Conclusion
Aujourd'hui, les ressources naturelles et surtout la
végétation ligneuse ont beaucoup évolué sous
l'effet de plusieurs facteurs. L'intense utilisation de la
végétation ligneuse, liée à la croissance
démographique, en est le principal facteur, auquel s'ajoutent les
variabilités pluviométriques d'une année à l'autre
et aussi de l'augmentation des activités pastorales.
Dans ce chapitre, nous venons de présenter les
informations qui donnent une vue d'ensemble sur la méthodologie du
travail du moins celle utilisée par les chercheurs pour les mêmes
études car nous savons que les méthodes varient d'une
thématique à une autre.
CHAPITRE III. DESCRIPTION ET
STRUCTURE DEMOGRAPHIQUE DES PEUPLEMENTS LIGNEUX
Introduction
Le Département de Fitri est une zone qui porte une
végétation caractéristique des milieux semi-arides,
soumise à l'alternance des périodes humides et sèches.
Relativement abondantes, la flore et la végétation ligneuses de
la zone de Fitri sont très affectées par les changements
climatiques et les pressions anthropiques tant dans leur biodiversité
qu'au niveau de leur répartition. Essentiellement arbustives peu denses,
plus ou moins arborées à boisées, ces différentes
formations présentent également plusieurs faciès. Selon la
couverture végétale et la diversité floristique, plusieurs
unités de végétation ont été
identifiées dont les principales sont : les savanes boisées,
les formations des solsdes « naga », les steppes
arbustives, les prairies marécageuses et les forêts galeries. Ces
différentes formations se répartissent en auréole selon
les gradients nord/sud et est/ouest comme la description est faite dans ce
chapitre.
3.1. Description des principales
unités de végétation du Fitri
Ø Les savanes boisées
Elles sont localisées sur des substrats d'origine
sédimentaire dans une zone de transition entre les sols ferrugineux
tropicaux au sud et les sols bruns steppiques au nord. La strate ligneuse est
dominée par Combretum glutinosum, Anogeissus leiocarpus, Acacia
senegal, Balanites aegyptiaca, Celtis toka, Albizzia amara, Sterculia setigera,
Hyphaene thebaica et Terminalia avicenioides.La strate
herbacée est dominée par Cenchrus biflorus, Eragrostis
tremula, Schoenefeldia gracilis, Hyparrhenia sp., Cymbopogon giganteus
(Photo 1).
Ø Les unités de végétation
sur sols des «naga »
Ces formations végétales sont une variante
beaucoup plus clairsemée des unités des savanes boisées et
se localisent sur les bourrelets et dans les zones d'épandage, à
l'arrière du cordon sableux. Elles se rencontrent également au
sud-ouest et à l'ouest du Département du Fitri où elles
forment une mosaïque entre les sols steppiques sableux et les
dépressions argileuses. Selon Pias (1965), ces types de
formationoccupent également le socle affleurant et les sols argileux
à argilo-sableux à nodules calcaires. Le terme
« naga » est un mot arabe équivalent de
« hardé » en foulfouldé. Il
désigne une végétation caractérisée par
quelques ligneux (arbres et arbustes) très éparses et à
très faible recouvrement avec une forte proportion de sol nu. Les
formations des sols des « naga » ne sont pas la
résultante des facteurs climatiques mais au contraire elles sont dues
à des facteurs pédologiques particuliers. Le ligneux dominant est
Balanitesaegyptiaca auquel se trouvent associées Acacia
seyal, Dalbergia melanoxylon, Boscia senegalensis, Acacia seyal, Capparis
decidua, Maerua crassifolia, Capparis corymbosa, Lannea humilis... (Photo
2).La strate herbacée discontinue et de petite taille est dominée
par Schoenefeldia gracilis, Aristida stipoides, Eragrostis tremula et
Cymbopogon giganteus en bordure des dépressions argileuses.
Photo 1 : Formation à Balanites aegyptiaca
en peuplement pur au nord-est du Fitri
(cliché: Tchoudiba B), 06/02/2017
Photo 2 :Formation sur sol des
« Naga » à Acacia seyal
(cliché : Tchoudiba B), 06/02/2017
Ø Les formations des steppes à
Acacia seyal sur sols argilo-limoneux
Elles sont localisées sur des vertisols à
inondation non excessive au voisinage des cours d'eau où elles alternent
avec les formations des « naga ». Elles sont
également localisées à proximité du Lac Fitri dans
la zone deltaïque du Batha(Pias, 1965) et sur la bordure sud-ouest du lac
où de grandes superficies de savanes ont été
défrichées au profit des cultures de berbéré. Les
espèces ligneuses dominantes sont Acacia seyal et dans une
moindre mesure Acacia nilotica en peuplement presque
monospécifique. Dans les zones exondées on note la
présence d'Anogeissus leiocarpus et de Bauhinia
rufescens. La strate herbacée est dominée par
Schoenefeldia gracilis dans la partie la plus sèche et
Panicum laetum, Brachiaria laeta, Sorghum arundinaceum, vetiveria
nigritana, Cymbopogon giganteus, et Hyparrhenia sp.dans les zones
les plus inondées ;
Ø Les formations des savanes à Acacia
nilotica sur sols argilo-limoneux
Elles sont localisées en bordure du lac et des zones
à inondation temporaire ou des dépressions(Photo 3). En raison
des contraintes édaphiques, la strate ligneuse est essentiellement
dominée par Acacia nilotica en peuplement presque
monospécifique. Sur les berges le long des cours d'eau, la strate
ligneuse est dominée par Acacia seyal, Balanites
aegyptiaca, Acacia tortilis auxquelles se trouvent
associées Capparis decidua, Capparis corymbosa, Maerua crassifolia,
Dalbergia melanoxylon, Boscia senegalensis, Calotropis procera et
Cordia sinensis.
Photo 3 :Forêtà Acacia
niloticapresque monospécifique aux abords du lac sur un sol
argilo-limoneux (cliché : Tchoudiba B),06/02/2017
La strate herbacée de petite taille, discontinue et
éparse est dominée dans la partie exondée plus sableuse
par Schoenefeldia gracilis, Cenchrus biflorus, Aristida stipoides,
Eragrostis tremula, Aristida mutabilis et quelques rares reliques
de Cymbopogon giganteus en bordure des dépressions argileuses.
En revanche les zones les plus inondées sont colonisées par
Panicum laetum, Echinocloa colona, Bracharia laeta, Oriza barthii et
des Andropogonées comme Sorghum arundinaceum,Hyparrhenia spp.,
Voscia cuspidata...
Ø Les forêts galeries
Elles sont situées dans le prolongement des affluents
du Fitri. Ces parcours augmentent de superficie lorsque les sols deviennent
alluvionnaires, argilo-limoneuses ou argilo-sableuses. Ces sols sont
généralement cultivés quand ils sont faiblement
inondés. Ces types d'unités pastorales sont composés de
grands arbres et d'un sous-bois bien fourni. En plus des espèces des
prairies marécageuses, on peut citer Tamarindus indica, Balanites
aegyptiaca, Acacia albida, Anogeissus leiocarpus, Ficus platyphylla et
Ficus gnaphalocarpa. Parmi les arbustes on note, Ziziphus
mauritiana, Albizzia chevalerie, Acacia ataxacantha, Bauhinia rufescens, Boscia
senegalensis, Capparis tomentosa, Capparis corymbosa... La strate
herbacée très lâche est représentée par
Achyrentes aspera, Dicliptera verticilata et Panicum
laetum...
Ø Les peuplements des Rôniers ou
Rôneraie
Le Borassus aethiopium ou Rônier est un arbre
très faiblement répandu ou à faible distribution dans la
zone. On la trouve le plus souvent à l'état d'individus ou de
peuplements isolés dans la partie sud du lac (îles de Djoré
et Moyo), à l'ouest de Yao à Doumourou ou autour des
agglomérations (Photo 4).
Photo 4 : Peuplement de Borassus aethiopium en
îlot sur l'île de Djoré
(cliché : Béchir A.B),18/04/2017
A Djoré, et Moyo, ces peuplements apparaissent
très bien conservés. Borassus aethiopium y forme des
colonies assez denses sur sols à texture lourde très riche en
litière. Dans les zones à très forte concentration
humaine, des individus de Borassus aethiopium sont
systématiquement exploités pour leur bois utilisé dans les
constructions (car la planche du rônier est utilisée comme
charpente des maisons), soit simplement abattus lors des défrichages.Les
groupements à Borassus aethiopium sont ainsi
remplacéespar d'autres espèces ligneuses ce qui fait que leur
aire de distribution est strictement limitée à des zones de
refuge difficilement accessibles. Ils sont parfois remplacés dans
certaines zones par Hyphaene thebaica, espèce
déjà très bien représentée dans le lac.
Ø Les formations à Hyphaene
thebaicaou peuplement de Dommeraie à l'ouest
Sur sols steppiques (argilo-sableux) en bordure ouest du lac,
on observe des peuplements assez dégradés d'Hyphaene thebaica
sur plusieurs hectares (Photo 5). Ils occupent l'ouest du Fitri entre
Amdjamena-Bilala en passant par Souar et Wagna et continue de coloniser les
espaces aux alentours soumis aux mêmes variations interannuelles de crue.
Selon les autochtones, c'est autour de la mare de Matala à
proximité nord-est du village Wagna que se sont développée
les grandes forêts de Palmier doum de la zone ouest.
En effet, Hyphaene thebaica est capable de supporter
durant une courte période une submersion de sa partie inférieure,
lui permettant d'occuper des espaces lacustres difficilement colonisables par
les autres espèces végétales. Les terrains qui favorisent
sa croissance sont en majorité perméables, à texture
sableuse, à faible teneur en argile et en limon (Guédon, 2016).
Ces sols sont localisés dans la zone de Wagna, Takété et
Seita dans le Fitri où existent des dommeraies en très mauvais
état de conservation. Il reste un peuplement en pleine
régénération avec le développement des peuplements
denses d'Hyphaene thebaica lié au remplissage plus
fréquent des mares au nord-ouest du lac Fitri (Tashi et
al.,2017).
Dans l'espace, les images satellitaires nous montrent les
situations antérieures et actuelles du Fitri. On constate sur les images
et les témoins des habitants que depuis les années 1980, le lac
s'écoule vers l'ouest alors que c'était une situation inverse
avant les années 1980. Cet écoulement vers l'ouest est sans nul
doute, l'élément ayant facilité le développement de
la grande forêt d'Hyphaene thebaica ou Palmier
« doum » ainsi que l'installation d'une ceinture
d'Acacia nilotica autour du lac dans des endroits inondables.
Photo 5 : Peuplement monospécifique d'Hyphaene
thebaica à l'ouest du Fitri
(cliché : Tchoudiba B), 06/02/2017
Photo 6 : Faciès à Calotropis procera
parsemé de touffe de doum sur sol sableux très
dégradé (cliché : Tchoudiba B),06/02/2017
Cette image (photo 5) prise entre Souar et Wagna à
l'Ouest du lac, présente une doummeraie sur sol sablo-argileux,
(forêt de doum :Hyphaene thebaica) à perte de vue mais qui se
trouve aujourd'hui dans un état de dégradation avancé et
ceci à cause de plusieurs facteurs. De prime abord, il faut noter que la
filière doum est en nette expansion dans cette zone. En effet, elle est
pratiquée par des collecteurs de noix de doum qui sont les fils du
terroir mais qui viennent le plus souvent de N'Djamena et qui ont fait fortune
dans ce secteur. Ils ont sur le terrain des ramasseurs qui sont recrutés
parmi les populations les plus pauvres du Fitri et qui ont du mal à
subvenir à leur besoin élémentaire et ceci pendant une
longue période de l'année. Hormis cette filière qui
génère assez de fortune aux intéressés, il est
important de souligner qu'il existe aussi d'autres facteurs de destruction de
cette végétation qui sont entre autres les insectes, les
pachydermes (éléphants), les feux de brousse ainsi que les crues
du lac qui ont tendance ces derniers temps à s'étaler beaucoup
plus d'Est en Ouest.
Ø La végétation aquatique ou
prairie marécageuse
Elle se développe sur sols argileux très
hydromorphes, inondés sur de vastes surfaces presque toute
l'année. La strate graminéenne est composée de
Hyparrhenia baguirmica,Andropogon gayanus et Setaria pumila.
Sur les endroits moins inondés en bordure du lac, on observe
vetiveria nigritana, Ipomea aquatica, Aeschynomène
elaphroxylon, et dans les zones les plus inondées Echinocloa
pyramidalis, Echinocloa stagnina (Bourgou) et Oryza barthii. Dans
les eaux profondes, le plan d'eau est colonisé par Nymphea lotus,
Voscia cuspidata,Ludwigia stolonifera, Oryza barthii, Ipomea aquatica,
Pistia stratioides et Aeschynomène elaphroxylon (photo
7).
Photo 7 : Prairie marécageuse à Echinocloa
stagnina et Nymphea lotus au premier plan (photo : Tchoudiba
B),18/04/2017
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