Chapitre 9 : (...) et parvenir à
l'équilibre.
L'équilibre des tiers-lieux dont il est question ici
peut être défini par la citation suivante : « Ces tiers-lieux
se sont inscrits, dès leur origine, dans les interstices des mondes de
l'art, entre lieu public et lieu privé, entre un lieu ouvert et
fermé, à travers des démarches qui portaient à la
fois une dimension politique - comme acteurs agissant pour la vie de la
cité - et artistique »266. Toute l'hybridité y
est mentionnée : entre le public et le privé, entre l'art et le
politique. Le tiers-lieu culturel est donc un lieu stratégique qui
touche l'ensemble de la « Cité ».
Les acteurs publics et les acteurs issus de la vie civile
peuvent donc s'entendre pour développer la culture et son
accès au plus grand nombre, grâce aux tiers-lieux culturels
équilibrés. Cela peut notamment éviter l'entre soi et une
institutionnalisation d'un lieu à fonctionnement entièrement
public. Ceci est visible par exemple au niveau du financement, comme à
La Quincaillerie qui est autonome dans la recherche de partenaires financiers.
Elle est chargée de faire de la veille afin d'obtenir des subventions
à hauteur de 80% ; les 20% restants sont issus de la Communauté
d'Agglomération porteuse du projet267.
Les projets de tiers-lieux culturels tendent ainsi à
réduire les distances entre les institutions publiques et les citoyens,
« en créant un modèle d'établissement proche et
ouvert, dont les communautés se sentent membres »268. Le
Medialab Prado parle de réduction de distance entre les producteurs de
contenu culturel et les récepteurs, mais aussi de réduction de
distance entre l'institution, la culture et le citoyen269. Le
rôle passif du visiteur est évoqué : c'est
dorénavant le but de la politique du Medialab Prado, ancien centre d'art
numérique, que de faire participer le visiteur-spectateur à la
création.
Désormais, la place des tiers-lieux culturels dans les
collectivités dépasse le simple marketing
territorial270, puisque les espaces hybrides ont une « place
centrale dans les politiques culturelles des villes européennes
»271. L'enjeu, s'adapter à la demande272
citoyenne et aux enjeux politiques, est tel que le tiers-lieu culturel semble
être le meilleur compromis équilibré. Savoir écouter
ce qui plaît est un enjeu politique qui participe à la
démocratie citoyenne. En effet, le tiers-lieu concilie l'aspect du lieu
de vie, qui donne à son tour le sentiment de convivialité, et
l'outil de territoire273. Par exemple, le Château
Ephémère organise régulièrement des after-works,
des moments conviviaux ouverts au
266 Dynamiques organisationnelles, modes de gestion et
institutionnalisation de différents tiers lieux culturels, N.
AUBOUIN
267 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
268 Laboratorios ciudadanos: espacios para la
innovación ciudadana [1] (traduction Espagnol/Français)
269 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA Propos recueillis par R.
BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
270 Partie 2
271 Ville et création artistique. Pour une autre
approche de la géographie culturelle, B. GRESILLON
272 Annexe 17 : entretien J. LECORBEILLER
273 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX
53
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
E. PESCHAUD
public, durant lesquels il est possible de visiter le site, de
se restaurer et d'apprécier un évènement
artistique274. De plus, les lieux tels que La Quincaillerie ou le
Château Ephémère autorisent la diffusion et
l'expérimentation. Ainsi, les résidents du Château
Ephémère sont sélectionnés par un comité
composé d'acteurs publics et privés ; on peut en conclure qu'un
consensus entre les différents jurés s'opère au moment des
délibérations.
L'accès à la culture relève de la
compétence des pouvoirs publics, mais est en quelque sorte ancrée
dans l'ADN des tiers-lieux275. Les tiers-lieux culturels, s'ils sont
construits dans l'idée d'un lieu ouvert à tous sans distinction,
inspirent la confiance propice à la démocratie culturelle,
plutôt qu'à la démocratisation culturelle susceptible de
rester une forme de culture sacralisée et sanctuarisée. Entrer en
contact avec une culture qui nous ressemble276 est un moyen de se
cultiver, et le tiers-lieu culturel semble être le meilleur moyen pour y
parvenir. Ainsi, le Medialab Prado, né d'une initiative publique au
début des années 2000 a décidé de mettre en avant
les termes de « laboratoires citoyens » et de bannir d'autres termes,
tels que « éducation », « culture » qui sont pour M.
GARCIA « trop marqués conceptuellement et institutionnellement
»277.
L'underground et l'upperground ont été
cités plus haut ; les tiers-lieux culturels peuvent maintenant
répondre à la logique du dit middleground, une notion
née du milieu économique et du management de
l'innovation278. Ce dernier peut avoir le rôle de «
transfert »279 de connaissances entre les deux autres. Le
middleground est lié à l'idée de la « ville
créative », à la relation qui peut exister entre le formel
et l'informel. Cette notion a été reprise par les
tiers-lieux280. Cependant, les acteurs des tiers-lieux culturels
évoqués ici ne semblent pas encore s'être saisis pleinement
de l'idée du middleground.
Les tiers-lieux culturels permettent la rencontre afin
d'augmenter la créativité de tous les acteurs (« c'est
mélanger l'économique, le social, le culturel
»281), et afin de diffuser des cultures.
Les tiers-lieux culturels équilibrés ne sont pas
des « externalisations de la fonction publique »282 mais
bien des lieux à part entière avec leurs missions qui leur sont
propres. On a ainsi relevé les cas du Château
Ephémère, de La Condition Publique, de La Quincaillerie, la
Médiathèque
274 Annexe 25 : after-work et visite guidée du
Château Ephémère par S. CAMPOS
275 Annexe 18 : entretien B. RIDOUX : « [...] l'accès
aux droits culturels sans le vouloir, c'est notre nature »
276 Annexe 17 : entretien J. LECORBEILLER
277 Supra 237
278 Annexe 16 : entretien R. BESSON
279 Underground, upperground et middle-ground : les
collectifs créatifs et la capacité créative de la
ville, L. SIMON
280 Supra 278
281 Supra 275
282 Le Medialab Prado de Madrid - Du centre culturel au
laboratoire citoyen, Entretien avec M. GARCIA Propos recueillis par R.
BESSON, traduction de S. MARCELLY FERNANDEZ
Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation
culturelle ?
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