à‰tude diagnostic des causes structurelles et conjoncturelles de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition dans les ménages du Batha-Est, Département de la région Batha, Tchad, Afrique centrale( Télécharger le fichier original )par Yvon GUERRIER SupAgro - Master 3A (Agronomie Agroalimentaire) 2011 |
I.- Le menu ordinaireLes plats sont consommés dans toutes les communautés. En voici la liste par ordre d'importance :
Les ménages consomment le fonio blanc (Digitaria exilis) dans toutes les catégories socio-économiques. Par contre, l'espèce n'est pas cultivée. Certains broussards récoltent les graines à partir de la végétation spontanée pour la vente sur les marchés départementaux. Le fonio est surtout disponible au cours de la période de Ruchach à début Kharif. II.- Le menu occasionnelLe riz, la farine de maïs, le lait en poudre ne sont que rarement consommés chez les ménages les plus aisés. A part quelques rares exceptions au niveau des ménages relativement aisés des milieux ruraux, le pain est consommé seulement au niveau de la ville d'Oum-Hadjer. III.- Le menu de luxePour recevoir un étranger de marque, le chef de ménage peut demander de servir soit :
Fig. 44 : Boule de céréale + Sauce de gombo et viande séchés, mai 2011 à Kouka Fig. 45 : Les dattes et Eau+ Galettes de mil, juillet 2011 à Missérié Adjadjiré 52 ? Les boissons En ce qui concerne les boissons, on a rencontré par ordre d'importance :
Certaines boissons de l'industrie agroalimentaire (jus de mangue, de goyave, de cerise, de pomme, de corossol, d'ananas, etc.) provenant du Soudan et de de la Lybie ont été vues dans certaines boutiques du centre-ville. D'après les commerçants, en général ce sont les expatriés, les cadres d'ONG venant d'autres pays africains ou de Ndjamena qui consomment ces produits en quantité. ? Les fruits et les légumes Certaines cultures maraichères sont produites dans à proximité (dans un rayon de 100 mètres max) de la rivière Batha. Les grandes zones de production sont : Oum-Hadjer, Assafick et Assartini. Bien que dans des conditions très difficiles, une gamme de produits est cultivée (carotte, aubergine, pomme de terre, échalote, gombo, tomate, etc.). Par contre, dans l'assiette des ménages de ces communautés productrices, on n'a généralement rencontré que le gombo séché, et parfois la tomate séchée comme légumes dans les sauces. Les fruits rencontrés sont particulièrement, la pastèque, le melon, la mangue, le citron, les dattes, la pomme (provenant de N'Djamena en période de Ramadan). Les pommes sont importées de N'Djamena mais en général, elles viennent d'Afrique du Sud. Et, la plus grande partie (environ 75%) de la production maraîchère est vendue sur le marché publique de la ville d'Oum-Hadjer à des passants sur l'axe principale de la route qui mène vers Abéché, Ati ou N'Djamena. Le graphe suivant présente la tendance de consommation annuelle des ménages du Batha-Est pour les différents types de produits susmentionnés. 100% 40% 90% 80% 70% 60% 50% 30% 20% 10% 0% Boule à midi et Thé AM et PM 44,36 32,84 13,85 3,66 8,95 Fig. 46 : Tendance de la consommation selon le mode de vie des ménages en % Thé toute la journée 28,95 23,68 31,58 15,79 12,82 Boule et/ou 41,39 42,12 Lait AM, Boule-Midi et Thé PM 31,08 21,62 29,73 17,57 Lait et fruits et 50,00 50,00 0,00
0,00 3,03 Lait AM et PM, Boule à Midi 57,58 21,21 18,18 Nomades Transhumants Sédentaires Broussards 53 Le mil pénicillaire et les sorghos, constituent la base de l'alimentation des ménages du Batha-Est. Les nomades et les broussards sont ceux qui consomment beaucoup plus le lait. Les broussards qui ne peuvent pas pratiquer l'exorde saisonnier, les sédentaires (Tchoulie et des Beytarab mal construits), les transhumants et nomades moins aisés sont ceux en général qui consomment le plus souvent le thé (seulement) à longueur de journée en période difficile (Seyf, Ruchach, Kharif, soit du mois de mars à fin août). Le graphe suivant présente la tendance de la consommation des différents produits avec les saisons pour toutes catégories confondues de ménages. Darat (septembre et octobre) Chité (Novembre à février) Ruchach (fin mai et juin) Kharif (juillet et août) Seyf (Mars à mai) Boule à midi et Thé AM et PM Thé toute la journée Boule et/ou Boullie 2 fois/Jour Lait AM, Boule-Midi et Thé PM Lait et fruits et certains sauvages toute la journée Lait AM et PM, Boule à Midi Fig. 47 : Mode de consommation des ménages selon la saison en % 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 49,2 61,8 62,2 64,50 73,7 4,2 1,5 3,1 21,4 4,20 1,5 23,3 24,4 20,99 14,1 22,9 10,7 6,87 0,003,44 8,0 8,0 0,02,7 0,42,3 0,02,3 0,41,9 De Darat à chité (après la récolte), les ménages consomment plus de céréales (au moins deux fois par jour). Cependant, quand ils commencent à se rapprocher de Seyf, le thé commence à prendre plus de place dans leurs menus. Le tableau suivant présente la fréquence de consommation des ménages pour les différents groupes de produits. Viandes et Poissons Frais Céréales et Tubercules Produits laitiers Légumineuses Condiments Légumes Fig. 48: Fréquence de consommation des différents groupes de produits par les ménages pendant les 7 derniers jours avant l'enquête en % (Juin à août 2011) Sucres Fruits Huile 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 1 0 5 7 5 10 1 2 3 18 3 11 6 5 8 6 8 8 13 16 10 8 7 65 68 10 8 16 11 20 88 90 21 19 9 5 60 7 18 54 8 14 7 37 4 27 14 2 13 5 1 3 2 3 3 5 3 01 2 1 3 3 2 0 2 0 2 0 0 fois / semaine 1 fois / semaine 2 fois / semaine 3 fois / semaine 4 fois / semaine 5 fois / semaine 6 fois / semaine 7 fois / semaine Les groupes de produits consommés en plus grande proportion durant les sept (7) derniers jours qui précèdent les enquêtes par ordre d'importance ont été notamment : le sucre (60%), les huiles (54%), les céréales (37%), les condiments (27%). Par contre,
les produits les moins consommés par ordre En résumé, dans le contexte des natifs du Batha-Est, « un ménage qui pour une journée ou une période n'arrive pas à consommer du mil ou du sorgho dans les communautés du Batha-Est, est un ménage très vulnérable ». Ces céréales occupent la première place dans le système alimentaire du Batha-Est. 54 Nombre de repas par jour : 62% Fig. 49 : Nombre de repas par jour selon la possibilité alimentaire des ménages en % 3% 35% 1 repas/jour 2 repas/jour 3 repas/jour La question du nombre de repas par jour peut prêter à confusion. Car dans le contexte du Batha-Est, le thé est considéré à lui seul comme un repas pour une grande proportion de ménages enquêtés. Dans ce cas, nous avons considéré seulement les repas consistants pour présenter le graphe ci-contre. Le nombre des repas reste stable toute l'année pour les ménages plus aisés (2 à 3 fois par jour), mais varie avec les saisons pour les autres. En général, même les ménages mendiants arrivent à manger deux (2) fois par jour en Darat (après la récolte). Ils ne produisent pas céréales mais la solidarité intracommunautaire, et l'esprit de magnanimité qui anime beaucoup de chef de ménages, même en cas de mauvaise récolte, leur permettent de bénéficier de certains dons. 55 ? Techniques de transformation et conservation locales de certains aliments Pour prolonger la disponibilité de certaines denrées, certains ménages producteurs et/ou commerçants procèdent au séchage de certains produits. C'est ainsi qu'on a les types de transformation suivants :
La mangue est présente en grande quantité pendant une très courte période (avril à juillet). Les pertes post-cueillettes sont très élevées sur le marché d'Oum-Hadjer centre particulièrement en période d'abondance. Et, les exploitants ne connaissent aucune méthode de transformation capable d'augmenter la disponibilité de ce produit sur le marché. 2.9.- Historique de la famine dans le Batha-est Les données récoltées dans la conduite d'une enquête historique montrent que de 1900 à 2011, le département a connu plus d'une dizaine (10) de famines très sévères. Les habitants donnent toujours un nom à chaque crise de famine, pour caractériser et exprimer le degré de sévérité de l'événement. Le graphe suivant illustre les différentes famines qu'ont connues les habitants d'Oum-Hadjer au cours de la période allant de 1913 à 1985. 1913 4 2 5 5 4 17 6 10 19 Amsadour Al Faraï Mandougna Almi Khettaye Aldabah I Aldabah II Amzaï Tounaye Aldabah III Ammountal Années de famine Ecart interannuel apparition de nouvelle Famines 917 1919 1924 1929 1933 1950 1956 1966 1985 Fig. 50 : Les plus grandes famines d'Oum-Hadjer de 1913 à 1985 (Données Enquêtes historiques) En annexe R se trouve un tableau qui donne des équivalences françaises des différents noms donnés à ces famines. Ainsi, nous pouvons subdiviser l'histoire de la famine dans le Batha-Est en deux (02) grandes périodes. De 1913 et 1929, la période de retour des famines était toujours = 5 ans. Après 1929 jusqu'à 1985, la période de retour se situe entre 6 et 19 ans. L'analyse croisée des informations permet de constater que, les périodes de famine correspondent en général : soit à l'apparition massive de criquets rampants, soit à de longues périodes de sécheresse (2 à 3 années successives), soit à l'apparition de certaines épizooties, et qui en général coïncident avec des situations d'instabilité sociopolitique. Aussi, on a pu constater que, quand les populations humaines se trouvent face à des situations difficiles pour leur alimentation, en général les animaux ne sont pas épargnés. Parfois, ces derniers se trouvent face à des situations plus critiques. Car, les excédents de résidus de récoltes (chaumes, feuilles de mil et sorgho) généralement séchés et gardés en stock (sur des arbres proches, ou le toit des résidences) pour le bétail ne sont plus disponibles. Il importe donc de traiter un aspect particulier de la question, à savoir comment évolue l'habitude alimentaire des ménages. 2.10.- Disponibilité et accessibilité en eau, un double dilemme Dans le Batha-Est, la question de l'eau représente un enjeu majeur. D'une part, vue la faiblesse et la mauvaise répartition de la pluviométrie qui n'atteignent que rarement 600 mm par année, les populations humaines et animales sont souvent frappées par des périodes de sécheresse. Une situation qui a très souvent des retombées négatives sur les économies et stratégies alimentaires des ménages. 56 Les précipitations se concentrent sur une courte période, soit de fin-juin à mi-septembre en général. Elles sont en général très agressives, et entravent le déplacement des populations à plus de 65% de l'espace départemental à cause des routes qui se dégradent. Les routes sont souvent coupées par les ouadi et/ou le passage du fleuve Batha quand il est en cru. Les cantons comme : Assafick, Haraze Djombo Kibit, D.H.O.K, Sédami-Ourel, Koundjar, Assartini, Missérié Adjadjiré deviennent plus enclavés, à cause de leur situation par rapport au Batha ou à des ouadi très importants, et parce qu'ils subissent de l'inondation. A mesure qu'un ménage s'éloigne du Batha, son approvisionnement en eau pendant l'année devient plus faible. Pour se ravitailler en eau, les ménages peuvent :
Les approvisionnements en eau à partir des mares, des ouadi et du fleuve Batha, représentent un réservoir potentiel de germes pathogènes pour l'homme particulièrement. Car, non seulement l'eau est exposé à tous types de microorganismes, mais aussi, les animaux utilisent les mêmes points d'eau que les hommes. ? Infrastructure hydraulique et couverture des besoins en eau Selon les derniers chiffres de la Direction de la Connaissance du Domaine Hydraulique (DCDH), le département dispose de 13 Forage PMH (Pompe à Motricité Humaine) et de 12 bornes fontaines. La potentialité limite des PMH ne peut permettre de desservir que 5.200 individus, et ceux desservis en AEP (Approvisionnement en Eau Potable) ne représentent que 4.800 individus. Donc, sur la base des données démographiques du RGPH 2009, le taux de desserte de la population du Batha-Est en eau ne représente que moins de 5% (DCDH, 2010). En conséquence, le taux de déserte du Batha-Est est le plus faible de la région. Car, celui de Batha-Ouest est de 29% et celui de Fitri 22%. Les données récoltées à partir des enquêtes permettent de présenter le graphique ci-dessous traduisant : le niveau de fréquentation des différents points de ravitaillement en eau par les ménages selon la saison. Fig. 51 : Niveau de fréquentation des points de
ravitaillement en eau potable pour les
70,00 60,00 50,00 40,00 30,00 20,00 10,00 Fleuve Batha Mares Ouadi Puits Traditionnels Puits à Pompe Electrique 0,00 Chité (Novembre & Février) Seyf (Mars & 1er m-mai) Ruchach (mi-mai & juin) Kharif (Juillet & Août) Darat (Septembre & Octobre) La période où la disponibilité en eau est quantitativement meilleure se situe en général entre fin Ruchach mi-Darat. En ce sens, la période difficile commence à partir de fin Chité, pour prendre son ampleur critique durant toute la saison de Seyf, et parfois jusqu'à mi-Ruchach. En Seyf, toutes les mares, les ouadis sont taris. Au cours de cette période, les chefs traditionnels, les sous-préfets, les juges en général s'arrangent pour faciliter une médiation en lien à la gestion sociale de l'eau. Bien qu'en quantité faible, certains points du fleuve (dans Oum-Hadjer, Assafick, Assartini notamment) contiennent encore de l'eau au cours du Seyf. Au niveau d'Assinet (Missérié Adjadjire, Koundjar, Sédami particulièrement), d'Am-Sack (canton Zioud particulièrement), et de Haraze Djombo (Ratatine), au cours de la saison Seyf, ces sous-préfectures sont obligées de mobiliser un poste 24/24 heures et 7/7 jours (parfois) des militaires pour éviter des dérapages. 65% des cas de conflits répertoriés se font entre éleveurs (nomades/transhumants) et populations locales (ménages : usage domestiques) au cours de l'utilisation de l'eau des puits (PMH). 25% des conflits sont en lien avec des problèmes de droit d'usage mal-définis ou non-définis (par les ancêtres) entre des éleveurs (héritiers et cohéritiers), et 10% à des réclamations de droits de propriétés. ? Eau et la santé dans le Batha-Est Dans les sous-préfectures du Batha-Est, la question de l'eau ne se pose pas seulement en termes d'insuffisance, de régularité et d'accessibilité, mais en termes de qualité et d'hygiène qui représente un grand défi, et qui mettent en jeu la vie de toute une population. Fig. 53 : Approvisionnement en eau en plein fleuve Batha, creusage à moins d'un mètre de la surface - Environnement pollué, Oum-Hadjer centre, Juin 2011 Fig. 55 : Cadavre d'équin tombé en putréfaction à moins d'un mètre là où des ménages riverains et certains animaux se ravitaillent à partir de ce flaque d'eau à ciel ouvert / fleuve Batha - zone maraichage d'Assartini, Juin 2011 57 Fig. 52 : Couleur de l'eau de boisson consommée par chez
un Fig. 54 : Structure et environnement d'un puits traditionnel, Canton Mesmedjé Mai 2011 D'après le MCD (Médecin Chef de District) du Batha-Est, plus de 70% des cas de maladies diagnostiquées à l'hôpital central et dans les centres de santé du département sont en rapport avec de mauvaises conditions d'hygiène de vie, et/ou avec la mauvaise qualité de l'eau consommée par les ménages (boisson, usages de toilettes corporelles, etc.). Et, malheureusement pour le moment, aucune donnée n'existe en termes d'analyses de dureté, de propriétés organoleptiques, de microbiologie sur les points d'eau du Batha-Est. Les prises de vue suivantes peuvent mieux parler de la problématique (Disponibilité, Accessibilité, Conflictualité, Qualité) de l'eau dans le Batha-Est : 58 Par ailleurs, toutes les résidences (ménages) du Batha-Est ne possèdent pas de latrines. Sur 90 ménages visités de façon aléatoire au niveau des différentes collectivités, seulement 30% possèdent des latrines (individuelles et collectives confondues). Et en général ces latrines n'ont pas de couvertures, donc exposées à ciel ouvert. Un autre aspect assez délicat, est que quand on trouve un ménage qui possède un puits dans sa résidence, les latrines se situent généralement à moins de quinze (15) mètres du puits traditionnel. Alors que les sols ont une texture plutôt grossière. Cela constitue donc une menace très élevée de contamination de ces eaux par des coliformes totaux, des bactéries E. coli, des bactéries entérocoques. La présence de ces indicateurs microbiologiques de contamination peut-être source de gastro-entérite12. Selon la même source, la majorité des microorganismes pathogènes (virus, bactéries ou protozoaires pouvant causer des maladies) susceptibles de se trouver dans l'eau proviennent de déjections humaines ou animales. Et, la transmission peut se faire aussi par voie alimentaire. 2.11.- Malnutrition et hygiène alimentaire ? Perception des ménages sur la définition de la malnutrition La perception des ménages du Batha-est de la malnutrition est quasi-identique à celle qu'ils ont de l'insécurité alimentaire. D'après eux, la principale cause est encore le manque de céréales (mil/sorgho) en quantité suffisante au cours d'une période. La seule différence que l'on note est qu'ils ont plutôt tendance à assimiler seulement la malnutrition aux enfants ; les adultes n'étant pas concernés. Ainsi, ils ne font aucune allusion à la diversification, ni à l'équilibre de leur régime alimentaire. Seuls 15% des enquêtés ont fait référence à ces termes ; parmi lesquels 83% sont des urbains (Oum-Hadjer centre) et 17% sont des ruraux qui ont un certain niveau d'éducation classique et/ou ont été sensibilisés dans le cadre du projet CRT/CRF. ? Services de santé publique et malnutrition Selon les nouvelles lois sur les collectivités territoriales, le Batha-est est un département. Par contre sur le plan sanitaire, il est considéré comme un district de la région du Batha. Le district est géré par un MCD (Médecin Chef de District). On y trouve un hôpital sous-équipé (Communication personnelle du MCD, août 2011) à Oum-Hadjer, et quatorze (14) centres de santé (CDS) repartis au niveau de certains cantons. Selon les acteurs de santé du département (Cadre projet CRT/CRF, MCD, RCS13 notamment), la malnutrition n'est pas seulement un problème lié à la situation économique des ménages. En effet, bon nombre de ménages considérés comme aisés sur le plan financier ne sont pas également épargnés par la situation. Dans ce cas précis, la malnutrition n'est pas liée à une insuffisance quantitative en aliments (céréales), mais plutôt à une alimentation non équilibrée et/ou inadaptée. D'après le MCD, les pathologies en lien avec la malnutrition les plus fréquentes dans les différents CDS sont : la diarrhée, la dysenterie, les infections respiratoires, les infections cutanées/dermatoses, des toux. Notons que selon le protocole de prise en charge de la malnutrition, élaboré en mars 2011 entre le ministère de la santé publique du Tchad et ses principaux partenaires internationaux (OMS, PAM notamment), ces maladies font parties des complications médicales à rechercher dans la phase de dépistage de la malnutrition. Le graphique suivant présente l'évolution de ces pathologies de 2008 à 2010 sur l'ensemble du Batha-est. 12 La gastro-entérite est la maladie la plus fréquente associée à l'ingestion d'eau contaminée par des matières fécales. Bien que cette maladie soit souvent bénigne, elle peut parfois avoir des conséquences très graves sur la santé. D'autres maladies plus rares comme les hépatites ou les méningites peuvent aussi être provoquées par l'ingestion d'eau contaminée. Ce risque concerne non seulement les membres d'une famille qui consomment l'eau d'un puits, mais aussi tous leurs visiteurs ( http://www.mddep.gouv.qc.ca/eau/potable/depliant/index.htm). 13 RCS : Responsables des Centre de Santé (CDS) 1500 1000 500 0 1000 Diarrhée Dissenterie Toux > 15 Jours IA VRI IA Grave VRI Infections cutanées/ Dermatoses Fig. 56: Evolution interannuelle des pathologies les plus courantes en lien à l'hygiène de vie et la malnutrition (Source données, Service statistique Hopital Oum-Hadjer - août 2011) 841 1158 319 439 244 Année 2008 Année 2009 Année 2010 82 148 76 610 636 1329 64 149 32 718 752 756 En 2010, le taux d'incidence était très élevé pour ces pathologies. A priori, les données pour le premier semestre de 2011 devraient surpasser largement celles de 2010 (Communication personnelle MCD, août 2011). Aussi, il admet que les statistiques des CDS sont largement inférieures aux réalités de terrain, du fait qu'en cas de maladies tous les ménages n'accordent pas forcément la priorité à une consultation des CDS. Parallèlement, il existe dans le département, des marabouts et des féticheurs qui proposent des formes de traitements par des procédés traditionnels et/ou surnaturels. Il reste à s'interroger sur le niveau d'efficacité de ces prestations des féticheurs/marabouts qui est un autre débat. ? Comportement des ménages du Batha-est face aux préoccupations de santé Plusieurs facteurs jouent sur le comportement que peut afficher un ménage du Batha-est au cas où un membre tombe malade. En voici les principaux :
Le graphe suivant est construit à partir des informations collectées auprès des ménages enquêtés, afin d'illustrer l'option prioritaire ou unique adoptée, au cas où un membre tombe malade : 100% 40% 90% 80% 70% 60% 50% 30% 20% 10% 0% Fig. 57 : Tendance de priorisation des services de consultations des ménages en cas de maladie d'un membre en % Pourcentage Ménages concernés 27,88 35,18 19,56 17,37 Centre de santé en 1er Marabou/Féticheur en 1er Centre de santé seulement Marabou/Féticheur seulement 59 60 Les ménages qui consultent seulement les marabouts14/féticheurs15 sont plus nombreux (35,18%) que ceux (27,88%) qui consultent seulement les centres de santé. Tenant compte du caractère de mobilité de certains ménages, le graphe suivant illustre la tendance de choix pour les différents groupes. 100% 40% 90% 80% 70% 60% 50% 30% 20% 10% 0% Broussards Sédentaires Transhumants Nomades Fig. 58 : Priorisation des options de consulations selon la catégorie en pourcentage (%) de ménages 31,34 20,39 13,48 13,89 24,31 30,56 36,52 17,91 37,65 40,30 35,19 29,57 17,65 20,43 20,37 10,45 Centre de santé en 1er Marabou en 1er Centre de santé seulement Marabou seulement Il ressort que les broussards et les nomades sont ceux qui optent le plus pour les services des féticheurs/marabouts. Par contre, les sédentaires villageois sont ceux qui priorisent un peu plus le choix des services de santé classiques existant dans les communautés. En voici les principales raisons évoquées par les ménages pour justifier leurs choix :
? Réponse CRT/CRF et autres opérateurs face à la malnutrition Etant donné que la délégation départementale de la Croix Rouge du Tchad (CRT) et le service de santé publique locale ne disposent pas des capacités techniques et humaines pour faire face à la situation, la CRT a sollicité l'appui de la CRF. En ce sens, depuis avril 2010, la CRF a mis en oeuvre un projet intitulé : « Prise en charge de la malnutrition aiguë globale et dispensation de soins de santé primaire dans la région Batha ». Ce projet a pris fin le 31 octobre 2010. Vu la bonne performance de cette phase pilote, la CRF a pu bénéficier d'un autre financement d'ECHO pour la continuité de l'action. Cela a 14 Marabout dans le Batha-est : Personne connue pour ses pouvoirs de guérisseur et, qui servie une petite mosquée 15 Féticheur dans le Batha-est : Personne capable d'utiliser des pouvoirs magiques pour effectuer des choses maléfiques et/ou bénéfiques, parfois adeptes de l'animisme 61 permis la mise en oeuvre du projet intitulé « Prise en charge de la malnutrition aigüe globale et renforcement des structures de santé au Tchad ». Ce projet intervient particulièrement dans huit (08) CDS dans le Batha-est : Oum-Hadjer Nord, Oum-Hadjer Sud, Adjob, Assinet, Assafik, Amsak, Djeziré Tama, Amdjoufour. ? Relation CRF / UNICEF La CRF a travaillé en partenariat avec l'Unicef, la collaboration s'est traduite par : - La mise à disposition d'intrants, de matériels anthropométriques, - Des formations et des supervisions communes. Exemples : la formation des volontaires aux mesures anthropométriques, à la sensibilisation, au suivi à domicile et de nombreuses supervisions formatives ; L'UNICEF s'est engagé également à soutenir la CRF par des approvisionnements d'autres intrants (savons, moustiquaires, boites à images, kit CPN, kit d'accouchement sécurisé), afin de faciliter la réalisation des volets suivants de la Stratégie Accélérée pour la Survie et le Développement de l'Enfant (SASDE) : nutrition, santé, eau/hygiène / assainissement et communication pour le développement (volet sensibilisation). ? Relation CRF / PAM La CRF travaille en partenariat avec le PAM. Ce dernier, fourni les vivres (du CSB : aliment composé: Cereals - Soybeans, du sucre, et de l'huile) pour la prise en charge de la malnutrition modérée des enfants de moins de cinq (5) ans ainsi que pour les femmes enceintes et allaitantes malnutries. Les accompagnants des enfants pris en charge au CNT reçoivent également une ration alimentaire durant toute la durée de l'hospitalisation. ? Centre nutritionnel thérapeutique (CNT) La CRF en partenariat avec l'UNICEF et le PAM ont appuyé l'ouverture d'un Centre Nutritionnel Thérapeutique (CNT) à l'hôpital de district (Oum-Hadjer centre). Le CNT sert de centre de référence et de stabilisation nutritionnelle pour des cas de malnutrition sévère avec complications provenant de 12 centres nutritionnels ambulatoires (CNA) fonctionnels dans les zones de responsabilité du district sanitaire. La prise de vue suivante présente une mère et son enfant qui reçoivent des produits dans le cadre du projet CRT/CRF : Fig. 59 : Distribution de plumpydoz/plumpy doz aux
mères d'enfants malnutris supervisé un
Assistant-Nutrition 62 Etant donné que l'accès des véhicules à certains cantons (CDS éloignés du centre-ville : CNA et CNS) devient quasi-impossible en période de pluies, pour anticiper ces situations défavorables, la CRF pré-positionne les aliments thérapeutiques et les médicaments prêts à l'emploi dans les sites avant l'hivernage. ? Cadre opérationnel - critères d'admission et de sortie Pour établir les critères d'admission et les formalités de prise en charge complète des malnutris, la CRF mobilise le protocole (MSP/OMS, 2011) défini par le ministère de la santé publique du Tchad, qui est une version adaptée et/ou harmonisée du référentiel de l'OMS. En général, les enfants dont le rapport poids/taille est inférieur à -3 écart-type (70%) de la médiane de la référence NCHS/OMS, ou qui présentent des oedèmes, doivent être admis au centre de récupération nutritionnelle. La sortie intervient d'ordinaire lorsque le rapport poids/taille de l'enfant est d'au moins -2 écart-type ou 80% (de préférence - 1,5 écart-type ou 85%) de la médiane de la référence NCHS (National Center for Health Statistics : OMS)) à deux (2) pesées consécutives, à une semaine d'intervalle. Dans certains cas, la circonférence de la partie supérieure du bras sert de critère d'admission. Le schéma suivant résume le fonctionnement du système de prise en charge (du dépistage positif à la sortie post-traitement, selon une approche intégrée) : Fig. 60 : Schémas du système de prise en charge de la malnutrition - Projet CRF/CRT Batha-Est Ce schémas est illustré suite aux discussions avec le staff de terrain de la CRF (en particulier avec le coordonnateur Emmanuel Foromo KALIVOGI, le médecin Chana Badé SAKOU, et le nutritionniste François MORISHO), chargé de suivi et le MCD. Le graphe suivant présente l'évolution des statistiques du processus de prise en charge par le projet CRF. Fig. 61 : Tendance évolution malnutrition
infantile Batha-Est - Efforts du Projet CRF/CRT
63 Pour l'instant, vu que le niveau de fréquentation des CDS est inférieur au nombre réel de malnutris du département, le taux de couverture reste méconnu. Dans ce cas, il est difficile de faire une évaluation pointue de la situation. Le tableau suivant compare certains résultats obtenus dans le projet, comparés aux seuils fixés par l'OMS pour certains indicateurs déterminants : Tab. 10 : Certains indicateurs de performance - Projet prise en charge de la malnutrition CRF/CRT Batha-Est
Alors, on peut admettre que la prise en charge liée au projet CRT/CRF accuse une très grande performance (efficience et efficacité) dans sa globalité. Les OP, les chefs de collectivité, les notables, les leaders, et les femmes particulièrement n'ont pas caché leurs contentements pour les bienfaits de ce projet. Car, selon ces personnes, avant l'arrivée de ce projet, les enfants mourraient en grand nombre dans les communautés, et les CDS par manque de moyens (intellectuels, matériels, financiers) étaient dépassés. Toutefois, aucune statistique n'est disponible sur le nombre d'enfants décédés dans les communautés avant les interventions du projet CRT/CRF. ? Cas d'abandon et de rechute Des cas d'abandon ont été relevés seulement au niveau du CNA. Selon le staff technique du projet, les abandons peuvent être expliqués principalement par : - Un manque de patience de certaines mères accompagnantes, - Un éloignement de la résidence de certains ménages par rapport à leur structure de prise en charge, - Des difficultés pour certains ménages à accéder à leur CDS en période pluvieuse, quand le fleuve Batha est en cru, - Des accompagnantes qui priorisent à certaines périodes d'autres activités économiques indispensables à la prise en charge de son ménage (activités économiques, travaux de champs selon la saison). Dans ce cas, le malnutris est négligé, Par ailleurs, les techniciens du projet ont recensé des cas de rechute au niveau de certaines communautés. Les individus concernés sont notamment des enfants malnutris qui ont été déjà pris en charge dans un centre de traitement. Mais, quelles sont les principales causes de cette rechute ? Face aux déficits céréaliers très courant dans les ménages du Batha-est, pour tenter de couvrir les besoins alimentaires pour lesquels les récoltes ne permettent pas d'apporter une réponse, la mère est très souvent celle qui entreprend des initiatives économiques non-agricoles. Etant donné que la situation l'oblige à abandonner ces activités pendant la période d'accompagnement du malnutri au niveau de la structure d'accueil, alors, ces ménages se retrouvent dans des situations de vulnérabilité alimentaire encore plus difficile qu'avant (la survie du ménage est compromise). Aussi, le fait que certains ménages habitent des communautés très éloignées par rapport aux structures de prises en charge, cela impacte négativement sur leur niveau de fréquentation des CDS, et cela conduit très souvent à des situations de rechute plus redoutable (selon les techniciens de terrain). Malheureusement, pour l'instant, aucun chiffre n'est disponible sur le taux de rechute afin d'évaluer au moins sommairement l'importance de la situation. ? Hygiène alimentaire publique Le Tchad fait partie des pays signataires des déclarations de principes relatives au Codex Alimentarius (FAO/OMS), lesquelles préconisent l'application de mesures pour garantir la sécurité sanitaire et la qualité des aliments par le renforcement des systèmes nationaux de contrôle alimentaire. En ce sens, le 64 contrôle alimentaire désigne: « ...une activité officielle obligatoire de la réglementation qui incombe aux autorités nationales ou locales, chargées d'assurer la protection du consommateur et de veiller à la sécurité sanitaire, à l'intégrité et à l'adaptation à la consommation humaine de tous les aliments, au cours des stades de production, manutention, entreposage, transformation et distribution; les autorités doivent également veiller à la conformité des denrées alimentaires de sécurité sanitaire et de qualité, ainsi qu'à l'honnêteté et à l'exactitude de l'étiquetage (le cas échéant) ». Pourtant dans le Batha-est, la situation est dramatique non seulement au niveau des ménages, mais aussi au niveau des marchés publics où il n'existe : - pas de service effectif de supervision et de contrôle d'hygiène, - pas de bloc sanitaire (latrines) dans les marchés publics, - pas de service régulier de collecte et gestion de déchets, - aucune application de mesures publiques visant à inciter les marchands détaillants particulièrement à éviter l'exposition des produis délicats (produits prêts à consommer : sucre, pate d'arachide, pain, repas de rues, eau de boissons, lait, etc.) aux vents poussiéreux (très souvent violents) remplis de particules de déchets de toute sorte (animaux, humains, ménagers, etc.) ; Avec le niveau d'insalubrité (odeurs, déchets solides et liquides) constaté dans les marchés publics particulièrement, on peut avancer que le milieu est propice à une très bonne évolution de toute sorte de germes pathogènes. Donc, le risque de faire face à des cas de toxi-infection alimentaire est très élevé. D'ailleurs, les pratiques de défécations dans des endroits inappropriées sont très courantes au niveau des collectivités du département. Alors, il n'existe pas un ancrage culturel de certaines pratiques d'hygiène alimentaire de base. Et, ce comportement est souvent à l'origine de situations pathologiques graves, a rapporté le MCD. 65 Chapitre III : Stratégie des ménages face à l'insécurité alimentaire 3.1.- Typologie des ménages Sur la base de l'ensemble des caractéristiques présentées précédemment, les critères les plus discriminants pour effectuer cette typologie sont notamment :
Aussi, vu l'importance des activités agricoles dans le contexte du Batha-Est, nous avons jugé bon de mettre l'emphase sur les termes pasteurs et céréaliers. Mais, la base de l'analyse reste « système d'activités ». La rubrique suivante présente les différents types : 66 Tab. 11 : Typologie socio-économique des ménages du Batha-Est Moyens Grands concession ; la cuisine est aménagée en Tchoulie de bon état physique, situé en général au centre du village ou de la ville ;
Catégorie
67 Suite 1 du Tab. 10 (Typologie socio-économique des ménages du Batha-Est)
3.2.- Croisement des scores alimentaires avec les types de ménages Les valeurs des scores alimentaires des ménages étudiés ont été calculées, et reportées sur une échelle dont la valeur maximale possible est 112. Les fréquences de consommation de chaque groupe d'aliments ont été pondérées, puis le Score de Consommation Alimentaire (SCA) a été déterminé pour chaque ménage. Le graphe suivant présente les trois classes de Scores de Consommation Alimentaires du Batha-Est. Fig. 62 : Répartition des scores alimentaires des ménages en % 40,46 24,81 34,73 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Consommation Alimentaire Acceptable: 45,6=SCA<71,1 Consommation Alimentaire Limite: 28,5=SCA<42,6 Consommation Alimentaire Pauvre: 9,5=SCA<28,5 Pourcentages de Ménages Inclus 63 Le graphe suivant présente la distribution des scores de la consommation alimentaire des ménages enquêtés : 40 80 70 60 50 30 20 10 0 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59 61 63 65 67 69 71 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 101103105107109111113115117119121123125127129131133135137139141143145147149151153155157159161163165167169171173175177179181183185187189191193195197199201203205207209211213215217219221223225227229231233235237239241243245247249251253255257259261 Fig. 63 : Graphique de la tendance de distribution scores alimentaires des ménages Hauteur Max ligne de Consommation Alimentaire Pauvre (28,5) Hauteur Max ligne de consommation Alimentaire Limite (42,5) Hauteur Max Consommation Alimentaire Acceptable Max Ménages Batha-Est SCA L'observation du nuage de points et l'analyse des données représentatives montrent que plus des 2/3 de la population étudiée a une alimentation insuffisante, pauvre et limitée. Le reste des ménages enquêtés (moins de 25%), atteint à peine un score acceptable. Le seuil d'acceptabilité idéale des scores peut atteindre jusqu'à 112, alors que pour le Batha-Est, le score maximum obtenu sur 262 ménages étudiés ne dépasse pas 71, soit un écart de -41. En outre, la majorité des ménages qui atteint un score acceptable ne se situe pas très loin de la ligne de la consommation alimentaire limite. 3.3.- Croisement entre : typologie, systèmes d'activités et scores alimentaires L'analyse croisée des résultats précédents montrent une grande corrélation entre le SCA et le système d'activité du ménage. Le tableau suivant présente une tendance de la répartition des scores alimentaires selon le système d'activités des ménages : Tab. 12 : Scores alimentaires, systèmes d'activités et typologie des ménages
64 En effet, on constate que les ménages qui ont les déficits et pauvreté nutritionnels les plus élevés sont majoritairement ceux qui combinent dans leur système d'activités la culture céréalière et l'artisanat. Ceux qui pratiquent seulement la culture céréalière sont les plus vulnérables de tous, particulièrement les moyens et les petits céréaliers. Les agropasteurs (moyens et petits) ont en général une alimentation à la fois pauvre et limitée. Dans l'ensemble, on estime que les moyens agropasteurs auraient un niveau de résilience comparable à celui des grands céréaliers. Aussi, le même cas de figure s'est présenté entre un petit agropasteur et un moyen céréalier. Donc, le fait pour un ménage, de pratiquer l'élevage en plus de ses activités culturales, élargi sa marge de manoeuvre par rapport à un autre qui est simple céréalier. Les analyses permettent de dire qu' : « un broussard qui arrive à mieux s'intégrer dans le système économique de la ville d'Oum-Hadjer aurait un niveau de résilience presque comparable à un moyen ou un petit agropasteur ». Certains grands éleveurs, agropasteurs et céréaliers ne sont pas non plus épargnés par cette forme de pauvreté. Ce qui permet d'avancer que la pauvreté nutritionnelle n'est pas seulement liée à une question de moyens financiers et à celle du niveau d'économie (réserves) alimentaire du ménage. Donc, nous estimons avoir assez d'évidence statistique et logique pour avancer que le manque de formation des ménages en matière de nutrition humaine a un poids significatif sur le niveau d'insécurité alimentaire des habitants. Enfin, il n'existe pas assez d'évidence statistique pour assimiler les meilleurs scores alimentaires à une catégorie spécifique de ménage. Cependant, on a remarqué que le SCA de plus de 65% des ménages maraichers se trouve autour du seuil d'acceptabilité. 3.4.- Situation du Batha-Est par rapport aux classes d'insécurité alimentaire de la FAO L'analyse croisée des résultats a permis de faire une classification similaire à celle de la FAO présentée sur le Tchad (Cf. Rubrique 1.6.- chapitre 1 : Partie méthodologie). En effet :
3.5.- Perception de l'insécurité alimentaire par les ménages Dans la conduite des enquêtes, on a tenté une discussion avec les ménages autour de leurs perceptions sur la famine. Ils ont répondus presqu'à l'unanimité que le manque de mil/sorghos dans les ménages pendant une grande partie de l'année représente à leurs yeux l'insécurité alimentaire. Pour compléter leur réponse, ils ont évoqué les raisons suivantes :
65
3.6.- Stratégies d'adaptation des ménages face à l'insécurité alimentaire 3.6.1.- Qui sont les ménages les plus vulnérables ? Les ménages les plus affectés par les chocs sont par ordre de vulnérabilité décroissante :
66
3.6.2.- Stratégies des ménages Pour essayer de survivre, les ménages ont développé deux types de stratégie : des stratégies de groupe (collectives) et des stratégies individuelles. Stratégie collective : à l'intérieur des villages, certains agriculteurs qui ne disposent pas assez de ressources pour exploiter des champs individuels, font des arrangements pour assembler leurs ressources (énergies, intrants, outils), afin de cultiver des champs ou d'organiser de petits commerces collectifs ; ainsi sont créés certains groupements. Par ailleurs, des groupements fictifs (opportunistes) sont aussi créés. Ces derniers, ne sont ni fonctionnels, ni opérationnels. Mais, ils se mettent toujours en l'attente d'une ONG qui pourrait intervenir d'un moment à l'autre dans la zone, afin de se présenter en tant que représentants légitimes des autres communautés et trouver des aides. Stratégie individuelle : Les stratégies de groupe n'apportent que des solutions partielles, extrêmement limitées et temporaires. Selon la marge de manoeuvre d'un ménage il peut tenter l'une ou plusieurs des alternatives suivantes :
67 Fig. 64 : Des Dabanga à Djéziré-Tama ; Sous-préfectures Am-Sack, canton D.H.O.K, prise de vue, mai 2011. L'analyse des informations montrent que ces trois dernières années, plus de 55% de ménages n'ont plus recours aux stratégies d'assurance. Car très souvent pour faire face à des chocs, ils n'arrivent pas très souvent à préserver leurs avoirs productifs. Aussi, ils sont fort souvent obligés de diminuer leurs apports alimentaires. En conséquence, ces ménages exploitants n'ont pas d'autres choix que d'adopter des stratégies de crise. Les décisions entraînent très souvent des changements irréversibles tels qu'ils menacent les moyens d'existence futurs. Les ménages qui restent toujours en brousse, sans pouvoir se déplacer pour chercher des alternatives économiques à l'agriculture connaissent très souvent des situations de détresse. Au niveau des zones marginalisées comme Haraze-Djombo Kibit, les brousses des cantons Massalat, Amsak (Dop-Dop, Déziré Tama), Assinet (Koundjar, Missérié Adjadjire, Ourel), Mesmedje (Marie Thérèse, ...) plus de 80% des ménages enquêtés se trouvent en situation d'insécurité alimentaire cyclique. Ce sont en général de petits agriculteurs qui ont à peine suffisamment à manger immédiatement après la récolte (pas plus que 2 à 2,5 mois après la récolte). Ils éprouvent de grandes difficultés à attendre la récolte suivante, avec des marges de manoeuvre faibles, voire nulles. 68 Chapitre IV : Environnement institutionnel et insécurité alimentaire dans le Batha-Est 4.1.- Organisation du système alimentaire Pour pénétrer la réalité, il importe de présenter de manière succincte les principales composantes ainsi que le mode de fonctionnement du système alimentaire du Batha-Est. Ce système alimentaire fonctionne comme un grand ensemble de sept sources d'approvisionnement. Par ordre d'importance ces entrées concernent :
Selon les lois organiques du Tchad, ce système devrait-être appuyé au niveau départemental par un CDA (Comité Départemental d'Action) qui est un instrument de politique publique (une arène départementale) présidé par le préfet. Le CDA a pour rôle de relever les informations relatives à la situation du département, les analyser les transmettre et faire des propositions de réponses aux problèmes constatés. L'illustration suivante présente l'organisation du système alimentaire du Batha-est. Fig. 64 : Organisation du système alimentaire du Batha-Est Flux de matières (céréales : mil, sorgho et autres produits alimentaires) Interrelations et effets d'influence entre les instruments du système (ONASA, CDA, petit groupe de commerçants influents) Détournements de produits ONASA (par influence de certains acteurs départementaux) Face à l'incapacité du Batha-Est de répondre à la demande en céréales, on rencontre trois (3) grands groupes d'acteurs qui essaient d'apporter une réponse globale. On peut citer : 16 Am Timan est la huitième ville du Tchad. Elle est le chef-lieu de la région du Salamat et du département du Barh Azoum
69
? Opérateurs de développement (ONG et OI) Outre l'ONDR (Office Nationale de Développement Rural) qui représente le ministère de l'agriculture, le tableau suivant présente la liste des opérateurs et leurs domaines d'intervention. Tab. 13 : Les Opérateurs de Développement et l'insécurité alimentaire dans le Batha-Est Institution Rôle Domaine d'intervention Financement PAM (Plus d'une dizaine d'année, au besoin) Africare (depuis 2009) Appui de certaines OP (moins de 5%) Projet Evangélique de Développement Communautaire: PEDC (depuis les années 2000) ADRB: Association pour le Développement Régional de Batha (depuis 1994) ACTED: Agence d'Aide à la Coopération Technique et au Développement (depuis février 2011) FAO à travers ONDR Apports en semences de céréales pour certains paysans parfois Croix-Rouge Française (CRF) (depuis mars 2010) Appui à l'alimentation des populations en état d'insécurité alimentaire, Assure le lead des réunions des opérateurs, Appui à la CRT (Croix Rouge du Tchad) Appui aux Maraichers (moins de 8% des groupements existants), Appui à certains Groupements Agricoles via ONDR (moins de 5% des groupements existés), Appui à certains groupements (moins de 5% des groupements existants) Distribution d'aides alimentaires aux personnes nécessiteuses & Cantines scolaires Conseil et Vulgarisation Agricoles, Distribution de semences, Forage de puits Mercuriales : en utilisant les données produites par le secteur ONDR ; Prise en charge de la malnutrition, Appui aux soins de santé primaire Sécurité Alimentaire - Renforcement des capacités de la CRT Prise en charge de la Malnutrition, Alphabétisation, Sécurité alimentaire, Maraichage, Hydraulique Pastorale, Distribution de semences maraichères Formation & Vulgarisation Agricole Sécurité Alimentaire Accès à l'eau pour les femmes, HIMO: Cash for Work / Food For Work UE/ECHO, partenariat PAM/UNICEF SNU: Système des Nations Unies USAID, Etat Tchadien PEDC + Financements extérieurs Coopération Suisse, PAM, FAO UE FAO Selon un rapport du secteur ONDR du Batha-Est (Communication personnelle - non publiée, août 2011), la FAO a accordé cette année une aide de 641 sacs de 100 kg de céréales comme semences. La distribution a été faite à 6410 ménages, à raison de 10 kg par ménage. ? Préfecture du Batha-Est et l'ONASA En matière de sécurité alimentaire, il existe le PNSA (Programme National de Sécurité Alimentaire : projet d'Etat appuyé par certains partenaires internationaux) et l'ONASA (Office National de Sécurité Alimentaire) qui sont des organes d'Etat appuyés au niveau central par des partenaires internationaux. L'ONASA du Batha-Est dispose d'un stock de produits alimentaires de premières nécessités (mil, sorgho, farine, lait en poudre, huile de palme, riz). Sa mission est d'aider les plus vulnérables à survivre durant la soudure, et aussi de contribuer à faire baisser les prix sur les marchés locaux. Ces produits sont généralement subventionnés à hauteur de 50 à 60% par rapport aux prix ordinaires des neuf marchés du département (Cf. Illustration flux de matières, les rotations et l'ordre d'importance des différents marchés publics du Batha-Est, commerce du Batha-Est et les marchés extérieurs en Annexe S). Ces organes sont renforcés dans leur fonctionnement par des mesures de politiques publiques telles que la fixation de prix de produits alimentaires par décrets émanant de la préfecture d'Oum-Hadjer (Cf. en Annexe T, l'arrêté portant sur la fixation des prix des denrées par la préfecture du Batha-Est). La période de renouvellement de stock de l'ONASA s'étale généralement d'octobre à juin. Selon les 70 principes établis par la préfecture du Batha-Est, il est interdit de vendre à un commerçant les produits subventionnés pour la revente. ? Organe de contrôle & Système d'Information sur la sécurité alimentaire Selon le décret de l'arrêté No. 6020/PR/PM/MA/2004 du Ministère de l'Agriculture du Tchad portant sur la réorganisation du CASAGC (Comité d'Action pour la Sécurité Alimentaire et la Gestion des Crise : Cf. Décret en annexe U), il doit exister une structure déconcentrée capable de collecter, analyser, et transférer des informations de leur niveau vers la capitale (CASAGC). Ces structures sont les CLA (Comité Local d'Action) au niveau des sous-préfectures, les CDA (Comité Départemental d'Action) au niveau des départements, et les CRA (Comité Régional d'Action) au niveau des régions. Le préfet préside le CDA de son département. Dans le cas des CLA, la présidence est assurée par le sous-préfet. Dans les documents de politiques publiques, il est prévu que le CDA et les CLA bénéficient de l'appui technique des structures déconcentrées comme le Secteur de l'Elevage, et l'ONDR particulièrement. En 2008 la préfecture du Batha-Est a pris un arrêté (No. 010/RB/DBE/08 : Cf Annexe V ) portant sur la mise en place d'un CDA dans le Batha-Est. Selon le document, le CDA est constitué des services d'inspection des eaux et des forêts, du chef de secteur de l'élevage, du médecin chef de district, du responsable du centre social, d'un représentant des associations, du projet évangélique de développement communautaire, d'un représentant des cantons, d'un représentant du comité islamique, d'un représentant de l'église évangélique, d'un représentant de l'église catholique. Un schéma classique de ce système d'information est illustré en annexe W. ? Résultats des mesures publiques Fig 65: Ecarts entre prix fixés par décret préfecture Oum-Hadjer par rapport aux prix rééls sur le marché local de janvier à juin 2011 Béré-Béré sac 100 kilo Prix réél Béré-Béré sac 100 kilo Prix Fixe Mil pénicillaire sac 100 kilo Prix réél Mil pénicillaire sac 100 kilo Prix Fixe Sorgho sac 100 kilo Prix réél Sorgho sac 100 kilo Prix Fixe Niébé sac 100 kilo Prix réél Niébé sac 100 kilo Prix Fixe Janvier Février Mars Avril Mai Juin Prix en F CFA 25000 20000 15000 10000 5000 0 Le décret de la préfecture sur les prix a été publié en décembre 2010. Au cours du premier mois de son existence, les commerçants par mesure de précaution et de prudence (peur des autorités) ont appliqué les prix imposés. Deux mois après, les prix ont commencé à grimper. En effet, au départ les autorités ont imposé les prix par des mesures coercitives, mais après quelque mois, le marché s'est imposé. De plus, les mesures n'ont pas été accompagnées d'une structure de contrôle et de suivi. Alors que, le décret a été publié sans aucune forme de consultation des acteurs des différentes filières concernées. Les graphes suivants présentent l'évolution réelle des prix sur le marché dans la première moitié de 2011, par rapport aux prix de certains produits alimentaires stratégiques fixés par la préfecture. Prix en F CFA 45000 40000 35000 30000 25000 20000 15000 10000 5000 0 Fig. 66 : Ecarts entre prix fixés par décret préfecture Oum-Hadjer par rapport aux prix rééls sur le marché local de janvier à juin 2011 Janvier Février Mars Avril Mai Juin Maïs sac 100 kilo Prix réél Maïs sac 100 kilo Prix Fixe Sésame sac 100 kilo Prix réél Sésame sac 100 kilo Prix Fixe Arachide sac 100 kilo Prix réél Arachide sac 100 kilo Prix Fixe Riz local sac 100 kilo Prix réél 71 ? Faible capacité de réponse de l'ONASA La capacité de réponse de l'ONASA reste extrêmement faible. Le stock dont dispose l'ONASA ne peut pas lui permettre de pourvoir aux attentes minimales de 37% des ménages de la population, même pour un mois. Le magasin de stockage a une capacité de 1.000 tonnes, soit 10.000 sacs de 100 kg. Selon les données de terrain, un ménage de cinq personnes par exemple consomme en moyenne 1,5 coros par jour (consommation moyenne : 2 fois par jour). Un sac de 100 kg contient 40 Coros. Donc, un sac de denrées peut nourrir ce ménage type pour 26 jours en moyenne. Donc, la réserve de 1.000 tonnes ne peut nourrir que 10.000 ménages de 5 personnes en moyenne pendant 26 jours, ce qui correspond à moins de 1/3 des ménages de Batha-est. Car, le recensement RGPH 2009 rapporte que 37 500 ménages vivent dans le département. La période de convergence de soudure peut aller jusqu'à six mois. Le taux de ménages en difficulté alimentaire dépasse largement 65% de la population globale. ? Stratégies de l'ONASA et réalités de terrain La période de renouvellement de stock de l'ONASA s'étale généralement d'octobre à juin. A présent (juillet 2011), le magasin ne dispose que de 2 850 sacs de sorgho béré-béré. Alors que cette période correspond à l'arrivée des pluies agressives. La possibilité d'accès des camionneurs à l'unique magasin d'Oum-Hadjer centre pour son approvisionnement sera limitée. De plus, comme la période de vente subventionnée est prévue entre juin et septembre, les communautés les plus enclavées, les plus vulnérables, et qui devraient normalement faire partie des premiers groupes de bénéficiaires potentiels, étant coupées d'Oum-Hadjer centre par le passage de la rivière Batha, ne sont pas en général des bénéficiaires de la subvention. Selon les principes établis par la préfecture, il est interdit à l'ONASA (Batha-Est) de vendre à un commerçant les produits subventionnés. Alors qu'en général, les commerçants grossistes et détaillants achètent beaucoup plus cher (1,5 fois plus) leurs marchandises que les prix imposés. Selon les commerçants, ces mesures ne font que créer des tensions injustes, des frustrations, sans fondement logique et maladroites entre eux et les consommateurs. En résumé, l'échec de ces mesures publiques s'explique par le fait qu'elles ont été décidées et adoptées sans une consultation des groupements de producteurs, et principalement des grands et moyens commerçants du département. Alors que ces derniers bien que mal ou très peu organisés, constituent des maillons basiques et incontournables des filières stratégiques du département. Par ailleurs, le fait de fixer les prix des produits agricoles sans consulter les grands et moyens commerçants, provoque à la fois une frustration chez eux, et crée une sorte de découragement chez les grands producteurs. D'ailleurs, beaucoup de producteurs se trouvent dans un processus de décapitalisation. Pendant que le préfet fixait le prix des principales denrées, le coût des intrants (pesticides, médicaments pour le bétail, etc.), des équipements et des outils ne cessaient d'augmenter. 72 |
|