2.2.5 Principales limites à la documentation de
l'émigration secondaire aux Etats-Unis et au Canada et synthèse
de résultats
L'émigration secondaire ou indirecte est un
phénomène relativement complexe comparativement à la
migration directe. Sa mesure nécessite un effort supplémentaire
dans ce sens qu'il ne se limite pas à identifier le pays d'origine d'un
immigrant mais s'intéresse aussi à son pays de transit ou
à sa dernière résidence, au cours d'une période
bien déterminée, qui doit forcément être
différent (e) de son pays de naissance.
La documentation de ce phénomène est fonction de
la qualité des informations par sources de données
exploitées. Les principales sources de données exploitées
sont : (i) Yearbook of Immigration Statistics (2017), (ii) Les
microdonnées d'IPUMS-International (Minnesota Population Center, 2018)
et (iii) The DEMIG c2c (2015).
Les données de l'annuaire sont intéressantes
pour retracer l'intensité de l'immigration en générale et
africaine en particulier aux Etats-Unis. Elles permettent par déduction
de saisir les migrations secondaires africaines incomplètes, mais elles
ne permettent pas d'identifier la dernière résidence des
immigrants africains aux Etats-Unis. Ce besoin de saisir la dernière de
résidence des immigrants africains aux Etats-Unis a trouvé
satisfaction grâce aux données d'Ipums-Etats-Unis.
Pour les Etats-Unis, même si les données sur la
dernière résidence ont été collectées, elles
ne sont pas disponibles pour toutes les années et moins encore pour
toutes les périodes d'observation (au cours de 1 an ou 5
dernières ayant précédé le recensement). Ainsi, par
souci de comparabilité, seules les années où les
données ont été collectées et pour les
mêmes
45
périodes d'observations ont été prises en
compte dans notre analyse. Ce qui justifie les années 1970 et 2000 puis
2005 et 2010. Ces données ont permis de saisir l'émigration
secondaire africaine en général et de quelques pays africains en
particulier sélectionnés en termes de leur proportion sur
l'ensemble des immigrations africaines aux Etats-Unis en 2010.
S'agissant du Canada, les données d'Ipums ont permis de
saisir l'immigration africaine au Canada en termes de son ampleur pour les
périodes correspondantes aux quatre recensements, soit de 1981,
1991,2001et 2011, mais aussi de la mobilité de ces immigrants africains
au Canada au cours de 1 an ou 5 années ayant
précédé le recensement. Les questions en rapport avec les
périodes d'observation n'étant pas systématiquement
collectées à chaque recensement, seules les années
où ces informations sont collectées ont été prises
en compte. Cependant, l'émigration secondaire africaine en
général et de quelques pays africains en particulier au Canada a
été saisie grâce aux données The Demig C (2015) car
les recensements Canadiens ne collectent pas les données sur le pays de
dernière résidence mais sur la dernière province de
résidence. Ce qui justifie l'abondance de la littérature sur la
migration interne au Canada (Rene, 2007 ; Newbold, 1996; Nogle, 1994 ; Newbold
& Bell, 2006).
Les données de Demig bien qu'elles permettent
d'appréhender l'émigration secondaire par la différence
des immigrants en fonction de leurs pays de naissance (COB) et pays de
dernière résidence (COR), elles ne permettent pas d'identifier
clairement, comme pour les données de Ipums Etats-Unis, les pays de
transit des immigrants africains, voire non africains, au Canada.
Par ailleurs, la combinaison de toutes ces sources de
données montre que l'émigration secondaire africaine est
effective aux Etats-Unis et au Canada. Ces deux pays sont les premiers pays au
monde en termes de stocks des migrants en 2017.
Aux Etats-Unis, la lecture de l'évolution de flux des
résidents permanents selon la région de naissance montre que la
proportion des immigrants africains (Toute l'Afrique, Maghreb y compris) sur
l'ensemble de tous les immigrants aux Etats-Unis ne fait qu'augmenter. Bien que
faible comparativement aux immigrants Européens et Asiatiques, elle
représente environ 3.5 % de l'ensemble des immigrations en 2010 contre
0.7 % en 1970. En 2010, la migration secondaire africaine représente 14%
de l'ensemble des immigrations africaines aux USA. (fig 10). Ces migrants
secondaires africains, très jeunes (51%), célibataires (53.8%),
instruits (25%) et arrivés après l'année 2000 (95%),
proviennent principalement du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne et de
l'Italie.
46
Au Canada, par contre, la population des immigrants
représente environ 23% sur l'ensemble de la population canadienne en
2011 (fig.15). Parmi ces immigrants, les immigrations africaines
représentent 7,3% en 2011 (fig. 16). La tendance révèle
une évolution positive des immigrations africaines car elle était
estimée à 2.5% en 1981. En termes de proportion, par rapport aux
migrations directes (COB), on estime les migrations secondaires
spécifiques à environ 14,4% des sud-africains au Canada en 1972,
7,9 % des ghanéens au Canada en 1978, 21,6 % et 51% des Egyptiens et
Marocains respectivement au Canada en 1979. Nombre de ces immigrants sont de
moins en moins nombreux à garder leur nationalité d'origine des
suites de leur naturalisation.
Cette documentation met en exergue l'existence de la migration
secondaire africaine eux Etats-Unis et au Canada. Elle permet de
découvrir l'importance de caractéristiques individuelles (Age,
sexe, état matrimonial, instruction) et contextuelles (naturalisation)
dans l'analyse des migrations secondaires africaines. Elle permet aussi
d'identifier les pays de transit qui montrent combien certaines migrations de
transit peuvent faire l'objet d'une stratégie de migration multiple.
Ainsi, le chapitre suivant sur le cadre théorique s'attardera autour de
cet ensemble de facteurs et tant d'autres qui sous-tendent les aspirations
migratoires d'une part et expliquent les migrations secondaires effectives
d'autre part.
47
|