L'indivision est un modèle juridique permettant
à plusieurs personnes d'être propriétaire d'un même
bien, sans nécessairement recourir à la création d'une
personne morale. Les habitants sont ainsi propriétaires à hauteur
de leur contribution financière via un système de quotes-parts.
Ce statut nécessite peu de démarches administratives en raison de
la non-création d'une personnalité morale.
A première vue ce modèle semble très
simple, cependant la gestion quotidienne rend difficile la
pérennité de ce modèle sur le long terme. En effet, pour
toutes prises de décision au quotidien la majorité des 2/3 des
droits indivis est nécessaire, ce qui entraîne bien souvent des
blocages importants dans la gestion au quotidien des biens meubles.
17
Cette forme juridique n'est pas conçue pour perdurer
dans le temps, en effet la gestion des départs et des arrivées
est rendue impossible par le droit français. En effet, selon l'article
815 du Code Civile, « nul ne peut être contraint à demeurer
dans l'indivision et le partage [É] à moins qu'il n'y ait
été sursis par jugement ou convention », un des
propriétaires s'il le souhaite peut donc décider de la vente du
bien et donc entraîner la fin de l'indivision.
C'est pour cette raison que l'indivision évolue
souvent en copropriété à l'issue de la réception
des logements. Cette forme juridique est très classique dans le
modèle français. Ici, les habitant se regroupent en syndicat de
copropriété, l'organisation et le fonctionnement étant
fixés dans le règlement de copropriété.
Si ce modèle est pour le moment largement
utilisé, c'est avant tout en raison de l'absence de forme juridique
réellement adaptée à l'habitat participatif. En effet, la
copropriété est un modèle très rigide et selon
M.Combourieu, notaire lyonnaise, « peu adaptée aux valeurs de
l'habitat participatif ».
2. Les sociétés civiles
immobilières (SCI)
La société civile est un statut qui introduit
au montage une personne morale. Ainsi, c'est la société qui
devient propriétaire du terrain et des constructions et non pas les
habitants, comme dans le modèle précédent. Il permet
d'avoir un bien détenu par un collectif de personnes. Deux
modèles apparaissent et semblent être le plus couramment
utilisés par les groupes d'habitat participatif.
Société civile d'attribution
(SCIA)
Ce statut juridique peut être utilisé pour la
construction ou l'acquisition d'un bien meuble. Contrairement à un
modèle classique de propriété, les habitants ne sont pas
propriétaires mais ont la jouissance du bien. Dans ce système la
société est propriétaire du bien, mais la jouissance est
réservée aux groupes de propriétaires des parts sociales.
Une division de l'immeuble va être réalisée et
consignée dans l'état descriptif de division, ce document fait
foi de la division et est couplé à un règlement de
jouissance. A chaque lot va correspondre un groupe de parts sociales de la
société. Chaque associé est donc propriétaire de
parts sociales et aura la jouissance du lot qui est rattaché à
son groupe de parts.
Lorsqu'on quitte la société (donc son logement)
on cède ses parts, les autres associés ont un droit de
préemption, c'est-à-dire une priorité d'achat. S'il ne
souhaite pas acheter, il y a une procédure d'agrément pour un
nouvel entrant qui doit être accepté par l'ensemble des
occupants.
Un choix libre est effectué par le groupement en ce
qui concerne la possibilité d'effectuer une plus-value lors de la
revente de son logement.
18
A l'origine ce montage avait pour objectif de permettre une
construction à plusieurs. Ce statut était effectif le temps de la
construction et devait se transformer automatiquement en
copropriété à l'issue de cette étape. Le
règlement de jouissance devenant par la même occasion
règlement de copropriété. L'utilisation en habitat
participatif n'est donc qu'une adaptation du modèle d'origine pour ce
type de projet.
Société civile avec création
d'une association.
Cette structure juridique est également une adaptation
de la SCI classique aux valeurs de l'habitat participatif. Dans ce
modèle, on constitue également une société personne
morale propriétaire du bien. À la différence de SCIA on
met en place en parallèle de la société une association
constituée des mêmes membres. Pour rentrer dans cette association
il faut acheter des parts sociales donnant un droit de jouissance du bien.
L'association va détenir 90% de la société et les 10%
restants sont acquis par les membres de l'association mais sous leurs noms
propres. Chaque personne est donc propriétaire d'une faible valeur et
pourra revendre cette part lorsqu'elle quittera le logement. Dans ce
modèle il y a généralement la volonté d'introduire
un principe de non-spéculation.
Contrairement à la SCIA, dans ce modèle il n'y
a pas de division du bien immobilier, le bien est propriété de
l'ensemble des associés. La difficulté de ce modèle est
d'obtenir des garanties auprès des banques qui ne sont pas
rassurées par la multitude d'acteurs et la possibilité de
garantie financière. Il nécessite donc d'avoir des apports assez
importants avant de s'engager dans ce type de projet.
3. Les autres montages
Il existe une multitude d'autres formes de montages qui sont
utilisés par les groupements d'habitants. Ces autres formes sont des
détournements par rapport à l'objet initial. On observe par
exemple des groupements qui ont utilisé l'association de loi 1901. On
observe également à la marge l'utilisation de montages qui sont
des hybridations de plusieurs structures, par exemple la SCCI
(Société Coopérative Civile Immobilière) ou SCA
(Société Civile de construction et d'Attribution). Ces
modèles sont utilisés à la marge et ne sont pas optimaux
à la réalisation de projet participatif.
La diversité des montages juridiques observés
illustre bien toutes les possibilités existantes pour monter un projet
en habitat participatif. Néanmoins, nous venons de le voir les groupes
d'habitants en France rencontrent de nombreuses difficultés liées
notamment à l'absence d'un véritable statut juridique qui
reconnaît cette forme de conception et d'habitat de logement. Nous allons
le voir dans la partie suivante, ce n'est pas le cas dans de nombreux pays
européens qui ont fait de l'habitat participatif, une véritable
stratégie en matière de politique du logement.
19
INFORMATiONS CLéS
L'HABITAT PARTICIPATIF C'EST :
· L'ENGAGEMENT VOLONTAIRE DES MéNAGES DANS LE
PROJET
· UNE PARTICIPATION à LA CONCEPTION ET/OU à
LA GESTION DU PROJET
· UNE VOCATION COLLECTIVE ATTRIBUéE AU PROJET PAR
LES FUTURS HABITANTS MAIS UN RESPECT DE L'ESPACE PRIVé
· L'EXISTENCE D'ESPACES COMMUNS
· L'EXISTENCE D'UN SOCLE COMMUN DE VALEURS FAISANT
éCHO AU PARTAGE, AU LIEN SOCIAL ET/OU à L'éCOLOGIE
· UN OBJECTIF éCONOMIQUE SECONDAIRE LES FORMES
JURIDIQUES :
· PAS UN MODèLE UNIQUE MAIS UN CHOIX SELON
LES VALEURS DU GROUPE
· AVANT LA LOI ALUR
- INDIVISION
DIVISION CLASSIQUE SUIVANT LES APPORTS DE CHAQUE MEMBRE
COMPLEXE POUR LA GESTION, MEMBRE QUI QUITTE LE GROUPE,
RECRUTEMENT NOUVELLE PERSONNE...
- SOCIéTé CIVILE IMMOBILIèRES
DEUX FORMES LE PLUS SOUVENT UTILISéES, SCIA : PAS DE
PROPRIéTé, LES HABITANTS ONT LA JOUISSANCE DU BIEN
PROPORTIONNELLEMENT à L'APPORT DE CHAQUE MEMBRE.
LA SOCIéTé CIVILE AVEC CRéATION D'UNE
ASSOCIATION, SIMILAIRE MAIS PAS DE DIVISION DU BIEN, L'ASSOCIATION EST
PROPRIéTAIRE DE L'ENSEMBLE DU BIEN.
· LA LOI ALUR
DONNE UN CADRE JURIDIQUE à LA COOPéRATIVE ET AU
STATUT D'AUTOPROMOTION. (VOIR PARTIE C)
20
B) ÉTAT DES LIEUX DE L'HABITAT
PARTICIPATIF
1. L'habitat participatif à l'étranger, quelles
influences pour le(s)
modèle(s) français ?
C
ontrairement à ce qu'on peut observer en France,
l'habitat participatif est un modèle très largement
développé dans certains pays étrangers. Si pour certains,
il est la résultante de caractéristiques culturelles, il est pour
d'autres la conséquence de l'absence d'une offre suffisante en logements
sociaux. Pour Olivier David, président d'Habicoop et membre du labo de
l'Économie Sociale et Solidaire, « dès lors que
l'État ne va pas subvenir aux besoins de développement de
logements accessibles, c'est la population qui va se mobiliser pour
développer sa propre offre »9. On retrouve ce constat
dans les pays d'Europe du nord, mais également en Amérique du
Nord.
La France, qui dispose d'une offre de logements sociaux
très importante, environ 15 % des résidences
principales10, a choisi une autre forme de développement de
son offre de logement. Néanmoins, on observe aujourd'hui un foisonnement
de projets sur l'ensemble du territoire ainsi qu'un intérêt de
plus en plus fort de la part des ménages pour l'habitat participatif.
Cet attrait s'observe plus particulièrement chez les jeunes couples
vivant en zones tendues (O.David, 2016) qui cherchent un logement abordable et
une autre forme d'habitat.
La présente partie de ce document consiste à
étudier trois modèles qui influencent aujourd'hui la vision
française de cette « nouvelle voie » au logement. L'objectif
est ainsi de comprendre sur quoi se base le développement de l'habitat
participatif en France. Nous aborderons ainsi trois formes d'habitat
participatif : l'habitat coopératif au Canada, le modèle Suisse
et enfin Le Baugruppen en Allemagne.
Trois modèles emblématiques d'habitat
participatif : 1. Le modèle canadien de l'habitat
coopératif
Le Canada est sans doute le pays au monde qui a le plus
développé ce modèle d'habitat. Apparu dans les
années 70, il existe aujourd'hui plus de 2000 coopératives au
Canada. La seule province de Québec recense plus de 50 000 personnes
vivant en habitat participatif. Elles revendiquent des valeurs communes,
à savoir non-
9 Avec Jean-Philippe Magnen du Labo de l'ESS / France Inter.
2016. Avec Jean-Philippe Magnen du Labo de l'ESS /
France Inter. Podcast t:
http://www.franceinter.fr/emission-carnets-de-campagne-avec-jean-philippe-magnen-du-labo-de-less.
[Accès 3 février 2016].
10 Au 1er Janvier 2013, on comptait en
France 4,6 millions de logements sociaux, soit 15 % des résidences
principales. Source Insee.fr
21
spéculation, initiative, participation et
contrôle des coopérateurs sur les projets. S'il existe plusieurs
formes de coopératives au Canada, nous avons choisi de nous concentrer
sur le modèle le plus répandu à savoir « les
coopératives d'habitation locative à possession continue
».
Ici la coopérative est constituée de membres
qui se rassemblent autour d'un projet partagé afin d'accéder
à un logement abordable et de qualité. La coopérative est
alors propriétaire des unités de logements, les locataires sont
donc à la fois propriétaires individuellement de leur logement et
collectivement de l'immeuble en raison de l'adhésion à la
coopérative. Cette adhésion est appelée parts sociales
à la coopérative. La gestion et le contrôle de celle-ci est
alors assurée par leurs membres. La taille des opérations peut
varier de 10 à 220 logements avec des constantes, une localisation
majoritairement dans un tissue urbain ou péri-urbain et une
volonté d'inscrire ce projet dans une dimension de développement
durable.
Le développement de l'habitat coopératif est
fortement lié à une politique volontariste de l'état et
à des subventions très importantes. Ces subventions sont
justifiées par le caractère social des programmes de logement. En
effet, les futurs membres de la coopérative sont
sélectionnés selon des critères de revenus, justifiant les
aides publiques très importantes versées aux coopératives
pour faire baisser le prix des logements.
Afin de se structurer, les coopératives
bénéficient de l'appui d'organisations locales et nationales, on
peut par exemple citer la Confédération Québécoise
des Coopératives d'Habitants (CQCH) et les Fédérations de
l'Habitation Coopérative du Canada (FHCC). Ces organismes peuvent aussi
bien appuyer les groupes sur la formation des membres, sur l'aide à
l'obtention de financements mais effectuent également un travail
important de lobbying auprès des instances gouvernementales.
Figure 2 : Les 155 ménages de la
Coopérative Le coteau vert et l'OBNL Un toit pour tous, quartier
Petite-Patrie à
Montréal.
batirsonquartier.com
22
Bien que le modèle québécois d'habitat
participatif qui se développe depuis plus de trente ans soit un des plus
aboutis au monde, il est aujourd'hui confronté à des défis
importants, le vieillissement de son parc ainsi que celui des habitants.
2. Le modèle Suisse de l'habitat
participatif ou l'habitat coopératif d'utilité
publique
Le mouvement suisse de l'habitat participatif s'est surtout
développé et structuré à partir des années
70-80 en raison de l'apparition au sein de la société civile de
critiques sur les grands ensembles ainsi qu'une prise de conscience des
conséquences de l'étalement urbain et de l'apparition des
mouvements squats à Genève (Golluccio, 2015).
Ce modèle est resté marginal jusqu'en 1990 et
la création de la Centrale d'émission pour la Construction du
Logement (CCL). L'apparition de cette organisation intervient dans un contexte
les taux d'intérêts étaient aux plus hauts et que les
banques entrainant une frilosité des banques à accorder des
prêts. Trois associations faîtières11,
l'Association Suisse pour l'Habitat (ASH), l'Association suisse des
Coopératives d'habitation Radicale (ACR) et l'Association Suisse pour
l'encouragement à la Construction et à la Propriété
(ASCP), vont ainsi créer la CCL. C'est ainsi que va être
adoptée la « charte des maîtres d'ouvrage d'utilité
publique de la Suisse » qui va fixer l'organisation et le
développement de l'habitat coopératif. Ainsi cette forme
d'habitat doit :
· Être non spéculative,
· Fournir des logements abordables de bonne qualité
et durables,
· Intégrer des foyers modestes,
· Faire participer les locataires.
La mise en place de cette charte a été faite en
partenariat avec l'Office Fédéral du logement. L'objectif global
étant de « garantir à tous un logement à des
conditions abordables, [car] les lois du marché ne suffisent pas, il
faut l'action des maîtres d'ouvrage d'utilité publique, soit en
particulier des coopératives de construction et d'habitation
»12. Cette mise en place est une date importante dans le
développement
11 L'association faîtière est un modèle
d'organisation très développé en Suisse, il s'agit d'une
structure qui va regrouper une multitude de petites structures associatives.
Cette association faîtière va ainsi défendre les
intérêts de ses membres et va permettre de mettre en place des
actions de lobbying à l'échelle nationale.
12 Charte des maître d'ouvrage d'utilité
publique, 2013
23
du modèle suisse de l'habitat participatif car elle
institutionnalise le mouvement et le garantit d'utilité publique. Ce
mouvement s'est conforté ensuite en 2003 avec l'adoption de la loi
fédérale sur le logement (LOG) qui encourage les habitats
à des prix et des loyers modérés. Aujourd'hui l'habitat
coopératif représente environ 5% de l'ensemble du parc immobilier
suisse. À Zurich il représente 25% du parc immobilier avec un
objectif d'ici 2025 d'atteindre une proportion de 33% des
logements.13 Le succès du logement coopératif en
Suisse s'explique par des loyers en moyenne 20% inférieurs aux prix du
marché locatif (A.Golluccio, 2011). Comparé au modèle
français, le modèle suisse a atteint une envergure
impressionnante. En effet la plupart des coopératives sont d'environ 100
logements et peuvent représenter des quartiers entiers comme le projet
d'Hunziker où 35 coopératives se sont regroupées pour
créer un quartier de 450 logements !
Figure 3 : Projet Hunziker, un quartier de 35
coopératives soit 450 logements. duplex-architekten
Les instruments d'aide au logement
Coopératif en Suisse
Il existe deux échelons d'aide aux logements en
Suisse. Le premier échelon est celui de la commune, qui est un
interlocuteur particulièrement important dans la logique d'obtention
d'un terrain. Elles peuvent ainsi vendre un terrain bon marché aux
coopératives, accorder un droit de superficie, dans ce cas la
collectivité reste propriétaire et met à disposition un
terrain en échange d'une redevance annuelle et enfin elles peuvent
prêter gratuitement un terrain.
Le second échelon est celui de la
confédération qui va apporter une aide financière, via le
cautionnement de prêts auprès de la coopérative CCL. Comme
on peut le voir sur le schéma ci dessous, la CCL va se procurer des
capitaux sur les marchés à des
13Zurich: l'incroyable dynamisme des
coopératives de logement [en ligne]
https://www.espazium.ch/zurich-lincroyable-dynamisme-des-cooperatives-de-logement
(accès le 16.03.16).
24
conditions très favorables en raison du cautionnement
de la confédération. Seuls les maîtres d'ouvrages
d'utilité publique peuvent solliciter un financement de la CCL, qui
doivent adhérer aux valeurs de la CCL et s'acquitter d'une cotisation
annuelle. Ce montage financier permet à tout groupement souhaitant se
lancer dans un projet participatif de disposer d'un financement
particulièrement important avec des taux particulièrement
intéressants. Cette garantie financière est un des
éléments les plus importants pour comprendre l'essor et la
vitalité du modèle coopératif suisse.
Figure 4 : Structure des logements
coopératifs en Suisse
Un modèle qui inspire Lyon
C'est cette structure qui a influencé celle
défendue depuis dix ans par l'association lyonnaise Habicoop. Cette
association indique que c'est à partir d'un voyage réalisé
par certains membres en Suisse que l'idée de développer ce
modèle en France est apparu. Ce souhait s'est plus ou moins
matérialisé à Villeurbanne. C'est ce que nous verrons
à travers l'étude du projet du village vertical
25
3. Le modèle Allemand du Baugruppen ou
l'autopromotion
Avec 20% de ses logements neufs en immeuble participatif,
l'Allemagne est considérée comme un pays d'Europe pionnier dans
ce domaine. Ce modèle s'est popularisé à partir des
années 90, sous l'impulsion de villes comme Fribourg et Tübingen.
Les Baugruppen, (littéralement «
groupement de construction »), représentent un groupe de futurs
habitants qui vont collectivement faire appel à un
architecte/maître d'oeuvre afin de concevoir un immeuble ou un quartier
d'habitat collectif en autopromotion.
On parle ici d'autopromotion car les ménages
engagés sont leurs propres promoteurs, l'objectif de ces groupements est
ainsi d'économiser sur la rémunération habituellement
réservé aux professionnels. Néanmoins, le collectif ne
disposant pas nécessairement des compétences nécessaires
à la construction d'un projet, il va s'associer à une structure
spécialisée dans l'accompagnement de son projet
d'autopromotion.
Contrairement au modèle français, la politique
allemande en matière de logement social est très largement
décentralisée, en effet celle-ci passe en grande partie par des
subventions d'initiatives privées remplissant des conditions
d'accessibilité à la propriété. Par ce
mécanisme les Baugruppen jouent un rôle important dans la
politique du logement ainsi que dans la pérennisation des loyers
modestes (S.Trudelle, 2010).
Quel statut juridique ?
Il existe deux structures juridiques dans le fonctionnement
des Baugruppen. Le choix de la forme appartient au
groupe d'habitant et dépend en grande partie de sa philosophie. La
première structure existante est celle du GbR
(Geselschaft b·rgerlichen
Rechts) elle équivaut
à la société civile française. Dans ce
modèle, il y a un partage de l'immeuble en copropriété
entre les associés, un règlement est édité
précisant les modalités de gestion des parties communes, le
retrait ou l'intégration d'une personne au projet, ainsi que le mode de
gouvernance.
Le second modèle est celui du
Genossenschaft, qui se rapproche de la
société coopérative. Ici, les personnes se regroupent en
coopérative, La personnalité morale construit et reste
propriétaire des logements, les habitants eux reversent un loyer
à la coopérative. Là aussi un règlement propre au
groupe est édité avec quasiment le même contenu que pour le
GbR.
Le déroulement
Le processus de mise en place d'un groupement en
autopromotion se fait en trois phases avec un degré d'implication de
plus en plus fort au fur et à mesure de l'avancement du projet.
Étape 1 : Constitution du groupe
À ce stade, le groupe de base, le noyau dur, va
s'organiser afin de définir des objectifs, éventuellement
rechercher des nouveaux membres et va commencer à définir des
critères de recherche pour un terrain. C'est à cette étape
que le groupe va recruter un prestataire d'accompagnement
spécialisé dans le montage opérationnel de ce projet. Les
habitants n'étant pas forcément des spécialistes de
l'immobilier, ce recrutement est particulièrement important. Ce
prestataire va assister le groupe tout au long du projet, de la
définition du projet à l'élaboration du règlement
de vie. Ces sociétés vont se rémunérer à
hauteur de 3 à 4% du montant de l'investissement total hors terrain
(S.Trudelle, 2010).
Étape 2 : Phase d'étude
Le groupe va se constituer en société,
s'engager financièrement à hauteur de 500 à 1000 €
(S.Trudelle, 2010). Elle va ensuite rechercher des financements puis
gérer les autorisations d'urbanisme.
Étape 3 : La réalisation du projet.
Comme dans un projet classique, à ce stade, il y a une
consultation avec choix des entreprises, un suivi des travaux et enfin la
réception.
Un modèle qui a inspiré les projets
strasbourgeois.
Comme toute opération immobilière, la
maîtrise foncière est la clé du démarrage du
processus d'un projet. En Allemagne, la politique volontariste des villes dans
la réservation de foncier a constitué un facteur majeur du
développement de l'autopromotion. Contrairement à ce que l'on
pourrait penser, dans ce modèle, les groupements ne
bénéficient pas forcément de subventions publiques
concernant le foncier. Les Baugruppen peuvent en revanche
bénéficier, comme tout projet, d'aides à la construction
ou de financements privilégiés du secteur bancaire en fonction
des caractéristiques de celui-ci (efficacité
énergétique, choix des matériaux, choix des
entreprises...). Ce modèle s'est fortement développé
à Fribourg, qui compte aujourd'hui plus de 150 projets et a très
largement inspiré, proximité géographique oblige, le
développement de l'habitat participatif à Strasbourg (P.Greboval,
2013). En 2007, la ville a lancé son projet « d'autopromotion
à la strasbourgeoise » avec l'aménagement du projet
Eco-Logis, trois ans plus tard, 30 personnes se sont installées dans cet
immeuble
26
27
28
2. L'habitat participatif en France, portrait-robot d'un
modèle qui peine à se développer.
En France, le mouvement de l'habitat participatif en est
encore à ses balbutiements. Compte tenu des débats
sémantiques et de l'absence de centralité des mouvements, il est
très difficile de connaître de manière pertinente le nombre
d'opérations d'habitat participatif sur le territoire. L'association
éco-sol a entrepris cette tâche et recense à ce jour
environ 400 projets d'habitat participatif avec uniquement une trentaine
d'entre eux arrivés à leur terme. Alors que la France compte plus
de 28 millions de résidences principales, on peut légitimement
dire que l'habitat participatif ne représente quasiment rien sur le
marché du logement.
Paradoxalement, cette manière d'habiter ne cesse
d'agiter le monde de l'immobilier. À l'origine cantonné à
un milieu militant, l'habitat participatif semble être sur la voie
progressive d'une démocratisation voire d'un mouvement
d'institutionnalisation (Devaux, 2012), en témoigne le nombre de plus en
plus importants de parutions, sujets de recherches ou rencontres de
professionnels sur cette thématique. Si ce mouvement était
à l'origine impulsé par les habitants, il sort progressivement du
cercle des initiés pour toucher les acteurs institutionnels de la
production de l'habitat.
Cet intérêt de plus en plus fort pose la
question du futur de ce mouvement, est-il voué à mourir de lui
même ou à s'institutionnaliser ? (Devaux 2012) En d'autres termes,
la question d'un effet de mode peut se poser. Sous l'impulsion d'associations,
notamment le groupe lyonnais Habicoop, qui depuis dix ans effectue une
véritable action de lobbying auprès des acteurs politiques en
faveur de l'habitat coopératif, les collectivités s'engagent en
faveur du développement de cet habitat.
À la recherche d'innovations dans les programmes
d'habitations, notamment en matière d'intégration des habitants,
d'utilisation d'espaces partagés, d'architecture, d'environnement,
certaines collectivités ont décidé de se lancer dans la
production d'habitat participatif.
Sous l'impulsion de deux villes motrices, Strasbourg et
Montreuil, a été créé en 2010 le «
Réseau National des collectivités pour l'Habitat Participatif
», l'ambition de cette structure est « de créer une
plate-forme d'échanges entre les collectivités qui sera
dédiée au partage des expériences et des outils en
matière d'habitat participatif ». Ce réseau mobilise une
quinzaine de collectivités14, dont l'engagement s'est traduit
par des actions en faveur de l'habitat participatif. Parmi celles-ci, on peut
citer l'inscription dans le Programme Local de l'Habitat (PLH) « d'actions
en faveur de
14 Les premiers signataires sont :
Besançon, Bordeaux, Grenoble, Lille, Montreuil, Paris, Rennes,
Saint-Denis et Strasbourg, les communautés urbaines d'Arras, Grand Lyon,
Grand Toulouse, ainsi que les régions Ile-de-France et
Rhône-Alpes.
mode d'habiter ». C'est le cas pour la plupart des
grandes collectivités française (Grand Lyon, Grenoble-Alpes
métropole, CUM Strasbourg, Paris, etc.). Cet engagement se traduit
aujourd'hui par le lancement de nombreux appels à projets sur des
terrains identifiés par les collectivités, le plus souvent
à des prix inférieurs au marché.
L'implication forte de collectivité française
de taille importante participe à l'essor de l'habitat participatif en
France. Il convient de citer quelques exemples emblématiques pour
illustrer ce propos.
1. Montreuil : une ville en faveur des initiatives
citoyennes
Montreuil est une ville où la place de l'habitat
participatif est particulièrement importante. Cette
caractéristique s'explique en grande partie par une tradition importante
en matière d'autopromotion. Depuis les années 50 et le
développement du mouvement des Castors, auto-constructeurs de leurs
habitats, de nombreux projets coopératifs ont vu le jour dans cette
ville. Deux exemples emblématiques pour illustrer cet engagement.
Diwan (2008)
ANNéE EMMéNAGEMENT 2008
SURFAcE 1 011 M2 SURFAcE HABITABLE
NOMBRE dE LOGEMENTS 8 - 29 HABITANTS
MONTAGE JURIdIQUE SCI
COUT dE cONSTRUcTION 1 376 € M2 SHAB
Initié en 1998 ce projet aura mis 10 ans à se
concrétiser. Le groupe a traversé énormément de
difficultés et a évolué à de nombreuses reprises.
Il s'est structuré en SCI de construction avec vente en VEFA lors de la
phase de construction et a évolué en
copropriété-coopérative pour la gestion. En 2011, 21
adultes et 8 enfants vivaient dans ce collectif de 5 appartements, 3 maisons de
ville et un local d'activité. Chaque habitant a géré
individuellement le financement de logement pour un coût moyen de 2900
€ du m2 soit 20% de moins que le prix du marché.
Ce coût a été rendu possible par l'achat
du foncier à un prix largement inférieur au marché
auprès de la ville de Montreuil. La durée très importante
du projet s'explique en grande partie par le choix à l'origine du groupe
d'assurer elle même la maîtrise d'ouvrage de l'immeuble. Mais les
difficultés rencontrées, notamment pour trouver des financements,
ont obligé le groupe à se constituer sous une forme plus
classique de promotion immobilière. C'est un promoteur professionnel
Fiderim qui a donc assuré la construction et a permis une montée
en compétence et une
29
professionnalisation du groupe, sans pour autant limiter le
rôle des habitants à de simples acquéreurs. Ce projet, l'un
des premiers en France est aujourd'hui installé en coeur de ville et
participe à la vie du quartier « largement autour des enfants qui
occupent un rôle central dans la construction de ces sociabilités
de proximité »15.
Figure 5: Les habitants du projet Diwan dans un des
espaces
partagés.
www.architectes.org
Les Babayagas (2012)
ANNéE EMMéNAGEMENT 2012
SURFAcE 990 M2 SURFAcE HABITABLE
NOMBRE dE LOGEMENTS 21
MONTAGE JURIdIQUE /
COUT dE cONSTRUcTION 3 800 € M2 SHAB
Né de l'initiative de Thérèse Clerc,
militante féministe, le projet des Babayagas tend à proposer un
modèle alternatif au vieillissement. L'objectif de ce groupement
composé exclusivement de femmes est de « vivre collectivement leur
vieil âge dans un lieu géré en autonomie et fondé
sur l'autogestion, la solidarité, la citoyenneté et
15 Ville de Montreuil. L'habitat participatif à
Montreuil. Une histoire, des initiatives collectives, une Dynamique. 2011 .
[ONLINE] Available at:
http://www.est-ensemble.fr/sites/default/files/recueil_dexperiences_dhabitat_participatif_a_montreuil.pdf.
[ Accessed 11 April 2016].
30
l'écologie 16». Ce projet a mis dix ans
à voir le jour, initié par la création d'une association,
l'aboutissement du projet tient dans l'implication de deux acteurs
fondamentaux, la ville de Montreuil qui a mis à disposition le terrain
et l'office public de l'HLM qui devient maître d'ouvrage.
Cet immeuble est mixte et comporte 25 logements sociaux, 21
pour les Babayagas et 4 pour des jeunes de moins de 30 ans. L'attribution des
logements se fait de manière classique par l'OPHLM, mais en accord avec
les valeurs de l'association, c'est-à-dire, trouver des locataires
femmes à la retraite avec des revenus faibles et qui acceptent la «
charte de vie des Babayagas », qui régit la vie collective de ce
collectif.
Figure 6 Les membres des
Babayagas.
Libération.fr
Ce collectif se veut « laboratoire de réflexion
sur le vieillissement », en effet de nombreuses manifestations sont
organisées au sein de cet immeuble sur la thématique du
vieillissement. Cette ouverture sur le quartier se matérialise notamment
par l'organisation de l'UNISAVIE, « l'UNIversité populaire du
SAvoir des VIeux », afin de « vieillir intelligemment
».17
16 Ville de Montreuil. L'habitat participatif à
Montreuil. Une histoire, des initiatives collectives, une Dynamique. 2011 .
[ONLINE] Available at:
http://www.est-ensemble.fr/sites/default/files/recueil_dexperiences_dhabitat_participatif_a_montreuil.pdf.
[ Accessed 11 April 2016].
17 Les Babayagas, la silver solidarité au quotidien -
Libération. 2016. Les Babayagas, la silver solidarité au
quotidien - Libération. [WEB] Disponible sur :
http://www.liberation.fr/futurs/2014/02/02/les-babayagas-la-silver-solidarite-au-quotidien
977239. [Accès le 11 April 2016].
Figure 7 : Immeuble des
Babayagas.
sophieloubaton.photoshelter.com
2. Strasbourg : la municipalité à
l'initiative des projets
Afin de favoriser le développement de l'habitat
participatif à Strastourg, la communauté urbaine a fait le choix
d'une consultation. Ainsi 10 terrains répartis dans toute la ville
appartenant à la municipalité ont été vendus
à des groupes d'habitants. Cette consultation marque une volonté
forte de la part de la collectivité. Pour Roland Ries, Maire de
Strasbourg et Vice président de la Communauté urbaine de
Strasbourg depuis 2008, ce « programme répond aux besoins en
logements pour tous, aux différentes étapes de la vie, a
également comme orientation de contribuer à des
aménagements urbains innovants et un habitat durable, en prenant en
compte la santé et le bien-être des habitants »18.
Les terrains mis à disposition de la ville sont tous situés en
proximité directe du centre ville et sont également desservis par
les transports en commun.
Figure 8 : Durée de la procédure de la
consultation. Source : Dossier de consultation. Modification
AF
31
18 Cahier des charges du projet, 10 terrains, 10 immeubles
durables à Strasbourg.
32
Figure 9 : les 10 terrains vendus par la
collectivité. Source:
Strasbourg.eu
En se lançant dans ce type de projet la ville de
Strasbourg fait le choix de l'innovation dans sa politique de logements. Cette
aide de la collectivité permet également un raccourcissement des
délais de l'opération. Comme on le voit sur la frise ci-dessus,
du lancement de la consultation à la fin des travaux, 5 années se
sont écoulées. Par l'intervention de la communauté urbaine
de Strasbourg, un cadre est donné à l'opération, ce qui
rassure les banques et autres institutions de financement.
Il faut également noter en plus de la ville de
Strasbourg l'importance de plusieurs acteurs institutionnels dans le bon
déroulé de cette opération :
· Relais associatif : l'association
Écoquartier qui fait la promotion d'un urbanisme durable depuis 2001 et
a inscrit l'habitat participatif comme levier d'action. Elle a principalement
oeuvré dans la mise en relation des acteurs de ce programme, ainsi que
dans le processus d'acculturation à ce modèle d'habitat.
· AMO : Une assistance à
maîtrise d'ouvrage a été rendue obligatoire à la
suite des premières phases de consultation, en raison des nombreuses
difficultés rencontrées par les groupements.
33
Eco-Logis (2010)
ANNéE EMMéNAGEMENT 2010
SURFAcE /
NOMBRE dE LOGEMENTS 13 LOGEMENTS, 30 HABITANTS
MONTAGE JURIdIQUE SCIA
COUT dE cONSTRUcTION 2 950 € M2 SHAB
Le projet Eco-logis est le premier des immeubles
livrés. Il s'inspire des Baugruppen, l'architecte est d'ailleurs
allemand, Michael Gis, choisi en raison de son expérience sur le
modèle développé outre-Rhin. La municipalité,
maître d'ouvrage sur l'opération a imposé l'utilisation
d'une SCIA, le nombre de parts détenu par chacun dépend de la
surface des prestations propres à son logement. Les bâtiments sont
conçus sur 5 étages, au total 11 logements sont disponibles dans
cette structure allant du studio au 6 pièces, 30 personnes vivent dans
le bâtiment et 2 familles sont locataires. On y trouve des espaces
communs, une chambre d'amis ainsi qu'un grand atelier et une buanderie commune.
Le bâtiment est BBC, il consomme moins de 65 KWh/m2/an et
produit de l'énergie via 20 m2 de panneaux solaires.
Figure 10 : Bâtiment Eco-Logis. Source:
lyon.archi.fr
Consultation II & III
En 2015, Strasbourg a lancé sa troisième
consultation pour développer de l'habitat participatif sur 5 nouveaux
sites. Au total depuis 2008, 22 terrains ont été mis en
consultation pour développer de l'habitat participatif dans la ville
strasbourgeoise. Le développement de ce « nouveau » mode
d'habiter, fait aujourd'hui partie intégrante de la politique de la
ville. En apportant sa contribution, la ville de Strasbourg montre qu'il est
possible de développer à grande échelle des projets
participatifs, sous
34
réserve d'un engagement fort des politiques en
attribuant des terrains jusqu'à présent propriété
de la ville. Cet engagement financier se traduit également par un
système de décote en fonction des performances
énergétiques du bâtiment (de 150 à 200 / m2 SHON) et
également si on introduit du logement social au bâtiment (vente
entre 150 et 200 € du m2). La ville effectue également
l'ensemble des travaux de raccordement de manière à effectuer une
vente de terrain à nu.
3. Montpellier : De l'habitat participatif en ZAC,
le projet MasCobado
Le projet MasCobado a la particularité d'être
développé au sein de la ZAC des Grisettes. ZAC de 20 hectares
où 1500 logements sont créés ainsi que des bureaux, des
commerces, des équipements scolaires et un pôle de
santé.
Figure 11 : Plan Mass de la ZAC. En rouge les
deux lots de la ville dédiées à l'habitat participatif.
Source : Agence Dubus Richez
L'émergence de ce projet est l'aboutissement d'un
concours « logement design pour tous » lancé par le PUCA (Plan
Urbanisme Construction Architecture) qui a pour objectif d'« initier une
nouvelle dynamique pour programmer, concevoir et réaliser des
opérations de logement »19. Une association d'habitants
créée en 2011 a remporté ce concours, ce qui lui a permis
de bénéficier de l'appui d'une mission AMO du PUCA, qui a
accompagné la programmation et les études opérationnelles
afin de mettre au point le montage juridique. Parallèlement la ville de
Montpellier confirme
19 20PUCA. Novembre 2014. Logement design pour tous.
Habitat participatif à Montpellier. Le projet MasCobado. En ligne.
http://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/MasCobado
web.pdf.
Figure 12 : Perspective du projet. Source : Toits de
choix
son intérêt en Novembre 2011, pour favoriser
l'implantation d'un habitat participatif sur l'agglomération. Le choix
d'implantation se fera sur la ZAC des Grisettes où la SERM
(Société d'Équipement de la Région
Montpelliéraine) réalise une opération
d'aménagement. Conjointement, la ville et l'aménageur
décident de réserver deux lots de cette ZAC au
développement de projets en habitat participatif.
Envisagée dès l'origine du projet, la
construction d'un partenariat avec un bailleur social répond pour le
groupement à un impératif : celui d'offrir à tous la
possibilité d'accéder à la propriété. De
plus associer un bailleur social permet « d'asseoir la
crédibilité du projet et facilite les relations avec les
élus »20. C'est finalement Promologis qui sera choisi
par la SCA avec pour engagement de la part du bailleur de porter plusieurs
logements en location-accession ou en location sociale. À l'origine il
devait être constituée une SCA en co-maîtrise d'ouvrage avec
Promologis, mais les difficultés pour obtenir des garanties
financières obligent un passage de relais au Bailleur. À l'issue
d'une phase de conception dirigée par les habitants et coordonnée
avec le bailleur social, c'est Promologis qui a pris en charge toutes les
opérations de l'acquisition du terrain à la construction du
bâtiment. Les rapports entre Promologis et les habitants sont
formalisés par une convention partenariale annexée à tous
les documents concernant l'acquisition du terrain et les contrats de vente.
Ensuite les logements ont été attribués
à l'issue d'une VEFA (Vente en l'État Futur d'Achèvement)
pour 11 logements ou d'un contrat de location-accession PSLA pour 7 logements.
En ce qui concerne la gestion des relations entre les accèdants et le
bailleur social, c'est le régime de la copropriété qui
sera mis en place. Enfin, en ce qui concerne la réattribution des
logements sociaux, le bailleur s'est engagé à sélectionner
des nouveaux adhérents qui respectent une charte mis en place par les
habitants du MasCobado.
35
36
La loi ALUR vient créer deux nouveaux statuts
juridiques pour la mise en place d'habitat participatif, ces statuts ne
suppriment pas les anciens mais arrivent en complément des formes
sociales offertes par la loi. L'objectif du législateur était
d'apporter des réponses aux attentes des partisans de l'habitat
participatif, à savoir ; la propriété collective, les
mécanismes anti-spéculatifs, la prise en compte des espaces
communs et la possibilité de les exploiter (Ferrus et Leveneur, 2014).
Les dispositions prises par la loi ALUR en matière d'habitat
participatif ont également pour objectif de garantir une certaine
sécurité juridique et financière pour les concepteurs de
projet. Les deux nouveaux statuts créés sont la
société coopérative d'habitants et la
société d'attribution d'autopromotion. Ces deux statuts
juridiques ont des dispositions communes :
· Dans tous les cas il s'agit d'une
société à capital variable, de forme civile ou
commerciale.
· Cette société est constituée pour
une seule opération immobilière et destinée à
accueillir la résidence principale des associés.
· Il est également possible d'associer à
ces structures des organismes de logements sociaux, dans la limite de 30% du
capital ou des droits de vote, qui bénéficieront de la mise
à disposition des logements proportionnellement à leur
participation.
· Les sociétés pourront développer
des activités et services aux membres et à des tiers non
associés. (ex : location d'un salle commune, installation d'un cabinet
médical...)
· Il devient obligatoire de mettre en place une charte
fixant les règles concernant l'immeuble et plus particulièrement
les parties communes. Cette charte devra être adoptée en
assemblée générale et signée par l'ensemble des
locataires avant l'emménagement.
1. La société coopérative
d'habitants
La société coopérative a pour objet de
« fournir à leurs associés personnes physiques la
jouissance d'un logement au titre de résidence principale et de
contribuer au développement de leur vie collective »21.
Cette forme de société promeut l'idée de
propriété collective de l'habitat participatif (Ferrus et
Leveneur, 2014), avec ce type de société, on supprime la notion
de propriété au profit de celle de jouissance du logement et des
espaces communs, le propriétaire étant la société
et non les associés. Le contrat passé par les
copropriétaires précise le montant de la redevance dont ils
devront s'acquitter à l'entrée dans le logement. Cette redevance
est composée d'une part locative permettant de profiter du bien et d'une
part acquisitive permettant d'acquérir des parts sociales de la
société. Cette acquisition se fait de manière
différée, en effet les associés remboursent graduellement
les sommes prises en charge par la société au moment de la
construction.
· Calcul de la redevance
Lorsque le projet est livré, la coopérative
rembourse les prêts grâce à la redevance, celle-ci est
dissociée de la valeur du bien et est calculée selon les
modalités fixées par le groupe. Elle permet également de
provisionner les obligations de propriétaire (taxes foncières,
charges diverses, provisions pour les réparations, vacances et
impayés...).
40
21 Article L.201-2 du code de la construction et de
l'habitation
· Comment quitter son logement ?
Tout coopérateur peut quitter son logement. À
son départ il récupère ses apports initiaux
pondérés au coût de la vie, ici la logique de non
spéculation prime voilà pourquoi on est sur un prix
indépendant du marché. Lors de son départ, le
coopérateur peut également récupérer une partie de
ses redevances, on parle alors de part acquisitive. Le choix d'une nouvelle
personne est soumis à l'accord de l'assemblé
générale selon les termes régis au règlement de la
structure.
2. La société d'attribution
d'autopromotion
Cette société a pour objet d'Ç
attribuer aux associés, personnes physiques, la
propriété ou la jouissance d'un logement à titre de
résidence principale, et d'entretenir et d'animer les lieux de vie
collective »22. La différence avec la
coopérative d'habitants c'est qu'avec ce montage les habitants peuvent
acheter leurs logements et la jouissance des espaces communs. Dans ce
modèle, les associés devront dès le départ faire le
choix entre attribution en jouissance ou en propriété des futurs
logements. Dans le modèle de l'attribution en propriété
cette société aura vocation à disparaître à
la fin de la construction pour se transformer en copropriété
classique, puisque les habitants sont propriétaires de leur espace
privatif grâce à une attribution en propriété.
À l'inverse, si le modèle de la jouissance est choisi celle-ci
reste en place. Les associés devront, à l'inverse du
modèle coopératif, participer au financement de
l'opération dès le stade de la construction. On est donc ici dans
un modèle où les associés disposent de moyens financiers
suffisants pour au départ assumer un investissement conséquent.
La sortie du modèle participatif apparaît comme plus simple par ce
modèle par rapport à la coopérative par l'existence d'un
état descriptif de division ainsi que des dispositions concernant les
conditions de dissolution de la société.
· Que paye l'associé ?
L'associé paye une redevance qui est
nécessairement liée à la valeur de son bien. Il doit
également payer une participation qui correspond aux frais de charges
liées là aussi à la valeur de son bien.
· Comment quitter son logement ?
Dans le cas d'une attribution en propriété, un
associé peut quitter son logement de manière libre, à
condition que l'AG a constaté l'achèvement de l'immeuble. Dans ce
modèle la revente de ces parts n'est pas nécessairement soumis
à une indexation.
41
22 Article L.202-2 du CCH
42
La logique de non-spéculation n'est pas obligatoire et
est à la décision du groupement.
3. Les décrets attendus pour 2016
Votée en 2014, la loi ALUR sera précisée
au cours de l'année 2016 par des décrets notamment en ce qui
concerne les garanties financières d'achèvement de l'immeuble,
ainsi que des éléments sur le financement des projets. La loi
ALUR devrait être précisée courent 2016 par deux autres
décrets, concernant les modalités d'achèvement de
l'immeuble et l'apport en industrie dans la construction d'un
bâtiment.
Décret relatif à la garantie
financière d'achèvement
Un décret viendra préciser la garantie
financière d'aménagement qui rendra obligatoire la souscription
d'une garantie financière d'achèvement lorsque le vendeur d'un
immeuble d'habitation n'opte pas pour une garantie de
remboursement23
Décret relatif à l'apport en
industrie
Ce décret viendra préciser la
possibilité d'entrer au capital de la société via un
apport en industrie. En d'autres termes, il s'agit là de valoriser la
participation des habitants dans le processus de construction ou bien dans
l'apport de service auprès des autres usagers.
23 Vallat, thierry (2016) Garantie financière
en cas de vente en l'état futur d'achèvement :
Disponible at:
http://www.thierryvallatavocat.com/2016/03/garantie-financiere-en-cas-de-vente-en-l-etat-futur-d-achevement-le-decret-du-25-mars-2016.html
(Accès 18 Avril 2016).
COMPARAISON ENTRE LA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE
/ SOCIÉTÉ
D'ATTRIBUTION D'AUTOPROMOTION
Coopérative Autopromotion
Qui est La coopérative La
société ou chaque
propriétaire ? copropriétaire
Sur autorisation de l'assemblée
générale
Que détient l'associé ?
Que paye l'associé ?
Départ d'un
associé
Attribution en jouissance des logements
· Parts sociales (sans lien nécessaire à la
valeur du bien)
· Loyer (permanent)
· Possible apport en travail manuel
Attribution en jouissance des logements ou
propriété pleine et entière
· Parts sociales (liées nécessairement
à la valeur du bien)
· Participation (permanente) aux charges liées
nécessairement à la valeur relative du lot