4.6.- Les pressions environnementales
Le taux de fertilité élevé crée
des conditions favorables à l'expansion de la pauvreté en
Haïti. Il met à mal la promotion de l'investissement dans les
ressources humaines, surtout dans un État où les ressources
publiques sont limitées. Pour garantir leur survie, les individus dans
ce contexte adoptent des comportements qui mettent à mal
l'équilibre de l'écosystème.
En effet, les pressions démographiques poussent
à la culture intense des terres et accélèrent la
déforestation et l'érosion du sol, ce qui conduit finalement au
déclin de la production agricole. Durant l'année 2005, Haïti
a connu des inondations majeures qui ont montré du même coup
l'ampleur de la dégradation de l'environnement. En 2003, le bois et le
charbon représentaient les principales sources d'énergie
utilisée pour la cuisson. En milieu urbain, c'est le charbon de bois qui
est prédominant (68,5 % des ménages) tandis qu'en milieu rural,
c'est le bois/paille qui est le plus utilisé (90,9 % des ménages)
(Référence). Le recours systématique au bois et au charbon
pour la cuisson met à rude épreuve les efforts visant à
protéger les quelques arbres qu'il reste encore dans le pays. Selon les
dernières estimations, la couverture végétale d'Haïti
est estimée à environ 1 %.
Les problèmes écologiques en Haïti
concernent tous les Haïtiens car chaque activité
réalisée par un individu peut laisser directement ou
indirectement des résidus ou des déchets. La situation
environnementale est très préoccupante en Haïti, d'autant
que la dégradation atteint toutes les régions du pays et qu'elle
ne fait que s'accélérer. Le bilan écologique du pays fait
ressortir un certain niveau de surexploitation des ressources naturelles sans
souci de l'aménagement de l'espace et du renouvellement de ces
ressources. Résultant de la non réglementation des cultures,
l'archaïsme des méthodes de production et l'utilisation impropre de
certaines terres montagneuses à des fins agricoles, facilitent
l'érosion et la perte quotidienne de volume considérable de
terres arables. Les ressources forestières et minières sont mal
exploitées et continuellement sur-utilisees.. Plus de 2/3 des bassins
hydrographiques du territoire sont sans protection végétale et
les réserves d'eau sont de plus en plus mises à contribution pour
répondre aux besoins de la population106.
106 Secrétairerie d'État à la population,
Politique nationale de population, Juillet 2000, p. 9
100
Si la dégradation de l'environnement semble si criante
en Haïti, c'est non seulement en raison de son étendue mais aussi
parce qu'elle menace directement la vie et la santé de l'ensemble de la
population.
En Haïti, du point de vue couverture forestière,
la situation est catastrophique car le pays avait un taux annuel de
déforestation de 1980 à 1990 de 4,3 % et de 1990 à 1995 de
3,5 %107. Cette dégradation atteignait déjà un
point alarmant en 1982 avec une couverture forestière de 3,6 % pour
arriver au chiffre crucial de 1,5 % en 2000108. Cette situation
s'explique par le fait que le taux de croissance démographique de 2,5 %
annuellement exerce des impacts négatifs sévères sur le
milieu naturel. En effet, en l'absence de sources d'énergie
alternative, les cultivateurs recourent à l'abattage systématique
et au brulis pour défricher le sol à des fins agricoles. Ils
coupent les arbres pour fabriquer du charbon, engendrant ainsi l'augmentation
de l'intensité du travail sur la terre, ce qui induit l'érosion
du sol à grande échelle.
D'un autre coté, l'accès à l'eau potable
et l'évacuation des déchets sont considérées
partout au niveau mondial comme des besoins essentiels de toute
société. Beaucoup de problèmes environnementaux et de
santé que connaît Haïti sont dû à l'insuffisance
de l'approvisionnement de la population en eau potable et à
l'évacuation de déchets.
Un problème environnemental que le pays doit
également affronter à très court terme, et qui s'aggrave
de jour en jour à cause de l'accroissement naturel relativement
élevé, est celui de l'évacuation des excréments
humains. Ce problème se pose avec acuité par la
quasi-totalité de la population haïtienne, à cause de son
implication économique par son influence sur la santé. En effet,
près de 72 % de la population haïtienne n'ont pas accès
à des équipements sanitaires approprié et utilisent
notamment la nature, les champs en friches ou les latrines non
équipées de fosses septiques109. Dans
l'agglomération de Port-au-Prince, on estime que plus de 70 % de la
population défèquent dans la nature à ciel
ouvert110.
La situation d'insalubrité
généralisée compte parmi les principales causes de
morbidité et de mortalité en Haïti. Il est à noter
que l'augmentation continue de la population aggrave encore plus le
problème d'élimination des déchets tels que les ordures
ménagères, les affluents des égouts et les déchets
industriels.
107 PNUD, 1999, cité par Fred Doura, 2002, p. 145
108BM, 2000, citée par Fred Doura, 2002, p. 161.
109 PNUD, 2001 cité par Fred Doura, 2002 p. 151.
110 BM, 1998, citée par Fred Doura, 2002, p. 151.
101
Dans la région métropolitaine de Port-au-Prince
qui connaît un problème aigu d'insalubrité, chaque citoyen
produisait au début des années 2000 183 kilos de déchets
domestiques par an. Ce qui représente pour une population estimée
à 2,5 million d'habitants un total de 457 000 tonnes de déchets
par an, soit 1250 tonnes de déchets qui doivent être
ramassées quotidiennement111. On estime que 80 % de ces
déchets proviennent des ménages, 10 % des marchés et 10%
des entreprises industrielles et commerciales112. Faute d'une
politique systématique de ramassage quotidien, il s'accumule des
montagnes de déchets dans la région de Port-au-Prince. Les
déchets qui ne sont pas ramassés - même aussi un bon
pourcentage des déchets ramassés - sont jetés dans
l'environnement, soit dans les rues ou les ravins, soit dans la mer, ou ils
sont brûlés, ou ils sont utilisés comme remblai.
Beaucoup de quartiers ne bénéficient d'aucun
ramassage des déchets solides. Selon un rapport de CHF (Cooperative
Housing Foundation), le ramassage des déchets solides dans certaines
villes de province est marqué par des insuffisances semblables à
celles de la région métropolitaine de Port-au-Prince. La
situation en 1996 au Cap-Haïtien113 sert à
décrire la situation actuelle dans d'autres villes provinciales dans le
pays: « seule une maigre portion des déchets était
effectivement ramassée et menée jusqu'à une zone centrale
d'élimination. Le reste des déchets était jeté
à la mer, dans les rivières ou les canaux de drainage, ou
donné en nourriture aux animaux, ou encore brûlés, ou
utilisés comme remblai dans les zones basses".
Sur le plan micro, le mode de tenure des terres et les
pratiques agricoles archaïques, peuvent également être
considérés comme causes de la dégradation de
l'environnement.. En effet, les cultivateurs pratiquent habituellement la
culture sur brûlis, et cette pratique a détruit ou a gravement
endommagé près de 80 % de la forêt primaire, et à
conduit à un appauvrissement de la biodiversité, à
l'érosion des sols et à la détérioration des
bassins hydrographiques114. La croissance démographique
d'Haïti a exacerbé la pression de la population sur le milieu
ambiant qui lui donne vie et constitue une cause majeure de la
dégradation environnementale.
111 Fred Doura, 2002, page 151
112 Holly 1999, 29, cite par Fred Doura, 2002
113 CHF, Développement et Opération de
Décharge Publique au Cap-Haïtien, CHF, décembre 1996
114 Fred Doura 2002, p. 64
102
En l'absence de politiques cohérentes pour assurer la
protection de l'environnement, le rythme de croissance de la population
conduira à une accélération de la dégradation de
l'écosystème haïtien.
|