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L'efficacité du recours pour excès de pouvoir au Sénégal.


par Diacarya Coly
Université Alioune Diop de Bambey - Master II en droit public, option Administration publique 2020
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE ALIOUNE DIOP DE BAMBEY

UFR : ÉCONOMIE, MANAGEMENT ET INGÉNIERIE JURIDIQUE DÉPARTEMENT : INGENIERIE JURIDIQUE

MÉMOIRE

Présenté par

DIACARYA COLY

Pour l'obtention du diplôme de

Master 2 Droit Public

Spécialité: Administration publique

SUJET : L'efficacité du recours pour excès de pouvoir au Sénégal

Soutenu à Bambey, le 02 novembre 2020 devant le jury composé de : Président : Dr. Abdoul Aziz Mbodj

Directeur de mémoire : Dr. ZEYNABA KANE

Examinateur : Dr. Seydou Nourou SALL .

Année 2019-2020

1

2

« La faculté n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

3

Dédicace

Je dédie ce mémoire à :

> Mon très cher papa Omar Lamine COLY,

> Ma très chère maman Montan BODIAN,

> A mon très cher oncle Nfansou COLY qui nous a quitté il y a de cela quelques

années.

> Mes frères, soeurs et proches (Abdoulaye COLY, Mamadou Lamine COLY,

Ramatoulaye COLY, Siré COLY, Dieynaba COLY, Diéré COLY, Bacary

COLY, Mamina COLY, Ibrahima SANE et Dianker DIEDHIOU),

> Tous mes oncles (Insa COLY, Salif BODIAN, Bacary BODIAN, Moussa

BODIAN, Fakéba BODIAN, Karfa BODIAN),

> Mes amis (Amissa SANJA DIATTA, Barham DIOP, Moustapha BA, Amadou

TAMBA, Chérif BADJI, Aliou CISS, Omar CISSE, Ababacar SAGNANG),

> Mes camarades de chambre à Bambey (Sény DIEDHIOU et Nicolas DIATTA),

> Toute la famille COLY de Diacoye BANGA résidente à PASSY,

> Toute la famille DIEDHIOU de Diacoye BANGA résidente à Thiès (Cité

Senghor 1),

> Toute la famille DIEME de EBINKINE résidente à Pakour,

> Toute la famille SANE de Mangoulène résidente à Bignona(Nématoulaye),

> Toute la famille DIEDHIOU de TENDINE résidente à Dakar,

> Tous les étudiants ressortissants de la commune de Passy à Bambey.

4

Remerciements

Ce mémoire est réalisé grâce aux conseils, aux encouragements et à l'aide de plusieurs personnes auxquelles vont tous mes sentiments de reconnaissance et de gratitude.

Je tiens, d'abord, à remercier mon encadreur Docteur Zeynab KANE pour avoir acceptée de m'encadrer mais aussi pour sa disponibilité, ses conseils, orientations et encouragements tout au long de la rédaction de ce mémoire.

Je tiens, ensuite, à remercier Moussa KOR qui m'a beaucoup aidé à faire des recherches.

Mes remerciements vont également à l'endroit de Djibril DIATTA qui a bien voulu accepter de relire le travail.

Je tiens, aussi, à remercier tous les membres de l'administration ainsi que le corps professoral de l'Université Alioune Diop de Bambey.

Bref, à toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce mémoire, qu'elles trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude.

5

Sigles et abréviations

al. : alinéa

B.A.C.E : bulletin des arrêts du conseil d'Etat

B.A.C.S : bulletin des arrêts de la cour suprême

B.I.C.S : bulletin d'information de la cour suprême

C : contre

CE : conseil d'Etat

CGCL : code général des collectivités locales

CS : cour suprême

EMA : erreur manifeste d'appréciation

IG : intérêt général

J.O : Journal officiel

N° : numéro

p. : page

pp. : pages

PPP : prérogatives de puissance publique

R.A.C.S : rapport annuel de la cour suprême

REP : recours pour excès de pouvoir

6

Sommaire

Introduction

.5

Première partie : L'emphase de l'efficacité du REP

16

Chapitre I : La largesse de la recevabilité du REP

16

Section 1 : L'extension des actes administratifs susceptibles de REP

16

Section 2 : L'assouplissement des règles relatives à la forme du recours

22

Chapitre 2 : Le contrôle satisfaisant de l'acte administratif litigieux

28

Section 1 : La mise en oeuvre des procédures d'urgence dans le traitement du recours et

l'allègement de la charge de la preuve 28

Section 2 : La mise en oeuvre d'un contrôle couvrant l'essentiel des illégalités

susceptibles d'affecter un acte administratif 34

Deuxième partie : Les entraves à l'efficacité du REP 44

Chapitre 1 : Les difficultés d'accès au juge et la propension du juge à rejeter les requêtes

d'annulation 44

Section 1 : Les difficultés d'accès au juge de l'excès de pouvoir 44

Section 2 : La propension du juge à rejeter les requêtes d'annulation 51

Chapitre 2 : Les limites relatives à la portée de la décision du juge ...57

Section 1 : La restriction de la protection des droits des administrés .57

Section 2 : Les difficultés relatives à la célérité du recours et à l'exécution de la décision

d'annulation 63

Conclusion ..70

7

Introduction

Dans chaque institution étatique, il apparait deux intérêts antagoniques : l'un se rapporte à l'intérêt général (IG) tandis que l'autre concerne l'intérêt des particuliers. Si la satisfaction des intérêts particuliers nécessite l'intervention de chaque individu pour son propre compte, il n'en va pas ainsi de l'IG dont la mission revient à l'Etat et en particulier son bras séculier à savoir l'administration. Cette dernière dispose des prérogatives de puissance publique(PPP) pour mener à bien sa mission d'IG. Ces prérogatives reflètent une inégalité juridique entre l'administration et les administrés. Inégalité qui se penche assurément en faveur de l'administration.

Et malgré toutes ces PPP reconnues à celle-ci, elle n'était pas liée au départ par les textes juridiques. Cette période a coïncidé avec ce qui était convenu d'appeler l'Etat de police. Le propre d'un Etat de police est que l'administration n'est contrainte de se soumettre au respect du droit. De ce fait, ses actes même ceux à l'évidence illégaux peuvent légitimement échapper au contrôle juridictionnel.

Cependant, la donne à changer depuis l'avènement de l'Etat de droit. Ainsi, rapporte Ousmane KHOUMA, « dans un Etat de droit, l'administration est tenue au respect des normes juridiques, elle est soumise à la loi et non hors la loi. Pour garantir les droits des citoyens, l'action administrative doit se dérouler selon les règles de référence préétablies et non de façon arbitraire ou selon la volonté de l'administration »1. Le passage de l'Etat de police à l'Etat de droit est dicté par l'impérieuse nécessité de protection des droits et libertés des administrés face à une administration toute puissante qui bénéficie des PPP. L'idée est que l'action administrative n'est pas irréprochable. C'est pourquoi, elle doit être encadrée pour éviter d'éventuelles atteintes aux droits et libertés des administrés. Cet encadrement s'opère par le truchement du contrôle juridictionnel.

Ce contrôle apparait comme une nécessité absolue dans tout Etat de droit. Ce dernier revient comme un leitmotiv quasiment dans tous les Etats démocratiques. Le contrôle est si nécessaire qu'il vienne contrecarrer ou encore limiter le phénomène de la

1 KHOUMA (Ousmane), « Le contrôle de légalité externe des actes administratifs unilatéraux par le juge administratif sénégalais, un exemple de transposition de la jurisprudence administrative française », in revue Afrilex, mai 2015, p.3.

8

« maladministration2», pour reprendre l'expression de Prosper WEIL et Dominique POYAUD. Le développement fulgurant des droits de l'homme surtout en ce 21ème siècle requiert un contrôle interne ou/et externe de l'action administrative. Par ailleurs, le contrôle externe semble plus adapté aux exigences démocratiques en ce qu'il nécessite l'intervention d'un organe indépendant. Il est généralement assuré par les pouvoirs judiciaire et législatif et prend respectivement l'appellation de contrôles juridictionnel et parlementaire.

Ce contrôle demeure incontestablement une garantie de l'Etat de droit. Ce dernier est défini comme : « un Etat dans lequel l'Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d'une justice indépendante »3. Classiquement définit comme la soumission de tous au droit, l'Etat de droit vise également la protection des droits et libertés. De la conception formelle, une autre conception dite substantielle est venue s'ajouter. Ainsi, « l'Etat de droit n'évoque plus seulement l'existence d'un ordre juridique hiérarchisé, mais encore un ensemble de droits et libertés inscrits dans des textes de valeur juridique supérieur : par la suite, la hiérarchie des normes devient un moyen de protection de ces droits4 ». L'administration est donc soumise au respect de la légalité. Ce principe dont la base est la hiérarchie des normes est conçu à tel point que la norme inférieure puisse trouver sa validité dans la norme qui lui est immédiatement supérieure. La première doit être conforme ou compatible à la deuxième. Le défaut de compatibilité ou de conformité d'une norme inférieure vis-à-vis d'une norme supérieure constitue une illégalité qui sera sanctionnée d'annulation par le juge de l'excès de pouvoir s'il est saisi à cette fin.

Au regard de la conception formelle, l'Etat de droit implique l'existence des voies de droit efficaces auxquelles les administrés peuvent recourir afin d'introduire une requête devant une instance juridictionnelle indépendante chargée de contrôler l'action administrative. Ces voies de droit et plus précisément les recours juridictionnels peuvent épouser plusieurs formes. Néanmoins, « les deux grands groupes de recours, entre lesquels se partagent l'essentiel de l'activité du juge administratif, sont les recours en annulation et les

2 WEIL (Prosper) et POYAUD (Dominique), Droit administratif, PUF, Que sais-je ?, 2008, p.75

3 Le constituant sénégalais a retenu cette définition dans le préambule de la constitution sénégalaise du 22 janvier 2001.

4 CAMARA (Mamadou Badio), allocution prononcée lors du séminaire sur « L'Etat de droit au Sénégal », Dakar, du 10 au 12 mars 2015, p.1. Http// :www.coursuprême.sn. Consulté le 5 janvier 2020.

9

recours de pleine juridiction »5. Ces deux recours relèvent respectivement du contentieux objectif et du contentieux subjectif. L'administré peut utiliser l'un ou l'autre pour contester les abus de l'administration lorsqu'elle prend des actes.

Toutefois, seul le recours pour excès de pouvoir (REP) sera retenu dans le cadre de la présente étude. Ce dernier parvient t-il à atteindre son objectif au Sénégal ? Cette interrogation révèle toute l'importance du sujet relatif à l'efficacité du REP au Sénégal. Pour doter le sujet toute sa pertinence, il importe de le situer dans le temps. Ainsi, l'analyse du sujet doit porter sur le Sénégal indépendant6.

Dans un souci de clarté, il est nécessaire de procéder à un éclairage conceptuel de tous les termes qui composent le sujet. A cet effet, il importe de préciser dans un premier temps la notion d'efficacité. Cette dernière est beaucoup plus usitée dans le secteur managérial que dans d'autres secteurs. Par ailleurs, vu son importance, elle doit avoir une place prépondérante dans tous les secteurs. Bien sûr que l'efficacité a une importance importante dans tous les secteurs de la vie. Cette importance ne manque également pas en matière juridique. Par efficacité, Jean-Claude TAHITA déclare que c' « est la qualité d'une chose qui produit l'effet attendu »7. Parler l'efficacité d'une chose revient dès lors à mesurer l'impact de cette chose en tenant compte de l'objectif qui lui a été assigné. En matière d'excès de pouvoir, il est loisible de parler d'efficacité à partir du moment que le REP génère des effets utiles à l'égard des administrés.

C'est cette notion de REP qu'il sera question de passer en revue dans un second temps. Cette dernière est formée de deux termes essentiels à savoir le recours et l'excès de pouvoir. Le recours est nécessaire que ce soit en excès de pouvoir ou dans d'autres domaines où il faut opérer un contrôle juridictionnel. Il se présente à cet égard comme un préalable au contrôle juridictionnel. Ainsi, définit-on le recours comme : « tout moyen mis par le droit à la disposition d'une personne pour faire redresser une situation par une autorité publique, tout mode de réclamation juridiquement organisé 8». Un recours suppose donc l'existence d'une situation anormale dont il convient généralement de demander à une autorité juridictionnelle ou administrative d'en rétablir. En matière de REP, le

5 WALINE (Jean), Précis de droit administratif, DALLOZ, 27ème édition, 2018, p.642.

6 Le Sénégal a pris son indépendance le 26 août 1960.

7 TAHITA (Jean-Claude), « L'efficacité de la sanction contractuelle civile », in revue Afrilex, février 2015, p.2.

8 WALINE, (Jean), Précis de droit administratif, op. cit, p.758.

10

recours est porté devant la cours suprême qui est la seule instance juridictionnelle compétente.

Il vise à sanctionner l'excès de pouvoir dont un acte administratif serait entaché. Que faut-il réellement comprendre par l'expression excès de pouvoir. La définition a été donnée par Jean WALINE lorsqu'il précise que : « son nom ne doit pas faire d'illusion : l'excès de pouvoir n'est rien d'autre que la non-conformité au droit 9». Tout acte émis par une autorité administrative doit être conforme au principe de légalité, faute de quoi il sera entaché d'illégalité ou d'excès de pouvoir. De part son caractère objectif, le REP ne peut être introduit que contre un acte administratif. C'est pourquoi, on dit que c'est « un procès fait à un acte » et non entre les parties. La seule question demandée au juge de l'excès de pouvoir est l'annulation de l'acte administratif illégal. Partant de ce fait, le recours pour excès de pouvoir peut être défini comme « l'action par laquelle toute personne y ayant intérêt peut provoquer l'annulation d'une décision exécutoire par le juge compétent en raison de l'illégalité de cette décision 10». Cette définition donnée par le professeur Demba SY mérite quelques précisions. D'emblé, il faut dire que le REP est introduit par une personne qu'elle soit physique ou morale. Toujours est-il que pour intenter un tel recours, la personne doit avoir un intérêt à agir car dit-on : « pas d'intérêt, pas d'action». Également, aucune personne ne peut agir au nom d'une autre personne sans mandat spécial.

En matière d'excès de pouvoir, le requérant doit en principe contester la légalité des seuls actes administratifs unilatéraux. Toutefois, on constate aujourd'hui une extension du REP en matière contractuelle11. Les actes contestables en excès de pouvoir sont ceux édictés par une autorité administrative. En revanche, les actes législatifs, les actes juridictionnels etc. ne peuvent être contrôlés par le juge de l'excès de pouvoir. L'identification de ces actes s'avère très délicate du fait que la notion d'administration est difficile à saisir même dans le domaine juridique. Pour comprendre la signification de la notion d'administration telle que visée dans la présente étude, deux critères seront pris en compte. Il s'agit du critère organique et du critère fonctionnel. Dans le premier cas, « l'administration est un ensemble d'organes ayant en commun de relever de personnes

9Ibidem. p.638.

10 SY (Demba), Droit administratif : 2ème édition revue, corrigée et augmentée 2014, Sénégal, HARMATTAN-CREDILA, 2017, p113.

11 Voir infra, p.17, 19 et 20

11

morales, au sein desquelles agissent des personnes physiques »12. L'administration est ainsi constituée d'organes administratifs soumis au régime de droit public et d'organismes privés bénéficiant d'une délégation de compétence de la part d'une autorité administrative. Dans le second cas, « l'administration est considérée comme un ensemble d'activités qui se caractérisent à la fois par leurs finalités et par leurs modalités d'exercice »13. Celle-ci poursuit un objectif bien déterminé et se donne des moyens pour y parvenir. Ainsi, l'administration peut être perçue comme l'ensemble des personnes morales de droit public et des organismes privés bénéficiant d'une délégation de pouvoir dont le but est de mettre en oeuvre l'intérêt général. Ce sont les actes pris par de telles autorités qui sont considérés comme des actes administratifs et, par ricochet, attaquables en excès de pouvoir.

Le requérant doit également viser dans sa demande la seule annulation de l'acte administratif illégal. Cette annulation n'est pas systématique puisque le juge saisi à l'occasion du REP peut rejeter la demande d'annulation de l'acte si celui-ci est légal, en cas de désistement de la part du requérant ou encore lorsqu'il n'a pas rempli les conditions d'introduction du recours.

En outre, la demande doit viser une décision exécutoire. La notion de décision exécutoire est une notion polysémique. Trois sens lui sont généralement attribués. D'abord, elle est conçue comme une décision visant à modifier ou non l'ordonnancement juridique. Cette décision signifie ainsi une manifestation de volontés émises par une autorité administrative en vue de produire des effets de droit sur les administrés. Ensuite, elle peut signifier l'entrée en vigueur d'une décision administrative. C'est le sens souvent retenu par le code général des collectivités locales (CGCL) et la loi organique de 2017 sur la cour suprême. Enfin, la décision exécutoire traduit la force exécutoire qui trouve son expression la plus achevée dans l'application du principe du privilège du préalable. Ces trois significations ont été retenues par Charles DEBBASCH et Jean Claude RICCI. Pour ces derniers, « cela signifie en premier lieu que l'acte attaqué doit être un acte juridique. Et en deuxième lieu l'acte doit avoir force

12 CHRETIEN (Patrice), CHIFFLOT (Nicolas) et TOURBE (Maxime), Droit administratif, Dalloz, 1ère édition, SIREY-LMD, 2018, p.9.

13 Ibidem, p.5

12

obligatoire et être opposable aux administrés'4(...) ». Les trois significations données à la notion de décision exécutoire bien que distinctes ne s'excluent pourtant pas.

Toutefois, la décision exécutoire telle que visée dans cette définition se rapporte au premier sens du terme à savoir une manifestation de volontés émises par une autorité administrative en vue de produire des effets de droits sur les administrés. Pour éviter toute confusion pouvant résulter de l'usage de la notion de décision exécutoire, il est préférable d'utiliser l'expression d'« acte décisoire ». L'exigence d'introduction du REP contre un acte décisoire permet d'exclure de son champ d'application certaines catégories d'actes. C'est le cas par exemple des avis, des circulaires interprétatives, des directives, des actes préparatoires etc. De même, le recours en annulation doit être porté contre un acte juridique. Sont donc exclus de son champ d'application, les actes matériels qui ne visent pas à modifier l'ordonnancement juridique.

Enfin, le recours doit être intenté devant un juge compétent qui doit statuer sur le sort à donner l'acte querellé. En matière de REP, la compétence est exclusivement réservée à la cour suprême. C'est ce que dispose l'article premier de la loi organique sur la cour suprême. Aux termes dudit article : « la cour suprême est juge, en premier et dernier ressort, de l'excès de pouvoir des autorités administratives ainsi que de la légalité des actes des collectivités locales '5». Toute saisine d'une juridiction autre que la cour suprême est irrecevable.

Les actes des autorités administratives susceptibles de REP, selon l'échelon ou se trouve l'autorité, peuvent être répartis en deux grandes catégories : les uns constituent les actes administratifs des autorités centrales pris dans le cadre de leurs fonctions alors que d'autres sont des actes pris par les autorités locales dans le cadre de leurs compétences. Dans le deuxième cas, il appartient aux représentants de l'Etat de déférer l'acte à la cour suprême pour annulation s'il estime que l'acte en cause est illégal. On est ainsi en présence du déféré16qui est considéré par la doctrine comme une sorte de

14 DEBBASCH (Charles) et RICCI (Jean Claude), Précis de contentieux administratif, DALLOZ, cinquième édition, p.743.

15 Article premier de la loi N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, J.O N° 6986 du mercredi 18 janvier 2017.

16 Il existe deux types de déférés : le déféré spontané et le déféré provoqué. Le déféré spontané ou simple relève de l'initiative du représentant de l'Etat tandis que le déféré provoqué est introduit par le représentant de l'Etat suite à la demande d'un requérant.

13

REP. C'est le cas de Olivier GOHIN, qui, s'intéressant à la question de savoir si le déféré est distinct du REP, disait ceci : « il doit être compris comme un recours pour excès de pouvoir de type particulier 17». De sa part, Birame SENE l'assimile au REP en précisant que le « contrôle de légalité par la voie du déféré, qui est un recours pour excès de pouvoir spécial18(...) ». Le déféré peut être assimilé au REP à quelques différences près. Il demeure ainsi son prolongement en ce qu'il vient ouvrir le REP contre les actes pris par les autorités locales dans le cadre du fonctionnement des services publics locaux.

D'origine française, ce recours indispensable pour la protection des droits des administrés a été repris par la plupart des Etats africains de tradition juridique française qui ont hérité le droit administratif français. Son application relève d'une nécessité absolue compte tenu aux abus administratifs qui peuvent survenir lors de la mise en oeuvre de l'IG notamment dans ses Etats nouvellement indépendants. Cependant, la situation à laquelle faisaient face ces Etats ne permettait pas le juge administratif africain saisi aux fins d'annulation d'un acte administratif illégal de sanctionner tous les excès administratifs. En effet, les actes administratifs pris dans le cadre du pouvoir discrétionnaire passaient sous silence sans que le juge s'en préoccupe. Les préoccupations des Etats à cette époque étaient entre autres basées sur l'idée de construction nationale et de développement économique et social19 qu'ils devaient assurer. A cet égard, le droit administratif conçu comme un droit d'équilibre a changé de caractère pour devenir un droit inégalitaire. C'est un droit au service de l'administration. Toutefois, depuis le renouveau démocratique des années quatre vingt

17 GOHIN (Olivier), Précis d'institutions administratives, LGDJ, 3ème édition, novembre 1998, p. 597.

18 SENE (Birame), discours d'usagers prononcé lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur le thème « Collectivités locales et contrôle de légalité », 2015-2016, p.7. Http// :www.coursuprême.sn. Consulté le mercredi 25 décembre 2019.

19 SY (Demba), Droit administratif, revue, corrigée et augmentée 2014, op. cit, p. 44 ; Voir également; ABANE NGOLO (Patrick Edgard), « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » in les fondements du droit administratif camerounais : Actes de colloques organisé à l'université de Yaoundé-II, sous la direction de ONDOA (Magloire) et ABANE NGOLO (Patrick Edgard), Harmattan Cameroun, les 3 et 4 novembre 2015, p.234 ; (Demba), « Droit administratif et communicabilité en Afrique », in revue Afrilex, p.34 ; ZONGO (Yabré Gilbert), « le juge administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et au Sénégal », in le juge administratif, le juge constitutionnel et le juge communautaire dans la protection des droits et libertés fondamentaux : Regards croisés (Quatrièmes rencontres de Dakar), sous la direction de Demba SY et Alioune Badara FALL, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2019, p.324.

14

dix, le droit administratif a connu une nouvelle reconfiguration grâce au renforcement du contrôle juridictionnel de l'administration.

A l'image de certains pays africains, le Sénégal a aussi repris le REP dans son ordonnancement juridique. Depuis son acquisition à la souveraineté internationale, la compétence du REP est réservée au juge administratif suprême du Sénégal. Ce dernier contrôle les excès de pouvoir pouvant être commis par toute autorité administrative agissant par des actes dans le cadre de sa mission d'IG. Cependant, son contrôle était limité durant les trente premières années de l'indépendance du pays. En effet, certains vices de légalité tels que l'erreur manifeste d'appréciation20 et le défaut de motivation de certains actes administratifs 21 (actes individuels défavorables) n'étaient pas sanctionnés par le juge administratif suprême. Les limites de ce contrôle étaient presque les mêmes que celles qui ont prévalu dans les autres pays africains de tradition juridique française. Elles sont relatives aux « impératifs de développement économique et social, auxquels l'administration sénégalaise doit faire face »22. En tant que le seul moteur du développement économique et social, l'administration devait avoir plus de liberté pour mener à bien sa mission d'IG. Tout contrôle relevant du pouvoir discrétionnaire serait enclin à provoquer l'inertie de l'administration et n'était donc pas souhaitable. C'est pourquoi, le juge administratif se gardait de contrôler les actes pris par l'administration dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire. Ainsi, « le droit administratif, dans ces

20 L'erreur manifeste d'appréciation a été appliquée au Sénégal pour la première fois dans l'arrêt C.I.C.R rendu en date du 1993.

21 Le juge n'a étendu l'exigence de motivation de certains actes administratifs qu'à partir de 1993.

22 KHOUMA (Ousmane), « Le contrôle de légalité externe des actes administratifs unilatéraux par le juge sénégalais, un exemple de transposition de la jurisprudence administrative française », op.cit, p.39 ; Voir KANTE(Babacar), Unité de juridiction et droit administratif : l'exemple du Sénégal, Doctorat d'Etat de droit public, Orléans, soutenu le 12 juillet 1983, p.296 ; KHOUMA (Ousmane), « la démocratie administrative au Sénégal, A la recherche d'un couple improbable », in revue Afrilex, mai 2017, p.3 et 14; ; KPENONHNOUN (Césaire), « Hommages à l'artisan de l'unité de juridiction en Afrique noire d'expression française : 1983-2016 », in mélanges en l'honneur de Babacar Kanté, actualité de droit public et de la science politique en Afrique ,sous la direction de SALL(Alioune) et FALL (Ismaila madior) , Harmattan-Sénégal, 2017, p.765 ; SY (Demba), Droit administratif, revue, corrigée et augmentée, op.cit, p.44 ; SY (Papa Mamour), « le conseil d'Etat sénégalais et le contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation , commentaire de l'arrêt du conseil d'Etat de la république du Sénégal du 27 octobre 1993, le comité international de la croix rouge(C.I.C.R) et l'Etat du Sénégal (arrêt N°14) », p.181. Http:// www.sunulex.sn. Consulté le mercredi 25 décembre 2019.

15

conditions, ne peut être un droit neutre : il est au service de cet objectif, il devient un droit engagé au service de l'Etat puisque c'est ce dernier qui est responsable du développement économique et social. C'est pourquoi d'ailleurs, on parle du droit administratif du développement 23». Un contrôle des actes administratifs était toutefois assuré pour limiter l'arbitraire dans la mise en oeuvre de l'IG. Ce contrôle n'était pas imaginable dans le cadre du pouvoir discrétionnaire. Il était plutôt exercé dans le cadre de la compétence liée de l'administration.

L'étude du sujet relatif à l'efficacité du REP au Sénégal présente beaucoup d'intérêts. Sur le plan théorique, l'intérêt est bien certain en ce sens que le REP n'a pas fait l'objet de critiques au Sénégal comme ce fut le cas en France24. Au contraire, ce recours a été bien apprécié par la doctrine sénégalaise. C'est le cas de Papa Mamour SY qui a précisé qu' « au Sénégal on note des réformes, des innovations susceptibles de contribuer au renforcement de l'institution du recours pour excès de pouvoir »25. Ce renforcement est encore perceptible depuis l'institution de la loi organique de 2017 sur la cour suprême.

Sur le plan idéologique, le REP se profile ainsi comme une manifestation incontestable de l'Etat de droit. Le passage de l'Etat de police à l'Etat de droit est tout aussi important qu'il révèle une volonté sans cesse renouvelée et éprouvée par les Etats modernes qui veulent se départir d'une forme de gouvernance anarchique laquelle n'accorde aucune importance aux droits et libertés des administrés pour se pencher vers une nouvelle forme de gouvernance à caractère démocratique dans laquelle les droits de l'homme ont acquis un caractère sacré et inviolable. Avec cette nouvelle forme de gouvernance, l'administré n'est plus un « sujet » dépourvu de droits mais bien entendu

23 SY. (Demba), Droit administratif : revue, corrigée et augmentée 2014, op.cit, p. 44 ; KHOUMA (Ousmane), « Le contrôle de légalité externe des actes administratifs unilatéraux par le juge sénégalais, un exemple de transposition de la jurisprudence administrative française », op. cit, p.39

24 A propos des critiques sur l'institution du REP en France, voir : SY (Papa Mamour), « Quelques remarques sur l'institution du recours pour excès de pouvoir au Sénégal depuis la création du conseil d'Etat », In revue Afrilex (Droit sénégalais N°1), septembre 2002, p.36. Pour plus de détaille concernant le débat sur l'utilité du REP en France voir KHOUMA (Ousmane), « Le contrôle de légalité externe des actes administratifs unilatéraux par le juge sénégalais, un exemple de transposition de la jurisprudence administrative française », op. cit, p.7

25 SY (Papa Mamour), « Quelques remarques sur l'institution du recours pour excès de pouvoir au Sénégal depuis la création du conseil d'Etat », op.cit, p.35

16

un citoyen auquel on reconnait des droits et libertés dont l'administration doit nécessairement respecter.

Par ailleurs, ce sujet, comme tout sujet de droit laisse nécessairement entrevoir une importance pratique. A cet effet, il importe de mentionner que le REP joue au moins un double rôle. Dans un premier temps, il assure un rôle préventif en ce sens qu'il se présente comme un recours visant à dissuader les comportements malveillants de l'administration. Le juge de l'excès de pouvoir demeure incontournable puisque c'est à lui qu'il revient le pouvoir d'annuler l'acte illégal. Ainsi que l'écrit Charles DEBBASCH, « la seule existence de tribunaux susceptibles d'être saisis est un garde-fou aux abus : l'administration hésite à commettre des illégalités dès lors qu'elle sait que son comportement peut être sanctionné en justice 26». L'administration est donc avertie de ne pas commettre d'illégalités susceptibles de la décrédibiliser. L'audace qu'il fait preuve dans certains domaines amènerait l'administration à plus de sens de responsabilité dans la mise en oeuvre de l'IG.

Dans un second temps, le REP est mis en oeuvre pour sanctionner toute illégalité dont un acte administratif serait entaché. Lorsqu'intervient l'illégalité, le juge doit nécessairement prononcer l'annulation si les conditions sont réunies. L'importance d'une telle fonction du REP n'est plus à démontrer puisque les administrés brandissent souvent comme moyen devant le juge de l'excès de pouvoir la violation de la légalité par l'administration et, fort heureusement, ils obtiennent parfois satisfaction.

L'analyse du thème portant sur l'efficacité du REP nécessite a priori une étude de l'importance de tous les acteurs qui peuvent intervenir dans le cadre de ce recours. Parmi ces acteurs, vient d'abord l'administration qui est l'organe compétent pour édicter des actes dont l'administré pourrait contester la légalité par l'entremise du REP. Ensuite, intervient le législateur qui joue également un rôle essentiel d'encadrement de l'action administrative par les lois qu'il édicte. Puis, joue sa partition, l'administré qui est censé introduire la requête en annulation contre un acte illégal qui porte atteinte à ces droits. C'est le cas aussi de l'avocat, à la seule condition que le requérant le sollicite pour lui représenter. Le juge intervient en dernier lieu pour statuer sur la requête en annulation et, s'il estime après examen que l'acte est illégal, il doit prononcer son annulation. Cette fonction juridictionnelle du juge est aussi accompagnée de sa fonction

26 DEBBASCH (Charles) et RICCI (Jean Claude), Précis de contentieux administratif, op.cit., p.2

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jurisprudentielle par laquelle, il peut édicter des normes qui peuvent s'imposer à l'administration.

Le rôle de tous ces acteurs permettra d'évaluer l'efficacité du REP au Sénégal. Par ailleurs, il est nécessaire a priori de connaitre l'objectif de ce recours avant de se pencher sur la question de son efficacité. Selon le professeur Demba SY, « le recours pour excès de pouvoir a pour objectif d'assurer le respect de la légalité et la protection des droits des administrés »27. Ce recours présente un double objectif mais qui restent intimement liés. Il a pour objet d'annuler un acte administratif qui méconnait la légalité et qui par la même occasion porte atteinte aux droits et libertés des administrés. Si ce recours a été institué pour atteindre des résultats spécifiques alors sommes-nous en droit de se poser les questions suivantes : Est-il possible de parler d'efficacité du REP au Sénégal ? Si oui, cette efficacité est-elle absolue ? Ne connait-elle pas des limites ? Ces différentes interrogations nous amène enfin à se poser la question suivante : le recours pour excès de pouvoir a-t-il réellement atteint l'objectif pour lequel il a été institué au Sénégal ?

L'efficacité du REP est bien réelle au Sénégal. Elle peut s'apprécier tant du point de vue de la largesse de l'ouverture du recours que du point de vue de l'examen du recours fait par le juge. Néanmoins, cette efficacité connait des limites qui sont liées à l'accès au prétoire du juge de l'excès de pouvoir et à la propension du juge à rejeter les requêtes en annulation. La portée de la décision de la décision reste aussi limitée.

Ainsi, pour mieux cerner l'étude du sujet nous allons étudier dans un premier temps l'emphase de l'efficacité du REP (Première partie) puis dans un second temps les entraves (Deuxième partie).

27 SY (Demba), « Un demi-siècle de jurisprudence administrative au Sénégal : De l'émergence à la maturation », in Mélanges en l'honneur de Babacar Kanté : Actualités du droit public et de la science politique en Afrique, sous la direction de SALL (Alioune) et FALL (Ismaila Madior), Harmattan-Sénégal, 2017, p.622.

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Première partie : L'emphase de l'efficacité du REP

Le REP n'est pas une simple illusion ou encore un luxe pour les administrés. Il les permet bien entendu de combattre l'arbitraire administratif. Ainsi, l'analyse de l'efficacité du recours pour excès au Sénégal doit être orientée essentiellement sur les garanties offertes aux requérants dans le cadre de ce recours. Ces garanties lui sont généralement octroyées par le juge et le législateur. Elles sont relatives à une large recevabilité du REP et un examen satisfaisant de la requête d'annulation. C'est aussi dire par là qu'elles constituent les traits caractéristiques de l'efficacité du REP.

Chapitre 1 : La largesse de la recevabilité du REP

Le travail du juge saisit aux fins d'annulation commence par l'examen de la recevabilité du recours. Celui-ci ne doit pas se permettre de statuer au fond sur n'importe quelle requête sous peine d'appauvrir ce recours. Toujours est-il qu'il doit admettre largement le recours dans un souci d'efficacité. A ce propos, on note une extension des actes administratifs susceptibles de REP et un assouplissement des règles relatives à la forme du recours.

Section 1 : L'extension des actes administratifs susceptibles de REP

Les actes administratifs contestables en excès de pouvoir sont essentiellement consacrés par le juge et le législateur. Ils augmentent de plus en plus dans un souci d'efficacité du recours. L'application de la technique de l'acte détachable vient à cet effet étendre le champ d'application de ce recours. De même, ce dernier trouve son élargissement du fait qu'il est recevable à l'égard de certains contrats et aussi grâce à la consécration des circulaires impératives.

Paragraphe 1 : La recevabilité du REP à l'égard des actes détachables

Les actes détachables permettent d'atténuer la règle d'absence de recours parallèle en admettant la recevabilité du REP contre des actes dont l'opération principale à laquelle ils sont rattachés relève de la compétence d'une autre juridiction que celle compétente en excès de pouvoir. Ainsi, «la notion d'acte détachable se fonde sur le fait que la plupart des opérations administratives exigent la succession de divers actes dont certains, bien que participant à la réalisation de l'opération, peuvent néanmoins être isolés sans porter atteinte à l'unité de cette dernière. De tels actes qui ne forment pas avec l'ensemble de l'opération un bloc-individuel et qui par conséquent peuvent être séparés sont susceptibles de faire l'objet de recours contentieux distinct de

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l'opération globale 28». Les hypothèses d'actes détachables essentiellement rencontrées concernent trois catégories d'actes : les actes détachables du contrat, les actes détachables des actes de gouvernement et les actes détachables des opérations électorales.

A : Les actes détachables des opérations contractuelles

Les actes détachables du contrat sont une catégorie d'acte administratif distincte du contrat administratif. A cet égard, le juge de l'excès de pouvoir ne doit pas prononcer une fin de non recevoir lorsqu'il est saisi aux fins d'annulation de ces actes en soulevant éventuellement l'exception de recours parallèle. Certains actes détachables du contrat ont fait l'objet d'une énumération précise par le législateur. Ce sont principalement les actes prévus à l'article 140 de la loi N°2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l'administration. Aux termes de cet article : « les actes détachables du contrat peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le conseil d'Etat. Sont notamment détachables du contrat : 1. l'autorisation de contracter ; 2. la décision de contracter ou de ne pas contracter ; 3. L'opération d'attribution ; 4. l'approbation du contrat »29(sic). Dans cet article, il est retenu que les actes détachables ne peuvent être portés que devant le conseil d'Etat, or, à l'heure actuelle c'est la cour suprême qui est compétente en matière d'excès de pouvoir.

Ces actes détachables concernent principalement ceux édictés antérieurement au contrat. Ils son édictés par l'autorité administrative précédemment au contrat administratif en vue de sa réalisation. De ce fait, ils peuvent être distingués de ce dernier et, en conséquence, ils peuvent être contestés en excès de pouvoir. En dehors de ces cas expressément cités, d'autres actes détachables du contrat susceptibles de REP ont été consacrés par le juge. Il en est ainsi des actes individuels concernant un agent non fonctionnaire soumis en principe au code du travail lorsqu'ils sont détachables des relations contractuelles30. Pour une large ouverture du recours, d'autres actes détachables ont été consacrés par le juge. Ce sont principalement les actes détachables des opérations électorales et des actes de gouvernement.

28 JOSEPH (ISSA-SAYEGH) et LAPEYRE (Charles), « Techniques juridiques », 1981, p.346.

29 Article 140 de la loi N°2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l'administration, J.O. N°6291 du Samedi 5 Août 2006.

30 CS, arrêt N°7 Babacar Lo et Abdou Salam Diallo C/ Etat du Sénégal. Cité par BOCKEL (Alain), Recueil de jurisprudence administrative sénégalaise 196-1974, p.36

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B : Les actes détachables des opérations électorales et des actes de gouvernement

Les actes détachables des opérations électorales et des actes de gouvernement viennent également étendre la catégorie des actes administratifs susceptibles de REP à propos des domaines où le législateur est resté muet et qui échappent en principe à ce contentieux. Les actes pris pour la réalisation de l'opération électorale peuvent faire l'objet de REP s'ils sont détachables de l'opération principale. Il n'y a aucune disposition du code électoral qui fait référence à ces actes. Pourtant, cela n'a pas empêché le juge d'admettre leur recevabilité. Dans l'affaire Djibo Leîty KA contre l'Etat du Sénégal, la recevabilité du REP contre les actes détachables des opérations électorales a été posée au juge qui n'a pas manqué de l'admettre. Pour le juge, « si le contrôle de régularité des opérations électorales est dévolues expressément au conseil, il demeure que l'administration ayant en charge de l'organisation des élections, les décisions qu'elle prend dans le cadre des actes préliminaires à l'organisation du scrutin sont, si elles sont détachables des opérations électorales comme le décret attaqué, des actes administratifs, susceptibles de recours pour excès de pouvoir 31». Il admet ainsi la recevabilité de ces actes sans même qu'il ne s'interfère dans les attributions d'une autre juridiction, notamment celles du conseil constitutionnel. La règle de l'absence de recours parallèle ne peut s'appliquer puisque ces actes sont distincts de l'opération électorale qui ne relève pas de la compétence du juge de l'excès de pouvoir.

A cela s'ajoute les actes détachables des actes de gouvernement. Ce sont des actes qui se distinguent des actes de gouvernement proprement dit. Leur recevabilité permet de réduire la catégorie d'actes de gouvernement exclus de tout contrôle juridictionnel parce que les autorités administratives vont se garder d'édicter certains actes manifestement illégaux lorsqu'ils prennent des actes dits de gouvernement. Le juge a fait référence à la théorie d'actes détachables des actes de gouvernement dans l'espèce A.S.E.C.N.A contre l'Etat du Sénégal. Ainsi, après avoir déclaré son incompétence dans cette affaire au motif que la décision attaquée est un acte de gouvernement, le juge arrive à la conclusion suivante : « en effet, cette décision bien que tirant sa source dans l'ordre interne du Sénégal est entièrement tournée vers l'ordre

31 C.E, arrêt N° 0009 du 28/07/1999, Djibo Leîty KA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, année 1999 ; Voir C.E, arrêt N°0001 du 27/01/1999, Landing SAVANE, Bacary COLY et AND JEF/PADS C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, année 1999.

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international et ne saurait par conséquent être considérée comme un acte détachable de ces relations internationales »32. La conclusion ainsi faite par le juge porte à croire qu'il ne s'opposerait pas à la recevabilité du REP contre un acte détachable d'un acte de gouvernement. Il serait même souhaitable qu'il en soit ainsi. Hormis les actes détachables, le juge a admis la recevabilité du recours contre certains contrats et les circulaires impératives en vue d'étendre le champ d'application de ce recours.

Paragraphe 2 : La recevabilité du REP contre certains contrats des collectivités locales et les circulaires impératives

Le REP contre un contrat ou une circulaire est en principe irrecevable. Cependant, ce principe n'est pas dénué d'exception dans la mesure où certains contrats des collectivités locales tout comme les circulaires impératives peuvent faire l'objet d'un REP. Dans ce sens, le juge et le législateur se sont encore affirmés dans leur entreprise d'élargissement du recours en admettant la recevabilité de certains contrats et les circulaires impératives.

A : La recevabilité du REP contre certains contrats des collectivités locales

En principe, un acte administratif bilatéral n'est pas contestable en excès de pouvoir puisqu'il relève de la compétence du juge du contrat. Cependant, certains contrats administratifs notamment ceux des collectivités locales peuvent faire l'objet d'un contrôle de légalité. L'idée qui sous-tend ce contrôle est qu'il faut préserver l'unité de l'Etat et aussi veiller à ce qu'il y ait une bonne administration au niveau des collectivités locales. L'admission de ces actes en excès de pouvoir a été renforcée depuis que le législateur a remplacé le contrôle de tutelle par un contrôle de légalité, faisant ainsi de ce dernier un principe.

Dans le cadre du contrôle de légalité de ces actes, la loi donne compétence aux représentants de l'Etat de les déférer devant la cour suprême. L'article 246 du C.G.C.L prévoit à cet égard que : « le représentant de l'Etat défère à la cour suprême les actes mentionnés aux articles 243 et 244 du présent code qu'il estime entachés d'illégalité, dans les

32 C.S, arrêt N°24 du 27 novembre 2008, Agence pour la Sécurité de la navigation en Afrique et à Madagascar (A.S.E.C.N.A) C/ Etat du Sénégal, inédit

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deux mois suivant leur transmission »33. Parmi les actes cités à l'article 243, figurent les contrats administratifs. Ces derniers portent sur les « marchés ainsi que les conventions de concession ou d'affermage des services publics locaux à caractère industriel et commercial »34. Cette faculté accordée aux collectivités locales de prendre ces actes administratifs bilatéraux doit s'analyser comme un moyen de leur permettre d'assurer le fonctionnement de leurs services publics locaux. Toutefois, un tel pouvoir doit s'exercer conformément aux lois et règlements en vigueur. A défaut, il sera entaché d'illégalité et pourrait être déférer devant le juge de l'excès de pouvoir pour annulation. Dans une affaire opposant le gouverneur de la région de Tambacounda au conseil régional de Tamba, le juge de l'excès de pouvoir a non seulement admis la recevabilité du contrat signé par la collectivité locale mais encore il l'a annulé pour illégalité. Ainsi, conclut-il dans cet arrêt que : « la convention signée par le président du conseil régional sans l'autorisation de l'organe délibérant méconnaissant les dispositions de l'article 286 du code général des collectivités locales, encourt l'annulation »35. L'effort du juge dans le cadre de l'extension du REP est aussi considérable lorsqu'il a consacré les circulaires impératives.

B : L'admission du REP à l'égard des circulaires impératives

Les circulaires sont des actes administratifs adressés par les chefs de service à leurs subordonnés afin de leur indiquer comment interpréter et exécuter les lois et règlements applicables dans leurs services. Elles visent normalement à interpréter une loi ou un règlement et demeure insusceptible de REP. Mais, rappelle Jean-François LACHAUME : « si le juge opposait l'irrecevabilité, sous prétexte qu'il s'agit d'une circulaire, l'administration pourrait ainsi par un tel acte modifier l'ordonnancement juridique à l'abri du contrôle juridictionnel. Ce serait une lacune énorme dans la mise en oeuvre du principe de légalité(...) »36. Une circulaire règlementaire qui ajoute, modifie ou abroge un texte doit faire l'objet d'un REP. Il ne pourrait en être autrement puisqu'elle modifie l'ordonnancement juridique. Son annulation doit être prononcée si

33 Article 246 de la loi N°2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités locales, JO du Sénégal, N°6765.

34 Article 243, de la loi N°2013-10 portant code général des collectivités locales, op. cit.

35 C.E, arrêt N°0014 du 29/07/1998, gouverneur de la région de Tambacounda et conseil régional de Tamba, B.A.C.E, N°1, 1998, p.12

36 LACHAUME (Jean François), Droit administratif : les grandes décisions de la jurisprudence, Presses universitaires de France, Thémis, Janvier 1995, p.129

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elle est illégale. A cet égard, la circulaire règlementaire par laquelle l'autorité administrative, en l'occurrence le ministre a ajouté une condition non prévue par le décret prenant ainsi une décision réglementaire qui échappe à sa compétence encourt l'annulation37.

Le contrôle juridictionnel de la légalité des circulaires a évolué au Sénégal dans un sens beaucoup plus favorable à la protection des droits des administrés depuis que le juge a admis la recevabilité du REP contre les circulaires impératives. Ainsi, « une circulaire est dite impérative lorsque, sous couvert d'interpréter une loi ou un règlement qu'elle est chargée de mettre en oeuvre, elle dicte aux agents la conduite à tenir. Elle ne laisse pas de marge de manoeuvre aux autorités compétentes »38.

La circulaire impérative permet de prendre en compte des actes susceptibles d'être contestés devant le juge administratif les circulaires qui sans ajouter au droit invitent à ses destinataires à appliquer une règle contraire à la norme juridique supérieure. L'objectif consiste à sanctionner les illégalités qui pourraient être ignorées dans le cadre des circulaires règlementaires. Ce qui permet donc de renforcer la protection des droits des administrés. Le juge s'en est référé aux circulaires impératives dans l'arrêt la société Zénith Company SARL et 22 autres et groupements d'intérêt économique contre l'Etat du Sénégal. Dans cette espèce, le juge a considéré que : « la circulaire attaquée, qui fixe un délai de validité des cartes de mareyeur de la 3ème catégorie et en interdit le renouvellement, revêt un caractère impératif et fait grief aux requérants, titulaires de ces cartes, qui sont ainsi privés de faire du mareyage à l'exportation ; qu'elle est donc susceptible d'être attaquée en annulation devant le juge administratif »39. L'extension du champ d'application du REP est nécessaire pour une large recevabilité de ce recours mais n'en demeure pas suffisante. C'est pourquoi, elle s'est accompagnée de l'assouplissement des règles relatives à la forme du recours.

37 CS, arrêt N°02 du 14 janvier 2010, Ibrahima Diagne contre Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos 2-3, Année 2010-2011, p219 ; Voir aussi C.S, arrêt N°50 du 8 novembre 2012, SONATEL SA C/ Etat du Sénégal-ARTP, B.A.C.S, Nos 4-5, année 2012, p.248

38 DONIER (Virginie), DROIN (Nathalie) et HOUSER (Mathieu), Le droit administratif au concours, La documentation française, 2005, p.75.

39 CS, arrêt N°24 du 12 avril 2018, la société zénith SARL et 22 autres et groupements d'intérêt économique contre Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos 15-16, année 2018, p175

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Section 2 : L'assouplissement des règles relatives à la forme du recours

L'assouplissement des règles relatives à la forme du REP est nécessaire compte tenu de la diversité des procédures mais aussi de la brièveté du délai du recours. Cet assouplissement s'est matérialisé par un allègement progressif des formalités d'introduction du REP et aussi par l'assouplissement du délai du recours.

Paragraphe 1 : L'allègement progressif des formalités d'introduction

du REP

Les formalités d'introduction du REP prévues au départ étaient nombreuses. Mais depuis mil neuf cent quatre vingt seize (1996), elles ont été allégées afin de faciliter la recevabilité du REP. Dans cette entreprise d'allègement des formalités, le législateur a supprimé en premier lieu la formalité relative à l'obligation du ministère d'avocat et en second lieu celle liée à la consignation de l'amende de cinq mille francs.

A : La suppression de la formalité tenant au ministère d'avocat

Le recours au ministère d'avocat n'est pas obligatoire en matière de REP. C'est ce que prévoit l'article 74 de la loi organique sur la cour suprême. Aux termes dudit article, « le recours pour excès de pouvoir n'est recevable que contre une décision explicite ou implicite d'une autorité administrative. Le demandeur est dispensé du ministère d'avocat »40. Le recours au service d'un avocat est donc une faculté qui s'offre au requérant. Ce dernier peut décider d'en passer, et le cas échéant, sa requête ne sera pas irrecevable pour inobservation de cette formalité. C'est ainsi que dans l'affaire Ibrahima Ndiaye,41 le juge a rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours incriminant le requérant de n'avoir pas fait signer sa requête par un avocat. Il en est de même dans l'affaire Arouna Cissé42 où le juge a rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité du recours du fait de la signification de la requête par le requérant agissant en personne et non par un avocat.

La suppression de cette formalité permet d'éluder l'obstacle financier auquel peuvent buter les requérants d'autant plus que le recourt aux services d'un avocat en

40 Article 74 de la loi organique N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op. cit.

41 CS, arrêt N°26 du 20/07/2020, Ibrahima NDIAYE c/ Etat du Sénégal, inédit

42 CS, arrêt N°11 du 09 février 2017, Arouna CISSE c/ A.N.A.C.I.M-Etat du Sénégal, inédit

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matière contentieux requiert en principe beaucoup de fonds d'ordre financiers. Toujours est-il que le recours au ministère d'avocat est une exigence dans la pratique. Les propos de Zongo Yabré Gilbert s'inspirant de l'exemple sénégalais et Burkinabé sont assez illustratifs lorsqu'il précise qu' : « il est vrai que de nos jours, il y a eu des avancées en matière de gratuité de la saisine du juge de l'excès de pouvoir dans les deux pays à travers la suppression du ministère d'avocat. Mais force est de reconnaitre que la procédure administrative contentieuse est complexe si bien que l'absence d'un conseil explique les nombreux rejets des requêtes43 ». Cette affirmation aussi pertinente soit-elle doit être nuancée pour deux raisons notamment pour le cas sénégalais. D'abord, parce qu'au Sénégal « l'essentiel des recours ont été introduit par des avocats »44. Ensuite, malgré leur intervention « le nombre de rejet est tout de même élevé »45. Dans son entreprise d'allègement des procédures, le législateur a procédé à la suppression de la consignation de l'amende de cinq mil francs.

B : La suppression de la condition relative à la consignation de l'amende

La formalité relative à la consignation de l'amende de cinq mille francs a été supprimée de l'ordonnancement juridique sénégalais depuis 2017. Cette condition ne transparait pas parmi les conditions de recevabilité du REP prévues dans la loi organique de 2017 sur la cour suprême. Sa suppression vient renforcer la gratuité de la saisine du juge de l'excès de pouvoir. En effet, grâce à cette suppression, l'administré n'est plus assujetti au paiement d'une amende pour que le juge examine sa requête au fond. Il s'agit là de l'application du principe de la gratuité de la justice. Principe qui trouve son fondement dans le fait que la justice est un service public. La suppression de la condition tenant à la consignation de l'amende de cinq mil francs augmente les chances des requérants en ce qu'elle permette au juge de statuer sur le fond des requêtes

43 GILBERT (Zongo Yabré), « Le juge administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et au Sénégal », in le juge administratif, le juge constitutionnel et le juge communautaire dans la protection des droits et libertés fondamentaux : regards croisés (quatrièmes rencontres de Dakar), sous la direction de SY (Demba) et FALL (Alioune Badara), Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2019, p.316.

44 SY (Demba), Recours en matière administrative et accès au juge, B.I.C.S, Nos 1-2, décembre 2010, p.34. Http://www.coursuprêm.sn. Consulté le mercredi 25 décembre 2019.

45 DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les méthodes et les techniques du juge en droit administratif sénégalais, Thèse de doctorat en droit, Université Cheikh Anta Diop, 1995, p.113.

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en annulation. Cela est d'autant plus vrai que lorsqu'elle était prévue, le juge n'hésitait pas à rejeter le recours pour non consignation de la somme de cinq mille francs. Il en est ainsi dans l'espèce Ibra Gaôki46 où il a rejeté le recours formé par le requérant pour défaut de consignation de l'amende de cinq mille francs. « Cette formalité relative à la consignation de la somme de 5000 francs(...) est prévue pour décourager les initiatives fantaisistes qui encombrent les rôles de la cour suprême »47. Le problème vient alors de savoir comment peut-on connaitre de telles initiatives ? A priori, rien ne permet de les connaitre même lorsque le juge rejetait le recours pour inobservation de cette condition. La seule chose qui est certaine est que le rejet d'un recours pour non respect de cette condition pourrait empêcher l'annulation d'un acte administratif illégal. Par exemple, en annulant dans l'espèce Ibra Gaôki le recours introduit par le requérant pour défaut de consignation de l'amende de cinq mille francs, le juge ne pouvait réellement savoir si le requérant était animé de fantaisies ou pas. Or, il est possible que l'acte attaqué soit bien illégal.

Mais grâce à la suppression de cette condition, le REP est désormais à la portée d'un grand nombre d'administrés. Elle vient également assurer l'égal accès des citoyens à la justice. Qu'il soit riche ou pauvre, le recourant en excès de pouvoir à la chance de voir sa requête aboutir. Mis à part la forme, le délai du recours est également assoupli afin d'éviter ou à tout le moins diminuer les cas d'irrecevabilités du recours.

Paragraphe 2 : L'assouplissement du délai du recours

La mise en oeuvre du REP est circonscrite dans un délai de deux mois. Ce délai commence à courir dès que l'acte a fait l'objet d'une publicité ou exceptionnellement lorsque le requérant a pris connaissance de son existence. Toutefois, ce délai peut être rallongé. La prorogation offre au juge l'occasion de statuer sur une requête qu'il aurait pu rejeter pour forclusion.

46 C.E du Sénégal, Ibra Gaôki DIONE C/ Etat du Sénégal, 25 juin 1997, inédit. Cité par SY (Papa Mamour), « Quelques remarques sur l'institution de la cour suprême au Sénégal depuis la création du conseil d'Etat », op. Cit, p.35.

47 SY (Papa Mamour), « Le conseil d'Etat sénégalais et le contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation, commentaire de l'arrêt du conseil d'Etat de la république du Sénégal du 27 octobre 1993, le comité international de la croix rouge(C.I.C.R) et l'Etat du Sénégal (arrêt N°14) », op. cit, p.

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A : La conservation du délai du recours pour défaut de publicité

La publicité est une mesure qui consiste à porter un acte administratif à la connaissance de son destinataire. Elle est un corollaire du droit à l'information et constitue le point de départ du délai du REP. Autrement dit, c'est à partir de la publicité qu'un acte devient opposable à son destinataire. A défaut, son destinataire est en droit d'introduire un REP sans risque de forclusion sauf s'il a pris connaissance de l'existence de l'acte. La publicité peut intervenir dans deux cas : elle est établie soit par le truchement de la notification soit par le biais de la publication. Ces deux formes de publicité se différent essentiellement du point de vue de la nature de l'acte administratif édicté.

S'agissant des actes individuels, leur opposabilité n'intervient qu'après leur notification aux destinataires. L'exigence de notification s'explique par le fait que ces actes individuels concernent des personnes nommément désignées. Le défaut de notification permet de conserver le délai du recours. Le juge est allé dans ce sens dans l'affaire Sérigne Babacar SECK en admettant la recevabilité du recours introduit par le requérant après avoir rappelé que : « les décisions attaquées sont des actes administratifs à caractère individuel, qui, pour faire courir le délai du recours contentieux, doivent être notifiés aux intéressés ; que faute de notification individuelle, le délai du recours contentieux n'a pu courir »48. Le juge n'a pas jugé utile dans cette affaire de retenir le moyen tiré de ce que le requérant a eu connaissance de la délibération attaquée par voie d'affichage le 22 juillet 2007. Il reste plutôt attaché au respect de la notification de l'acte à son destinataire. De même, appelé à prononcer l'irrecevabilité du recours dans deux affaires49 rendues le même jour, le juge a donné une réponse négative au défendeur qui a soulevé l'irrecevabilité du recours et retient que l'acte attaqué n'a pas été notifié au requérant pour faire courir le délai du REP.

Concernant les actes à caractère réglementaire, c'est la publication qui est requise pour leur opposabilité. Ces actes à caractère général et impersonnel ne peuvent être portés à la connaissance de tous les intéressés qu'à la seule condition qu'ils fassent l'objet de publication au journal officiel lequel sera déposé au secrétariat général du

48 CS, arrêt N°31 du 25 août 2009, Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de la région de Kaolack, B.A.C.S, NO 1, année 2008-2009, p.139.

49 CS, arrêt N°10 du 23 février 2012, Ibnou Abath Dia et autres C/ Etat du Sénégal, inédit ; CS arrêt N° 12 du 23 février 2012, Barthélémy Toye Dias C/ Etat du Sénégal, inédit.

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gouvernement pour être opposable aux administrés. La publication demeure ainsi le moyen le plus efficace pour faire parvenir l'information à tous. Le juge veille au respect de cette exigence en admettant la recevabilité du recours formé contre un acte règlementaire lorsqu'il n'a pas fait l'objet de publication. Ainsi, dans l'espèce la SONATEL contre la Commune de Mboumba, le juge a retenu qu' « il n'est pas établi que la délibération attaquée qui a un caractère réglementaire a été publiée pour faire courir le délai de recours ; qu'en outre, il n'est pas contesté que la SONATEL a reçu notification de la délibération le 22 juillet 2015 ; que par conséquent, le recours formé le 22 juillet 2015 soit avant l'expiration du délai légal de deux mois, est recevable »50. Une fois qu'il aurait reçu la requête d'annulation, le juge pourrait éviter de prononcer la déchéance en prorogeant le délai du recours.

B : La prorogation du délai du recours

La prorogation du délai peut être prononcée dans deux cas : c'est le cas où le requérant a introduit un recours administratif préalable dans le délai du REP et aussi lorsqu'il saisisse une juridiction incompétente. Le recours administratif préalable est une procédure qui permet au requérant estimant qu'un acte administratif est illégal de demander dans le délai de deux mois l'auteur de l'acte ou son supérieur hiérarchique de le rapporter. La prorogation est souvent acquise lorsque le RAP est enclenché conformément aux conditions prévues pour sa mise en oeuvre. Essentiellement initiée dans l'intérêt des requérants, la prorogation a été prononcée plusieurs fois par le juge dans le cadre des recours gracieux et hiérarchique. Lorsqu'une autorité administrative est saisie à cet effet, elle ne peut donner que trois sortes de décisions susceptibles de proroger le délai du REP. Il s'agit de la décision explicite de rejet, la décision implicite de rejet et la décision explicite de rejet intervenue postérieurement après l'expiration du délai de quatre mois prévus.

Cette procédure présente beaucoup d'intérêts pour « l'usager, qui bénéficie ainsi que l'opportunité de voir l'administration revenir d'elle-même sur la décision défavorable qu'elle à prise à son en contre dans le cadre d'une procédure plus souple et bien plus brève que celle de l'action contentieuse »51. Ce qui porte à croire qu'il présente relativement plus de garanties qu'un recours juridictionnel. Ainsi, a-t-on raison de dire « vaut mieux un

50 CS, arrêt N°09 du 09 février 2017, la SONATEL C/ Commune de Mboumba-Etat du Sénégal.

51 KEUTCHA TCHAPNGA, Les grandes décisions annotées de la juridiction administrative du Cameroun, Cameroun, L'Harmattan, 1ère édition, 2017, p.108.

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mauvais arrangement qu'un bon procès » si l'on sait que le procès est très couteux et que l'exécution de la décision annulée par le juge de l'excès de pouvoir demeure toujours incertaine. Tandis que la décision prise à l'issu d'un arrangement est souvent respectée par les deux parties mais aussi parce que l'arrangement est moins coûteux qu'un procès. En outre, la procédure de RAP permet « d'éviter un certain nombre de recours contentieux et donc de lutter contre l'encombrement de la juridiction administrative52 ». Elle vient faciliter à cet égard le travail du juge de l'excès de pouvoir qui sera saisi que pour des affaires très sérieuses qui n'ont pu aboutir à un accord entre l'administration et le requérant.

Le REP peut aussi faire l'objet de prorogation en cas de saisine d'une juridiction incompétente par le requérant préalablement à la juridiction administrative compétente. Ce recours relève de la compétence exclusive de la cour suprême. Par conséquent lorsqu'il est porté devant une autre juridiction, cette dernière doit se déclarer incompétente afin de ne pas s'interférer dans les attributions de la cour suprême. La déclaration d'incompétence peut intervenir après une longue période et, le cas échéant, le délai d'introduction du REP sera dépassé. Un rattrapage du délai dépassé est donc nécessaire en ce sens qu'il gagnerait à empêcher un éventuel rejet du recours pour forclusion. Il appartient à la juridiction compétente en excès de pouvoir de procéder au rattrapage du délai en le prorogeant. La prorogation est possible à condition que le recours introduit par le requérant, aboutissant à la déclaration d'incompétence, soit fait dans le délai de deux mois. Rien n'interdit normalement une prorogation lorsqu'intervient une déclaration d'incompétence à la suite d'un RAP. Le délai du recours pour excès de pouvoir commence à courir à partir de la notification de la déclaration d'incompétence de la juridiction qui a été saisie à tort53.

L'intérêt consiste, dans un premier temps, à ouvrir largement la recevabilité du REP aux requérants. La prorogation du délai du REP permet ainsi au juge d'assurer sa fonction de gardien des droits et libertés.

52 WALINE(Jean), Précis de droit administratif, op.cit, p.640 ; voir aussi LOMBARD (Martine), DUMONT (Gilles) et SIRINELLI (Jean), Hyper cours droit administratif : cours et travaux dirigés, sous la direction de CHAGNOLLAUD (Dominique) et GUINCHARG (Serge), Dalloz, 12ème édition, 2017, p.668.

53 CS, arrêt du 9 février 1966, Dame Fatou Diop, RLJ, 91 ; Ann. afr.1973, p.268. Cité par SY (Demba), Droit administratif, revue, corrigée et augmentée, op. cit, p.127.

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Dans un second temps, il s'agit d'éviter à ce que des recours en annulation fassent l'objet d'un examen au fond par n'importe quelle juridiction. Ce qui permet de préserver l'exclusivité de la compétence de la cour suprême en la matière en évitant des recours désorganisés qui vont induire des immixtions irrégulières des autres juridictions dans sa sphère de compétence.

Une fois qu'il examine la recevabilité du REP, le juge doit procéder à l'examen de la légalité de l'acte. Le travail fait par le juge au moment du contrôle de la légalité rassure que l'examen du recours est satisfaisant en ce qu'il permet d'assurer le respect de la légalité et la protection des droits des administrés.

Chapitre 2 : Le contrôle satisfaisant de l'acte administratif litigieux

Au moment de l'examen de la légalité d'un acte administratif, le juge peut recourir à des procédures et techniques visant toutes à protéger les droits des administrés. Les procédures visées en ce sens concernent substantiellement celles relatives à l'urgence telles que le référé suspension et le référé liberté visant à faire cesser l'atteinte aux droits des administrés en attendant la décision au fond du juge de l'excès de pouvoir. Il doit en outre se fonder sur les éléments de preuve des faits litigieux pour déterminer l'existence ou non de l'illégalité. En excès de pouvoir, il fait preuve de pragmatisme dès fois en allégeant la charge de la preuve. Une fois la preuve établie, le juge va rejeter ou annuler l'acte administratif du requérant selon qu'il y ait illégalité ou pas. L'annulation n'intervient que lorsqu'il y a illégalité de l'acte administratif attaqué. La sanction des actes administratifs illégaux prononcée par le juge couvre l'essentiel des illégalités susceptibles d'affecter un acte administratif.

Section 1 : La mise en oeuvre des procédures d'urgence dans le traitement du recours et l'allègement de la charge de la preuve

Plusieurs procédures ou techniques ont été mises en oeuvre avant et au moment du contrôle de la légalité en vue d'éviter que l'administré ne subisse des effets indésirables pouvant résulter de certains actes administratifs illégaux. Effets qui peuvent résulter de l'application du principe d'effet non suspensif54 et du principe « actori incumbit probatio ».

54 Voir infra, p.59 et 60.

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Il s'est agit successivement de la mise en oeuvre des procédures d'urgence et de l'allègement du fardeau de la preuve.

Paragraphe 1 : La mise en oeuvre des procédures d'urgence dans le

traitement du REP

Deux principales procédures sont visées à ce niveau. Il s'agit du référé suspension et du référé liberté qui ont été instituées par le législateur dans la loi organique de 2017 sur la cour suprême. Ces procédures offrent beaucoup de garanties au recourant de l'excès de pouvoir avant même l'intervention de la décision du juge de l'excès de pouvoir.

A : L'application de la procédure de référé suspension

En droit sénégalais, la procédure initialement aménagée pour la suspension d'un acte administratif illégal est celle du sursis à exécution. Celle-ci bien qu'indispensable pour la protection des droits des administrés souffrait de limites. Pour pallier à ses insuffisances, le législateur a adopté une nouvelle procédure d'urgence en lieu et place de la première afin d'améliorer la protection des droits des administrés. Cette nouvelle procédure relative au référé suspension est prévue à l'article 84 de la loi organique sur la cour suprême. Suivant cet article, « quand une décision administrative fait l'objet d'une requête en annulation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation de la décision dans les meilleurs délais»55. La suspension d'un acte administratif obéit à des conditions spécifiques.

D'une part, il est exigé au requérant le respect de la condition formelle. Cette dernière est relative à l'introduction d'un recours en annulation préalablement à toute demande de suspension de l'acte. De là, apparait un lien étroit entre le référé suspension et le recours pour excès de pouvoir. Comme l'indique Moustapha AIDARA, « (...) le référé suspension est un recours accessoire à une requête en annulation d'une décision

55 Article 84 de la loi N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op. cit.

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administrative devant la cour suprême »56. Il n'est pas une procédure autonome mais plutôt dépendante du REP. Le non respect de cette condition entraine le rejet de la requête de suspension. Dans une affaire qui lui a été soumise sur la base d'autres fondements, le juge à rejeter la demande du requérant alors qu'il aurait dû peut être ordonné la suspension de l'acte si le requérant avait introduit au préalable un recours en annulation, et ce malgré que la demande du requérant ne portait pas sur le référé suspension57.

D'autre part, la demande de suspension est soumise à des conditions de fond. D'emblée, il doit y avoir urgence à suspendre l'acte administratif. On dit qu'il y a urgence en matière de référé suspension « lorsque la décision contestée porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou à ses intérêts »58. En sus, la demande de suspension doit viser un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Que peut-on entendre par « moyen propre » ? Pour le professeur Moustapha AÏDARA, « le moyen propre qui vient remplacer le moyen sérieux signifie que le juge n'a pas besoin de certitude sur le caractère fondé des moyens d'annulation. Il suffit que sa requête comporte un moyen de nature à créer le doute »59. En posant cette condition, le législateur a entendu assouplir les conditions de mise en oeuvre du référé suspension. Si après examen de la requête de suspension le juge estime que les conditions sont réunies, il doit ordonner la suspension de l'acte administratif. C'est ainsi qu'il a, par exemple, ordonné la suspension de la décision du préfet de Dakar telle que demandée par L'Eglise du christianisme Céleste « Paroisse Jehovah Elyon »60. La suspension de l'acte administratif litigieux constitue un moyen sûr de protection des droits des administrés contre tout effet irrémédiable pouvant résulter de l'application du

56 AIDARA (Mouhamadou Moustapha), « Référé administratif et unité de juridiction au Sénégal », in revue Afrilex, 2019, p.10. Voir également, NDIAYE (Ameth), « Le référé administratif en Afrique, in revue Afrilex, janvier 2020, p.40.

57 CS, Ordonnance N°1 du 02 mars 2017, Héritiers feu Arouna SENE, feu Moustapha SENE et feu Momar SENE C/ Sous-préfet des Almadies- Héritiers feu Ndiouga KEBE et feu Bécaye SENE, cité par NDIAYE (Abdoulaye), « Panorama de la jurisprudence de la chambre administrative de la cour suprême », BICS, p.68 et 69, Http// : www.coursuprême.sn, consulté le mercredi 25 décembre 2019.

58 CS, ordonnance de référé, N°5 du 10/10/2019, la Société sénégalaise des Eaux dite SDE C/ L'Autorité de Régulation des Marchés Publics dite A.R.M.P-Etat du Sénégal, p.6. Http// : www.coursuprême.sn, consulté le mercredi 25 décembre 2019.

59 AIDARA (Moustapha), « Référé administratif et unité de juridiction au Sénégal », op. Cit, p.

60 Ordonnance N°7 du 18 mai 2017 l'Eglise du christianisme Céleste « Paroisse Jehovah Elyon », cité par NDIAYE (Adama), « La jurisprudence Sénégalaise en matière de protection des droits et libertés », BICS, N° 013-014, juin 2019, p.57. Http//: www.coursuprême.sn, consulté le 12 février 2020

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privilège du préalable. Cette procédure permet au requérant d'obtenir une décision du juge dans les meilleurs délais. La prise en compte de l'urgence dans le traitement d'une requête en annulation s'effectue également par le biais de la procédure du référé liberté.

B : La mise oeuvre de la procédure de référé liberté

Dépourvu de référent dans l'ancienne législation relative à la cour suprême, le référé liberté regorge néanmoins une importance indéniable. Son institution dans l'ordonnancement juridique sénégalais justifie ô combien le législateur accorde de l'intérêt aux libertés, notamment celles fondamentales. Il est prévu à l'article 85 de la loi organique sur la cour suprême de 2017. Cet article dispose que : « saisi d'une demande justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ces pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures »61. Pour enclencher la procédure de référé liberté le requérant doit justifier l'existence d'une urgence à sauvegarder une liberté fondamentale dont l'acte administratif aurait porté gravement atteinte. Pour le juge, rappelle le professeur Mouhamadou Moustapha AIDARA, « l'urgence résulte nécessairement d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale »62. Il renchérit à ce propos que : « c'est l'existence ou l'absence d'atteinte de nature grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale qui constitue l'indice déterminant d'appréciation de l'urgence »63. L'examen de l'urgence est un véritable casse-tête pour le juge des référés qui doit déterminer si la liberté dont il est appelé à protéger a un caractère fondamental ou pas puisque le législateur sénégalais n'a pas précisé la signification. Toutefois, lorsque le juge estime après examen de la requête que les conditions relatives au référé liberté sont remplies, il peut ordonner toutes mesures utiles à la sauvegarde de la liberté fondamentale. L'intérêt est que le juge des référés dispose d'importants pouvoirs pour faire cesser l'atteinte à la liberté fondamentale. En sus, il doit se prononcer dans les délais de quarante-huit (48) heures.

61 Article 85 de la loi organique N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit.

62 AIDARA (Mouhamadou Moustapha), « Référé administratif et unité de juridiction au Sénégal », op. Cit, p.20

63 Idem

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Ce délai est donc raisonnable eu égard au moment durant lequel le juge est censé statuer.

Malgré les prescriptions légales, le juge des référés peine à respecter ce délai de quarante huit heure. Mais force est de reconnaitre qu'il fait parfois des efforts pour rendre sa décision dans un délai raisonnable même s'il n'arrive pas à respecter le délai de quarante-huit heure prévu. Il en est ainsi dans l'affaire Abdoul MBAYE64 où il a rendu sa décision une semaine après la demande en référé liberté. Après l'intervention du juge des référés, celui de l'excès de pouvoir saisi aux fins d'annulation doit à l'aide des preuves qu'il dispose annuler ou rejeter l'acte. En principe, la charge de la preuve incombe au demandeur. Mais, il arrive parfois que le juge allège la charge de la preuve.

Paragraphe 2 : L'allègement de la charge de la preuve

En droit, la charge de la preuve incombe généralement au demandeur. Dit autrement, il appartient à celui qui conteste la violation d'un droit devant une instance juridictionnelle d'en apporter la preuve de ses allégations. Dans le cadre des litiges opposants l'administration à l'administré, c'est ce dernier qui est souvent en position de demandeur. Dès lors, la charge de la preuve lui incombe puisque les actes administratifs sont présumés légaux. Ce principe tiré de l'adage « actori incumbit probatio » ne s'applique toujours pas. En effet, des exceptions peuvent lui être apportées par le juge. Il s'est agit principalement des cas où l'établissement de la preuve est soit imposé à l'administration par le juge, soit il est fait par le juge lui-même de son plein gré.

A : La production obligatoire de la preuve par l'administration

Le procès administratif oppose généralement deux parties inégales, à savoir d'un côté l'administration et de l'autre côté l'administré. Cette inégalité qui se penche en faveur de celle-là met souvent celui-ci dans une position délicate voire impossible pour prouver l'illégalité de l'acte litigieux. C'est pourquoi, « le juge sénégalais essaie parfois d'être pragmatique en matière de preuve pour tenir compte de la situation souvent désavantageuse des administrés dans le procès administratif. En effet, l'administré est généralement placé en position de demandeur. Il est de ce fait en situation d'infériorité par rapport à l'administration qui détient les éléments nécessaire à la preuve des faits

64 CS, ord. Référé, 4 septembre 2018, Abdoul Mbaye et autres c/ Ministre de l'intérieur et agent judiciaire de l'Etat, affaire n° j/357/RG/18 du 28/08/2018, inédit. Cité par Moustapha Aidara, op.cit, p.14

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litigieux »65. En vérité, le juge exige parfois l'administration d'apporter une preuve suffisante notamment lorsque les allégations du requérant sont sérieuses. Cette exigence faite à l'administration s'explique par le fait que l'administré peut rencontrer des difficultés pour établir les éléments de preuve qui, faut-il le dire, sont généralement détenus par l'administration. Pour éviter les effets désastreux de cette situation, le juge retient le défaut de production des éléments susceptibles de forger sa conviction par l'administration comme une légitimation des allégations du requérant. Il ne lui reste alors qu'à annuler cet acte dont l'illégalité est incontestable du fait de l'inexistence ou l'insuffisance de la preuve du contraire. Dans l'espèce Amadou Alpha Kane, le juge de l'excès de pouvoir après avoir demandé au ministre des transports et des télécommunications la production complète des dossiers constitués à l'occasion des poursuites disciplinaires dirigées contre Kane Amadou Alpha a fait savoir, « qu'il n'a pas été satisfait à cette demande par les productions faites le premier décembre mil neuf cent soixante deux »66. Dans une autre affaire opposant Aminata Cissé à la commune de Sendou, le juge a annulé l'acte administratif après avoir « réclamé sans suite au Président de la délégation spéciale de Sendou, le procès verbal de la commission d'attribution en sa séance du 25 mai 2007, visé dans l'acte attaqué ainsi que les motifs ayant conduit à la désaffectation du premier attributaire »67.

En exigeant l'administration d'apporter la preuve du contraire, le juge s'érige en véritable gardien des droits et libertés des administrés. Il assure ainsi un minimum d'équilibre entre les parties opposées dans le procès administratif. Dans sa dynamique d'allègement du fardeau de la preuve, le juge procède lui-même à la recherche de la preuve des faits qui sont à la base de l'acte litigieux.

B : L'établissement volontaire de la preuve par le juge

Compte tenu de la complexité et de la technicité de certaines affaires, le juge de l'excès de pouvoir se montre dans certains cas très actif lors de l'instruction de l'affaire. Il ne se contente, tant s'en faut, dans sa démarche d'allègement du fardeau de la preuve à exiger de l'administration la preuve du contraire. En effet, il fait recours à

65 DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les méthodes et techniques du juge en droit administratif sénégalais, op. Cit, p.180

66 CS, arrêt du 20 mars 1963, Amadou Alpha KANE. Cité par BOCKEL (Alain), recueil de jurisprudence administrative sénégalaise : 1960-1974, op. Cit, p.11-12

67 CS, arrêt N°28 du 12/6/2014, Aminata Cissé c/ commune de Sendou, inédit

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ses pouvoirs d'instruction qu'il tient de l'article 74-3 de la loi organique sur la cour suprême pour établir les éléments de preuve. Aux termes dudit article, « sous réserve de la signification de la requête et des mémoires, comme il est prévu aux articles 37 et 38 de la présente loi, le président de chambre, sur proposition du rapporteur, prescrit toute mesure d'instruction sur le fond, qui lui paraisse nécessaire à la solution de l'affaire, assortie, s'il y a lieu, de délais »68. Le juge recourt généralement à cette technique lorsque les éléments versés au dossier par les deux parties ne lui permettent pas de procéder à un examen sérieux de la requête. Il va ainsi au-delà des allégations ou preuves qui lui sont présentées par les parties pour établir une preuve plus objective, probante et acceptable que celle qui lui est présentée par l'une ou l'autre partie. Dans l'affaire Ndiogou FALL et autres, le juge a considéré « qu'en l'état, la cour ne disposant pas d'éléments suffisants pour exercer son contrôle, poursuit l'instruction en ordonnant une expertise confiée à Dame SADY, expert, aux frais du maire de Dakar, avec pour mission, de décrire l'état des immeubles visés dans l'arrêté attaqué et de dire s'ils menacent ruine »69. En outre, dans l'affaire Cheikh Dieng contre Etat du Sénégal70, il a annulé la mesure prise par l'autorité administrative pour incompétence territoriale en se référant au procès-verbal de transport sur les lieux du 10 mai 2016 corroboré par le rapport de l'agence nationale de l'aménagement du territoire lequel précise que « le « marché Boubess » est situé dans la commune de Djida Thiaroye Kao dans le département de Pikine ». L'établissement de la preuve par le juge s'effectue souvent lorsque l'affaire qui lui a été soumise relève d'une grande complexité. Au-delà de ces procédures, le juge doit dire si l'acte est légal où pas. Afin d'assurer un bon contrôle de légalité et une bonne protection des droits des administrés, le juge effectue un contrôle couvrant l'essentiel des illégalités susceptibles d'affecter un acte administratif.

Section 2 : La mise en oeuvre d'un contrôle couvrant l'essentiel des illégalités susceptibles d'affecter un acte administratif

Toute demande d'annulation pour violation du principe de légalité doit au moins viser une cause d'illégalité. Les causes d'illégalité du REP constituent une oeuvre de la jurisprudence administrative française. Reprises par le juge de l'excès de pouvoir

68 Article 74-3 de la loi organique N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op. Cit

69 CS, arrêt N°07 du 10 février 2011, Ndiogou FALL et autres C/ Maire de Dakar, inédit

70 Arrêt N°04 du 12 janvier 2017, Cheikh Dieng C/ Etat du Sénégal, op. Cit, p.207 ;

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sénégalais71, elles n'ont fait l'objet d'aucune règlementation textuelle que ce soit en France ou au Sénégal. Les illégalités pouvant affectées un acte administré sont largement contrôlées par le juge qui les a progressivement consacrées. Au départ, il a retenu quatre causes d'illégalité du REP. Quelques moments plus tard, il vient renforcer son contrôle en admettant d'autres causes d'illégalité.

Paragraphe 1 : Les illégalités initialement sanctionnées

Le juge a d'abord effectué un contrôle timide de la légalité des actes administratifs. En effet, il refusait de recourir à certaines techniques de contrôle devant aboutir au contrôle des actes relevant du pouvoir discrétionnaire de l'administration. C'est ainsi que quelques illégalités étaient soumis à son contrôle que ce soit pour les illégalités externes ou celles internes de l'acte administratif.

A : Les illégalités externes contrôlées

Appelés aussi illégalités externes, ces vices sont relatives à la forme de l'acte. D'emblée, on peut noter la sanction du vice de compétence qui vise à prévenir le désordre dans l'organisation et le fonctionnement de l'administration. La compétence de chaque autorité administrative est limitée dans une matière donnée, suivant un espace déterminé et un moment précis. Dès lors, « il y a incompétence lorsque l'auteur de l'acte n'avait pas pouvoir légal de prendre cette décision, ce pouvoir étant dans les attributions d'une autre autorité 72».

Deux grandes formes de vices de compétences peuvent être notées : l'une se rapporte à un empiètement de fonction et l'autre concerne l'usurpation de fonction. Concernant l'empiètement de fonction, elle intervient en cas de violation de l'élément matériel, territorial et temporel. L'incompétence matérielle se présente lorsqu'il y a « conflit de compétence à l'intérieur d'un même pouvoir 73». L'autorité administrative qu'elle que soit son rang doit se garder d'intervenir dans un domaine administratif qui ne lui est pas réservé. Le non respect de cette règle entraine l'annulation de l'acte administratif. Dans l'espèce Longin COLY et autres contre l'Etat du Sénégal, le juge a

71 Le juge de l'excès de pouvoir sénégalais a repris les cas d'ouverture du REP consacrés par le juge administratif français excepté la technique du bilan coût avantage.

72 PEISER (Gustave), Droit administratif général, Dalloz, les mémentos, 26ème édition, 2014, p.309 73MBACKE (Mouhamadou Moctar), « Le contrôle juridictionnel de l'administration : le recours pour excès de pouvoir », p.11. Http://www.sunulex.sn, consulté le mercredi 25 décembre 2019.

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annulé l'acte pris par le préfet de Bignona au motif qu'il n'est pas compétent matériellement pour prendre cet acte74. Du point de vue territorial, le vice de compétence existe à partir du moment où une autorité administrative a pris un acte qui ne relève pas de ses attributions territoriales. Ainsi, « encourt l'annulation pour incompétence territoriale de son auteur, la décision du préfet attribuant à u ne commune de son ressort un équipement marchand situé en dehors de son périmètre territorial »75. Est également constitutif d'un vice de compétence l'acte pris par l'autorité administrative en violation de l'élément temporel. L'acte pris avant ou après son investiture76 est illégal et encourt l'annulation.

Constitue enfin un vice de compétence, le fait pour une autorité administrative d'empiéter sur les attributions d'une autorité étrangère. Très grave, cette forme d'incompétence viole la substance même du principe de la séparation des pouvoirs du moment que l'autorité administrative s'interfère dans un domaine réservé au pouvoir juridictionnel77ou bien au pouvoir législatif78.

L'illégalité externe de l'acte est aussi sanctionnée en cas de vice de forme. Ce dernier comprend les règles de forme entendues au sens strict et les règles de procédure. D'une manière générale, ce vice est constitué chaque fois qu'il y a violation des règles relatives à la présentation matérielle de l'acte ou des règles de procédure se rapportant à son élaboration. Toute omission ou irrégularité relative à la forme de l'acte n'entraine

74 Voir CS, Longin COLY et autres C/ Etat du Sénégal, cité par BOCKEL (A), Recueil de jurisprudence administrative du Sénégal, op.cit, p.50 ; CS 23 février 2012, Amadou Lamine BA c/Etat du Sénégal, inédit ; CS, Arrêt N°01 du 1O janvier 2O13, Zahira SALEH C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, NOS 6-7, année judiciaire 2013, p.127 ; C.S, Arrêt N°07 du 27 février 2014, Modou GNANG C/ Université ALIOUNE DIOP DE BAMBEY ; CS, Arrêt N°44 du 25 Juin 2015, Mapathé DJIBA C/ Directeur général de l'A.N.R.A.C ; CS, arrêt N°21 du 22 mars 2018, SUDES C/ Le recteur de l'université ASSANE DECK DE ZIGUINCHOR, Bulletin des arrêts de la cour suprême du Sénégal, N° 15-16, année 2018, p.173

75 C.S, arrêt N°04 du 12 janvier 2017, cheikh DIENG C/ Etat du Sénégal, Bulletin des arrêts de la cour suprême du Sénégal, année judiciaire 2017, p.207

76 CS, Aminata SALL et autres C/ Etat du Sénégal. Cité par MBACKE (Mouhamadou Moctar), « le contrôle juridictionnel de l'administration : le recours pour excès de pouvoir », op. Cit. p.11

77 CE(Sénégal), 26 Avril 1995, Abdoulaye LO c/ Etat du Sénégal

78 C.S, Arrêt N°59 du 08 novembre 2012, La société nationale des télécommunications (SONATEL SA) C/ Etat du Sénégal-Agence de régulation des télécommunications et des postes(ARTP), NOS 4-5, année 2012, p.247 ; CS, arrêt N°21 du 24 mars 2016, REGI SA, REGIDAK CAURIS COM C/ Commune de Mermoz-Sacré Coeur, B.A.C.S, Nos 11-12, année judiciaire 2016, p.218

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pas nécessairement son annulation. Bien entendu, seule la violation d'une formalité substantielle est susceptible d'annulation. « Une formalité est réputée substantielle si elle peut avoir une influence sur le sens de la décision à prendre ou bien si elle constitue une garantie pour les administrés »79. Cette technique permet au juge de veiller à ce qu'un formalisme ne puisse paralyser l'activité administrative.

S'agissant du vice de forme, le juge l'a sanctionné dans l'arrêt ASC DIAL DIOP motif pris de ce que : « la décision attaquée ne porte ni noms, ni les signatures des membres du comité directeur qui ont participé à son élaboration ».80

Pour les règles de procédure, elles sont diverses. Dans ce registre, il y a la procédure consultative suivant laquelle l'administration est amenée à solliciter l'avis d'un organe afin de l'éclaircir sur une affaire avant la prise de l'acte. La procédure consultative peut être facultative ou obligatoire. Dans le premier cas, l'administration est libre de consulter et de suivre l'avis s'il est donné par l'organisme consulté. Dans le second cas, l'autorité administrative est tenue de requérir l'avis d'un organisme avant de prendre une décision. Le défaut de consultation préalable exigée par les textes est un vice d'illégalité sanctionné par le juge81. Par ailleurs, l'administration est libre de suivre l'avis de l'organisme dans le cadre de la consultation obligatoire si cet avis est facultatif. Mais si l'avis donné est conforme, elle doit le suivre sous peine de voir le juge annulé son acte. Le juge est allé dans ce sens dans l'affaire Momar GUEYE, lorsqu'il a annulé l'arrêté du ministre de l'environnement et de la protection évinçant le sieur GUEYE de ses fonctions au motif qu'il l'a sanctionné « sans que la procédure de consultation obligatoire assortie de l'exigence de l'avis conforme ait été respectée »82.

Au titre des règles de procédure, il faut ajouter celle de la procédure contradictoire. Cette dernière permet au destinataire de l'acte administratif de connaitre le bien fondé de la décision prise à son encontre et par la même occasion de bien

79 PEISER (Gustave), droit administratif général, op. Cit, p57 ;

80 C.E du Sénégal, 27 avril 1994, ASC DIAL DIOP, KHOUMA (O), op. Cit. p.29 ; voir également C.S, arrêt N°13 du 7/4/2011, association sportive des Douanes c/ Fédération sénégalaise de Basket, inédit

81 CS, arrêt N°14 du 05 mai 2009, Aliou DIA C/ El hadji Moussa NDIAYE-Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°1, 2008-2009, p.105 ; CS, arrêt N°31 du 25 août 2009, Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de la région de Kaolack op. cit

82 CE, arrêt N°0018 du 29/06/2000, Momar GUEYE C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, p.36

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préparer sa défense. L'inobservation de cette procédure est sanctionnée par le juge de l'excès de pouvoir83.

D'autres règles de procédures sont fixées par des textes et leur respect s'impose à l'administration. Ainsi, l'acte administratif pris au mépris de la procédure de mise en demeure prescrite par les textes comme une formalité substantielle encourt l'annulation84. Pour prendre en compte certaines illégalités pouvant affecter une décision administrative, le juge s'intéresse également à la légalité interne.

B : Les illégalités internes sanctionnées

Les illégalités internes sanctionnées initialement par le juge se rapportent à deux causes d'illégalité : il s'agit de la violation de la loi et du détournement de pouvoir. Concernant la violation de la loi, elle constitue le soubassement ou encore le moyen principal d'ouverture du REP. Elle est aussi un cas d'ouverture du REP parmi tant d'autres. Dans cette perspective, elle est conçue restrictivement et signifie que l'autorité administrative a violé les règles relatives au contenu et aux motifs de fait et de droit de l'acte. D'une part, la violation de la loi est établie lorsque l'acte administratif n'a pas respecté la hiérarchie des normes. L'acte pris en ce sens encourt l'annulation du fait qu'il est contraire à la constitution85, à la loi86, aux principes généraux du droit87 etc.

D'autre part, la violation de la loi se rapporte à l'irrégularité des motifs de l'acte, notamment celles relative à l'erreur de droit et l'erreur de fait. L'erreur de droit est

83 CE, arrêt N°0001 du 31/03/1999, Société RACINE SA C/ Ordre national des experts et évaluateurs agrées du Sénégal, B.A.C.E, année 1999, p.20 ; CS, arrêt N°09 du 23 février 2012, Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de la région de Kaolack, op. cit

84 CS, arrêt N°4 du 27 janvier 2009, Cheikh Abdoul Khadre CISSOKHO C/ Conseil rural de Sindia-Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°1, 2008-2009, p.71 ; CS, arrêt N°38 du 10 novembre 2011, Babacar SARR C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°2-3, année 2010-2011, p.256 ; C.S, Maguètte WADE C/ Conseil rural de RONKH, B.A.C.S, N°1, 2008-2009, p.126

85 C.S, arrêt N°61 du 24 novembre 2016, Collectivité LEBOUE de OUAKAM C/ Eta du Sénégal, B.A.C.S, Nos 11-12, Année 2016, p.210

86 Arrêt N°14 du 05 mai 2009, Aliou DIA C/ El Hadji Moussa NDIAYE - Etat du Sénégal, BACS, N°1, années 2008-2009, p.105 ; C.S, arrêt N°31 du 11 Août 2011, Oumar GUEYE et autres-Jean Paul DIAS et autres C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos2-3, année 2010-2011, p.252, C.S, arrêt N°4 du 25 janvier 2018, Cheikh DIOGAL THIAW C/ Etat du Sénégal, BACS, N° 15-16, année 2018, p167

87 CS, arrêt N°1 du 9 janvier 2014, Mame Thierno DIENG C/ Recteur de l'université Cheikh Anta DIOP, B.A.C.S, N°6-7, année 2013, p.165

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sanctionnée par le juge lorsqu'il y a un défaut de base légale88 ou une fausse interprétation de la loi89. Pour ce qui est de l'erreur de fait, elle est sanctionnée en cas d'inexactitude matérielle des faits90 ou d'erreur sur la qualification juridique des faits91.

En ce qui concerne la sanction du détournement de pouvoir, elle consiste pour le juge à effectuer un contrôle subjectif visant à déterminer le mobile qui a inspiré l'autorité administrative à prendre l'acte attaqué. Le détournement de pouvoir est le fait pour une autorité administrative d'user de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel les textes lui ont donné compétence. L'administration doit assurer l'IG conformément aux textes sous peine de commettre un détournement de pouvoir.

Ce dernier épouse trois formes. D'abord, il y a détournement de pouvoir lorsqu'une autorité administrative a pris un acte dans un but d'IG mais différent de celui pour lequel elle a reçu compétence. Doit être annulée pour détournement de pouvoir en ce sens, la décision par laquelle « Rizare NATRANG, Proviseur du lycée de Taïba ICS de Mboro, a été « relevé de ses fonctions » et mis à la disposition de l'inspecteur d'académie(IA) de Thiès »92. Puis, vient le fait pour l'autorité administrative d'user son pouvoir à des fins d'intérêts personnels93. Cette forme de détournement est très grave en ce sens que l'administration se détourne complètement de son objectif principal qui n'est enfin que la poursuite de l'IG. Enfin, est constitutif d'un détournement de pouvoir le fait pour l'autorité administrative de suivre une procédure différente de celle prévue par la réglementation en vue de parvenir à ses fins. Pour mieux assurer son rôle de gardien des droits et libertés, le juge de l'excès de pouvoir a renforcé son contrôle en admettant d'autres causes d'illégalité.

88 CS, arrêt N°09 du 14 février 2013, SENCA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, NOS 6-7, 2013, p.133

89 CS, Arrêt N° 24 du 12 Août 2010, Aliou DIACK C/ Etat du Sénégal, BACS, Nos 2-3, année2010-2011, p. 228 ; C.S, Année 2008-2009, p.105

90 CS, Amadou Alpha KANE C/ Etat du Sénégal, 20 mars 1963. Cité par BOCKEL (Alain), recueil de jurisprudence administrative sénégalaise, 1960-1974, op. cit, p.11 ; CE, arrêt N°0014 du 29/06/2000, Yaya BA c/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, année 2000, p.30.

91CS, arrêt N°41 du 28 juin 2018, Eglise du Christianisme Céleste « la paroisse JEHOVAH ELYON » c/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos 15-16, Année 2018, p.187.

92 CS, arrêt N°19 du 22 mars 2012, Rizare NATRANG C/ Etat du Sénégal, inédit

93 CS, Arrêt N° 36 du 14 juin 2018, Mama moussa DIAW c/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos 15-16, Année 2018, p. 181

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Paragraphe 2 : Les illégalités récemment sanctionnées

Après avoir émis beaucoup de réserves à propos des actes relevant du pouvoir discrétionnaire, le juge a fini par renforcer son contrôle. Le renforcement de son contrôle s'est-il fait par une exigence de motivation de certains actes administratifs mais aussi par l'admission du contrôle de l'EMA dans l'unique but d'éviter l'arbitraire administratif.

A : La sanction du défaut de motivation de certains actes administratifs

En principe, une autorité administrative n'est pas tenue de motives ses décisions. « La motivation, c'est l'exposé des raisons de droit et de fait qui ont déterminé l'autorité administrative à agir »94. Elle n'était pas obligatoire au départ, sauf lorsqu'elle est prévue par un texte. Le juge applique le principe « pas de motivation sans texte ». Mais vu les risques d'arbitraire que peut induire l'action administrative, des dérogations ont été apportées à ce principe. Hormis le cas où elle est exigée par un texte, il existe une autre exception posée par le juge qui vise à exiger la motivation de certains actes. Cette extension faite par le juge sénégalais en matière de motivation des actes administratifs concerne principalement les actes individuels défavorables. Sont soumis à l'obligation de motivation, la décision d'expulsion d'un étranger du territoire national95, la décision de sanction (disciplinaire)96, la décision d'interdiction d'une manifestation pacifique97. L'exigence de motivation de certains actes administratifs à l'avantage d'assurer un minimum de transparence et une bonne administration dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action administrative mais aussi de limiter l'arbitraire administratif.

Par ailleurs, une simple exigence de motivation des actes administratifs pourrait être anodine pour le destinataire de l'acte. C'est pourquoi, le juge ne s'est pas limité à une simple exigence de motivation. Bien sûr, il fait mieux en ce qu'il va « jusqu'à

94 DIEYE (Abdoulaye), « le juge et la motivation des actes administratifs au Sénégal », p.6. http//:www.Sunulex.sn, consulté le 25 décembre 2019

95 CE, arrêt N°0015 du 27 octobre 1993, Seydou Mamadou DIARRA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°8, année judiciaire 1993-1997, juillet 1993

96 CE, 27/4/1994, Ousmane Kane KAMARA et autres, Bulletin N°1 p.64-65. Cité par Papa Mamour SY, « Quelques remarques sur l'institution du recours pour excès de pouvoir au Sénégal », op. cit, p.43

97 CE, arrêt N°0032, LD/MPT C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, année 1999, p.26

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imposer à l'administration une forme de motivation98 » au double niveau. Dans un premier temps, il exige l'administration de motiver suffisamment son acte. Celle-ci doit exposer suffisamment toutes les raisons qui sont à la base de l'acte querellé pour éviter une éventuelle sanction. Dans l'affaire Barthélémy TOYE DIAS contre l'Etat du Sénégal, le juge a annulé la décision administrative pour défaut de motivation suffisante. Pour le juge, « le fait pour un titulaire d'un permis de port d'arme de tirer des coups de feu, pour dissuader une attaque dont il fait l'objet, ne saurait constituer ni un motif suffisante de trouble à l'ordre public, ni une atteinte à la sûreté de l'Etat99 ». Il est clair que dans cette affaire la situation à laquelle faisait face le requérant, l'incitant ainsi d'ouvrir les coups de feu, a pu influencer sur l'insuffisance des motifs invoqués par l'autorité administrative.

Dans un second temps, il est exigé une motivation précise de l'acte administratif. Cette forme de motivation consiste pour l'administration « de permettre aux destinataires de connaitre et comprendre le bien fondé des décisions qui les concerne100 ». Elle vise également à sanctionner toute forme de motivation abstraite comme la motivation basée sur la formule de « nécessités d'ordre public » sans indiquer avec précision ces nécessités. Est ainsi annulée pour défaut de motivation précise, la décision par laquelle : « le ministre de l'intérieur se borne à viser `les nécessités d'ordre public' pour justifier la mesure édictée à l'encontre du requérant sans qu'aucun élément contenu dans la décision elle-même, ou dans un document annexé à celle-ci ne renseigne sur les dites `nécessités' alors que la décision querellée en tant que mesure de police doit être motivée surtout qu'elle est défavorable au requérant puisqu'elle lui retire des avantages liés à son statut de refugié101 ». L'annulation de certains actes administratifs pour violation de l'exigence de motivation à laquelle ils sont assujettis est accompagnée de la sanction de l'acte entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

B : La sanction de l'erreur manifeste d'appréciation

L'erreur manifeste d'appréciation (EMA) est consacrée par le juge de l'excès de pouvoir pour la première fois dans l'arrêt C.I.C.R rendu en 1993. La technique de l'EMA vient renforcer le contrôle du juge dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de

98 DIEYE (Abdoulaye), « Le juge et la motivation des actes administratifs au Sénégal », op. cit, p.6

99 CS, Arrêt N°12 du 23 février 2012, Barthélémy TOYE DIAS c/ Etat du Sénégal, inédit

100 DIEYE (Abdoulaye), « Le juge et la motivation des actes administratifs au Sénégal », op.cit, p.25

101 CE, arrêt N°0015 du 27 octobre 1993, Seydou Mamadou DIARRA C/ Etat du Sénégal, op. cit

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l'administration. Il a retenu dans cet arrêt que : « l'erreur manifeste d'appréciation est une erreur apparente et grave rendant la décision inadaptée aux motifs qui l'ont provoquée »102. Cette cause d'illégalité est soumise à des conditions restrictives conformément au contrôle minimum. N'importe quelle erreur ne peut être sanctionnée. L'erreur doit bien entendu avoir un caractère manifeste. Ainsi, rapporte Georges VEDEL, « est manifeste une erreur qui saute aux yeux sans qu'il soit besoin d'être un expert très averti »103. Cette erreur doit être facile à déceler et, le cas échéant, présenter une certaine gravité pouvant créer une disproportionalité entre l'acte pris et les motifs qui le servent de base. Sa consécration vise à sanctionner l'arbitraire pouvant survenir lors de l'exercice du pouvoir discrétionnaire par l'administration. Cette dernière dispose dans ce domaine d'une liberté d'appréciation quant au contenu qu'il faut donner à l'acte mais elle doit agir conformément aux textes. Le pouvoir discrétionnaire reconnu à l'administration vise à éviter ou lutter contre l'inertie dont pourrait se livrer l'administration si elle est toujours liée par la conduite que lui dictent les textes. Mais, précise Jean Marie WOERHLING, « le pouvoir discrétionnaire ne signifie pas pouvoir arbitraire dont l'administration pourrait faire n'importe quoi »104. Un peu de contrôle visant à sanctionner l'EMA est alors nécessaire pour éviter l'arbitraire administratif dans ce domaine. Le juge exerçant un contrôle minimum gagne aussi à éviter d'entraver l'action administrative.

Il a sanctionné ce vice de légalité dans plusieurs espèces. Cela aussi bien au temps du conseil d'Etat qu'avec la nouvelle cour suprême. Pour le conseil d'Etat, il a annulé dans l'affaire Salif FALL105pour EMA la décision de rétrogradation du requérant

102 CE, arrêt N°14 du 27 octobre 1993, le Comité international de la Croix Rouge (C.I.C.R) C/ Etat du Sénégal,

103 VEDEL (Georges), Droit administratif, Presses universitaires de France, Thémis, 1ère édition, 1958, p.600

104 WOEHRLING (Jean Marie), « le contrôle du pouvoir discrétionnaire en France », p.2. http://www.sunulex.sn. Consulté le 15 juillet 2020 ; Voir également NGAINDE (Moustapha), « Le conseil d'Etat du Sénégal et le principe de l'égal accès des citoyens à un emploi public : A propos de l'arrêt du 29 juin 2000, association nationale des handicapés moteurs du Sénégal contre Etat du Sénégal (Arrêt N°12) », in revue Afrilex, p.17 ; NZOUANKEU (Jacques Mariel), « Remarques sur quelques particularités du droit administratif Sénégalais », p.33. Http:// www.sunulex.sn. Consulté le 15 juillet 2020; VEDEL (Georges), Droit administratif, sous la direction de DUVERGER (Maurice), Presses Universitaires de Paris ? Thémis, p.318

105 CE, arrêt N°0004 du 29/04/1998, Salif FALL C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°1, année 1998, p.2

du fait qu'elle est disproportionnelle aux faits qui lui sont reprochés. Il l'a également sanctionné dans les affaires Société Sonagraines106 et sociétés générale de Banques au Sénégal107. Pour la nouvelle cour suprême, les exemples d'actes administratifs annulés pour EMA ne manquent pas. En effet, on a pu relever entre 2009 à 2018 six (6)

annulation d'actes administratifs sur la base d'EMA

108.

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En somme, tous ces développements relatifs aux traits caractéristiques de l'efficacité du REP révèlent qu'il est une voie de droit très utile pour la consolidation de l'Etat de droit en ce qu'il permet d'assurer le respect de la légalité et la protection des droits des administrés. Les administrés en profitent de sa large ouverture pour combattre l'arbitraire administratif. En sus, il y a un contrôle assez favorable à la protection des droits des administrés fait par le juge de l'excès de pouvoir. En effet, entre 2009 à 2017, le juge a annulé 123 actes administratifs109, soit 14 annulation par an. Ce faible taux d'annulation est du au fait qu'il y a un nombre élevé de déchéance, d'irrecevabilité et de rejet des recours en annulation. Mais aussi parce que le nombre de recours en annulation par an est aussi faible ou, à tout le moins, celui examiné annuellement. Quoiqu'il en soit, le nombre total d'actes annulés atteste que son objectif est quelquefois rempli. Il reste cependant à préciser que ce recours connait également des limites.

106 CE, arrêt N°0008 du 24/06/1998, Société SONAGRAINES C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°1, année 1998, p.6

107 CE, arrêt N°0018 du 29/07/1998, Société Générale de Banques au Sénégal C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°1, année 1998, p.10

108 CS, arrêt N°10 du 5 mai 2009, Salif Diagne C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°1, année judiciaire 2009, p.85 ; CS, arrêt N°10 du 23 février 2012, Ibnou Abath DIA et autres C/ Etat du Sénégal-Biscuiterie WEHBE SARL, inédit ; CS, arrêt N°56 du 13 septembre 2012, Oumar CISSOKHO C/ Etat du Sénégal, inédit ; CS, arrêt N°25 du 22 mai 2014, Hamidou DIALLO C/ Etat du Sénégal-Société FUMOA S.A, inédit ; CS, arrêt N°64 du 29 novembre 2012, La Société Angélique Limited en abrégé A.I.L C/ L'autorité de régulation des marchés publics, dite ARMP-L'agence sénégalaise d'électrification rurale dite A.S.E.R-La société sénégalaise dite Energy service company en abrégé ENCO- la direction centrale des marchés publics en abrégé DCMP, inédit ; CS, arrêt N°53 du 18 octobre 2018, L'institut Pasteur de Dakar (IPD) C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos15-16, année judiciaire 2018, p.196.

109 Voir le rapport annuel de la cour suprême du Sénégal de 2017, p.36

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Deuxième partie : Les entraves à l'efficacité du REP

Le REP en tant qu'une voie de droit visant à assurer le respect de la légalité et la protection des droits des administrés connait beaucoup de limites. Sa mise en oeuvre est toujours délicate voire impossible pour certains administrés. Et même lorsqu'un administré introduit une requête d'annulation, sa requête est souvent rejetée pour irrecevabilité. Il en va ainsi de la portée de la décision du juge qui est aussi limitée. Au regard de ces différentes difficultés, le REP demeure une illusion pour certains administrés.

Chapitre 1 : Les difficultés d'accès au juge et la propension du juge à rejeter les requêtes d'annulation des requérants

L'accès au juge de l'excès de pouvoir et le traitement au fond de la requête en annulation ne sont pas bien garanties au requérant. En effet, ce dernier accède difficilement au juge et, s'il réussi à lui saisir, sa requête est souvent rejetée pour diverses raisons. Ces difficultés auxquelles font face les requérants sont nombreuses et viennent affecter l''efficacité du recours. De même, lorsque sa demande est soumise au juge, l'administré souhaite lui voir statuer sur le fond de la requête. Malheureusement, on note une propension du juge au rejet des requêtes.

Section 1 : Les difficultés d'accès au juge de l'excès de pouvoir

L'accès des justiciables au juge de l'excès de pouvoir sénégalais demeure une véritable casse tête pour les justiciables qui font face à certaines difficultés. Ces difficultés sont nombreuses et variées. Néanmoins, on peut les classer en deux rubriques. Dans la première rubrique, seront mentionnées les difficultés objectives. A l'opposé, seront retenues les difficultés subjectives.

Paragraphe 1 : Les difficultés objectives d'accès au juge

Les difficultés objectives entravant l'accès du justiciable au juge lui font souvent perdre la possibilité de saisir le juge alors qu'il ne s'est pas fait pas de jugement à travers lequel il pourrait s'appuyer pour s'empêcher de recourir au juge. Ces difficultés relèvent principalement d'ordre géographique et technique.

A : Les difficultés géographiques d'accès au juge de l'excès de pouvoir

La distance entre l'instance juridictionnelle et les administrés demeure un indicateur essentiel auquel on peut s'appuyer pour déterminer s'il y a ou non un accès

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facile des justiciables au juge. Cette distance ne devrait pas être longue en vue d'assurer une bonne administration de la justice. Cependant, l'organisation judiciaire sénégalaise, particulièrement celle relative au contentieux de l'excès de pouvoir ne s'est pas inscrite dans une dynamique de raccourcissement de la distance séparant les requérants au juge du fait que la compétence en excès de pouvoir est exclusivement réservée à la cour suprême110 dont le siège se trouve à Dakar111. Les requérants, notamment ceux vivant dans les autres régions du Sénégal autres que Dakar sont confrontés à la difficulté d'accès géographique. La distance qu'ils devront parcourir pour saisir le juge est trop longue. Ils sont également confrontés à des dépenses excessives essentiellement occasionnées par le coût élevé des frais du transport.

Toutes ces situations vont provoquer une inégalité manifeste d'accès au juge entre les administrés qui habitent dans la capitale sénégalaise et d'autres qui vivent dans les autres régions du pays. Les premiers étant moins confrontés à la difficulté d'accès géographique que les seconds saisissent plus le juge que ces derniers. C'est ce que confirment d'ailleurs les données suivantes : « il a été constaté que pour l'ancienne cour suprême, 75% des requêtes venaient de la région de Dakar qui abrite la capitale. Ensuite, entre 1992 et 2008, la tendance s'est confirmée. Enfin, pour la nouvelle cour suprême, entre 2008 et 2012, sur 200 arrêts, la tendance se confirme : 72.5 % viennent de la région de Dakar soit 145 requêtes ; seuls 55 recours proviennent des autres régions dont Thiès (10.5%), Saint-Louis (6%) et Kaolack (3%) soit 19.5% du total. Le reste étant marginal. La tendance n'a pas changé depuis »112. Ces statistiques reflètent une excessive centralisation de la juridiction administrative au profit des justiciables qui habitent dans la capitale.

Pour parer cette contrainte, il importe de désengorger la juridiction administrative suprême en procédant « à la décentralisation du recours pour excès de pouvoir, du moins pour une catégorie d'actes, notamment ceux édictés par les autorités

110 Article premier de la loi organique N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit

111 Article 28 de la loi organique N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit

112 SY (Demba), « Un demi-siècle de jurisprudence en droit administratif sénégalais, de l'émergence à la maturation », op. Cit, p.624

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déconcentrées ou les élus locaux »113. Cette décentralisation du REP est une nécessité compte tenu au nombre de requêtes qui sont soumises au juge. Au delà des difficultés géographiques d'accès au juge, viennent s'ajouter des difficultés techniques.

B : Les difficultés techniques d'accès au juge

Les contraintes techniques susceptibles d'entraver l'accès des justiciables au juge sont de divers ordre. D'emblée, elles se rapportent à « l'ignorance par les justiciables de l'existence du recours »114. Ce dernier conçu comme le moyen le plus efficace pour défendre les droits et libertés des administrés contre les éventuels abus administratifs demeure jusque là méconnu par beaucoup d'entre eux. Du moins, il est essentiellement connu par les juristes. La méconnaissance du REP s'explique par le fait que sa vulgarisation en tant que voie de droit laisse à désirer. En effet, des campagnes de sensibilisation ne sont pas suffisamment faites pour permettre aux administrés de le connaitre. La plupart du temps, elles se font par le biais des colloques qui réunissent les universitaires, les praticiens du droit et les étudiants.

A cela s'ajoute l'inaccessibilité de la jurisprudence. En dépit du fait qu'elle soit une source du droit administratif, la jurisprudence n'est pas bien connue des justiciables. Les décisions rendues par le juge de l'excès de pouvoir ne sont pas toujours ou complètement publiées115. Dans ce cas, les administrés vont ignorer certaines de ses solutions, notamment celles relatives aux revirements de jurisprudence. L'inconvénient est que ces revirements de jurisprudence peuvent intervenir dans un sens favorable à la protection des droits des administrés mais que ceux-ci n'ont pas eu connaissance de leur existence.

113 FALL (Sangoné), discours d'usage prononcé lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur « Le contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S, année judiciaire 2018, p.95 ; www.coursuprême.sn. Consulté le mercredi 25 décembre 2019. Voir COULIBALY (Cheikh Ahmed Tidiane), discours d'usage prononcé lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur « Le contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S, année judiciaire 2018, p.107, www.coursuprême.sn, téléchargé le mercredi 25 décembre 2019.

114 SALL (Macky), allocution prononcée lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur le thème : « Le contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S, p.141. Http// : coursuprême.sn. Consulté le jeudi 11 janvier 2018

115 Entre 2001 et 2008, les décisions rendues par le juge de l'excès de pouvoir n'ont pas été publiées. Pour les autres années, les arrêts rendus en matière d'excès de pouvoir n'ont pas été entièrement publiés.

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En outre, vient s'ajouter la contrainte relative à l'inintelligibilité des arrêts rendus en matière d'excès de pouvoir. Plusieurs facteurs peuvent servir d'explication à cette contrainte. L'essentiel de ces facteurs ont été relatés par le Professeur Demba SY. Ainsi, rapporte t-il, « pour ce qui est de la lisibilité des décisions, il faut dans un premier temps noter que la rédaction des décisions n'étant pas des meilleures, elle ne permet pas toujours de comprendre les faits et les éléments de raisonnement du juge. Il faut ajouter à cela que le langage du juge est souvent incompréhensible. C'est que le style des arrêts du droit administratif peut rebuter les justiciables. Aussi, la motivation des arrêts sous forme de considérants est peu lisible »116. Cette contrainte n'est pas propre au contentieux de l'excès de pouvoir mais concerne plutôt tout le contentieux administratif. Elle découle de la complexité du langage juridique qui demeure incompréhensible par la plupart des justiciables. L'une des principales causes de l'inintelligibilité du langage juridique est qu'il formulé dans une langue étrangère (le français) qui est peu connue des justiciables. Ainsi, le taux d'analphabétisme est certainement élevé au Sénégal mais celui d'analphabétisme juridique est beaucoup plus élevé.

La conséquence de l'illisibilité des décisions est que les administrés peuvent méconnaitre leurs sens. Par conséquent, le juge sera rarement saisi sur la base des solutions qu'il a dégagées. Ils seront amenés à se référer uniquement aux textes pour contester la violation de la loi. Dans cette perspective, l'utilité de la fonction normative du juge sera profondément affectée. Ces difficultés précitées sont accompagnées d'autres difficultés d'ordre subjectives susceptibles également d'obstruer l'accès au juge.

Paragraphe 2 : Les difficultés subjectives d'accès au juge

Les difficultés subjectives d'accès au juge se rapportent à certaines pratiques décourageant les administrés à saisir le juge. Ces pratiques sont essentiellement l'oeuvre de l'administration. Deux principales difficultés peuvent être relevées en ce sens. Il s'agit, d'une part, du phénomène de la politisation de la justice et, d'autres part, des contraintes socioculturelles.

116 SY (Demba), « Un demi-siècle de jurisprudence en droit administratif sénégalais, de l'émergence à la maturation », op. Cit. p. 626

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A : La politisation de la justice

La politisation de la justice est un sujet d'actualité aussi bien au niveau national qu'international. Ainsi, « la question de la politisation de la justice se pose dès lors que le pouvoir exécutif est tenté de contrôler l'activité de la justice »117. Ce phénomène est contraire au principe démocratique de la séparation des pouvoir et de son corollaire l'indépendance de la justice. Cette dernière signifie que : « les juges ne sont soumis qu'à l'autorité de la loi dans l'exercice de leurs fonctions »118. Autrement dit, ils sont soumis à la loi, rien que la loi et toute la loi. Le besoin d'instituer une justice indépendante est une exigence dans tout Etat de droit et surtout à l'heure actuelle où on assiste à un développement fulgurant des droits de l'homme.

Toujours est-il que certaines personnes émettent des réserves à propos de l'institution d'une justice indépendante. C'est ce que retient d'ailleurs Maitre Babacar NGOM lorsqu'il précise que : « l'idée d'une justice autonome et indépendante du pouvoir exécutif suscite une certaine méfiance de la part de beaucoup de personnes. En effet, les magistrats laissés à eux même pourraient être tentés d'abuser de leur pouvoir (...) »119. Il faut convenir avec cet auteur que : « cette situation que l'on qualifie de `' gouvernement des juges» ne devrait pas cependant justifier le refus d'une justice indépendante du pouvoir exécutif »120. L'institution d'une justice indépendante est si nécessaire qu'elle assure une bonne administration de la justice. Sa dépendance vis-à-

117 SY, (Demba), « Ecrire, dire et comprendre le droit administratif en Afrique, une approche juridique et sociologique », in dire le droit en Afrique Francophone, sous la direction de BADJI (Mamadou), DEVAUX (Olivier) et GUEYE (Babacar), Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, in revue Afrilex, Droit sénégalais N°11, 2013, p.301

118 Article 99 de la loi N°2001-23 du 22 janvier 2001portant constitution sénégalaise, J.O numéro spécial 5963 du 22 janvier 2001.

119 NGOM (Babacar), Comment renforcer l'indépendance de la magistrature au Sénégal ?, L'harmattan, 2015, p.109. La méfiance d'une justice indépendante dont parle Maitre NGOM apparait dans les propos de Boubacar ISSA ABDOURAHMANE qui, partant du contexte général africain, précise qu' : « En Afrique, le contrôle de la justice par le pouvoir exécutif est loin d'être une simple illusion de l'esprit. Bien sûr, un peu de contrôle est toujours justifiable par la nature même de la justice, qui après tout reste un service public. Dès lors comment ne pas accepter qu'elle soit subordonnée au pouvoir hiérarchique. Loin de défendre l'idée d'une organisation judiciaire sur laquelle l'Etat n'aura aucune capacité d'orientation et qui pouvait conduire au `'gouvernement des juges» ». Voir ISSA ABDOURAHMANE (Boubacar), « Les juges à l'épreuve de la démocratisation : l'exemple du Niger », in revue Afrilex, N°3, juin 2003, p.4

120 Ibidem

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vis du pouvoir exécutif va légitimement provoquer les soupçons de politisation. Cette dernière apparait généralement dans le cadre des litiges opposants l'administration aux administrés lorsque le juge se réfère aux notions d'ordre public, d'actes de gouvernement etc. pour légitimer des actes administratifs illégaux121. A la vérité, s'agissant de la notion d'ordre public le juge exige parfois une motivation précise et suffisante de l'acte administratif. Néanmoins, certaines décisions ne sont pas à l'abri de tout soupçon. Il en est ainsi de la décision rendue par la cour suprême dans l'arrêt Sidya BAYO rendue en date du 13 janvier 2013 par laquelle elle a validé une motivation fondée sur « les nécessités d'ordre public »122. L'accueil d'une telle forme de motivation par le juge n'est qu'un subterfuge pour éviter l'annulation de l'acte administratif en cause. La motivation fondée sur la seule référence à la notion d'ordre public peut être facilement justifiée par l'autorité administrative même lorsqu'elle n'a pas de motifs valables ou sérieux pour prendre un acte individuel défavorable. Cela se conçoit aisément dans l'arrêt précité en ce que le juge a justifié « la notion d'ordre public » par « la préservation des rapports de bon voisinage ». Le juge peut dans certains cas également refuser d'enrôler les requêtes des requérants dans le but de servir l'administration. Dans cette circonstance, l'administré va attendre longtemps avant que le juge ne répond à sa requête ou, dans le pire des cas, il ne recevra aucune réponse de la part du juge.

Plusieurs facteurs peuvent justifier la politisation de la justice. Ainsi, « elle apparait soit à travers la crainte éprouvée par certains magistrats, de se voir infliger des sanctions de toutes natures, soit à travers l'intime et l'indéfectible conviction d'autres magistrats, selon laquelle les décisions de justice ne devraient pas entraver des décisions administratives ou gouvernementales qui iraient dans un sens prétendument favorable au développement politique et économique »123. Le phénomène de la politisation de la justice

121 FALL (Alioune Badara), « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afriques », in revue Afrilex, Archives-numéro 3, juin 2003, p.14. Voir également GILBERT (Zongo Yabré), « Le juge administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et au Sénégal », op. Cit, p. 326

122 CS, arrêt N°05 du 13 janvier 2015, Sidya BAYO c/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°9-10, année 2015, p.223

123 FALL (Alioune Badara), « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afriques », op. Cit, p.13. Voir également GILBERT (Zongo Yabré), « le juge administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et au Sénégal », op. cit, p.325.

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décrédibilise l'institution judiciaire qui est perçue par les administrés comme étant toujours de connivence avec le pouvoir exécutif auquel elle rend des décisions favorables. Par conséquent, les justiciables vont refuser de saisir le juge malgré l'atteinte portée à leurs droits par une décision administrative. Cette abstention des justiciables à recourir au juge se fait sentir aussi dans le cadre des contraintes socioculturelles.

B : Les contraintes socioculturelles

Les litiges opposants les particuliers entre eux se particularisent par l'égalité des parties au procès. A l'évidence, la partie demanderesse n'éprouvera aucune appréhension pour saisir le juge. En cas de violation de ses droits, elle pourra saisir le juge sans risque de se voir infliger des sanctions de toutes natures. Il n'en va pas ainsi des les litiges opposants l'administration à l'administré lesquels révèle une inégalité juridique au détriment de celui-ci. Cette inégalité découle des PPP que bénéficient l'administration en vue d'assurer sa mission d'IG.

Toutefois, l'usage de ces prérogatives laisse à désirer dans certains cas. Il s'est agit particulièrement du cas où l'administration les utilise pour faire échec à toute éventuelle contestation de ses actes illégaux ou à l'exécution de la décision d'annulation du juge de l'excès de pouvoir. L'inégalité dont il est question ici a probablement pour conséquence « la crainte ressentie le plus souvent par les administrés ou encore par les agents publics lorsqu'il s'agit d'intenter un recours devant les juridictions administratives contre les actes pris par les autorités administratives »124.

Cette crainte s'explique principalement par le fait que : « les populations sénégalaises à l'image de la plupart des populations africaines ont du mal à appréhender le contentieux objectif. En effet, du fait d'une personnalisation exacerbée des fonctions d'autorité, les actes administratifs sont assimilés à leurs auteurs de telle

124 NGAMPIO-OBELE-BELE (Urbain), « Le juge administratif et le principe d'égalité en droit administratif africain francophone », sous la direction de DEVAUX (Olivier) et BADJI (Mamadou), Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, in revue Afrilex, Droit sénégalais N°11, 2013, op. cit, p.223. Le Président de la République du Sénégal a précisé en ce sens lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux que : la faiblesse du contentieux objectif (...) peut s'interpréter de plusieurs manières, parmi lesquelles on peut citer : (...) la peur des représailles de l'autorité dont la décision est contestée ». Voir SALL (MACKY), allocution prononcée lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur le thème : « Le contrôle juridictionnel de l'administration », op. cit, p.141.

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sorte que le recours fait contre un acte est vu par l'autorité signataire comme une attaque à sa personne »125. Papa Oumar SAKHO de renchérir à ce propos que : « dans les rapports entre l'administration et les administrés, la rareté des cas de recours au juge s'explique à la fois par la propension des Etats à utiliser à l'excès les prérogatives de puissance publique et à la faible institutionnalisation du pouvoir qui fait qu'il est difficile, pour un particulier, de contester, même par la voie juridictionnelle, les actes des autorités administratives, le recours contentieux étant perçu, comme tenu de l'extrême centralisation du pouvoir, comme une action dirigée contre le chef de l'Etat »126. En vérité, les autorités administratives ont souvent du mal à accepter qu'un REP introduit par un administré contre leurs actes, leur réputation soit remise en cause alors qu'elles ne cessent d'émettre en toute connaissance de cause des actes attentatoires aux droits et libertés des administrés. Elles utilisent à cet égard des manoeuvres dilatoires pour déconcerter les justiciables désirant contester la légalité de leurs actes.

Cet état des choses demeure antinomique au respect de l'Etat de droit et pourrait inciter les administrés à s'adonner au désespoir. A cet effet, l'introduction d'un REP devant le juge en vue d'annuler un acte administratif illégal est à leurs yeux dépourvue de toute importance car rien n'est plus juste qu'une abstention à saisir le juge pour éviter d'éventuelles représailles. La tendance est donc d'aller voir les autorités religieuses en place ou certaines personnes de haut rang pour essayer de régler le litige qui leurs opposent à l'administration. Et c'est lorsque cela n'aboutit pas à de meilleurs résultats qu'ils vont introduire le REP. Cela va de soi qu'ils soient forclos et qu'en conséquence le juge rejette leur requête d'annulation. Par conséquent, le nombre de recours sera substantiellement réduit. Tous ces facteurs susceptibles de limiter l'accès au juge vont affecter l'efficacité du REP. Ce dernier sera également affecté à cause de la propension du juge à rejeter les requêtes d'annulation des requérants.

Section 2 : La propension du juge à rejeter les requêtes d'annulation

Le juge saisi aux fins d'annulation doit tout d'abord examiner sa compétence. Le souci d'éviter un appauvrissement et une désorganisation du recours amène dans de

125 LAM (Cheikh Tidiane), La modernisation de la justice au Sénégal : vers la recherche de la performance, Sénégal, l'harmattan, 2019, p.141.

126 Voir l'allocution prononcée par Papa Oumar SAKHO lors du colloque international portant sur le thème « Justice et Etat de droit » tenu le 17 et 18 novembre, Dakar, BICS, Nos 6-7, décembre 2015, p.22. http://www.coursuprême.sn. Consulté le mercredi 25 décembre 2019.

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nombreux cas le juge à prononcer l'irrecevabilité du recours. Cette propension du juge à rejeter le recours des requérants semble exagérée en ce sens qu'elle l'empêche de statuer sur le fond de l'acte litigieux mais aussi parce qu'elle entraine l'exclusion de certains actes administratifs du champ d'application du REP. Elle est inadaptée en ce sens aux exigences d'un Etat de droit.

Paragraphe 1 : L'interprétation stricte de la condition organico-formelle

L'interprétation de la condition organico-formelle est très importante pour le dénouement du recours. En revanche, une interprétation stricte n'est pas favorable au développement du REP. Pourtant, l'interprétation que fait le juge de la condition organico-formelle est très stricte.

A : L'interprétation rigoureuse de la condition organique

L'interprétation de la condition organique consiste pour le juge à vérifier si la décision attaquée par le requérant a été prise par une autorité administrative. Cette condition prévue par la loi organique relative à la cour suprême est très restrictive. Aux termes de l'article 74 de la dite loi, « le recours pour excès de pouvoir n'est recevable contre une décision explicite ou implicite de rejet d'une autorité administrative »127. Ainsi formulée, cette condition exclue du champ d'application du REP les actes émanant des organismes privés. Dès lors, seuls les actes pris par les autorités administratives ont un caractère administratif et, par ricochet, contestables en excès de pouvoir.

Par ailleurs, le juge sénégalais admet la recevabilité du REP contre les actes pris par des personnes privées à la seule condition qu'elles bénéficient une délégation de pouvoir. C'est ainsi qu'il a déclaré recevable, dans l'affaire A.S.C Dial Diop128, le recours introduit par la fédération sportive ayant bénéficiée d'une délégation de pouvoir. Cette solution dégagée par le juge a été reprise dans l'arrêt A.S.C PINTHIE contre l'ODCAV de Dakar rendu le 16 mai 2013. Dans cet arrêt, le juge a déclaré irrecevable

127 Article 74 de la loi N° 2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°200835 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit.

128 CE, 27 avril 1994, A.S.C Dial Diop. Cité par Madjiguène DIAGNE, « La contribution du conseil d'Etat sénégalais à la construction de l'Etat de droit », p.4. Http// : www.sunulex.sn. Consulté le mercredi 25 décembre 2019.

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le recours en annulation de l'A.S.C PINTHIE formé contre la décision de l'ODCAV de Dakar, organisme privé, au motif que celui-ci ne bénéficie pas de délégation de pouvoir de la part de l'autorité administrative et ne peut en conséquence prendre des actes administratifs susceptibles de recours pour excès de pouvoir129. Eu égard à ces deux affaires précitées, le juge étend la recevabilité du REP uniquement contre les actes pris par les organismes privés ayant reçu une délégation de pouvoir. Cette extension permet certes de renforcer l'efficacité du REP.

Toutefois, ce dernier serait beaucoup plus efficace s'il est admis contre tout acte pris par une personne privée gérant un service public et disposant à cet effet de PPP comme l'a fait le juge administratif français dans l'arrêt MAGNIER130. L'examen que fait le juge de l'excès de pouvoir sénégalais de la condition organique d'acte administratif susceptible de REP ne va pas dans le sens d'une protection efficace du principe de légalité et des droits des administrés. Il en est de même de la condition formelle.

B : L'appréciation rigoureuse de la condition formelle

La condition formelle est relative à celle qui consiste pour le requérant à introduire sa requête dans le délai de deux mois et aussi à respecter les formalités d'introduction du recours. Pour le délai, le juge doit concilier deux exigences juridiques. D'une part, il doit assurer le respect du principe de sécurité juridique et d'autres part la protection des droits des administrés dans un délai suffisant. L'interprétation de la condition du délai révèle une certaine sévérité de la part du juge. En conséquence, il est amené fréquemment à prononcer l'irrecevabilité du recours d'autant plus que les requérants ont souvent du mal à respecter ce délai.

L'autre contrainte à laquelle sont confrontés les administrés est que le juge apprécie strictement les formalités d'introduction du recours alors même qu'elles sont diverses, sévères et complexes131. Compte tenu de cet état de fait, le législateur avait prévu dans la loi organique de 1996 sur le conseil d'Etat une possibilité de

129 C.S, arrêt N°26 du 16 mai 2013, A.S.C PINTHIE c/ ODCAV de Dakar, B.A.C.S, N°6-7, année 2013, p.122

130 CE, Magnier rendu en 1968

131 SY (Demba), « Recours en matière administratif et accès au juge », B.I.C.S, N°01-02, décembre 2010, p.32. Http// : www.coursuprême.sn. Consulté le mercredi 25 décembre 2019.

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régularisation de procédure132 visant à réduire le nombre d'irrecevabilité. « La procédure de régularisation permet au requérant qui a omis certaines formalités procédurales, ou qui a commis des erreurs, de pouvoir les réparer pour éviter une déclaration d'irrecevabilité »133. Elle offre ainsi au juge l'occasion de statuer sur le fond des requêtes. Par voie de conséquence, l'administré dont la requête a été régularisée pourrait voir une amélioration de sa situation si l'acte attaqué est bien illégal et venait d'être annulé par le juge.

Cependant, cette procédure de régulation a été supprimée de l'ordonnancement juridique depuis 2008 et ce malgré le nombre important de rejet pour irrecevabilité. Les administrés verront fréquemment le juge rejeter leurs recours du fait qu'ils n'ont pas observer cette formalité. La sévérité du juge dans l'interprétation l'incite également à exclure de sa compétence les actes de gouvernement et aussi à soulever l'exception de recours parallèle.

Paragraphe 2 : L'exclusion des actes de gouvernement et de certains actes pour absence de recours parallèle

L'exclusion des actes de gouvernement et de certains actes pour absence de recours parallèle est une pratique faite par le juge administratif depuis l'indépendance. A l'heure actuelle, cette pratique révèle plus qu'une inadaptation de ce recours. Une telle exclusion entraine considérablement la réduction des actes administratifs susceptibles de REP.

A : L'absence de contrôle à l'égard des actes de gouvernement

La définition de la notion d'acte de gouvernement ne va pas sans difficulté. A l'heure actuelle, la jurisprudence et la doctrine n'ont pu donner une définition exacte car il n'y a aucun critère dégagé pour la définition de cette théorie. Par ailleurs, des tentatives de définition ont été proposées par la doctrine. Les définitions données par la plupart des auteurs ont en général un trait commun en ce sens qu'elles précisent la portée de la notion d'acte de gouvernement mais également la qualité des auteurs qui peuvent l'édicter. Ainsi, les actes de gouvernement peuvent être définis comme « des actes pris par les autorités administratives centrales les plus élevées et bénéficiant d'une

132 Voir les articles 15 et 16 de la loi organique n°96-30 du 21 octobre 1996 sur le conseil d'Etat abrogée

133 DIAGNE (Ndèye Madjiguène), les méthodes et techniques du juge en droit administratif sénégalais, op. Cit, p138.

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immunité juridictionnelle »134. Tels que définis, ces actes ne peuvent être soumis au contrôle d'un juge. S'agissant de la jurisprudence, elle se contente généralement à leur énumération. Sont considérés, d'une part, comme relevant des actes de gouvernement les actes relatifs aux rapports entre le gouvernement et les autres pouvoirs constitutionnels. Ainsi, « constitue des actes de gouvernement insusceptibles de recours pour excès de pouvoir, le décret portant fixation de la date du référendum et convocation du corps électoral qui a été pris dans le cadre des pouvoirs constitutionnels du Président de la République, le décret portant organisation du référendum et celui portant publication du projet de loi portant révision de la constitutionnelle ».135De même, relève des actes de gouvernement, « l'acte par lequel le Président de la République convoque l'assemblée nationale en vue de la déclaration de politique générale du Premier ministre136ou d'approbation d'un projet de loi constitutionnel »137 etc.

D'autre part, constituent des actes de gouvernement, ceux pris par le gouvernement dans le cadre des relations internationales. Entre dans ce cadre, la décision prise par le chef de l'Etat du Sénégal, sujet de droit international, de réquisitionner une partie du personnel de l'A.S.E.C.N.A, également sujet de droit international138. La propension du juge à refuser le contrôle d'un acte sous prétexte qu'il est un acte de gouvernement est contraire au respect du principe de légalité et à la protection des droits des administrés lesquels constituent les soubassements de tout Etat de droit.

La théorie des actes de gouvernement présente beaucoup d'inconvénients pour les administrés qui n'ont aucune possibilité de contester par la voie contentieuse la légalité d'une décision administrative à l'évidence illégale. Ainsi, « la théorie des actes de gouvernement est dangereuse pour les libertés individuelles, puisqu'elle prive les administrés

134 SY (Demba), Droit administratif : revue, corrigé et augmenté, op, cit, p.77 ; voir également DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les méthodes et techniques du juge en droit administratif sénégalais, op. cit, p.97

135 Arrêt N°19 du 17 mars 2016, Ousmane SONKO c/ Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), B.A.C.S, Nos 11-12, année judiciaire 2016, p.213

136 CS, arrêt N°04 du 10 janvier 2013, Modou DIAGNE C/Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), B.A.C.S, Nos 6-7, année judiciaire 2013, p.131

137 CS, arrêt N°16 du 23 octobre 2008, Ndèye Fatou TOURE C/ Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), inédit

138 Arrêt N°8 du 27 novembre 2008, A.S.E.C.N.A c/ Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), inédit

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d'un recours normal »139. En écartant toute possibilité de contestation de ces actes, cette théorie apparait inadaptée aux exigences de l'Etat de droit et de son corollaire la démocratie. En sus, sachant que les actes relevant de la catégorie d'acte de gouvernement sont insusceptibles de recours, l'administration pourrait prendre fréquemment des actes en ce sens alors même qu'ils portent atteintes aux droits et libertés des citoyens. C'est à juste titre que Jean WALINE a pu déclarer qu' : « on peut seulement craindre que, dans la pratique, cette absence de toute sanction juridictionnelle rende l'administration moins attentive aux exigences de la légalité lorsqu'elle prend une décision de ce type »140.

Pour déterminer l'existence où non d'un acte de gouvernement, le juge doit procéder à un examen au cas par cas parce qu'il n'y a aucun critère auquel il peut se référer pour déterminer l'existence de l'acte de gouvernement. Quoiqu'il en soit, ce dernier ne peut être décelé que dans les deux domaines précités. La restriction du champ d'application du REP apparait également lorsque le juge fait recours à la condition d'absence de recours parallèle pour rejeter les requêtes des requérants.

B : Le rejet de la requête d'annulation pour non respect de la règle d'absence de recours parallèle

La condition relative à l'absence de recours parallèle a bien existé dans l'ordonnancement juridique jusqu'en 2008. Sa mise en oeuvre consiste à faire du REP, un recours subsidiaire. Suivant cette condition, le REP introduit contre un acte administratif n'est pas recevable si le requérant disposait d'une autre voie de recours juridictionnel devant aboutir aux même résultats. Par ailleurs, même lorsqu'elle était prévue, le juge de l'excès de pouvoir ne l'appliquait toujours pas. C'est ainsi qu'il a déclaré recevable le recours introduit par Babacar LÖ, agent non fonctionnaire, contre un acte administratif détachable du contrat141 qui relève en principe de la compétence du tribunal du travail. En ignorant cette condition dans cette affaire alors que la loi la prévue, le juge élargit sa compétence. Il devrait dès lors contrôler sans gêne les actes administratifs litigieux qui affectent la situation des administrés depuis que le législateur

139 DUVERGER (Maurice), Eléments de droit public, Presses universitaires de France, Thémis, 1957, p.352

140WALINE (Jean), Précis de droit administratif, op. cit, p.377

141 CS, arrêt N°7 Babacar Lo et Abdou Salam Diallo C/ Etat du Sénégal, op. cit,

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a supprimé cette condition142. Rien n'est ainsi puisque le juge continue de l'appliquer. Dans un arrêt rendu en date du 09 JUIN 2009143 le juge a déclaré irrecevable le recours du requérant pour non respect de la condition d'absence de recours parallèle. Le recours à cette théorie semble logique dans cette affaire puisque la demande faite par le requérant visant simultanément l'annulation et la réparation des dommages et intérêts dépasse sans doute les pouvoirs du juge de l'excès de pouvoir qui ne peut statuer qu'en annulation et non en réparation des dommages et intérêts auxquels l'administré aurait subi. Lorsque par ailleurs la demande du requérant vise uniquement l'annulation d'un acte administratif unilatéral illégal, il doit statuer sur sa requête sans se soucier de la situation du requérant. Il continue d'appliquer cette règle d'absence de recours parallèle dans des cas où il peut admettre la recevabilité des requêtes. Par exemple dans l'affaire MBAYE PAYE contre le Maire de la commune de HANN BEL AIR, le juge s'est déclaré « incompétent pour connaitre du litige né d'une décision de mise d'un agent non fonctionnaire à la disposition de la direction des ressources humaines de la commune, laquelle relève, en premier ressort, de la compétence des tribunaux du travail »144 alors que le requérant ne visait dans son recours qu'une annulation de l'acte. L'application de la théorie d'absence de recours parallèle limite considérablement la catégorie des actes administratifs susceptibles de REP. Elle permet certainement de désengorger la juridiction administrative mais les administrés peuvent s'abstenir de saisir un autre juge lorsqu'ils estiment que cette saisine n'aboutirait pas à de meilleurs résultats qu'une abstention.

Toutes ces limites affectant l'efficacité du REP ont un trait commun en ce sens qu'elles vont affaiblir le développement de l'Etat de droit et, partant de ce fait, de la démocratie. Il en ainsi de la protection des droits et libertés des administrés qui demeure affaiblie. Toutefois, elles n'en sont pas les seules puisque le REP connait aussi des limites tenant à la portée de la décision du juge de l'excès de pouvoir.

142 La condition d'absence de recours parallèle ne figurait pas dans la loi de 2008 sur la cour suprême. Elle ne figure non plus dans la loi organique de 2017 sur la cour suprême.

143 Arrêt N°15 du 9 juin 2009, Moussa BA contre Etat du Sénégal, in Bulletin des arrêts de la cour suprême, N°1, année judiciaire 2008-2009, p.107

144 Arrêt N°47 du 13 juillet 2017, MBAYE PAYE C/ Maire de la commune de HANN BEL AIR, B.A.C.S, N°13-14, année 2017, p.240

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Chapitre 2 : Les limites relatives à la portée de la décision du juge

L'analyse de la portée de la décision du juge laisse apparaitre beaucoup d'imperfections. Ces imperfections sont à l'origine de plusieurs facteurs. Par ailleurs, quelque soit la raison, elles viennent amenuiser la portée de la décision du juge. Il s'est agi à cet égard de la restriction de la protection des droits des administrés et des contraintes liées à la célérité du recours et à l'exécution de la décision d'annulation du juge.

Section 1 : La restriction de la protection des droits des administrés

La protection des droits des administrés reste faiblement assurée par le juge dans certaines circonstances du fait qu'il ne peut sanctionner efficacement la violation de ces droits. Le juge est généralement confronté à des difficultés de contrôle surtout pour les actes pris dans le cadre des circonstances exceptionnelles. L'application du principe d'effet non suspensif et la non-spécialisation des juges viennent également restreindre cette protection.

Paragraphe 1 : Le contrôle réduit des actes pris durant les circonstances exceptionnelles

Durant les périodes de circonstances exceptionnelles, les autorités administratives peuvent prendre des actes susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés des administrés. Et lorsqu'il intervient pour annuler un acte pris dans le cadre des circonstances exceptionnelles, le juge ne peut faire qu'un contrôle réduit. Les circonstances exceptionnelles sont celles qui lorsqu'elles surviennent mettent en péril la vie sociale d'un Etat. Pour les dépasser, des régimes d'exception sont prévus par les textes. Le contrôle des actes pris durant les circonstances exceptionnelles doivent être réduit afin d'éviter une paralysie de l'action administrative.

A : L'amenuisement du contrôle des actes pris durant les périodes d'état d'urgence et d'état de siège

L'état d'urgence et l'état de siège sont deux régimes exceptionnels prévus par l'article 69 de la constitution sénégalaise. Leurs modalités d'application sont déterminées par la loi N°69-29 du 29 avril 1969 sur l'état d'urgence et l'état de siège. S'agissant de l'état d'urgence, il « peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République du Sénégal, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre

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public, soit en cas de menées subversives compromettant la sécurité intérieure, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, un caractère de calamité publique »145. Dans le cadre de ce régime, il appartient à l'autorité civile d'instituer des mesures pouvant contribuer efficacement à faire disparaitre la situation anormale. Ces mesures restreignent pour la plupart du temps l'exercice des droits et libertés des administrés.

Pour ce qui est de l'état de siège, c'est l'autorité militaire qui est habilitée en principe à prendre des mesures adaptées à la situation. Il peut être déclaré dans deux cas. Ainsi, aux termes de l'article 15 de la loi de 1969, « l'état de siège peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République du Sénégal en cas de péril imminent pour la sécurité intérieure ou extérieure »146. Il ne peut être prorogé tout comme l'état d'urgence au-delà de douze (12) jours que sur habilitation législative.

Ces deux régimes d'exception ne peuvent être déclarés que par décret. Lorsqu'un de ces régimes est déclaré, il revient à l'autorité compétente de mettre en oeuvre le pouvoir de police conformément aux lois et règlements en vigueur. Celle-ci dispose d'importants pouvoirs pour faire face à la situation exceptionnelle. Ainsi, elle peut prendre des mesures restrictives des droits et libertés concernant par exemple la liberté d'aller et de venir, le droit à la vie privée, le droit à la propriété privée, la liberté de manifestation, de réunion etc. Toujours est-il que la mise en oeuvre de ses pouvoirs ne peut se faire de façon arbitraire. Tout acte édicté par une autorité administrative au-delà des compétences qui lui ont conférées conformément aux règles relatives à l'état d'urgence ou l'état de siège sera sanctionné par le juge de l'excès de pouvoir saisit à la suite d'un REP. La particularité de ces régimes est que certaines décisions administratives illégales en temps normal deviennent légales pendant ces périodes du fait de leur caractère exceptionnel. Il en est ainsi des mesures prises par le Président de la République dans le cadre de ses pouvoirs exceptionnels.

B : La restriction du contrôle des actes du Président de la République pris dans le cadre de ses pouvoirs exceptionnels

Le Président de la république bénéficie de pouvoirs exceptionnels conformément à l'article 52 de la constitution du Sénégal. Il peut les mettre en oeuvre dans des cas

145 Article 2 de loi N°69-29 du 29 avril 1969 portant Etat d'urgence et Etat de siège

146 Article 15 de la loi N°69-29 du 29 avril 1969 portant état d'urgence et état de siège, op.cit

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déterminés. Il en est ainsi lorsque « les institutions de la République, l'indépendance de la nation ou l'exécution des engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu »147. Lorsque ces situations se présentent, le Président de la République seule autorité compétente en ce sens peut intervenir dans son domaine habituel à savoir le domaine réglementaire mais aussi dans le domaine législatif. Ainsi, « il peut, après avoir informé la nation par message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la nation »148. Ce faisant, l'autorité compétente est autorisée à édicter des mesures restrictives de libertés en vue de rétablir la situation anormale. L'octroi de ces pouvoirs au seul Président de la République n'est pas anodin puisqu'il est le garant de l'unité nationale, de l'intégrité territoriale et aussi la clé de voûte des institutions.

Pourtant, les administrés bénéficient des garanties mêmes si ces dernières sont très limitées. Sur le plan formel, le Président de la république doit saisir le parlement pour ratification des mesures de natures législatives dans les quinze jours suivant leur promulgation. Passé ce délai, les décisions prises en ce sens seront caduques. Au moment de la ratification, les parlementaires peuvent les amender ou les rejeter. En sus, il doit adresser un message à la nation afin que le peuple puisse connaitre les raisons pour lesquelles il a fait recours à ses pouvoirs exceptionnels. L'avantage d'un tel message est qu'il va contribuer efficacement au respect des mesures pises par le Président.

Sur le plan juridictionnel, les mesures prises dans le domaine réglementaire restent généralement soumises au contrôle du juge de l'excès de pouvoir. Il n'en va pas ainsi pour celles prises dans le cadre du domaine législatif qui sont insusceptibles de REP dès leur ratification. Cependant, celles n'ayant pas encore faites l'objet de ratification peuvent être soumis au contrôle du juge de l'excès de pouvoir qui, le cas échéant, peut les annuler si elles sont illégales. D'autres facteurs peuvent aussi provoquer la restriction de la protection des droits des administrés. Ils sont relatifs à l'application du principe d'effet non suspensif et de la non-spécialisation des juges compétents en excès de pouvoir.

147 Alinéa premier de l'article 52 de la loi N°2001-23 du 22 janvier 2001 portant constitution sénégalaise, op. cit.

148 Article 52 al.2 de la loi N°2001-23 du 22 janvier 2001 portant constitution sénégalaise, op. cit

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Paragraphe 2 : L'absence d'effet suspensif du recours et la non-spécialisation des juges

Le recours contre l'acte administratif n'est admis qu'après son application par l'administré. Ce dernier doit supporter les conséquences de l'acte s'il est illégal jusqu'à ce que le juge intervienne pour l'annuler ou s'il retiré par l'administration. De même, la non-spécialisation des juges entraine un affaiblissement du contrôle.

A : L'absence d'effet suspensif du REP

En droit privé, les litiges portés devant le juge ont souvent un effet suspensif. En droit public, et particulièrement en matière de REP, les litiges n'ont pas d'effet suspensif sauf exception prévue par les textes149. Le délai de recours et le recours ne sont pas suspensifs en principe. Le requérant doit, a priori, exécuter l'acte administratif qu'il conteste la légalité jusqu'à ce qu'il soit annulé ou retiré respectivement par le juge où l'administration. Cet acte est exécutoire de plein droit. L'administration peut recourir en cas de besoin à l'exécution forcée pour contraindre l'administré à respecter l'autorité de la chose décidée. Ainsi, elle n'a pas besoin de recourir au juge pour cela. L'introduction d'un REP ne suspend pas les effets de la décision administrative qui continue à s'appliquer jusqu'à ce qu'il fasse l'objet d'annulation ou de retrait respectivement par le juge ou l'administration.

Le principe d'effet non suspensif est la conséquence de la règle du privilège du préalable. L'application de cette règle se justifie par la présomption de légalité dont bénéficie tout acte administratif. Présomption qui découle de l'idée selon laquelle l'administration est présumée être de bonne foi. Si l'application du principe de l'effet non suspensif est favorable à l'administration et à l'administré bénéficiaire, le cas échéant, de l'acte administratif dont la légalité est contesté, elle est souvent défavorable au requérant.

L'administré est alors condamné à subir les effets d'un acte administratif même illégal. Qui plus est, cet acte bien qu'illégal n'est extirpé de l'ordonnancement juridique qu'après une durée parfois trop longue rendant ainsi sans effets réels la décision d'annulation. Ameth Ndiaye précise à cet effet que : « deux problèmes naissent de ce

149 Aux termes de l'article 74 de la loi organique sur la cour suprême de 2017, op.cit : le délai de recours et le recours pour excès de pouvoir ne sont pas suspensifs sauf en cas de déclaration d'utilité publique, d'expulsion d'un étranger ou d'extradition.

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constat, le justiciable doit en théorie supporter les conséquences de cette décision jusqu'à ce qu'elle soit annulée, ou non, par un juge. Une décision administrative qui serait manifestement illégale devrait donc être appliquée. De plus, si la décision du juge entrainant l'annulation de la décision doit théoriquement permettre un retour à la situation antérieure, certains actes peuvent créer des dommages difficilement réversibles »150. Même lorsque le juge parvient à statuer dans le plus bref délai, l'administré pourrait subir des dommages. En ce sens, la protection des droits des administrés demeure ébranlée parce que : « le caractère non suspensif de la quasi-totalité des recours rendait la démarche contentieuse peu attractive »151. La non-spécialisation des juges compétents en excès de pouvoir peut aussi avoir des répercussions négatives sur la protection des droits et libertés des administrés.

B : La non-spécialisation des juges

Au Sénégal, le contentieux de l'excès de pouvoir n'est pas nécessairement l'affaire de magistrats spécialisés. En général, aucune spécialisation n'est exigée aux magistrats lors de leur promotion à la cour suprême. Qui plus est, « (...) la formation de base étant généraliste et, le premier contact avec ce contentieux ne se faisait qu'enfin de carrière à la cour suprême »152. A cet effet, les magistrats ayant une formation de base en droit privé peuvent être appelés à statuer sur les litiges relevant du contentieux de l'excès de pouvoir. La non-spécialisation des juges apparait au double niveau. Comme l'a précisé le Professeur Babacar KANTE, « c'est un juge doublement non spécialisé qui est compétent en matière administratif au Sénégal. Il n'est ni spécialisé en droit administratif de par sa formation, ni spécialisé dans les litiges administratifs dans l'exercice de ses fonctions. Tout d'abord, le juge sénégalais est privatiste de formation en général. (...). C'est un juge, technicien du droit privé qui statue sur les litiges »153.

La non-spécialisation des juges aura des répercussions sur la qualité de leurs décisions. Au regard de certaines solutions données par le juge, on a l'impression qu'il

150 NDIAYE (Ameth), « Le référé administratif en Afrique », op. cit, p.4

151 MALLOL (Francis), « `'Veuillez patienter» : regard dubitatif sur la qualité et la célérité de la justice administrative », In revue française d'administration publique, N°159, 2016,, p. 777

152 FALL (Sangoné), discours d'usagers prononcé lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur « Le contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S, 2018, p.95, http// :www.coursuprême.sn, consulté le 5 janvier 2020.

153 KANTE (Babacar), Unité de juridiction et droit administratif : l'exemple du Sénégal, op. cit, p.348 ; voir SY (Demba), « Dire et écrire le droit administratif en Afrique », in revue Afrilex, p.294

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ne maitrise pas bien certaines techniques de contrôle de légalité. Sa non-spécialisation influe parfois sur la qualité des décisions rendues dans le cadre du contrôle de légalité. Par exemple, dans un arrêt rendu le 28 octobre 2008154, le juge a confondu le vice de forme au vice de procédure. En se laissant emporté par la qualification donnée par le requérant au moyen d'annulation, il a fini par faire un raisonnement inexact en ce sens qu'il se fonde sur un vice autre que celui qu'il aurait dû se baser pour annuler l'acte. Ainsi, l'acte devrait être annulé non pas sur la base d'un vice de forme mais plutôt sur le fondement d'un vice de procédure. A l'analyse de certaines décisions rendues par le juge, aucune différence n'est faite par le juge entre le vice de procédure et le vice de forme.

Par ailleurs, l'inconvénient de l'absence de spécialisation des juges est qu'il leur est difficile de se départir des solutions dégagées par le juge administratif français, et donc de participer à la formation d'un droit administratif autonome. Ainsi, les juges non spécialisés peuvent également rendre des décisions préjudiciables aux justiciables et qui auront des impacts sur le développement du droit administratif. A côté de ces difficultés, viennent les contraintes liées à la célérité du recours et à l'exécution de la décision d'annulation

Section 2 : Les difficultés relatives à la célérité du recours et à l'exécution de la décision d'annulation

Le principe du droit à un procès équitable s'impose à tous sans exception. Sa violation est contraire aux exigences de l'Etat de droit. Il n'est toutefois pas assuré du fait de certaines difficultés. Ces dernières sont relatives à la célérité du recours et à l'exécution de la décision d'annulation.

Paragraphe 1 : Les difficultés relatives à la célérité du recours

L'examen du recours connait une problématique majeure : celle de la promptitude dans le rétablissement de la légalité violée. Cette difficulté est présente depuis l'indépendance du pays et se profile encore dans la plupart des décisions rendues par le juge. Elle résulte du fait qu'il y a un allongement de la durée d'examen des requêtes et aussi de la décision implicite de rejet.

154 CS, arrêt N°14 du 28 octobre 2008, Collectif des cadres de l'ARD de Dakar C/ le président du conseil d'administration de l'ARD, B.A.C.S, N°1, 2008, p.102

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A : Le traitement prolongé de la requête en annulation

Lorsque sont en cause les droits et libertés des administrés, le juge saisi aux fins de rétablissement de leur situation doit statuer dans le plus bref délai. Il doit en effet rendre sa décision dans un délai raisonnable conformément aux articles 9 (alinéa 3) et 7 respectivement du pacte international relatif aux droits civils et politiques155 et de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples156. Le caractère raisonnable auquel il est fait référence ne s'oppose pourtant pas à ce que le juge puisse disposer d'un temps suffisant pour statuer sur une requête en annulation. Bien sûr, il doit justement veiller au raccourcissement du délai d'examen des requêtes en annulation afin d'assurer une bonne administration de la justice. C'est dans ce sens que Jean Marc SAUVE a pu retenir qu'« une justice efficace doit, en premier lieux, être une justice rendue en temps utile. Il ne s'agit pas de promouvoir un traitement expéditif des affaires, qui serait tout à fait contre-productif, mais il s'agit d'assurer que le temps de la procédure juridictionnelle correspond à celui des parties et de la société dans son ensemble »157. La durée à laquelle le juge rend ses décisions doit avoir un impact réel sur la situation des administrés. Il n'en est pourtant rien ainsi en matière de REP car le délai de traitement des requêtes en annulation est excessivement long. Que ce soit une décision d'annulation ou une décision de rejet, le constat est que le juge se prononce souvent après une période très longue.

La durée de traitement des requêtes varie d'une affaire à un autre mais aussi d'une juridiction à une autre. Une analyse globale prenant en compte la durée d'examen des requêtes de chaque juridiction serait beaucoup plus pertinente en ce sens qu'elle permette de connaitre approximativement le délai de traitement des requêtes. Ce délai varie suivant la juridiction existante à un moment donné dans le pays. En effet, « l'ancienne cour suprême rendait ses décisions, en moyenne, dans une durée de deux (2) à trois (3 ans). Pour le conseil d'Etat la durée des instances était de deux (2 ans) tandis que pour la nouvelle cour suprême, elle, varie entre (7) et huit (8) mois »158.

155 Alinéa 3 de l'article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966

156 Article 7 de Charte africaine des droits de l'homme et des peuples entrée en vigueur en 1986

157 SAUVE (Jean-Marc), « la qualité de la justice administrative », in revue française d'administration publique, N°159, 2016, p.669,

158 SY (Demba), « Un demi siècle de jurisprudence en droit administratif sénégalais : De l'émergence à la maturation », op. cit, p. ; Voir KANTE (Babacar), Unité de juridiction et droit administratif : l'exemple du Sénégal, op.cit, p.117

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Cette durée a connu certainement une baisse constante au cours de ces trois périodes. Force est de constater qu'elle est excessive si l'on tient compte de l'impérieuse nécessité de protection des droits des administrés dans un délai moins long.

L'allongement de la durée d'examen des requêtes en annulation peut être dû au fait que la cour suprême est appelée seule à statuer sur plusieurs affaires. Les difficultés n'y manqueront toujours pas puisque les requêtes en annulation augmentent de plus en plus. Cet état de fait révèle à l'évidence une lenteur de la justice administrative, plus particulièrement en matière de REP. Cette lenteur affecte incontestablement l'efficacité de la justice et particulièrement celle du REP. Ainsi, « le fait de rendre la justice avec une certaine célérité est un gage de réponse adaptée pour le justiciable ; plus la décision est rendue tardivement, moins elle a un sens pour les parties »159. Au-delà de cette difficulté, s'ajoute une autre contrainte relative à l'allongement de la décision implicite de rejet.

B : L'allongement de la décision implicite de rejet

Lorsque l'autorité administration saisie par le requérant aux fins de retrait d'un acte administratif n'a pas répondu au bout de quatre mois, son silence vaut décision implicite de rejet. Ainsi, « la règle du silence valant refus permet dès lors au demandeur d'obtenir une décision implicite liant le contentieux et d'éviter ainsi que l'inertie de l'administration ne le prive indéfiniment du droit à un recours juridictionnel »160. Par cette règle, le législateur entend assurer l'accès des requérants au prétoire du juge.

Cependant, si l'institution de la décision implicite de rejet est tentante, le délai de quatre mois auquel elle est enfermée est excessivement long. Dans cette situation, le recours administratif dont l'un des principaux objectifs consiste à désengorger la juridiction suprême ne sera qu'une perte de temps pour le requérant. Il protège paradoxalement l'administration au détriment de l'administré du fait que la décision implicite de rejet intervenue à la suite du RAP empêche un prompt rétablissement de la légalité violée et, par voie de conséquence, laisse perdurer dans l'ordonnancement juridique certains actes administratifs manifestement illégaux. C'est d'autant plus vrai

159 PAULIAT (Hélène), « La mission permanente d'inspection de la justice administrative : un rôle centrale dans l'évaluation de la qualité de la justice administrative ? », in revue française d'administration publique, p.810

160 Collectif, « L'application du nouveau principe «le silence de l'administration vaut acceptation» », la documentation française, les études du conseil d'Etat, 2017, p.9

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que la jonction du délai de quatre mois à celui de la décision d'annulation rendue par le juge laisse l'administré dans une situation d'insécurité juridique assez longue.

Par ailleurs, « le raccourcissement du délai de la décision implicite de rejet serait intéressant à explorer compte tenu de sa durée assez longue de quatre mois, dans un contexte où la vitesse du temps constitue un paradigme de notre civilisation »161. Le législateur français est allé dans ce sens en rétrécissant le délai de la décision implicite de rejet. Ainsi, ce délai est passé de quatre mois à deux mois depuis l'année deux mil. Mieux encore, il vient limiter l'inaction de l'administration en l'obligeant désormais de répondre avant l'expiration du délai de deux mois prévu. Ce frein à l'inaction de l'administration s'est-il réalisé par la consécration d'un nouveau principe selon lequel le silence gardé par l'administration au bout de deux mois vaut décision d'acceptation et non plus de rejet. Ce principe est en parfaite corrélation avec l'adage « qui ne dit mot consent » généralement inappliqué en matière juridique. Il renforce la protection des droits des administrés du fait qu'il permet d'encourager les administrés à trouver une solution amiable avec l'administration avant de saisir le juge, toute chose qui permet de désengorger la juridiction administrative. Mis à part ces difficultés, il existe d'autres qui sont relatives à l'inexécution de la décision d'annulation.

Paragraphe 2 : Les difficultés liées à l'exécution de la décision d'annulation

Une décision d'annulation intervenue à la suite du REP n'a d'effet réel à l'égard du requérant que lorsque l'administration procède à son exécution. Malheureusement, cette décision bute dès fois sur des difficultés d'exécution. Ces difficultés sont relatives, d'une part, à la réticence de l'autorité administrative à l'exécution de la décision d'annulation. Ce refus d'exécution de la décision annulée est contraire au respect du principe de l'autorité de la chose jugée. Principe selon lequel la décision d'annulation s'impose à tout le monde sans exception. Autrement dit, elle a effet erga omnes. D'autre part, les difficultés d'exécution sont indépendantes de la volonté de l'autorité administrative.

161 FALL (Sangoné), discours prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux portant sur « Le contrôle juridictionnel de l'administration », RACS, jeudi le 11 janvier 2018, p.95. Consulté le 25 mars 2020.

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A : La réticence de l'autorité administrative à l'exécution de la décision d'annulation

En droit sénégalais, l'exécution de la décision d'annulation dépend du bon vouloir de l'autorité administrative. Il ne devrait y avoir aucune crainte à ce propos puisque l'administration est présumée être de bonne foi. Force est de constater qu'elle refuse parfois d'exécuter la décision annulée par le juge de l'excès de pouvoir qui n'a malheureusement pas de pouvoirs pour la contraindre à l'exécuter. Des limites juridiques lui sont imposées en ce sens. Elles se rapportent, d'une part, à l'interdiction qui lui a été faite de prononcer des injonctions contre l'administration. Aux termes de l'article 74 du code des obligations administratives : « le juge ne peut pas adresser des injonctions à l'administration. Il ne peut pas la condamner directement ou sous astreinte à une obligation de faire ou de ne pas faire »162. D'autre part, il est interdit tout recours à l'exécution forcée contre l'administration en vue de la contraindre à exécuter une décision d'annulation. En effet, le requérant ne peut pas utiliser des voies d'exécution forcée contre l'administration. Cette dernière bénéficie d'une immunité d'exécution qu'elle tienne des dispositions de l'article 194 alinéa 2 du code des obligations civiles et commerciales163. L'interdiction d'exécution forcée contre l'Etat est bien défendue par les pouvoirs publics. C'est le cas de l'actuel Président de la République du Sénégal en l'occurrence son excellence Monsieur MACKY SALL qui a soutenu lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux qu' « autoriser l'exécution forcée contre l'Etat, ce serait porter atteinte à la souveraineté de l'Etat ; ce serait perturber le bon fonctionnement du service public »164. Au regard de cette immunité d'exécution, il reste que le juge est impuissant face au refus d'exécution de la décision d'annulation car ne disposant pas de pouvoir d'injonction contre l'administration.

Par ailleurs, pour que l'administration exécute la décision d'annulation, « le juge devrait lui-même apprécier si sa décision est susceptible d'exécution immédiate, si elle doit être assortie de délais »165. A défaut, « le juge devrait être, dans cette fonction

162 Article 74 de la loi N° 2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965 portant code des obligations de l'administration, op.cit.

163 Article 194 al. 2 du code des obligations civiles et commerciales

164 SALL (Macky), allocution prononcée lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur le thème : « Le contrôle juridictionnel de l'administration », op. cit, p.139

165 DEBBASCH (Charles) et RICCI (Jean Claude), Précis de contentieux administratif, op. cit, p.463

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d'exécution des jugements, aidé par le législateur »166. Hélas, ils font souvent preuve d'insouciance à cet égard. Toujours est-il que l'inaction du juge semble néanmoins se justifier par le fait que le législateur lui a barré la route si bien qu'il s'estime incompétent pour prononcer des injonctions contre l'autorité administrative récalcitrante. Le juge a exprimée clairement son incompétence dans l'affaire MALCHAIR lorsqu'il précise : « qu'il n'appartient pas à la cour suprême statuant en matière d'excès de pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration ; qu'elle peut seulement se prononcer sur la légalité des décisions administratives qui lui sont déférées »167. Le juge de l'excès de pouvoir n'est pas toujours indifférent à la violation de la chose jugée. Ainsi, il a considéré dans l'affaire opposant la Société Ibéro pour la Pêche en Atlantique à l'Etat du Sénégal : « qu'en procédant à cet examen, notamment en confirmant la décision de l'inspecteur du travail qui lui était déférée, le ministre a statué de façon irrégulière, cette irrégularité pouvant cependant être réparée, l'autorité administrative étant en mesure en l'espèce de statuer à nouveau sans violation de la chose jugée »168. Ce cas d'inexécution bien que rare au Sénégal n'en demeure pas moins inexistant. Récemment dans l'affaire Bouré DIOUF et autres, l'autorité administrative sénégalaise en l'occurrence le ministre de l'éducation nationale n'a pas caché son intention d'aller à l'encontre de la décision d'annulation rendue par le juge. Cette attitude du ministre pourrait encourager d'autres autorités administratives à fouler aux pieds le principe de l'autorité de la chose jugée. Pour éviter l'exécution de la décision annulée, l'administration se tourne parfois vers le législateur en lui demandant de valider l'acte administratif. Au lieu d'instituer des mesures dissuasives à l'inexécution d'une décision d'annulation, le législateur vient poser des limites au juge et parfois, il valide l'acte administratif litigieux. Dans la foulée de son refus d'exécution de la décision d'annulation, l'administration n'hésiterait pas de reprendre l'acte litigieux. Cependant, l'inexécution des décisions du juge ne provienne toujours pas de la réticence de l'administrative. En effet, d'autres difficultés d'exécution sont extérieures à l'administration.

166 Ibidem

167 CS, 26 janvier 1972, MALCHAIR, Cité par BOCKEL (Alain), Recueil de jurisprudence administrative sénégalaise : 1960-1974, N°1, p.57

168 CE, arrêt N°32 du 24 novembre 1993, Société Ibéro pour la Pêche en Atlantique C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°12.

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B : Les difficultés d'exécution extérieures à la volonté l'administration

D'énormes difficultés d'exécution de la décision d'annulation demeurent indépendantes de la volonté de l'administration. D'emblée, il faut noter la difficulté objective d'exécution de la décision d'annulation. Cette difficulté d'exécution demeure l'hypothèse la plus récurrente car le juge rend souvent ses décisions après une très longue durée. L'inconvénient est que même si l'administration a bien l'intention d'exécuter la décision annulée, elle serait dans l'impossibilité puisque sa décision a été totalement exécuter. Cette décision ne sera pas susceptible de produire les effets escomptés. Elle regorge tout au plus « une vertu purement symbolique car intervenant le plus souvent bien après du fait de la lenteur des procédures »169. Les décisions d'annulation rendues tardivement par le juge de l'excès de pouvoir demeurent insusceptibles de produire des effets réels. Cela est beaucoup plus fréquent dans le cadre des libertés publiques. La plupart des décisions juridictionnelles annulant un acte administratif qui aurait porté atteinte à une liberté publique ne permettent pas d'améliorer la situation des requérants en ce qu'elles interviennent tardivement. Dans l'affaire opposant Aliou TINE à l'Etat du Sénégal170, le juge a annulé la décision de l'autorité administrative au bout de onze (11) mois et demi. Cette décision ne peut faire l'objet d'exécution par l'administration du fait qu'elle est intervenue tardivement. Cet état de fait a été décrit également par Idrissa SOW à propos de la décision rendue par le juge dans l'arrêt Amnesty international Sénégal rendu en date du 9 juin 2016. Selon cet auteur, « Cette décision remarquable n'aura eu malheureusement qu'une valeur symbolique ou tout au plus pédagogique, vu que la cour suprême s'est prononcée plus d'un an après la date à laquelle la marche était programmée »171. Ces décisions ne peuvent assurer la protection des droits des administrés.

Il en est de même en matière de concours dont certaines décisions d'annulation peuvent demeurer également anodines. Ces décisions peuvent avoir une valeur pédagogique comme c'est le cas pour certaines décisions rendues dans le cadre des libertés publiques.

169 SOW (Idrissa), discours sur « Le suivi de l'exécution des décisions de la cour suprême », Actes d'atelier d'échanges, 3 et 4 mai 2019. http://www.coursuprême.sn. Consulté le 25 décembre 2019.

170 CS, arrêt N°35 du 13 octobre 2011, Alioune TINE, Président de la rencontre africaine des droits de l'homme(RADDHO) C/ Etat du Sénégal, inédit

171 SOW (Idrissa), discours sur « Le suivi de l'exécution des décisions de la cour suprême », op.cit,

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Au titre des difficultés d'exécution extérieures à l'administration, s'ajoutent celles provenant du justiciable. La décision d'annulation n'a d'importance autant que le requérant en profite de son exécution. Or celui-ci semble se désintéresser parfois de son exécution. Ainsi, « dans le contentieux sénégalais de l'excès de pouvoir et dans la majorité des pays africains, il est significatif que le requérant soit couramment satisfait de la victoire morale que lui procure l'annulation. En effet, celui-ci ne se soucie guère de l'exécution proprement dit du jugement. Car le plus souvent, le justiciable ne sait pas que l'arrêt d'annulation rendu par la cour suprême doit être exécuté par l'administration »172. Il est dans l'intérêt de celui-ci de poursuivre l'exécution de la décision annulée rendue à son profit. Ce cas d'inexécution des décisions d'annulation est rarissime à l'heure actuelle.

Bien qu'il présente certains traits qui caractérisent son efficacité, le REP connait néanmoins d'importantes limites. Il demeure théorique à cet égard pour certains justiciables qui ne peuvent pas l'utiliser. Ces limites viennent affecter son efficacité ou à tout le moins certaines de ces caractéristiques. Ce qui diminue substantiellement son intérêt en tant que recours d'utilité publique.

172DIAGNE (Mayacine), L'efficacité du contrôle contentieux exercé sur l'administration sénégalaise, Thèse de Doctorat d'Etat, Aix-en Provence, 1990, p.281. Cité par COULIBALY (Babakane), « Le juge administratif, rempart de protection des citoyens contre l'administration en Afrique noire francophone, in revue Afrilex, p.31

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Conclusion

L'analyse de l'efficacité du REP au Sénégal est d'une grande complexité du fait que beaucoup de décisions ont été rendues en matière d'excès de pouvoir. De même, des réformes ayant des liens étroits avec ce recours ont également été entreprises. Ces réformes et décisions rendues constituent les éléments auxquels on s'en est référé pour analyser le sujet objet d'étude.

Le REP n'est que la traduction de la sacralité du principe de légalité et des droits des administrés que tout Etat de droit entend assurer pour éviter, limiter voire sanctionner l'arbitraire administratif. Il se profile ainsi comme une voie de droit essentielle à laquelle les administrés peuvent utiliser pour combattre l'arbitraire administratif. C'est dire par là que l'administration agissant par des actes administratifs unilatéraux n'est pas libre de faire ce qu'elle veut. Bien sûr qu'elle doive se conformer aux normes juridiques, faute de quoi son acte sera frappé d'une sanction d'annulation. Les administrés peuvent grâce au REP combattre efficacement tous comportements malveillants de l'administration lorsqu'elle émet des actes juridiques.

Toutefois, ce recours connait beaucoup de limites. Ces limites dont l'essentiel a été développé plus haut amènent parfois les administrés à se détourner de cette voie de droit. Le plus souvent, ils font recours aux modes alternatifs de règlement des litiges ou dans le pire des cas, ils s'abstiennent. Les modes alternatifs de règlement des conflits auxquels ils ont tendance à recourir concernent les recours administratifs préalables, notamment le recours gracieux ou hiérarchique. Ces recours demeurent des préalables au contentieux de l'excès de pouvoir.

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Cependant, les administrés peuvent se limiter à ces recours même s'il y a liaison du contentieux. Cela parait évident à cause de la pluralité des difficultés qu'ils peuvent rencontrer dans le cadre du contentieux de l'excès de pouvoir. Et c'est là le souci car l'usage du RAP n'est pas mauvais en soi mais c'est plutôt le fait qu'un justiciable refuse de saisir le juge alors même qu'il a la possibilité de le saisir à la suite d'un RAP. Il reste à préciser en ce sens que ces recours quoiqu'importants connaissent néanmoins des limites. Comme l'indique Jean WALINE, « les recours administratifs, gracieux ou hiérarchiques, peuvent se fonder sur des considérations d'opportunité et d'équité ; ils ne tendent pas nécessairement à assurer le respect de la légalité par l'administration »173. Ces recours aboutiront difficilement à leur finalité puisque de telles considérations demeurent très délicates à assurer. Et lorsqu'ils aboutissent à des résultats, ces recours peuvent connaitre des limites notamment en ce qui concernent leurs effets. Il en est ainsi de l'acte abrogé qui ne peut produire d'effets que pour l'avenir.

Les administrés préfèrent, dans certains cas, recourir à la médiation. Cette dernière est une nouvelle forme de contrôle de l'action administrative qui a été formalisée au Sénégal suite au renouveau démocratique comme il a été ainsi dans la plupart des pays africains. Ainsi, « transposée dans le cadre étatique, la médiation apparait comme un moyen moderne de contrôle de l'administration, et un mécanisme protecteur des citoyens, moins formaliste et moins onéreux que les moyens classiques, qui affichent un net recul d'efficacité »174. Elle est une exigence des populations qui, a un moment donné, ont voulu une modernisation du contrôle de l'action administrative dont le but est d'apporter plus d'efficacité. La médiation se présente à cet effet comme une solution aux déboires des recours juridictionnels, et particulièrement du REP. En lieu et place du juge administratif, certains requérants préfèrent saisir le médiateur en premier ou s'en limiter à lui. Pourtant, les pouvoirs du médiateur sont beaucoup plus limités que ceux du juge de l'excès de pouvoir. A l'évidence, le REP devrait apporter beaucoup plus de satisfaction aux requérants que la médiation si l'on s'en tient aux pouvoirs des deux organes.

Par ailleurs, certains administrés manifestent de plus en plus leur préférence pour le REP au détriment des autres voies de droit. On le conçoit fort bien lorsque leurs

173 WALINE (Jean), Précis de droit administratif, op, cit, p.645

174 ACKA (Félix Sohuily), « Un médiateur dans les institutions publiques Ivoiriennes : l'organe présidentiel de médiation », in revue Afrilex, 2001/01, p.4

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requêtes sont rejetées sur le fondement de l'absence de recours parallèle175 ou lorsqu'ils saisissent directement le juge de l'excès de pouvoir sans passer par les modes alternatifs de règlement des conflits. Cet état de fait atteste que le REP demeure un recours privilégié des administrés. Ce faisant, ses failles devrait être éliminées afin qu'il puisse jouer son rôle d'utilité publique. Il urge, tout d'abord, de procéder à la socialisation juridique des requérants en organisant des campagnes de sensibilisation sur l'existence et l'utilité du REP. Travail de long haleine auquel les pouvoirs publics, les juristes etc. devront s'atteler en vue d'assurer une large diffusion de ce recours. La publication régulière des arrêts devient ainsi un impératif pour la connaissance effective des normes jurisprudentielles applicables en matière de REP. L'idée est de mobiliser davantage les administrés, que ce soit ceux qui manifestent leur préférence pour le REP ou d'autres qui s'intéressent peu ou prou à ce recours, à participer au combat contre l'arbitraire administratif afin que ce recours soit beaucoup plus utile.

De même, les procédures auxquelles l'administré est assujetti dans le cadre de l'introduction de ce recours méritent d'être simplifiées pour éviter ou, du reste, diminuer les rejets des requêtes pour irrecevabilité ou déchéance. Le juge doit également mener une politique jurisprudentielle plus souple dans le cadre de la recevabilité du recours.

En sus, le contrôle juridictionnel devrait être amélioré. Pour ce faire, le délai de traitement des requêtes en annulation devrait être moins long afin que ce recours puisse produire des effets utiles à l'égard des administrés. Le juge doit disposer des pouvoirs d'injonction pouvant lui permettre de contraindre l'administration d'exécuter la décision d'annulation si elle tente de se soustraire au respect de l'autorité de la chose jugée. A cet effet, une réforme visant à renforcer les pouvoirs du juge dans le cadre de l'exécution de la décision d'annulation doit être faite.

La réalisation de ces perspectives requiert beaucoup d'effort de la part de tous les acteurs intervenant dans le cadre du REP. Ces derniers devront jouer pleinement leurs rôles et assumer leur responsabilité.

175 Voir supra, pp.55 et 56

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Wébographie

86

www.coursuprême.sn www.sunulex.sn www.gouv.sn






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus