INTRODUCTION GÉNÉRALE
2
1-Presentation du sujet
Le but de ce travail est de mettre en évidence la
dynamique autour de la constitution et du déploiement du régiment
des tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) au
Kamerun1 dans le but de consolider le domaine colonial
français entre 1910 et 1918. Autrement dit, il s'agit de scruter
pourquoi et comment la France a levé, instruit, puis
déployé le RTS-T sur ce qui fut jadis le protectorat allemand au
Kamerun.
Cette thématique est en fait le résultat d'une
maturation d'idées qui entend questionner la genèse des
activités qui alimentent les débats au Tchad : celles des
multiples interventions militaires « tchadiennes » aux
côtés de la France dans le cadre des opérations dit de
« stabilisations » en Afrique2. C'est effectivement en
questionnant ces faits d'armes récents qui, contrastent par ailleurs
avec la situation économique précaire de ce pays que, nous sommes
parvenus à élaborer ce sujet qui s'inscrit dans le champ de
l'Histoire militaire.
Partant de là, il y'a matière à constater
que, la présence de la France au Centre de l'Afrique remonte à la
fin du XVIIIe siècle et au début du XIXème siècle
dans le cadre de l'expansion coloniale. Mais, celle-ci a dû faire face
aux royaumes et empires centre africains voire, aux autres puissances
européennes afin d'étendre son domaine coloniale3.
C'est dans cette mouvance qu'une fois l'entame de la « pacification »
du Sud et du Centre du territoire du Tchad amorcée en 1889,
l'administration coloniale française se mis alors à
échafauder d'ambitieux projets d'implantations et d'extensions dont la
constitution des forces supplétives locales était l'une des
trames4.
Nonobstant ce constat, force est de remarquer que, les
velléités expansionnistes ont été des
éléments catalyseurs de la mise en place du RTS-T. Cette
constitution d'une troupe d'infanterie coloniale revêtait un double
rôle à savoir : assurer d'une part la sécurité
interne du territoire et d'autre part doter la France d'un réservoir
important de soldats susceptibles d'être déployé hors du
territoire en cas de nécessité. Toutefois, on se rend compte que,
le rôle joué par les Africains et/ou la population du territoire
du Tchad dans ces tensions entre Européens fut souvent minoré ou
alors analysé à travers des clichés qui sont devenus au
fil du temps des
1 Nous employons l'appellation « Kamerun
» tout au long de ce travail pour désigner le territoire sous
domination allemande et Cameroun lorsqu'il passe sous contrôle
franco-britannique à partir de 1916.
2 En effet, on peut dans ce cas faire mention des
opérations franco-tchadiennes en 2013 au Mali dans le cadre de
l'opération Serval, et celles en République Centrafricaine en
2015.
3 G. Ousmane, 2010, « Le commerce
extérieur du Tchad de 1900 à 1960 », thèse de
Doctorat Phd en Histoire économique, Université de Strasbourg. p.
11.
4 Ce sont des arguments que soutiennent notamment
Marc Michel, L'appel à l'Afrique 1914-1918, Paris, Karthala,
2003. E. Largeau, 1912, La situation du territoire militaire du Tchad au
début de 1912, Paris, Comité de l'Afrique
française.
3
certitudes tant pour les hommes de l'époque que pour
ceux d'aujourd'hui. Or, il est intéressant de remarquer avec Jacques
Frémeaux que : «les Africains sont des hommes sujets, comme
tous les hommes, ayant marqué à leur façon la
destinée du monde et spécialement celle de leur
continent5».
Ce constat contraste par ailleurs avec la figure imagée
du tirailleur sénégalais dont le rôle lors du processus de
consolidation de l'empire colonial Français a longtemps
été dépeint du seul point de vu occidental. En
dépit de cela, il faut cependant reconnaitre que, la littérature
Ouest-africaine s'était déjà pencher sur l'étude
des tirailleurs sénégalais6. C'est en s'inscrivant
dans cet élan que, Léopold Sédar Senghor dans un recueil
de poèmes questionnait le devenir de ces derniers et leur rendait
hommage en affirmant notamment que : « Qui pourra vous chantez si ce
ne sont vos frères, vos frères de sang, vous tirailleurs
sénégalais, mes frères à la main chaudes,
couchés sous la glace de la mort7».
Ce faisant, ces propos de Senghor nous rappellent bien la
tâche qui attend l'historiographie africaine de façon
générale et tchadienne en particulier concernant l'étude
de « ses tirailleurs ». Conséquemment à tout ceci, loin
d'être exhaustive, la présente étude entend
s'intéresser aux facteurs ayant conduit à la création du
RTS-T, et de sa participation quant à la protection du domaine colonial
français notamment lors de son déploiement sur le territoire du
Kamerun et entend aussi questionner par ailleurs, la mémoire de ce
régiment.
C'est fort de ce qui précède, que nous avons
intitulé ce travail : « Le régiment des
tirailleurs sénégalais du Tchad (RTS-T) et la consolidation de
l'empire colonial français : de sa création et de son
déploiement au Kamerun (1910 et 1918) ».
2-Les raisons du choix du sujet.
Lors de la constitution des empires coloniaux en Afrique par
les puissances européennes entre la fin du XIXème siècle
et le début du XXème siècle, la mise en place puis
l'utilisation des tirailleurs sénégalais par la France ont
été déterminants dans la circonscription de son empire
africain. Fort de ce constat, il serait question ici de mettre en
lumière les motivations ayant conduit au choix de cette
thématique. Elles sont à la fois objectives et subjectives.
5 J. Frémeaux, 2006, Les colonies dans
la Grande Guerre. Combats et épreuves des peuples d'Outre-Mer,
Paris, Soteca-Edition. p. 170.
6 Nous pouvons notamment évoquer les travaux
de A. Sow, 2017, Les tirailleurs sénégalais se
racontent, Paris, l'Harmattan ; L. S. Senghor, 1948, Hostie noire,
Poème liminaire, Paris, Editions Le Seuil ; P. Ndiaye, 2008, «
Les soldats noirs de la République », L'Histoire, n°337,
décembre 2008 ; S. Sokha, 2008, Le contrôle des armes
à feu en Afrique occidentale française (1834-1958), Paris,
Karthala.
7 L. S. Senghor, 1948, p. 34.
4
S'agissant des motivations objectives, nous pouvons au
préalable mettre en avant le besoin de nous inscrire dans la
continuité des travaux de nos devanciers. En effet, s'il faille
réitérer que l'utilisation des tirailleurs
sénégalais par la France lui a permis de s'affirmer en Afrique,
ce constat a déjà attirer l'attention des chercheurs. Mais, il
faudrait également préciser qu'il y'a une rareté de
documents spécifiques à l'étude du RTS-T et à sa
mise à contribution dans ce sens. C'est donc ce vide historiographique
spécifique au RTS-T et de son déploiement au Kamerun lors de la
Première Guerre mondiale qui, a en premier motivé notre choix
;
Notre choix fut également influencé par la
volonté d'appréhender à travers des mobiles,
l'antériorité de la présence française sur le
territoire du Tchad avant le début de la Première Guerre mondiale
au Kamerun.
Enfin, la présence des casernes des Anciens Combattants
datant de la période coloniale dans les villes de N'Djaména
(ancien Fort-Lamy), Moundou et Sarh (ancien Fort-Archambault) sont autant de
facteurs qui ont animé notre désir de connaitre l'histoire des
hommes pour qui ont été construites ces casernes. In
fine, la dernière motivation réside dans le fait de vouloir
comprendre pourquoi le RTS-T a été le plus gros contingent des
quatre régiments d'Afrique Equatoriale Française
déployé lors de la PGM au Kamerun. Car, à notre sens cela
ne peut pas être anodin.
Quant aux motivations d'ordre subjectives, elles
découlent de trois observations que nous avons faites au Tchad et qui
questionnent de près ou de loin le RTS-T.
La première motivation est la présence au Tchad
de nombreuses bases militaires françaises (le plus grand nombre de toute
l'Afrique Centrale) ce qui laisse très souvent entendre que, depuis la
période coloniale le Tchad a servi de base arrière à
l'armée française8. Ceci dit, l'une des raisons de
cette recherche réside dans le fait de vouloir remonter à la
genèse de cette présence militaire française au Tchad.
La seconde motivation est liée à la
volonté de rendre hommage à ces anciens combattants de la guerre
de « 14-18 » qui, sont à notre sens les lointains acteurs des
« indépendances » africaines et tchadiennes en particulier.
C'est à partir de ces constats que nous avons décidé de
formuler un thème de Mémoire de Master axé sur le RTS-T
dont la finalité vise à construire un discours historique
cohérent tout en souhaitant apporter une contribution à
8 On peut à ce jour répertorier 9
bases militaires françaises sur l'ensemble du territoire du Tchad. Elles
sont présentes dans les villes de N'Djaména, Abécher,
Mongo, Adore, Wour, Mao, Ati, Am Timam, et Faya. Entretien avec Adams Oumar,
Moundou le 09-11-2021.
5
l'historiographie militaire tchadienne. A présent, il
est question de circonscrire l'espace d'étude et la fourchette
chronologique qui encadrent ce travail.
II-LE CADRE SPATIO-TEMPOREL
Les canons méthodologiques en Histoire exigent une
circonscription géographique et chronologique. Ainsi, il est question
ici de déterminer dans un premier temps l'espace d'étude ensuite,
fixer le temps d'étude.
1-Cadre géographique
Le cadre géographique permet à la fois de fixer
les limites du territoire étudié mais aussi les enjeux qui s'y
prêtent. Pour le compte de cette étude, il est question ici de
circonscrire le double cadre géographique de cette recherche : dans un
premier temps le territoire sur lequel a été mis en place le
RTS-T, ensuite, celui de son déploiement tout ceci en tenant compte du
contexte de tensions liées aux frontières.
a-Le territoire du Tchad
Il n'est pas évident de circonscrire avec exactitude le
territoire du Tchad entre 1910 et 1918 du fait des mutations
frontalières opérées dès 1911 et, de son extension
au sortir de la Grande Guerre.
Néanmoins, localisable au coeur du continent africain,
le territoire du Tchad est un espace qui a connu des mutations entre 1911 et
1918. En effet, en 1910, après onze années de colonisation
française, il s'étend sur 850.000 Km2 et est
divisé en 9 circonscriptions dont chacune d'elle dispose d'un contingent
de militaires à la fois métropolitains et locaux9. A
partir de 1911, il est amputé de toute la rive gauche du Logone au
profit du Kamerun (territoire sous domination allemande) soit un peu plus de
2.900 km2 ce qui le réduit à 847.100 km2.
Mais, après la PGM au Kamerun, il connait de nouveau une extension
à partir de 1916 suite au départ des Allemands du Kamerun ce qui
lui permet de retrouver sa superficie d'avant 1911. Cependant, il faut attendre
1919 avec le traité de Versailles pour que soit officiellement
9 C. Largeau, 1912, La situation du territoire
militaire du Tchad au début de 1912, Paris, Comité de
l'Afrique Française. p. 3.
6
rétrocédé les territoires autrefois
englobés par ce qu'on a appelé le Neu Kamerun ou le
grand Kamerun10.
Le territoire du Tchad a des frontières communes avec
un certain nombre de territoires colonisés qui appartenaient aux autres
puissances européennes (la Libye au Nord, territoire sous domination
italienne, le Nigeria occupé par les anglais, le Kamerun sous
joug allemand au Sud-Ouest, à l'Est le Soudan sous domination anglaise
mais, il fait frontière également avec les autres colonies
françaises à l'instar de l'Oubangui Chari et du Niger au
Sud11. Cette position stratégique lui permet à la fois
d'être un trait d'union entre l'Afrique du Nord, l'Afrique Occidentale et
l'Afrique Equatoriale. En outre, ce territoire est divisé en 3 grandes
zones qui subissent chacune des influences différentes.
Sa partie septentrionale, désertique, échappait
encore au contrôle de la France du fait de la présence de la
confrérie Sénousite12 et des Turcs hostiles par
ailleurs à la présence française13.
Au Centre, la zone est saharienne et abrite de nombreux
royaumes qui se sont mis sous protectorat français aux premières
heures de la colonisation à priori pour faire face à
Rabah. Ce fut notamment le cas du royaume du Baguirmi qui collabora
énormément avec les Français. Cette zone du territoire
reste donc en proie à de nombreuses convoitises dont la France avait du
mal a totalement pacifier. Toutefois, c'est dans ce Centre que la caserne
principale du RTS-T a été installée à Fort-Lamy
(actuel N'Djamena) en 1910. Cet acte traduisait aussi la volonté de la
France de contenir les menaces pouvant venir du Nord et du Kamerun au Sud.
Quant au Sud, c'est une zone totalement sous contrôle de
la France. C'est un véritable carrefour d'ethnies couvert par les
circonscriptions du Moyen Logone, du Moyen Chari et du Mayo-Kebbi14.
La population de cette zone s`élèverait à 1.632.394
habitants selon son administrateur le Victor Emmanuel Largeau15. Ces
arguments justifieraient la facilité avec laquelle la France leva un
nombre conséquent d'Hommes pour y bâtir l'ossature du RTS-T.
10 M. Assileck., 2012, « L'évolution
des frontières du Tchad », Maitrise en Histoire des Relations
Internationales, Université de N'Gaoundéré, pp.62-63.
11 D. Zakinet, 2015, « Des transhumants entre
alliances et conflits, les arabes du Batha (Tchad) 1965 - 2012 »,
thèse de Doctorat en Histoire économique, Aix Marseille
Université, p. 25.
12 C'est une confrérie musulmane qui serait
venue d'Orient et qui s'est installée au Sud de la Libye puis au Nord du
Tchad à partir de 1880. Cette secte a lutté farouchement contre
la colonisation française.
13 J. Ferrandi et H. Perpignant, « Turcs et
Senoussistes au Fezzan », 1920, in Bulletin du comité de
l'Afrique Equatoriale Française. Renseignement coloniaux Juillet 1930-
Novembre 1935. Supplément de l'Afrique Equatoriale. CEFOD, pp.7-8.
14 Il faut néanmoins rappeler qu'une partie
de cette circonscription sera cédée en 1911 à l'Allemagne
et par conséquent rattachée au Neu-Kamerun. Cet acte
était l'une des résolutions de la crise marocaine d'Agadir en
guise de compensation territoriale.
15 C. Largeau, 1912, p. 41.
7
Car, en plus du nombre, les populations du Sud du territoire
sont majoritairement des cultivateurs et des pécheurs ; une
catégorie de personnes prisées par les recruteurs du fait de leur
morphologie imposante16.
Toute somme, le territoire du Tchad était
segmenté en 3 zones et on constatait une nette différence entre
les parties Nord, Centre et le Sud qui subissaient une dynamique d'influence
différente. Mais, la mise en place du RTS-T fut en parti
influencée par les tensions entre Européens concernant la
détermination de leurs zones d'influence respective. Le territoire du
Kamerun fut de ce fait un espace de grandes rivalités.
b- Le Kamerun
Le territoire du Kamerun est un espace limitrophe au
Tchad dans sa partie septentrionale, dont le fruit résulte de nombreux
accords entre Français et Allemands17. Il fut un enjeu
d'affrontement lors de la Première Guerre mondiale entre forces
alliés (France, Angleterre, Belgique) contre l'Allemagne durant une
année et démi.
Pour mieux comprendre cet état de choses il est
important de mettre en exergue les multiples accords qui ont conduit les
puissances impérialistes, notamment la France et l'Allemagne à
établir leur sphère d'influence dans cette sous-région du
centre de l'Afrique.
Il s'agit notamment des accords franco-allemands du 24
Décembre 1884 et du 15 Mars 1894. Ces accords ont permis dans un premier
temps de fixer les limites entre le Congo français18 et le
Kamerun19.
A cet effet, ils stipulaient dans leur ensemble que le
parallèle situé au Nord du 2e degré, compris
entre le fleuve Congo et le 15e degré, de longitude Est de
Greenwich devient la ligne de démarcation entre le Congo français
et le Kamerun20.
D'autres accords sont venus parfaire ce premier traité.
C'est ainsi qu'en s'inscrivant dans la continuité des accords
précités, la convention franco-allemande du 18 Avril 1908
octroyait l'ensemble de l'extrémité Nord du Kamerun
appelé « bec de canard » à la France.
16 Entretien avec Lamgué Bertrand, Moundou le
5-11-2021.
17 M. Assileck, 2012, « L'évolution des
frontières du Tchad », Maitrise en Histoire des Relations
Internationales, Université de N'Gaoundéré. pp.56-61.
18 Il s'agit ici des quatre colonies du Gabon, de
l'Oubangui-Chari, du Moyen-Congo et du Tchad qui formaient le Congo
français. Il est par ailleurs l'ancêtre de l'Afrique Equatoriale
Française (AEF).
19 M. Assileck, 2012, p.63.
20A. Aziz Yaouba, 2015, « Les relations
transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad au 20e siècle
», thèse de Doctorat Phd en Histoire, Université de
N'Gaoundéré. p.121.
8
In fine, le dernier accord que nous pouvons mettre en
évidence est celui du 4 Novembre 1911 qui fait suite à la crise
marocaine d'Agadir. Car, il est une révision apportée aux
frontières du Moyen-Congo et du territoire du Kamerun. En
effet, dans l'optique d'éviter un affrontement armée entre la
France et l'Allemagne concernant le Maroc, des négociations s'ouvrent et
conduisent à la signature du traité du 4 Novembre 1911. Celui-ci
permet notamment à la France d'établir son protectorat sur le
Maroc et en contrepartie ce dernier est obligé de céder à
l'Allemagne une compensation territoriale dans son empire de l'AEF. C'est suite
à cela que le Kamerun s'agrandit de 259.000Km2 et
passe de ce fait de 480.000 Km2 à 750.000
Km221.
Autrement dit, la frontière ainsi révisée
commence plus au Sud avant de se poursuivre entre le Kamerun et le
Tchad. A cet effet, Adalbert Owona affirme que :
Au terme du traité, la nouvelle frontière devait
partir de la baie de Mondah et se diriger à peu près en ligne
droite jusqu'à Ouesso ; de là, elle devait descendre jusqu'au
Congo près de Bonga, puis, après avoir longé la Sangha,
remonter vers le Nord, en s'attachant au cours de Likouala aux herbes et de la
Bally, emprunter , dans la direction Ouest-Est, la rive droite de la Lobaye
jusqu'à son confluent dans l'Oubangui, pour remonter ensuite vers
Goré et suivre le Logone jusqu'à Fort-Lamy22.
La possession allemande est délimitée au Nord
avec le territoire du Tchad, à l'Est avec l'Oubangui Chari, à
l'Ouest avec le Nigeria, au Sud-Ouest la Guinée espagnole (territoire
neutre lors de la Grande Guerre), le Moyen Congo au Sud-Est et le Gabon au Sud.
C`est donc un territoire pris en étau par les possessions de ses ennemis
occidentaux qui vont l'évincer à la fin de la Première
Guerre mondiale. L'ensemble de ces mobiles à la fois politiques et
géographiques constituent les raisons de sa mise en évidence.
2-Cadre temporel
Ce Mémoire est encadré par une fourchette
chronologique qui s'étend de 1910 à 1918.
1910, borne inférieure de cette étude, marque la
date de la mise en place du RTS-T et de la création de leur caserne
principale à Fort-Lamy23. Cette décision entraine
l'intégration en masse des populations du Tchad dans ce régiment
d'infanterie coloniale mais aussi l'engagement contractuel des militaires
métropolitains. En effet, s'il est acté que dès 1857,
Napoléon III décide de créer le tout premier corps de
tirailleurs sénégalais dans la colonie du
21 E. Mveng, 1985, Histoire du Cameroun. Tome
II, Yaoundé, Ceper, pp. 62-63.
22 A. Owona, 1996, La naissance du Cameroun,
Paris, l'Harmattan, pp. 53-54.
23 Archives National du Tchad, 1910, Journal
Officiel de la République Française, Quinzième coloniale
n°2, Arrêté du Président Armand Fallières
relatif à la création du corps du régiment des tirailleurs
sénégalais dans les colonies du Tchad, d'Oubangui-Chari, du
Moyen-Congo et du Gabon, p. 315.
9
Sénégal par le décret de
Plombières (Annexe n°1), cette force supplétive
s'étend ensuite au reste de l'empire colonial français au
début du XXème siècle. Cette initiative est due en partie
au Générale Charles Mangin qui entend constituer une armée
coloniale à travers l'empire colonial français.
Ce dernier développe dans un manifeste intitulé
« la Force noire », l'idée de lever une armée coloniale
dans chaque territoire afin de protéger la France contre ses ennemies et
de préserver sa domination dans son empire colonial. C'est suite
à cela que, partout dans les colonies subsahariennes sous domination
française, des régiments parmi lesquels le RTS-T sont
créés après l'émanation du décret du
Président français Armand Fallières datant du 10
Févier 191024. Toute somme, 1910 a été une
année charnière dans la mise en place du RTS-T.
Notre étude prend fin en 1918. Le choix de cette date
est lié à la démobilisation entière du RTS-T
après la Première Guerre mondiale au Kamerun. Car, si la PGM
s'achève au Kamerun le 20 Février 1916 avec la
capitulation de Mora, le RTS-T a été maintenu sur ce territoire
afin d'aider à sa « dégermanisation »25. En
effet, si la Première Guerre mondiale s'achève au Kamerun
après la capitulation de Mora26, seuls 3/4 du RTS-T sont
démobilisés. Et, de ce fait, deux Bataillons de ce
régiment sont maintenus sur ce territoire avec pour objectif de
conforter la présence des nouveaux « maitres » de ce
territoire afin que, la « dégermanisation » s'opère
efficacement jusqu'à la fin totale de la guerre en
Occident27.
Une fois le balisage de ce travail opéré, il
convient à présent de procéder à une clarification
des théories et des concepts utilisés dans ce travail.
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