Joseph-Félix Le Blanc de La Combe (1790-1862), collectionneur tourangeaupar Brice Langlois Université François-Rabelais de Tours - Master I Histoire de l'art 2016 |
I. Quelles orientations Joseph-Félix Le Blanc de La Combe a t-il donné pour la constitution de sa collection ?A. Présentation de la collection du colonel de La Combe.Riche de plus de mille oeuvres, la collection de La Combe est à l'évidence un ensemble rare et peu ordinaire qui mérite d'être étudiée. En effet, peu de collectionneurs réunissent alors autant d'oeuvres d'art et surtout autant de pièces de qualité. Nous avons déjà évoqué au cours du chapitre précédent, cette collection de tableaux, dessins, estampes, livres, instruments et partitions de musique. À partir du catalogue de vente et de l'inventaire après décès, nous nous emploierons dans cette partie à présenter la collection de manière plus précise, pour tenter de discerner les goûts et motivations du colonel de La Combe, sans pour autant entrer dans une lecture psychologique du personnage. À partir du catalogue de vente, nous avons constitué une base de données recensant l'ensemble des tableaux et oeuvres sur papier de la collection de La Combe vendues aux enchères en 1863. Faute de temps, il n'a pas été possible de recenser les estampes de la même manière. Cette base de données est complétée des oeuvres mentionnées dans l'inventaire après décès non vendues à l'hôtel Drouot. Il est possible que ces oeuvres aient été partagées entre les héritiers, ou qu'elles aient été vendues à Tours en 1862. Nous ne pouvons confirmer cette hypothèse, puisque nous n'avons pas retrouvé le procès-verbal de cette vente, mais seulement le double de répertoire de Me Félix-Alexandre Duboz. La base de données recense environ 214 tableaux et dessins. Il n'est pas possible d'affiner davantage ce chiffre, puisque quelques numéros de la vente sont des lots comprenant plusieurs objets. De surcroît, l'inventaire après décès livre en majorité des descriptions génériques qui ne permettent pas dans bien des cas d'identifier précisément les oeuvres. Enfin, il peut y avoir dans d'autres circonstances des erreurs d'appréciation entre le commissaire-priseur tourangeau et les experts parisiens, à l'exemple du Portrait de Benjamin Franklin. Ce dernier est identifié par Me Duboz comme une copie d'après le Portrait de Franklin (fig. 11) réalisé par Jean-Baptiste Greuze (1725-1805) en 48 1776169. Francis Petit est quant à lui moins précis en l'associant seulement à l'école française sans même mentionner la datation170. À partir de cette base de données, nous nous sommes efforcés de traiter - à des échelles relativement simples - ces données sérielles. Nous avons ainsi constitué des tableaux de pourcentage sur les différentes périodes de création, la répartition du nombre d'oeuvres par artiste, sur les différents médiums conservés dans la collection, les différentes techniques artistiques et sur les genres, qui offre matière à réflexion. Ces tableaux seront mis à profit dans le développement de cette partie. Comme nous l'avons déjà présenté, le colonel de La Combe porte un intérêt particulier à l'art contemporain. La moyenne des années de naissance de tous les artistes de la collection de La Combe, peintre dessinateur et graveur, se situe autour de 1774 tandis que la moyenne des décès intervient en 1840. Néanmoins, ces chiffres ne sont pas parlants pour montrer la part importante des artistes de la génération romantique. En effet, ces moyennes prennent en compte les artistes des écoles anciennes à l'instar Hendrik Goovaerts (1669-1720) ou Jakob Philip Loutherbourg (1698-1768), ce qui influence considérablement les chiffres. Nous nous sommes donc employés à réaliser des intervalles de naissance (fig. 12). Sur les 110 artistes dont nous avons retrouvés toutes les informations (130 recensés), 11 sont nés avant 1700, 5 entre 1700 et 1750, 12 entre 1750 et 1755, 39 entre 1775 et 1800, 41 entre 1800 et 1815 et 2 après 1815. Ainsi, la plus forte moyenne des naissances se situe entre les années 1800 et 1815 (37,2%). Cet intervalle comprend notamment la naissance d'Hyppolite Bellangé en 1804. Cette première échelle est suivie de très près par l'intervalle 1775-1800 (35,4%), qui inclut par exemple la naissance d'Eugène Delacroix en 1798. Ensuite l'intervalle des naissances entre 1750 et 1775 comprend 11% des effectifs des artistes de la collection du colonel de La Combe. Les artistes nés avant 1700 représentent 10% des effectifs, tandis que ceux nés après 1815 ne représentent que 1,8% de l'effectif total. Ces pourcentages confirment ainsi que le colonel de La Combe collectionne principalement les oeuvres des artistes de sa génération, comme Charlet. Le colonel de La Combe semble s'intéresser particulièrement aux artistes de l'école française (tab. 2). Pour la seule collection de peintures et de dessins, 193 oeuvres proviennent de l'école française sur les 214 répertoriés. Ainsi, les oeuvres françaises représentent près de 90% de l'effectif total. Elles sont suivies de très loin par les oeuvres des écoles flamandes 169 Inventaire après décès de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit, f29. 170 PETIT, Francis, op. cit, p. 2. 49 (6,54%), puis italiennes (1,4%), anglaises (0,9%) et allemande (0,46%) qui toutes pièces anciennes. Faute d'informations biographiques, il reste toutefois un artiste - Ulrich - qui ne rentre dans aucune école. De surcroît, cette répartition des artistes dans des écoles n'est pas forcément facile à définir, en conséquence des parcours personnels et des transferts artistiques. Pour exemple Michalowsky est d'origine polonaise mais s'est formé en France dans l'atelier de Charlet, avant de revenir en Pologne produire la majorité de son oeuvre. Nous avons néanmoins décidé de l'inscrire dans l'école française en connaissance de sa formation dans l'atelier de Charlet. De surcroît, il a manifestement réalisé en France les oeuvres conservées dans la collection de La Combe. Au vu de ces résultats, il semble que les oeuvres des écoles étrangères soient des oeuvres anciennes, tandis que les oeuvres de l'école françaises soient presque exclusivement des pièces réalisées par des artistes vivants. Sur l'ensemble des artistes français de la collection de La Combe, Charlet est à l'évidence l'artiste le plus représenté (tab. 3). En effet, le colonel de La Combe possède l'oeuvre lithographique complet de Charlet, tandis qu'il ne conserve de certains artistes comme Narcisse Virgile Diaz de la Peña (1807-1876), seulement quelques estampes. Charlet est aussi pour la collection de peintures et de dessins l'artiste le plus présent. La Combe conserve 71 tableaux et dessins de son ami, à l'instar du Donneur d'eau bénite (fig. 13) aujourd'hui conservé au musée des Beaux-Arts de Lille depuis son legs par Mme Rouze-Desoblains en 1909171. Charlet est suivi des ses élèves Canon et Lalaisse. Ensuite, le colonel de La Combe ne possède que quelques oeuvres de chaque artiste, à l'instar de Louis Boulanger (1806-1867) dont il conserve une aquarelle intitulée La chasse à l'ours. La collection du colonel de La Combe est composée principalement d'estampes. En prenant pour support le catalogue de vente, nous avons déduit que 78% des lots mis en vente en 1863 sont des estampes, contre 22% de tableaux et d'oeuvres sur papier. Faute de temps et au vu d'un corpus trop important, nous n'avons pas fait de distinction entre les différentes techniques d'estampes, comme les eaux-fortes, les lithographies ou encore les aquatintes. De surcroît, il n'aurait pas forcément été opportun de réaliser cette distinction, puisque le colonel de La Combe semble s'intéresser majoritairement à la lithographie plus qu'à toutes autres techniques d'estampes. Nous pouvons observer également une grande disproportion entre le nombre d'oeuvres sur papier et de tableaux (tab. 4). Sur les 214 oeuvres peintes et dessinées, La 171 Base Joconde, http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde fr consulté le 24/05/2016. 50 Combe ne possède que 39 tableaux (18,2%), alors qu'il détient au moins 175 oeuvres sur papier, qui représentent 81,7 % de cette partie de la collection. Le coût plus important des tableaux et leur accrochage explique sans doute qu'ils soient moins nombreux dans la collection du colonel de La Combe. Les oeuvres sur papier comprennent diverses techniques (tab. 5) dont le colonel de La Combe semble privilégier les techniques humides à l'instar de l'aquarelle et de la plume. Les techniques humiques représentent 67% de la collection d'oeuvres sur papier contre 33% de techniques sèches. Les aquarelles sont les oeuvres sur papier les plus collectionnées par le colonel de La Combe. Il en possède 98, ce qui représente 56% des oeuvres dessinées de cette collection. Il possède aussi une collection importante de sépias, qui représente 34% des oeuvres sur papier. Il détient par exemple des sépias illustrant l'Histoire de Faust de Delacroix172, une sépia représentant des Membres de chevaux Géricault173, ou encore représentant des Chevaux de halage de Lalaisse174. Il semble aussi porter de l'intérêt aux dessins à la plume, dont il possède une Étude de tête de David175, ou encore une série de croquis par Charlet et Canon. Le catalogue de vente permet aussi d'appréhender les oeuvres par les courtes descriptions qui y sont proposées, bien qu'une partie considérable des objets n'ait pas été retrouvée. Nous avons donc essayé de comprendre les goûts du colonel de La Combe en nous efforçant de quantifier l'ensemble des genres des tableaux et des dessins. Pour cela, nous avons réalisé un tableau dans lequel les différents genres sont recensés (tab. 6) : historique, religieux, portrait, genre, paysage, animalier, nature-morte. Nous avons aussi ajouté une cellule pour les oeuvres dont les sujets ne peuvent être définis, comme les Divers croquis de Charles Le Courtois176. Il semblerait que La Combe porte un intérêt particulier aux scènes de genre. Elles représenteraient 45% de la collection de peintures et d'oeuvres sur papier. Néanmoins, il faut émettre quelques réserves quant au résultat de ce tableau. Il pose des questions de classification en catégorie. Il est en effet bien difficile à partir de certains titres de définir le genre auxquels les oeuvres appartiennent, à l'instar du Vieux amateur de Canon177, qui peut appartenir soit au genre du portait, soit à la peinture de genre si le personnage est placé dans une scène. Pour notre part, 172 PETIT, Francis et alii, op. cit., p. 19-20. 173 Ibid., p. 20. 174 Ibid., p. 22-24. 175 Ibid., p. 3. 176 Ibid., p. 24. 177 Ibid., p. 10. 51 nous avons décidé de l'inscrire dans la seconde proposition. Il semblerait ensuite que le colonel de La Combe collectionne suivant cet ordre : les paysages (10,8%), les représentations militaires (10,7%), les portraits (9,4%), les scènes religieuses (5,6%), les scènes historiques (5,1%) et les représentations animalières (5,1%). En ce sens, ce collectionneur semble suivre la production contemporaine, qui se tourne davantage vers les représentations de genre que les grandes compositions historiques qui ont marqué la Révolution puis l'Empire. Le catalogue de vente ne mentionne aucune sculpture alors que le colonel de La Combe possède quatre bronzes de Mêne, l'un des grands sculpteurs animaliers de la seconde moitié du XIXe siècle. Ces statuettes représentent une biche couchée (fig. 14), deux levrettes, une jument et un poulain, ainsi qu'un groupe de plusieurs gibiers178. Ces pièces sont alors très à la mode et sont tirées en de nombreux exemplaires à l'instar des estampes. Les éditions à petits tirages et les premières épreuves d'un moule sont à l'évidence de meilleure qualité que celle fondue avec un moule usé. Les exemplaires de la collection du colonel de La Combe sont à l'évidence des premières épreuves, comme peut le faire penser le témoignage de Philippe Burty : « Mêne lui envoyait ses plus jolis bronzes et les signait au burin : Au colonel de La Combe Mêne son élève »179. Au travers des données sérielles référencées dans notre base de données, nous avons pu étudier la collection du colonel de La Combe dans sa globalité et de manière quantitative. Ainsi, nous avons pu mettre en lumière certains aspects caractéristiques de cette collection, à commencer par le nombre important d'oeuvres d'artistes de l'école française. Si dorénavant, les goûts du colonel de La Combe nous sont plus familiers, il serait intéressant de connaître sa façon d'habiter pour appréhender sa relation avec sa collection. B. Organisation, agencement et sens de la collection dans la demeure du colonel de La Combe. Consistant en l'acquisition de nouveaux objets, le collectionnisme est aussi une activité de perpétuel classement qui se déroule en la demeure du collectionneur. Bien que privée, la maison est le cadre privilégié de l'amateur pour y exposer sa collection. À l'évidence l'accrochage ne tient pas du hasard, puisqu'il distingue les parties publiques des parties privées 178 Inventaire après décès de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op.cit. f 7. 179 BURTY, Phlippe, « Préface », in PETIT, Francis, op. cit., p. VIII-IX. 52 de la maison. Dans ce sens le collectionneur adapte l'accrochage des oeuvres en fonction des pièces de la maison. Nous nous intéresserons dans cette partie à la vie du colonel de La Combe dans son intérieur, et plus particulièrement à l'organisation de sa collection dans les différentes pièces de la maison. Nous pourrons de cette manière proposer un sens à l'accrochage et à la répartition des oeuvres dans sa demeure. Pour ce faire, nous nous appuierons sur l'inventaire après décès, qui se présente comme la source la plus révélatrice de l'intimité de ce collectionneur. La maison des La Combe semble correspondre au statut social de ses habitants. Bien située dans la ville, cette demeure est un cadre agréable pour abriter la collection du colonel de La Combe. En effet, La Combe ne semble pas manquer de place pour exposer son importante collection. Outre les pièces réservées aux domestiques, au service et à l'hygiène ; le cellier, la cuisine, les deux chambres de la mansarde, la cave, et le cabinet de toilette ; la demeure du colonel de La Combe se prête aisément à la mise en scène de sa collection. Une première partie de sa collection est exposée dans les pièces de sociabilité, qui sont de toute évidence particulièrement adaptées à recevoir une collection d'oeuvres d'art. Le salon et la salle à manger sont en effet des pièces de réception pour le colonel de La Combe. C'est dans ce cadre bourgeois qu'il reçoit ses convives. Le salon est meublé de onze fauteuils, sièges et méridiennes, ainsi que de guéridons et tables de milieu, qui permettent de réunir une petite assemblée. Cet ensemble apparaît néanmoins hétéroclite, puisqu'il mêle les styles et les époques. Un fauteuil de forme gothique côtoie un fauteuil Voltaire ou une chaise gondole caractéristique du style Empire. Quant à la salle à manger, tout semble être organisé autour de la table en acajou et des huit chaises en palissandre. Dans son salon, La Combe présente dix tableaux, dont une majeure partie de sa collection de peinture ancienne. Les tableaux anciens s'appréhendent finalement comme des éléments conventionnels d'un intérieur bourgeois ou aristocratique. Si le foyer des La Combe est socialement composite Ð Mathilde de Mons d'Orbigny est à l'évidence héritière d'une famille nobiliaire plus ancienne Ð il semble que les traditions de représentation soient préservées et qu'elles côtoient des pratiques plus bourgeoises. Ce sont essentiellement des tableaux de genre qui sont exposés dans le salon. Nous y retrouvons en effet des représentations de joueurs de cartes, ou de scènes de pêche180. Ainsi, La 180 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f27. 53 Combe propose à ses visiteurs des représentations plaisantes, qui s'inscrivent dans la tradition picturale des XVIIe siècles français et flamand. Il semble ainsi témoigner d'un goût relativement bourgeois. Outre les deux paysages de Loutherbourg et Balthazar Paul Ommeganck (17551826), La Combe présente également trois oeuvres de Charlet181. Il est le seul artiste du XIXe siècle dont les oeuvres soient accrochées dans cette pièce. De Charlet, le colonel de La Combe expose une scène de genre ; Les brigands espagnols, une représentation militaire ; La marche des cuirassiers, et un portrait, Napoléon Ier à cheval (fig. 7). Au travers de ces trois oeuvres, La Combe semble résumer la carrière de l'artiste. L'atmosphère bourgeoise du salon est renforcée par la présence des statuettes de Mêne, très appréciées pour leur qualité décorative182. Enfin, le salon paraît abriter une collection de porcelaine de Saxe, de Sèvres et de Chine183. Aucun document ne fait référence à cette collection de porcelaine hormis l'inventaire après décès (ann. 1.2.2). Peut-être est-elle la propriété et le loisir de l'épouse du colonel de La Combe ? Nous ne pouvons pas le confirmer. Cela étant, la famille de La Combe a pu fréquenter Charles Gabriel Roux, propriétaire demeurant au 15, place de l'Archevêché (ann. 3.1), et collectionneur important de céramique à Tours ainsi qu'avocat de Victor Christophe Le Blanc de La Combe pour la succession de ses parents. L'intérêt pour la céramique de ce membre de la société archéologique de Touraine184, nous est fourni par le mémoire d'Anne Peltier, qui relate la vente de cette collection à Tours, le 31 mars 1869185. Pour ses visiteurs les plus intimes, le colonel de La Combe met à disposition une chambre d'amis. Cette pièce qui se trouve à l'ouest de la maison dispose d'un mobilier relativement simple. En effet, l'estimation totale du mobilier de cette pièce est de 459 francs. Il semble que le colonel de La Combe et son épouse n'exposent pas au hasard les oeuvres accrochées dans cette pièce. À l'exception d'une collection de dix médaillons représentants des Césars et deux tableaux d'histoires de l'école d'Antoine Coypel (1661-1722) figurant pour l'un la charité romaine et pour l'autre Arria et Paetus, l'ensemble des oeuvres illustrent des sujets religieux : le jugement de Salomon, les trois croix, un supplice, un portrait de la Vierge, et saint Georges terrassant le dragon, ce dernier traité en émaux limousins par l'un des artistes de la dynastie des 181 Ibid., f 27. 182 Ibid., f 7. 183 Ibid., f 7-9. 184 Mémoire de la société archéologique de Touraine, t. VII, 1855, p. 6. 185 PELTIER, Anne, op. cit., p. 52. 54 Laudin186. Il est probable que les hôtes au travers de cette réunion d'objets d'art cherchent à mettre en scène leur hospitalité. Les deux tableaux d'histoire renforcent de surcroît le caractère édifiant de l'ensemble. Si la représentation du suicide d'Arria sauvant son époux Paestus est un symbole de courage, la Charité romaine est aussi une illustration d'une scène exemplaire de l'antiquité. Elle est relatée par Pline l'Ancien (23-79) ou encore Valère Maxime. Emprisonné, Cimon, le père de Péro, est condamné à mourir de faim. Néanmoins, il reçoit la visite de sa fille, qui pour l'empêcher de mourir le nourrit de son sein. Sous la forme d'une métaphore, le colonel de La Combe illustre son hospitalité. Il emploie donc à dessein sa collection pour signifier à ses convives les fonctions des pièces publiques de sa demeure. Les pièces accueillant les visiteurs comportent finalement un nombre assez limité d'oeuvres d'art en comparaison des pièces privées. Ainsi, La Combe semble réserver sa collection aux pièces de la maison qui lui sont les plus personnelles. Sa chambre et son cabinet abritent en effet près de 97% de la collection187. Ce chiffre exceptionnellement élevé est donné par l'inventaire après décès (ann. 1.2.2). Le colonel de La Combe conserve dans sa chambre la totalité de sa collection d'estampes et de lithographies. Néanmoins, pour des raisons évidentes de place et de conservation, ces oeuvres ne sont pas encadrées, ni même exposées d'une quelconque manière. Les gravures sont rangées dans des portefeuilles et des cartons contenant jusqu'à 94 estampes188. La chambre semble aussi être la pièce réservée à la collection d'oeuvres sur papier. Malgré les problèmes de conservation qu'entraine une exposition des dessins à la lumière, il semble que ces derniers soient plutôt accrochés que déposés dans des portefeuilles. Effectivement, Me Lebaron, le notaire de la succession, signale l'ouverture de meubles, quand des dessins y sont conservés. En conservant ses estampes et ses dessins dans sa chambre, le colonel de La Combe présente des analogies avec les collectionneurs tourangeaux de la fin du XVIIIe siècle, qui réunissent également dans leurs chambres et cabinets leurs collections d'arts graphiques189. Les collectionneurs semblent plus proches de leurs estampes qu'ils ne le sont de leurs tableaux. 186 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 29-30. 187 Ce pourcentage a été obtenu par l'addition de toutes les oeuvres se trouvant dans le salon et la chambre d'amis (28), que nous avons divisé par 1007, le numéro du dernier lot d'oeuvres d'art de la vente de la collection de La Combe. 188 Inventaire après décès de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 32. 189 DIDELOT, Emmanuelle, Les petites heures d'un marché de l'art dans une ville de province à la fin du XVIIIe siècle : vendeurs d'objets de collection, amateurs d'art et collectionneurs à Tours sous le règne de Louis XVI : 55 Dans ces pièces plus intimes, le colonel de La Combe confronte les époques et particulièrement dans son cabinet de travail, où il partage à part égale les tableaux anciens et contemporains. Cette pièce comporte en effet quatorze tableaux, dont sept oeuvres anciennes et sept contemporaines. Il expose uniquement dans cette pièce des oeuvres de genre et des scènes religieuses, à l'instar de La tentation de Saint-Antoine de Juhel190, dont Charlet semblait apprécier particulièrement la composition191. Le colonel de La Combe réunit principalement dans sa chambre des tableaux de genres, qui sont pour la plupart des oeuvres de Charlet. Onze oeuvres sur les trente conservées dans cette pièce sont effectivement de l'artiste. Se présentant comme la pièce la plus intime de la maison, la chambre est évidemment destinée à accueillir les oeuvres de Charlet, qui arborent un registre plus populaires. Manifestement, elles n'ont pas la même portée symbolique que les oeuvres anciennes exposée dans le salon, ou les tableaux d'histoires accrochés dans la chambre d'amis. C'est à l'évidence pour des questions de convenance que La Combe réserve à sa chambre les tableaux de Charlet. Manifestement le colonel de La Combe adapte l'accrochage de sa collection à la destination des pièces de sa maison. Dans les pièces de sociabilité, hormis le Portrait de Napoléon à cheval (fig.7) par Charlet avec lequel il paraît évoquer son affection à l'Empereur, il fond dans un décor bourgeois des oeuvres de genre et de paysage, qui n'ont que peu de valeur symbolique si ce n'est être agréable à ses visiteurs. Il présente alors un goût conventionnel en rapport avec son entourage tourangeau et son statut de notable. La Combe n'affiche finalement aucune prédilection pour une esthétique particulière dans ces pièces de représentation. Néanmoins, il semble adapter l'accrochage de ses oeuvres en fonction des pièces de la maison. Il présente en effet dans la chambre d'amis, qu'il destine à ses visiteurs les plus intimes, des oeuvres à sujets religieux et historique illustrant son caractère vertueux et son hospitalité. Le colonel de La Combe réserve presque entièrement sa collection à sa chambre et son cabinet, ce qui fait dire à Philippe Burty que « l'un des charmes de ce cabinet, c'était qu'au-dessus du carton qui renfermait l'oeuvre gravé à l'eau-forte ou lithographié d'un maître, était accroché au mur quelqu'une de ses peintures ou quelqu'un de ses dessins »192. Conservant l'essentiel de sa 1774-1792, mémoire de master, sous la direction de France Nerlich, Université François-Rabelais de Tours, 2007, p. 120. 190 Inventaire après décès des biens de Joseph-Félix Le Blanc de La Combe, op. cit., f 28. 191 LE BLANC DE LA COMBE, Joseph-Félix, op. cit., p. 30. 192 BURTY, Philippe, op. cit, p. X-XI. 56 collection de tableaux et de dessins et la totalité de sa collection d'estampes dans ces deux pièces, le colonel de La Combe semble apprécier l'intimité d'un cabinet d'amateur dans lequel il se réverse le droit de classer, ranger et accrocher les oeuvres qui composent son micro musée de l'art vivant. |
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