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L'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso


par Abdoul Rachid ABDOU BOKAR ABDOU
Université Thomas SANKARA - Master 2020
  

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Conclusion partielle

L'efficacité de l'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso s'observe par le fait que ce mécanisme participe à l'instauration d'un Etat de droit durable. En droit constitutionnel contemporain, l'Etat de droit est substantiellement lié à la protection des droits fondamentaux des citoyens. Grâce à l'exception d'inconstitutionnalité, les droits fondamentaux des citoyens burkinabè seront efficacement sauvegardés. En cela, l'exception d'inconstitutionnalité présente un intérêt subjectif. Toutefois, le constituant burkinabè n'ayant pas limité l'objet du recours en exception d'inconstitutionnalité aux seuls droits fondamentaux mais à toute disposition inconstitutionnelle, l'on voit se dessiner l'intérêt objectif de ce mécanisme au Burkina Faso. Ainsi permet-il d'assurer efficacement la supériorité de la Constitution tout en favorisant une constitutionnalisation de toutes les branches du droit. De même, l'exception d'inconstitutionnalité présente un intérêt démocratique dans la mesure où, elle permet in fine la participation du peuple au pouvoir en raison du fait que le citoyen pourra, à tout moment et si besoin est, rappeler le pouvoir législatif à l'ordre en s'appuyant sur le juge constitutionnel. Ce dernier obtient par là un label de légitimité618. Cette légitimité se manifeste par l'autorité des décisions rendues notamment sur exception d'inconstitutionnalité. Ces décisions s'imposent dès lors, de manière absolue aux pouvoirs publics et à toutes les autorités tant administratives que juridictionnelles. Le respect par ces pouvoirs et autorités des décisions du juge constitutionnel témoigne alors de la légitimité du juge et de ses décisions. Même s'il faut par ailleurs craindre un empiètement du juge constitutionnel sur les compétences du pouvoir législatif du fait que ses décisions de non-conformité intervenant par la voie de l'exception d'inconstitutionnalité ont un effet abrogatif, sa légitimité n'est pas pour autant entravée dans la mesure où il tient cette compétence de par la Constitution elle-même.

618 Mahamadou Mounirou SY, La protection constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, Op.cit., p. 465.

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CONCLUSION GENERALE

Moyen indirect d'accès du citoyen au juge constitutionnel, l'exception d'inconstitutionnalité est sans commune mesure le moyen le plus efficace pour la protection des droits du citoyen. Si son effectivité laissait encore à désirer au lendemain de sa consécration du fait notamment de sa non utilisation par les citoyens, l'exception d'inconstitutionnalité est aujourd'hui dans une propension grandissante au Burkina Faso. Ce mécanisme avait souffert de sa procédure qui était non seulement complexe619, mais aussi non clairement précisée par la Constitution et la loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il fallait donc s'en remettre au juge constitutionnel lorsqu'il sera saisi pour vérifier les exigences procédurales qu'imposait ce mécanisme. Mais, quand il eut enfin eu l'occasion, le juge constitutionnel burkinabè manqua d'audace pour rappeler aux juridictions ordinaires leur obligation de renvoi. C'est en cela que la première décision du Conseil constitutionnel sur exception d'inconstitutionnalité aura été mitigée620. Mais, progressivement, l'exception d'inconstitutionnalité devient plus facile à mettre en oeuvre au Burkina Faso grâce notamment à la consécration par le juge constitutionnel burkinabè d'une saisine directe par voie d'exception. Si par cette décision621, la juridiction constitutionnelle avait entendu fermer les portes de la saisine directe par le citoyen, elle venait, par la même occasion, de simplifier la procédure de mise en oeuvre de l'exception d'inconstitutionnalité en soustrayant cette saisine des désidératas des juridictions ordinaires. Ce qui sous-entend que le justiciable n'a nullement besoin d'attendre la décision de renvoi de la juridiction ordinaire.

Ainsi, l'exception d'inconstitutionnalité devient un puissant moyen pour la protection de la Constitution en général et des droits fondamentaux en particulier. Cette protection des droits fondamentaux fait du Burkina Faso un Etat de droit622. C'est d'ailleurs la fonction la plus

619 Cette complexité résidait dans le fait les juridictions ordinaires avait la latitude de bloquer le processus en refusant d'effectuer le renvoi préjudiciel sans pour autant que le justiciable ne dispose d'un autre moyen de recours.

620 Séni Mahamadou OUEDRAOGO, « L'admission en clair-obscur d'un du droit d'appel de la partie civile en matière pénale : à propos de la décision n°2016-08/CC sur l'exception d'inconstitutionnalité de l'article 497-3° du code de procédure pénale », Op.cit., pp. 245-255.

621 Conseil constitutionnel burkinabè, DCC n°2017-014/CC du 09 juin 2017 sur l'exception d'inconstitutionnalité de la loi sur la Haute Cour de Justice.

622 Salif YONABA, « La place des droits de l'homme dans la Constitution de la quatrième république », Mél. Jacques Velu : Présence du droit public et droits de l'homme, Bruxelles, 1992, pp. 1223-1233. Cité par Kader GARBA HAMIDOU, La protection des droits fondamentaux par le juge constitutionnel : cas du Burkina Faso et du Niger, Op.cit., p. 90.

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déterminante et la plus importante d'une juridiction constitutionnelle623. Par ce mécanisme, le juge constitutionnel burkinabè devient le garant des droits du citoyen et le dernier rempart de celui-ci contre l'arbitraire de la loi, fruit des élus du peuple. C'est ainsi qu'on pourrait apercevoir un pouvoir législatif ou même un pouvoir créateur du juge constitutionnel.

Par ailleurs, si l'exception d'inconstitutionnalité peut, dans une certaine mesure, être considérée comme un moyen de participation du peuple au pouvoir, le rôle du Conseil constitutionnel dans le processus de fabrication des lois624, « s'il satisfait la logique juridique, heurte la logique démocratique qui suppose que les lois sont l'expression de la volonté du peuple souverain »625. Posée dans ces termes, la question de la légitimité du contrôle de constitutionnalité des lois est insoluble, car enfermée dans un dilemme parfait : ou bien il n'existe pas de contrôle des lois, et le principe démocratique peut souffrir sous le coup de décisions du législateur contraires aux libertés et violant la Constitution adoptée par le peuple, ou bien il existe un contrôle des lois, et le principe démocratique peut souffrir également de la soumission progressive de la volonté des représentants élus par le peuple à une institution sans légitimité élective626. Mais, le juge constitutionnel doit exercer son pouvoir créateur pour assurer une correspondance maximale du droit avec l'état de la société. Ce réalisme qui s'impose au juge contribue à le doter d'une légitimité fonctionnelle627. Dans ce contexte, le Conseil constitutionnel apparaît, du fait du silence et de l'impuissance du Parlement, comme le seul lieu où la volonté législative du gouvernement puisse être efficacement discutée628 : « au déclin du face-à-face gouvernement-Parlement a correspondu l'essor du face-à-face Exécutif-Conseil constitutionnel, ce dernier apparaissant comme le contrepoids moderne d'un nouvel équilibre constitutionnel. Pour cela, le Conseil puise sa légitimité dans le déséquilibre accentué des pouvoirs »629.

Quoi qu'il en soit, le constituant a consacré l'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso, le juge constitutionnel a assouplie sa procédure de mise en oeuvre, les autorités et pouvoirs publics respectent les décisions qui en découlent. Mais, du reste, le mécanisme demeure encore d'une timide application. L'exception d'inconstitutionnalité sommeille encore au Burkina Faso, tel un livre qui ne cesse de s'empoussiérer dans les meubles d'une

623 Théodore HOLO, « Emergence de la justice constitutionnelle », Op.cit., p. 101-114.

624 Dominique CHAGNOLLAUD, Droit constitutionnel contemporain, Op.cit., p. 86.

625 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, 9ème édition, Op.cit., p. 52.

626 Ibidem.

627 Cyril BRAMI, Des juges qui ne gouvernent pas, Op.cit., p. 174.

628 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, Op.cit., p. 56.

629 Ibidem.

bibliothèque désaffectée. Le citoyen-justiciable n'en a sûrement pas effectivement connaissance pour s'en prévaloir. Il y a lieu alors de privilégier la promotion du Conseil constitutionnel burkinabè afin que les citoyens prennent conscience de l'opportunité qui s'offre à eux. C'est justement cette saisine quasi-inexistante du juge constitutionnel qui fait qu'on ne puisse pas raisonnablement parler d'un gouvernement du juge constitutionnel au Burkina Faso. Celui-ci n'est en effet pratiquement jamais solliciter a fortiori avoir l'occasion de s'imposer au Burkina Faso. Toutefois, si le citoyen burkinabè n'est suffisamment pas mature pour savoir user de l'exception d'inconstitutionnalité, que fait le juge constitutionnel de son pouvoir d'auto-saisine630 pour une protection plus efficace des droits fondamentaux du citoyen ?

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630 Un pouvoir que lui a accordé la Constitution du 02 juin 1991 à son article 157 al.3.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore