B. Des résultats de la commission d'enquête
aux dispositions y relatives.
La CONAC dans son « Rapport sur l'état de la lutte
contre la corruption au Cameroun en 2011 » consacre plusieurs pages sur le
Projet du Port de Kribi dans un sous chapitre Intitulé « Les
enquêtes relatives à l'exécution du projet du Port en eau
profonde de Kribi » de la Page 158 à 174.
En restituant le projet dans son contexte, la CONAC rappelle
que c'est sur la base d'une expertise que le site du Port de Kribi, qui est
situé entre les villes de Kribi et de Campo a été choisi,
car répondrait parfaitement à ces préoccupations. C'est
dans ce cadre que l'arrêté n°000156N.14.4/MINDAF/D410 du 06
février 2009 a déclaré d'utilité publique(DUP), une
zone située entre Kribi et Campo, incluant l'arrondissement de
Lokoundjé. Conséquemment, le décret n°2010/323 du 14
octobre 2010 a classé dans le domaine public artificiel les terrains
nécessaires aux travaux d'aménagement du complexe
industrialo-portuaire de Kribi. Y faisant suite, le décret
n°2010/3312/PM du 30 novembre 2010 en a exproprié les
propriétaires terriens détenteurs ou non des titres fonciers. La
première remarque faite par cet organisme national de lutte contre la
corruption insiste sur le fait que, les documents remis à la mission de
la CONAC n'ont cependant pas établi de façon nette et
précise la superficie totale exacte qui abriterait sur la terre ferme
toutes les installations portuaires envisagées. Les coordonnées
cadastrales définies dans le décret n°2010/323 du 14 octobre
2010 ne permettent nullement d'évaluer et d'arrêter lesdites
superficies. Toute chose qui est de nature à créer le doute quant
au risque d'une élasticité certaine des étendues
nécessaires à exproprier. Aussi est-ce a contrario qu'à
partir du total des superficies des titres fonciers expropriés
(5.404.000 m2), l'on peut parvenir à évaluer
parfaitement une partie de l'étendue de la terre ferme qui supporterait
l'emprise réelle desdites installations. Le reste de l'étendue se
compose des terres vagues non immatriculées dont l'évaluation de
la superficie totale est sujette à caution. Pour la CONAC, C'est dans
cet imbroglio bien ficelé que des zones jamais habitées incluant
une forêt vierge ont été "expropriées" par le
décret n°2010/3312/PM du 30 novembre 2010. Conséquemment,
les détenteurs des titres fonciers hâtivement établis ou en
cours d'établissement sont
58
considérés comme indemnisables sur la base de la
valeur vénale de leurs "propriétés", telle qu'elle est
fixée par ce décret du Premier Ministre daté du 30
novembre 2010, signé sur la base des propositions de la Commission de
Constat et d'Evaluation; lesquelles propositions ont été
préalablement entérinées par le Ministre des Domaines et
des Affaires Foncières conformément à son rapport de
présentation daté du 23 juin 2010. C'est cet ensemble
d'arrêtés et de décrets qui servent de pistes de recherche
tant en amont pour s'appuyer sur des textes législatifs et
réglementaires régissant la chose domaniale et foncière ;
qu'en aval pour examiner et contrôler les zones frappées
d'expropriation pour cause d'utilité publique d'une part et les
conditions d'indemnisation des victimes supposées des dommages
causés par l'expropriation d'autre part. Les résultats des
investigations menées par l'équipe de la CONAC sur le projet de
construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi, sur le contrôle
et la vérification des opérations liées à
l'expropriation et/ou la destruction des biens ainsi que sur l'indemnisation
des victimes ont permis d'aboutir à des constances portant sur
l'indemnisation des biens expropriés ou détruits, les
irrégularités de droit, les exactions et des crimes
d'initiés.
1. L'indemnisation des biens expropriés ou
détruits
Cette indemnisation englobe sept (07) types de biens. En
termes de pourcentage de répartition affectant chacune des sept (07)
bases d'indemnisation, l'on relève que le total des indemnisations,
chiffré à 23.648.765.002FCFA (36.104.985€),
en finance 809 cas :
Il est intéressant de relever que 58
bénéficiaires sur ces 809 cas
d'indemnisation attendent chacun d'être indemnisés pour des
montants variant entre 100 millions FCFA (152.672€) et plus de deux
milliards de FCFA (3.053.435.114€) par individu.
La CONAC qualifie d'arnaque la plupart de de ces estimations.
Des analyses faites, il résulte que des 149 titres
fonciers, sur la base desquels l'indemnisation a été
calculée, 44 titres fonciers ont été
établis postérieurement au 6 février
2009, date de l'arrêté n°156/MINDAF déclarant
d'utilité publique les travaux de construction du Port en eau profonde
de Kribi. Après examen et analyse d'un certain nombre de cas, La CONAC
relève que de nombreuses irrégularités, des cas de crimes
d'initiés, des exactions ont été enregistrés tout
au long du processus d'indemnisation des personnes victimes d'expropriation
et/ou de destruction des biens, préalablement à la
réalisation du projet de construction du Port en eau profonde de
Kribi.
Les irrégularités de droit
constatées
59
Les indemnisations des victimes d'expropriation pour cause
d'utilité publique ont été décidées plus sur
les valeurs vénales convenues des prétendues
propriétés terriennes que sur la régularité
juridique desdites propriétés. La Commission de Constat et
d'Evaluation s'est tout au plus limitée au parcours des étendues
considérées comme propriétés. Pour être
conforme au sens juridique du terme, elle devait confronter les
déclarations des soi-disant propriétaires aux lois et
règlements régissant la propriété foncière
au Cameroun, mais pour des raisons inconnues, elle a volontairement ou
involontairement ignoré cet ensemble de textes législatifs et
réglementaires qui régissent les régimes foncier et
domanial au Cameroun.
Les exactions commises
La Commission a identifié nombre de Camerounais venant
de tous les horizons et d'étrangers, « ayant peu de scrupules,
immoraux sans aucun sens de l'intégrité et sans doute
informés à travers des réseaux mafieux, se sont
rués dès 2008 sur la zone destinée à être
expropriée ».9 Par le biais de l'indemnisation des
expropriés, ils pensaient ainsi avoir trouvé le chemin d'un
enrichissement facile et illicite sur le dos de l'Etat en recourant tout
simplement, et à chaque fois qu'il le fallait, à des manoeuvres
frauduleuses pour l'obtention hâtive de titres fonciers. Un tableau aux
pages 166 à 168,10 fait ressortir le nombre de fois et les
montants accumulés destinés à être engrangés
par chacune de ces personnalités au niveau de chaque fait
générateur d'indemnisation. Au total, plus d'une centaine de
personnes parmi lesquelles se trouvent des personnalités haut
placées de l'Administration et du Gouvernement. On y trouve des
cas insolites ou une dame, Directrice de l'Ecole
Publique de LOLABE II qui, avec la complicité des membres de la
Commission de Constat et d'Evaluation, a été recensée
comme propriétaire de cette école, située
dans la zone à exproprier. Les membres de ladite Commission ont
évalué ce "dommage" insolite à 41.259.480
FCFA. (62.991.573€)
Crimes d'initiés.
Pour la CONAC, l'on eût évoqué
l'infraction de délit d'initiés si les faits
incriminés à l'occasion s'étaient opérés
dans le monde des affaires et plus particulièrement de la bourse des
valeurs, mais il s'agit dans le cas évoqué, «d'une tentative
fort préméditée de détournement des deniers
publics, d'où la qualification appropriée de crimes
d'initiés, ce dessein que se partagent les protagonistes. De
fait, ces personnages se sont constitués en bandes organisées
9 Rapport de la CONAC
10 Idem
60
de malfaiteurs, avides de siphonner les Finances Publiques de
l'Etat du Cameroun.»11A titre d'exemples, le rapport
présente des preuves nombreuses à l'instar de :
- La violation flagrante du décret n°76/165 du 27
avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier, modifié
et complété par le décret n°2005/481 du 16
décembre 2005 dont l'article 11 (alinéas 3 et 4) interdit
désormais toute immatriculation directe des terres provenant du domaine
national de l'Etat et prescrit dans de tels cas, la mise en concession comme
condition obligatoire et préalable à toute immatriculation
foncière s'inscrivant dans ce cadre ;
- La précipitation avec laquelle des immatriculations
foncières ont été enregistrées courant 2008 et plus
particulièrement en 2009, postérieurement à
l'arrêté du 06 février 2009, pour illégalement
chercher et obtenir des immatriculations foncières des terrains
situés dans la zone déjà déclarée
expropriée pour cause d'utilité publique ;
- La courbe statistique de l'ampleur des montants
prétendument dus à des propriétaires terriens dits
expropriés pour cause d'utilité publique montre que pour beaucoup
d'entre eux, ils ne se sont fait enregistrer comme propriétaires des
haciendas dans les arrondissements de Kribi, Campo et Lokoundjé qu'en
2009, feignant ainsi d'ignorer la signature de l'arrêté
précité depuis le 06 février de la même
année.
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