RESUME
Cette étude s'inscrit dans un contexte d'analyse des
déterminants du recours à l'automédication avant
l'hospitalisation par des malades lors d'un épisode palustre. La
pratique de l'automédication dans la prise en charge du paludisme grave
suscite quelques interrogations à Kamina. La présente
étude a visé à déterminer la fréquence de
l'automédication dans la prise en charge du paludisme grave dans la
zone de santé de Kamina et à identifier les
déterminants de cette dernière.
Il s'agit d'une étude transversale analytique
menée auprès 223 patients ayant souffert du paludisme grave et
ayant été admis à l'hôpital général de
référence de Kamina et au centre de santé de
référence BUMI au cours de notre période d'étude.
Les résultats de cette étude ont montré
que la fréquence de l'automédication dans la prise en charge du
paludisme dans notre milieu d'étude est de 46,6%. Notons
également que sur un total de 104 sujets ayant fait
l'automédication, 86,5% avaient utilisé les produits modernes et
13,5% avaient fait recours aux produits traditionnels. Les résultats de
cette étude ont montré une prédominance du paludisme chez
les sujets dont l'âge est compris entre 15 et 24 ans (47,1%) ; chez
les cultivateurs/éleveurs (50,2%) ; chez les sujets du sexe
masculin (57,0%). Chez les ménages à faible niveau
socioéconomique (70,4%).
Ainsi, les déterminants de l'automédication dans
notre milieu d'étude sont le faible niveau d'instruction
«Aucun/primaire » (ORa=21,632 [3,387-138,163] ;
paj=0,001) ; la mauvaise appréciation sur la qualité des
soins administrés à la formation sanitaire (ORa=2,156
[1,173-3,963] ; paj=0,013) et le faible niveau socioéconomique
(ORa=29,518 [12,743-97,631] ; paj=0,000). Par contre,
l'automédication expose 12,390 fois à l'intoxication
médicamenteuse.
INTRODUCTION
1.1. REVUE DE LA LITTERATURE
L'automédication, dont une première
définition relativement restrictive serait le fait qu'un individu
recourt à un médicament, de sa propre initiative ou celle d'un
proche, dans le but de soigner une affection ou un symptôme qu'il a
lui-même identifié, sans avoir recours à un professionnel
de santé. En Afrique notamment, l'automédication
réalisée avec des médicaments pharmaceutiques industriels
s'associe à celle qui emploie des feuilles, racines et écorces
végétales ainsi que certaines denrées alimentaires, pour
constituer le premier mode de recours aux soins que pratiquent les individus
face à un épisode morbide (OMS, 2020).
Le recours à l'automédication est un
phénomène mondial même si ses déterminants peuvent
varier d'un pays à un autre. Considéré comme un
phénomène menaçant de plus en plus la santé de la
population, des travaux qui se sont intéressés à
l'automédication ont insisté sur les dérives qui peuvent
en découler (B. Gendel, 2012), notamment les principaux risques,
plausibles ou avérés, les résistances microbiennes
acquises envers les médicaments, les accidents médicamenteux, les
interactions médicamenteuses non bénéfiques, la
pharmacodépendance et la toxicomanie (J.L Montastruc, 2016).
Selon l'organisation mondiale de la santé, les dangers
de l'automédication en cas du paludisme sont nombreux, avec parfois des
conséquences graves. L'automédication lors d'un épisode
palustre comporte deux grands types de risque notamment les risques dus au
médicament lui-même (méconnaissance des composants,
toxicité méconnue, date de péremption, interaction
médicamenteuse avec d'autres médicaments, etc.) ; et les
risques dus à la prise en charge (erreur de posologie,
méconnaissance des effets secondaires, éventuelles allergies,
interactions médicamenteuses, etc.). (OMS, 2017).
Par ailleurs, pour le corps médical,
l'automédication peut être à l'origine de quelques
difficultés pouvant impacter la prise en charge du patient, par exemple
un retard de diagnostic, une fausse interprétation des résultats
biologiques, le médicament utilisé peut masquer certains
symptômes utiles au diagnostic, une aggravation des symptômes, etc.
En France, le marché de l'automédication est considérable
(Michel ladouche, 2012).
En France, selon une étude réalisée par
l'AFIPA (Association Française de l'Industrie Pharmaceutique pour une
Automédication Responsable), la consommation de 2009 représentait
1,6 milliards d'euros, soit 6,5% du marché des médicaments
(AFIPA, 2009).
De sa part, SANON Valérie Marcella dans son
étude sur les facteurs associés à l'automédication
lors d'un épisode du paludisme grave nous rapporte une fréquence
d'automédication de 41,6%. L'automédication était
très observée chez les sujets dont la tranche d'âge variait
entre 15 et 25 ans dans 74,3 % des cas. La fréquence était
également élevée chez les sujets du sexe féminin
(74,2%), les produits les plus utilisés étaient les plantes
médicinales. Sur le plan évolutif, la létalité
globale était de (12,3%) chez les sujets qui ont fait recours à
l'automédication. La durée moyenne d'hospitalisation était
de 6,5 jours chez les sujets qui ont fait recours à
l'automédication (SANON V.M., 2014).
En Haïti, selon les résultats de Leive Alexandre,
la fréquence de l'automédication était estimée
à 26,1%. L'âge moyen des patients a été de
14#177;2,7 ans avec des extrêmes de 6 mois et 76 ans. Les enfants de
moins de 5 ans ont constitué la majorité des cas avec 74,3 %.
L'auteur a noté une prédominance masculine : 56 % d'hommes et 44
% de femmes soit un sex-ratio de 1,27. Les principaux déterminants de
l'automédication étaient la distance entre la formation sanitaire
et le ménage supérieure à 2km (OR=136,300
[34,320-541,306]), la mauvaise appréciation de la qualité des
soins dans les FOSA (OR=5,05 [2,144-11,86]), le faible pouvoir d'achat des
malades (OR=3,600 [1,366-9,491]), l'absence d'information et de sensibilisation
sur les risques liés aux mauvais usages des médicaments (OR=3,20
[1,12-9,15]) (Leive A., 2008).
Au Bénin, 59% des béninois déclarent
utiliser des médicaments sans ordonnance de temps en temps. Les
maux les plus soulagés par l'automédication sont le
paludisme, la fièvre typhoïde, la diarrhée et les douleurs
abdominales (Aboubacar, 2010).
Au Burkina Faso, les travaux de L. Sanfo (2019) ont
présenté les prévalences ainsi que les
caractéristiques de l'automédication, constituées
essentiellement par le coût élevé de la prise en charge des
malades dans les formations sanitaires, le faible pouvoir d'achat des malades,
l'insuffisance en infrastructures et des personnels sanitaires, la banalisation
de certaines maladies, l'absence d'information et de sensibilisation sur les
risques liés aux mauvais usages des médicaments, la non
maîtrise des contre-indications, des posologies, des rythmes
d'administration et la durée du traitement.
En République Démocratique du Congo, la
prévalence de l'automédication a été estimée
à 49% en 2017 sur l'ensemble de la population (J. Eva, 2017) et à
57% à Goma en 2013 (E. NtabeNamegabe, 2013).
Le paludisme est une maladie parasitaire causée par un
protozoaire du genre Plasmodium transmis à l'homme par piqûres des
moustiques femelles infestés du genre Anophèle ; il constitue la
maladie parasitaire la plus importante des êtres humains (OMS, 2015).
La ville de Lubumbashi n'est pas épargnée par le
phénomène de l'automédication en dépit de sa
pluralité d'offres de soins comme l'a montré Mvula K (2016) pour
qui « l'automédication constitue le premier mode de recours aux
soins au sein de la population (...), suivi par le recours à la
médecine moderne ».
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