4.1.1. Taux d'occupation de sol de
1986 à 2013
Les résultats qui seront présentés dans
cette partie sont ceux issus de l'étude menée dans la même
zone par le Fonds Spécial en Faveur de l'Environnement (2016)
complétés par les résultats de nos propres enquêtes
de terrain. Les données écrites sur la zone du Fitri sont rares
surtout celles concernant la dynamique des ressources naturelles.
L'étude de la dynamique de la végétation par les images
satellitaires est fiable et raisonnable pour l'étude de l'occupation du
sol surtout dans un pas de temps assez long. La figure montre les taux
d'occupation des sols en 1986 et 2013 dans la zone du Fitri. Ainsi, à
l'aide des images satellitaires, il a été constaté
l'existence d'une nette différence entre l'occupation du sol entre 1986
et 2013. Le paysage de la zone de Fitri présente les unités
d'occupation des sols suivants : les forêts galeries, les savanes,
les steppes, les prairies, les zones de cultures, les plans d'eau, les sols nus
et les zones d'habitation (Figure 14).
Ø Méthodes
Les images satellitales optiques utilisées proviennent
des capteurs TM (Thematic Mapper) et ETM+ (Enhanced Thematic Mapper). Nous
avons utilisé une scène Landsat acquise en 1986 et 2013, au Path
183 et Row 051. L'image landsat TM à une résolution de 28 m.
L'image Landsat ETM+ de 2013 à une résolution de 28 m.
Dans l'élaboration de la classification
supervisée, nous avons digitalisée les images avec le logiciel
Erdas pour chaque classe d'occupation des sols à cartographier.le
logiciel Envi a permis à travers l'opération Compute differance
map de croiser deux couches différentes afin d'obtenir une seule
couche.
Figure 14 : Cartes de la situation de l'occupation du sol de 1986
et 2013(BEGC, 2016)
4.1.2. Les changements
globaux
Figure 15 : Changements d'occupation du sol du Lac Fitri entre
1986 et 2013
Les grandes structures de l'espace localisées sur les
images et leur emprise spatiale pour les années 1986 et 2013 ont permis
d'apprécier les différents niveaux d'occupation de l'espace entre
ces deux périodes (Figure 14).
Figure 16. Evolution de
l'occupation du sol entre 1986 et 2013
L'analyse diachronique montre un recul des espaces
boisés au profit des terres agricoles en 27 ans. L'examen croisé
des images satellitaires met en valeur plusieurs mécanismes essentiels
qui marquent l'occupation de l'espace dans le Fitri :
Ø une croissance des zones de cultures au
détriment des espaces boisés (en régression) et des
pâturages naturels : les zones de cultures ont connu de fortes
mutations entre les deux dates. En 2013, elles étaient de l'ordre de
6128 ha soit 3,7% de l'ensemble du territoire alors qu'en 1986, les zones de
cultures couvraient seulement 1066 ha soit 0,6% de la superficie totale de la
zone d'étude.Les enquêtes de terrain ainsi que les études
antérieures (BIEP 1989, Marty et al. 2012) confirment cette
tendance à la hausse des cultures de décrue, due essentiellement
à la croissance démographique des sédentaires bilala ainsi
que les cultures pluviales qui s'étendent au détriment de toutes
les formations ligneuses ce qui atteste une dynamique régressive de la
végétation ligneuse dans le Fitri ;
Ø une augmentation des sols nus(nommé Kosso
en bilala), au détriment des zones de cultures et d'espaces
boisés : les sols nus ont connu une évolution galopante.
Entre 1986 et 2013, on a enregistré une augmentation des sols nus qui
passent de 5301 ha soit 3,23% en 1986 à 7981 ha soit 4,86% de la surface
totale de la zone. L'augmentation de ces espaces nus est due en grande partie
à une mise en culture généralisée et
l'appauvrissement des sols en raison de l'intensification des activités
agropastorales. Pendant les mêmes périodes, il y a eu une
croissance démographique et une multiplication des villages à
cause de l'attraction exercée par le lac Fitri qui offre d'immenses
potentialités. Les espaces occupés par les villages ont
été également considérés comme des sols
nus.Il s'agit des zones incultes localisées au nord de notre zone
d'étude, entre Agana et Wagna, et circonscrites à
l'intérieur des vertisols cultivés en
berbéré ;
Ø les savanes couvrent une superficie de 45551,48 ha
soit 27,78% en 2013 alors que ces unités de végétation
occupaient en 1986, une surface d'environ 63667,88 ha soit 38,83%. . Elle subit
de plein fouet les effets des changements climatiques et de la croissance
humaine et animale dans la zone. Comme fourrage aérien, les
éleveurs élaguent et abattent les arbres, amenuisant leurs
capacités de régénération naturelle. Dans les
bas-fonds, les arbres sont complètement défrichés pour
faire place aux cultures de décrue. Ils sont exploités en bois
d'oeuvre et bois de chauffe, malgré l'interdiction de leur coupe par le
Ministère des Eaux et Forêts depuis 2008. On constate que les
savanes s'effritent à grand pas soit à cause du front agricole
(culture de décrue) soit en raison du changement climatique ;
Ø les steppes, caractéristiques de la zone
d'étude selon la répartition des zones agro-climatiques au Tchad
couvraient une superficie de 29818, 18 ha soit 18,18% en 1986alors qu'en 2013
elles occupent une surface de 46288,54 ha soit 28,23% de la superficie de la
zone d'étude. Si d'un côté, elle perd du terrain face aux
cultures pluviales, de l'autre, elle prend l'avantage sur les zones de savane
et forêt dans le lac Fitri car elle en présente la forme
dégradée. L'augmentation des steppes trouve son explication dans
l'embroussaillement dû à la prolifération d'Acacia
nilotica et d'Acacia tortilis, l'homogénéisation de
la végétation, la régénération dans les
jachères et surtout la dégradation des savanes et des
forêts galeries ;
Ø localisées dans les zones inondables du Fitri,
les prairies marécageuses s'étendaient sur une superficie de
36163 ha soit 22,05% de la superficie totale du Fitri en 1986 alors qu'en 2013
elles occupaient 34635,16 ha soit 21,12% de la superficie totale de la zone
d'étude.La superficie de cette unité est liée à
l'extension des crues (Tashi et al. 2017). La variation de sa superficie n'est
pas aussi prononcée que celle des autres entités du
paysage ;
Ø les forêts galeries s'étendaient sur une
superficie de 5.915,06 ha soit 3,60% de la superficie totale de la zone en 1986
contre seulement 2.321, 29 ha soit 1,41% de la superficie totale de la zone
d'étude en 2013.Il reste un peuplement en pleine
régénération avec le développement des peuplements
denses d'Hyphaene thebaica lié au remplissage plus
fréquent des mares au nord-ouest du lac Fitri (Tashi et al.
2017). . Nous pouvons estimer qu'après une phase de
régénération suite aux épisodes graves des
sécheresses de 1970 et 1980, la pression anthropique sur cette ressource
en a réduit les superficies ;
Ø les plans d'eau étaient passés de 22002
ha de soit 13,42% de la zone d'étude en 1986 à 21.038 ha soit
12,83% en 2013. Ce résultat est conforme à celui de (Tashi et al.
2017) qui montrent l'extension des crues du lac depuis les grandes
sécheresses des années 1970 - 80.
Ø Le lac qui est le régulateur de la
multi-activité est soumis à des modifications dans le temps et
dans l'espace. Dans le temps, on a remarqué que l'augmentation ou la
diminution des eaux du lac influence la répartition de la
végétation. Par exemple, les sécheresses des années
1980 et, 1984 ont provoqué la disparition de plusieurs hectares de
végétation au profit des espaces nus en augmentation continuelle
dans la zone. Le phénomène inverse s'est réalisé
avec l'installation des années de bonnes pluviométries durant la
dernière décennie facilitant ainsi la
régénérescence des espèces végétales
qui avaient presque disparu aux alentours du lac Fitri.Dans l'espace, les
images satellitaires nous montrent les situations antérieures et
actuelles du Fitri. On constate sur les images et selon les témoins des
habitants que depuis les années 1980, le lac s'écoule vers
l'ouest alors que c'était une situation inverse avant les années
1980. Cet écoulement vers l'ouest est sans nul doute,
l'élément ayant facilité le développement de la
grande forêt d'Hyphaene thebaica ou Palmier
« doum » ainsi que l'installation d'une ceinture
d'Acacia nilotica autour du lac dans des endroits inondables.
4.1.3. Effet des activités anthropiques sur la
flore et la végétation ligneuse
Pour satisfaire ses besoins élémentaires et
vitaux, l'homme est contraint de mener certaines activités qui
malheureusement, constituent des facteurs majeurs de dégradation de son
environnement.
4.1.3.1. Effets des activités pastorales :
impacts de la sur-fréquentation animale sur la flore et la
végétation ligneuse
Le Fitri est par excellence une zone de séjour de
saison sèche des transhumants car elle accueille des milliers de
bétail qui y séjournent durant cette période (Figure 17).
Cette charge pèse lourd au regard des conditions climatiques actuelles
(Chapelle, 1986).La dégradation de la végétation ligneuse
dans le lac Fitri est due au surpâturage et aux autres pratiques
d'élevageconsidérées comme l'une des principales causes de
cette dynamique régressive. Plusieurs études ont montré le
rôle de l'élevage dans la dégradation de la
végétation et des terres surtout dans les zones
sahéliennes et soudaniennes (César, 1992 ; Breman et
al., 1995 ; Bellefontaine et al. , 1997).
Figure 17. Flux des troupeaux vers le lac Fitri en saison
sèche.
L'effectif des animaux, leur nature (bovins, ovins, caprins,
camelins), leur séjour prolongé sur un parcours, la
fréquence de pâture ainsi que d'autres pratiques d'affouragement
à savoir l'émondage, l'effeuillage et l'étêtage sont
autant des facteurs qui influencent la dynamique des végétations
ligneuses dans la zone. Leurs impacts sur la végétation ligneuse
ont été très importants aussi bien sur le plan quantitatif
que qualitatif.
Les observations menées ont donc permis de mettre en
évidence des dégradations de la végétation ligneuse
en relation avec les modes de conduite des animaux en présence. Les
principaux éléments qui caractérisent cette dynamique
régressive suite à une pression pastorale intense ont
été la baisse de la couverture végétale et la
modification de la composition floristique. En effet, l'élevage surtout
transhumant influe sur la végétation ligneuse et les terres par
l'action de consommation sélective des espèces
végétales ainsi que par le piétinement qui provoquent
l'encroûtement superficielle du sol avec la formation des croutes de
battance.
Cependant, le dépôt des fèces et d'urine
par les animaux facilitent la fertilisation du sol et le développement
de certaines espèces. Au niveau de la végétation ligneuse,
le pâturage aérien a provoqué la diminution du taux de
recouvrement ligneux et la disparition des espèces les plus
consommées par les animaux (Piliostigma reticulatum, Cadaba
farinosa, Stereospermum kunthianum...) au profit de celles qui sont plus
résistantes au broutage (Acacia nilotica, Balanites aegyptiaca,
Acacia tortilis, Bauhinia rufescens, Acacia laeta...). En effet,
lesurpâturage provoque une nette domination dela végétation
par une espèce ou un petitnombre d'espèces (Hiernaux et Le
Houerou,2006). Les espèces dont la dissémination est
assurée par les animaux comme Acacia nilotica, Balanites aegyptiaca,
Acacia tortilis, Dichrostachys cinerea... ont été les plus
favorisées. Le couvert végétal ligneux s'est donc
contracté et épaissi au fil des années avec Acacia
nilotica, Balanites aegyptiaca, Capparis decidua et Boscia
senegalensis. Des situations similaires ont été
également observées dans la région par Béchir et
Mopaté (2015). En effet, dans certaines zones où les terres sont
plus marginales donc incultes et destinées aux parcours, la
végétation ligneuse qui s'y développe est
sévèrement élaguée, étêtée ou
ébranchée (Figure 18).
Figure 18. Un pied d'Acacia tortilis
sévèrement émondé (Cliché :
Tchoudiba B.)
L'émondage, l'étêtage et l'effeuillage de
certains arbres par les pasteurs afin de faciliter l'accès du
bétail à leur feuillage menacent également leur survie. En
effet, la phénologie de l'arbre est affectée par ces pratiques et
la production du fruit est ainsi interrompue, Béchir et Zoungrana(2009).
L'émondage sévère entraine petit à petit la
réduction des espèces appétées et même leur
disparition. Cela facilite au contraire le développement de certaines
espèces envahissantes entrainant un embuissonnement de l'espace
pâturable (César, 1992). Les principales espèces ligneuses
utilisées dans le cadre du pâturage aérien sont :
Acacia seyal, Acacia senegal, Balanites aegyptiaca et Acacia
tortilis très appréciées par les animaux donc
beaucoup sollicitées en saison sèche. Dans certaines zones du
Fitri, la dynamique est en revanche caractérisée par la
prolifération de Calotropis procera (espèce des zones
dégradées) qui colonise de vastes étendues et où on
la rencontre parfois en peuplement presque monospécifique. Cela est
semblable au stade final d'une dynamique régressive de la
végétation avec lasubstitution de Calotropis procera tel
quedécrit par Béchir et Mopaté (2015) dans leBatha
Ouest.
4.1.3.2Emprise agricole sur la
végétation
La figure 19 montre la répartition des
différents types d'occupation de l'espace dans le Fitri. Le Fitri est
marqué par une croissance démographique rapide. En effet, entre
1993 et 2009, la zone d'étude a vu sa population doubler, passant de
54.672 à 110. 403 habitants (RGHPII, 2009). L'accroissement de la
population et le défrichement se sont traduites par une augmentation des
surfaces emblavées, une réduction voire une dégradation
des formations végétales. Au fil des années, les
superficies emblavées se sont ainsi étendues au rythme de
l'accroissement démographique. Les défrichements du couvert
végétal pour des fins agricoles exposent et rendent les sols
très vulnérables aux phénomènes
d'érosion(Naitormbaide, 1990).
Figure19. Zone de culture de sorgho de décrue au lac
Fitri en 2015(Kemsol A., 2017)
Dans cette zone en pleine mutation, la mise en culture des
espaces pastoraux stratégiques (aires de pâturages, points
d'abreuvement, couloirs de transhumance, aires de stationnement)a
provoqué leur rétrécissement et surtout leur
parcellisation. Le morcellement des terres trouve son explication dans
l'éclatement des structures familiales et dans l'augmentation de
nouveaux besoins en terres cultivables (Sougnabé., 2010). L'extension
des zones cultivées au détriment des parcours naturels est un
phénomène qui caractérise les dynamiques agraires et pose
le problème de la gestion durable des parcours (Béchir, 2010). En
effet, les conséquences de cette situation est la transformation
des couverts végétaux accompagnée des mises en culture
généralisée des plaines inondables et de l'ensemble des
abords immédiats des cours d'eau.
A cause de la faible pluviosité enregistrée ces
dernières années, des cultures maraichères sont
installés de préférence dans les dépressions, les
plateaux, sur les talus sableux ou sur les replats ensablés. Les
cultures pluviales des céréales ont été
multipliées et parfois déplacées des glacis vers les fonds
des vallées. Les cultures de décrue avec des diguettes ont pris
également une extension croissante. Les conséquences de cette
dynamiques agricoles est la déforestation car des peuplements
d'Acacia seyalet parfois des faciès entier de
végétation sont systématiquement défrichés
et remplacés par des champs de berbéré.
Les mises en cultures des zones pastorales rend
vulnérable l'écosystème aride à l'érosion
des sols, surtout éolienne mais aussi hydrique et biochimique
(Naitormbaide, 1990). Elles contribuent à réduire la
mobilité animale et aggraver l'impact de l'élevage pastoral sur
l'environnement (Hiernaux et al., 2006). Cela entraine la
concentration des animaux dans un espace plus restreint accentuant ainsi la
pression pastorale sur les pâturages de ces zones et sur les autres
formations naturelles contiguës. On assiste donc à un effritement
du mode de conduite traditionnel d'animaux à cause de l'occupation des
parcours et des pistes de transhumances par des champs. Les éleveurs
tendent alors à se sédentariser, accroissant ainsi le rythme de
fréquentation des pâturages et des formations naturelles dans les
zones d'accueil. Or, les effets du pâturage sont d'autant moins
marqués que les troupeaux sont mobiles (Béchir, 2012). La
sédentarisation des troupeaux a des conséquences en
matière de dégradation des écosystèmes. Il s'en
suit une exacerbation des conflits d'usage.
4.1.2.2. Les coupes abusives du bois et les pratiques
de feux de brousse
Ø Les coupes abusives de
bois
Les pressions exercées sur les ressources
végétales ligneuses sont particulièrement fortes, se
traduisant par leur exploitation quotidienne. Dans le Fitri, les
enquêtes de terrains ont montré que le bois de chauffe demeure
l'une des principales causes de dégradation de la
végétation ligneuse. Dans beaucoup de pays en voie de
développement, le principal combustible demeure le bois. En effet, le
bois est aussi utilisé pour la construction des cases et des enclos ou
« Zériba » en arabe, la carbonisation, sert
également de combustible et de bois d'oeuvre. Il demeure la seule source
d'énergie dont dispose la population qui est majoritairement pauvre
(Planche 1).
Les arbres sont également coupés lors des
défriches. Cependant, certaines espèces sont
épargnées à cause de leurs
utilités :Anogeissus leiocarpus, Borassus aethiopium, Acacia
nilotica, Acacia seyalet Hyphaene thebaica.
B
A
Figure 1 :Tas de bois morts coupés et prêts
à la vente et un pied d'un acacia seyal détruit dans le
village Tékété (Cliché : Tchoudiba B)
Les pratiques de coupe de bois et des feux de brousse dans le
Fitri ont considérablement influencé la diversité
floristique ainsi que la dynamique de la végétation ligneuse.
Elles sont à la base des déforestations et des
déboisements constatés. En effet, la déforestation
résulte de toute action d'origine anthropique ou non et qui
entraînent le changement d'un biotope en lui faisant perdre son
état de forêt. Cette définition montre une similitude entre
déforestation et déboisement. En effet, le déboisement a
un sens plus large que le terme déforestation : par exemple, la
destruction du couvert ligneux d'une savane arborée est un
déboisement puisque cette formation n'est pas une forêt alors que
la transformation de la forêt dense humide en terre agricole ou en
pâturage est un fait de déforestation. Elle correspond à
des changements qui affectent négativement le peuplement forestier
où les activités anthropiques réduisent la capacité
de production tout en maintenant son statut de forêt (passagepar
exempled'une forêt dense à une forêt claire). Elle est due
à l'appauvrissement de l'écosystème, la perte d'une partie
de la valeur économique et l'ouverture du couvert forestier. Elle est
accompagnée par une diminution de la biodiversité
végétale et animale menaçant notamment certaines
espèces rares ou la grande faune.
Ø Les feux de brousse
La pratique des feux de brousse est utilisée par les
pasteurs pour favoriser la repousse des graminées pour le bétail.
Les feux sont également allumés pendant les défrichages et
les nettoyages des champs. Leur action sur le milieu est multiple et complexe.
Tardifs ou précoces, ces feux de brousse limitent
considérablement les potentialités productives de la zone et
contribuent aux remaniements de la flore et de la végétation et
à l'anéantissement des stocks semenciers disponibles en
période sèche. Les feux ont des conséquences
néfastes sur la végétation et affectent la
viabilité des graines, leur germination ainsi que leur
développement. En effet, leur action sur la végétation
dépend de divers facteurs, comme le climat, la nature et la
densité du couvert ligneux, la densité, la hauteur, l'état
de dessèchement de la strate herbacée, la vitesse du vent, la
pente du terrain et la période de mise en feux (Pyne et al.,
1996).
En revanche, tous les feux ne sont pas nuisibles pour la
végétation même si on constate que l'une des causes de la
déforestation demeure les feux de brousse. Les feux peuvent
déclencher la germination des graines de certaines espèces comme
Dichrostachys cinerea et la floraison d'autres tel que
Cochlospermun tinctorium (Devineau etal.,1998). Les
feux en règle générale, ne tuent pas les arbres et les
arbustes, mais ils favorisent le développement d'un port buissonnant et
touffu. Par contre, l'influence nocive des feux récurrents est
indéniable en ce qui concerne les jeunes brins de semis et les plantules
de nombreuses espèces arbustives et arborescentes de la savane (Schnell,
1971). Lors du passage des feux, l'élévation de la
température, parfois considérable (jusqu'à 800°C) se
produit à la surface du sol mais l'effet thermique s'atténue
rapidement en profondeur (Bouxin, 1975). Les racines des ligneux qui sont en
profondeur sont ainsi préservées. Le feu induit la
régénération végétative par drageonnage et
rejet de souche. De même, le phénomène d'abscission de
certaines espèces ligneuses en zones arides est accentué par les
feux fréquents. Detarium microcarpum constitue l'exemple
classique des espèces qui subissent le phénomène
d'abscission. La croissance des individus est ainsi retardée par le fait
qu'ils sont maintenus à l'état buissonnant dans les formations
naturelles subissant des feux récurrents (Rietkerk et al.,
1998).
La régénération des espèces
ligneuses est aussi contrariée par les feux, avec cependant des
exceptions. Les feux maintiennent la végétation ligneuse à
l'état ouvert. En effet, les feux de surface freinent la
régénération sexuée en détruisant les
semences contenues dans la litière. De nombreux pieds de ligneux sont
ainsi maintenus à l'état arbustif par la destruction
fréquente de leurs parties aériennes. De même, les apex de
grands arbres sont brûlés lors des feux tardifs intenses à
hautes flammes, entraînant une modification considérable de leur
port et les ramenant à l'état buissonnant par mort des troncs
(Sawadogo, 2009). Néanmoins, la sensibilité au feu est fonction
des espèces.
4.1.2.3. Les activités d'orpaillage : un
fait nouveau, un danger réel pour les ressources naturelles
La dégradation du couvert végétal s'est
aggravée dans le Lac Fitri suite à l'apparition des
activités d'orpaillage artisanal.La zone est ainsi devenue le point de
convergence de plusieurs orpailleurs venus non seulement des autres
régions du pays mais aussi de l'étranger : c'est la
ruée vers l'or. Aux activités traditionnelles que mènent
les populations, se sont ajouté celles d'orpaillage artisanal.
Cependant, l'exploitation des mines d'or ou orpaillage, qu'elle se passe sous
une forme moderne ou artisanale, comporte toujours des effets négatifs
sur l'environnement. Les techniques artisanales d'exploitation des gisements
alluviaux sont connues depuis l'antiquité. Au Tchad, en l'absence
d'industries minières, l'exploitation artisanale de l'or occupe une
place très importante. Ainsi, la zone est soumise à des
dynamiques environnementales et socio-économiques fortes (flux
migratoires, conflits sociaux, hausse des prix des denrées alimentaires,
cherté de vie...), base de l'insécurité alimentaire et
physique permanente dans la Région. Les risques et les
conséquences sont également liés à la santé
publique, aux valeurs sociales de la population, aux ressources naturelles,
à l'environnement (eau, sol, flore, faune, pâturage...) et au
climat (atmosphère du milieu). Il y a aussi des conséquences
liées aux pertes des terres agricoles et pastorales.
Par ailleurs, l'exploitation artisanale de l'or est une
activité qui ne peut être qualifiée de durable puisqu'elle
consiste en l'extraction d'une ressource géologique qui ne se renouvelle
pas à l'échelle humaine du temps. Les effets sur l'environnement
sont perceptibles à tous les niveaux. L'exploitation artisanal de l'or
s'est accompagnée d'ouverture des tranchées, de puits, du
grattage et du retournement des sols, avec comme conséquences la
fragilisation des sols et la destruction progressive des terres arables.
L'orpaillage a donc provoqué le déboisement, la
déforestation, la dégradation des sols et des pâturages, la
pollution de l'air, des sols et de l'eau, la perte de la biodiversité et
enfin le façonnement du paysage. L'orpaillage traditionnel tel que
pratiqué dans la zone a considérablement contribué
à la destruction du couvert végétal ligneux et
prédispose le sol à des processus d'érosion souvent
intenses.
B
A
Planche 2 : Une vue des orpailleurs en pleine
activité de creusage, symbole d'un nouveau facteur de dégradation
de l'environnement dans le Fitri (Cliché : Agée D).
|