plus en plus grandissante. Sur le plan interne, à la lecture, les textes environnementaux se révèlent incomplets. Il existe aussi un vide juridique qui est plutôt général en matière d'environnement marin et côtier. Pour la plupart des cas, il se pose un problème de disponibilité et d'effectivité des textes. Face à une telle situation, c'est à juste titre que l'on est amené à se poser un certain nombre de question, à savoir si le dispositif juridique mis en place est approprié pour assurer une véritable protection et une gestion de l'environnement marin et côtier. Les instruments juridiques actuellement en vigueur organisent-ils suffisamment la protection et la mise en valeur de cet espace ? Une prise en compte des particularités de cette partie du territoire n'est- 64 Cette dernière matière juridique semble inexistante en Côte d'ivoire. Mais que non voir infra p.89 65 S'il est classique d'établir une distinction orthodoxe, rigide et figée entre le droit public et le droit privé, on admet de plus en plus aujourd'hui, que cette distinction n'a plus une portée absolue. 23 elle pas indispensable dans l'édiction des textes? Accorde-t-on vraiment une importance au milieu marin et côtier ? Répondre de manière satisfaisante à chacune de ces interrogations suppose que soit résolu, au préalable, un certain nombre de questions. Il convient d'abord de cerner les moyens juridiques, humains, matériels et financiers mis en oeuvre à cet effet par l'État ivoirien. Cet exercice permettra de se faire une idée de l'importance qu'il accorde, au-delà des professions de foi, à la question de la protection du littoral et de la conservation des ressources naturelles qui s'y trouvent. Il s'agit enfin d'identifier les acteurs et le type de relations qui les unit dans la mise en oeuvre de la protection de la zone côtière ivoirienne. Comme on le voit, les clarifications qui seront apportées aux différentes questions précitées contribueront indéniablement à répondre à l'interrogation fondamentale suivante : L'État de Côte d'Ivoire gère et protège-t-il juridiquement ses espaces marins et côtiers conformément au principe du développement durable ? L'hypothèse de travail de la présente étude est bâtie autour de l'idée selon laquelle la protection de la zone côtière présente un cadre juridique assez ambivalent. C'est pourquoi nous lui apporterons une modeste contributionpour une protection effective, sans pourtant épuiséla question parce que le niveau d'étude qui nous permet de mener cette réflexion ne peut que jeter les jalons sinon ouvrir la porte à une véritable thèse. Le préalableétant de se soumettre aux exigences de la soutenance. Ainsi, la démonstration de notre hypothèse de travail se fera en deux temps : Dans une Première Partie, nous mettrons en relief l'ambivalence du cadre juridique de préservation de la zone côtière. Cette ambivalence se manifeste à travers une existence avérée du cadre juridique. Ce cadre reste cependant insuffisant. L'existence avérée du cadre juridique de préservation de la zone côtière est d'abord perceptible au regard des instruments juridiques. On le verra à travers les instruments juridiques internationaux mais aussi au regard de l'effort manifeste de l'État ivoirien à protéger et gérer de manière durable son milieu marin et côtier. Ensuite, le cadre institutionnel de l'Etat ivoirienconfirmera cette existence. L'ambivalence va part la suite prendre forme à cause de l'insuffisance manifeste décelée au niveau de ce cadre juridique. Nous distinguerons ainsi les insuffisances de la législation ivoiriennedes faiblesses du cadre institutionnel ivoirien. La Deuxième Partie de ce travail sera l'occasion pour nous de contribuer modestement à une protection effective du littoral ivoirien d'où un cadre juridique à parfaire. Tout en nous réservant de l'exhaustivité, il reste impérieux de renforcer les instruments internationaux sans toutefois oublier de revigorer le cadre politique. D'abord, le renforcement de ces instruments devra prendre en compte non seulement l'espace marin mais aussi l'environnement côtier. C'est pourquoi, il serait nécessaire de renforcer, dans un premier temps, les règles relatives à la pollution marine. Mais et surtout de mettre en place une nouvelle stratégie d'intervention juridique sur le littoral. Nous ne pouvons pas nous permettre par la suite, d'améliorer le cadre politique sans prioriser la coopération ivoirienne en faveur du littoral. Si la crédibilité des structures administratives reste problématique en Côte d'Ivoire aujourd'hui, il serait plus qu'important de repenser celles en charge de la protection du littoral. 24 PREMERE PARTIE : UN CADRE JURIDIQUE AMBIVALENT Le littoral, par ses composantes, constitue un système complexe et dynamique. Certaines activités anthropiques, que ce soit au niveau de laproduction ou de la consommation, peuvent déstabiliser ce système. Au cours desdernières décennies, la croissance économique et démographique exponentielle, lessources de pollution de plus en plus nombreuses et dangereuses, ainsi quel`exploitation excessive des ressources naturelles ont en effet accru, et de façonalarmante, les pressions sur cet environnement fragile. La problématique de sagestion constitue un défi planétaire auquel l'humanité est confrontée. Au niveau du littoral ivoirien, la prise de conscience de la dégradation del`environnement est perceptible dès l'accession de la Côte d'Ivoire à l`indépendance66. Elle se manifeste soit par l`adhésion de l'Etat en question à des conventions antérieures en matière de protection de l`environnement soit par l`adoption de nouvelles conventions en la matière. Mais si « le mouvement écologique touche le continent africain bien tardivement après laConférence de Stockholm de 1972 et surtout à l'approche de la Conférence de Rio de 199267», signalons quedans le Golfe de Guinée et particulièrement en Côte d'Ivoire, la protection dele littoral n`est pas une préoccupation récente. En effet, avant la colonisation, l'homme ivoirien suivant ses propres méthodes, protégeait déjà son environnement. Les conventions internationales et les autres règles édictées par les Etats sont venues trouver de solides règles coutumières qui aujourd'hui encore restent très importantes. Il y a donc plusieurs règles à appliquer. Cette situation dans laquelle un cas d`espèce génère l`intervention de plusieurs sources de droit susceptibles d`application68 donne lieu à une pluralité de systèmes de droit qu`Etienne Le Roy a baptisé de « multijuridisme69». La zone côtière se trouve ainsi à la croisée de plusieurs droits. Nous ne développerons pas, dans ce présent travail, la protection coutumière du littoral sûrement quand l'occasion nous sera donnée, en Thèse de Doctorat, nous en ferons une véritable analyse. Pour l'heure, ce qui nous intéresse c'est le droit contemporain. Ainsi, si on note une nette amélioration dans la protection de ces espaces, le cadre juridique reste ambivalent en ce sens qu'il offre deux aspects différents ou contradictoires de cette protection. L'existence du cadre juridique de la protection quoique avérée (Chapitre I) reste cependant insuffisante (Chapitre II). Ce qui entrave les grandes avancées juridiques tendant non seulement à la protection mais aussi à la gestion durable de l'environnement marin et côtier et de leurs ressources. 66 La plupart de ces pays ont émergé sur le plan international vers la moitié du 20ème siècle, notamment après les indépendances. 67 M. KAMTO, Droit de l'environnement en Afrique, EDICEF/AUPELF, Paris, 1996, p. 15. 68 N. ROULAND, « Le pluralisme juridique consiste dans une multiplicité de droit en présence à l'intérieurd'un même champ social ». op. cit. p. 84. 69 O. BARRIERE « De l'émergence d'un droit africain de l'environnement face au pluralisme juridique », in Laquête anthropologique d'un droit. Autour de la démarche anthropologique d?E. LE ROY, Paris, dir. C.EBERHARD et G. VEMICOU, Karthala, 2006, p. 149. 25 |
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