3.4.2 Résultats empiriques : plus haut niveau
d'éducation et de revenu influent positivement sur la capacité
à migrer
Plusieurs études empiriques, menées dans de
contextes différents, confirment que l'hypothèse selon laquelle
les migrants les plus mobiles sont pour la plupart qualifiés et plus
instruits par rapport au reste de la population (Docquier & Marfouk, 2006 ;
Nekby, 2006 ; Sorana et Eleonora, 2015). Ils sont susceptibles d'effectuer
autant de migrations pour améliorer leurs conditions de vie. Ces
multiples migrations s'expliquent par le choix rationnel formalisé de
Harris et Todaro (1970). Ces économistes sont arrivés à la
conclusion selon laquelle :
" Ce n'est pas uniquement la différence de salaire
entre deux espaces qui amène les personnes à migrer, mais le
salaire espéré par le migrant potentiel, compte tenu de son
`profil' et des `coûts' liés au
déplacement ".
Ainsi, confrontés à une disparité entre
aspiration et réalité, les migrants n'hésitent pas
à effectuer une migration secondaire. Dans son étude menée
en Suède, Nekby (2006) a trouvé que les migrants hautement
qualifiés ne s'installent pas nécessairement au même
endroit ; ils émigrent ailleurs si les opportunités de
carrière sont limitées dans leur premier pays de destination. Au
canada, l'étude de Greenwood et Young (1997) a
révélé que les migrants secondaires (16% de son
échantillon) avaient un niveau de scolarité plus
élevé, plus de compétences et une plus grande
capacité linguistique que les migrants réguliers/directs. Ce qui
montre que l'émigration secondaire/indirecte est très
sélective comparativement à la migration directe. De même,
en utilisant les informations sur les migrants potentiels des enquêtes
World Gallup et sur les migrants réels des recensements nationaux pour
138 pays d'origine et 30 destinations principales entre 2000 et 2010, Docquier
et al. (2014), ont trouvé que les migrations potentielles ont plus de
chances de se traduire par des migrations effectives pour les personnes ayant
fait des études supérieures et lorsque les perspectives de
croissance dans le pays de destination souhaité sont favorables.
Par ailleurs, la langue est un facteur important
d'intégration sociale. La préférence des pays de
destination des candidats potentiels à la migration est aussi
liée à l'histoire et à la culture linguistique de leur
pays. Ainsi, il n'est pas étonnant que les migrants africains des pays
anglophones aient une préférence de migrer vers les Etats-Unis,
le Canada ou le Royaume-Uni. De même, ceux des pays africains
francophones migrent davantage vers la France et la
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Belgique. A ce sujet, plusieurs auteurs affirment que la
connaissance et l'usage de la langue du pays d'accueil constituent le premier
facteur non seulement d'intégration mais d'insertion sociale
(Castellotti et Robillard, 2001 ; Adami & André, 2012 ; Nutefe,
2015).
En somme, les migrants les plus qualifiés ont une
grande capacité à convertir leurs aspirations migratoires en
migration effective parce qu'ils disposent suffisamment de ressources pour
faire face à plusieurs contraintes dont les coûts prohibitifs
liés à la énième migration et parce qu'ils ont des
aptitudes linguistiques développées pour bien s'intégrer
dans le nouveau pays de destination. Cette catégorie des migrants
bénéficie des plusieurs avantages.
Il sied de noter, qu'en dehors des facteurs explicatifs des
aspirations migratoires et ceux liées à la capacité des
migrants à concrétiser leurs aspirations en migration effective,
la section suivante traite des caractéristiques démographique qui
agissent à la fois sur les aspirations migratoires et sur la migration
effective ; et par conséquent sur la mobilité en
générale.
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