Les tiers-lieux culturels, un outil pour la démocratisation culturelle ? Démarche comparative( Télécharger le fichier original )par Emeline PESCHAUD Université de Cergy-Pontoise - Master 2 Développement culturel et Valorisation des patrimoines 2017 |
Chapitre 3 : (...) en réponse à la paupérisation du champ culturel.Plusieurs exemples de tiers-lieux culturels ont été évoqués et mobilisés précédemment : La MYNE à Villeurbanne, le Café Boissec à Larbey et la Tabacalera à Madrid principalement. Ces trois exemples permettent de dégager des similitudes entre des tiers-lieux culturels considérés comme citoyens et de servir de points d'appui quant à la potentielle réponse à la paupérisation du champ culturel. Par paupérisation, on entend ici la baisse des soutiens publics en termes de financement et également la baisse des fréquentations du public des lieux culturels106. Le comparatif107 des lieux permet d'avoir un premier aperçu du croisement des caractéristiques des tiers lieux culturels citoyens : certaines se retrouvent dans l'ensemble des tiers lieux étudiés tandis que d'autres non. Chaque projet de tiers-lieu est unique, puisqu'il est né à un instant t, avec une communauté pré existante ou non, dans un pays X ou Y, avec des moyens qui diffèrent. Qu'en ressort-il ? La notion de « dimension sociale » peut ainsi être recoupée avec le critère « donner à faire au visiteur/au citoyen », qui définissent ensemble le tiers-lieu. Ce sont de véritables lieux de création/production et de diffusion en parallèle avec la volonté de devenir de véritables lieux de vie pour le territoire sur lequel le site est implanté. La volonté de démocratie culturelle est prégnante. Rappelons-le, chaque citoyen est spectateur mais est aussi intégré dans le processus de création, comme cela semble être surtout le cas à La Tabacalera. On veut faire de la culture avec chacun. Autre similitude : les tiers-lieux citoyens cités en exemple ici ne semblent pas appartenir à des réseaux de tiers-lieux. Les différences concernent davantage les activités : tous les lieux évoqués ne sont pas orientés vers le numérique, comme le Café Boissec, ou vers l'envie d'être un véritable outil pour le territoire, comme La MYNE. On remarque également que ces trois tiers-lieux ne possèdent pas de Fablab : on peut imaginer que cette technologie a un coût trop important pour de telles structures culturelles et que par conséquent le Café Boissec, La MYNE et La Tabacalera trouvent d'autres moyens pour produire, innover et expérimenter en incluant les citoyens. C'est une recherche de production culturelle, ou non, grâce à des moyens alternatifs. Ils pallient aux difficultés financières des structures culturelles citoyennes qui n'ont pas nécessairement d'argent à investir dans les technologies mais plutôt dans d'autres pôles, comme le développement de l'aspect convivial. Par ailleurs, cette recherche de financement n'est pas fixe, puisque le Café Boissec n'impose pas de prix prédéterminé pour une participation aux soirées organisées. 106 Partie 2 107 Annexe 28 : tableaux comparatifs de tiers-lieux culturels 22 Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation culturelle ? E. PESCHAUDL'analyse de ce comparatif nous permet, malgré le faible échantillon, de nous acheminer vers l'idée que chaque projet de tiers-lieu culturel est unique, que ces tiers-lieux culturels répondent véritablement à une problématique propre à la communauté d'usagers ainsi qu'à l'importance de l'ancrage territorial. On peut aussi évoquer la notion d'adaptabilité du lieu au contexte. Ainsi, la mise en place du Café Boissec est absolument différente en comparaison de la création de La Tabacalera. Le premier est implanté en zone rurale tandis que le second est en zone urbaine. Le Café Boissec souhaite redonner une dynamique à un territoire, tout en respectant les « traditions locales » tandis que la motivation de la création de La Tabacalera relève de l'aménagement du territoire suite à la faillite d'un précédent projet culturel soutenu à ce moment-là par la municipalité. De plus, ces deux tiers-lieux culturels ne se situent pas dans le même pays : des différences de cultures mais aussi de juridiction peuvent impacter la création de tels lieux. Les moyens mis à disposition, les flux de citoyens, les réseaux sont donc différents en fonction du degré d'urbanité dans lequel s'est implanté le projet de tiers-lieu culturel. Pour en revenir à la paupérisation du champ culturel, les tiers-lieux culturels peuvent mutualiser les ressources de chacun, notamment les connaissances et les savoirs comme c'est le cas à La MYNE ou à La Tabacalera. Comme le mentionne le rapport d'Y. PADILLA108, ces nouveaux territoires de l'expérimentation, notion présente dans chacun des cas d'étude de cette partie, permettent à la culture de s'exprimer ailleurs que dans les lieux prévus : « offrant des lieux de fabrication ponctuels, des espaces de diffusion et des modes de production inventifs ». Chaque tiers-lieu culturel citoyen semble posséder son propre modèle d'implantation et de développement, et par conséquent répondre aux besoins spécifiques de chaque communauté, chaque individu animant le tiers-lieu. Ces modèles de tiers-lieux culturels citoyens permettent également à tous les individus de s'exprimer et surtout d'avoir accès à la culture d'autres citoyens qui peuvent être des voisins ou de simples visiteurs de passage, puisqu'en plus de la création, la diffusion est l'une des activités communes (La Tabacalera et le Café Boissec). Les lieux culturels et le soutien aux projets culturels par les collectivités territoriales publiques subissent une sorte de retrait des pouvoirs publics, se traduisant par une réduction des subventions accordées ; le tiers-lieu culturel peut alors être qualifié de lieu alternatif. En effet, deux des trois lieux étudiés ne reçoivent pas de subventions publiques pour leur fonctionnement et leur investissement (La MYNE, le Café Boissec). Bien que dans la recherche aucun tiers-lieu culturel n'en ait fait l'objet, la paupérisation peut se contourner par le système du crowdfunding109. Ainsi, à La Roche-de-Rame (Hautes Alpes), l'association Les Croquignards a pour ambition de créer un « lieu culturel et social autogéré » en rénovant une bâtisse110. Si le projet aboutit 108 Pratiques artistiques en renouvellement, nouveaux lieux culturels, Y. PADILLA 109 « Le crowdfunding est un terme anglais pour désigner un « financement participatif ». Cela signifie qu'un grand nombre de personnes sont amenées à participer à l'élaboration, en termes économiques et financiers, d'un projet. » https://www.crowdlending.fr/le-crowdfunding-definition-reglementation-avantages-et-inconvenients/ 110 Création d'un lieu culturel et social autogéré. Par LES CROQUIGNARDS Les tiers-lieux culturels, outils de la démocratisation culturelle ? |
|