Problématique de la planification familiale dans les ménages de Kasha: cas du quartier Cikonyipar Jean Claude AGANZE BASHIGE ISDR/Bukavu - Graduat 2018 |
I 2. LES CAUSES DE LA NON APPLICATION DE LA PLANIFICATION FAMILIALENous parlons de la planification familiale lorsque au sein d'un couple, les partenaires consentent librement d'avoir des enfants en l'intervalle d'une période de plus ou moins deux ans et/ou de vivre sans enfant, en tenant compte de leur revenu. Autrement dit, tenir compte des dépenses que peut effectuer le couple et bien fonctionner au sein de leur ménage dans le respect de la santé de la femme. Dans cette partie, il sera question d'élucider les fondements de l'échec de la mise en pratique de la planification familiale dans le quartier Cikonyi. Ainsi, au cours de notre enquête, nous avons mis en évidence plusieurs causes de la non application de la planification familiale mais que nous avons résumées en ces cinq principales. Il s'agit des causes liées à l'instruction (1), celles relatives au chômage (2), aux croyances coutumières et religieuses (3), et celles dues au manque d'informations (4) et enfin, celles dues à la physiologie (5). I. 2. 1. Les causes liées à l'instructionLes changements démographiques récemment observés en Afrique sub-saharienne montrent une tendance générale de baisse de fécondité. On l'observe en Afrique de l'Est ou les programmes de planification familiale ont été couronnés de succès à cause du progrès de l'instruction des femmes et de filles10(*). Elles sont les plus concernées en matière de planification familiale. Plusieurs méthodes modernes sont destinées aux femmes pour usage, mais nécessitent qu'elles soient instruites. Ce qui n'est pas souvent le cas dans le quartier Cikonyi. L'instruction des femmes, comme des hommes facilite l'adoption des innovations car, les hommes instruits ne sont pas beaucoup plus attachés aux règles et croyances traditionnelles. L'école a repris à son compte une partie du rôle de socialisation des enfants que détenait de façon exclusive la famille. Comme système prônant l'adoption d'un nouveau mode de vie, elle inculque des valeurs et porte en elle le changement social même. Ce changement n'apparait réellement que lorsque la scolarisation a été de longue durée. En effet, 10% des enfants qui entrent dans le système scolaire accèdent aux études supérieures, l'école n'en favorise pas moins l'ouverture d'esprit et d'émancipation individuelle. Elle constitue ainsi un instrument de pouvoir social et politique dont la planification familiale. C'est pourquoi dans l'imaginaire social, avoir fréquenté l'école est encore perçue comme s'inscrire dans une logique de rupture avec obligations et croyances traditionnelles et donc, souscrire à un mode d'individualisation qui légitime l'accès à des sphères sociales peu soumises aux règles coutumières et se forgent au contraire des intérêts de classes. La scolarisation peut ainsi bouleverser les systèmes de hiérarchie, de genre et de génération et inverser dans certains cas les dépendances. Jean Pierre D'OZON, cité par Marc PILON et Kokou VIGNIKIN ; souligne que « la scolarisation est particulièrement révélatrice, elle souligne les stratégies d'autonomisation des familles mais le milieu lignager au sein duquel celles-ci continuent à évoluer les compromet en investissant l'école de son idéologie et de ses interprétations. Certaines de ces stratégies mettent bien en évidence la nature du combat que se livrent les structures lignagères et familles restreintes11(*)».
Comme il ressort de ce tableau, la majorité de femmes dont l'âge varie entre 15 ans et 49 dans les ménages sont instruites à 90%: 25% de niveau primaire, 60% de niveau secondaire et 5% de niveau supérieur. Malgré ce fort taux d'instruction; la question de la planification familiale n'est pas abordée dans les enseignements de l'école primaire non plus dans les enseignements de l'école secondaire, seulement dans quelques facultés des institutions supérieurs et universitaires ou elle est abordée. L'instruction dévient dans ce cas une barrière à la mise en oeuvre effective de la planification familiale du fait que la majorité d'entre nos enquêtées n'ont pas fait l'étude supérieure qui facilite l'adoption des innovations car elle ouvre la personne au monde extérieur en général et en particulier au monde occidental. En somme, la scolarisation qui s'améliore plus ou moins rapidement dans le quartier Cikonyi se traduira inéluctablement par l'instauration d'un univers familial de plus en plus privé et calqué sur le monde occidental, mais tant que les couples ne seront instruits suffisamment, c'est-à-dire faire des études supérieures pour s'influencer entre eux tant il sera difficile que la planification familiale y soit mise en pratique. Après avoir parlé de comment le faible niveau d'instruction des couples en général et des femmes en particulier constitue une barrière à la mise en oeuvre de la planification, nous abordons dans le point suivant, comment est-ce que le faible niveau de vie causé par le chômage peut être un blocage au bon espacement des naissances dans le ménage. * 10Cahiers d'étude et de recherches francophone/santé, Connaissance et utilisation des méthodes contraceptives en milieu rural sereer au Sénégal, volume 13, Num 1, 2003. * 11 Marc PILON et Kokou VIGNIKIN, « ménages et familles en Afrique subsaharienne », édition des archives contemporains, Paris 2006, 89-90 pages |
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