Conclusion partielle
L'efficacité de l'exception
d'inconstitutionnalité au Burkina Faso s'observe par le fait que ce
mécanisme participe à l'instauration d'un Etat de droit durable.
En droit constitutionnel contemporain, l'Etat de droit est substantiellement
lié à la protection des droits fondamentaux des citoyens.
Grâce à l'exception d'inconstitutionnalité, les droits
fondamentaux des citoyens burkinabè seront efficacement
sauvegardés. En cela, l'exception d'inconstitutionnalité
présente un intérêt subjectif. Toutefois, le constituant
burkinabè n'ayant pas limité l'objet du recours en exception
d'inconstitutionnalité aux seuls droits fondamentaux mais à toute
disposition inconstitutionnelle, l'on voit se dessiner l'intérêt
objectif de ce mécanisme au Burkina Faso. Ainsi permet-il d'assurer
efficacement la supériorité de la Constitution tout en favorisant
une constitutionnalisation de toutes les branches du droit. De même,
l'exception d'inconstitutionnalité présente un
intérêt démocratique dans la mesure où, elle permet
in fine la participation du peuple au pouvoir en raison du fait que le
citoyen pourra, à tout moment et si besoin est, rappeler le pouvoir
législatif à l'ordre en s'appuyant sur le juge constitutionnel.
Ce dernier obtient par là un label de
légitimité618. Cette légitimité se
manifeste par l'autorité des décisions rendues notamment sur
exception d'inconstitutionnalité. Ces décisions s'imposent
dès lors, de manière absolue aux pouvoirs publics et à
toutes les autorités tant administratives que juridictionnelles. Le
respect par ces pouvoirs et autorités des décisions du juge
constitutionnel témoigne alors de la légitimité du juge et
de ses décisions. Même s'il faut par ailleurs craindre un
empiètement du juge constitutionnel sur les compétences du
pouvoir législatif du fait que ses décisions de
non-conformité intervenant par la voie de l'exception
d'inconstitutionnalité ont un effet abrogatif, sa
légitimité n'est pas pour autant entravée dans la mesure
où il tient cette compétence de par la Constitution
elle-même.
618 Mahamadou Mounirou SY, La protection constitutionnelle
des droits fondamentaux en Afrique, Op.cit., p. 465.
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CONCLUSION GENERALE
Moyen indirect d'accès du citoyen au juge
constitutionnel, l'exception d'inconstitutionnalité est sans commune
mesure le moyen le plus efficace pour la protection des droits du citoyen. Si
son effectivité laissait encore à désirer au lendemain de
sa consécration du fait notamment de sa non utilisation par les
citoyens, l'exception d'inconstitutionnalité est aujourd'hui dans une
propension grandissante au Burkina Faso. Ce mécanisme avait souffert de
sa procédure qui était non seulement complexe619, mais
aussi non clairement précisée par la Constitution et la loi
organique sur le Conseil constitutionnel. Il fallait donc s'en remettre au juge
constitutionnel lorsqu'il sera saisi pour vérifier les exigences
procédurales qu'imposait ce mécanisme. Mais, quand il eut enfin
eu l'occasion, le juge constitutionnel burkinabè manqua d'audace pour
rappeler aux juridictions ordinaires leur obligation de renvoi. C'est en cela
que la première décision du Conseil constitutionnel sur exception
d'inconstitutionnalité aura été
mitigée620. Mais, progressivement, l'exception
d'inconstitutionnalité devient plus facile à mettre en oeuvre au
Burkina Faso grâce notamment à la consécration par le juge
constitutionnel burkinabè d'une saisine directe par voie d'exception. Si
par cette décision621, la juridiction constitutionnelle avait
entendu fermer les portes de la saisine directe par le citoyen, elle venait,
par la même occasion, de simplifier la procédure de mise en oeuvre
de l'exception d'inconstitutionnalité en soustrayant cette saisine des
désidératas des juridictions ordinaires. Ce qui sous-entend que
le justiciable n'a nullement besoin d'attendre la décision de renvoi de
la juridiction ordinaire.
Ainsi, l'exception d'inconstitutionnalité devient un
puissant moyen pour la protection de la Constitution en général
et des droits fondamentaux en particulier. Cette protection des droits
fondamentaux fait du Burkina Faso un Etat de droit622. C'est
d'ailleurs la fonction la plus
619 Cette complexité résidait dans le fait les
juridictions ordinaires avait la latitude de bloquer le processus en refusant
d'effectuer le renvoi préjudiciel sans pour autant que le justiciable ne
dispose d'un autre moyen de recours.
620 Séni Mahamadou OUEDRAOGO, « L'admission en
clair-obscur d'un du droit d'appel de la partie civile en matière
pénale : à propos de la décision n°2016-08/CC sur
l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 497-3° du code de
procédure pénale », Op.cit., pp. 245-255.
621 Conseil constitutionnel burkinabè, DCC
n°2017-014/CC du 09 juin 2017 sur l'exception
d'inconstitutionnalité de la loi sur la Haute Cour de Justice.
622 Salif YONABA, « La place des droits de l'homme dans
la Constitution de la quatrième république », Mél.
Jacques Velu : Présence du droit public et droits de l'homme,
Bruxelles, 1992, pp. 1223-1233. Cité par Kader GARBA HAMIDOU,
La protection des droits fondamentaux par le juge constitutionnel : cas du
Burkina Faso et du Niger, Op.cit., p. 90.
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déterminante et la plus importante d'une juridiction
constitutionnelle623. Par ce mécanisme, le juge
constitutionnel burkinabè devient le garant des droits du citoyen et le
dernier rempart de celui-ci contre l'arbitraire de la loi, fruit des
élus du peuple. C'est ainsi qu'on pourrait apercevoir un pouvoir
législatif ou même un pouvoir créateur du juge
constitutionnel.
Par ailleurs, si l'exception d'inconstitutionnalité
peut, dans une certaine mesure, être considérée comme un
moyen de participation du peuple au pouvoir, le rôle du Conseil
constitutionnel dans le processus de fabrication des lois624, «
s'il satisfait la logique juridique, heurte la logique démocratique qui
suppose que les lois sont l'expression de la volonté du peuple souverain
»625. Posée dans ces termes, la question de la
légitimité du contrôle de constitutionnalité des
lois est insoluble, car enfermée dans un dilemme parfait : ou bien il
n'existe pas de contrôle des lois, et le principe démocratique
peut souffrir sous le coup de décisions du législateur contraires
aux libertés et violant la Constitution adoptée par le peuple, ou
bien il existe un contrôle des lois, et le principe démocratique
peut souffrir également de la soumission progressive de la
volonté des représentants élus par le peuple à une
institution sans légitimité élective626. Mais,
le juge constitutionnel doit exercer son pouvoir créateur pour assurer
une correspondance maximale du droit avec l'état de la
société. Ce réalisme qui s'impose au juge contribue
à le doter d'une légitimité fonctionnelle627.
Dans ce contexte, le Conseil constitutionnel apparaît, du fait du silence
et de l'impuissance du Parlement, comme le seul lieu où la
volonté législative du gouvernement puisse être
efficacement discutée628 : « au déclin du
face-à-face gouvernement-Parlement a correspondu l'essor du
face-à-face Exécutif-Conseil constitutionnel, ce dernier
apparaissant comme le contrepoids moderne d'un nouvel équilibre
constitutionnel. Pour cela, le Conseil puise sa légitimité dans
le déséquilibre accentué des pouvoirs
»629.
Quoi qu'il en soit, le constituant a consacré
l'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso, le juge
constitutionnel a assouplie sa procédure de mise en oeuvre, les
autorités et pouvoirs publics respectent les décisions qui en
découlent. Mais, du reste, le mécanisme demeure encore d'une
timide application. L'exception d'inconstitutionnalité sommeille encore
au Burkina Faso, tel un livre qui ne cesse de s'empoussiérer dans les
meubles d'une
623 Théodore HOLO, « Emergence de la justice
constitutionnelle », Op.cit., p. 101-114.
624 Dominique CHAGNOLLAUD, Droit constitutionnel
contemporain, Op.cit., p. 86.
625 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel,
9ème édition, Op.cit., p. 52.
626 Ibidem.
627 Cyril BRAMI, Des juges qui ne gouvernent pas,
Op.cit., p. 174.
628 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel,
Op.cit., p. 56.
629 Ibidem.
bibliothèque désaffectée. Le
citoyen-justiciable n'en a sûrement pas effectivement connaissance pour
s'en prévaloir. Il y a lieu alors de privilégier la promotion du
Conseil constitutionnel burkinabè afin que les citoyens prennent
conscience de l'opportunité qui s'offre à eux. C'est justement
cette saisine quasi-inexistante du juge constitutionnel qui fait qu'on ne
puisse pas raisonnablement parler d'un gouvernement du juge constitutionnel au
Burkina Faso. Celui-ci n'est en effet pratiquement jamais solliciter a
fortiori avoir l'occasion de s'imposer au Burkina Faso. Toutefois, si le
citoyen burkinabè n'est suffisamment pas mature pour savoir user de
l'exception d'inconstitutionnalité, que fait le juge constitutionnel de
son pouvoir d'auto-saisine630 pour une protection plus efficace des
droits fondamentaux du citoyen ?
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630 Un pouvoir que lui a accordé la Constitution du 02
juin 1991 à son article 157 al.3.
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