Etude observationnelle des interruptions de
tâches dans la pratique des infirmiers anesthésistes au bloc
opératoire
Mémoire professionnel visant à l'obtention du
diplôme d'Etat d'infirmier anesthésiste UE 7 : MÉMOIRE
PROFESSIONNEL
Etudiant : Directeur de
mémoire :
JEAN-BAPTISTE Christopher Mme ADAM Béatrice
Promotion
2017 - 2019
CHU de La Réunion IRIADE / IES Site SUD
BP 350
97448 St-Pierre Cedex
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont
contribué au succès de ma formation et qui m'ont aidée
lors de la rédaction de ce mémoire.
Je voudrais dans un premier temps remercier, mon directeur de
mémoire Madame ADAM Béatrice, formatrice référente
au sein de l'Instut Régionale de Formation des Infirmiers
Anesthésistes de saint-Pierre (La Réunion), pour sa patience, sa
disponibilité et surtout ses judicieux conseils, qui ont
contribué à alimenter ma réflexion afin de me me pousser
vers une réelle expertise de recherche. Je la remercie également
pour sa profonde sympathie et sa bienveillance tout au long de mon parcours en
tant qu'étudiant.
Je tiens à témoigner toute ma reconnaissance aux
personnes suivantes, pour leur aide dans la réalisation de ce
mémoire :
Madame ROBERT Flavie, qui m'a apporter son regard et son
expérience pour aborder ce thème très vaste et complexe.
Elle a pris de son temps pour réajuster ma rédaction, l'adapter
au niveau du travail de recherche demandé et ainsi la rendre plus
lisible. Ses conseils et ses corrections ont été très
précieux dans l'élaboration de ce mémoire.
Une attention toute particulière à Alexiane
FOIDART, avec qui je partage ma vie depuis plusieurs années maintenant
et sans qui cette nouvelle aventure n'aurait pas débuté. Un grand
merci pour ton soutien sans faille, ta perspicacité, tes encouragements
et ta détermination à me rendre meilleur dans la
réalisation de mes projets. Je te remercie pour avoir pris le temps de
me lire et de me relire, d'avoir transformé mon « phrasé
» et déchiffré mes sinueuses pensées pour les rendre
plus pertinentes.
Enfin, je désire remercier tous les étudiants de
la promotion 2017-2019 avec qui j'ai passé d'agréables moments
tout au long de ces deux années qui n'ont pas été si
simples. Que ce soit sur le plan professionnel ou bien personnel, vous avez su
répondre présents dans les moments difficiles de période
de révisions comme dans les moments joyeux, juste après les
examens. Merci.
3
TABLE DES MATIERES
1 INTRODUCTION 5
2 SITUATION D'APPEL 6
3 CADRE CONCEPTUEL 9
3.1 Démarche qualité et gestion des
risques à l'hôpital 9
3.1.1 Importance et les enjeux d'aujourd'hui au sein des
établissements de santé 9
3.1.2 Démarche qualité et gestion des
risques 11
3.2 Gestion du facteur humain au bloc opératoire
: spécificités et risques 17
3.2.1 Définition et spécificités
17 3.2.2 Importance de la prise en compte des facteurs
humains dans la sécurité des soins
|
3.2.3
3.2.4
|
19
Erreur humaine : une faille à s'approprier et
à analyser
Forces et faiblesses du travail en équipe dans la
gestion des risques
|
21
22
|
|
3.3
|
Notion d'interruption de tâche
|
25
|
|
3.3.1
|
Comprendre l'interruption de tâche
|
25
|
|
3.3.2
|
Identifier les interruptions de tâche
|
33
|
|
3.3.3
|
Agir contre les interruptions de tâche
|
36
|
|
3.4
|
L'IADE dans la gestion des risques et l'interruption de
tâche
|
44
|
|
3.4.1
|
Rôle de l'IADE
|
44
|
|
3.4.2
|
Compétences et activités
|
49
|
|
3.4.3
|
Rôle de l'IADE dans la lutte contre les
interruptions de tâche
|
54
|
4
|
PROBLÉMATISATION
|
57
|
5
|
MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
|
60
|
|
5.1
|
Conditions des observations
|
60
|
|
5.1.1
|
Choix de l'outil d'enquête
|
60
|
|
5.1.2
|
Population et lieux de l'enquête
|
61
|
|
5.2
|
Modalités des observations
|
63
|
|
5.3
|
Limites de l'outil
|
64
|
6
|
PRÉSENTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS
|
65
|
|
6.1 Analyse des résultats pour la période
d'ouverture de salle en début de
|
|
|
journée et entre chaque patient
|
67
|
|
6.1.1
|
Les tâches de l'IADE
|
67
|
|
6.1.2
|
Localisation des interruptions de tâche
|
68
|
|
6.1.3
|
Les types d'interruption de tâche
|
68
|
|
6.1.4
|
Les sources d'interruption de tâche
|
69
|
|
6.1.5
|
Les motifs d'interruption de tâche
|
70
|
|
6.1.6
|
Les réactions des IADEs face aux interruptions de
tâche
|
71
|
|
6.1.7
|
Temps moyen d'une interruption de tâche
|
72
|
4
6.2 Analyse des résultats pour la période
concernant l'accueil du patient au bloc
opératoire 74
6.2.1 Les tâches de l'IADE 74
6.2.2 Localisation des interruptions de tâche
75
6.2.3 Les types d'interruption de tâche
75
6.2.4 Les sources d'interruption de tâche
76
6.2.5 Les motifs d'interruption de tâche
77
6.2.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche 78
6.2.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
78
6.3 Analyse des résultats pour la période
de l'installation du patient au bloc
opératoire 81
6.3.1 Les tâches de l'IADE 81
6.3.2 Localisation des interruptions de tâche
81
6.3.3 Les types d'interruption de tâche
82
6.3.4 Les sources d'interruption de tâche
82
6.3.5 Les motifs d'interruption de tâche
84
6.3.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche 84
6.3.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
85
6.4 Analyse des résultats pour la période
de la phase d'induction à la finalisation
de l'installation chirurgicale 87
6.4.1 Les tâches de L'IADE 87
6.4.2 Localisation des interruptions de tâche
88
6.4.3 Les types d'interruption de tâche
88
6.4.4 Les sources d'interruption de tâche
89
6.4.5 Les motifs d'interruption de tâche
90
6.4.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche 91
6.4.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
92
6.5 Analyse des résultats pour la période
de surveillance pré-incision 94
6.5.1 Les tâches de l'IADE 94
6.5.2 Localisation des interruptions de tâche
94
6.5.3 Les types d'interruption de tâche
95
6.5.4 Les sources d'interruption de tâche
95
6.5.5 Les motifs d'interruption de tâche
97
6.5.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche 97
6.5.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
98
6.6 Analyse globale des résultats de l'observation
101
7 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS
111
8 DISCUSSION 113
9 PERSPECTIVES 119
10 CONCLUSION 121
11 BIBLIOGRAPHIES 125
12 ANNEXES 138
13 LISTE DES SIGLES 142
5
1 INTRODUCTION
Ce travail de fin d'étude s'effectue dans le cadre
d'une formation universitaire de deux ans visant à l'obtention d'un
diplôme grade master d'Infirmier-Anesthésiste Diplômé
d'État (IADE). A l'issu de ce cursus, l'étudiant doit
fournir/élaborer/réfléchir à un travail de
recherche au bout duquel, il doit se questionner sur un thème en lien
avec les soins infirmiers anesthésiques et son projet professionnel
et/ou vécu en tant que stagiaire EIA.
Le thème que j'ai décidé de vous
présenter est celui des interruptions de tâche (IT). C'est un
sujet peu aborder dans l'univers des blocs opératoires (BO) qui touche
tous les professionnels de santé et notamment les IADEs. Concerné
par ce phénomène et ayant pu le rencontrer sur le terrain, lors
d'un stage de première année, il m'a été
aisé de chercher à en connaître les fondements.
Dans un premier temps, je vous décrirais, dans la
situation d'appel, comment j'ai été interpellé par ce
thème et la question que je me suis posé pour préparer mon
plan de recherche.
Puis dans un second temps, je développerais en
première partie, les concepts de gestion des risques, de facteur et
d'erreur humaine avant de m'intéresser en deuxième partie,
à la description technique et neurocognitive des interruptions de
tâche. Dans la troisième partie, qui constitue la fin de mon cadre
conceptuel, je renseignerais sur le rôle de l'IADE, son activité
au sein du bloc opératoire ainsi que les tâches qu'ils
effectuent.
Enfin, dans un troisième temps, je tâcherais,
après avoir mené mon enquête et procéder à
l'analyse des résultats, d'interpréter les données qui
ressortent de mes observations, pour ensuite les discuter, en dégager
des perspectives avant de conclure.
6
2 SITUATION D'APPEL
Lors d'un stage effectué à l'hôpital
Georges-Pompidou à Paris, en spécialité chirurgie
plastique et réparatrice, j'ai vécu une situation au cours de
laquelle un évènement indésirable est survenu. Celle-ci
m'a amené à me questionner sur la gestion des risques au bloc
opératoire et plus précisément sur les interruptions de
tâche dans la pratique de l'Infirmier Anesthésiste
Diplômé d'État (IADE). Une patiente opérée en
chirurgie ambulatoire pour mastectomie sans reconstruction a vomi lors du
transfert de la table d'opération sur le brancard. Après
reconsultation du dossier d'anesthésie par le Médecin
Anesthésiste Réanimateur (MAR) et moi-même, nous trouvons
un antécédent (ATCD) chirurgical (By-pass pratiqué en
2014) qui est un critère de recherche important pour la prise en charge
(PEC) des patients estomac plein. Cet élément n'a pas
été pris en compte dans la stratégie d'anesthésie
à l'induction, car nous avions décidé de faire une
anesthésie générale (AG) au masque laryngé. A
contrario, nous aurions dû pratiquer une anesthésie à
séquence rapide avec intubation pour protéger les voies
aériennes supérieures. Comment cette information a-t-elle
échappé à notre vigilance ?
Après avoir validé l'ouverture du site
opératoire, via la check-list d'ouverture de salle par l'ensemble de
l'équipe d'anesthésie présente dans la salle (IADE, MAR et
moi-même en tant qu'étudiant infirmier-anesthésiste en
première année), nous prenons connaissance de la consultation
d'anesthésie pour la première patiente qui n'est pas encore
installée en salle. Il s'agit d'une dame programmée en
ambulatoire pour une mastectomie, sans reconstruction, sous AG. Cette
opération nécessite 45 minutes d'intervention. Concentrés
sur la feuille d'anesthésie, nous détaillons un à un les
éléments afin de proposer une prise en charge adaptée.
Nous identifions donc que la patiente :
· est âgée de 50 ans
· présente un BMI < 25kg/m2
· est classée ASA 1
· présente un score d'APFEL à 2
· ne présente aucune allergie
La posture chirurgicale doit être en décubitus
dorsal avec les bras le long du corps. Nous poursuivons notre analyse avec la
recherche des critères d'intubation et de ventilation difficile :
· bonne ouverture de bouche > 35mm
· Distance Thyro-Mentonnière (DTM) > 60mm
7
§ Mallampati 1
§ ne faisant suspecter aucun critère à risque
de ventilation difficile
Nous continuons progressivement à prendre connaissance
des éléments figurant sur la feuille d'anesthésie,
lorsqu'en pleine exécution de cette tâche, nous sommes interrompus
par l'Infirmière de Bloc Opératoire Diplômée
d'État (IBODE) qui souhaite nous informer que la patiente a une
hémoglobine à 7g/dl et qu'elle vient d'arriver en salle
d'accueil. Cette information est capitale pour la stratégie
transfusionnelle. Aussi, captivée par cette information, nous stoppons
la lecture de la feuille d'anesthésie pour nous y intéresser.
Je m'occupe de poser la perfusion pendant que le MAR et
l'IADE contrôle la carte de groupe, les RAI et appelle
l'Établissement Français du Sang (EFS) de l'hôpital. Puis
nous débutons l'induction selon la stratégie anesthésique
qui est une AG. La pré-oxygénation est débutée.
L'induction est pratiquée par le MAR, j'introduis le masque
laryngé et la check-list Haute Autorité de Santé est
citée avant l'incision. L'intervention se déroule sans
problème particulier. Au bout d'une heure, après la fermeture
cutanée et la réalisation des pansements par l'IBODE, nous
décidons de la réveiller en vue d'un transfert en Salle de Soin
Post-Interventionnelle (SSPI). Une fois la patiente mise sur le brancard par
l'équipe d'anesthésie, elle se met à avoir des
remontées gastriques qui rendent son réveil inconfortable et
menacent ses voies aériennes supérieures puisqu'elle n'est pas
totalement éveillée. Elle est installée d'urgence en
position latérale de sécurité, aspirée
soigneusement puis conduite rapidement vers la salle de réveil pour
évaluation de son état général. Le MAR
décide alors de prescrire un antiémétique et consulte de
nouveau la feuille d'anesthésie. Il nous fait la remarque que sur cette
consultation est mentionnée: BY-PASS, ce que nous n'avons pas conscience
au moment de l'induction n'ayant pas poursuivi la lecture de la feuille
d'anesthésie. Cet incident m'a particulièrement marqué.
Suite à ça, je me suis beaucoup questionné sur
l'interruption de tâche dans notre pratique professionnelle d'IADE.
La Haute Autorité de Santé définit
l'interruption de tâche comme étant:
« L'IT (Interruption de Tâche) est
définie par l'arrêt inopiné, provisoire ou définitif
d'une activité humaine. La raison est propre à
l'opérateur, ou, au contraire, lui est externe. L'IT induit une rupture
dans le déroulement de l'activité, une perturbation de la
concentration de l'opérateur et une altération de la performance
de l'acte. La réalisation éventuelle d'activités
secondaires achève de contrarier la bonne marche de l'activité
initiale. » Elle poursuit:
« Les interruptions de tâche sont
socialement perçues comme un fonctionnement normal auquel les
professionnels se sont habitués. Les sources d'IT sont multiples (appels
téléphoniques, discussion, bruit, activité
multitâche, etc...), souvent de courte durée et le plus souvent
induites par des membres de l'équipe. Elles affectent
8
l'attention, peuvent générer du
stress, ainsi que des erreurs. Leur gravité augmente avec la
fréquence des interruptions de tâche. (...) Réduire les
interruptions de tâche constitue un enjeu de sécurisation de la
prise en charge du patient, même si certaines interruptions sont
reconnues comme pouvant être justifiées1
».
En nous appuyant sur cette définition et l'ayant
observé lors de mon stage, nous pouvons dire qu'il s'agit bien là
d'une interruption de tâche. En effet, des professionnels de santé
(IADE, MAR et étudiant) sont en train d'effectuer une tâche qui
est la lecture de la consultation d'anesthésie à la recherche
d'éléments de Prise En Charge (PEC) anesthésique
spécifique. Ils sont interrompus en pleine action par un intervenant de
l'équipe chirurgicale qui est l'IBODE. Cette interruption est
justifiée (information importante dans le cadre de la stratégie
transfusionnelle), mais elle altère la concentration de l'équipe
d'anesthésie qui ne revient pas sur son activité initiale pour
poursuivre la lecture de la feuille d'anesthésie à la recherche
de critères d'estomac plein. L'équipe d'anesthésie (IADE,
MAR et étudiant) s'intéresse à une autre tâche qui
devient prioritaire pour nous. Nous nous concentrons alors sur le risque
hémorragique majeur et la stratégie transfusionnelle à
mettre en place (vérification de la présence dans le dossier
d'anesthésie de la carte de groupe sanguin et de la validité des
Recherches d'Agglutinines Irrégulières (RAI) par l'IADE et
l'étudiant + appel de l'EFS par le MAR). Aucun d'entre nous n'a par la
suite pensé à poursuivre la tâche interrompue. Cela a
entrainé le fait qu'il y a eu un risque de syndrome de Mendelson, lors
de la phase de réveil, qui n'a pas pu être identifié et
prévenu pour cette patiente. Cette situation aurait pu se compliquer.
L'incident n'a heureusement pas eu de conséquences graves puisque la
patiente n'a pas inhalé.
Suite à cette analyse, je me pose donc la question
suivante : Les interruptions de tâche sont-elles
fréquentes au bloc opératoire et de quelles manières se
manifestent-elles dans la pratique IADE de l'ouverture de salle jusqu'à
l'incision ? Pour précision, par ouverture de salle, nous entendons la
période d'ouverture avant la première intervention et toutes
celles comprises entre chaque patient opéré car la PEC est
individualisée.
1 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
9
3 CADRE CONCEPTUEL
Pour aborder le thème de l'interruption de
tâche, il faut passer par la mise à plat de notion telle que la
démarche qualité ou bien la gestion des risques. La
sécurité étant un enjeu prioritaire dans notre
système de santé, il nous semble utile de développer ces
concepts.
3.1 Démarche qualité et gestion des
risques à l'hôpital
3.1.1 Importance et les enjeux d'aujourd'hui au sein des
établissements de santé
Au fil des dernières années, nous avons pu
assister à une transformation profonde du monde de la santé. De
l'importance de moderniser nos institutions et nos structures
hospitalières, est née la mission de garantir à nos
patients, une plus grande sécurité des soins. Plusieurs lois
relatives à la sécurité du patient ont vu le jour depuis
les années 2000. La plus importante fût celle promulguée le
21 juillet 2009.
Dite loi « BACHELOT » , du nom
porté par la ministre de la santé sous la présidence de
Nicolas SARKOZY, elle porte sur la réforme de l'hôpital et
relative aux patients, à la santé et aux
territoires2.
Elle spécifie, entre autres, dans son article 1 «
que les établissements de santé participent à
la mise en oeuvre de la politique de santé publique et des dispositifs
de vigilance destinés à garantir la sécurité
sanitaire et qu'ils élaborent et mettent en oeuvre une politique
d'amélioration continue de la qualité et de la
sécurité des soins et une gestion des risques visant à
prévenir et traiter les évènements indésirables
liés à leurs activités
»3.
C'est aussi à cette période (1er avril 2010)
que sont nées les Agences Régionales de Santé (ARS).
Plateformes de régulation, elles ont pour but d'assurer un pilotage
unifié
2 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 «
Hôpital, patients, santé et territoire » (HSPT),
legifrance.gouv.fr
3 Lois relatives à la
sécurité du patient, loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009,
www.has-sante.fr/portail/jcms/c
1098725/fr/lois-relatives-a-la-securite-du-patient
10
de la santé en région, de mieux répondre
aux besoins de la population et d'accroître l'efficacité du
système4.
Avec ces nouveaux défis, l'hôpital s'est
intéressé à un concept majeur pour développer la
gestion du risque, celui de la « culture de sécurité
».
D'après la société européenne
pour la qualité des soins (European Society for Quality in Health Care),
la définition est la suivante: « Elle désigne un
ensemble cohérent et intégré de comportements individuels
et organisationnels, fondé sur des croyances et des valeurs
partagées, qui cherche continuellement à réduire les
dommages aux patients, lesquels peuvent être liés aux soins
».
Ce terme a été emprunté dans un rapport
d'expert du groupe consultatif international pour la sûreté
nucléaire (INSAG). Ce rapport scientifique fait l'état des lieux
et l'analyse de l'accident de Tchernobyl en 1986. Elle s'est ensuite largement
diffusée dans le domaine aéronautique sous l'impulsion des
travaux de James REASON, spécialiste des facteurs humains5.
« La culture de sécurité » est devenue
incontournable dans notre système de santé depuis décembre
20106.
« Améliorer la sécurité
des soins est un enjeu pour les systèmes de santé occidentaux.
Pour cela, deux principaux leviers ont été mis en oeuvre : la
mise en place de démarches continues d'amélioration de la
qualité et de la sécurité de soins, et le
développement d'une culture de sécurité de
soins7 ».
Au bloc opératoire, nombreux sont les facteurs qui
peuvent interférer dans la pratique de l'IADE. Le travail
d'équipe permet une prise en charge du patient plus homogène et
plus sécuritaire. Cependant, dans un contexte de plus en plus complexe
(multiplication des interfaces, contrainte temporelle, technologique, etc.),
l'IADE fait face à des risques sans cesse plus nombreux, et parfois
difficilement prévisibles.
Il devient alors évident, avec l'évolution du
rôle et des compétences acquises par l'IADE, qu'il soit
confronté directement à ces risques. Au mieux, il les identifie
et les évite, au pire, il les induit où les subit. C'est aussi
pour cela qu'il existe des recommandations liées à la
sécurité anesthésique, comme la check-list ou bien
l'élaboration d'une cartographie des risques au bloc opératoire
pour guider le professionnel vers plus de prévention, de management et
donc de sécurité.
4
www.ars.sante.fr
5 benjamin PELLETIER, Formateur en management
interculturel,
https://www.gestion-des-risques-interculturels.com/risques/securité-aeronautique-et-risques-interculturels/
6 Dr Pauline OCCELLI - Comité de coordination
de l'évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine -
Chargée de mission à la HAS. Rapport HAS: La culture de
sécurité de soins: du concept à la pratique.
Décembre 2010.
7 Dr Pauline OCCELLI - Comité de coordination
de l'évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine -
Chargée de mission à la HAS. Rapport HAS: La culture de
sécurité de soins: du concept à la pratique.
Décembre 2010.
11
3.1.2 Démarche qualité et gestion des
risques
3.1.2.1 Démarche qualité: vers une
logique de sécurité maitrisée
« La démarche qualité se
définit comme un processus d'amélioration systématique et
continue de la qualité des prestations
fournies8 ».
Ainsi dit, en tant que professionnel de santé, nous
devons assurer dans nos actes de soins, apporter aux patients, un maximum de
garantie qui assure sa sécurité lors de son séjour
à l'hôpital. Tout au long de notre carrière, l'exigence de
la qualité des soins est devenue un enjeu majeur. Cela fait partie de
nos acquis de promouvoir la santé d'autrui dans les meilleures
conditions possibles et ainsi faire en sorte que notre système de
santé ne fasse pas l'objet de scandales sanitaires qui ont fait
l'actualité ces dernières années (exemple : affaire du
sang contaminé, avril 1991).
La formation est déterminante dans notre pratique au
quotidien. Celle-ci nous ramène directement à l'idée que
pour une prise en charge efficiente, souvent à risque, il est de notre
devoir de se former de façon continue et de s'informer des
dernières recommandations. L'expérience à elle seule ne
suffit plus face au développement rapide des avancées de la
médecine, de la technologie et des apprentissages complexes qui en
découlent. Ainsi, la démarche qualité en promotion de la
santé doit concerner tous les acteurs et mobiliser les ressources
nécessaires afin qu'elle rentre dans une logique de culture commune.
Pour exemple, l'accréditation des médecins qui est un dispositif
volontaire de gestion des risques a pour but d'améliorer la pratique
médicale en établissement de santé par la réduction
des risques qui y sont associés9.
Les objectifs de la démarche qualité sont de
renforcer la qualité du service rendu à la population par les
interventions et renforcer la cohérence du système d'organisation
de ces interventions10. De ce fait, offrir un système plus
sécurisé et surtout améliorer nos pratiques afin de
promouvoir cette culture de sécurité. « Elle
doit être considérée comme une voie majeure du
développement de la promotion de la santé en ce qu'elle peut
guider, sans enfermer et légitimer, sans contraindre
» (Linda Cambon).
Elle est d'autant plus pertinente dans des secteurs à
risque comme le bloc opératoire en général et ou le
développement de la chirurgie ambulatoire s'est accrue de façon
exponentielle avec tous les nouveaux risques que cela amène. Une
évaluation externe
8 Source INPES - Démarche qualité en
promotion de la santé
9
https://www.has-sante.fr/portail/jcms/fc_1249914/fr/accreditation-des-medecins
10 Linda Cambon, Directrice du collège
Régional d'Education pour la santé de Lorraine (CRES Lorraine),
Santé publique 2008, volume 20, n°6, pp. 513-514
12
de la démarche d'amélioration de la
qualité et de la sécurité des soins est mise en place
globalement au niveau des établissements de santé. C'est la
certification.
Effectuée tous les 4 à 6 ans par des
professionnels mandatés par la HAS, son objectif est de porter une
appréciation indépendante sur la qualité des prestations
des hôpitaux et cliniques de France. Dans la version V2014 de
certification des établissements de santé, celle-ci se concentre
sur:
§ Une meilleure évaluation des capacités
des établissements à gérer les risques au bloc grâce
à des méthodes d'évaluation plus discriminantes (exemple :
Audit, patient-traceur).
§ La prise en compte du développement de la
chirurgie ambulatoire.
§ La valorisation du travail en équipe et de la
communication au bloc.
3.1.2.2 La gestion du risque au bloc
opératoire
Dans un ouvrage paru en mars 2012, l'HAS promue clairement
cette idée d'amélioration des pratiques collectives pour la
sécurité des soins. Elle y met en avant une méthodologie
pour comprendre l'importance de la gestion des risques11. L'objectif
étant de réduire le risque de survenue d'évènements
indésirables graves et évitables. Il part d'un constat: «
Diverses études montrent le caractère
fréquent, parfois grave, souvent évitable, des
évènements indésirables associés aux soins
survenant en établissements de santé. La cause de ces
évènements est rarement liée au manque de
compétence technique des professionnels. Ils ont le plus souvent
secondaires à des défauts d'organisation, de coordination, de
vérification ou de communication, en résumé le fait d'une
insuffisance ou d'un manque de culture commune de
sécurité12 », relève
l'HAS.
Mais qu'est-ce qu'un risque?
« Un risque est une situation non
souhaitée ayant des conséquences négatives
résultant de la survenue d'un ou plusieurs évènements dont
l'occurrence est incertaine » (Définition
HAS)13.
11 La sécurité des patients, mettre
en oeuvre la gestion des risques associés aux soins en
établissement de santé: Des concepts à, la pratique. Haute
Autorité de Santé, Mars 2012
12 Kohn LT, Corrigan JM, Donaldson MS (institute
of medicine). To err is human: building a safer health system. Washington DC:
National Academy Press; 2000.
13 TURPIN Murielle, cadre de santé IADE, cours
sur la cartographie des risques au bloc opératoire. IRIADE - promotion
2017/2019.
13
Et la gestion du risque?
Toujours d'après l'HAS: « Une
démarche de gestion des risques a pour but d'assurer la
sécurité des patients, et en particulier de diminuer le risque de
survenue d'évènements indésirables associés aux
soins ».
Entre autres, il s'agit de mettre en place un processus de
guidage qui aiderait le professionnel ou tout autre acteur de santé
à se familiariser avec sa pratique et son environnement pour lui
permettre de mieux appréhender les risques, les reconnaître, les
comprendre, les traiter, les éviter et/ou les corriger.
Les enjeux sont humains, stratégiques, techniques,
organisationnels, juridiques et économiques. C'est dire de l'importance
de soutenir cette démarche dans nos établissements et de
sensibiliser les professionnels en général.
L'HAS fait la distinction de 3 grandes catégories de
risques:
§ La première directement
associée aux soins (organisation et coordination de soins, actes
médicaux, hygiène, utilisation d'un produit de santé,
gestion de l'information, etc.).
§ La seconde liée aux
activités dites de soutien (effectif de personnel et gestion des
compétences, équipements et leur maintenance, achats et
logistique, système d'information, etc.).
§ La troisième liée
à la vie hospitalière et à l'environnement
(sécurité des personnes et des biens, etc.).
Cette approche de la gestion des risques doit aussi prendre
en compte la diversité des établissements de santé et des
différentes structures qu'elles y regroupent. Chaque
spécialité se retrouve dans ce schéma avec sa propre
grille d'évaluation. La gestion et le management des équipes ne
sont pas les mêmes suivant l'activité qui y est faite. Le
rôle et les compétences se croisent mais n'aboutissent pas au
même type de prise en charge. Il faut donc cartographier ces risques en
fonction de la spécificité du service.
L'analyse de la gestion des risques repose sur des principes
incontournables.
La distinction est faite entre les approches dites a
priori (démarche préventive en identifiant et
évaluant les mesures déjà en place) et celles dites
a posteriori (démarche réactive après
survenue d'évènements indésirables), en soulignant la
complémentarité étroite des deux démarches.
14
Un schéma type d'analyse de la situation à risque
est exprimé dans l'ordre suivant14:
· Identifier les situations à
risque (a priori).
· Analyser la situation et identifier les
risques.
· Évaluer et hiérarchiser
les risques (déterminer leur criticité : gravité,
fréquence, mesures préventives existantes).
· Identifier les actions à
mener.
· Traiter les risques (mettre en oeuvre
des actions susceptibles d'empêcher la survenue des EI redoutés ou
d'en limiter les conséquences).
· Suivre et évaluer les
résultats (pour apprécier au mieux les risques
résiduels).
Le tout doit être ramené sous forme de retour
d'expérience (ex: CREX, RMM, etc.) afin de mettre en oeuvre des actions
correctrices puis de mesurer leur impact à l'aide d'indicateurs. Pour
cela, cette démarche va même plus loin. Dans la brochure parue en
décembre 2010 par l'HAS15, elle y développe
l'idée d'évaluer les professionnels avec des
méthodes16: quantitatives (ex: questionnaires individuels),
ou qualitatives (ex: des entretiens collectifs ou individuels). L'objectif
étant « d'appréhender » les différents aspects
de la culture de sécurité (psychologiques, comportementaux et
organisationnels).
Ainsi, les professionnels développent une conscience
qui s'articule autour de ce concept. Maîtriser les risques c'est
prévenir, apprendre de ses erreurs c'est guérir. Ils deviennent
acteurs, prennent des décisions et participent à la
création de solution. « L'importance de la culture de
sécurité pour la sécurité des soins réside
dans ce qu'elle participe à l'élaboration d'un ensemble
cohérent et intégré de comportements des professionnels,
et donc aux performances des organisations de santé (...) Au travers de
l'évaluation et du développement d'une culture de
sécurité des soins, il s'agit de faire de la
sécurité une priorité de tous, des professionnels de
terrain comme des managers17 ».
14 La sécurité des patients - Mettre en
oeuvre la gestion des risques associés aux soins en établissement
de santé: Des concepts à, la pratique. Haute Autorité de
Santé, Mars 2012
15 La culture de sécurité des soins: du
concept à la pratique. HAS, décembre 2010.
16 Health and Safety Executive (HSE). A review of
safety culture and safety climate literature for the development of the safety
culture inspection toolkit. Research report 367, 2005, UK.
17 La culture de sécurité des soins: du
concept à la pratique. HAS, décembre 2010.
15
La notion de risque est définie, selon le dictionnaire
Larousse, comme: « la possibilité ou la
probabilité d'un fait ou d'un évènement qui pourrait
apporter un avantage mais qui comporte l'éventualité d'un danger
». L'anesthésie fait face à de nombreuses
situations à risques18.
Au niveau du bloc opératoire, la maîtrise des
risques est d'autant plus effective et proportionnelle à l'exigence de
la spécificité du service. « Le bloc
opératoire est un système complexe or, plus la complexité
est grande, plus le risque de défaut et de non-détection est
important si ce système n'est pas
maîtrisé19 ». C'est aussi une
structure avec de nombreux intervenants.
« La gestion des risques requiert
l'implication de l'ensemble des acteurs: management de l'établissement,
encadrement du bloc, équipes du bloc et coordination avec les services
en interface avec le bloc20 ».
L'IADE est, au quotidien, confronté aux risques dans
sa pratique professionnelle. Il est essentiel d'identifier ces risques afin de
les prévenir21. Ces risques peuvent intervenir à
n'importe quel moment dans le processus de prise en charge d'un patient, de son
admission au bloc jusqu'à sa sortie de SSPI.
Comme détailler plus haut, le but dans la gestion des
risques est donc de prévenir, de repérer et de réduire la
survenue d'évènements indésirables graves (EIG).
Intervenir avant qu'ils ne surviennent. C'est la gestion du risque
à priori. Elle doit permettre de mettre en place des
actions préventives et/ou correctives s'il y a eu dysfonctionnement
(EIG) et de suivre leur efficacité22.
Les différents types de risques rencontrés au
Bloc Opératoire (BO) sont variables. Ils peuvent-êtres humains,
organisationnels, environnementaux, techniques, biologiques, toxiques et/ou
chimiques.
Ils existent 3 phases ou l'on peut identifier des risques au
BO. Certains sont directement liés au rôle et aux
compétences de l'IADE.
18 SABY Sandrine & al. - Qualité des
soins: Rôle IADE dans la prévention des erreurs
médicamenteuses. 2016.
19 BAUDRIN Dominique & al. médecin
coordinateur pour le groupe de travail - Risques au bloc opératoire:
cartographie et gestion - DRASS Midi-Pyrénées, Commission de
Coordination Régionale des Vigilances (CCRV), janvier 2007.
20 Certification des établissements de
santé - Ce qu'il faut savoir sur l'évaluation de la
démarche qualité et gestion des risques au bloc
opératoire. Haute Autorité de Santé, mars 2015.
21 TURPIN Murielle, cadre de santé IADE, cours
sur la cartographie des risques au bloc opératoire. IRIADE - promotion
2017/2019.
22 Aymeric LAPP, cadre de santé promotion
2016-2017 - TFE - La cartographie des risques a priori, un outil
managérial pour le cadre de santé. Institut Lorrain de formation
des cadres de santé, université de Lorraine ESM - IAE Metz, juin
2017.
16
Dans la phase pré-opératoire,
nous pouvons identifier des risques liés à la check-list
d'ouverture de salle par exemple, liés au contrôle des
stupéfiants dans la pharmacie du BO ou encore liés à
l'accueil du patient avec la vérification du dossier
d'anesthésie. Cela concerne également la consultation
anesthésique et la Visite Pré Anesthésique (VPA)
effectuées par le MAR.
Dans la phase per-opératoire, il
existe des risques liés à l'installation du patient, à
l'induction ou encore liés à la check-list HAS (champage, lavage
des mains, préparation de la table, etc.).
Enfin dans la phase post-opératoire,
cela concerne des risques liés à l'accueil en SSPI, au
réveil du patient et à la surveillance post-op. L'identification
des risques est donc une nécessité majeure et doit s'effectuer
à chaque étape du processus.
La cartographie des risques constitue un point clé
dans la stratégie des gestions des risques, car elle répertorie
les possibles dysfonctionnements identifiés au préalable dans le
système de soin. Elle est mise en oeuvre par les organisations afin
d'appréhender l'ensemble des facteurs susceptibles d'affecter leurs
activités et leur performance, dans l'objectif de se prémunir
contre les conséquences juridiques, humaines, économiques et
financières que pourrait générer une vigilance
insuffisante. Selon Aymeric LAPP, cadre de santé : « Il
permet de recenser les risques pour le patient afin de mieux les anticiper, les
hiérarchiser et les traiter ». En cartographiant les
risques, les organisations créent les conditions d'une plus grande
connaissance et donc d'une meilleure maîtrise de ces
risques23.
Par définition: « La cartographie des
risques se définit comme la démarche d'identification,
d'évaluation, de hiérarchisation et de gestion des risques
inhérents aux activités de l'organisation
».
A partir de la cartographie, il est alors possible de
dégager et d'évaluer la criticité d'un risque. Elle repose
sur l'interaction entre la fréquence d'un risque et sa gravité.
Elle permet ainsi de prioriser les actions à mettre en oeuvre pour
prévenir la survenue d'évènements indésirables.
23 Recommandations cartographie - Agence
Française Anticorruption -
https://www.economie.gouv.fr
, Ministère de l'action et des comptes publics, octobre 2017
17
3.2 Gestion du facteur humain au bloc opératoire :
spécificités et risques
3.2.1 Définition et
spécificités
Nombreux sont les professionnels de santé qui
s'affairent au bon fonctionnement du bloc opératoire. Nous y retrouvons
plusieurs acteurs aux qualifications diverses. Du chirurgien au médecin
anesthésiste, en passant par les IBODEs et les IADEs, cette
pluridisciplinarité est essentielle lors de la prise en charge d'un
patient. Chacun dispose de compétences qui lui sont exclusives et qui
permettent d'améliorer physiologiquement l'état des personnes
malades.
La notion de facteur humain est un terme complexe aux enjeux
multiples. Dans un module publié par la Haute Autorité de
Santé, elle y décrit le concept dans les soins de santé :
« Les facteurs humains s'appliquent partout où
travaillent les professionnels. Ils tiennent compte du fait que la
faillibilité humaine est une donnée universelle. L'approche
classique de l'erreur humaine, que l'on pourrait appeler le modèle de
« l'excellence », considère que si les professionnels sont
consciencieux, travaillent suffisamment et sont bien formés, alors les
erreurs seront évitées. D'après notre expérience,
et des experts internationaux, cette attitude est contre-productive et
inefficace24».
Il n'est pas surprenant que lorsqu'on parle et étudie
le facteur humain dans ces différents domaines, la notion de
sécurité est primordiale.
Au bloc opératoire, il est intéressant de
connaître et comprendre les spécificités du facteur humain
car elle est le résultat d'une certaine synergie (coopération)
entre les professionnels de santé.
« Étudier la façon dont
l'homme interagit avec son environnement dans le but d'améliorer ses
performances nécessite de combiner des disciplines telles que la
psychologie, la physiologie, l'ergonomie, les neurosciences, l'analyse
comportementale, les sciences sociales,
l'ingénierie...25 ».
Les professionnels de santé qui interagissent au sein
du bloc opératoire ont le même objectif : celui de promouvoir la
santé. Ils travaillent en équipe et échangent des
informations importantes au travers de compétences professionnelles
qu'ils ont acquis dans leur formation et avec l'expérience. Ces
compétences peuvent être techniques et
24 Human Factors in Health Care. Australian
Commission on Safety and Quality in Health Care, 2006
25 David FRITSCH, direction pôle service -
Comprendre et prendre en compte le facteur humain pour les équipes d'HAD
- ARS Normandie Caen, novembre 2016.
18
non-techniques. Nous entendons par technique, toutes les
compétences qui s'articulent autour du « savoir-faire » dans
un contexte de travail, le coeur de métier26.
D'après Gerhard P. BUNK, Professeur à
l'Université de Giessen (Allemagne), les compétences techniques
sont : « Pouvoir et savoir définir les tâches et
contenus de son domaine d'activité et maîtriser les connaissances
et savoir-faire nécessaires à cet
effet27 ». Toujours d'après lui, les
compétences non-techniques qui se déclinent en 3 dimensions sont
:
§ « La
compétence méthodologique : être capable de réagir
de façon méthodologiquement adéquate aux tâches
demandées et aux changements susceptibles d'intervenir, trouver des
solutions de manière autonome et transposer de façon judicieuse
les expériences réalisées à de nouveaux
problèmes ». Être autonome.
L'autonomie est par définition : «
Capacité de quelqu'un à être autonome, à
ne pas être dépendant d'autrui » (Larousse).
§ « La
compétence sociale : savoir collaborer avec autrui selon un mode
communicatif et coopératif et faire preuve d'un comportement social et
de sensibilité interprofessionnelle ». Nous entendons
par là l'aspect d'échange, d'écoute, de collaboration,
d'interaction et du respect des compétences de chacun. Ainsi, des
professionnels responsables peuvent s'entretenir dans un but commun comme
être performant et assurer la sécurité des soins.
Rôle majeur de la communication.
La communication : « Action de communiquer
avec quelqu'un, d'être en rapport avec autrui, en général
par le langage (...) » (Larousse).
§ « La
compétence contributionnelle : être capable de contribuer de
manière constructive à l'aménagement de son poste de
travail et de son environnement professionnel, savoir organiser et
décider de son propre chef et être disposé à assumer
des responsabilités ». Être ergonome.
L'ergonomie : « C'est l'ensemble des
connaissances scientifiques relatives à l'homme, et nécessaire
pour concevoir des outils, des machines, et des dispositifs qui puissent
être utilisés avec le maximum de confort, de
sécurité et d'efficacité. La pratique de l'ergonomie est
un art (comme on parle de l'art médical et de l'art de
26 MANDON N. Evolution des métiers de la
formation professionnelle et de leurs pratiques, approche par l'analyse des
emplois, Cahier ETED n°3, Marseille, Cereq, 2000.
27 CEF (Conseil de l'Education et de la Formation),
Avis n°99, février 2008.
19
l'ingénieur), utilisant des techniques et
reposant sur des connaissances scientifiques » (A. WISNER,
médecin français, 1923-2004).
Lorsque l'on résume ces différentes
définitions, il n'est pas étonnant de comprendre que le facteur
humain tient une place importante au sein de nos établissements de
santé et dans la sécurité des soins. « La
prise en compte du facteur humain permet d'étudier le fonctionnement
cognitif humain, la genèse des erreurs, les conséquences
possibles, les moyens qui permettent d'en diminuer la probabilité de
survenue et ceux qui atténuent leur conséquence, dans le but
d'améliorer la sécurité des systèmes dans lesquels
l'homme évolue28 ».
3.2.2 Importance de la prise en compte des facteurs
humains dans la sécurité des soins
Nous sommes exposés à des systèmes de
santé de plus en plus complexes. Lucie CUVELIER, dans un article qu'elle
a écrit sur « l'ingénierie de la
résilience29 », en fait le constat : «
Dans les années 1990, une série d'enquêtes
officielles a révélé l'importante quantité
d'évènements indésirables dans les hôpitaux
américains. Le plus connu de ces rapports est intitulé « To
Err is Human: building a saper healthcare
system30 ». Ce document estime qu'aux
USA entre 44 000 et 98 000 patients meurent annuellement dans les
hôpitaux à la suite d'évènements indésirables
».
Elle poursuit : « Ceci suscite des
préoccupations, bien au-delà de la sphère
médicale31 (...) Ces
résultats sont à l'origine d'une forte mobilisation des
professionnels de santé, des chercheurs en sécurité mais
aussi des citoyens et usagers dans leur ensemble (...) d'importants efforts ont
été observés à différents niveaux d'action
des politiques de santé : accréditations, certifications,
créations d'organismes publiques indépendants, informations des
patients, protocole de vigilance, management par la qualité,
évaluations des pratiques professionnelles, etc.
».
28 David FRITSCH, direction pôle service -
Comprendre et prendre en compte le facteur humain pour les équipes d'HAD
- ARS Normandie Caen, novembre 2016.
29 CUVELIER Lucie, Université Paris 8,
équipe C3U - L'ingénierie de la résilience: un nouveau
modèle pour améliorer la sécurité des patients?
L'exemple de l'anesthésie.
https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2013-4-page-475.htm
, avril 2013.
30 Kohn L, Corrigan J, Donaldson M. To err is human:
building a safer healthcare system. Washington, DC: National Academy Press;
1999.
31 Bagnara S, Tartaglia R. Patient Safety: An Old and
New Issue. Their Issues Ergonomics Sci. 2007.
20
On peut l'illustrer par la création et le rôle de
l'HAS depuis 2010, par exemple, avec la publication, numérique, de
plusieurs outils d'aide au développement comme la culture de
sécurité des soins32.
Elle fait cependant un nouveau constat : «
Des études récentes déplorent néanmoins
le fait que ces dispositifs restent cloisonnés, très
sectorisés et souvent mal adaptés aux spécificités
des systèmes de santé33. Il
apparaît donc désormais nécessaire de déployer une
politique de gestion des risques (...) Plus globale: les recommandations
apportées par ces différentes études argumentent la
nécessité de développer des démarches de
prévention pluridisciplinaires, systémiques et
organisationnelles, impliquant notamment des spécialistes des facteurs
humains ». Ainsi, ils tendent de faire évoluer le
principe de culture de sécurité des soins avec le souci
d'impliquer d'avantage le facteur humain. Il compte sur l'apprentissage et la
formation des professionnels de santé pour faire remonter les
défaillances qu'ils rencontrent et les analyser de manière
pérennes et disponibles à l'ensemble des acteurs de soins.
« Pourquoi les facteurs humains sont-ils
importants en santé? ». C'est la question qui s'est
posée dans un guide pédagogique de l'Organisation Mondiale de la
Santé (OMS) pour la sécurité des patients34.
Dans sa réponse, l'OMS fait état que les facteurs humains sont
malheureusement très représentatifs des événements
indésirables associés aux soins.
L'HAS le souligne aussi grâce à des
enquêtes françaises appelées Enquête Nationale sur
les Évènements Indésirables liés aux Soins (ENEIS)
datant de 2005 et 200935. Celle-ci confirme que les EIG sont
fréquents et imputables aux professionnels de santé, à
l'équipe en générale36. Cependant, toujours
d'après l'OMS : « Il est toutefois possible de rendre
les systèmes de soins de santé plus sûrs en admettant que
le risque d'erreur existe et en développant des systèmes et des
stratégies qui, à partir de l'analyse des erreurs, permettent
d'apprendre comment en limiter la survenue et les conséquences
».
32 Dr Pauline OCCELLI, comité de coordination
de l'évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine.
Chargée de mission à la HAS. Rapport - la culture de
sécurité des soins: du concept à la pratique -
www.HAS.fr, décembre
2010.
33 Haut Conseil de la santé publique. Pour une
politique globale et intégrée de sécurité des
patients. Principes et préconisations. Paris: Haut Conseil de la
santé publique, collection avis et rapports; 2011.
34 Organisation Mondiale de la Santé (OMS) -
Guide pédagogique de l'OMS pour la sécurité des patients,
2012.
35 Michel P, Minodier C, Lathelize M, Moty-Monnereau
C, Domecq D, Chaleix M, et al? Les évènements indésirables
graves associés aux soins observés dans les établissements
de santé. Résultats des enquêtes nationales menées
en 2009 et 2004. Dossiers Solidarité et Santé 2010.
36 Haute Autorité de Santé -
Développement Professionnel Continu (DPC): Gestion des risques en
équipe,
has-sante.fr, juin 2017.
21
3.2.3 Erreur humaine : une faille à s'approprier
et à analyser
Des auteurs et des travaux comme ceux de James T.
REASON37 sont utilisés depuis quelques années pour
comprendre le mécanisme des erreurs humaines qui contribuent à la
survenue redoutée et évitable des évènements
indésirables en établissement de santé. Docteur en
médecine, il publia de nombreuses publications couvrant un large
éventail de sujets qui sont largement répertoriés
aujourd'hui dans les domaines de l'aéronautique, du nucléaire et
de la santé. Les plus connues, parlent du mal des transports, de
l'inattention, de l'erreur humaine, de la culture de sécurité ou
encore de la gestion des risques d'accidents organisationnels. Avec «
Human error » (parution 1990), REASON pose les fondements
d'une typologie des erreurs du quotidien. Il distingue les erreurs
fondées sur la défaillance dans la planification des tâches
à accomplir de celles liées à la non-exécution
d'une ou plusieurs tâches.
« Dans le premier cas, les erreurs
surviennent par manque de connaissances ou d'informations (souvent
insuffisantes ou erronées), par la mauvaise application des
règles, ou par l'échec de leur mis en oeuvre.
Dans le second cas, les erreurs se produisent
lors d'activités routinières et donc largement
répétitives, paradoxalement connues et
maîtrisées38 ».
L'HAS va plus loin lorsqu'elle reprend ces travaux pour faire
évoluer la gestion des risques en milieu hospitalier vers une analyse
approfondie des évènements indésirables associés
aux soins (EIAS) et la prise en compte du contexte organisationnel et technique
dans lequel les soins ont été
délivrés39.
« Cette approche internationale, moins
culpabilisante, ouvre ainsi la perspective de pouvoir apprendre et agir sur les
erreurs qui surviennent ». Avoir une approche
systémique, c'est avoir une vision plus large qui est axée sur
des problématiques multiples. La seule cause, d'origine professionnelle
ne suffit plus et les compétences techniques ne justifient pas
uniquement cela. On cherche davantage à investiguer les causes
profondes, moins identifiables que l'erreur humaine. Elles sont le plus souvent
liées à une mauvaise organisation et coordination.
L'HAS conclue ainsi : « Que la mauvaise
organisation du travail, l'ambition excessive du rendement, un personnel mal
formé ou en nombre insuffisant, des coordinations mal pensées,
une gouvernance locale instable et peu présente, sont la source
principale des catastrophes observées, bien avant les questions de
manque de
37 REASON J. Human error: models and management BMJ
2000; 320: 768-70
38 Franck GUARNIERI, Denis BESNARD -
Redécouvrir « l'Erreur humaine » de James T. REASON, traduit
de l'anglais par Jean-Michel Hoc, Presses des Mines, 2012.
39 Haute Autorité de Santé - Causes
systémiques ou latentes des évènements indésirables
associés aux soins -
has-sante.fr, novembre 2013.
22
compétences techniques de chaque acteur
impliqué40 ». L'aspect multifactoriel
(comportemental, contextuel et conceptuel) des EI associés aux soins est
alors pris en compte pour améliorer la sécurité des
patients.
L'aviation est un bon exemple d'activité industrielle
qui s'est saisi de l'étude des facteurs humains pour améliorer la
sécurité. L'Organisation Mondiale de la Santé, dans son
rapport l'explique : « Depuis les années 1980
(l'aviation) (...) reconnaît le caractère inévitable de la
faillibilité humaine. Ainsi, au lieu d'exiger la perfection constante,
qui n'est pas atteignable, et de sanctionner publiquement les erreurs, elle a
mis au point des systèmes dont l'objectif est de réduire l'impact
de l'erreur humaine. Le bilan de l'aviation en matière de
sécurité témoigne de l'efficacité de cette approche
(...)41 ».
3.2.4 Forces et faiblesses du travail en équipe
dans la gestion des risques
Une des particularités dans nos établissements
de santé, c'est le travail en équipe. Au bloc opératoire,
il est nécessaire et indispensable. Les différents acteurs sont
responsables collectivement du patient et sont donc amenés à
atteindre le même objectif de PEC42. Le chirurgien
opère, souvent assisté par un interne de la même
spécialité. Il est entouré de l'infirmier(e) de bloc
opératoire, plus communément appelé l'instrumentiste, qui
l'assiste également et s'occupe du pansement en fin d'intervention.
Tout comme l'infirmier(e) anesthésiste, ils ouvrent la
salle d'intervention et préparent celle-ci minutieusement et
conformément aux impératifs de l'opération sous couvert
d'un ensemble d'actes pré-établis et strictement
réglementés.
L'infirmier anesthésiste qui collabore avec le
médecin anesthésiste-réanimateur assure la surveillance de
l'anesthésie tout au long de l'intervention qui se déroule en 3
phases
:
§ Le pré-opératoire (accueil
du patient et VPA).
40 Haute Autorité de Santé - Causes
systémiques ou latentes des évènements indésirables
associés aux soins -
has-sante.fr, novembre 2013.
41 Organisation Mondiale de la Santé (OMS) -
Guide pédagogique de l'OMS pour la sécurité des patients,
2012.
42 Haute Autorité de Santé -
Développement Professionnel Continu (DPC): Gestion des risques en
équipe,
has-sante.fr, juin 2017.
·
23
Le per-opératoire (entrée dans le
BO, induction, surveillance et réveil).
· Le post-opératoire (sortie de BO,
installation et surveillance en SSPI).
D'autres intervenants comme un(e) infirmier(e) de salle (dite
« volante ») sont parfois nécessaires pour compléter
l'effectif du bloc. Chacun dispose de rôles précis et intervient
de manière experte afin de maintenir un haut grade de
sécurité dès l'arrivée du patient. Lors d'une
étude menée par David FRITSCH sur le rôle du facteur humain
dans les équipes d'Hospitalisation A Domicile (HAD) de la région
urbaine de Caen, il définit que : « Le travail en
équipe est l'interaction ou la relation entre deux ou plusieurs
professionnels de la santé qui travaillent de manière
interdépendante afin de prodiguer des soins aux patients. Le travail en
équipe signifie que les membres de l'équipe :
· sont mutuellement
dépendants.
· se perçoivent comme travaillant
collaborativement pour les soins axés sur le patient.
· profitent du travail collaboratif dans les
soins aux patients.
· se partagent les renseignements pouvant
mener au partage des prises de décisions.
· savent quand le travail en équipe
devrait être utilisé pour maximiser les soins axés sur le
patient43.
Autrement dit, le travail d'équipe doit apporter aux
soignants une plus-value dans la mise en oeuvre d'une PEC
pluridisciplinaire.
Et pourtant, David FRITSCH, dans cette même
étude, avec l'aide de la grille ALARM (Association of Litigation And
Risk Management)44, fait état que 27,04% des
dysfonctionnements dans l'analyse de causes des Évènements
Porteurs de Risque (EPR) sont dus aux facteurs liés à
l'équipe. Il rapporte le manque de communication, des
transmissions et alertes non prises en compte, une mauvaise répartition
des tâches et un défaut d'encadrement. Autant de facteurs qui
nuisent aux groupes. Il démontre aussi que l'addition des
compétences, si elle se coordonne mal, n'apporte pas de
bénéfices à la sécurité du patient.
43 David FRITSCH, direction pôle service -
Comprendre et prendre en compte le facteur humain pour les équipes d'HAD
- ARS Normandie Caen, novembre 2016.
44 Vincent C. - How to investigate and analyse
clinical incidents, BMJ 2000; 320: 777-781
24
Tout cela signifie qu'il faut prendre en compte, lorsqu'on
travail en équipe, les facteurs humains dans son ensemble et surtout ne
rien négliger en termes d'organisation et de coopération. Il
conclue sur ces points : « Les défauts de communication
et de coopération au sein de l'équipe sont responsables de 60%
des EIG (industrie et médecine) dont 47% sont évitables (...) Les
compétences techniques acquises à l'université dans nos
métiers respectifs ne suffisent pas à s'améliorer sur ces
domaines (...) il nous faut en plus maîtriser des compétences non
techniques : compétences sociales, leadership, aide réciproque,
gestion des conflits, du stress, de la fatigue, etc.45
».
Ainsi la qualité du travail en équipe impacte
directement la sécurité du patient46 et
l'amélioration du travail en équipe permet de faire progresser la
qualité et la sécurité des soins47.
Pour autant, l'équipe est-elle un facteur de risque des
interruptions de tâche pour l'IADE ?
45 David FRITSCH, direction pôle service -
Comprendre et prendre en compte le facteur humain pour les équipes d'HAD
- ARS Normandie Caen, novembre 2016.
46 Manser T. Teamwork and patient safety in dynamic
domains of healthcare: a review of the literature. Acta Anaesthesiol Scand
2009; 53(2): 143-51
47 Salas E., DiazGranados D., Klein C., Burke CS.,
Stagl KC., Goodwin GF., et al. Doesteam training improve team performance? A
meta-analysis. Hum Factors 2008 ;50(6): 903-33.
25
3.3 Notion d'interruption de tâche
3.3.1 Comprendre l'interruption de tâche
3.3.1.1 Un phénomène courant et multi
professionnel
« Comment pouvons-nous créer un
système où les bonnes interruptions sont autorisées et les
mauvaises bloquées?48». Cette citation
reprise par La Haute Autorité de Santé dans un
article49 signé par le professeur Enrico COIERA, directeur
à l'institut australien d'innovation en matière de santé
de l'Université MACQUARIE (Sydney) est le point de départ d'une
vaste étude sur l'interruption de tâche en France. Elle questionne
ce à quoi les établissements de santé, aujourd'hui,
doivent faire face pour répondre au défi de la
sécurité des soins et des patients.
La culture de santé précédemment
décrite dans mon analyse et la démarche qualité ne peuvent
se faire sans une réflexion approfondie sur la gestion des risques et
l'influence positive et/ou négative du facteur humain. Elle serait
encore moins crédible si on ne s'attachait pas à la
compréhension des interruptions de tâche, sources
d'événements indésirables graves.
L'HAS commence ces travaux sur la sécurisation de
l'étape d'administration des médicaments depuis 2012. Mais c'est
en janvier 2016 qu'elle s'intéresse réellement à
l'interruption de tâche. Son but: sensibiliser les professionnels de
santé à cet enjeu sécuritaire.
« L'IT est un facteur contributif de la
survenue d'erreurs médicamenteuses. Elle est une situation à
risque pour le patient50 ».
On peut donc tout à fait imaginer que ce
phénomène est quelque chose de récurrent dans nos services
parce que nombre de ces sources d'IT surviennent spontanément et surtout
peuvent provenir d'origine principalement humaine. « Les
interruptions de tâches sont le plus souvent induites par des membres de
l'équipe51 » (Raban 2014)52.
48 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
49 Colligan L, Guerlain S, Steck SE, Hoke TR.
Designing for distractions: a human factors approach to decreasing
interruptions at a centralized medication station. BMJ Qual San
2012;21(11):939-47
50 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
51 Lannes M, Pecot C, Ferre A, Mahe J, Jaccard S -
Limiter les interruptions de tâches: amélioration de
l'organisation et du confort au travail - OMEDIT Pays de La Loire, retour
d'expérience, avril 2017.
52 Raban MZ, Westbrook JI - Are interventions to
reduce interruptions and errors during medication administration effective?: a
systematic review - BMJ Qual Saf. 2014 May;23(5):414-21
26
C'est ce qui a été étudié lors
d'une enquête53 menée par Morgane LANNES & al pour
l'Observatoire du médicament, des dispositifs médicaux et de
l'innovation thérapeutique (OMEDIT, Pays de La Loire). Dans un contexte
de certification (2015) et devant un constat alarmant (étude ARCHIMED
2013-2015 = Absence de prévention des interruptions de tâche dans
95% des unités de soins étudiées), ils ont
enquêté avec l'aide des observations de l'HAS et ce sont
posées la question suivante : Comment minimiser les risques d'erreurs
liés aux IT ? Le résultat est sans appel : 61% des sources d'IT
proviennent des professionnels de santé.
Pour ne citer que Enrico COIERA, il nous renseigne sur le
potentiel d'avenir de prendre en compte les études sur les interruptions
de tâche : « Les recherches sur les interruptions se
développent régulièrement depuis deux décennies.
Les premières observations indiquant que les interruptions semblaient
banales dans des environnements cliniques très fréquentés
comme le service des urgences étaient bientôt suivies d'un lien
potentiel entre les interruptions et les erreurs
cliniques54. Nous savons maintenant que
l'acte d'interruption est
omniprésent55, peut-être
universel, dans la pratique clinique (et même dans la plus grande partie
de la vie). Même les espaces apparemment silencieux et
contrôlés, comme la salle d'opération, sont
fréquemment interrompus5657. Il
existe à présent également des études robustes
démontrant l'impact parfois négatif des interruptions sur le
travail clinique et sur la genèse des
erreurs58. La science de l'interruption
est donc importante en soi. Il est également important de noter que cela
nous fournit également un modèle sur la manière d'aborder
l'étude plus large des systèmes sociotechniques en matière
de sécurité des patients. Les réalisations que le travail
clinique est complexe et que la sécurité est une
propriété émergente du contexte local se reflètent
dans l'étude de l'interruption. Il y a donc beaucoup à apprendre
de l'analyse spécifique des interruptions pour une étude plus
vaste du travail clinique et de la sécurité des patients
».
53 Lannes M, Pecot C, Ferre A, Mahe J, Jaccard S -
Limiter les interruptions de tâches: amélioration de
l'organisation et du confort au travail - OMEDIT Pays de La Loire, retour
d'expérience, avril 2017.
54 Parker J, Coiera E. Improving clinical
communication: a view from psychology. J Am Med Inform Assoc 2000;7:453-61
55 Alvarez G, Coiera E. Interruptive communication
patterns in the intensive care unit ward round. Int J Med Inform
2005;74:791-6
56 Healey AN, Sevdalis N, Vincent CA. Measuring
intra-operative interference from distraction and interruption observed in the
operating theatre. Ergonomics 2006;49:589-604
57 Savoldelli GL, Thieblemont J, Clergue F, et al.
Incidence and impact of distracting events during induction of general
anaesthesia for urgent surgical cases. Eur J Anaesthesiol 2010;27:683-9
58 Flynn EA, Barker KN, Gibson JT, et al. Impact of
interruptions and distractions on dispensing errors in an ambulatory care
pharmacy. Am J health Syst Pharm 1999;56:1319-25
27
3.3.1.2 Définition et approche
neurocognitive
« Réduire les interruptions de
tâche constitue un enjeu de sécurisation de la prise en charge du
patient, même si certaines interruptions sont reconnues comme pouvant
être justifiées59 ».
Comprendre l'interruption de tâche, c'est avant tout
savoir si celle-ci apporte une réelle plus-value (d'ordre prioritaire)
dans la qualité et la sécurité des soins apportés
aux patients ou bien si elle peut être traitée plus tard dans le
temps avec autant d'importance que la tâche que l'on est en train
d'effectuer. Tout dépend du contexte et d'un certain nombre de
paramètres qui doivent être pris en compte. L'HAS préconise
d'en relever plusieurs comme:
§ Le secteur d'activité et l'environnement :
surface et agencement, nombre de professionnels, horaires de travail,
ergonomie, équipements.
§ Les facteurs humains et organisationnels : Culture de
sécurité, travail en équipe, communication, stress,
confiance, etc.
§ Les caractéristiques de l'IT : le moment de
l'interruption, l'interrupteur, la localisation et la justification de l'IT.
Dans sa définition, l'HAS explique que : «
L'IT est définie par l'arrêt inopiné,
provisoire ou définitif d'une activité humaine. La raison est
propre à l'opérateur, ou, au contraire, lui est externe. L'IT
induit une rupture dans le déroulement de l'activité, une
perturbation de la concentration de l'opérateur et une altération
de la performance de l'acte. La réalisation éventuelle
d'activités secondaires achève de contrarier la bonne marche de
l'activité initiale60 ».
Dans une vision plus scientifique, et notamment sur
l'étude des facteurs humains dans des domaines comme l'aviation et
l'armée, ce sont les travaux de James REASON qui ont lancé le
débat sur le rôle de l'erreur humaine dans l'apparition des
catastrophes. « To Err Is Human61 » en est la bible.
Juliana J. BRIXEY & al, le raconte dans son article paru en 2007 : «
Les interruptions sont reconnues par les experts en facteurs
humains en tant que conditions qui réduisent l'efficacité et la
productivité et contribuent aux erreurs dans les industries telles que
l'aviation, le nucléaire et le monde de la santé. (...) En 1999,
l'institut de médecine qui a publié « To Err
is
59 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
60 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
61 Kohn LT, Corrigan JM, Donaldson MS, eds. To Err Is
Human: Building a Safer Health System. Washington, DC: National Academy Press;
1999.
28
Human » a soulevé l'inquiétude
que les interruptions étaient des facteurs qui pourraient contribuer
à des erreurs médicales. Ce rapport a été parmi les
premiers à suggérer que les interruptions avaient un impact
négatif sur la performance62 ».
Si l'on reprend la définition de l'HAS, quelques mots
sont à retenir davantage pour mieux comprendre le concept de
l'interruption de tâche. Les plus importants sont: arrêt
inopiné, raison propre ou externe, rupture dans le déroulement,
perturbation, concentration, altération et performance, activité
initiale et secondaire.
La difficulté pour un professionnel lorsqu'il fait face
à l'IT, c'est le caractère inattendu, imprévisible de
celle-ci. La tâche initiale peut très vite se substituer à
celle qui intervient, pour des raisons parfois de moindre importance, qu'elle
soit propre ou d'origine externe.
Elle est non planifiée63 et provoque une
discontinuité dans l'exécution des tâches64.
Elle se découpe en 2 périodes:
la première étant l'installation de
l'interruption, comme une sorte de « notification » à
destination de celui ou celle qui est en train d'effectuer la tâche
primaire. Juliana J. BRIXLEY parle de « délai
d'interruption65 » (Interruption lag).
La deuxième phase qu'elle décrit est la
période ou la discontinuité se produit à la fin de la
tâche dite « d'interruption » et la reprise de la tâche
principale qui a été suspendue. C'est une phase ou il y a une
période de récupération nécessaire pour
l'opérateur afin de reprendre là où il a été
arrêté. Cette période s'appelle « le
décalage de reprise66 » (Resumption
lag).
En ce qui concerne la provenance, Juliana J. BRIXLEY
résume bien le fait qu'elle est en grande partie d'origine humaine.
Cependant, les machines qui nous entourent et notamment au bloc
opératoire (qui sont nombreuses) peuvent aussi interférer dans la
réalisation d'une tâche. L'exemple du téléphone est
souvent repris dans l'étude de l'IT car c'est un outil technologique
bruyant quand il se met en marche mais la source est toujours humaine « au
bout du fil ».
62 Juliana J. Brixley, MSN, PhD, MPH, RN; David J.
Robinson, MD, MS; Craig W. Johnson, PhD & al. A Concept Analysis of the
Phenomenon interruption. Advances in Nursing Science, vol.30, N°1,
ppE26-E42, 2007.
63 Juliana J. Brixley, MSN, PhD, MPH, RN; David J.
Robinson, MD, MS; Craig W. Johnson, PhD & al. A Concept Analysis of the
Phenomenon interruption. Advances in Nursing Science, vol.30, N°1,
ppE26-E42, 2007.
64 « Discontinuity » in: The Oxford English Dictionary
(CD-ROM). 2nd Ed. New-York: Oxford University Press; 2002.
65 Trafton JG, Altmann EM, Brock DP, Minitz FE.
Preparing to resume an interrupted task: effects of prospective goal encoding
and retrospective rehearsal. Int J Hum-Comput Stud. 2003;58:583-603
66 Trafton JG, Altmann EM, Brock DP, Minitz FE.
Preparing to resume an interrupted task: effects of prospective goal encoding
and retrospective rehearsal. Int J Hum-Comput Stud. 2003;58:583-603
29
Elle explique aussi la différence entre la provenance
interne de l'IT et sa provenance externe. Le premier étant plus
compliqué à identifier car « par exemple, une
interruption générée en interne peut se produire comme un
rêve éveillé ou une pensée intrusive sans rapport
avec la tâche principale. Les interruptions internes sont vécues
en privé dans l'esprit ou le corps de l'individu. Il est
intéressant de noter que ceux qui enseignent des techniques de
méditation telles que celles enseignées par Zen & Chen qui
savent que les pensées intrusives peuvent interrompre l'état de
méditation67 ». Cela reste donc
difficilement observable et mesurable. Cependant sont-ils pour autant moins
nuisibles que ceux arrivant de l'extérieur?
Les interruptions de tâche induisent selon l'HAS «
une perturbation de la concentration de l'opérateur et une
altération de la performance de l'acte68
».
Par définition :
§ Perturbation : «
Dérèglement dans un fonctionnement, un organisme, un
système » (Larousse).
§ Concentration : « Action de faire
porter toute son attention sur un même objet »
(Larousse).
§ Altération : « Changement qui
dénature l'état normal de quelque chose »
(Larousse).
§ Performance : « Résultat obtenu
dans l'exécution d'une tâche » (Larousse).
Mis bout à bout, nous comprenons à quel point il
est important de se prémunir face aux interruptions de tâches car
elles induisent, indiscutablement des erreurs et révèlent des
failles dans l'organisation ou la planification de plusieurs tâches
primaires.
C'est l'attention qui est mis en jeu très clairement.
D'après les recherches d'une étude menée par les
pharmaciens Estelle HUET, Tony LEROUX et Jean-François
BUSSIERES69, ils définissent l'attention comme étant
le fait de : « cibler certains aspects d'une expérience
en cours au détriment d'autres aspects concurrents; l'attention est
l'action de se soucier, d'écouter ou de se concentrer
».
67 Juliana J. Brixley, MSN, PhD, MPH, RN; David J.
Robinson, MD, MS; Craig W. Johnson, PhD & al. A Concept Analysis of the
Phenomenon interruption. Advances in Nursing Science, vol.30, N°1,
ppE26-E42, 2007.
68 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
69 Huet E, Leroux T, Bussières JF.
Perspectives sur l'attention, les interruptions et le bruit en pratique
pharmaceutique. JCPH - Vol 64, N°4 - juillet 2011
30
Le Larousse la définit comme : « Une
activité ou état par lesquels un sujet augmente son efficience
à l'égard de certains contenus psychologiques (perceptifs,
intellectuels, mnésiques, etc.), le plus souvent en sélectionnant
certaines parties ou certains aspects en inhibant ou négligeant les
autres ».
Une gymnastique du cerveau qui au niveau cognitif
sépare ce qui doit être retenu principalement ou bien remis
à plus tard.
HUET & al reprennent l'analyse de SOHLBERG sur la
description des cinq niveaux d'attention70. «
L'attention ciblée (c.à.d. réponse à un
stimulus visuel, sonore ou tactile), soutenue (c.à.d. réponse qui
dure dans le temps pour stimuli répétés), sélective
(c.à.d. réponse qui dure dans le temps pour stimuli
répétés en dépit d'autres stimuli causant de la
distraction), en alternance (c.à.d. capacité de traiter des
stimuli distincts et d'effectuer plus d'une tâche ou d'une réponse
en alternance) et répartie (c.à.d. capacité de traiter des
stimuli distincts et d'effectuer plusieurs tâches ou réponses en
même temps) ». Ils en concluent que : «
L'attention de type répartie est requise pour donner des
soins de santé sécuritaires, compte tenu de la prévalence
élevée des interruptions71 ».
3.3.1.3 Le concept du « multitâche
»
« Dans le secteur de la santé,
infirmières, médecins, pharmaciens et autres cliniciens
travaillent dans des environnements pilotés par les interruptions. Les
infirmières sont plus susceptibles d'être interrompues en raison
de la nature multitâche de leur travail (...) Les conséquences des
interruptions ont été rapportées en termes de la
satisfaction au travail exprimée par les
infirmières72 et les
médecins73 » raconte Juliana J. BRIXLEY
dans son article sur le phénomène de l'interruption.
C'est en tant que professionnels de santé «
multitâches », que nous devons porter une attention
particulière à cette aptitude. Plusieurs revues et études
démontrent qu'être multitâche n'est pas forcément
très bon pour la cognition. Encore faut-il être un expert en
science de l'organisation et faire partie d'une élite «
imperturbable ».
70 Sohlberg MM, Mateer CA. Theory and remediation of
attention disorders. In: Solhberg MM, Mateer CA. Introduction to cognitive
rehabilitation: theory and practice. New-York (NY): Guilford Press; 1989. P.
110-135
71 Huet E, Leroux T, Bussières JF.
Perspectives sur l'attention, les interruptions et le bruit en pratique
pharmaceutique. JCPH - Vol 64, N°4 - juillet 2011
72 Paxton F, Heaney DJ, Porter AM. A study of
interruption rates for practice nurses and GP's. Nurs Stand.
1996;10(43):33-36
73 Peleg R, Froimovici M, Peleg A, et al. Interruption
to the physician-patient encounter: an intervention program. Isr Med Assoc J.
2000;2(7):520-522
31
« Le multitâche (ou multitasking), est
le concept de faire plusieurs tâches ou activités en même
temps74 » explique Matthieu Desroches, consultant
en productivité, membre de la National Association of Productivity &
Organizing Professionnals. Dans son analyse, il dégage 3 principaux
effets néfastes du multitâche : le multitâche fait perdre du
temps, il créé une interruption journalière constante et
il diminue l'attention et l'efficacité.
Pour expliquer la perte de temps, il s'appuie sur une
étude de 2001, menée par Joshua RUBENSTEIN, Jeffrey EVANS et
David MEYER75 et cite : « En effet, leurs
recherches montrent que la perte de temps est générée dans
le processus de changement d'activité (switching). En d'autres mots,
chaque fois que l'on passe d'une activité à une autre, notre
cerveau a besoin d'un certain temps pour quitter la première
activité et s'adapter à la nouvelle76
». Il poursuit : « Ils décrivent ce processus de
changement d'activité en deux étapes: 1) « Goal
Shifting » : Vous décidez d'arrêter une tâche et de
passer à une autre. Votre raisonnement est alors celui-ci : « Je
pense que je vais arrêter de faire cette activité et faire
celle-ci à la place ». 2) « Rule Activation » :
Vous devez ensuite vous réorienter vers la nouvelle tâche. Vous
devez alors clarifier : « En quoi consiste la tâche? Où en
suis-je dans le processus? Que dois-je faire? ». Leur étude montre
que ce processus de « switching » en deux étapes peut prendre
plusieurs secondes à chaque changement d'activité
».
En tant qu'IADE, il serait donc dangereux de vouloir
réaliser plusieurs tâches en même temps sans les avoir
planifiées de façon logique, priorisé et surtout de les
achever, même si le système et l'environnement du bloc
opératoire pousse parfois notre polyvalence dans ces limites. «
Avec l'accès aux technologies, les occasions de faire
plusieurs choses en même temps sont multipliées
» cite Matthieu Desroches.
De plus il mentionne que « Selon MEYER, la
perte de temps causée par le changement constant entre plusieurs
tâches peut faire perdre à quelqu'un jusqu'à 40% de son
temps de travail effectif77 ». Inconcevable
aujourd'hui, quand on sait que le monde de la santé dans les
hôpitaux et surtout dans le secteur privé tendent vers plus de
chirurgie ambulatoire. Une logique de productivité avec une culture de
sécurité renforcée pour un délai d'intervention de
plus en plus cours et surtout moins handicapant pour les patients
opérés (réhabilitation précoce).
74 Matthieu Desroches - La vérité sur
le multitasking: est ce bon ou mauvais pour la productivité? -
matthieudesroches.com,
mars 2018.
75 Rubenstein J, Evans J, Meyer D. Executive
control of cognitive processes in task switching. Journal of Experimental
Psychology: Human Perception and Performance 2001, vol 27, N°4, pp
763-797
76 Matthieu Desroches - La vérité sur
le multitasking: est ce bon ou mauvais pour la productivité? -
matthieudesroches.com,
mars 2018.
77 Matthieu Desroches - La vérité sur
le multitasking: est ce bon ou mauvais pour la productivité? -
matthieudesroches.com,
mars 2018.
32
D'après une étude menée par Gloria
MARK78, Matthieu Desroches rapporte : « qu'il faut
en moyenne 23 minutes et 15 secondes pour retourner (à un niveau de
concentration optimal) à son activité initiale après avoir
passé à une activité différente
».
Enfin, pour expliquer que le multitâche réduirait
l'attention et l'efficacité, Matthieu Desroches cite une étude
menée par Renata MEUTER79. « Ce qui se
produit lorsque l'on essaye de faire deux choses en même temps, c'est que
le cerveau essaye de se concentrer sur les deux activités, ce qui
réduit l'efficacité dans les deux tâches en question...
(...) En d'autres mots, quand on essaye de faire deux choses en même
temps, notre « brainpower » est dilué entre les deux
activités, ce qui fait en sorte qu'on est médiocre dans les deux
activités... ». Pas vraiment conseillé en
anesthésie finalement.
3.3.1.4 Synthèse
Nous avons pu éclaircir pas mal de notions et aboutir
au fait que l'interruption n'était pas un processus innovant dans nos
institutions mais bel et bien un problème de santé au travail. Il
est vécu, par les professionnels, en quasi permanence, inobservable ou
bien subi, et ceux depuis de nombreuses années.
De façon globale, l'étude sur les facteurs
humains ont apporté des réponses concrètes sur la
compréhension des IT et ont su montrer qu'il s'agissait d'un
phénomène majeur au sein de nos systèmes de santé.
Entre performance et culture de sécurité, il est parfois
difficile de se prémunir des interruptions de tâche et c'est
pourquoi, l'HAS en a publié une revue numérique80
à disposition de tous les professionnels de santé afin d'y
être sensibiliser.
Convaincu par le fait que les IT génèrent des
erreurs, il est indispensable, aujourd'hui, en tant qu'IADE, de se saisir du
sujet et d'en rechercher des solutions afin de lutter contre ce
problème. HUET & al en fait le constat général :
« Une interruption est un évènement externe
identifiable, dont la survenue est imprévisible, et qui nuit au maintien
de l'attention dans le cadre d'une tâche spécifique. Toutefois, on
s'accorde sur le fait que la survenue d'une interruption peut affecter le
niveau d'attention. En effet, les interruptions sont chronophages, le sujet qui
est interrompu sans cesse peut
78 Mark G, Gudith D & Klocke U. (2008). The cost
of interrupted work. Proceeding of the twenty-sixth annual CHI conference on
human factors in computing systems - CHI'08.
79 Meuter R.F.I & Allport A. (1999). Bilingual
language switching in naming: Asymmetrical costs of language selection. Journal
of Memory and Language, 40(1), 25-40
80 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
33
ressentir de la pression et de la surcharge
d'informations. De plus les interruptions détournent l'attention de la
tâche spécifique en cours d'exécution, ceci pouvant mener
à un oubli d'informations nécessaires à la prise de
décision ou d'une étape du processus. Les interruptions
interfèrent dans les processus cognitifs (...) ce qui engendrent une
perte de temps81 ».
Mais comment les identifier?
3.3.2 Identifier les interruptions de tâche
3.3.2.1 Les sources et les motifs des IT
Avec la multiplication des études sur l'interruption de
tâche, beaucoup ont pu être réunies sous forme de
catégories pour identifier les principales sources d'IT82.
Nous pouvons donc les classer de la manière suivante :
§ Les interruptions dites physiques et
verbales : Intervenant externe, professionnel de santé
ou patient lui-même.
§ Les interruptions dites internes
(psychologiques) : L'interrompu est son propre interrupteur.
§ Les interruptions dites environnementales
et/ou technologiques : Le bruit ambiant, la musique,
le téléphone qui sonne ou qui vibre, les alarmes des dispositifs
de surveillance.
En ce qui concerne les motifs, ils varient aussi selon leurs
degrés d'importances. Ils sont souvent liés à un apport
d'information supplémentaire (organisationnel) pour l'opérateur
et l'informer d'un évènement le concernant. Ces supports
informatifs se présentent sous forme de questionnement la plupart du
temps, entre deux soignants de même statut plus
généralement83. Cela peut aussi se présenter
sous forme d'aide de la part d'un professionnel ou provenant lui-même de
la personne qui est en train d'effectuer une tâche (ex: recherche
d'information). Cela débouche régulièrement sur
81 Huet E, Leroux T, Bussières JF.
Perspectives sur l'attention, les interruptions et le bruit en pratique
pharmaceutique. JCPH - Vol 64, N°4 - juillet 2011
82 Monteiro C, Ferreira Machado Avelar A, Pedreira
M-L-G., Interruptions of nurses'activities and patient safety: an integrative
literature review. REV.Latino-Am. Enfermagem, 2015 Jan-Feb.;23(1):169-79
83 Sorensen EE, Brahe L., Interruptions in clinical
nursing practice. John Wiley & Sons Ltd. Journal of Clinical Nursing, 23,
1274-1282, 2013.
34
une conversation. Pour traiter de l'aspect technique, les
motifs peuvent être liés à une alarme de machine (scope,
perfusion, respirateur, etc.), une sonnette de patient dans le service (ex :
service de médecine), un téléphone ou tout autres bruits
itinérants au lieu où se déclare
l'interruption84.
Pour autant toutes les interruptions de tâche ne sont
pas nocives. Farzan SASANGOHAR & al le décrit lui-même :
« Malgré cette connotation négative, les
interruptions dans les soins en santé sont parfois des sources
d'informations importantes à prendre en compte, et une part
non-négligeable dans la prise de décision pour l'interrupteur et
la personne interrompue. Selon McGillis Hall & al.
(2008)85, 11% des interruptions survenues
en unité pédiatrique d'un hôpital d'enseignement, avaient
des effets positifs tels que l'aide à une infirmière, contribuant
à améliorer la sécurité et le confort du patient.
De manière collaborative, la communication participe
intégralement au travail des professionnels et sommes toutes elles
peuvent contenir des éléments critiques qui permettent d'assurer
la sécurité des patients86 ».
Au bloc opératoire, les informations qui circulent sont
indispensables à la bonne prise en charge des patients
opérés. Avec le fait qu'aucune salle ne peut fonctionner sans la
participation de tous les acteurs du bloc, il est difficile de ne pas «
vivre et travailler » avec les interruptions de tâche que
génère ce flux constant d'échanges interprofessionnels.
« Les interruptions de tâche lors de l'administration
des médicaments sont des situations banalisées qui souvent font
partie du quotidien et auxquelles les professionnels se sont
habitués87 ».
Dans un domaine comme l'anesthésie ou une part
importante des choix stratégiques dépendent aussi
d'éléments que nous apprenons parfois le jour de l'intervention,
il est impératif de se prémunir des « mauvaises »
interruptions au moment où la concentration de l'IADE doit être
préservée. C'est à partir de ces sources d'IT que peuvent
découler, malheureusement, certains évènements
indésirables.
3.3.2.2 Relation entre les IT et les
évènements indésirables
Il est maintenant reconnu, et d'après plusieurs
études notamment en lien avec le circuit de préparation du
médicament, que les interruptions de tâche sont
84 Sorensen EE, Brahe L., Interruptions in clinical
nursing practice. John Wiley & Sons Ltd. Journal of Clinical Nursing, 23,
1274-1282, 2013.
85 McGillis-Hall, L., et al. (2011). Interruptions and
pediatric patient safety. J Pédiatre Nurs, in press.
86 Farzan Sasangohar & al., Not all interruptions
are created equal: Positive interruptions in healthcare. University of Toronto,
Canada, 2012.
87 HAS - Interruptions de tâche lors de
l'administration des médicaments -
www.has-sante.fr
35
sensiblement des facteurs favorisants la survenue d'erreurs et
donc d'évènements
indésirables88.
L'HAS nous en donne la définition : «
Un événement indésirable associé aux
soins (EIAS) est un évènement inattendu qui perturbe ou retarde
le processus de soin, ou impacte directement le patient dans sa santé.
Cet évènement est consécutif aux actes de
prévention, de diagnostic ou de traitement. Il s'écarte des
résultats escomptés ou des attentes du soin et n'est pas
lié à l'évolution naturelle de la
maladie89 ».
Lorsque l'HAS fait un état des lieux des causes
profondes des EIAS en 2015, il en ressort qu'un bon nombre est en lien direct
avec les tâches qu'accomplissent les soignants. « Sur la
base d'environ 62 000 EIAS analysés depuis 2011, les trois causes
profondes les plus fréquentes de survenue de ces
évènements sont les facteurs liés à l'équipe
(27%), les facteurs liés aux tâches à accomplir (23%), et
les facteurs liés au patient (16%)90 ».
Parmi les facteurs liés à l'équipe, plus de 36% sont
imputables à la communication entre professionnels et parmi les facteurs
liés aux tâches à accomplir, presque 20% sont issus d'une
mauvaise programmation et planification. Que cela peut-il dire?
Néanmoins pas cité, on peut tout à fait imaginer que dans
cette analyse, il pourrait y avoir une part de responsabilité
liée aux interruptions de tâche.
L'HAS le démontre également dans son rapport de
2016 sur l'étude de l'interruption de tâche lors de
l'administration des médicaments91 : «
L'IT est citée 40 fois comme contributive à la
survenue des 295 erreurs médicamenteuses analysées au cours de
l'étude MERVEIL92 ».
Estelle HUET conclue : « En somme, on
reconnaît dans la documentation scientifique l'importance des
interruptions en pratique médicale, pharmaceutique et des soins
infirmiers. Les interruptions peuvent contribuer à la survenue
d'évènements indésirables, les erreurs
médicamenteuses comprises93 ».
88 Westbrook J., Woods A., Rob M., Dunsmuir W., Day R.
Association of interruptions with an increased risk ands severity of medication
administration errors. American medical association, 2010.
89 HAS - Comprendre pour agir sur les
évènements indésirables associés aux soins (EIAS)
-
www.has-sante.fr
90 HAS - tableau de bord du déploiement du
dispositif de l'accréditation des médecins et des équipes
médicales - Haute Autorité de Santé, avril 2016.
91 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
92 Société française de pharmacie
clinique. Etude multicentrique pour l'évaluation de la revue des erreurs
et de leur iatrogénie liées aux médicaments. Janvier 2009.
Le protocole de recherche de l'étude MERVEIL Paris: SFPC;
2010.
www.omedit-basse-normandie.fr
93 Huet E, Leroux T, Bussières JF.
Perspectives sur l'attention, les interruptions et le bruit en pratique
pharmaceutique. JCPH - Vol 64, N°4 - juillet 2011
36
3.3.3 Agir contre les interruptions de tâche
3.3.3.1 Recommandations et solutions existantes dans la
lutte contre les IT dans le domaine des soins en général
Après plusieurs recherches, nous nous rendons compte
avec surprise qu'il n'existe pas vraiment de recommandations à
proprement dites qui concerne la lutte contre les IT dans la pratique
professionnelle de l'IADE. L'HAS nous parle bien de quelques règles de
bonnes pratiques, notamment dans la sécurisation du circuit de
préparation et d'administration du médicament avec la
règle des 5B (Administrer le Bon médicament, à la Bonne
dose, sur la Bonne voie, au Bon moment, au Bon patient), cependant cela ne
cible pas directement l'activité et les tâches de l'IADE au bloc
opératoire même si celui-ci est habileté et amené
à le pratiquer dans son quotidien.
Même auprès des sociétés savantes
comme la SFAR, là encore, nous échouons dans la recherche
d'éléments qui seraient en lien avec cette notion pour la
sécurité de la pratique IADE.
Pour autant, il existe bel et bien des solutions qui ont
été mise en place suite à de nombreuses études.
Nous retrouvons par exemple celle menée par l'HAS en 2016 qui concernait
« L'interruption de tâche lors de l'administration des
médicaments94 ». Dans la brochure qu'elle
a mis en ligne à disposition de tous les établissements, des
professionnels de santé et des infirmier(e)s plus
particulièrement, l'HAS préconise plusieurs solutions pour
désamorcer la pratique abusive et inquiétante des interruptions
de tâche en milieu hospitalier. Elle y fait l'étude de celle-ci et
détermine un certain nombre de faille. Alerter par l'ampleur de ce
phénomène grâce aux résultats
révélateurs de son étude et des évènements
indésirables qui en découlent, elle réussit à
réunir une multitude d'actes qui ont fait leurs preuves dans la lutte
contre les IT.
Par exemple, l'utilisation d'une chasuble dit «
gilet jaune », pour avertir les soignants d'une
même équipe que le professionnel qui est en train d'effectuer une
tâche sensible, ne doit pas être interrompu. Nous retrouvons cette
idée notamment dans une autre étude qui concerne le domaine
transfusionnel95.
Il s'agit d'un article ou les auteurs s'interrogent sur la
dangerosité que peuvent entrainer les interruptions de tâche lors
de la préparation d'une transfusion. Ils partent
94 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
95 Sapey T., Leo-Kodeli S., Roy M., Amirault P.,
Benseddik Z., Labussière A-S., & al (2018). Gilet distinctif: une
solution pour éviter les interruptions de tâches dans le domaine
transfusionnel? Expérience en Centre-Val de Loire. Transfusion clinique
et biologique, 25(4), 320.
37
d'un constat : avant le port du dispositif de
sécurité des actes « », autant d'IDEs sont interrompus
que ceux qui ne le sont pas. Après l'introduction du «
gilet jaune », ils remarquent une diminution
significative des IT auprès des IDE. Ils concluent donc que l'usage et
le port du « gilet jaune » lors de l'acte
transfusionnel, réduit efficacement l'apparition d'IT dans la pratique
IDE. Ils vont même plus loin en préconisant la multiplication des
moyens possibles dans la lutte contre les IT (affichages, campagne
d'information, gestion du téléphone) pour prévenir
davantage leurs survenues et surtout mieux sécuriser la pratique. «
Il est plus simple d'éliminer les IT que de les
gérer96 ».
D'autres moyens apparaissent comme aidant dans la pratique et
la sécurité des actes des professionnels. C'est le cas d'une
étude menée dans une unité de soins pédiatriques au
sein d'un hôpital américain. Les professionnels en question se
sont dotés d'une barrière de sécurité qu'ils ont
disposé devant un poste de médication qui était la cible
constante d'interruptions de tâche, source d'erreurs, car situé au
centre du service et donc à la vue de tous (professionnels et
visiteurs). Cette barrière avait pour objectif de stopper «
l'accessibilité » à ce poste critique et la facilité
de l'équipe professionnelle et des visiteurs à interrompre une
« nurse » en pleine concentration. La technique de « flouter
» l'espace de travail et la visibilité, rendait « invisible
» en quelque sorte, l'IDE, la mettait hors du champ des nombreux passages
à cet endroit stratégique. Dès lors, en isolant cet espace
de soin à la vue des autres, les professionnels pouvaient exercer en
toute sécurité et ainsi ne pas être dérangé
tout en restant alerte et disponible en cas d'urgence.
Résultat? : « Les interruptions ont
été considérablement réduites et l'attitude du
personnel à l'égard de la station a été
considérablement améliorée97
».
De plus, ils ajoutent le fait que cet outil est peu
coûteux et ne nécessite pas de formation particulière.
Avec ces 2 exemples nous pouvons donc penser que l'utilisation
de dispositifs qui sécurisent la pratique sont de très bons
éléments qui devraient être mis en place dans toutes les
unités ou le risque de la survenue d'IT est grande. Ils ont fait preuve
d'efficacité et paraissent très facilement accessible et
maniable. A cela peuvent s'ajouter d'autres moyens comme des «
flyers d'avertissements » ou bien des zones qui
délimitent des endroits susceptibles d'être à haut risque
de perturbation (ex : chariot de préparation de médicaments).
96 Sapey T., Leo-Kodeli S., Roy M., Amirault P.,
Benseddik Z., Labussière A-S., & al (2018). Gilet distinctif: une
solution pour éviter les interruptions de tâches dans le domaine
transfusionnel? Expérience en Centre-Val de Loire. Transfusion clinique
et biologique, 25(4), 320.
97 Colligan L., Guerlain S., Steck S-E. & Hoke
T-R. (2012). Designing for distractions: a human factors approach to decreasing
interruptions at a centralized medication station. BMJ Quality & safety,
21(11), 939-947.
38
Mais qu'en est-il de l'idée de
récupération mentale pour ces soignants qui sont interrompus?
Nous avons bien vu auparavant qu'il était difficile
pour un individu de revenir sur sa tâche initiale car le cerveau
nécessitait un temps pour récupérer l'information et sa
faculté à faire le tri.
Toujours dans sa brochure98, l'HAS a
étudié le cas et préconise là encore des solutions
qui peuvent être utiles dans cette démarche de
récupération. D'après ces résultats : «
69% des professionnels reprennent leur action au moment de
l'interruption ». Cependant, 31% donc n'y arrivent pas ou du
moins difficilement. Pour être plus clair, 14% assurent reprendre au
début de leur acte suite à une IT. 10% reprennent avec un
délai, 1% oubli. Les 7% restants sont identifiés par l'HAS comme
une « non réponse ». Environ 93% sont dû à des IT
comprirent entre 1 à 5 minutes (64,5% < 1min). Ces solutions sont des
listes de contrôle ou des « mémos » qui permettent aux
soignants de reprendre la tâche effectuée là où elle
a été interrompue mais aussi d'en faire un bilan, un « check
up » pour confirmer que la reprise de l'acte a bien été
réalisé suite à une vérification faite par
l'interrompu lui-même. Une sorte de check-list.
Cet outil, nous le retrouvons dans notre pratique IADE. En
effet, depuis 2012, une recommandation préconise l'usage obligatoire
d'une check-list pour la sécurité anesthésique lors de
l'ouverture de salle par les IADEs99. Cette check-list aide le
praticien à lister tous les appareils et les étapes de
préparation d'une ouverture de bloc opératoire et notamment du
côté de l'équipe d'anesthésie. Véritable
outil de vérification, il participe à la réalisation
méthodique d'actes qui permettent de détecter la moindre faille
dans la surveillance et la préparation du matériel
nécessaire à une intervention quelle qu'elle soit. Cette
vérification est clairement indiquée dans le
référentiel d'activités de l'IADE à l'alinéa
3 : « Mise en oeuvre et contrôle des mesures de
prévention des risques, opérations de vigilance et
traçabilité en
anesthésie-réanimation100 ».
Dans la partie « Anesthésiovigilance », il
est écrit que l'IADE assure le : « renseignement et la
mise en oeuvre de la check-list d'ouverture et de fermeture du site
d'anesthésie (...) mesures correctives en cas
d'incidents101 ».
98 Haute Autorité de Santé (HAS) -
Outils de sécurisation et d'auto-évaluation de l'administration
des médicaments: l'interruption de tâche lors de l'administration
des médicaments - HAS, janvier 2016.
99 Référentiel d'activités de
l'IADE - Ministère des affaires sociales et de la santé - BO
santé - Protection sociale - Solidarité n°2012/17,
août 2012.
100 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
101 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
39
Cependant, même si la check-list assure et
prévient la survenue d'évènements indésirables dans
la pratique de l'anesthésie, celle-ci n'est pas dédiée
directement à l'encontre des interruptions de tâche.
Pour revenir à ma situation d'appel, malgré la
réalisation d'une check-list d'ouverture de salle, celle-ci n'a pas
empêché la survenue d'une interruption de tâche et encore
moins la survenue d'un événement indésirable
résultant d'une erreur dans l'analyse de la consultation
anesthésique.
3.3.3.2 Expérience de l'aéronautique dans
la lutte contre les IT : le « Team Resource Management » (TRM) ou
gestion des ressources en équipe
L'aéronautique, experte en la matière dans la
lutte contre les IT peut sans doute encore une fois nous éclairer dans
cette démarche de prévention. Qu'en est-il dans cette industrie
convaincue que l'erreur humaine n'est pas infaillible102 mais peut
être gérer de manière efficace afin d'en réduire les
impacts néfastes ?
A l'étude depuis 1994, la gestion des ressources en
équipe est définie par l'Organisation Européenne pour la
sécurité de la navigation aérienne (EUROCONTROL) comme
étant : « Les stratégies pour une utilisation
optimale de toutes les ressources disponibles - informations,
équipements et personnel - afin d'optimiser la sécurité et
l'efficacité de services de la circulation
aérienne103 ». Cette pratique a
été reconnue en 2015 comme un moyen acceptable
conformément au règlement de la commission relative aux facteurs
humains.
Les avantages décrits sont les suivants :
§ Amélioration de l'efficacité des
tâches opérationnelles.
§ Amélioration de la continuité et de
l'efficacité du travail en équipe = réduction des
incidents liés au travail d'équipe.
§ Amélioration du processus d'apprentissage et de
diffusion des leçons visant à réduire la récurrence
des mêmes problèmes.
§ Amélioration des communications et du retour
d'expérience = augmentation de la satisfaction au
travail.
102 Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - Guide
pédagogique de l'OMS pour la sécurité des patients,
2012.
103 Bunjevac S., Seychelles A-F. - EUROCONTROL guidelines for TRM
good practices - European organisation for the safety of air navigation, mars
2015.
40
§ Sensibilisation accrue à la culture de
sécurité = amélioration du sens du travail au sein
d'une équipe.
§ Sensibilisation individuelle accrue de l'impact des
facteurs humains sur les tâches opérationnelles =
meilleure utilisation des ressources en personnel.
Dans son guide, les auteurs préconisent l'implantation
et les bienfaits significatifs du « Team Resource Management » dans
les programmes de formation pour l'amélioration des pratiques dans la
sécurité aérienne. Ils affirment que : «
La gestion des ressources en équipe est clairement un
programme lié à la sécurité (...) Cela soutiendrait
les changements dans l'attitude et les comportements à long terme,
réduisant ainsi l'impact des erreurs et contribuant à une
meilleure culture de sécurité104
».
Cette pratique est retrouvée depuis peu dans le domaine
de la santé et plus précisément au travers du Crew
Resource Management en santé (CRM Santé). « Le
CRM Santé est un module d'animation qui permet de réaliser un
diagnostic du fonctionnement d'une équipe dans le cadre de la mise en
place d'un programme d'amélioration des pratiques
(PACTE)105 ». L'objectif : libérer la
parole des soignants, faire une analyse des pratiques ciblée,
défaire les noeuds qui ralentissent ou interfèrent dans le bon
fonctionnement d'une équipe pluridisciplinaire, trouver des consensus et
des axes d'amélioration.
Cette ressource est définie par l'HAS comme «
un moyen d'accroître les performances de l'équipe en
se focalisant sur les attitudes et comportements et leurs impacts sur la
sécurité des patients. C'est une occasion de mettre en avant des
savoirs, des pratiques, des comportements notamment sur : la communication, le
soutien mutuel, l'évaluation de la situation, le feedback et le
leadership106 ».
104 Bunjevac S., Seychelles A-F. - EUROCONTROL guidelines for
TRM good practices - European organisation for the safety of air navigation,
mars 2015.
105 Haute Autorité de Santé - Outil
d'amélioration des pratiques: Le Crew Resource Management en
santé (CRM Santé) - mai 2018.
106Haute Autorité de Santé - Outil
d'amélioration des pratiques: Le Crew Resource Management en
santé (CRM Santé) - mai 2018.
41
3.3.3.3 Ingénierie de la résilience ou
comment savoir piloter sa pratique et s'adapter aux risques : des
compétences non-techniques au service de la sécurité en
anesthésie
Même si ce concept ne développe pas de solution
en lien direct avec les interruptions de tâche, celui-ci participe
néanmoins dans la prévention des risques et exerce une certaine
capacité de contrôle, de réussite et d'adaptation par les
acteurs qui la pratiquent. Il s'agit en autre de ménager le
professionnel afin qu'il puisse être conscient de sa totale
capacité à maîtriser ses ressources et donc
préserver son mental pour être plus performant. Dans un article
paru sur le site
infirmiers.com, Boris
CYRULNIK, neuropsychiatre raconte : « La résilience
c'est l'aptitude d'un corps à résister aux pressions et à
reprendre sa structure initiale. En psychologie, la résilience est la
capacité à vivre, à réussir, à se
développer en dépit de
l'adversité107 ». Il poursuit en
définissant, au sens figuré, la résilience comme : «
une force morale; qualité de quelqu'un qui ne se
décourage pas, ne se laisse pas abattre ».
Lucie CUVELIER, dans un article, parle de ce concept car :
« La sécurité des patients est un enjeu majeur
des systèmes de santé et un challenge à relever par les
politiques publiques (...) L'objectif général est de
préciser en quoi ce nouveau modèle peut nous aider à
comprendre le fonctionnement d'un système de soins et à proposer
des pistes de transformations pour améliorer la sécurité
des patients108 » et elle l'illustre par
l'anesthésie car : « Dans le domaine de la
sécurité des patients, l'anesthésie est
considérée comme une discipline pionnière, un
modèle à suivre pour les autres spécialités
». En d'autres termes, une discipline qui a fait ces preuves
dans la gestion des risques.
Dans son analyse, Lucie CUVELIER fait la distinction de 3 axes
:
§ La capacité de contrôle en anesthésie
: agir en fonction des ressources.
§ La capacité de réussite en anesthésie
: tirer parti de la variabilité des pratiques.
§ La capacité d'adaptation en anesthésie :
s'ajuster aux différents types d'imprévus.
Dans le premier item, elle développe le fait que «
cette capacité de contrôle implique que les acteurs*
(*les anesthésistes) sachent tenir compte non seulement des risques du
système (évaluation des bénéfices et risques pour
le patient, connaissance et
107 Cyrulnik B. « Plongée dans l'univers de la
résilience ».
www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/cours/-esi-resilience-nous-tue-pas.html.
avril 2017
108 Cuvelier L. - L'ingénierie de la résilience: un
nouveau modèle pour améliorer la sécurité des
patients? L'exemple de l'anesthésie.
www.cairn.info/revue-sante-publique-2013), Vol.25, pp 475-482
42
respect des normes et recommandations), mais aussi
de leurs propres ressources109 (...) afin
de conserver la maîtrise de la situation, en évitant
d'épuiser les ressources humaines au sein de l'équipe : gestion
des incompréhensions, de la fatigue, du stress, etc.
». Nous pouvons potentiellement retranscrire cette citation
dans le cadre de la lutte contre les IT au bloc opératoire car elle
illustre parfaitement le fait qu'il faut parfois mieux identifier sa pratique,
connaître son environnement, ses failles et ainsi pouvoir se
prémunir plus aisément face au risque.
Dans le deuxième item, elle y explique que les choix de
stratégies d'anesthésie par exemple, sont variables en fonction
des MAR pour une même intervention. « Tandis que dans
une approche classique, cette variabilité de solutions serait
déplorée, l'approche par la résilience envisage aussi les
bénéfices de cette variabilité tant du point de vue de la
sécurité des soins que de celui de leur efficacité. Et en
effet, on constate que cette variabilité des pratiques, n'empêche
pas la réussite des interventions ni l'atteinte d'un haut niveau de
performance globale dans les équipes. Au contraire même, sous
certaines conditions, la diversité des stratégies s'avère
être favorable au développement de la sécurité :
elle permet chaque à anesthésiste d'agir dans son domaine de
compétences et de progresser110 ».
Savoir utiliser différentes tactiques lors d'une
activité à risque pour se prémunir des IT, tout en restant
dans les normes recommandées, peut être utile dans cette lutte et
être mis en pratique par d'autres si cela est efficace.
Enfin dans le troisième item, elle cherche à
comprendre comment l'ingénierie de la résilience a permis
à l'anesthésie de s'adapter face aux différents types
d'imprévus qui sont récurrents dans cette discipline. «
L'ingénierie de la résilience s'intéresse aux
capacités adaptatives de systèmes et cherche à saisir la
façon dont les systèmes s'étirent et continuent à
fonctionner malgré des perturbations (...) En anesthésie, deux
grands types de stratégies ont été
identifiées111 : les stratégies réglées,
qui consistent à appliquer le protocole et les stratégies
gérées, qui consistent à prendre des décisions de
compromis sur la base d'une évaluation bénéfice/risque.
Ces travaux montrent qu'il est nécessaire de développer la
capacité de soignants à mettre en oeuvre des stratégies
gérées ». Parmi ces compétences
à développer, elle en cite 2 principalement :
109 Cuvelier L., Granry JC., Orliaguet G. & al. Resilience's
resources in pediatric anesthesia. 3rd International Conference on Health care
systems, Ergonomics and Patient Safety (HEPS). June 22-23, Oviedo, Espagne
2011.
110 Amalberti R., Hourlier S. Human error reduction strategies in
Health Care. In: Carayon P, ed. Handbook of Human Factors and Ergonomics in
Health Care and Patient Safety. Hillsdale: Lawrence Erlbaum Associates; 2007.
p. 561-77
111 Cuvelier L., Falzon P., Coping with uncertainty. Resilient
Decisions in Anesthesia. In: Hollnagel E., Pariès J., Woods D.,
Wreathall J., Eds. Resilience Engineering in Practice. A Guidebook. Surrey
(UK): Ashgate, Studies in Resilience Engineering; 2010. P. 29-43
43
§ Les compétences à prendre des
décisions de compromis même dans des situations diverses =
Balance bénéfice/risque.
§ Les compétences qui permettent d'anticiper et de
détecter les indices permettant de repérer que la situation sort
du « réglé » = Capacité à
anticiper.
Ces 2 compétences recherchées par l'auteur sont
étudiées dans la formation en soins infirmiers
anesthésistes. Cependant, ils n'ont pas pour autant été
inscrits dans une démarche de lutte contre les IT. Pour autant, nous
pouvons remarquer que l'aptitude à bénéficier de ces 2
compétences pourrait améliorer la sécurité dans la
pratique IADE. En effet, si nous arrivons à faire le choix d'effectuer
une tâche plutôt qu'une autre, par ordre de priorisation en tenant
compte des impératifs et de la balance bénéfice/risque
alors nous serons capables de nous adapter à la situation.
L'anticipation permet quant à elle, de prévenir le risque et donc
une meilleure gestion dans la survenue d'une interruption de tâche.
En conclusion, Lucie CUVELIER termine son analyse en disant
que : « Même si le concept est encore flou et que les
outils opérationnels restent pour l'essentiel à construire,
l'ingénierie de la résilience semble être une approche
privilégiée pour répondre à cet objectif ( =
favoriser les stratégies adaptatives construites par les équipes
soignantes)112 ».
112 Cuvelier L. - L'ingénierie de la résilience: un
nouveau modèle pour améliorer la sécurité des
patients? L'exemple de l'anesthésie.
www.cairn.info/revue-sante-publique-2013), Vol.25, pp 475-482
44
3.4 L'IADE dans la gestion des risques et
l'interruption de tâche
3.4.1 Rôle de l'IADE
3.4.1.1 En général
« L'Infirmier Anesthésiste
Diplômé d'État (IADE) est un infirmier qui se
spécialise afin d'acquérir des compétences
supplémentaires dans les domaines de l'anesthésie, de la
réanimation, des soins d'urgence ainsi que de la prise en charge de la
douleur. Dans ce cadre, il va réaliser l'ensemble des gestes qui
concernent la prise en charge anesthésique des patients à sa
charge. Son rôle est prépondérant dans les domaines de
l'urgence, de la formation, de l'encadrement ainsi que dans l'évolution
de sa profession (recherche)113 ».
L'arrêté du 23 juillet 2012 relatif à la
formation conduisant au diplôme d'État d'infirmier
anesthésiste détermine les conditions d'apprentissage de la
formation et les modalités d'obtention du diplôme.
La profession est légiférée par un
décret de compétences établi par le ministère des
affaires sociales et de la santé. Ce rapport renseigne et encadre la
pratique de l'infirmier anesthésiste dans son domaine au sein des
établissements de santé et en pré-hospitalier dans la
limite de son savoir acquis dans un centre de formation agréé
délivrant le diplôme d'état.
« De par ces connaissances acquises en
formation initiale et continue, l'infirmier anesthésiste analyse,
gère et évalue les situations dans son domaine de
compétence, afin de garantir la qualité des soins et la
sécurité des patients. Il bénéficie d'une
exclusivité de compétence114 ».
C'est là tout son rôle en tant que spécialiste.
Avec l'attribution d'un statut comme celui-ci, l'IADE est
directement concerné par la prise de décision et notamment tenu
à juste titre d'en informer le médecin anesthésiste avec
qui il travaille en étroite collaboration.
La stratégie anesthésique est la feuille de
route sur laquelle doit se conformer l'IADE. Il est tenu de la respecter mais
aussi d'y apporter sa vision, sa contre-expertise si
113 Vincent ELMER, rédacteur
infirmiers.com - Quid de l'infirmier
anesthésiste diplômé d'état, décembre
2017.
114 Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes (SNIA)
- Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
anesthésiste, décembre 2007.
45
besoin. Il n'est pas spectateur mais acteur dans son domaine.
Il est doué de compétences pour mettre en oeuvre et
réfléchir sur la démarche à suivre tout au long de
la prise en charge des patients. Son expertise doit conforter la
stratégie élaborée par le MAR mais aussi lui permettre de
relever d'éventuelles améliorations dans la réalisation de
celle-ci.
« L'infirmier anesthésiste ne doit pas
exécuter une prescription médicale qui comporterait un risque
pour le patient115 ». Il est de son ressort de
réaliser les actes anesthésiques (rôle propre et sur
prescription) avec rigueur et sécurité, de proposer des
alternatives et de les argumenter lorsqu'il nécessaire sur sa pratique
en se référant sur des recommandations nationales. Sa
capacité de réflexion et d'évaluation lui confère
une place toute particulière au sein des équipes du bloc
opératoire et dans les établissements de santé. Son
enseignement est reconnu dans plusieurs nations du monde entier.
3.4.1.2 Rôle de l'IADE dans la gestion des
risques au BO
Nous avons pu aborder les différents concepts qui
résultent de la culture de sécurité. Elle englobe d'une
part, la volonté des établissements de santé à
concourir pour une meilleure prise en charge des patients dans un souci
perfectible et constant de sécurité des soins (certification).
Elle encourage dans un second temps les professionnels de santé à
plus de maîtrise dans l'évolution des pratiques par le biais des
formations et des recommandations116, souvent mises à jour,
qui serviront à relever ces nouveaux défis. L'évaluation
et l'analyse des pratiques nous pousse à participer activement à
l'élaboration d'outils toujours plus novateurs dans la recherche en
sécurité des soins. La démarche qualité encadre ce
processus.
La gestion des risques est l'outil de tout à chacun de
s'approprier cette culture de sécurité en fonction de ses
compétences et de la spécialité dans laquelle il exerce.
L'IADE de par sa formation assure et assume pleinement sa place dans cette
dynamique. Il est un acteur primordial dans la gestion des risques au bloc
opératoire.
115 Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes (SNIA)
- Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
anesthésiste, décembre 2007.
116
SFAR.fr
46
« La sécurité est la
résultante d'une combinaison de facteurs humains qui convergent vers un
même but: anticiper, prévoir et réduire au maximum le
risque117 ». Anticipation et prévention
sont deux des piliers qui régissent les règles de bonnes
pratiques professionnelles de l'IADE.
D'après la définition du Larousse, anticiper
est: « l'action de prévoir, de supposer ce qui va
arriver ». Dans l'annexe 1 du référentiel
d'activités régissant le décret de compétences de
l'IADE, il est mentionné: « De par ses
compétences acquises en formation, l'infirmier anesthésiste
analyse, gère et évalue les situations dans son domaine de
compétence, afin de garantir la qualité de soins et la
sécurité des patients. L'infirmier anesthésiste
réalise également des activités de prévention,
d'éducation et de formation118 ».
L'alinéa 3 du référentiel
d'activités assure aussi à l'IADE: « la mise en
oeuvre et le contrôle des mesures de prévention des risques,
opérations de vigilance et traçabilité en
anesthésie-réanimation ». C'est tout
l'objectif de la mise en place des cartographies et notamment celle concernant
le bloc opératoire. Comment viser juste si l'on n'y est pas
préparé? C'est toute la complexité du système.
L'HAS met à disposition des professionnels, comme des IADEs, des outils
sous forme de brochure numérique comme le Programme
d'Amélioration Continue du Travail en Équipe appelé plus
communément PACTE119. Cet article met en exergue
l'utilité d'impliquer l'ensemble des personnels soignants à
additionner leurs forces (compétences techniques et non techniques) dans
un souci collectif de culture de sécurité du soin des patients.
La formation des professionnels est indispensable. L'IADE encore une fois
à la compétence de pouvoir former d'autres acteurs de
santé, dans la limite de ses compétences.
Il collabore avec le MAR et planifie ses actes. «
La planification dans les environnements dynamiques n'est souvent
pas le but de l'activité mais une préparation à
l'exécution de l'action (Amalberti, 1996). Ce processus peut se
décliner en deux aspects: l'anticipation et la schématisation
(Hoc, 2006; Van Daele & Carpinelli,
2001)120». La préparation (check-list,
protocoles) et l'organisation (réglementation) aide à anticiper
et permet de garder le contrôle sur des situations à risque. Ce
processus fait partie intégrante des compétences de l'IADE dans
la gestion
117 Sandrine COUILLEZ, IADE, mémoire école Reims
promotion 2007-2009 - Mon rôle d'infirmier anesthésiste dans la
sécurité et le confort du patient lors des ALR - mars 2009
118 Référentiel d'activités IADE,
Ministère des affaires sociales et de la santé, août
2012.
119 Programme d'amélioration continue du travail en
équipe (PACTE) - Gestion des risques en équipe associée
à la sécurité des patients, HAS, avril 2018.
120 V. Neyns, O. Carreras et Jean-Marie Cellier, « le
travail humain », évaluation et gestion des risques en
anesthésie: stratégies mises en place par les médecins
anesthésistes.
www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2010-4-page-319, avril 2010.
47
des problèmes connus ou imprévus. René
AMALBERTI préconise d'élargir notre vision du risque au parcours
de soins121.
L'anesthésie, domaine médical scientifique en
évolution permanente nécessite de repenser sans cesse notre
pratique face au progrès médical et technologique. Cela peut
entrainer des décalages dans notre système de santé. Pour
progresser dans cette maîtrise, l'anesthésie s'est souvent
inspiré des approches réalisées dans des systèmes
à haut risque tels que l'aviation, les centrales nucléaires ou
bien la médecine de guerre.
Avec l'existence de nouvelles menaces comme le terrorisme en
milieu urbain (attentats à Paris: Charlie Hebdo, janvier 2015 et
Bataclan, novembre 2015, bilan: + de 130 morts et 350 blessés), l'IADE
dispose d'une expertise et d'une autonomie sans commune mesure dans la gestion
de catastrophe de grande ampleur. Du lieu du drame, en passant par le transport
pré-hospitalier jusqu'au bloc opératoire, il peut effectuer des
actes sur rôle propre et sur prescription qui déchargeront les
médecins urgentistes ou anesthésistes lors d'un afflux massif de
personnes en attente de soins. « Dans ce contexte d'urgence,
l'IADE apporte un soutien primordial au MAR qui peut se décharger d'un
certain nombre de tâches (...) En raison de ses diverses
compétences techniques, il peut aussi suppléer les infirmiers au
déchoquage122 ».
Coordination et communication sont d'autres compétences
qui se rajoute à son panel d'expertise. Il peut être une personne
pivot pour l'équipe qui constitue le bloc opératoire. Son statut
lui confère d'être un facteur humain indispensable dans la
complexité des prises en charge des patients opérés
puisqu'il est capable, et en collaboration avec les autres professionnels de
santé, d'être le coordinateur (management) dans la gestion des
risques liés à la chirurgie, à l'anesthésie et aux
patients.
3.4.1.3 Rôle de l'IADE dans la gestion du facteur
humain
« Les accidents d'anesthésie ont
diminué de façon significative au cours des trois
dernières décennies. En proportion, l'erreur humaine reste en
cause dans la majorité des accidents. L'analyse des erreurs doit
permettre de déterminer les facteurs en cause. L'amélioration du
travail en équipe, le développement des guidelines, la mise en
place d'ateliers de simulation, sont autant de moyens à
mettre
121 René AMALBERTI, Charles VINCENT - Safer healthcare:
strategies for the real world - HAS, mai 2016.
122 Nelly AMDAOUD (IADE), Jean-Pierre TOURTIER (MAR), Bruno
DEBIEN (Pr en anesthésie-réanimation, fondateur et
président de EmergenSim) - Rôle de l'IADE en situation de
catastrophe, le cas des conflits armés, OXYMAG n°114, septembre
2010.
48
en place pour améliorer la
sécurité anesthésique123 ».
Bien que l'erreur humaine soit inévitable124, un individu
doit évoluer aussi en apprenant de ses erreurs.
Il dispose à ce jour de nombreuses ressources pouvant
le guider vers une meilleure prévention et maîtrise des risques
dans son domaine d'activité.
La check-list qui apparait dans le référentiel
d'activités de l'IADE en est un parfait exemple tout comme la
règle des « 5B » l'est pour éviter les erreurs
médicamenteuses, qui est un des risques majeurs en
anesthésie125. Les évolutions et l'encadrement stricte
de la formation des professionnels de santé dans le domaine de
l'anesthésie ont apporté une garantie et une meilleure efficience
dans la démarche de sécurité. L'infirmier
anesthésiste dispose de moyens pour éviter certaines erreurs mais
doit en permanence analyser sa pratique afin de se prémunir des cas
qu'il n'aurait pas encore rencontrés.
Chaque acteur évoluant dans un bloc opératoire
apporte sa contribution et ces compétences professionnelles. Bien
qu'entouré d'instruments de haute technologie qui participent à
l'essor des PEC au BO, notamment concernant l'anesthésie, il est
difficile de se passer de l'expertise des intervenants qui travaillent dans ces
services. Dans ce cadre, l'IADE réalise l'ensemble des gestes qui
concernent la PEC anesthésique des patients à sa charge. Son
rôle est prépondérant dans les domaines de l'urgence, de la
formation, de l'encadrement ainsi que dans l'évolution de sa profession
(recherche). Il accueille le malade en salle d'opération et
prépare le matériel d'anesthésie126 :
§ Il gère l'anesthésie conjointement avec
le médecin de son induction jusqu'à la phase de réveil.
§ Il effectue la surveillance per-opératoire et
adapte l'anesthésie aux différents temps opératoires
conformément aux protocoles et aux recommandations en vigueur.
§ Il participe à la maintenance et à la
gestion des divers matériels, médicaments, produits sanguins.
§ Il réalise et contrôle les soins
infirmiers en anesthésie, réanimation ou traitement de la
douleur.
123 François CLERGUE (MAR, chef de service), Thierry
LAROCHE (IADE, chargé de formation), Hôpitaux universitaire de
Genève, Suisse - Oxymag Vol. 23, n°111, pp 19-23, avril
2010.
www.em-consulte.com
124 REASON J. - Human error: models and management - BMJ, vol.
320, n°7237, pp 768-770, mars 2000.
125 SABY Sandrine, LUKASZEWICZ Anne-Claire, GREGRUTTI Nelly,
LEHOT Jean-Jacques, Fédération d'Anesthésie
Réanimation Hôpital Pierre WERTHEIMER Lyon (69), mars 2015.
126 ELMER Vincent, rédacteurs
infirmiers.com - Quid de l'Infirmier
Anesthésiste Diplômé d'Etat, décembre 2017.
49
§ Il élabore des protocoles, évalue la
qualité des soins et forme les stagiaires.
Toutes ces compétences participent à la
compréhension du rôle que peut jouer l'IADE. Pour guider sa
pratique et donc améliorer ses compétences, l'IADE peut s'appuyer
sur plusieurs institutions connues, reconnues et habilitées telles que
la Société Française
d'Anesthésie-Réanimation (SFAR), le Syndicat National des
Infirmier(e)s Anesthésistes (SNIA) ou bien la Société
Française des Infirmier(e)s Anesthésistes (SOFIA).
Elles ont pour objectif de guider les professionnels dans
leurs carrières et de partager en communiquant toutes les
évolutions, avancées et mises à jour théoriques,
techniques et non-techniques dans le domaine médical et
paramédical à travers des études. Sous forme de
recommandations de bonnes pratiques (fiches, check-list, vidéos,
aides-cognitives, etc.), elles rappellent les fondamentaux ainsi que les
nouvelles normes à appliquer et à prendre en compte dans les PEC
pour une meilleure efficience dans nos pratiques professionnelles. Elles
décryptent aussi les règles en matière de
législation et régissent nos comportements en fonction de
celles-ci. Elles partagent l'actualité de notre profession et font des
comptes rendus précis sur les dispositions et les changements
socio-démographique qui font évoluer dynamiquement nos
statuts.
3.4.2 Compétences et activités
3.4.2.1 Décret et référentiel
d'activités
Le décret de compétences qui est en vigueur
actuellement est celui datant du 10 mars 2017. Il s'intitule : «
Décret n°2017-316 du 10 mars 2017 relatif aux
actes infirmiers relevant de la compétence des infirmiers
anesthésistes diplômés d'État127 ».
Il régit les fonctions de l'infirmier anesthésiste et
détermine son domaine d'activité.
« L'approche systémique de
l'anesthésie en fait un processus complexe qui commence à la
consultation d'anesthésie et se termine à la sortie de la salle
de surveillance post-interventionnelle. Le rôle de l'infirmier
anesthésiste comporte plusieurs fonctions et
activités128 ».
127
www.legifrance.gouv.fr
128 Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes (SNIA)
- Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
anesthésiste, décembre 2007.
50
L'article R. 4311-12 du code de la santé publique
définit le champ d'activité de l'IADE. Ces éléments
figurent dans le référentiel d'activité de l'IADE qui
décrit les activités du métier et les
compétences129. Ils sont au nombre de 7 :
1. Préparation et organisation du site et du
matériel d'anesthésie en fonction du patient, du type
d'intervention et du type d'anesthésie.
2. Mise en oeuvre et suivi de l'anesthésie et de
l'analgésie en fonction du patient, de l'intervention et de la technique
d'anesthésie.
3. Mise en oeuvre et contrôle des mesures de
prévention des risques, opérations de vigilance et
traçabilité en anesthésie-réanimation.
4. Information, communication et accompagnement du patient
tout au long de sa prise en charge.
5. Coordination des actions avec les autres
professionnels.
6. Veille documentaire, études, travaux de recherche
et formation continue en anesthésie-réanimation, douleur et
urgences.
7. Formation des professionnels et des futurs
professionnels.
De l'ouverture de salle jusqu'à l'incision, en passant
par la pratique de l'induction avec le MAR, l'IADE réalise un certain
nombre d'actes relevant de son rôle propre pour la sécurité
anesthésique. Ces tâches ont pour but de prévenir des
défauts techniques, des problèmes de procédures, des
soucis de logistique et d'approvisionnement de la salle en matériel et
médicaments. Cette mécanique à la fois technique et
non-technique (compétences) sont indispensables et engage la
responsabilité de l'IADE mais aussi du MAR. C'est une période
extrêmement délicate où la concentration et la logique
doivent rester intactes et ou toutes perturbations peut être pernicieuses
et préjudiciables.
« L'infirmier anesthésiste engage sa
responsabilité en cas de faute dans l'exécution d'un soin ou
d'une technique, de défaut de surveillance et de maintenance de
matériel, de non-respect de protocole ou de prescription médicale
et de réalisation fautive d'actes ne relevant pas de compétence
(...) La passivité est fautive car elle maintient le risque subi par le
patient130 ».
129 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
130 Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes (SNIA)
- Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
anesthésiste, décembre 2007.
51
3.4.2.2 Les tâches de l'IADE
Parmi ces tâches, nous retrouvons celles concernant les
compétences 1 et 2. D'après le référentiel
d'activités de l'IADE, elles sont détaillées ainsi :
« Recueil et contrôle des
éléments du dossier patient et de l'ensemble des informations
nécessaires à la mise en oeuvre de la stratégie
d'anesthésie131 ». C'est une
période très importante ou il s'agit pour l'IADE et le MAR
(Visite Pré-Anesthésique = VPA) d'accueillir le patient et de
consulter des éléments indispensables pour la PEC
anesthésique. Il faut référencer certains documents comme
la carte de groupe sanguin, des résultats biologiques mais aussi
clarifier avec le patient des éléments qui rentrent directement
en compte dans la procédure. Ces éléments « patients
» sont détaillés dans la consultation d'anesthésie.
Ils recherchent des facteurs perturbateurs, anciens (antécédents
médicaux et chirurgicaux) ou récents (jeûne), qui
pourraient gêner des actes réalisés par le MAR ou l'IADE
dans la période per-opératoire (ex: induction/intubation,
perfusion, stratégie d'épargne sanguine, risque infectieux
etc...).
La recherche d'allergies ou de causes aggravantes
évidentes liés au terrain patient comme l'intubation difficile ou
l'estomac plein sont des tâches relevant du rôle propre de
l'IADE.
« Préparation des différents
sites et équipements d'anesthésie132
». Il s'agit de référencer tout le matériel « de
base » nécessaire à l'ouverture d'un site opératoire
et à l'usage de l'équipe d'anesthésie. La présence
d'un respirateur, d'une aspiration, d'un chariot d'anesthésie, du
monitorage, d'un réchauffeur ou de tout autre élément avec
lequel l'équipe d'anesthésie va pouvoir surveiller et
évaluer l'anesthésie et sa pratique en toute
sécurité. Il s'agit aussi de vérifier la conformité
et l'utilisation sans risque d'anomalies dites techniques, d'appareils
électriques, des outils manuels (ex : laryngoscope) qui vont servir
à la pratique et au bon déroulement « sans craintes et sans
stress » de la procédure anesthésique dans la PEC du
patient.
« Préparation et gestion du
matériel pour les différentes techniques
d'anesthésie133 ». La prise en compte de
facteurs tels que le type d'intervention ou bien le terrain du patient vont
influencer la stratégie d'anesthésie et notamment l'usage d'un
matériel approprié pour sa réalisation. Des outils
spécifiques comme l'Anesthésie IntraVeineuse à Objectif de
Concentration (AIVOC) ou le cell-saver, peuvent et
131 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
132 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
133 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
52
doivent être en salle dès lors que la
stratégie anesthésique le considère et surtout lorsque le
ou les risques le préconisent.
« Vérification de la
disponibilité des médicaments d'anesthésie et de
réanimation134 ». Un nombre suffisant et
non périmé de médicaments d'anesthésie (ex:
Propofol) et de réanimation (ex: Adrénaline) doivent
impérativement faire partie du matériel présent en salle
et dans le chariot d'anesthésie. Il doit être aussi disponible,
connu et facilement accessible dans la zone de stockage prévu à
cet effet. L'IADE doit se soucier de l'approvisionnement de celui-ci s'il
venait à manquer et doit en informer le cadre anesthésiste pour
réapprovisionner le service.
« Préparation des agents
médicamenteux135 ». Il est tenu par
l'infirmier anesthésiste de préparer le plateau d'injection
(suivant le protocole de dilution) qui doit servir à l'induction ainsi
que tout autre médicament qui serait nécessaire au maintien
hémodynamique du patient anesthésié ou à la
prévention de certains risques liés à la chirurgie et
l'anesthésie. Un hypnotique, un curare et un analgésique doivent
systématiquement être présents dans ce plateau et
être prêt à l'usage dans des conditions normales comme dans
les situations d'urgences.
« Vérification de la
disponibilité des produits sanguins et
dérivés136 ». En fonction de
l'état biologique et hémodynamique du patient, ainsi
qu'après consultation du dossier d'anesthésie et prise de
connaissance de la stratégie transfusionnelle avec le MAR, l'IADE doit
se prémunir des documents nécessaires à la
délivrance de produits sanguins (identité, carte de groupe, RAI,
consentement à l'acte transfusionnel) et doit s'assurer de sa
disponibilité auprès de la banque du sang. Ces produits, si
besoin et programmé pour être utilisé, peuvent être
conditionnés dans un réfrigérateur prévu à
cet effet dans le bloc opératoire.
« Vérification et réglage des
appareils et dispositifs de surveillance et de suppléance des fonctions
vitales137 ». En cas de situations
inexpliquées et ou indépendantes du service (ex: panne
électrique, coupure des fluides, etc...), l'IADE doit s'assurer de la
présence dans la salle d'une bouteille d'oxygène (O2) de secours
et d'un Ballon Auto remplisseur à Valve Unidirectionnelle (BAVU) afin de
ventiler manuellement et d'apporter de l'oxygène au patient
anesthésié, en attendant les réparations ou d'autres
solutions de substitution.
134 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
135 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
136 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
137 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
53
« Vérifications des matériels
d'urgence138 ». La vérification et le test
des appareils d'urgence comme le défibrillateur et le chariot
d'intubation difficile sont à planifier en tout lieu dans l'organisation
avant l'ouverture de salle. L'IADE doit aussi recenser la disponibilité
de certains médicaments d'urgence qui luttent d'une part, contre les
intoxications aux anesthésiques locaux (Intralipides) et d'autre part
contre l'hyperthermie maligne (Dantrolène). Il fera attention à
mémoriser son emplacement ainsi que s'assurer du nombre
recommandé et de la péremption.
Toute cette procédure sécuritaire est
assignée dans ce qu'on appelle la check-list d'anesthésie
d'ouverture de salle139. Elle doit être co-signée par
le MAR qui est aussi responsable de l'ouverture du site. Elle permet de guider
l'IADE dans sa préparation de salle et lui confère une certaine
sérénité dans l'enchainement de ses tâches. Elle
valide la présence et le bon fonctionnement de tous les appareils et
matériels à disposition de l'anesthésie et du bon
déroulement de la chirurgie.
Dans la mise en oeuvre et le suivi de l'anesthésie
(jusqu'à l'incision), les principales opérations constitutives de
l'activité de l'IADE140 sont :
· La vérification de l'identité du
patient, du type d'intervention et de l'état physiologique et
pathologique du patient.
· L'installation et la mise en condition du patient
(installation des dispositifs de surveillance et de prévention, position
chirurgicale...).
· Réalisation et/ou aide à la pose
d'abords veineux adaptés (utilisation des techniques de repérage
des voies veineuses périphériques par échographie) et
à la mise en place du monitorage invasif et non-invasif...
· Réalisation des examens cliniques et
paracliniques (analyse des paramètres monitorés) jugés
nécessaires afin de pratiquer un diagnostic infirmier
anesthésiste et dépister d'éventuelles
défaillances.
· Réalisation de l'induction de
l'anesthésie et pose de dispositifs de contrôle des voies
aériennes avec le médecin anesthésiste-réanimateur
(MAR).
· Surveillance constante du patient tout au long de
l'anesthésie.
138 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
139 Otteni J.C & al - L'appareil d'anesthésie et sa
vérification avant utilisation, SFAR publications, janvier 1994.
140 Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
54
§ Recueil de l'ensemble des données et
événements liés au patient, à l'intervention et
à l'anesthésie.
Comme le souligne Claire TOURMEN : « La
tâche correspond à l'ensemble des buts et procédures
prescrites, aux performances exigées et aux normes de qualité,
mais aussi à l'environnement physique de réalisation du travail.
A une tâche correspondent des objectifs, des moyens et des conditions de
réalisation : elle est prescrite, c'est un modèle du travail
(...) toute activité de travail serait ainsi encadrée par des
éléments de prescription, même s'ils sont peu
développés : des objectifs fixés par la hiérarchie,
les pouvoirs publics ou un groupe professionnel, des procédures plus ou
moins détaillées, des règles et des décrets qui
définissent ce qui peut ou doit être
fait...141 ».
La tâche doit permettre d'aboutir à un
idéal de fonctionnement, un enchainement de « bonnes actions »
logiques qui réduirait la marge d'erreur évitable. Débuter
une tâche et la réaliser jusqu'au bout, c'est avant tout dans
notre métier une histoire d'anticipation à un risque. C'est une
compétence afin de prévenir des situations à risque
connues ou soudaines qui peuvent engager le pronostic vital d'un patient. Cela
nous engage dans une démarche responsable et pour mieux répondre
à une pratique sécuritaire. « c'est un
modèle du travail » le définit Claire TOURMEN.
Du travail qui est organisé et planifié qui doit servir notre
intérêt à anticiper les risques. L'association de toute ces
tâches est nécessaire pour la sécurité
anesthésique.
3.4.3 Rôle de l'IADE dans la lutte contre les
interruptions de tâche
Nous avons pu aborder le sujet des interruptions de
tâche en tentant de les définir et de les identifier. Nous savons
à présent qu'il est particulièrement difficile de lutter
contre un phénomène qui fait partie intégrante du
quotidien de nombreux soignants et notamment des infirmiers. Il est admis que
ces professionnels sont confrontés et interrompus en moyenne 10 fois par
heure142 (soit 1 fois toute les 6 minutes), ce qui est
considérable143. Toujours d'après cette étude
Béatrice KALISCH
141 TOURMEN Claire - Activité, tâche, poste,
métier, profession: quelques pistes de clarification et de
réflexion - Santé publique, volume 19, supplément
n°1, janvier-février 2007.
142 Kalisch B.J., & Aebersold M. Interruptions and
Multitasking in Nursing Care. The Joint Commission Journal on Quality and
Patient Safety, 36(3), 126-132, 2010.
143 Dinet J., Hignard M., Cartalade C., Malbranche E., Baudin
A., Rivallier L., Proux A. Interruptions de tâches dans un service de
médecine interne: un danger sous-estimé?. La revue de
médecine interne, 39, A145-A146. 2018.
55
& al, sur 1354 interruptions, 200 erreurs ont
été enregistrées. Les IT peuvent être nuisibles dans
certaines activités et donc engendrer des erreurs.
Le rôle de l'IADE est d'assurer la
sécurité anesthésique auprès des patients qui
rentrent au bloc opératoire. Comment cohabiter aujourd'hui avec
l'idée qu'une simple « distraction », même de courte
durée, peut parfois faire basculer le soignant dans un profond doute, ou
il est parfois difficile pour lui-même de se recentrer sur ce qu'il
faisait au préalable? C'est là toute la complexité pour
les établissements de santé et les sociétés
savantes de mettre en place des dispositifs adaptés pour maitriser le
risque de survenue d'interruptions de tâche et donc éviter des
évènements indésirables. « Bien que les
infirmières gèrent bien les interruptions et le multitâche,
le potentiel d'erreurs est présent et des stratégies visant
à réduire les interruptions sont
nécessaires144 » conclue Béatrice
KAPLISCH.
Dans un environnement comme le bloc opératoire ou
l'anesthésie a évoluée avec l'objectif d'apporter toujours
plus de sécurité au patient et même s'il existe des
progrès dans les techniques de prise en charge avec l'utilisation entre
autres de matériels perfectionnés, le danger reste important et
touche tout aussi bien les médecins
anesthésistes-réanimateur. Il y a donc un devoir de collaborer
activement et de mettre en avant une confiance mutuelle.
Comme le résume David NAUDIN & al : «
Un des éléments essentiels de l'activité
d'anesthésie concerne la prise de décisions complexes, souvent
dans un contexte d'incertitude, qui nécessite une collaboration entre le
médecin anesthésiste-réanimateur (MAR) et l'infirmier
anesthésiste diplômé d'état (JADE). L'équipe
d'anesthésie met quotidiennement en jeu des compétences à
la fois techniques directement liées à des habiletés et
des savoir-faire, mais également des compétences non techniques.
Celles-ci sont primordiales pour soutenir une collaboration
efficace145 ».
Faire du travail en équipe, un groupement d'expert au
service de la culture de sécurité, une plus-value pour que chacun
puisse exercer en toute sécurité et prendre conscience du risque
malgré un environnement stressant. « Une équipe
est composée de plusieurs professionnels de santé qui
collaborent, s'entraident et se coordonnent pour atteindre des objectifs
partagées, centrés sur la prise en charge du patient, et dont ils
se sentent collectivement responsables146 ».
144 Kalisch B.J., & Aebersold M. Interruptions and
Multitasking in Nursing Care. The Joint Commission Journal on Quality and
Patient Safety, 36(3), 126-132, 2010.
145 Naudin David, Dupont Anne, Gavet Coralie. La
collaboration MAR-IADE: entre compétences non techniques et confiance
interpersonnelle. OXYMAG vol 31 - N° 163, pp 19-22, novembre 2018.
146 Haute Autorité de Santé - Gestion des risques
en équipe - Développement professionnel continu (DPC), juin
2017.
56
Savoir s'organiser est une qualité phare pour tout
professionnel et notamment pour les IADEs. La sécurité des soins
est aussi bien une affaire de personnes (facteur humain) que
d'organisation147.
Il est alors judicieux de comprendre que l'objectif pour les
IADEs est naturellement de se munir de toutes les recommandations de bonnes
pratiques (guidelines) afin de ne pas se laisser dépasser par l'exigence
de notre discipline et la volonté de faire progresser la pratique en
anesthésie.
Pour ce faire, nous devons faire émerger des solutions
qui doivent protéger notre environnement de travail et la pratique de
l'IADE.
147 Clergue F. Sécurité anesthésique:
une affaire de personnes ou d'organisation? - Rev Med Suisse 2004; volume O.
24229
57
4 PROBLÉMATISATION
C'est lors de la survenue d'un évènement
indésirable au bloc opératoire en chirurgie esthétique et
réparatrice que je me suis intéressé au
phénomène d'interruption de tâche.
Cette situation à laquelle j'ai été
confronté m'a permis de me questionner sur les mécanismes
d'apparition de celle-ci mais aussi à m'interroger sur les sources des
IT. Face au risque que ce phénomène entraine dans nos
établissements de santé et dans notre pratique, notamment au bloc
opératoire, il a été naturel en tant qu'étudiant
infirmier anesthésiste de m'engager dans cette voie et de rechercher des
réponses à mon questionnement.
D'après mes recherches, les IT sont devenues des
« distractions banales », mais non sans danger dans le quotidien de
beaucoup de professionnels de santé car elles sont souvent
impliquées dans la survenue d'erreurs et d'évènements
indésirables évitables. J'ai pu comprendre au travers de mes
lectures, que cela touchait particulièrement les infirmiers.
Les professionnels du bloc opératoire sont
exposés à des risques majeurs liés à la chirurgie,
à l'anesthésie et au patient. L'IADE, de par ses nombreuses
tâches et son rôle prédominant en anesthésie, est en
première ligne dans cette lutte contre les IT. Il était donc
important pour moi, dans le cadre de mon travail de fin d'étude de
trouver des articles qui mettent en lumière leurs origines, leurs
identités et leurs impacts sur notre pratique. Tout cela afin d'en
clarifier les causes et les risques sur la sécurité des soins
mais aussi les solutions qui se développaient. Ma question de
départ était la suivante:
A quelle fréquence les interruptions de
tâche se manifestent-elles et surtout sous quelles formes se
présentent-elles dans la pratique de l'IADE au moment de l'ouverture de
salle (ouverture de site en début de journée et entre chaque
intervention) jusqu'à l'incision?
Pour répondre à cette question, il m'a fallu
tout d'abord rechercher les principes même de la notion de
sécurité des soins, avec la démarche qualité, mais
aussi la notion de gestion des risques en milieu hospitalier et au bloc
opératoire. L'étude des facteurs humains fut par la suite un
point essentiel à aborder pour comprendre toute la complexité et
les enjeux de cette nouvelle politique de santé publique pour
améliorer la sécurité des soins et prévenir la
survenue d'IT responsables d'évènements indésirables
évitables. J'ai pu apprendre que le rôle et les compétences
de l'IADE dans
58
la gestion des risques était un axe à
développer dans la lutte contre les IT (compétences
non-technique).
Dans un second temps, je me suis intéressé
à la compréhension, à l'identification et aux actions
à mener pour prévenir et gérer les interruptions de
tâche. Au niveau du bloc opératoire et notamment dans le domaine
de l'anesthésie, celle-ci peut être particulièrement
dangereuse car les tâches de l'IADE sont nombreuses et demandent beaucoup
de concentration. Avec le croisement de plusieurs définitions, dont
celle de l'HAS, j'ai compris qu'elles engendraient une vraie frustration et
qu'il était difficile pour un professionnel de différencier les
« bonnes » et les « mauvaises » interruptions.
Dans le circuit médicament, lors de la
préparation, beaucoup d'études ont démontrées que
les IT étaient nuisibles, fréquentes et source d'erreurs. La
plupart était même imputable aux soignants pour des raisons
justifiées (demande d'informations) et qui participent donc au projet de
soins du patient. Savoir les identifier est donc nécessaire pour
réduire efficacement et durablement ce phénomène qui
perturbe les soignants et les stresse dans leur pratique.
La culture de sécurité étant devenue un
objectif majeur depuis une dizaine d'année dans nos
établissements de santé, il a fallu s'appuyer sur
l'expérience et les modèles de lutte contre les IT dans
l'aéronautique, pour mettre en place des audits et élaborer des
solutions (check-list, « team ressource management », « gilet
jaune », etc.). Un autre concept fait l'objet d'études approfondies
et peut être développé pour la lutte contre les IT comme
l'ingénierie de la résilience, très utilisé dans la
pratique en anesthésie.
Le travail d'équipe est important dans la gestion des
risques liés au facteur humain et organisationnel. Les travaux
récents de l'HAS dans ce domaine nous renvoient l'idée que ce
sujet est actuel et qu'il existe un véritable engagement structurel et
culturel pour se prémunir des interruptions de tâche.
Cependant, la plupart des études rencontrées et
utilisées dans l'élaboration de mon mémoire, concernaient
en général les infirmiers lors de la préparation des
médicaments. Même si cela m'a permis de dégager certaines
données utiles, importantes et intéressantes, il reste
néanmoins peu d'informations sur l'impact des IT dans la pratique
IADEs.
Acteurs importants dans le processus de prise en charge des
patients au bloc opératoire mais aussi dans la prise de décision,
les infirmiers anesthésistes sont potentiellement exposés,
dû à leurs nombreuses « tâches » en lien avec la
sécurité anesthésique.
Comme il n'existe pas de recommandations précises sur
la lutte contre les IT au bloc opératoire, ma problématique porte
sur l'observation de ces « interférences » dans la
59
pratique IADE de l'ouverture de salle à l'incision afin
d'en faire ressortir des données. Ces observations porteront sur :
· La localisation où s'effectue l'IT.
· Le type d'IT qui a été rencontré.
· L'origine de l'IT (la source).
· Le motif de l'IT (la raison).
· Les réactions de l'IADE face aux IT.
· La durée de l'IT.
Pour mettre en lumière tous ces aspects, j'ai donc
décidé de mener une enquête dite observationnelle, car
celle-ci me permettra de visualiser précisément les interruptions
dans son ensemble et de répertorier méthodiquement ses
différentes manifestations. Avec ce procédé, je pourrais
ainsi analyser avec finesse les résultats qui ressortiront de cette
observation.
60
5 MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
5.1 Conditions des observations
5.1.1 Choix de l'outil d'enquête
Le modèle d'enquête que j'ai choisi pour
comprendre et évaluer le phénomène des
interruptions de tâche dans la pratique des IADEs à La
Réunion est une grille d'observation.
Pour élaborer cette grille, j'ai suivi un
modèle rédigé et publié par la Haute
Autorité de santé (HAS) en 2016 lors de son investigation au
niveau national sur l'étude des interruptions de tâche (IT) dans
la pratique des infirmières pendant la préparation des
médicaments.
J'ai opté pour ce modèle car à mon sens,
l'analyse des interruptions de tâche, aussi complexe soit-elle, est la
même dans la plupart des situations où elles se produisent, et ce
dans n'importe quelle spécialité où le professionnel est
observé. L'utilisation de cet exemple pour la création de ma
grille me permettait ainsi de calquer mes résultats sur une grille ayant
déjà fait ses preuves et de surcroît validée par
l'HAS.
Il m'a fallu retranscrire cette grille pour l'adapter
à la pratique professionnelle des IADEs. Elle repose sur deux tableaux,
l'un représentant les séquences (au nombre de 5) qui
régissent sa pratique avec les différentes tâches qui s'y
imposent. En complément de celles-ci, j'ai fait apparaître en
parallèle les différents critères de manifestations des
interruptions comme par exemple le lieu dans laquelle cela se produisait ou
bien les sources de ces IT (cf. Annexe n°1, page 139). L'autre tableau me
permettait de comptabiliser sur l'instant les différentes IT
observées (cf. Annexe n°2, page 140). Au rythme, où les IT
défilaient dans certaines observations, il a été
très judicieux d'avoir cette solution afin de pouvoir suivre la
cadence.
Tous les items du premier tableau sont numérotés
afin de faciliter la prise de note qui était répertoriée
sur le deuxième tableau et qui servait de support « live
» des interruptions de tâche observées. Les points
positifs étant de connaître l'heure à laquelle ces IT
étaient observées mais aussi d'y ajouter quelques remarques
concernant certaines particularités et qui pouvaient me servir plus tard
dans l'analyse des résultats si cela nécessitait des
précisions.
61
L'usage de la grille d'observation m'a permis d'être
directement au contact de la réalité sur le terrain et ainsi me
rendre compte de la complexité à évaluer une IT et
à la valider en tant que telle. Effectivement, dans certains cas,
quelques précisions ont pu être apportées car je ne les
avais pas répertoriées dans le registre de mon premier tableau.
Ce fût, dans un sens, enrichissant de l'observer car
complémentaire pour mon enquête. Il me permettait ainsi
d'enregistrer davantage de contenu afin d'élargir mon champ d'action.
J'ai pu donc adapter ma grille d'observation au rythme des situations que je
vivais, d'où l'intérêt de cet outil dans cette recherche.
Une phase de test a été menée le temps d'une observation
et elle a été concluante.
Une fois la grille validée par le directeur de
mémoire, une autorisation d'enquêter a été
envoyée auprès des cadres de santé supérieurs et
des cadres IADE, qui gèrent les blocs opératoires des Centres
Hospitaliers de Saint-Denis, Saint-Pierre, ainsi que le tout nouveau Centre
Hospitalier de l'Ouest Réunion de Cambaie près de Saint-Paul
(CHOR).
5.1.2 Population et lieux de l'enquête
La population visée par mes observations
étaient les IADEs. Sans prendre en compte des variables
comme l'âge, le sexe ou bien l'ancienneté, ils constituaient le
socle de mon enquête. En effet, pour rappel, il s'agissait bien là
d'une recherche observationnelle concernant les interruptions de tâche
qui perturbent la pratique de celui-ci. Cependant, pour l'observer d'une
manière globale, tous les acteurs du bloc opératoire qui
étaient susceptibles de rentrer en interaction avec l'IADE seraient
nécessairement retranscris dans mon analyse. Ces différents
professionnels de santé étaient :
· Les chirurgiens et les internes.
· Les Médecins
Anesthésistes-Réanimateurs (MAR).
· Les Infirmiers Anesthésistes Diplômés
d'État (IADE).
· Les Infirmiers du Bloc Opératoire
Diplômés d'État (IBODE).
· Les infirmiers de salle.
· Les aides-soignants.
62
Les patients opérés et pris en charge par l'IADE
observé étaient potentiellement des sources d'interruptions et
donc ils rentraient eux aussi dans l'étude.
L'objectif était de recueillir 50
observations, réparties et réalisées
essentiellement au sein des trois principaux établissements publics de
l'île de La Réunion citées précédemment.
Ces établissements représentent la majeure
partie des effectifs que compte l'île en termes d'infirmiers
anesthésistes (environ 104 IADEs) et les pôles de Saint-Denis et
Saint-Pierre sont les 2 seuls CHU de la région. Étant
donné qu'ils regroupent un grand nombre de salle d'opération avec
plusieurs spécialités, il était intéressant et plus
aisé pour moi de réaliser cette enquête observationnelle
dans ces hôpitaux. Résident dans l'ouest, il était aussi
plus pratique de prendre en compte ces 3 pôles de santé.
Cependant, parmi ces 3 établissements de santé,
seuls 2 ont accepté de répondre à ma demande
d'enquête. En effet, lorsque le courriel a été
envoyé aux cadres supérieurs des différents services de
bloc de l'île, pour obtenir les autorisations d'observer les IADEs dans
leurs quotidiens, j'avais stipulé que les professionnels ne soient pas
avertis du sujet de mon observation afin de préserver la qualité
des informations que j'allais recueillir. Il s'agissait entre autres
d'éviter des biais qui pourraient fausser les résultats. Le fait
d'être alerté par le thème pouvait influencer les IADEs et
les autres professionnels dans leur manière d'être et de perdre
ainsi en spontanéité, un des critères de qualité de
l'enquête.
Suite à cette démarche, j'ai pu finalement
comptabiliser 45 observations réparties ainsi (cf.
Annexe n°3, page 141) :
§ Centre Hospitalier Universitaire (CHU) A
: 20 observations. § Centre Hospitalier Universitaire (CHU)
B : 25 observations.
Une observation, suivant le programme et la
spécialité du bloc, pouvait durer entre trente minutes (30min)
à une heure (1h). Il a fallu prendre en compte aussi les retards de
programme qui rallongeaient, parfois, le temps d'observation.
Il a fallu m'organiser sur mon terrain de stage au Centre
hospitalier Universitaire Félix-Guyon de Saint-Denis et mes jours de
repos pour réaliser un maximum d'observation dans le temps imparti.
63
D'après moi, mener mes observations dans les deux plus
gros centres de l'île, suffisait à apporter une
légitimité car les interruptions de tâche ne
diffèrent pas, selon moi, d'un centre hospitalier à un autre.
C'est un phénomène qui touche de la même façon
n'importe quel établissement, privé ou public, toutes professions
confondues. Il y aurait eu un vrai intérêt à faire des
comparatifs s'il existait un service de bloc qui aurait mis en place des
dispositifs de lutte contre les IT. Ce qui n'est pas le cas sur l'île.
5.2 Modalités des observations
Une fois sur place dans les services de bloc
opératoire, je me présentais à l'IADE du jour afin de le
prévenir de ma présence.
Tout en me positionnant en retrait dans la salle afin de ne
pas gêner le déroulement, j'observais et annotais tout ce qui me
paraissait être une interruption. Cette disposition me demandait
d'être attentif et discret sur le contenu car il arrivait parfois que
l'on me questionne au fur et à mesure que des professionnels entraient
dans la salle où l'IADE était observé.
Comme mon enquête englobait uniquement la
période d'ouverture de salle (y compris les reconditionnements entre
deux interventions) jusqu'à l'incision, j'étais implicitement
confrontés à la curiosité des professionnels qui
étaient présentes dans la salle de bloc.
Les critères d'exclusions étaient
:
· Les situations d'urgence.
· La présence en salle d'un étudiant qui
effectuait la même formation professionnelle que moi.
Cette étude multicentrique a
été réalisée dans la période du 8 au
28 avril 2019 (trois semaines).
64
5.3 Limites de l'outil
Le partenariat avec les cadres a été
bénéfique même si parfois, il était difficile de
retenir la curiosité des IADEs. Il m'est arrivé à certains
moments d'infléchir à la règle de la discrétion sur
le thème. Cela constitue l'une de mes principales limites
à l'utilisation de cet outil.
En effet, devant l'insistance et la curiosité de
certains IADEs, j'ai dû contourner mes propres règles, à
savoir celui de ne pas informer le professionnel observé.
Pensant que cela entraverait mon travail, j'ai pu constater
finalement qu'il ne gênait en rien l'observation des divers moments
d'interruption de tâche. Au contraire, malgré que l'IADE soit
prévenu, j'ai pu observer qu'il y avait naturellement toujours et en
nombre, des perturbations qui pouvaient être recueillies comme
données valides à mon observation. Cependant, il était
indispensable que les autres professionnels, hormis l'IADE, ne soient
prévenus pour garantir une vraie immersion dans la recherche de
réponses à ma problématique.
Avec le recul je reste néanmoins satisfait du nombre
de cas observé et de cette expérience. Ceci a constitué
une source de motivations supplémentaires et valorisantes sur le choix
du thème de mon travail de fin d'étude.
La seconde limite à laquelle j'ai
été confrontée a été de me rendre compte de
la différence de pratique chez les IADEs. En effet, dans certaines
situations, l'IADE observé n'effectuait pas les tâches dans
l'ordre que je m'étais imposé sur ma grille d'observation et
encore moins la même qu'un autre IADE précédemment
observé. Il a fallu donc que je m'adapte pour retranscrire les IT dans
les bonnes cases de mes items. C'était une difficulté
supplémentaire dans la forme mais pas dans le fond.
Il y également eu des situations qui m'ont permis de
m'apercevoir que des éléments manquaient à ma grille.
Pendant la période d'observation, j'ai donc réajusté en
apportant des précisions sur les tâches de l'IADE, ainsi je
rendais ma grille d'observation issue du premier tableau (annexe 1) plus
cohérente et mieux séquencée.
Enfin, une dernière limite a
contextuellement été relevée dans mes observations. Il
s'agissait de ne pas me laisser entraîner dans les discussions avec le
personnel, ou même l'IADE, qui se trouvait dans la salle. Certains
individus, ne m'ayant jamais vu, souhaitaient comprendre ma présence.
J'ai donc dû ne pas me laisser distraire afin de rester concentrer sur
mon enquête observationnelle.
65
6 PRÉSENTATION ET ANALYSE DES
RÉSULTATS
Concernant cette partie, j'ai cherché à
présenter dans le détail les différents résultats
que j'ai obtenu par séquences d'activités avant d'en
dégager les principales idées qui découleraient du
croisement de ces données. J'entends par séquence
d'activité, les cinq étapes par lesquels l'IADE
hiérarchise sa prise en charge. C'est à dire qu'il suit un
déroulement méthodique de plusieurs tâches qui sont
intégrées dans le processus de PEC. Ces cinq séquences,
qui regroupent donc plusieurs tâches auxquelles elles sont
associées, suivent la planification qui est retranscrite sur ma grille
d'observation (cf. Annexe n°1, page 139). Ces séquences sont les
suivantes :
§ L'ouverture de salle : Elle concerne
d'une part, la vérification et le contrôle de tout le
matériel indispensable à une PEC anesthésique globale.
C'est la check-list d'anesthésie, rendue obligatoire depuis
l'arrêté du 3 octobre 1995. Cette check-list est
complétée par tous les moyens qui seront nécessaires pour
l'intervention et adapté à la stratégie
d'anesthésie vue avec le MAR. D'autre part, l'autre type d'ouverture de
salle que j'ai voulu intégrer à mon enquête
observationnelle concerne aussi le temps où l'IADE se prépare
à une nouvelle intervention, entre chaque patient. Les procédures
de contrôle sont les mêmes mais la stratégie
d'anesthésie change. Elle est donc considérée comme une
ouverture de salle à part entière, puisqu'elle est
individualisée en fonction du type d'intervention et du terrain
patient.
§ L'accueil du patient et l'analyse du dossier
d'anesthésie avant l'entrée en salle. C'est le temps
où l'équipe retrouve le patient pour l'accueillir au BO, se
présenter à lui, aux accompagnants et lui poser les questions
d'usages nécessaires avant toute PEC chirurgicale. C'est une
période très importante pour recueillir des informations
cruciales comme son identité mais aussi des informations sur son
état de santé qui orienteront la PEC et détermineront la
stratégie anesthésique à suivre.
§ L'installation du patient au bloc
opératoire concerne le moment où l'IADE et le reste de
l'équipe transfert le patient de son lit vers la table
d'opération, l'IADE ensuite prend les paramètres vitaux de
référence, lui pose une voie veineuse, le conditionne
psychologiquement à l'anesthésie et le prépare pour
l'intervention en lui détaillant avec une communication adaptée
les modalités de sa PEC anesthésique en pré, per et
post-opératoire.
66
§ L'induction et la finalisation de
l'installation chirurgicale. C'est une période délicate
qui est débutée par la pré-oxygénation et qui se
termine par l'installation chirurgicale finale. Cette période est longue
et stressante pour le soigné et les soignants. Après avoir
endormi le patient, l'IADE contrôle à nouveau les
différents paramètres vitaux, adapte la ventilation artificielle
et les produits de l'entretien anesthésique, en collaboration avec le
MAR. C'est un temps où l'IADE anticipe et sécurise techniquement
tous les dispositifs qui sont sur le patient afin de ne pas, dans un premier
temps, fragiliser l'intégrité physiologique et physique du
patient, dans un second temps, interrompre la surveillance continue liée
à une déconnection et dans un troisième temps, perturber
le geste chirurgical pendant l'opération.
§ La surveillance pré-incision
concerne la période durant laquelle le patient est
anesthésié juste avant l'incision chirurgicale. C'est un temps de
réadaptation des dosages en produit d'anesthésie IV en fonction
des temps opératoire à anticiper (ex : s'assurer d'une bonne
analgésie avant l'incision chirurgicale) mais aussi un temps où
l'on corrige les effets dynamiques de ces mêmes produits
d'anesthésie en post-induction (ex : hypotension liée aux
hypnotiques). C'est à partir de cette période, très
souvent, que l'IADE commence à remplir la feuille de surveillance qui
lui serviront à retranscrire tous ces actes depuis le début de la
PEC anesthésique et les différents temps opératoires.
C'est en suivant ce schéma que j'ai
décidé de présenter mon analyse des résultats.
Cette analyse reprend les différents points qui vont me permettre de
chiffrer le mécanisme des interruptions de tâche à savoir,
leurs localisations, les types d'IT, leurs origines, les motifs, les
réactions des IADEs ainsi que leurs durées moyennes
d'interruption.
Il me semblait intéressant de présenter les
résultats de cette façon car cela suivait l'ordre et la
manière dont j'ai pu obtenir ces données dans mes observations
grâce à ma grille. Chaque séquence contient une analyse
rapide des données par le biais de tableaux puis une
interprétation générale est développée
à la fin de chaque séquence. L'objectif final est d'apporter une
analyse affinée lorsque je croiserai les données entre elles. En
effet, cela me permettra d'apporter des éléments de
réponses viables concernant ma question de recherche. De plus, en
abordant l'analyse globale de ces différentes séquences, en
parallèle avec des résultats qui seront significatifs, je
pourrais mettre en lumière des nouvelles idées et des
hypothèses afin de faire évoluer mon questionnement sur le
thème des IT dans la pratique IADE au bloc opératoire.
67
6.1 Analyse des résultats pour la période
d'ouverture de salle en début de journée et entre chaque
patient
6.1.1 Les tâches de l'IADE
Activités/Tâches
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Contrôle du respirateur (auto-test, accessoires,
etc...)
|
0
|
0
|
2 Préparation du plateau IOT + éléments
accessoires
|
2
|
8
|
3 Vérification de la bouteille d'O2 + test BAVU
|
0
|
0
|
4 Monitorage fonctionnel
|
2
|
8
|
5 Réchauffeur opérationnel
|
1
|
4
|
6 Mise en place d'un matériel spécifique
|
1
|
4
|
7 Vérification du chariot d'anesthésie
|
0
|
0
|
8 Préparation du plateau d'anesthésie
|
18
|
72
|
9 Autres
|
1
|
4
|
TOTAL
|
25
|
100
|
|
Tableau 1 : Nombre et part des
interruptions de tâche (IT) dans la pratique IADE au moment de
l'ouverture de salle.
Analyse : Sur 25 IT observées,
18 (72%) ont été remarquées pendant la préparation
du plateau d'anesthésie par l'IADE. Ce qui en fait la principale
tâche impactée par les IT.
68
6.1.2 Localisation des interruptions de tâche
Où?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Salle d'opération
|
25
|
100
|
2 Salle d'accueil
|
0
|
0
|
3 Couloir
|
0
|
0
|
4 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 2 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon l'endroit où
l'interruption s'est produite.
Analyse : La totalité des IT
observées se sont déroulées en salle d'opération
(25 IT soit 100%). Cela s'explique parfaitement par le fait que l'IADE effectue
ces tâches en salle d'intervention avant l'accueil du patient.
6.1.3 Les types d'interruption de tâche
Comment?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Téléphone, smartphone
|
2
|
8
|
2 Physique (contact humain, discussion avec
l'iade)
|
22
|
88
|
3 Alarmes (scope, respirateur, etc...)
|
0
|
0
|
4 Bruit (ambiant, musique...)
|
1
|
4
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 3 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon le type
d'interruption.
Analyse : Il a été
observé que 22 IT (soit 88%) correspondaient à un type physique
d'interruption. La salle n'étant pas encore opérationnelle, la
majorité des perturbations sont liées au « contact
humain » et plutôt professionnel car il n'y pas encore de
patient en salle. Cependant, j'ai pu observer qu'il pouvait y avoir d'autres IT
telles que le téléphone (2 IT soit 8%) qui peuvent
également être associées à des professionnels qui
sont au bout du fil. Nous pouvons les considérer comme étant
« physique » mais dans une catégorie dite « indirecte
», car ils rentrent en interaction avec l'IADE par le moyen du
téléphone.
69
6.1.4 Les sources d'interruption de tâche
Origines des IT?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Professionnel de santé
|
21
|
84
|
2 Patient, famille
|
0
|
0
|
3 Soi-même
|
3
|
12
|
4 Autres
|
1
|
4
|
|
Tableau 4 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon leurs origines (sources des
IT).
Analyse : Une grande partie des IT se
concentre dans la catégorie des professionnels de santé qui
interagissent avec l'IADE à l'ouverture de salle. En effet, ils
comptabilisent 21 IT sur 25 (soit 84%). Cependant, 3 IT (soit 12%) ont
été observées où c'est l'IADE qui
s'auto-interrompt.
Statut professionnel
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
IBODE
|
6
|
28,57
|
IADE
|
2
|
9,52
|
MAR
|
9
|
42,86
|
Chirurgien
|
0
|
0
|
IDE de salle
|
2
|
9,52
|
AS
|
2
|
9,52
|
Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 5 : Nombre et part des
différents professionnels de santé responsables des interruptions
de tâche dans la pratique de l'IADE pendant l'ouverture de salle.
Analyse : Il est intéressant
d'observé qu'à cette période dans la pratique des IADEs, 9
IT (soit 42,86%) ont été perpétuées par les MAR et
6 IT (soit 28,57%) par les IBODEs. Les 6 IT restant (soit 28,56%) se partagent
entre les IADEs, les IDE de salle et les AS (2 IT chacun).
Part des professionnels à l'origine d'IT pendant
l'ouverture de salle (check-list)
Autres
Chirurgien
MAR
IADE
IBODE
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45
Part en % Nombre
70
Graphique 5.1 : Nombre et part des
différents professionnels de santé responsables des interruptions
de tâche dans la pratique de l'IADE pendant l'ouverture de salle.
6.1.5 Les motifs d'interruption de tâche
Motifs?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Apport d'information/Prescription orale
|
8
|
32
|
2 Recherche d'information/Pose une question
|
8
|
32
|
3 Demande de l'aide
|
0
|
0
|
4 Problèmes (Logistique, matériel,
changement...)
|
1
|
4
|
5 Oubli (Matériel pas en salle/pas à
proximité de l'IADE)
|
2
|
8
|
6 Autres (Discussion)
|
6
|
24
|
|
Tableau 6 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon les motifs
d'interruption.
71
Analyse : Les « apports
d'informations » et les « recherches d'informations »
représentent chacune 8 IT (soit 32% chacune). 6 IT (soit 24%) ont
été motivées par des discussions.
6.1.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche
Réactions?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Stop puis reprend la tâche initiale (s'interrompt,
fait face à son interlocuteur et reprend sa tâche)
|
11
|
44
|
2 Ne se laisse pas interrompre (écoute mais poursuit sa
tâche)
|
10
|
40
|
3 Stop la tâche initiale, débute la tâche
secondaire puis reprend la tâche initiale
|
4
|
16
|
4 Stop la tâche initiale, débute la tâche
secondaire, mais ne reprend pas la tâche initiale (oubli)
|
0
|
0
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 7 : Nombre et part des
différentes réactions observées chez l'IADE face aux
interruptions de tâches identifiées durant la période
d'ouverture de salle (check-list).
Analyse : 11 cas d'IT (soit 44%) ont
été observées comme des réactions où l'IADE
s'arrête pour faire face à son interlocuteur qui l'interrompt.
Cependant, sur 25 IT, 10 (soit 40%) ont montré que l'IADE ne se laissait
pas stopper dans sa tâche même s'il prête une écoute
attentive aux professionnels qui collaborent avec lui. En cumulant les 2 items,
nous observons qu'ils ne débutent pas de tâches secondaires dans
21 cas de figure (soit 84%). Malgré tout, 4 IT (soit 16%) ont
montré une posture où l'IADE s'interrompt pour débuter une
tâche secondaire avant de reprendre la tâche initiale.
72
6.1.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
Durée?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Moins de 1 minute
|
22
|
88
|
2 De 1 min à 5 minutes
|
3
|
12
|
3 + de 5 minutes
|
0
|
0
|
|
Tableau 8 : Nombre et part des
interruptions de tâche en termes de durée.
Analyse : Le temps moyen
observé pour la majorité des IT est inférieur à 1
minute. Ils représentent 22 IT (soit 88%) des observations. On peut
noter cependant, qu'il y a eu 3 IT (soit 12%) qui ont une durée comprise
entre 1 à 5 minutes.
Interprétations
générales :
La période d'ouverture de salle est une période
où l'IADE doit être particulièrement rigoureux quant au
contrôle de son site d'anesthésie. Mais il doit être aussi
réceptif aux informations qui circulent par le biais des professionnels
qui travaillent avec lui et notamment le MAR avec qui il collabore.
Les ouvertures de salle en début de journée
comme entre chaque intervention sont parmi les plus importantes mais aussi les
plus à risque de faire des erreurs dans sa préparation.
La check-list, validé par le MAR, est le moyen ultime
pour ne pas oublier de vérifier la fiabilité et la
présence de tout le matériel nécessaire pour
l'intervention qui se prépare.
Cependant, durant mon observation, j'ai pu remarquer
certaines situations à risque d'erreurs dans la pratique de l'IADE.
Ça a été le cas au moment où l'IADE prépare
son plateau de seringue d'anesthésie. Sur 25 IT, 18 (72%)
ont été observées à cet instant.
Elles se produisent exclusivement dans la salle
d'opération (100%) et sont généralement
induite par le contact humain (88%) et d'origine
professionnelle (100%). Ce résultat s'explique par le
regroupement de l'équipe qui travaille avec l'IADE, l'IADE
lui-même et les autres professionnels qui ne comptent pas dans l'effectif
du BO.
73
Les professionnels observés sont les MAR
(42,86%) et les IBODEs (28,57%). Cela peut
s'expliquer dans un premier temps, car c'est à ce moment précis
de la journée que le MAR débute sa collaboration avec l'IADE
avant de recevoir le patient. Dans un deuxième temps, l'IBODE qui rentre
en salle aussi pour préparer son site, peut interagir avec l'IADE et lui
soumettre des informations supplémentaires. Il s'agit d'une
période où ils échangent des données au
préalable pour la prise en charge et il est donc légitime de
pouvoir justifier de telles interruptions.
En effet, nous pouvons observer que les IT qui ont pour
motifs des « apports d'informations » (32%)
ainsi que des « recherches d'informations »
(32%) sont clairement explicités dans le
tableau 6. Malgré tout, il a été
relevé parmi les observations motivant une interruption à
l'ouverture de salle, 6 cas (24%) ou les professionnels ne
partagent pas d'informations d'ordre médicales ou paramédicales
mais traitent plutôt de l'aspect convivial, de « l'esprit
d'équipe », comme les salutations effectuées chaque matin
à l'arrivée du personnel.
Les réactions qui ont suivi ces IT semblent affirmer
que les IADEs s'adaptent. En effet, lors des IT, Ils poursuivent leurs
tâches malgré les IT, ne s'interrompent pas (40%)
ou ils reviennent spontanément à leurs tâches
après les IT (44%). Cela renvoie au principe de «
multitâche » abordé plus haut. Aucun oubli
n'a été constaté et la globalité des IT durait
moins de 1 minute (88%).
74
6.2 Analyse des résultats pour la période
concernant l'accueil du patient au bloc opératoire
6.2.1 Les tâches de l'IADE
Activités/Tâches
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Vérification de l'identité du patient
|
3
|
25
|
2 Recherche et analyse du terrain du patient
|
5
|
41,67
|
3 Recherche des critères d'IOT difficile
|
0
|
0
|
4 Recherche des critères d'estomac plein
|
3
|
25
|
5 Recherche d'éléments biologiques
|
0
|
0
|
6 Autorisation d'opérée, consentement
éclairé
|
0
|
0
|
7 Carte de groupe, RAI
|
0
|
0
|
8 Autres
|
1
|
8,33
|
TOTAL
|
12
|
100
|
|
Tableau 9 : Nombre et part des
interruptions de tâche (IT) dans la pratique IADE à l'accueil du
patient.
Analyse : La partie concernant la
« recherche et l'analyse du terrain du patient »
relève 5 IT (soit 41,67%). Plusieurs perturbations ont été
retrouvées au moment de la « vérification de
l'identité du patient » (3 IT soit 25%) et de la «
recherche des critères d'estomac plein » (3 IT
soit 25%).
75
6.2.2 Localisation des interruptions de tâche
Où?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Salle d'opération
|
5
|
41,67
|
2 Salle d'accueil
|
3
|
25
|
3 Couloir
|
4
|
33,33
|
4 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 10 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon l'endroit où
l'interruption s'est produite.
Analyse : 5 IT (41,67%) ont
été observées en salle d'opération. 4 IT (33,33%)
dans les couloirs du bloc opératoire et 3 IT (25%) en salle d'accueil.
L'accueil du patient n'est pas standardisé pour chaque
établissement de santé. Au CHU Nord de Saint-Denis, l'accueil
s'effectuait, pour la majeure partie des spécialités, dans une
salle d'accueil. Au CHU Sud de Saint-Pierre, cela se fesait aussi dans une
salle appropriée mais le plus souvent, il s'effectuait dans le couloir.
D'où les disparités rencontrées ici.
6.2.3 Les types d'interruption de tâche
Comment?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Téléphone, smartphone
|
0
|
0
|
2 Physique (contact humain, discussion avec
l'iade)
|
7
|
58,33
|
3 Alarmes
|
1
|
8,33
|
4 Bruit (ambiant, musique, etc...)
|
4
|
33,33
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 11 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon le type
d'interruption.
Analyse : La manière
d'interrompre la plus observée est du type physique. Il regroupe 7 IT
sur 12 (soit 58,33%). 4 IT (soit 33,33%) ont été
identifiées comme étant du bruit extérieur (bruit ambiant,
discussion à proximité, n'incluant pas l'IADE).
76
6.2.4 Les sources d'interruption de tâche
Origines des IT?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Professionnel de santé
|
9
|
75
|
2 Patient, famille
|
2
|
16,67
|
3 Soi-même
|
1
|
8,33
|
4 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 12 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon leurs origines (sources des
IT).
Analyse : 9 IT (soit 75%) sont
liées aux professionnels de santé qui travaillent avec l'IADE. Ce
qui constitue la majeure partie des interruptions rencontrées par
l'IADE. 2 IT (soit 16,67%) ont été générées
par le patient.
Statut professionnel
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
IBODE
|
3
|
33,34
|
IADE
|
0
|
0
|
MAR
|
0
|
0
|
Chirurgien
|
0
|
0
|
IDE de salle
|
4
|
44,44
|
AS
|
2
|
22,22
|
Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 13 : Nombre et part des
différents professionnels de santé responsables des interruptions
de tâche dans la pratique de l'IADE à l'accueil du
patient.
Analyse : Les IDE de salle ont
été observés à 4 reprises (soit 44,44%) comme
étant sources d'IT auprès de l'IADE lors de l'accueil du patient.
Cela s'explique notamment par le fait qu'ils exerçaient en tant que
faisant fonction d'IBODE et donc qu'ils collaboraient au bon accueil du patient
avant son admission au bloc. 3 IT sur 12 (soit 33,34%) ont été
véhiculées par les IBODEs.
Part des professionnels à l'origine d'IT à
l'accueil du patient
Part en % Nombre d'IT
Autres AS IDE de salle Chirurgien MAR IADE IBODE
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
77
Graphique 13.1 : Nombre et part
des différents professionnels de santé responsables des
interruptions de tâche dans la pratique de l'JADE à l'accueil du
patient.
6.2.5 Les motifs d'interruption de tâche
Motifs?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Apport d'information/Prescription orale
|
2
|
16,67
|
2 Recherche d'information/Pose une question
|
1
|
8,33
|
3 Demande de l'aide
|
0
|
0
|
4 Problèmes
|
1
|
8,33
|
5 Oubli
|
0
|
0
|
6 Autres (ex : discussion)
|
8
|
66,67
|
|
Tableau 14 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon les motifs
d'interruption.
Analyse : 3 IT (25%) ont
été identifiées dans le cadre de motifs à type
collaboratif (items 1+2+3). Cependant, la majorité des IT
observées concernaient des interruptions à motifs non
professionnelles. Elles ont été identifiées pour 8 cas sur
12 (soit 66,67%).
78
6.2.6 Les réactions des IADEs face aux interruptions
de tâche
Réactions?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Stop puis reprend la tâche initiale
(s'interrompt, fait face à son interlocuteur et reprend sa
tâche)
|
0
|
0
|
2 Ne se laisse pas interrompre (écoute
mais poursuit sa tâche)
|
8
|
66,67
|
3 Stop la tâche initiale, débute
la tâche secondaire puis reprend la tâche initiale
|
3
|
25
|
4 Stop la tâche initiale, débute la tâche
secondaire, mais ne reprend pas la tâche initiale (oubli)
|
1
|
8,33
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 15 : Nombre et part des
différentes réactions observées chez l'IADE face aux
interruptions de tâches identifiées pendant l'accueil du patient
au bloc opératoire.
Analyse : 8 IT (soit 66,67%) ont pu
être observées où l'IADE ne se laisse pas interrompre.
Cependant 4 IT mentionnent le fait que celui-ci abandonne ce qu'il était
en train de faire (ou de dire) pour débuter une autre tâche. 1 cas
« d'oubli » (8,33%) a été identifié.
6.2.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
Durée?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Moins de 1 minute
|
10
|
83,33
|
2 De 1 min à 5 minutes
|
2
|
16,67
|
3 + de 5 minutes
|
0
|
0
|
|
Tableau 16 : Nombre et part des
interruptions de tâche en termes de durée.
Analyse : La plupart des IT
observées pendant la période de l'accueil du patient au bloc
opératoire a une durée moyenne inférieure à 1
minute.
79
Interprétations
générales :
L'accueil des patients au bloc opératoire est une
période sensible ou l'IADE est concentré et
réactif aux différentes données relevées sur la
feuille d'anesthésie.
En effet, cette phase de conditionnement d'information est
primordiale pour la tenue de l'intervention et indispensable
pour réfléchir sur la stratégie anesthésique. C'est
le point de départ de toute expertise, du degré des risques
(liés au terrain notamment) qui peuvent intervenir en pré, per et
post-opératoire.
Se déroulant en plusieurs
étapes, l'IADE accompagné du MAR et très souvent
de l'IBODE, doit vérifier, sous forme de questions posées
à la personne opérée, si les paramètres
relevés au moment de la consultation pré-anesthésique
(réalisée 48h avant) correspondent avec l'identité sociale
et médicale du patient (antécédents médicaux et/ou
chirurgicaux, traitements en cours, allergies, etc...).
C'est aussi une période où les IBODEs se
préoccupent, dans leur domaine de spécification, de
vérifier la préparation cutanée et de clarifier une
multitude de données qui serviront à identifier certains risques
ou contre-indications, très utile à l'élaboration
des impératifs anesthésiques. D'où notre
étroite collaboration et l'importance des IT dans nos deux
professions.
Un total de 12 interruptions de tâche
a été observé lors de cette période. Elles ont
été retrouvées plus particulièrement dans les items
correspondant à la « recherche et l'analyse du terrain
patient » (41,67%) ainsi que la «
vérification de l'identité » (25%)
et la « recherche de critères d'estomac plein
» (25%).
La salle d'opération reste malgré tout l'espace
où l'on retrouve le plus d'IT (41,67%). Cependant, si
l'on regroupe l'espace dédié au couloir (33,33%)
et à la salle d'accueil (25%), nous remarquons
que ces zones extérieures sont également
sensibles aux interruptions. En effet, elles cumulent à
eux deux, 7 IT (soit un peu plus de 58%), ce
qui est supérieur au BO.
Ce constat m'amène à me poser la question
suivante : L'environnement en dehors de la salle d'opération serait-il
plus propice aux interruptions de tâche ? A travers cette observation et
ces résultats, j'ai pu faire le lien entre le fait qu'il y avait aussi
un nombre important de passage (non quantifié à
ce moment précis), des professionnels en transit dans les couloirs,
d'autres équipes qui amenaient le patient de la salle d'accueil vers
leurs BO respectifs et qui pouvaient constituer une source
supplémentaire d'interruption non envisagée au
début de mon enquête.
80
Être exposé à un environnement ouvert avec
beaucoup de passages d'intervenants extérieurs semblerait
préjudiciable. En effet, lorsque nous observons plus
loin les résultats, nous pouvons constater que les IT d'ordre physique
(58,33%) et sonore (33,33%)
prédominent dans le classement des types d'interruptions. Les
professionnels de santé sont à nouveau à l'origine de ces
IT (75%).
Les IDE de salle (faisant fonction d'IBODE pour la plupart
durant mon enquête) enregistrent le plus grand nombre d'interruption
parmi les professionnels de santé en termes d'origine des IT
(44,44%). Suivent les IBODEs (33,34%) et les AS
(22,22%). Puisque l'accueil se fait en simultané, il
est fort possible que cela soit causé de façon collaborative,
sauf qu'au travers des motifs identifiés, une part importante des IT ont
été réalisées en dehors de raison professionnelle.
En effet, 66,67% des IT sont attribuées à des
discussions pour lesquels l'IADE ne se laisse finalement pas interrompre
(66,67%). Ces interruptions n'excèdent pas 1 minute de
conversation en générale (83,33%). Concernant
l'implication des AS dans cette observation, les IT sont à prendre en
compte avec la nécessité d'effectuer le décontaminage des
surfaces pendant que l'IADE s'entretenait avec le patient dans le couloir
à proximité de la salle d'intervention.
81
6.3 Analyse des résultats pour la période
de
l'installation du patient au bloc opératoire
6.3.1 Les tâches de l'IADE
Activités/Tâches
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Transfert sur la table
|
2
|
8,33
|
2 Monitorage et oxygénation
|
11
|
45,83
|
3 Pose de la perfusion et/ou
vérification
|
9
|
37,5
|
4 Réchauffage
|
2
|
8,33
|
5 Autres
|
0
|
0
|
TOTAL
|
24
|
100
|
|
Tableau 17 : Nombre et part des
interruptions de tâches (IT) dans la pratique de l'IADE au moment de
l'installation du patient au bloc opératoire.
Analyse : Nous pouvons donc observer
qu'il existe 2 moments particuliers où les interruptions de tâches
se manifestent : l'un pendant le monitorage du patient avec 11 IT (soit 45,83%)
et l'autre pendant la pose de perfusion intra-veineuse avec un recueil de 9 IT
(soit 37,5%).
6.3.2 Localisation des interruptions de tâche
Où?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Salle d'opération
|
23
|
92
|
2 Salle d'accueil
|
0
|
0
|
3 Couloir
|
1
|
4
|
4 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 18 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon l'endroit où
l'interruption s'est produite.
Analyse : La quasi totalité
des IT ont été observées en salle d'opération (23
IT soit 92%). Cela s'explique par l'organisation du travail qui montre que les
IADEs effectue cette tâche au sein de la salle d'intervention et non dans
le couloir. 1 seul cas de figure
82
(soit 4%) a été observé en dehors de la
salle d'opération car il s'agissait d'une intervention où le
patient attendait, allongé sur son lit, dans le couloir. L'IADE a
anticipé une tâche (pose de perfusion) en l'exerçant en
dehors du BO.
6.3.3 Les types d'interruption de tâche
Comment?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Téléphone, smartphone
|
0
|
0
|
2 Physique (contact humain, discussion avec
l'iade)
|
22
|
91,67
|
3 Alarmes
|
1
|
4,17
|
4 Bruit
|
1
|
4,17
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 19 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon le type
d'interruption.
Analyse : La majorité des IT
observées se sont déclarées lors d'une manifestation
physique. Elles représentent une part non-négligeable de l'ordre
de 22 IT sur 24 (soit 91,67%). L'installation du patient recommande la
participation de tous les acteurs professionnels présents en salle. Le
travail en équipe engendre manifestement un grand nombre d'IT lors de
cette phase pratique et collaborative.
6.3.4 Les sources d'interruption de tâche
Origines des IT ?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Professionnel de santé
|
16
|
66,67
|
2 Patient, famille
|
1
|
4,17
|
3 Soi-même
|
5
|
20,83
|
4 Autres (respirateur, scope, etc...)
|
2
|
8,33
|
|
Tableau 20 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon leurs origines (sources des
IT).
83
Analyse : Pour 16 IT d'entre-elles
(soit 66,67%), l'origine provient d'un professionnel de santé. Elles se
manifestent aussi à 5 reprises (soit 20,83%) par l'IADE
lui-même.
Statut professionnel
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
IBODE
|
9
|
56,25
|
IADE
|
0
|
0
|
MAR
|
4
|
25
|
Chirurgien
|
0
|
0
|
IDE de salle
|
3
|
18,75
|
AS
|
0
|
0
|
Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 21 : Nombre et part des
différents professionnels de santé responsables des interruptions
de tâche dans la pratique de l'JADE au moment de l'installation du
patient au bloc opératoire.
Analyse : Parmi les 16 IT
provoquées par des professionnels de santé, 3 catégories
interviennent dans celles observées pendant cette phase. Il s'agit des
IBODEs dans un premier temps avec 9 IT (soit 56,25%), des MAR avec 4 IT (soit
25%) et enfin les IDE de salle avec 3 IT (soit 18,75%). L'installation
s'effectuant à plusieurs et notamment avec l'IBODE, ce constat peut
s'observer comme tel.
Part des professionnels à l'origine d'IT lors de
l'installation du patient au bloc opératoire
Autres
AS
IDE de salle
Chirurgien
MAR
IADE
IBODE
0 10 20 30 40 50 60
Part en % Nombre
Graphique 21.1 : Nombre et part
des différents professionnels de santé responsables des
interruptions de tâche dans la pratique de l'JADE au moment de
l'installation du patient au bloc opératoire.
84
6.3.5 Les motifs d'interruption de tâche
Motifs?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Apport d'information/Prescription orale
|
2
|
8,33
|
2 Recherche d'information/Pose une question
|
9
|
37,5
|
3 Demande de l'aide
|
1
|
4,17
|
4 Problèmes (ex : logistiques, matériels,
etc...)
|
4
|
16,67
|
5 Oubli (ex : pose de matériel de surveillance)
|
4
|
16,67
|
6 Autres (ex : discussion)
|
4
|
16,67
|
|
Tableau 22 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon les motifs
d'interruption.
Analyse : Sur les 24 IT que comporte
la phase d'installation du patient au bloc, 9 IT (soit 37,5%) ont pour motif
une « recherche d'information » auprès de
l'IADE. Cependant, nous pouvons aussi observer que 8 IT (soit environ 33%) ont
pour motifs des « problèmes logistiques » (4
IT soit 16,67%) ou bien des oublis (4 IT soit 16,67%). Cela peut
vraisemblablement expliquer les auto-interruptions provoquées par l'IADE
lui-même.
6.3.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche
Réactions?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Stop puis reprend la tâche initiale (s'interrompt, fait
face à son interlocuteur et reprend sa tâche)
|
5
|
20,83
|
2 Ne se laisse pas interrompre (écoute mais poursuit
sa tâche)
|
12
|
50
|
3 Stop la tâche initiale, débute la tâche
secondaire puis reprend la tâche initiale
|
6
|
25
|
4 Stop la tâche initiale, débute la tâche
secondaire, mais ne reprend pas la tâche initiale (oubli)
|
1
|
4,17
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 23 : Nombre et part des
différentes réactions observées chez l'JADE face aux
interruptions de tâches identifiées pendant l'installation du
patient au bloc opératoire.
85
Analyse : 12 IT (soit 50%)
observées n'ont pas nécessité l'IADE à stopper sa
tâche initiale pour en débuter une autre. A contrario, on note
malgré tout que pour 6 IT (soit 25%), l'IADE s'est
détourné de sa tâche primaire pour débuter une
tâche secondaire, avant de revenir sur sa tâche initiale. 1 IT
(soit 4,17%) n'ont pas permis à l'IADE de finir ce qu'il était en
train de faire.
6.3.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
Durée?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Moins de 1 minute
|
24
|
100
|
2 De 1 min à 5 minutes
|
0
|
0
|
3 + de 5 minutes
|
0
|
0
|
|
Tableau 24 : Nombre et part des
interruptions de tâche en termes de durée.
Analyse : La totalité des IT (24
IT soit 100%) observées ont durée moins de 1 minute.
Interprétations
générales :
Concernant les interruptions de tâche observées
pendant l'installation du patient au bloc opératoire, il a
été retrouvé plusieurs perturbations à des moments
de techniquages.
En effet, en cumulant les tâches «
monitorage et oxygénation » et « pose
de perfusion », j'ai pu en remarquer 20 sur
24 (soit 83,33%).
Par la même occasion, les professionnels de santé
présents dans la salle s'affèrent autour de son environnement et
donc participent à d'éventuels échanges qu'ils pourraient
avoir, soi avec le patient, soi avec lui. Le travail d'équipe
interdisciplinaire est très représentatif du bloc
opératoire et notamment lors de l'installation.
La place centrale accordé à
l'IADE à ce moment précis, puisqu'il se trouve au centre de la
salle, lui confère d'être tenu à proximité
d'éventuels mouvements de la part des individus qui souhaiteraient
travailler en collaboration avec l'IADE ou bien poursuivre l'installation du
patient.
Ces IT se manifestent en salle d'opération
(92%) et sont d'ordres physiques (91,67%).
Cela s'exprime par le travail collaboratif et la demande
appuyée
86
d'informations à ce stade encore riche de
questionnement auprès du patient mais aussi du personnel en charge de
son intervention.
Un peu plus de 66% de ces IT sont
orchestrées par des professionnels de santé dont la moitié
par des IBODEs (56,25%) et un quart par les MAR
(25%).
Un tiers (37,5%) concerne des recherches
d'informations auprès de l'IADE qui malgré tout ne se laisse pas
interrompre dans 50% des cas.
Cependant des oublis (16,67%) et des
problèmes techniques (16,67%) obligent l'IADE à
s'interrompre lui-même (20,83%) à certain moment
car n'ayant pas accès directement au matériel souhaité.
Dans plus de 70% des cas (cumul des items 1
et 2 dans les réactions face aux IT), l'IADE semble s'adapter
du'une manière qui lui est propre et cela sans stopper sa
tâche pour en débuter une autre. Les IT observées lors de
cette phase de préparation duraient moins de 1 minute dans sa
globalité (100%).
87
6.4 Analyse des résultats pour la période
de la phase d'induction à la finalisation de l'installation
chirurgicale
6.4.1 Les tâches de L'IADE
Activités/Tâches
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Pré-oxygénation et/ou sédation
inhalatoire
|
27
|
39,13
|
2 Sédation Intra-Veineuse (IV) et/ou Anesthésie
Loco-Régionale (ALR)
|
14
|
20,29
|
3 Occlusion palpébrale
|
2
|
2,90
|
4 Intubation oro-trachéale (IOT) / Masque Laryngé
(ML) / Ventilation
|
2
|
2,90
|
5 Fixation, auscultation pulmonaire et sécurisation
des circuits
|
14
|
20,29
|
6 Réglage du respirateur
|
1
|
1,45
|
7 Changement de position et/ou vérification des points
d'appui (finalisation installation chirurgicale)
|
8
|
11,59
|
8 Autres
|
1
|
1,45
|
TOTAL
|
69
|
100
|
|
Tableau 25 : Nombre et part des
interruptions de tâche (IT) dans la pratique IADE de la phase d'induction
jusqu'à la finalisation de l'installation chirurgicale.
Analyse : Nous pouvons donc observer
que sur 69 IT relevées dans cette période, 27 IT (soit 39,13%)
ont été identifiées pendant que l'IADE effectuait la
pré-oxygénation du patient et/ou la sédation inhalatoire
(spécifité pédiatrique). 14 des IT (soit 20,29%)
observées durant cette même période ont été
relevées pendant que l'IADE s'occupait d'anesthésier le patient
ou aidait le MAR à la réalisation de l'Anesthésie
Loco-Régionale (ALR), ainsi que le même nombre d'IT étaient
observées pendant la fixation, l'auscultation pulmonaire et la
sécurisation des circuits.
A eux 3, ils rassemblent 55 interruptions de tâche,
soit une proportion d'environ 80% (79,71% pour être plus précis)
durant cette phase d'activité.
88
6.4.2 Localisation des interruptions de tâche
Où?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Salle d'opération
|
69
|
100
|
2 Salle d'accueil
|
0
|
0
|
3 Couloir
|
0
|
0
|
4 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 26 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon l'endroit où
l'interruption s'est produite.
Analyse : La totalité des
interruptions de tâche (69 IT soit 100%) ont été
observées dans la salle d'opération. En effet, cela s'explique
naturellement par le fait que cette période anesthésique se
déroule juste avant l'incision chirurgicale et donc exclusivement dans
la salle où va se dérouler l'intervention.
6.4.3 Les types d'interruption de tâche
Comment?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Téléphone, smartphone
|
4
|
5,80
|
2 Physique (contact humain, discussion avec
l'iade)
|
41
|
59,42
|
3 Alarmes
|
12
|
17,39
|
4 Bruit
|
11
|
15,94
|
5 Autres
|
1
|
1,45
|
|
Tableau 27 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon le type
d'interruption.
Analyse : La majorité des IT
observées, soit 41 sur 69 (59,42%), étaient d'ordre physique.
Cela implique le fait d'entrer en communication avec l'IADE et donc
d'être en contact direct avec celui-ci. L'IADE a donc été
interrompu par une personne qui voulait interagir avec lui.
89
6.4.4 Les sources d'interruption de tâche
Origines des IT?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Professionnel de santé
|
44
|
63,77
|
2 Patient, famille
|
1
|
1,45
|
3 Soi-même
|
11
|
15,94
|
4 Autres (respirateur, scope, etc...)
|
13
|
18,84
|
|
Tableau 28 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon leurs origines (sources des
IT).
Analyse : Une grande partie des
interruptions observées sont imputables aux professionnels de
santé. Ils ont été observés dans 44 IT (soit
63,77%) contre 11 IT (soit environ 16%) provoqués par l'IADE
lui-même. 13 IT (soit environ 19%) ont été
générées par du matériel anesthésique
(alarmes du respirateur, du scope de contrôle hémodynamique,
etc...). En sonnant, ces matériels interrompaient l'IADE dans sa
tâche.
Statut professionnel
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
IBODE
|
15
|
34,09
|
IADE
|
1
|
2,27
|
MAR
|
9
|
20,45
|
Chirurgien
|
14
|
31,82
|
IDE de salle
|
3
|
6,82
|
AS
|
1
|
2,27
|
Autres (ex : interne)
|
1
|
2,27
|
|
Tableau 29 : Nombre et part des
différents professionnels de santé responsables des interruptions
de tâche dans la pratique de l'IADE de la phase d'induction à la
finalisation de l'installation chirurgicale.
Analyse : Sur les 44 professionnels
de santé sources d'interruptions de tâche auprès de l'IADE,
2 catégories se distinguent : il s'agit des IBODEs (15 IT soit 34,09%)
et des chirurgiens (14 IT soit 31,82%). A eux deux, ils cumulent 29 IT (soit
une proportion d'un peu plus de 65%). Cela peut s'expliquer par l'importance de
leur rôle respectif à ce moment précis de
l'intervention.
Part des professionnels à l'origine d'IT de la phase
d'induction à la finalisation de l'installation
Autres (ex : interne)
AS
IDE de salle
Chirurgien
MAR
IADE
IBODE
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Part en % Nombre
90
Graphique 29.1 : Nombre et part
des différents professionnels de santé responsables des IT dans
la pratique de l'IADE de la phase d'induction à la finalisation de
l'installation chirurgicale.
6.4.5 Les motifs d'interruption de tâche
Motifs?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Apport d'information/Prescription orale
|
8
|
11,59
|
2 Recherche d'information/Pose une question
|
9
|
13,04
|
3 Demande de l'aide
|
6
|
8,70
|
4 Problèmes
|
3
|
4,35
|
5 Oubli (ex : pose de matériel de surveillance)
|
7
|
10,14
|
6 Autres (ex : discussion, volume musique, etc....)
|
36
|
52,17
|
|
Tableau 30 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon les motifs
d'interruption.
Analyse : D'après mes
observations, une majorité des IT sont induits par des discussions (36
IT soit 52,17%). Des perturbations sonores provenant de
91
l'environnement de la salle tel que le volume de la musique
étaient aussi pris en compte dans ce pourcentage. Cependant, ils ne
représentaient qu'une infime réalité dans ce qui
était observé, car les discussions entre collègues
étaient beaucoup plus remarquées. Nous pouvons observer
malgré tout que pour 23 IT (soit 33,33%), elles concernaient des IT
à type de collaboration car sources d'informations pour chacun des
professionnels en charge du patient.
6.4.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche
Réactions?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Stop puis reprend la tâche initiale
(s'interrompt, fait face à son interlocuteur et reprend sa
tâche)
|
9
|
13,04
|
2 Ne se laisse pas interrompre
(écoute mais poursuit sa tâche)
|
42
|
60,87
|
3 Stop la tâche initiale,
débute la tâche secondaire puis reprend la tâche initiale
|
17
|
24,64
|
4 Stop la tâche initiale, débute la tâche
secondaire, mais ne reprend pas la tâche initiale (oubli)
|
0
|
0
|
5 Autres
|
1
|
1,45
|
|
Tableau 40 : Nombre et part des
différentes réactions observées chez l'JADE face aux
interruptions de tâches identifiées durant la période de la
phase d'induction à la finalisation de l'installation
chirurgicale.
Analyse : Dans la majorité des
cas, l'IADE ne s'est pas laissé interrompre (42 cas de figure soit
60,87%), dans sa mission même s'il garde une écoute active
nécessaire à la bionne PEC du patient, 17 IT (soit 24,64%) ont
été retrouvées où l'IADE a stoppé ce qu'il
était en train de faire pour entamer une seconde tâche, avant de
reprendre son activité initiale là où il l'avait
arrêtée. 9 cas sur 69 (soit 13,04%) ont été
décrits comme étant un arrêt provisoire de l'IADE avant de
poursuivre sa tâche initiale. Dans l'ensemble, les IADEs n'ont pas perdu
en performance dans les actes qu'ils effectuaient. En effet, pour 74% d'entre
eux (soit 51 IT observées), il n'y a pas eu de d'arrêt
significatif de leur pratique et ils ont pu rester concentrés sur ce
qu'ils faisaient.
92
6.4.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
Durée?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Moins de 1 minute
|
65
|
94,20
|
2 De 1 min à 5 minutes
|
4
|
5,80
|
3 + de 5 minutes
|
0
|
0
|
|
Tableau 41 : Nombre et part des
interruptions de tâche en termes de durée.
Analyse : Majoritairement, il a
été observé que pour 65 IT (soit 94,20%), cela
correspondait à une durée inférieure à 1 minute.
Interprétations
générales :
Concernant la période couvrant la phase d'induction
jusqu'à la finalisation de l'installation chirurgicale, il a donc
été observé que la plupart des interruptions de
tâche s'effectuaient à des moments critiques de prise en charge de
l'IADE.
En effet, la moitié d'entre-elles s'est vue observer
pendant la pré-oxygénation (39,13%) ainsi que
pendant la sédation Intra-Veineuse (20,29%),
l'auscultation pulmonaire et la sécurisation des circuits de ventilation
(20,29%).
Celles-ci ont été aperçues notamment en
salle d'opération (100%) puisque cette période
se déroule exclusivement dans cet espace, hors cas d'urgence, non
étudié ici.
En grande partie, elles étaient de type physique
(59,42%) et leurs origines émanaient des professionnels
de santé, en nombre à ce moment de la PEC.
En effet, les professionnels de santé, sources de ces
IT, étaient principalement les IBODEs (34,09%) et les
chirurgiens (31,82%). Présents, les IBODEs participent
à l'installation du patient au bloc opératoire et travaillent
aussi en étroite collaboration avec l'IADE. Néanmoins, comme le
souligne le tableau 30, les causes de ces IT à ce
moment précis ne sont pas d'ordre professionnel.
Il faut noter malgré tout, que même si les IADEs
ne se sont pas laissés interrompre dans la majorité des cas
(60,87%), une bonne partie des IT étaient justifiables
(33,33%) car nécessaire à la PEC et à la
collaboration.
93
Ces IT qui avaient une durée moyenne inférieure
à 1 minute (94,20%), n'ont pas privé ni
déconcentré la collaboration IADE-MAR car il n'y a pas eu d'oubli
de la part des IADEs observés durant la période comprenant des
tâches allant de la phase d'induction à la finalisation de
l'installation chirurgicale.
94
6.5 Analyse des résultats pour la
période de surveillance pré-incision
6.5.1 Les tâches de l'IADE
Activités/Tâches
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Réglage des alarmes
|
3
|
8,82
|
2 Feuille d'anesthésie
(rédaction) paramètres, etc...
|
18
|
52,94
|
3 Préparation et/ou réinjection
médicamenteuse
|
9
|
26,47
|
4 Check-list HAS avant l'incision
|
0
|
0
|
5 Autres (ex : reconditionnement)
|
4
|
11,77
|
TOTAL
|
34
|
100
|
|
Tableau 42 : Nombre et part des
interruptions de tâche (IT) dans la pratique IADE lors de la
période de surveillance pré-incision.
Analyse : 18 IT sur 34 (soit 52,94%) ont
été observées au moment du remplissage de la feuille
d'anesthésie et 9 IT (soit 26,47%) au moment de la préparation ou
réinjection de médicaments destinés au confort
anesthésique du patient.
6.5.2 Localisation des interruptions de tâche
Où?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Salle d'opération
|
34
|
100
|
2 Salle d'accueil
|
0
|
0
|
3 Couloir
|
0
|
0
|
4 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 43 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon l'endroit où
l'interruption s'est produite.
Analyse : La totalité des 34
IT (soit 100%) ont été réalisées en salle
d'opération. En effet, cette phase d'activité est essentiellement
et obligatoirement accomplie lorsque le patient est sédaté et/ou
endormi. Elle fait suite à l'installation et à l'induction
anesthésique.
95
6.5.3 Les types d'interruption de tâche
Comment?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Téléphone, smartphone
|
0
|
0
|
2 Physique (contact humain, discussion avec
l'iade)
|
30
|
88,24
|
3 Alarmes
|
2
|
5,88
|
4 Bruit
|
2
|
5,88
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 44 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon le type
d'interruption.
Analyse : La majorité des IT sont
représentées par des interruptions de type physique (30 IT soit
88,24%). Seulement 2 IT (soit 5,88%) sont imputables aux alarmes d'une part et
aux bruit ambiant d'autre part.
6.5.4 Les sources d'interruption de tâche
Origines des IT?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Professionnel de santé
|
28
|
82,35
|
2 Patient, famille
|
0
|
0
|
3 Soi-même
|
4
|
11,77
|
4 Autres (respirateur, scope, etc...)
|
2
|
5,88
|
|
Tableau 45 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon leurs origines (sources des
IT).
Analyse : Nous retrouvons à
nouveau une majorité des IT occasionnées par des professionnels
de santé pour 28 cas de figure (soit 82,35%). Néanmoins, 4 IT
(soit 11,77%) sont réalisées par l'IADE lui-même et 2 IT
(soit 5,88%) par les machines qui l'entourent.
96
Statut professionnel
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
IBODE
|
5
|
17,86
|
IADE
|
5
|
17,86
|
MAR
|
8
|
28,57
|
Chirurgien
|
8
|
28,57
|
IDE de salle
|
0
|
0
|
AS
|
0
|
0
|
Autres
|
2
|
7,14
|
|
Tableau 46 : Nombre et part des
différents professionnels de santé responsables des interruptions
de tâche dans la pratique de l'JADE pendant la phase de surveillance
pré-incision.
Analyse : Les MAR et les chirurgiens
se partagent le haut du tableau avec respectivement 8 IT (soit 28,57%)
enregistrées contre 5 IT (soit 17,86%) observées chez les IADEs
et les IBODEs. Compte tenu de la présence en nombre de tous les acteurs
ayant un rôle en salle d'opération, nous assistons à une
reproduction d'IT beaucoup plus homogènes dans la répartition des
responsables « physiques ».
Part des professionnels à l'origine d'IT pendant la
phase de surveillance pré-incision
Chirurgien
MAR
IADE
IBODE
0 5 10 15 20 25 30
Part en % Nombre
Graphique 46.1 : Nombre et part
des différents professionnels de santé responsables des
interruptions de tâche dans la pratique de l'JADE pendant la phase de
surveillance pré-incision.
97
6.5.5 Les motifs d'interruption de tâche
Motifs?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Apport d'information/Prescription orale
|
5
|
14,71
|
2 Recherche d'information/Pose une question
|
9
|
26,47
|
3 Demande de l'aide
|
9
|
26,47
|
4 Problèmes
|
0
|
0
|
5 Oubli (ex : pose de matériel de
surveillance)
|
1
|
2,94
|
6 Autres (ex : discussion)
|
10
|
29,41
|
|
Tableau 47 : Nombre et part des
interruptions de tâche observées selon les motifs
d'interruption.
Analyse : Nous observons là
aussi une grande variabilité quant aux motifs des IT. Les discussions
prédominent avec 10 IT sur 34 (soit 29,41%). Cependant la «
recherche d'information » et les « demandes d'aide » sont
responsables de 9 IT (soit 26,47%) chacune. Avec 5 IT (soit 14,71%), les «
apports d'informations » termine de compléter le tableau des motifs
les plus présents dans les causes d'interruption.
6.5.6 Les réactions des IADEs face aux
interruptions de tâche
Réactions?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Stop puis reprend la tâche initiale
(s'interrompt, fait face à son interlocuteur et reprend sa
tâche)
|
9
|
26,47
|
2 Ne se laisse pas interrompre (écoute
mais poursuit sa tâche)
|
12
|
35,29
|
3 Stop la tâche initiale,
débute la tâche secondaire puis reprend la tâche initiale
|
12
|
35,29
|
4 Stop la tâche initiale, débute
la tâche secondaire, mais ne reprend pas la tâche initiale
(oubli)
|
1
|
2,95
|
5 Autres
|
0
|
0
|
|
Tableau 48 : Nombre et part des
différentes réactions observées chez l'IADE face aux
interruptions de tâches identifiées durant la période de
surveillance pré-incision.
98
Analyse : A égalité, il
a été identifié que l'IADE, à 12 reprises (soit
35,29%), ne se laissait pas interrompre mais, parallèlement qu'il
stoppait sa tâche initiale pour en débuter une autre avant de
reprendre la tâche initiale là où il avait
été interrompu. 9 cas d'IT (soit 26,47%) montraient que l'IADE
pouvait s'arrêter mais ne perdait pas le fil conducteur de sa tâche
initiale.
1 oubli a été constaté (soit 2,95%).
6.5.7 Temps moyen d'une interruption de tâche
Durée?
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Moins de 1 minute
|
32
|
94,12
|
2 De 1 min à 5 minutes
|
2
|
5,88
|
3 + de 5 minutes
|
0
|
0
|
|
Tableau 49 : Nombre et part des
interruptions de tâche en termes de durée.
Analyse : La majorité des IT
observées sont inférieures à 1 minute (32 IT soit
94,12%).
Interprétation
générale :
Cette période « tampon »
qui mobilise une bonne partie des compétences de l'IADE
est aussi une période où il est facilement exposé
aux interruptions de tâche du fait de la présence
permanente de l'équipe au complet dans la salle
d'opération.
C'est une phase où il poursuit sa collaboration avec
le MAR mais aussi les autres professionnels tels que l'IBODE et le chirurgien
prêt à inciser.
Dans le déroulement des tâches, l'IADE remplit
ses objectifs un à un, tout en gardant un oeil sur le patient et le
monitorage de surveillance.
Les IT ont été principalement
observées au moment de la rédaction de la feuille
d'anesthésie. Elles représentent ainsi
52,94%, soit près de la moitié des
perturbations. En effet, dans la pratique, les IADEs, de manière
individuelle et suivant leurs propres organisations, commencent à
rédiger lorsqu'ils en ont la possibilité.
Remplir la feuille d'anesthésie est une tâche
où il peut être amener à y revenir plusieurs fois et donc
être interrompu de manière concomitante à plusieurs
reprises. Il est très difficile de définir cette
tâche comme étant celle qui a subi le plus
99
d'interruptions car elle se manifeste de manière
aléatoire et se réalise tout au long de l'intervention.
Par contre il est intéressant de noter que la
préparation et/ou réinjection médicamenteuse
arrive en deuxième position dans la fréquence des IT.
Elle représente 26,47% ce qui est dommageable.
A l'issu de cette enquête, j'ai pu comprendre
qu'à l'ouverture de salle, l'IADE était
interrompu en grande partie pendant la préparation des seringues
d'anesthésie (72%). De plus, toujours dans mon
observation, j'avais pu constater que pendant la période
d'induction, il existait aussi une concentration d'IT lors des
sédations Intra-Veineuse (20,29%).
Nous pouvons donc déduire que les tâches en lien
avec la manipulation de produits « dangereux » est
fortement impactée par ce phénomène des interruptions de
tâche.
La salle d'opération monopolise
encore une fois la place de choix pour les IT et le type d'interruption est
très clairement d'ordre physique pour 88,24%
d'entre-elles.
Constat persistant, les professionnels de
santé sont à l'origine des IT pour 82,35%
d'entre eux. On notera quand même qu'ils obtiennent un taux
quasi similaire avec la période d'ouverture de salle (plus de
80%). Cependant, ils sont plus nombreux en termes d'effectif
à ce moment précis de la surveillance
pré-incision, ce qui peut expliquer la variabilité
dans les résultats obtenus pour la part des professionnels dans
les IT.
Phase décisionnaire oblige,
les MAR et les chirurgiens interrompent
l'IADE de manière égale (28,57%).
Malheureusement, les motifs ne sont pas
toujours d'ordre professionnel pour presque 30% des cas. Il
est toutefois important de souligner que le cumul des 3 items du
tableau 30 des motifs d'IT, représente 67,65%
des perturbations enregistrées comme étant justifiables
car il y a un travail de collaboration déterminant avant l'incision.
Les réactions de l'IADE semblent
adaptées aux perturbations en fonction de l'IT. En effet, alors qu'il
est interrompu en grande partie pendant qu'il effectue la rédaction de
la feuille d'anesthésie, l'IADE enregistre davantage, par rapport aux
autres séquences, des réactions où il stoppe sa
tâche initiale avant de la reprendre. Il enregistre avec le cumul des
items 1 et 3 ( « Stop puis reprend la tâche
initiale
100
(s'interrompt, fait face à son interlocuteur et
reprend sa tâche) » + « Stop la tâche
initiale, débute la tâche secondaire puis reprend la tâche
initiale »), un score de 62%. A travers cette
observation, je me suis donc posée la question s'il n'existait pas une
priorisation des tâches ? En effet, à partir du moment où
une tâche comme la réinjection de produit d'analgésie pour
anticiper la douleur liée à l'incision chirurgicale est cruciale,
l'IADE n'a-t-il pas tout intérêt à s'assurer de cette
tâche en priorité par rapport à la rédaction de la
feuille d'anesthésie ?
Incontestablement observé depuis le début de
mon enquête observationnelle de l'ouverture de salle jusqu'à
l'incision, la durée moyenne des IT est toujours en majorité,
inférieure à 1 minute dans 94,12% des cas.
101
6.6 Analyse globale des résultats de
l'observation
Après avoir détaillé dans son ensemble
les résultats de chaque séquence d'activités
de l'IADE de l'ouverture de salle jusqu'à
l'incision, je vais vous présenter ce qui en ressort d'un point
de vue global. Pour rappel, j'ai effectué 45 observations
parmi lesquelles j'ai pu identifier 164 interruptions de
tâche au total.
Dans un premier temps, nous pouvons finalement définir
la séquence la plus exposée aux IT durant mon enquête. Le
graphique ci-dessous, classé en ordre décroissant, nous montre
les périodes d'activités les plus touchées par les IT.
14,64
12
7,32
Induction et finalisation
Surveillance pré-incision
Accueil du patient et analyse du dossier
Ouverture de salle Installation du
patient au bloc opératoire
Répartition totale des interruptions de tâches
selon les 5 séquences d'activités répertoriées
dans la grille d'observation
69
20,73
Nombre d'IT Part en %
80
15,24
34
70
60
50
40
30
20
10
0
25 24
42,07
Graphique 1 : Répartition
totale des interruptions de tâches selon les 5 séquences
d'activités répertoriées dans la grille
d'observation
Il s'agit de la période qui couvre l'induction
jusqu'à la finalisation de l'installation du patient au bloc
opératoire. Ne disposant pas du temps exact qu'elle est
supposée durer, elle enregistre néanmoins une proportion de
42,07% soit 69 IT qui ont été
recensées sur la totalité (164 IT).
Période regroupant pas moins de 8 items, elle reste
parmi les plus pourvues en tâches techniques comme la
pré-oxygénation et l'intubation.
102
Cependant, il semblerait que l'IADE doit faire face à
un grand nombre d'interruptions qui peuvent être gênant dans sa
pratique et donc mettre en danger la sécurité des soins
prodigués au patient. Mais pourquoi existe-il autant d'IT à ce
stade de la prise en charge anesthésique ?
C'est aussi une période qui regroupe un effectif
important en termes de personnels de santé et ce dans un même
endroit. Nous verrons dans la discussion pourquoi cela est-il important de le
soulever. Par comparaison, la séquence « surveillance
pré-incision » qui regroupe 5 items a
été plus impactée par les IT (34 IT soit 20,73%)
que dans la séquence « ouverture de salle
». Elle regroupe pourtant 9 items (25 IT soit
15,24%), soit bien plus que l'autre séquence cité
ci-dessus. Cependant cette dernière (séquence « ouverture de
salle ») n'est pas dotée du même effectif professionnel que
la séquence couvrant la période « surveillance
pré-incision ». Nous pouvons donc nous poser la question si les IT
ne sont pas plus du fait de la présence d'un certain nombre d'individus
dans une même pièce plutôt que le fait que ces
séquences soient plus ou moins longues à effectuer ?
En regardant le tableau suivant, qui regroupe les
tâches les plus impactées de chaque séquence
d'activités par les IT, nous pouvons remarquer que la tâche «
pré-oxygénation/sédation inhalatoire
» est la plus affectée. L'IADE a été
interrompu 27 fois pendant cette tâche, soit une proportion de
16,46%.
Activités/Tâches
|
Nombre d'IT
|
Part en %
|
1 Pré-oxygénation et/ou
sédation inhalatoire
|
27
|
16,46
|
8 Préparation du plateau
d'anesthésie
|
18
|
10,97
|
2 Feuille d'anesthésie
(rédaction) paramètres, etc...
|
18
|
10,97
|
2 Monitorage et oxygénation
|
11
|
6,72
|
2 Recherche et analyse du terrain du
patient
|
5
|
3,05
|
TOTAL
|
79
|
48,17
|
|
Tableau 50 : Les 5 tâches de
l'IADE les plus affectées par les interruptions de l'ouverture de salle
jusqu'à l'incision et par séquences d'activités.
Toujours d'après ces résultats, ce qui est
intéressant de dégager, c'est l'ensemble des items qui ont
enregistré le plus de perturbations dans la pratique de l'IADE. Avec un
total de 79 IT (soit 48,17%), cela signifie que presque
la moitié de ces interruptions, se concentre sur
5 tâches, réparties dans chaque séquence
de la grille d'observation. Non seulement, nous pouvons affirmer que
les IT se manifestent
103
fréquemment de l'ouverture de salle
jusqu'à l'incision mais aussi qu'elles se focalisent sur des points
clés de la prise en charge anesthésique. En effet, nous observons
qu'elles touchent des points sensibles comme la «
préparation du plateau d'anesthésie » et la
« recherche et analyse du terrain du patient ». J'ai
été moi-même exposé à cette
difficulté, ce que je décris dans ma situation d'appel.
Que cela signifie-t-il ? Existe-t-il d'autres facteurs
déterminant la survenue de tels risques pendant ces tâches ? Quels
sont-ils ?
Dans un troisième temps, nous pouvons aussi clarifier
la localisation où se manifeste le plus d'IT ainsi que le type. Sans
surprise, la « salle d'opération »
comptabilise 95,12% des interruptions enregistrées
pendant l'enquête.
180
160
156
Répartition totale des interruptions de tâche selon
le lieu où elles se produisent
5 3,05 3 1,83 0 0
1 Salle d'opération 3 Couloir 2 Salle d'accueil 4
Autres
Nombre d'IT Part en %
95,12
140
120
100
80
60
40
20
0
Graphique 2 : Répartition
totale des interruptions de tâche selon le lieu où elles se
produisent.
Véritable plateforme pluridisciplinaire
pour les acteurs du bloc opératoire, il est intéressant
de retrouver une telle proportion puisque la « salle
d'opération » est le théâtre des
activités de chaque professionnel de santé qui s'y affère.
Regroupant pas moins de 5 individus en général
(Chirurgien, MAR, IBODE, IADE, IDE, etc...), la salle
d'opération est l'endroit qualifié le plus exposé
aux itinérantes interruptions de tâche.
104
Dans un quatrième temps, le graphique suivant montre la
répartition totale des IT selon le type d'IT :
Répartition totale des interruptions de tâche
selon le type d'interruption
19 16
11,59 9,76 6 3,66 1 0,6
140
122
120
100 80 60 40 20 0
74,39
2 Physique (contact humain, discussion avec l'iade)
|
4 Bruit 3 Alarmes 1 Téléphone,
smartphone
|
5 Autres
|
|
Nombre d'IT Part en %
Graphique 3 : Répartition
totale des interruptions de tâche selon le type d'interruption.
Avec une proportion proche des 75% (74,39%),
le « contact humain » qui est afférent au
type « physique » d'IT, domine de loin dans cette
catégorie. En effet, tout au long de mes observations, j'ai pu remarquer
que le travail d'équipe qui est le « ciment »
du bon fonctionnement d'un bloc pouvait être aussi la principale
cause des IT. Dans un système aussi hiérarchisé
où circulent et se croisent en permanence, les professionnels de
santé, les interruptions peuvent être démultipliées
en fonction du nombre de personnes qui y travaillent. Ce n'est pas un hasard si
un des impératifs de l'IBODE est de se préoccuper, entre autres,
de l'effectif circulant et nécessaire pour une intervention. Au
même titre que le risque infectieux, plus il y a d'individus dans une
même salle, plus le risque de véhiculer des IT est important. Une
étude qualitative pour évaluer cette hypothèse pourrait
certainement nous éclairer pour infirmer ou confirmer cela.
Dans un cinquième temps, concernant l'origine des IT,
les professionnels de santé seraient les plus à même
d'être la source. Ils représentent 71,95% des IT
rencontrées lors de mon enquête, soit 118 interruptions
sur 164. Qu'est ce qui pourrait justifier un tel résultat ? La
pluralité disciplinaire serait-il en cause ? Le BO serait-il un lieu
hospitalier favorisant les IT ?
120
4
2,44
2 Patient, famille
1 Professionnel de santé 3 Soi-même 4 Autres
(respi, scope,
etc...)
Nombre d'IT Part en %
Répartition totale des interruptions de tâche
selon
l'origine
118
18
14,63 10,98
24
140
71,95
100
80
60
40
20
0
105
Graphique 4 : Répartition
totale des interruptions de tâche selon l'origine.
En ce qui concerne les « auto » interruptions,
l'IADE mobilise 14,63% des IT. Ce qui pourrait
démontrer une certaine concentration sur ce qu'il fait. Les machines
« qui font du bruit » et les patients sont aussi peu
représentatifs des origines des IT, ce qui montre que l'IADE reste peu
perturbé par l'individu qu'il prend en charge et son environnement
technologique.
Parmi ces professionnels de santé, qui obtiennent
néanmoins des scores plutôt équilibrés, les
IBODEs semblent être les principaux professionnels, sources
d'IT. Ils représentent 32,2% (38 IT) parmi l'ensemble
des IT observées chez les professionnels de santé (118
IT). Ce qui constitue ma sixième analyse. Cela peut s'expliquer
par plusieurs paramètres :
§ En effet, il faut noter que les IBODEs effectuent leur
ouverture de salle au même moment que l'IADE. Celui-ci se retrouvant de
façon permanente en contact avec l'IBODE.
§ De plus, ils sont amenés à
échanger davantage sur la prise en charge des patients
car ils partagent des informations cruciales. Là
encore, il serait intéressant de questionner les IADEs sur les
professionnels qu'ils croisent le plus souvent pour confirmer ce constat.
106
§ Ensemble, ils accueillent le patient au bloc
opératoire afin de recueillir les éléments
nécessaires à sa prise en charge et les regrouper dans le dossier
médical. Ils l'accompagnent et l'installent au bloc, en collaboration,
puis le préparent techniquement en même temps.
§ La collaboration continue lorsqu'ils finalisent
l'installation chirurgicale et se poursuivra tout au long de l'intervention
jusqu'à la suivante.
Répartition totale des interruptions de tâche
selon le statut professionnel
30
25,42
|
22
|
|
|
|
|
18,65
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
10,17
8
|
|
|
|
|
|
|
5 4,24
|
3 2,54
|
|
|
|
|
|
MAR Chirurgien IDE de salle IADE
|
AS
|
Autres (interne, manipulateur radio, etc...)
|
|
Nombre d'IT Part en %
35 30 25 20 15 10
5
0
32,2
IBODE
Graphique 5 : Répartition
totale des interruptions de tâche selon le statut professionnel.
Les MAR recueillent 25,42% d'IT, les
chirurgiens 18,65%, les IDE de salle 10,17%,
les IADEs 6,78%, les AS 4,24% et les autres
(internes, manipulateur radio, etc...) 2,54%. Là aussi,
plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour comprendre pourquoi les
résultats sont aussi variables comme dans l'hypothèse où
les IT se manifestent en fonction de l'heure d'entrée en salle des
différentes catégories de professionnels. Cela même, en
fonction de leurs implications dans l'intervention.
En effet, de l'ouverture de salle jusqu'à l'incision,
l'IADE rencontre ces différents acteurs à des
moments clés de sa prise en charge. Par exemple, les IBODEs et
les IADEs ouvrent la salle et arrivent donc les premiers. Le
MAR, qui travaille en collaboration avec l'IADE, fait son apparition
quelques instant plus tard, notamment en fin de check-list ou de
reconditionnement pour l'intervention suivante (cf.
107
paragraphe 2.1 « analyse des
résultats pour la période d'ouverture de salle (checklist
anesthésique) », tableau 5 « Nombre
et part des différents professionnels de santé responsables des
interruptions de tâche dans la pratique de l'JADE pendant l'ouverture de
salle. »).
Au moment de l'installation, tous les acteurs du bloc peuvent
être présents avec le chirurgien, les
IDEs de salle (qui sont aussi parfois faisant fonction d'IBODEs et
donc présents dès l'ouverture) ainsi que les
AS.
Cette observation démontre qu'à chaque
étape du déroulement des séquences d'activités de
l'IADE, celui-ci peut se retrouver confronter aux IT en fonction des
interventions de chaque acteur du bloc dans le processus de préparation
du site et de la prise en charge.
Un individu comme l'IBODE qui passe autant de temps au BO que
l'IADE va forcément avoir provoquer des IT. Les IT sont donc
proportionnels au temps partagé avec un autre individu.
Dans un septième temps, nous allons aborder les motifs
d'interruption de tâche. Précédemment décrit dans la
définition de la Haute Autorité de Santé, il existe des
interruptions « justifiées » mais aussi
« non-justifiées ». Celles qui concernent les
IT « justifiées » sont davantage attribuées à un
type collaboratif et coopératif, comme peut
l'être l'IADE avec le MAR ou d'autres professionnels. Pour rappel,
collaborer, c'est appuyer, contribuer, assister aux tâches d'autrui.
Coopérer, c'est aider, participer, échanger.
Même si le graphique suivant montre une part importante
d'IT « non-justifiées » (discussions non
professionnelles, perturbations sonores, etc...), la part de collaboration
représentée par les items « recherche d'information
», « apport d'information » et «
demande de l'aide » restent conséquentes. Elles
cumulent 46,95% des motifs d'IT «
justifiées » vs 53,05% pour les
IT « non-justifiées » (cf. graphique 7, page
99).
70
60
50
64
39,02
36
25
21,95
Répartition totale des interruptions de tâche selon
les
motifs
40
16 14
9,76 8,54 9 5,49
15,24
0
Nombre d'IT Part en %
30
20
10
108
Graphique 6 : Répartition
totale des interruptions de tâche selon les motifs.
77
Part des motifs "justifiés" et "non-justifiés"
"JUSTIFIÉS" "NON-JUSTIFIÉS"
46,95
Nombre d'IT Part en %
87
53,05
Graphique 7 : Part des IT «
justifiées » et « non-justifiées » dans la
pratique de l'IADE au bloc opératoire.
109
Avec l'objectif et le souci permanent de
sécuriser sa pratique, la prise en charge et
l'environnement du patient, l'IADE montre une
résistance particulièrement efficace
face aux IT de façon générale. Pour près
de la moitié des IT relevées dans cette enquête
observationnelle, l'IADE « ne se laisse pas interrompre
» tout en restant attentif aux informations qu'on lui donne. Il
enregistre un score de 51,22% (soit 84 IT), ce qui est
remarquable (cf. graphique 8, page 100).
Répartition totale des interruptions de tâche
selon les réactions de l'IADE face aux IT
90 84
51,22
42
34
20,73
80 70 60 50
40
30 20 10
0
3 1,83 1 0,61
25,61
2 Ne se laisse pas interrompre (écoute mais
poursuit sa tâche)
3 Stop la tâche initiale, débute
la tâche secondaire
puis reprend la
tâche initiale
|
1 Stop puis reprend la tâche
initiale (s'interrompt, fait face à son interlocuteur
et reprend sa tâche)
|
4 Stop la tâche initiale, débute
la tâche secondaire, mais ne reprend pas la tâche
initiale (oubli)
|
5 Autres (ex : relais pris par le MAR)
|
|
Nombre d'IT Part en %
Graphique 8 : Répartition
totale des interruptions de tâche selon les réactions de l'IADE
face aux IT.
Professionnel « multitâche
», l'IADE, de par sa formation, développe
des compétences et une pratique
sécurisée. La rigueur et
l'organisation ordonnées de son site
d'anesthésie font partie intégrante des responsabilités
qui le conduiront vers des prises en charge optimales laissant
peu de place à la survenue de risque pré, per et
post-opératoire. Il doit anticiper en permanence, afin
de garantir une maitrise de des risques liés à la
chirurgie, à l'anesthésie et au terrain du patient.
Cependant, il lui arrive malgré tout de suspendre sa
tâche initiale pour en débuter une autre avant de reprendre
celle-ci là où il l'avait stoppé
(25,61%). Faut-il y voir un défaut d'expérience
ou de sensibilisation à ce phénomène pour expliquer cela ?
Est-ce que les tâches secondaires étaient-elles plus importantes
que celles
110
initialement effectuées ? Je ne peux, malheureusement
pas apporter de réponse là-dessus car je n'ai pas pris en compte
cette subtilité.
3 IT mentionnant un « oubli
» de la part de l'IADE ont été observées
dans l'ensemble de mon enquête, ce qui représente peu et
démontre que l'on peut être « multitâche » et
concentré sur sa pratique en même temps.
Enfin, dans un huitième temps, le graphique exposant
la part des IT en fonction de leur durée, pourrait appuyer l'idée
qu'une interruption n'excédant pas une minute, permettrait à
l'IADE de plus facilement se prémunir face aux IT par rapport à
une perturbation qui serait plus longue.
Répartition totale des interruptions de tâche
selon leur
durée
180
|
|
|
|
153
160
|
|
|
|
140
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
100
|
|
|
|
|
|
80
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
40
|
|
|
|
|
20
|
|
6,71
|
|
|
0
|
|
|
0
|
0
|
|
|
|
|
|
1 Moins de 1 minute 2 De 1 min à 5 minutes 3 + de 5
minutes
Nombre d'IT Part en %
Graphique 9 : Répartition
totale des interruptions de tâche selon leur durée.
Avec une proportion équivalente à
93,29% (153 IT), les interruptions de tâche sont
majoritairement inférieures à une minute. Nous pouvons donc
penser qu'elles ne mobilisent pas toute l'attention de l'IADE car elles sont
relativement courtes, ce qui lui permet de ne pas perdre complètement le
fil conducteur de ses actes et ainsi de pouvoir remobiliser ces facultés
cognitives plus aisément.
111
7 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS
Après avoir détaillé les données,
je vais vous présenter les résultats que j'ai pu dégager
à travers ces nombreuses analyses.
Dans un premier temps, j'ai observé qu'il existait un
grand nombre d'interruptions dans la pratique de l'IADE mais qu'elles pouvaient
se manifester sous plusieurs types, pour des raisons variées et pouvant
être véhiculées par différents acteurs du bloc
opératoire.
Dans un deuxième temps, la tendance qui se
dégage est qu'il existe 42,07% des interruptions de
tâche qui sont réalisées pendant la période
couvrant l'induction jusqu'à la finalisation de l'installation
chirurgicale. Elle est donc considérée comme la
période la plus exposée aux IT et représente presque la
moitié des perturbations observées. Pour rappel, j'ai
recensé durant mon enquête un total de 164 IT.
Dans un troisième temps, j'ai croisé les
données avec les différentes tâches effectuées par
l'IADE. J'ai ainsi pu déterminer les cinq tâches
les plus touchées par ce phénomène dans chaque
séquence. La principale étant celle qui concerne le moment
où l'IADE s'occupe de la pré-oxygénation et/ ou de la
sédation inhalatoire du patient lorsque celui-ci est prêt pour
débuter l'induction. Elles représentent près de la
moitié des interruptions observées pendant
l'enquête (48,17%) et celles-ci se déroulent
essentiellement dans la salle d'opération à
95,12%. Nous pouvons donc penser que la salle
d'opération est l'endroit le plus sensible de ce
phénomène d'interruption de tâche au sein du bloc
opératoire.
Parmi ces nombreuses interruptions, nous pouvons affirmer que
74,39% des IT sont impactées par le «
contact humain » (type physique d'IT) et que
71,95% d'entre-elles sont induites par les
professionnels de santé. Ils constituent la source
primaire des interruptions. Les IBODEs, les
MAR et les chirurgiens sont majoritairement les
professionnels qui collaborent le plus avec l'IADE et cela peut certainement
expliquer un tel résultat.
En poursuivant le résumé des résultats
de mon enquête j'ai pu dégager deux catégories de motifs
d'IT. La première concernant les IT « justifiées
» et la deuxième concernant les IT «
non-justifiées ».
112
Les IT « justifiées »
regroupent les motifs :
· « Apport d'information et/ou prescription orale
».
· « Recherche d'information et/ou pose une question
d'ordre professionnel ».
· « Demande de l'aide pour effectuer une tâche
professionnelle ».
A mon sens, elles participent à la
collaboration (coopération active) des professionnels de
santé avec l'IADE qui réciproquement fait de même lorsque
cela est nécessaire. D'après mes résultats
généraux, elles représentent 46,95% des
IT.
A contrario, les IT « non-justifiées
» représentent alors 53,05% des IT. Ce
qui assez équilibré en termes de proportion. Celles-ci regroupent
les motifs suivants :
· « Autres (discussion , volume sonore, bruit ambiant,
etc...) ».
· « Oubli (ex : matériel pas sous la main et/ou
absent de la salle) ».
· « Problèmes (ex : logistique,
défaut matériel, changement dans le programme opératoire,
etc...) ».
Elles sont considérées comme telles car elles
ne correspondent pas à la définition de la collaboration qui
traduit le fait de partager des informations cruciales entre professionnels qui
tendent vers un objectif commun d'efficience dans la PEC des patients.
D'après ces résultats, nous pouvons donc nous poser la question
en quoi les IT « non-justifiées » sont-elles plus nombreuses
que les IT « justifiées » ? Peut-on considérer que les
motifs « non-justifiées » peuvent être évitables
? Par la même occasion sont-elles plus nuisibles que les autres ou juste
plus fréquentes ?
Lorsque l'on observe la réaction des IADEs face aux
IT, nous sommes en mesure de réaliser que 51,22% des
IADEs « ne se laisse pas interrompre ». De plus, ils
obtiennent des scores tout aussi intéressants dans les autres items
où ils n'omettent pas « d'oublier » la tâche initiale.
Nous pouvons donc penser que l'IADE est capable de travailler dans un
environnement propice aux IT fréquentes et qui peuvent altérer sa
concentration.
Pour autant, je me demande si le facteur temps peut avoir une
influence dans la capacité des IADEs à se prémunir des
interruptions ? En effet, avec un score de 93,29% d'IT qui
durent moins de 1 minute, cela favorise-t-il une meilleure
adaptation des IADEs face à ce phénomène ? Est-il plus
facile pour l'IADE d'être un professionnel multitâche lorsque
celles-ci sont de courtes durées ?
113
8 DISCUSSION
Avec cette observation, j'ai pu soulever plusieurs points
dont il me semblerait intéressant de mettre en lumière. Mais
avant toute chose, d'une manière générale, nous pouvons
confirmer qu'il existe bien un grand nombre d'interruption auxquels l'IADE est
confronté.
Le premier point à éclairer
est donc la prédominance des IT durant la période
couvrant l'induction jusqu'à la finalisation de l'installation
chirurgicale. N'ayant pas d'étude de comparaison, nous pouvons
néanmoins observer, d'après mes résultats, qu'il s'agit
d'une période à haut risque en termes de fréquence
d'interruptions.
Pourquoi ? D'après mes observations, j'ai pu constater
que l'équipe en charge de l'intervention était au complet lors de
cette étape. Les IBODEs, le MAR, le
chirurgien ainsi que les autres acteurs de soins, qui sont
indispensables, étaient tous présents pour prendre en charge le
patient monitoré sur la table. Les professionnels de santé qui
sont une importante source d'IT d'après mes résultats (cf.
Graphique 4, page 105), confirme la complexité du lien entre
fréquence des interruptions et le nombre de personnes composant
l'équipe présente lors de ces IT. Au tout début de
l'induction, c'est la pré-oxygénation qui permet de
débuter cette séquence. Or, c'est dès cette tâche
que l'IADE est le plus interrompu (cf. Tableau 50, page 102).
Avec mes recherches, j'ai pu comprendre que le
facteur humain et les facteurs liés à
l'équipe jouaient un rôle important dans ces
interruptions. En effet, ces deux concepts sont mis
régulièrement en cause dans la littérature (cf.
Paragraphes 3.2.4, page 22 et 3.3.2.2, page 34) et observés pendant mon
enquête. Ce constat va également dans le sens de l'HAS, qui
mentionne que l'approche classique de la « faillibilité
humaine » ne suffit plus pour écarter le risque de faire
des erreurs, et que l'équipe, d'après son
étude de 2015 sur les EI, peut-être à l'origine
d'erreurs. Ces 2 facteurs font partis, entre autres, des
différents items utilisés dans la méthode ALARM pour
l'analyse des EIG.
Nous pouvons donc mettre en avant que les professionnels de
santé formant « l'équipe pluridisciplinaire
» du bloc peuvent être des vecteurs d'IT dans la pratique
IADE.
Peut-on justifier cette relation uniquement par ce biais ?
Pas seulement. En effet, lorsque l'on s'attarde sur ma grille d'observation
regroupant les tâches de l'IADE (cf. Annexe n°1,
page 139), nous pouvons nous apercevoir que la séquence qui traite la
114
période allant de l'induction à la finalisation
de l'installation chirurgicale regroupe 8 tâches qui sont :
· La pré-oxygénation et/ou la sédation
inhalatoire.
· La sédation Intra-Veineuse (injection IV) et/ou
Anesthésie Loco-Régionale.
· L'occlusion palpébrale.
· L'intubation (IOT/ML).
· La fixation, l'auscultation pulmonaire et la
sécurisation des circuits.
· Le réglage des paramètres du respirateur
(mode, Volume courant, fréquence respiratoire, fraction inspirée
en oxygène et en gaz anesthésique, etc...).
· Le changement de position et/ou la vérification
des points d'appui.
· Autres.
Ces 8 tâches se déroulent en fonction de
plusieurs paramètres comme le profil du patient, l'organisation,
la dextérité et l'ergonomie de l'IADE qui n'ont
pas été pris en compte. Ces paramètres
pourraient-ils avoir une influence sur le nombre des IT ? Les réactions
seraient-elles différentes et plus appropriées ? Je suis parti du
principe qu'il s'adaptait au profil de l'IADE, son organisation ainsi que celle
de l'équipe qui collaborait avec lui. La coopération
du patient ou son adaptation à l'environnement
du bloc avant son intervention, pourrait aussi influencer le temps
de cette étape, notamment au bloc pédiatrique qui est
spécifique. Je me suis donc posé la question suivante :
Est-ce qu'il existe un lien entre le nombre d'IT et le temps
passé à effectuer une tâche ? Existe-t-il une
corrélation entre la durée d'une procédure et la survenue
de plusieurs IT dans cette même tâche? Si la
pré-oxygénation dépend du patient et qu'elle dure un
certain temps, n'est-ce pas pour cela qu'elle enregistre un plus grand nombre
d'IT ? Il semblerait évident de l'affirmer mais je n'ai pas de
statistiques pouvant confirmer cela.
Le deuxième point que je souhaiterais
développer est celui du fait que presque la moitié des
IT observées se concentre sur un groupe de cinq
tâches (cf. Tableau 50, page 102). Or, ma grille d'observation
(cf. Annexe n°1, page 139), m'a permis d'en recenser trente-cinq. Ce qui
m'amène à me poser la question :
Quelles solutions apporter au sujet de ces cinq tâches
pour diminuer de moitié le risque d'erreurs imputables aux IT ?
Étant donné qu'elles représentent 48,17%
des IT, il m'a semblé intéressant d'y
réfléchir.
Le fait que la majorité des IT se
déroule en salle d'opération constitue le troisième point
de mon raisonnement, en mettant en avant que le regroupement
de
115
plusieurs individus dans un même
espace, induisent des IT. Il est intéressant
de remarquer que c'est aussi l'endroit où se déroule la plupart
des tâches effectués par l'IADE, hormis quelques actes
programmés à l'extérieur comme l'accueil du patient. C'est
pour cela que les résultats qui montrent une forte observation d'IT en
salle d'opération (95,12%), peuvent naturellement
s'expliquer par une concentration d'activité importante et qui ne
résultent pas de la seule présence de l'équipe
d'intervention. Aucune étude comparative n'a pu être
abordée dans ma recherche mais la puissance du résultat identifie
clairement la sensibilité du lieu face aux IT et donc la forte
disposition de l'IADE, très présent dans la salle
d'opération, à être interrompu pendant des tâches qui
nécessites beaucoup de concentration comme la préparation des
seringues d'anesthésie.
Le quatrième point que j'ai pu
observer est celui qui concerne le temps de présence de chaque
professionnel en contact avec l'IADE. D'après mes
résultats, les professionnels de santé sont à l'origine
des IT dans sa grande majorité (cf. Graphique 4, page 105). A l'issu de
ces résultats, on peut se questionner sur le rapport entre la
présence d'un professionnel dans la zone d'activité de l'IADE et
sa possibilité d'être à l'origine d'IT.
Pour le vérifier, j'ai dû croiser des
données qui sont ressorties de mon observation. Lorsque je remarque que
l'IBODE comptabilise 32,2% des IT, je fais le lien avec
l'idée qu'il démarre sa journée et prépare sa salle
aux mêmes amplitudes horaires que l'IADE, c'est à dire qu'ils se
côtoient continuellement. On peut affirmer que son temps de
présence passé au côté de l'IADE peut
être un facteur de survenue d'IT car le type d'IT est
préférentiellement lié au « contact humain
». Celui-ci est physique pour plus de 74% (cf.
Graphique 3, page 104). Le MAR et le chirurgien qui arrivent plus tard dans le
processus, complète cette hypothèse avec respectivement 25% et
18% (cf. Graphique 5, page 106). Pour autant, lors de du déroulement de
la séquence « ouverture de salle », ce n'est pas l'IBODE qui
génère le plus d'IT, mais le MAR. Y aurait-il un facteur
permettant de vérifier cela ?
Le cinquième point différencie
les interruptions « justifiées » et celles
« non-justifiées ». En effet, Si l'on
regroupe les items correspondant aux IT « justifiées
» (« recherche d'information » +
« apport d'information » + « demande de
l'aide ») cela se traduit par une démarche de
collaboration. Il consiste ici en l'échange
d'informations importantes et entre chaque acteur de la prise en charge du
patient opéré.
Dans sa définition sur l'interruption de tâche,
la Haute Autorité de Santé mentionne le fait qu'il existe des
interruptions « justifiées » car
nécessaire à la PEC. Pour autant elles peuvent aussi occasionner
une « perte de performance ».
116
D'après mes résultats, il a été
relevé que 46,95% d'entre-elles correspondent à
ces IT « justifiées ». Cependant, la part des
IT « non justifiées » («
discussion, bruit ambiant, volume sonore » + «
oubli matériel » + « problèmes
logistiques », etc...) est sensiblement supérieure
à celle des IT « justifiées »
(53,05%) (cf. Graphique 7, page 108). Si l'on considère
que les IT « non-justifiées » peuvent
être évitables alors pourquoi sont-elles plus nombreuses ? Quel
part de responsabilité peut avoir le facteur humain dans ce cas de
figure ?
Une partie de la réponse est dû notamment au type
d'IT « physique » qui est très
élevé (cf. Graphique 3, page 104). Lorsque j'ai abordé le
chapitre concernant les solutions qui ont été mises en oeuvre
pour lutter contre les IT (cf. Chapitre 3.3.3.1, page 36), je me suis
aperçu qu'elles étaient particulièrement efficaces
d'après les études qui les ont évaluées. Les «
Gilets jaunes » comme les « espaces
sécurisés » permettraient de réduire
les IT et nous pouvons donc imaginer diminuer surtout celles qui ne
demandent pas un travail de collaboration car moins importantes (IT «
non-justifiées »). Ces barrières ont pour
objectif de dissuader les IT en
général alors pourquoi ne serait-il pas envisageable de
s'inspirer de ces dispositifs pour diminuer l'impact des IT «
non-justifiées » au bloc opératoire dans la
pratique IADE ?
Là encore, ne disposant pas de données allant
dans le sens de cette hypothèse, je ne peux pas le confirmer car aucune
étude de la sorte n'a été réalisée sur la
sécurisation de la pratique IADE face aux IT au BO.
Cependant, se questionner sur l'usage « spontané
» des motifs d'IT « non-justifiées »
pourrait être un premier pas dans la nécessité de
sensibiliser les professionnels de santé à les réduire
à des fins plus collaboratives. Est-ce que cela aurait un impact sur la
survenue d'évènements indésirables évitables ? Le
débat reste ouvert. Comment s'adapterait l'équipe face à
ce type de formation ? Quelles solutions leur apporter ?
Le sixième point que j'ai
relevé concerne la capacité de l'IADE à s'adapter
face aux IT. Avec plusieurs réactions possibles et
annotées sur ma grille d'observation (cf. Annexe n°1, page 139), je
me suis accroché à l'idée que celui-ci disposait d'une
bonne résistance car il ne « s'interrompait pas
» dans 51,22% des cas.
De plus, j'ai aussi enregistré le fait qu'il y avait
très peu de situation où l'IADE « oubliait » de finir
sa tâche initiale au profit d'une tâche secondaire. Est-ce
là, une démonstration du concept de résilience
que j'ai pu aborder et tenter de développer dans mon cadre
conceptuel ? (cf. Paragraphe 3.3.3.3, page 40). Ne pouvant le confirmer car
restant dans une démarche observationnelle, il aurait été
intéressant de pouvoir l'exploiter au travers d'un questionnaire
destiné à l'IADE pour mettre en lumière cet aspect
neurocognitif. Cependant, après avoir discuté avec certains
d'entre eux après les observations, ils m'indiquent néanmoins
qu'ils sont conscients de ce
117
phénomène et qu'ils s'adaptent en fonction du
motif et évoquent leur expérience comme étant un atout
dans leurs capacités à être des professionnels «
multitâches ».
Cette discussion peut certainement expliquer mes
résultats concernant les différentes réactions de
l'IADE face aux IT (cf. Graphique 8, page 109). En effet, même
si l'IADE s'interrompt simplement et/ou décide d'effectuer une
tâche secondaire, il a tendance à revenir sur ce qu'il
était en train de faire.
Cela se confirme lorsque l'on additionne les items de ce
même graphique « stop la tâche initiale, débute
la tâche secondaire puis reprend la tâche initiale »
avec « stop puis reprend la tâche initiale ».
Ils représentent à eux deux une proportion de
46,34%, ce qui est plutôt significatif d'une
capacité à rester concentré malgré les
distractions.
Enfin le dernier point à identifier
est celui qui met en lien la durée moyenne des IT avec le risque
de perdre en performance dans le processus d'exécution des
tâches. Indiscutablement, j'ai relevé que la
majorité des IT observées ne dépassaient pas une minute
(cf. Graphique 9, page 110).
Cependant, il m'est impossible de savoir s'il y a un rapport
avec la possibilité d'une IT à être plus nuisible si elle
dure plus longtemps. Pourquoi ? Parce qu'il ne s'agissait pas de faire une
étude prospective sur la capacité des IT à être
handicapantes en fonction du temps d'interruption.
Malgré tout, nous pouvons nous appuyer sur le fait que
même les IT les plus courtes peuvent avoir un risque avéré
dans la survenue d'erreur car elles apportent une surcharge cognitive si elles
sont fréquentes et ciblées sur la même personne (cf.
Paragraphe 3.3.1.4 Synthèse, page 32, étude de HUET & al).
Après avoir effectué ce travail de recherche et
pris du recul sur la façon dont j'ai pu observer et mener mon
enquête observationnelle, je me suis rendu compte qu'il n'était
pas si simple de pouvoir « compter » la survenue des interruptions de
tâche. Se manifestant de manière totalement spontanée, il
m'a fallu, pendant ces 3 semaines, retravailler mon outil pour qu'il se
rapproche le plus possible de la réalité du terrain. Parfaitement
adapté à l'étude que j'ai choisie, il m'a
été d'une grande aide de pouvoir ainsi m'appuyer sur le
modèle de l'HAS qui existait déjà et qui avait fait ses
preuves dans le domaine.
Si je devais revenir sur les points faibles de cette
recherche, ça serait davantage sur l'aspect d'aborder les IADEs sur le
sujet. En effet, j'ai divulgué pour certains le thème de mon
enquête. Cependant, il ne m'a pas empêché de récolter
quelques résultats significatifs. Les axes d'amélioration
pourraient se porter sur le caractère trop
118
quantitatif de mes observations. En effet, je remarque que ma
grille d'observation ne relève que des données chiffrées
et que certains aspects de mon enquête auraient pu
bénéficier d'une réelle expertise plus qualitative
portant, par exemple, sur l'expérience et le vécu des
interruptions de tâche par le soignant IADE. Il m'aurait permis de
vérifier et de confirmer les hypothèses auxquelles je me
confronte. Par exemple, l'effectif soignant présent au BO serait-il ou
non plus dommageable en termes d'IT que la durée des tâches
accomplies ? C'est peut-être là, l'ouverture possible vers
d'autres enquêtes qui serviraient à compléter mon travail
de recherche. L'apport de variables non quantitatives auraient certainement
soulevé différents points de vue et dégager des
données significatives.
Ma question de départ cherchait à comprendre la
récurrence des IT, leurs origines et leurs motivations dans la pratique
de l'IADE (motifs, origines, localisation) de l'ouverture de salle
jusqu'à l'incision.
Je pense qu'à travers mon enquête, j'ai pu
répondre en partie à ce questionnement. Il reste cependant
beaucoup d'interrogations mais comme énoncé
précédemment, il ne s'agit que d'un état des lieux de
l'impact de ces IT sur la pratique des IADEs réunionnais. Cette
recherche mérite donc d'être approfondie pour apprécier
davantage notre vécu des interruptions.
119
9 PERSPECTIVES
Après avoir développé les principaux
points de ma réflexion, il me semblerait tout aussi judicieux de
partager mes observations auprès des professionnels que j'ai
sollicité durant cette enquête. Il s'agirait de leur faire part
des aspects qui en ressortent et de pouvoir ainsi expliciter la tenue de cette
étude et l'importance de connaître ce phénomène
« banal », peut-être pas si anodin dans la pratique de
l'IADE.
Il pourrait toutefois être envisageable de proposer un
groupe de travail avec des personnes expertes dans ce domaine qui pourraient
apporter leurs analyses et des membres du personnels de santé qui
souhaiteraient partager davantage sur leurs vécus en lien avec ce
phénomène des IT. Nous pourrions ainsi sensibiliser les acteurs
du bloc opératoire, de manière plus ciblée, sur les
véritables enjeux que représentent ce concept qui touchent tous
les professionnels de santé. Ce groupe de travail pourrait chercher
à analyser des facteurs non quantitatif, qui manquait cruellement
à mon travail. L'objectif étant d'affiner cet état des
lieux dans le but d'apporter d'autres réponses qui pourraient consolider
des affirmations issues de ma recherche mais aussi nous éclairer sur les
hypothèses auxquelles je me suis interrogé dans le chapitre
précédent.
Une formation pour faire la différence entre les IT
« justifiées » et les IT «
non-justifiées » pourrait être
intéressante dans le sens où cela permettrait d'aider les
professionnels, parfois non conscient du risque des IT, de moins les
véhiculer dans le but d'en réduire leur nombre et d'en limiter
leurs abus. La simulation en santé semblerait être un outil tout
à fait adapté pour ce type d'enseignement.
Avant de pouvoir solutionner ce problème à
l'échelle du bloc opératoire, il serait donc intéressant
de poursuivre cette enquête, avec des objectifs différents qui
pourront faire ressortir des données plus significatives.
L'expérimentation avec des dispositifs qui ont déjà fait
leurs preuves tel que les « gilets jaunes » pourrait faire l'objet
d'une étude portant sur l'intérêt ou pas à le porter
et s'il réduirait la survenue d'IT dans la pratique de l'IADE. Pour
cela, deux groupes de professionnels seraient concernés, l'un utilisant
le dispositif et l'autre non. Cette possibilité reste un axe à
explorer. L'émergence des aides-cognitives ou des « mémoires
vocales » pourraient être des possibilités d'outils pour
évaluer la faculté des professionnels IADEs à faire face
aux IT grâce à la technologie.
Avec l'élaboration de ce thème, j'ai pu aborder
et rechercher sur un sujet où j'ai vu ma pratique exposée aux IT.
D'un point de vue personnel, cela m'a aidé à mieux les
appréhender et à les identifier. C'est pourquoi je pense que
cette sensibilisation au
120
phénomène des interruptions de tâche sera
bénéfique et valorisante pour moi en tant que jeune
diplômé JADE.
La perspective d'approfondir ce travail de recherche pourrait
être un objectif dans ma carrière et participer à
promouvoir davantage de sécurité dans les soins et la
maîtrise des risques au bloc opératoire.
121
10 CONCLUSION
Pour aborder le thème des interruptions de tâche,
j'ai dû m'intéresser à tous les mécanismes qui
décrivaient entre autres les concepts de gestion des risques et de
« faillibilité humaine » pour reprendre les termes de la Haute
Autorité de Santé. J'ai pu comprendre ainsi, d'après
certaines études, que ce phénomène touchait
particulièrement les professionnels de santé et notamment les
infirmiers qui étaient interrompus 6 à 7 fois par heure en
moyenne lors de la préparation des médicaments. Des
résultats, d'après ces mêmes études, mettaient en
avant le lien étroit entre les interruptions et le fait que
l'équipe soignante, avec qui les IDEs collaborent, était une
source importante d'IT. Lorsque j'ai traité la notion de travail
d'équipe dans mon cadre conceptuel, je me suis aperçu qu'il
n'était pas aisé de faire le rapprochement entre facteur humain
et interruptions car cet « esprit » d'équipe est indispensable
dans nos établissements de santé, surtout au bloc
opératoire. Cependant j'ai appris, malgré tout, qu'il pouvait y
avoir un grand nombre d'évènements indésirables en lien
avec les IT provoquées par les professionnels de santé en
général. Avec mon expérience en tant qu'étudiant,
il m'a semblé intéressant de pouvoir faire l'analyse de ces
interruptions de tâche dans la pratique de l'IADE.
Rédiger ce mémoire professionnel fût
très enrichissant tant d'un point de vue personnel mais aussi en tant
que futur professionnel. En effet, j'ai pu acquérir de vraies
connaissances sur le sujet des interruptions de tâche mais il m'importe
davantage de pouvoir le partager, plus tard, avec mes futurs collègues,
car c'est une notion qui tend à être observée et
évaluée de plus en plus par nos sociétés savantes.
La Haute Autorité de Santé en a déjà publié
un fascicule numérique en 2016. J'ai appris entre autres que des
formations sur les erreurs médicamenteuses (fortement impactées
par les IT) étaient aussi dispensées aux IDEs de l'île de
La Réunion depuis peu, ce qui renforce l'idée que ce thème
est très actuel.
Les cours et les rendez-vous pédagogiques que j'ai
suivi à l'Institut Régionale de formation des Infirmiers
Anesthésistes Diplômés d'État de Saint-Pierre
(IRIADE) m'ont permis de mieux cibler les études et les documents dont
j'avais besoin pour construire mon travail de recherche de fin
d'étude.
La situation d'appel dans laquelle j'explique les raisons de
ce choix pour ce thème m'ont amené finalement à me poser
cette question de départ :
Les interruptions de tâche sont-elles
fréquentes au bloc opératoire et de quelles manières se
manifestent-elles dans la pratique IADE de l'ouverture de salle (ouverture de
site en début de journée et entre chaque intervention)
jusqu'à l'incision ?
122
Pour répondre à cette question, j'ai donc fait
le choix, d'une enquête observationnelle en utilisant une grille
d'évaluation élaboré par la Haute Autorité de
Santé qui a fait ses preuves lors d'une précédente
étude sur le phénomène des IT. J'ai néanmoins
dû la modifier pour l'adapter à ma recherche dans le cadre de la
pratique IADE. Elle a été séquencée en cinq
domaines d'activités, eux-mêmes détaillés par les
différentes tâches que l'IADE effectue pendant ces
périodes.
Cette enquête, comprenant 45
observations, m'a apporté des réponses essentielles et
m'a permis d'affiner mon approche et de comprendre précisément
qu'il existait un grand nombre d'IT, de différents types, motifs et pour
des raisons assez diverses. J'ai surtout appris, en observant les
réactions des IADEs, qu'elles n'étaient pas toutes
gérées de la même façon.
D'après mes résultats, sur 164 IT
identifiées, les interruptions se manifestent
spontanément pendant la période de l'induction jusqu'à
l'installation chirurgicale finale avant l'incision. L'IADE, en collaboration
avec le MAR, est interrompu majoritairement lors de la
pré-oxygénation. L'équipe (IBODE, MAR, chirurgien, IDE de
salle) au complet à ce moment précis de la PEC pourrait
être une des raisons pour laquelle l'IADE est si souvent interrompu
durant cette tâche. Cependant, ces motifs d'IT sont pour la plupart
« justifiés ». Il a été également
relevé que les cinq tâches les plus interrompues,
dans chaque séquence, regroupent à elles seules presque la
moitié des IT qui peuvent être responsables
d'évènements indésirables évitables. Des solutions
existent mais sont-elles adaptées à la pratique IADE et à
l'organisation complexe du BO ? Comment discerner, à l'échelle
des professionnels les IT « justifiées » et
celles « non-justifiées » ? Nous pouvons
certainement cibler nos efforts sur ces cinq tâches ou la séquence
couvrant la période de l'induction jusqu'à la finalisation de
l'installation pour diminuer significativement les IT. Cependant, de nouvelles
études plus qualitatives et un travail collectif de sensibilisation (qui
concernerait tous les acteurs du BO) semblent être nécessaires
afin de mettre en lumière les véritables axes
d'amélioration que nous pourrions élaborer. Lutter
contre les IT « non-justifiées » ne
doit pas entraver l'ambiance qui peut régner dans une équipe du
BO mais peut faire l'objet d'une collaboration interdisciplinaire afin de faire
émerger une communication adaptée en fonction des tâches de
chacun dans une démarche commune de sécurisation des soins.
Les IADEs qui ont été observés, se
laissent peu interrompre dans la majorité des cas et parviennent
même à poursuivre leurs tâches, malgré les
interruptions auxquels ils sont confrontés. Ce qui confirme
l'hypothèse, développer dans mon cadre conceptuel, que l'IADE
semblerait « s'immuniser » contre ce phénomène
grâce à une technique de résistance mentale qui lui permet
de faire plusieurs choses en même temps tout en restant concentré
et sécuritaire dans sa pratique. Habitué à partager et
collaborer avec tous les acteurs du BO, l'IADE semblerait se prémunir de
manière
123
efficace car d'après mes observations, peu
d'interruptions ont perturbé sa pratique de manière durable. De
par sa formation, j'ai pu mettre en avant que celui-ci pouvait jouer un
rôle important dans la gestion du facteur humain au bloc
opératoire et donc qu'il participe activement à la culture de
sécurité qui est primordial au BO. Cependant est ce que cela est
véritablement perçu de façon formelle par les IADEs et les
autres membres de l'équipe du BO et surtout applicable
préventivement ? Dans une période où l'ambulatoire semble
se développer à grande vitesse, pourrions-nous continuellement
« banaliser » ce phénomène alors que l'on tend vers des
interventions de plus en plus courtes et rapides ?
Mêmes si ces IT ont une durée moyenne
inférieure à 1 minute et se déroulent
généralement au sein de la salle d'opération, car la
plupart des tâches de l'IADE s'y effectuant, elles ne doivent pas
être sous-estimées.
Cette enquête observationnelle a su
révéler les différentes facettes des IT (localisation,
types, origines, motifs, durée) que j'ai rencontré au bloc
opératoire des deux CHU de l'île de La Réunion.
C'est pourquoi, dans l'objectif d'une
amélioration de la sécurité des soins, une
sensibilisation sur ce phénomène est
nécessaire. En effet, ce type de pratique de plus en
plus « banalisé » et présent dans
notre organisation de travail, mériterait d'être mis en
lumière au sein de nos établissements de santé afin de
promouvoir une meilleure gestion des risques
et une plus grande efficience dans la
prévention des évènements
indésirables.
D'après un projet de recherche mené par une
équipe du groupe QualiREL santé
(structure régionale d'appui à la qualité et à la
sécurité des soins des Pays De La Loire) qui cherche à
« mesurer l'impact interventionnel portant sur les
interactions entre professionnels d'une équipe de soins sur
l'évolution des caractéristiques des IT évitables
», celui-ci conclu : « Les
conséquences des IT sont largement démontrées sur la
sécurité des soins : altération de la prise de
décision, retard, oubli d'information, erreur humaine, charges mentales
et psychiques des professionnels. Renforcer le travail en équipe, pour
permettre d'augmenter la performance, la satisfaction du travail et diminuer
les omissions dans les soins, est un enjeu majeur de réflexion pour la
gestion des IT évitables ».
Plusieurs ouvertures sont alors possibles et peuvent
être soulevées après avoir été
sensibilisé sur les IT. Cependant, une a particulièrement retenu
mon attention.
En effet, à travers la recherche que j'ai essayé
d'apporter à ce mémoire pour éclairer sur le fond de mon
contenu et mes observations sur le terrain, je me suis souvent interrogé
sur la manière dont les IADEs s'adaptaient face aux IT.
Même
124
s'ils suivent la même formation, j'ai pu
découvrir néanmoins que chaque individu ne réagissait pas
de la même façon. L'expérience peut-elle répondre
efficacement aux IT ? Un outil, tel qu'un questionnaire destiné aux
IADEs, aurait pu nous donner une partie de la réponse à cette
question. Est-ce une question d'habitude ? Existe-il un modèle de
résistance « individualisé » aux
phénomènes des IT ? Le concept de résilience est-il un
outil neurocognitif parlant pour les IADEs et si oui est-il utilisé de
façon naturelle, étudié en formation ou encore appris de
manière autodidacte ? La priorisation des actes peut-elle renforcer le
sentiment d'être moins vulnérable aux risques inhérents du
BO ? Autant de question qui m'amène à croire sur la
nécessité de poursuivre cette enquête sous un autre angle,
en privilégiant cette fois-ci le vécu, l'expérience et les
capacités propres misent en oeuvre pour lutter contre ce
phénomène. Laisser s'exprimer les l'IADE ainsi que les autres
membres de l'équipe pluridisciplinaire du BO pourrait être un
complément d'enquête utile pour déterminer de nouveaux axes
de compréhension sur les IT.
« Le progrès fait rage, le futur ne
manque pas d'avenir... » (Philippe MEYER, écrivain et
journaliste sur France Inter).
125
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99. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
100. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
101. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
102. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - Guide
pédagogique de l'OMS pour la sécurité des patients,
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for TRM good practices - European organisation for the safety of air
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104. BUNJEVAC S., Seychelles A-F. - EUROCONTROL guidelines for
TRM good practices - European organisation for the safety of
air navigation, mars 2015.
105. Haute Autorité de Santé - Outil
d'amélioration des pratiques: Le Crew Resource Management en
santé (CRM Santé) - mai 2018.
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d'amélioration des pratiques: Le Crew Resource Management en
santé (CRM Santé) - mai 2018.
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résilience ».
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anesthésiste diplômé d'état, décembre
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(SNIA) - Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
anesthésiste, décembre 2007.
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Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes (SNIA) -
Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
anesthésiste, décembre 2007.
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Reims promotion 20072009 - Mon rôle d'infirmier anesthésiste dans
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121. René AMALBERTI, Charles VINCENT - Safer healthcare:
strategies for the real world - HAS, mai 2016.
122. Nelly AMDAOUD (IADE), Jean-Pierre TOURTIER (MAR), Bruno
DEBIEN (Pr en anesthésie-réanimation, fondateur et
président de EmergenSim) - Rôle de l'IADE en situation de
catastrophe, le cas des conflits armés, OXYMAG n°114, septembre
2010.
123. François CLERGUE (MAR, chef de service), Thierry
LAROCHE (IADE, chargé de formation), Hôpitaux universitaire de
Genève, Suisse - Oxymag Vol. 23, n°111, pp 19-23, avril
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125. SABY Sandrine, LUKASZEWICZ Anne-Claire, GREGRUTTI Nelly,
LEHOT Jean-Jacques, Fédération d'Anesthésie
Réanimation Hôpital Pierre WERTHEIMER Lyon (69), mars 2015.
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136
ELMER Vincent, rédacteurs
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l'Infirmier Anesthésiste Diplômé d'Etat, décembre
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(SNIA) - Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
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Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
130. Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes
(SNIA) - Recommandations pour l'exercice de la profession d'infirmier
anesthésiste, décembre 2007.
131. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
132. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
133. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
134. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
135. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
136. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
137. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
- Protection sociale - Solidarité n°2012/17, août 2012.
138. Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO santé
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sa vérification avant utilisation, SFAR publications, janvier 1994.
140.
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Référentiel d'activités de l'IADE -
Ministère des affaires sociales et de la santé - BO
santé - Protection sociale - Solidarité n°2012/17,
août 2012.
141. TOURMEN Claire - Activité, tâche, poste,
métier, profession: quelques pistes de clarification et de
réflexion - Santé publique, volume 19, supplément
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143. DINET J., Hignard M., Cartalade C., Malbranche E.,
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144. KALISCH B.J., & Aebersold M. Interruptions and
Multitasking in Nursing Care. The Joint Commission Journal on Quality and
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145. NAUDIN David, Dupont Anne, Gavet Coralie. La
collaboration MAR-IADE: entre compétences non techniques et confiance
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146. Haute Autorité de Santé - Gestion des
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147. CLERGUE F. Sécurité anesthésique:
une affaire de personnes ou d'organisation? - Rev Med Suisse 2004; volume O.
24229.
138
12 ANNEXES
139
Annexe n°1 : Grille
d'observation des séquences (colonne activités) et des
tâches de l'infirmier anesthésiste avec l'identification du lieu,
du type, de l'origine, du motif et de la durée des interruptions de
tâches (les réactions de l'infirmier anesthésiste sont
aussi observées).
140
Annexe n°2 : Grille d'annotation
des différentes interruptions de tâches observées pendant
l'enquête (grille utilisée pour 1 observation
individuelle).
141
Annexe n°3 : Planning des
observations dans les deux Centres Hospitaliers Universitaires de l'île
de La Réunion.
Observations n° :
|
Date :
|
Site :
|
Nombre d'interruptions observées :
|
1
|
12/04/2019
|
CHU B
|
4
|
2
|
12/04/2019
|
CHU B
|
3
|
3
|
12/04/2019
|
CHU B
|
4
|
4
|
12/04/2019
|
CHU B
|
2
|
5
|
12/04/2019
|
CHU B
|
0
|
6
|
15/04/2019
|
CHU A
|
1
|
7
|
15/04/2019
|
CHU A
|
8
|
8
|
15/04/2019
|
CHU A
|
6
|
9
|
15/04/2019
|
CHU A
|
2
|
10
|
16/04/2019
|
CHU A
|
2
|
11
|
16/04/2019
|
CHU A
|
7
|
12
|
16/04/2019
|
CHU A
|
4
|
13
|
16/04/2019
|
CHU A
|
5
|
14
|
16/04/2019
|
CHU A
|
3
|
15
|
16/04/2019
|
CHU A
|
3
|
16
|
18/04/2019
|
CHU B
|
2
|
17
|
18/04/2019
|
CHU B
|
3
|
18
|
18/04/2019
|
CHU B
|
6
|
19
|
18/04/2019
|
CHU B
|
5
|
20
|
18/04/2019
|
CHU B
|
5
|
21
|
19/04/2019
|
CHU B
|
5
|
22
|
19/04/2019
|
CHU B
|
2
|
23
|
19/04/2019
|
CHU B
|
3
|
24
|
19/04/2019
|
CHU B
|
2
|
A
|
19/04/2019
|
CHU B
|
6
|
26
|
23/04/2019
|
CHU B
|
5
|
27
|
23/04/2019
|
CHU B
|
1
|
28
|
23/04/2019
|
CHU B
|
1
|
29
|
23/04/2019
|
CHU B
|
5
|
30
|
23/04/2019
|
CHU B
|
7
|
31
|
24/04/2019
|
CHU A
|
7
|
32
|
25/04/2019
|
CHU B
|
4
|
33
|
25/04/2019
|
CHU B
|
7
|
34
|
25/04/2019
|
CHU B
|
4
|
35
|
25/04/2019
|
CHU B
|
1
|
36
|
25/04/2019
|
CHU B
|
2
|
37
|
Nuit du 25 au 26/04/2019
|
CHU A
|
1
|
38
|
26/04/2019
|
CHU A
|
4
|
39
|
26/04/2019
|
CHU A
|
4
|
40
|
26/04/2019
|
CHU A
|
3
|
41
|
26/04/2019
|
CHU A
|
5
|
42
|
26/04/2019
|
CHU A
|
3
|
43
|
26/04/2019
|
CHU A
|
1
|
44
|
26/04/2019
|
CHU A
|
6
|
45
|
26/04/2019
|
CHU A
|
0
|
|
|
|
TOTAL = 164
|
142
13 LISTE DES SIGLES
5B : Les 5 Besoins
AG : Anesthésie
Générale
ALARM : Association of Litigation And Risk
Management
ARS : Agence Régionale de
Santé
ATCD : Antécédents
BAVU : Ballon Auto remplisseur à Valve
Unidirectionnelle
BO : Bloc Opératoire
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CREX : Comité de Retour
d'Expérience
CRM : Crew Resource Management
DTM : Distance Thyro-Mentonnière
DPC : Développement Professionnel
Continu
EFS : Établissement Français du
Sang
EI : Évènements
Indésirables
EIA : Étudiant Infirmier
Anesthésiste
EIAS : Évènements
Indésirables Associés aux Soins
EIG : Évènements
Indésirables Graves
EPR : Évènements Porteurs de
Risque
HAD : Hospitalisation à Domicile
HAS : Haute Autorité de
Santé
IADE : Infirmier Anesthésiste
Diplômé d'État
IBODE : Infirmier de Bloc Opératoire
Diplômé d'État
IDE : Infirmier Diplômé
d'État
INSAG : International Nuclear Safety Advisory
Group
IRIADE : Institut Régional de
formation des Infirmiers Anesthésistes Diplômé
d'État
IT : Interruption(s) de Tâche
MAR : Médecin Anesthésiste
Réanimateur
OMEDIT : Observatoire du Médicament,
des Dispositifs médicaux et de l'Innovation
Thérapeutique
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
PACTE : Programme d'Amélioration
Continue du Travail en Équipe
PEC : Prise En Charge
RAI : Recherche d'Agglutinines
Irrégulières
RMM : Revue Morbi-Mortalité
SFAR : Société Française
d'Anesthésie et Réanimation
SNIA : Syndicat National des Infirmiers
Anesthésistes
SOFIA : Société
Française des Infirmiers Anesthésistes
SSPI : Salle de Soin
Post-Interventionnelle
VPA : Visite
Pré-Anesthésique
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