UNIVERSITE ALIOUNE DIOP DE BAMBEY
![](L-efficacit-du-recours-pour-excs-de-pouvoir-au-Sngal1.png)
UFR : ÉCONOMIE, MANAGEMENT ET INGÉNIERIE
JURIDIQUE DÉPARTEMENT : INGENIERIE JURIDIQUE
MÉMOIRE
Présenté par
DIACARYA COLY
Pour l'obtention du diplôme de
Master 2 Droit Public
Spécialité: Administration
publique
SUJET : L'efficacité du recours pour excès
de pouvoir au Sénégal
Soutenu à Bambey, le 02 novembre 2020 devant le
jury composé de : Président : Dr. Abdoul Aziz Mbodj
Directeur de mémoire : Dr. ZEYNABA
KANE
Examinateur : Dr. Seydou Nourou SALL .
Année 2019-2020
1
2
« La faculté n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ;
ces opinions doivent être considérées comme propres
à leurs auteurs ».
3
Dédicace
Je dédie ce mémoire à :
> Mon très cher papa Omar Lamine COLY,
> Ma très chère maman Montan BODIAN,
> A mon très cher oncle Nfansou COLY qui nous a
quitté il y a de cela quelques
années.
> Mes frères, soeurs et proches (Abdoulaye COLY,
Mamadou Lamine COLY,
Ramatoulaye COLY, Siré COLY, Dieynaba COLY,
Diéré COLY, Bacary
COLY, Mamina COLY, Ibrahima SANE et Dianker DIEDHIOU),
> Tous mes oncles (Insa COLY, Salif BODIAN, Bacary BODIAN,
Moussa
BODIAN, Fakéba BODIAN, Karfa BODIAN),
> Mes amis (Amissa SANJA DIATTA, Barham DIOP, Moustapha BA,
Amadou
TAMBA, Chérif BADJI, Aliou CISS, Omar CISSE, Ababacar
SAGNANG),
> Mes camarades de chambre à Bambey (Sény
DIEDHIOU et Nicolas DIATTA),
> Toute la famille COLY de Diacoye BANGA résidente
à PASSY,
> Toute la famille DIEDHIOU de Diacoye BANGA résidente
à Thiès (Cité
Senghor 1),
> Toute la famille DIEME de EBINKINE résidente à
Pakour,
> Toute la famille SANE de Mangoulène résidente
à Bignona(Nématoulaye),
> Toute la famille DIEDHIOU de TENDINE résidente
à Dakar,
> Tous les étudiants ressortissants de la commune de
Passy à Bambey.
4
Remerciements
Ce mémoire est réalisé grâce aux
conseils, aux encouragements et à l'aide de plusieurs personnes
auxquelles vont tous mes sentiments de reconnaissance et de gratitude.
Je tiens, d'abord, à remercier mon encadreur Docteur
Zeynab KANE pour avoir acceptée de m'encadrer mais aussi pour sa
disponibilité, ses conseils, orientations et encouragements tout au long
de la rédaction de ce mémoire.
Je tiens, ensuite, à remercier Moussa KOR qui m'a
beaucoup aidé à faire des recherches.
Mes remerciements vont également à l'endroit de
Djibril DIATTA qui a bien voulu accepter de relire le travail.
Je tiens, aussi, à remercier tous les membres de
l'administration ainsi que le corps professoral de l'Université Alioune
Diop de Bambey.
Bref, à toutes les personnes qui, de près ou de
loin, ont contribué à la réalisation de ce mémoire,
qu'elles trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude.
5
Sigles et abréviations
al. : alinéa
B.A.C.E : bulletin des arrêts du conseil d'Etat
B.A.C.S : bulletin des arrêts de la cour
suprême
B.I.C.S : bulletin d'information de la cour suprême
C : contre
CE : conseil d'Etat
CGCL : code général des collectivités
locales
CS : cour suprême
EMA : erreur manifeste d'appréciation
IG : intérêt général
J.O : Journal officiel
N° : numéro
p. : page
pp. : pages
PPP : prérogatives de puissance publique
R.A.C.S : rapport annuel de la cour suprême
REP : recours pour excès de pouvoir
6
Sommaire
Introduction
|
.5
|
Première partie : L'emphase de l'efficacité du REP
|
16
|
Chapitre I : La largesse de la recevabilité du REP
|
16
|
Section 1 : L'extension des actes administratifs susceptibles de
REP
|
16
|
Section 2 : L'assouplissement des règles relatives
à la forme du recours
|
22
|
Chapitre 2 : Le contrôle satisfaisant de l'acte
administratif litigieux
|
28
|
Section 1 : La mise en oeuvre des procédures d'urgence
dans le traitement du recours et
l'allègement de la charge de la preuve 28
Section 2 : La mise en oeuvre d'un contrôle couvrant
l'essentiel des illégalités
susceptibles d'affecter un acte administratif 34
Deuxième partie : Les entraves à
l'efficacité du REP 44
Chapitre 1 : Les difficultés d'accès au juge et
la propension du juge à rejeter les requêtes
d'annulation 44
Section 1 : Les difficultés d'accès au juge de
l'excès de pouvoir 44
Section 2 : La propension du juge à rejeter les
requêtes d'annulation 51
Chapitre 2 : Les limites relatives à la portée
de la décision du juge ...57
Section 1 : La restriction de la protection des droits des
administrés .57
Section 2 : Les difficultés relatives à la
célérité du recours et à l'exécution de la
décision
d'annulation 63
Conclusion ..70
7
Introduction
Dans chaque institution étatique, il apparait deux
intérêts antagoniques : l'un se rapporte à
l'intérêt général (IG) tandis que l'autre concerne
l'intérêt des particuliers. Si la satisfaction des
intérêts particuliers nécessite l'intervention de chaque
individu pour son propre compte, il n'en va pas ainsi de l'IG dont la mission
revient à l'Etat et en particulier son bras séculier à
savoir l'administration. Cette dernière dispose des prérogatives
de puissance publique(PPP) pour mener à bien sa mission d'IG. Ces
prérogatives reflètent une inégalité juridique
entre l'administration et les administrés. Inégalité qui
se penche assurément en faveur de l'administration.
Et malgré toutes ces PPP reconnues à celle-ci,
elle n'était pas liée au départ par les textes juridiques.
Cette période a coïncidé avec ce qui était convenu
d'appeler l'Etat de police. Le propre d'un Etat de police est que
l'administration n'est contrainte de se soumettre au respect du droit. De ce
fait, ses actes même ceux à l'évidence illégaux
peuvent légitimement échapper au contrôle
juridictionnel.
Cependant, la donne à changer depuis l'avènement
de l'Etat de droit. Ainsi, rapporte Ousmane KHOUMA, « dans un Etat de
droit, l'administration est tenue au respect des normes juridiques, elle est
soumise à la loi et non hors la loi. Pour garantir les droits des
citoyens, l'action administrative doit se dérouler selon les
règles de référence préétablies et non de
façon arbitraire ou selon la volonté de l'administration
»1. Le passage de l'Etat de police à l'Etat de
droit est dicté par l'impérieuse nécessité de
protection des droits et libertés des administrés face à
une administration toute puissante qui bénéficie des PPP.
L'idée est que l'action administrative n'est pas irréprochable.
C'est pourquoi, elle doit être encadrée pour éviter
d'éventuelles atteintes aux droits et libertés des
administrés. Cet encadrement s'opère par le truchement du
contrôle juridictionnel.
Ce contrôle apparait comme une nécessité
absolue dans tout Etat de droit. Ce dernier revient comme un leitmotiv
quasiment dans tous les Etats démocratiques. Le contrôle est si
nécessaire qu'il vienne contrecarrer ou encore limiter le
phénomène de la
1 KHOUMA (Ousmane), « Le contrôle de
légalité externe des actes administratifs unilatéraux par
le juge administratif sénégalais, un exemple de transposition de
la jurisprudence administrative française », in revue
Afrilex, mai 2015, p.3.
8
« maladministration2», pour
reprendre l'expression de Prosper WEIL et Dominique POYAUD. Le
développement fulgurant des droits de l'homme surtout en ce
21ème siècle requiert un contrôle interne ou/et
externe de l'action administrative. Par ailleurs, le contrôle externe
semble plus adapté aux exigences démocratiques en ce qu'il
nécessite l'intervention d'un organe indépendant. Il est
généralement assuré par les pouvoirs judiciaire et
législatif et prend respectivement l'appellation de contrôles
juridictionnel et parlementaire.
Ce contrôle demeure incontestablement une garantie de
l'Etat de droit. Ce dernier est défini comme : « un Etat dans
lequel l'Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques
sous le contrôle d'une justice indépendante »3.
Classiquement définit comme la soumission de tous au droit, l'Etat
de droit vise également la protection des droits et libertés. De
la conception formelle, une autre conception dite substantielle est venue
s'ajouter. Ainsi, « l'Etat de droit n'évoque plus seulement
l'existence d'un ordre juridique hiérarchisé, mais encore un
ensemble de droits et libertés inscrits dans des textes de valeur
juridique supérieur : par la suite, la hiérarchie des normes
devient un moyen de protection de ces droits4 ».
L'administration est donc soumise au respect de la légalité.
Ce principe dont la base est la hiérarchie des normes est conçu
à tel point que la norme inférieure puisse trouver sa
validité dans la norme qui lui est immédiatement
supérieure. La première doit être conforme ou compatible
à la deuxième. Le défaut de compatibilité ou de
conformité d'une norme inférieure vis-à-vis d'une norme
supérieure constitue une illégalité qui sera
sanctionnée d'annulation par le juge de l'excès de pouvoir s'il
est saisi à cette fin.
Au regard de la conception formelle, l'Etat de droit implique
l'existence des voies de droit efficaces auxquelles les administrés
peuvent recourir afin d'introduire une requête devant une instance
juridictionnelle indépendante chargée de contrôler l'action
administrative. Ces voies de droit et plus précisément les
recours juridictionnels peuvent épouser plusieurs formes.
Néanmoins, « les deux grands groupes de recours, entre lesquels
se partagent l'essentiel de l'activité du juge administratif, sont les
recours en annulation et les
2 WEIL (Prosper) et POYAUD (Dominique), Droit
administratif, PUF, Que sais-je ?, 2008, p.75
3 Le constituant sénégalais a retenu
cette définition dans le préambule de la constitution
sénégalaise du 22 janvier 2001.
4 CAMARA (Mamadou Badio), allocution
prononcée lors du séminaire sur « L'Etat de droit au
Sénégal », Dakar, du 10 au 12 mars 2015, p.1. Http//
:www.coursuprême.sn. Consulté le 5 janvier 2020.
9
recours de pleine juridiction »5. Ces
deux recours relèvent respectivement du contentieux objectif et du
contentieux subjectif. L'administré peut utiliser l'un ou l'autre pour
contester les abus de l'administration lorsqu'elle prend des actes.
Toutefois, seul le recours pour excès de pouvoir (REP)
sera retenu dans le cadre de la présente étude. Ce dernier
parvient t-il à atteindre son objectif au Sénégal ? Cette
interrogation révèle toute l'importance du sujet relatif à
l'efficacité du REP au Sénégal. Pour doter le sujet toute
sa pertinence, il importe de le situer dans le temps. Ainsi, l'analyse du sujet
doit porter sur le Sénégal indépendant6.
Dans un souci de clarté, il est nécessaire de
procéder à un éclairage conceptuel de tous les termes qui
composent le sujet. A cet effet, il importe de préciser dans un premier
temps la notion d'efficacité. Cette dernière est beaucoup plus
usitée dans le secteur managérial que dans d'autres secteurs. Par
ailleurs, vu son importance, elle doit avoir une place
prépondérante dans tous les secteurs. Bien sûr que
l'efficacité a une importance importante dans tous les secteurs de la
vie. Cette importance ne manque également pas en matière
juridique. Par efficacité, Jean-Claude TAHITA déclare que c'
« est la qualité d'une chose qui produit l'effet attendu
»7. Parler l'efficacité d'une chose revient
dès lors à mesurer l'impact de cette chose en tenant compte de
l'objectif qui lui a été assigné. En matière
d'excès de pouvoir, il est loisible de parler d'efficacité
à partir du moment que le REP génère des effets utiles
à l'égard des administrés.
C'est cette notion de REP qu'il sera question de passer en
revue dans un second temps. Cette dernière est formée de deux
termes essentiels à savoir le recours et l'excès de pouvoir. Le
recours est nécessaire que ce soit en excès de pouvoir ou dans
d'autres domaines où il faut opérer un contrôle
juridictionnel. Il se présente à cet égard comme un
préalable au contrôle juridictionnel. Ainsi, définit-on le
recours comme : « tout moyen mis par le droit à la disposition
d'une personne pour faire redresser une situation par une autorité
publique, tout mode de réclamation juridiquement organisé
8». Un recours suppose donc l'existence d'une situation
anormale dont il convient généralement de demander à une
autorité juridictionnelle ou administrative d'en rétablir. En
matière de REP, le
5 WALINE (Jean), Précis de droit
administratif, DALLOZ, 27ème édition, 2018,
p.642.
6 Le Sénégal a pris son
indépendance le 26 août 1960.
7 TAHITA (Jean-Claude), « L'efficacité
de la sanction contractuelle civile », in revue Afrilex,
février 2015, p.2.
8 WALINE, (Jean), Précis de droit
administratif, op. cit, p.758.
10
recours est porté devant la cours suprême qui est
la seule instance juridictionnelle compétente.
Il vise à sanctionner l'excès de pouvoir dont un
acte administratif serait entaché. Que faut-il réellement
comprendre par l'expression excès de pouvoir. La définition a
été donnée par Jean WALINE lorsqu'il précise que :
« son nom ne doit pas faire d'illusion : l'excès de pouvoir
n'est rien d'autre que la non-conformité au droit 9».
Tout acte émis par une autorité administrative doit
être conforme au principe de légalité, faute de quoi il
sera entaché d'illégalité ou d'excès de pouvoir. De
part son caractère objectif, le REP ne peut être introduit que
contre un acte administratif. C'est pourquoi, on dit que c'est « un
procès fait à un acte » et non entre les parties. La seule
question demandée au juge de l'excès de pouvoir est l'annulation
de l'acte administratif illégal. Partant de ce fait, le recours pour
excès de pouvoir peut être défini comme « l'action
par laquelle toute personne y ayant intérêt peut provoquer
l'annulation d'une décision exécutoire par le juge
compétent en raison de l'illégalité de cette
décision 10». Cette définition donnée
par le professeur Demba SY mérite quelques précisions.
D'emblé, il faut dire que le REP est introduit par une personne qu'elle
soit physique ou morale. Toujours est-il que pour intenter un tel recours, la
personne doit avoir un intérêt à agir car dit-on :
« pas d'intérêt, pas d'action».
Également, aucune personne ne peut agir au nom d'une autre personne
sans mandat spécial.
En matière d'excès de pouvoir, le
requérant doit en principe contester la légalité des seuls
actes administratifs unilatéraux. Toutefois, on constate aujourd'hui une
extension du REP en matière contractuelle11. Les actes
contestables en excès de pouvoir sont ceux édictés par une
autorité administrative. En revanche, les actes législatifs, les
actes juridictionnels
etc. ne peuvent être
contrôlés par le juge de l'excès de pouvoir.
L'identification de ces actes s'avère très délicate du
fait que la notion d'administration est difficile à saisir même
dans le domaine juridique. Pour comprendre la signification de la notion
d'administration telle que visée dans la présente étude,
deux critères seront pris en compte. Il s'agit du critère
organique et du critère fonctionnel. Dans le premier cas, «
l'administration est un ensemble d'organes ayant en commun de relever de
personnes
9Ibidem. p.638.
10 SY (Demba), Droit administratif :
2ème édition revue, corrigée et
augmentée 2014, Sénégal, HARMATTAN-CREDILA, 2017,
p113.
11 Voir infra, p.17, 19 et 20
11
morales, au sein desquelles agissent des personnes
physiques »12. L'administration est ainsi
constituée d'organes administratifs soumis au régime de droit
public et d'organismes privés bénéficiant d'une
délégation de compétence de la part d'une autorité
administrative. Dans le second cas, « l'administration est
considérée comme un ensemble d'activités qui se
caractérisent à la fois par leurs finalités et par leurs
modalités d'exercice »13. Celle-ci poursuit un
objectif bien déterminé et se donne des moyens pour y parvenir.
Ainsi, l'administration peut être perçue comme l'ensemble des
personnes morales de droit public et des organismes privés
bénéficiant d'une délégation de pouvoir dont le but
est de mettre en oeuvre l'intérêt général. Ce sont
les actes pris par de telles autorités qui sont considérés
comme des actes administratifs et, par ricochet, attaquables en excès de
pouvoir.
Le requérant doit également viser dans sa
demande la seule annulation de l'acte administratif illégal. Cette
annulation n'est pas systématique puisque le juge saisi à
l'occasion du REP peut rejeter la demande d'annulation de l'acte si celui-ci
est légal, en cas de désistement de la part du requérant
ou encore lorsqu'il n'a pas rempli les conditions d'introduction du recours.
En outre, la demande doit viser une décision
exécutoire. La notion de décision exécutoire est une
notion polysémique. Trois sens lui sont généralement
attribués. D'abord, elle est conçue comme une décision
visant à modifier ou non l'ordonnancement juridique. Cette
décision signifie ainsi une manifestation de volontés
émises par une autorité administrative en vue de produire des
effets de droit sur les administrés. Ensuite, elle peut signifier
l'entrée en vigueur d'une décision administrative. C'est le sens
souvent retenu par le code général des collectivités
locales (CGCL) et la loi organique de 2017 sur la cour suprême. Enfin, la
décision exécutoire traduit la force exécutoire qui trouve
son expression la plus achevée dans l'application du principe du
privilège du préalable. Ces trois significations ont
été retenues par Charles DEBBASCH et Jean Claude RICCI. Pour ces
derniers, « cela signifie en premier lieu que l'acte attaqué
doit être un acte juridique. Et en deuxième lieu l'acte doit avoir
force
12 CHRETIEN (Patrice), CHIFFLOT (Nicolas) et TOURBE
(Maxime), Droit administratif, Dalloz, 1ère édition,
SIREY-LMD, 2018, p.9.
13 Ibidem, p.5
12
obligatoire et être opposable aux
administrés'4(...) ». Les trois significations
données à la notion de décision exécutoire bien que
distinctes ne s'excluent pourtant pas.
Toutefois, la décision exécutoire telle que
visée dans cette définition se rapporte au premier sens du terme
à savoir une manifestation de volontés émises par une
autorité administrative en vue de produire des effets de droits sur les
administrés. Pour éviter toute confusion pouvant résulter
de l'usage de la notion de décision exécutoire, il est
préférable d'utiliser l'expression d'« acte décisoire
». L'exigence d'introduction du REP contre un acte décisoire permet
d'exclure de son champ d'application certaines catégories d'actes. C'est
le cas par exemple des avis, des circulaires interprétatives, des
directives, des actes préparatoires etc. De même, le recours en
annulation doit être porté contre un acte juridique. Sont donc
exclus de son champ d'application, les actes matériels qui ne visent pas
à modifier l'ordonnancement juridique.
Enfin, le recours doit être intenté devant un
juge compétent qui doit statuer sur le sort à donner l'acte
querellé. En matière de REP, la compétence est
exclusivement réservée à la cour suprême. C'est ce
que dispose l'article premier de la loi organique sur la cour suprême.
Aux termes dudit article : « la cour suprême est juge, en
premier et dernier ressort, de l'excès de pouvoir des autorités
administratives ainsi que de la légalité des actes des
collectivités locales '5». Toute saisine d'une
juridiction autre que la cour suprême est irrecevable.
Les actes des autorités administratives susceptibles de
REP, selon l'échelon ou se trouve l'autorité, peuvent être
répartis en deux grandes catégories : les uns constituent les
actes administratifs des autorités centrales pris dans le cadre de leurs
fonctions alors que d'autres sont des actes pris par les autorités
locales dans le cadre de leurs compétences. Dans le deuxième cas,
il appartient aux représentants de l'Etat de déférer
l'acte à la cour suprême pour annulation s'il estime que l'acte en
cause est illégal. On est ainsi en présence du
déféré16qui est considéré par la
doctrine comme une sorte de
14 DEBBASCH (Charles) et RICCI (Jean Claude),
Précis de contentieux administratif, DALLOZ, cinquième
édition, p.743.
15 Article premier de la loi N° 2017-09 du 17
janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du
08 Août 2008 sur la cour suprême, J.O N° 6986 du mercredi 18
janvier 2017.
16 Il existe deux types de
déférés : le déféré spontané
et le déféré provoqué. Le
déféré spontané ou simple relève de
l'initiative du représentant de l'Etat tandis que le
déféré provoqué est introduit par le
représentant de l'Etat suite à la demande d'un
requérant.
13
REP. C'est le cas de Olivier GOHIN, qui, s'intéressant
à la question de savoir si le déféré est distinct
du REP, disait ceci : « il doit être compris comme un recours
pour excès de pouvoir de type particulier 17». De
sa part, Birame SENE l'assimile au REP en précisant que le «
contrôle de légalité par la voie du
déféré, qui est un recours pour excès de pouvoir
spécial18(...) ». Le déféré
peut être assimilé au REP à quelques différences
près. Il demeure ainsi son prolongement en ce qu'il vient ouvrir le REP
contre les actes pris par les autorités locales dans le cadre du
fonctionnement des services publics locaux.
D'origine française, ce recours indispensable pour la
protection des droits des administrés a été repris par la
plupart des Etats africains de tradition juridique française qui ont
hérité le droit administratif français. Son application
relève d'une nécessité absolue compte tenu aux abus
administratifs qui peuvent survenir lors de la mise en oeuvre de l'IG notamment
dans ses Etats nouvellement indépendants. Cependant, la situation
à laquelle faisaient face ces Etats ne permettait pas le juge
administratif africain saisi aux fins d'annulation d'un acte administratif
illégal de sanctionner tous les excès administratifs. En effet,
les actes administratifs pris dans le cadre du pouvoir discrétionnaire
passaient sous silence sans que le juge s'en préoccupe. Les
préoccupations des Etats à cette époque étaient
entre autres basées sur l'idée de construction nationale et de
développement économique et social19 qu'ils devaient
assurer. A cet égard, le droit administratif conçu comme un droit
d'équilibre a changé de caractère pour devenir un droit
inégalitaire. C'est un droit au service de l'administration. Toutefois,
depuis le renouveau démocratique des années quatre vingt
17 GOHIN (Olivier), Précis d'institutions
administratives, LGDJ, 3ème édition, novembre
1998, p. 597.
18 SENE (Birame), discours d'usagers
prononcé lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant
sur le thème « Collectivités locales et contrôle de
légalité », 2015-2016, p.7. Http//
:www.coursuprême.sn. Consulté le mercredi 25 décembre
2019.
19 SY (Demba), Droit administratif, revue,
corrigée et augmentée 2014, op. cit, p. 44 ; Voir
également; ABANE NGOLO (Patrick Edgard), « existe-t-il un droit
administratif camerounais ? » in les fondements du droit administratif
camerounais : Actes de colloques organisé à l'université
de Yaoundé-II, sous la direction de ONDOA (Magloire) et ABANE NGOLO
(Patrick Edgard), Harmattan Cameroun, les 3 et 4 novembre 2015, p.234
; (Demba), « Droit administratif et communicabilité en Afrique
», in revue Afrilex, p.34 ; ZONGO (Yabré Gilbert), «
le juge administratif et la protection des libertés publiques au Burkina
Faso et au Sénégal », in le juge administratif, le juge
constitutionnel et le juge communautaire dans la protection des droits et
libertés fondamentaux : Regards croisés (Quatrièmes
rencontres de Dakar), sous la direction de Demba SY et Alioune Badara FALL,
Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2019, p.324.
14
dix, le droit administratif a connu une nouvelle
reconfiguration grâce au renforcement du contrôle juridictionnel de
l'administration.
A l'image de certains pays africains, le Sénégal
a aussi repris le REP dans son ordonnancement juridique. Depuis son acquisition
à la souveraineté internationale, la compétence du REP est
réservée au juge administratif suprême du
Sénégal. Ce dernier contrôle les excès de pouvoir
pouvant être commis par toute autorité administrative agissant par
des actes dans le cadre de sa mission d'IG. Cependant, son contrôle
était limité durant les trente premières années de
l'indépendance du pays. En effet, certains vices de
légalité tels que l'erreur manifeste
d'appréciation20 et le défaut de motivation de
certains actes administratifs 21 (actes individuels
défavorables) n'étaient pas sanctionnés par le juge
administratif suprême. Les limites de ce contrôle étaient
presque les mêmes que celles qui ont prévalu dans les autres pays
africains de tradition juridique française. Elles sont relatives aux
« impératifs de développement économique et
social, auxquels l'administration sénégalaise doit faire face
»22. En tant que le seul moteur du développement
économique et social, l'administration devait avoir plus de
liberté pour mener à bien sa mission d'IG. Tout contrôle
relevant du pouvoir discrétionnaire serait enclin à provoquer
l'inertie de l'administration et n'était donc pas souhaitable. C'est
pourquoi, le juge administratif se gardait de contrôler les actes pris
par l'administration dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.
Ainsi, « le droit administratif, dans ces
20 L'erreur manifeste d'appréciation a
été appliquée au Sénégal pour la
première fois dans l'arrêt C.I.C.R rendu en date du 1993.
21 Le juge n'a étendu l'exigence de motivation
de certains actes administratifs qu'à partir de 1993.
22 KHOUMA (Ousmane), « Le contrôle de
légalité externe des actes administratifs unilatéraux par
le juge sénégalais, un exemple de transposition de la
jurisprudence administrative française », op.cit, p.39 ; Voir
KANTE(Babacar), Unité de juridiction et droit administratif :
l'exemple du Sénégal, Doctorat d'Etat de droit public,
Orléans, soutenu le 12 juillet 1983, p.296 ; KHOUMA (Ousmane), « la
démocratie administrative au Sénégal, A la recherche d'un
couple improbable », in revue Afrilex, mai 2017, p.3 et 14; ;
KPENONHNOUN (Césaire), « Hommages à l'artisan de
l'unité de juridiction en Afrique noire d'expression française :
1983-2016 », in mélanges en l'honneur de Babacar Kanté,
actualité de droit public et de la science politique en Afrique ,sous la
direction de SALL(Alioune) et FALL (Ismaila madior) ,
Harmattan-Sénégal, 2017, p.765 ; SY (Demba), Droit
administratif, revue, corrigée et augmentée, op.cit, p.44 ;
SY (Papa Mamour), « le conseil d'Etat sénégalais et le
contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation , commentaire de
l'arrêt du conseil d'Etat de la république du
Sénégal du 27 octobre 1993, le comité international de la
croix rouge(C.I.C.R) et l'Etat du Sénégal (arrêt N°14)
», p.181.
Http:// www.sunulex.sn.
Consulté le mercredi 25 décembre 2019.
15
conditions, ne peut être un droit neutre : il est au
service de cet objectif, il devient un droit engagé au service de l'Etat
puisque c'est ce dernier qui est responsable du développement
économique et social. C'est pourquoi d'ailleurs, on parle du droit
administratif du développement 23». Un
contrôle des actes administratifs était toutefois assuré
pour limiter l'arbitraire dans la mise en oeuvre de l'IG. Ce contrôle
n'était pas imaginable dans le cadre du pouvoir discrétionnaire.
Il était plutôt exercé dans le cadre de la
compétence liée de l'administration.
L'étude du sujet relatif à l'efficacité
du REP au Sénégal présente beaucoup
d'intérêts. Sur le plan théorique, l'intérêt
est bien certain en ce sens que le REP n'a pas fait l'objet de critiques au
Sénégal comme ce fut le cas en France24. Au contraire,
ce recours a été bien apprécié par la doctrine
sénégalaise. C'est le cas de Papa Mamour SY qui a
précisé qu' « au Sénégal on note des
réformes, des innovations susceptibles de contribuer au renforcement de
l'institution du recours pour excès de pouvoir »25.
Ce renforcement est encore perceptible depuis l'institution de la loi organique
de 2017 sur la cour suprême.
Sur le plan idéologique, le REP se profile ainsi comme
une manifestation incontestable de l'Etat de droit. Le passage de l'Etat de
police à l'Etat de droit est tout aussi important qu'il
révèle une volonté sans cesse renouvelée et
éprouvée par les Etats modernes qui veulent se départir
d'une forme de gouvernance anarchique laquelle n'accorde aucune importance aux
droits et libertés des administrés pour se pencher vers une
nouvelle forme de gouvernance à caractère démocratique
dans laquelle les droits de l'homme ont acquis un caractère sacré
et inviolable. Avec cette nouvelle forme de gouvernance, l'administré
n'est plus un « sujet » dépourvu de droits mais bien
entendu
23 SY. (Demba), Droit administratif : revue,
corrigée et augmentée 2014, op.cit, p. 44 ; KHOUMA
(Ousmane), « Le contrôle de légalité externe des actes
administratifs unilatéraux par le juge sénégalais, un
exemple de transposition de la jurisprudence administrative française
», op. cit, p.39
24 A propos des critiques sur l'institution du REP
en France, voir : SY (Papa Mamour), « Quelques remarques sur l'institution
du recours pour excès de pouvoir au Sénégal depuis la
création du conseil d'Etat », In revue Afrilex (Droit
sénégalais N°1), septembre 2002, p.36. Pour plus de
détaille concernant le débat sur l'utilité du REP en
France voir KHOUMA (Ousmane), « Le contrôle de
légalité externe des actes administratifs unilatéraux par
le juge sénégalais, un exemple de transposition de la
jurisprudence administrative française », op. cit, p.7
25 SY (Papa Mamour), « Quelques remarques sur
l'institution du recours pour excès de pouvoir au Sénégal
depuis la création du conseil d'Etat », op.cit, p.35
16
un citoyen auquel on reconnait des droits et libertés
dont l'administration doit nécessairement respecter.
Par ailleurs, ce sujet, comme tout sujet de droit laisse
nécessairement entrevoir une importance pratique. A cet effet, il
importe de mentionner que le REP joue au moins un double rôle. Dans un
premier temps, il assure un rôle préventif en ce sens qu'il se
présente comme un recours visant à dissuader les comportements
malveillants de l'administration. Le juge de l'excès de pouvoir demeure
incontournable puisque c'est à lui qu'il revient le pouvoir d'annuler
l'acte illégal. Ainsi que l'écrit Charles DEBBASCH, « la
seule existence de tribunaux susceptibles d'être saisis est un garde-fou
aux abus : l'administration hésite à commettre des
illégalités dès lors qu'elle sait que son comportement
peut être sanctionné en justice 26».
L'administration est donc avertie de ne pas commettre
d'illégalités susceptibles de la
décrédibiliser. L'audace qu'il fait preuve dans certains
domaines amènerait l'administration à plus de sens de
responsabilité dans la mise en oeuvre de l'IG.
Dans un second temps, le REP est mis en oeuvre pour
sanctionner toute illégalité dont un acte administratif serait
entaché. Lorsqu'intervient l'illégalité, le juge doit
nécessairement prononcer l'annulation si les conditions sont
réunies. L'importance d'une telle fonction du REP n'est plus à
démontrer puisque les administrés brandissent souvent comme moyen
devant le juge de l'excès de pouvoir la violation de la
légalité par l'administration et, fort heureusement, ils
obtiennent parfois satisfaction.
L'analyse du thème portant sur l'efficacité du
REP nécessite a priori une étude de l'importance de tous les
acteurs qui peuvent intervenir dans le cadre de ce recours. Parmi ces acteurs,
vient d'abord l'administration qui est l'organe compétent pour
édicter des actes dont l'administré pourrait contester la
légalité par l'entremise du REP. Ensuite, intervient le
législateur qui joue également un rôle essentiel
d'encadrement de l'action administrative par les lois qu'il édicte.
Puis, joue sa partition, l'administré qui est censé introduire la
requête en annulation contre un acte illégal qui porte atteinte
à ces droits. C'est le cas aussi de l'avocat, à la seule
condition que le requérant le sollicite pour lui représenter. Le
juge intervient en dernier lieu pour statuer sur la requête en annulation
et, s'il estime après examen que l'acte est illégal, il doit
prononcer son annulation. Cette fonction juridictionnelle du juge est aussi
accompagnée de sa fonction
26 DEBBASCH (Charles) et RICCI (Jean Claude),
Précis de contentieux administratif, op.cit., p.2
17
jurisprudentielle par laquelle, il peut édicter des
normes qui peuvent s'imposer à l'administration.
Le rôle de tous ces acteurs permettra d'évaluer
l'efficacité du REP au Sénégal. Par ailleurs, il est
nécessaire a priori de connaitre l'objectif de ce recours avant de se
pencher sur la question de son efficacité. Selon le professeur Demba SY,
« le recours pour excès de pouvoir a pour objectif d'assurer le
respect de la légalité et la protection des droits des
administrés »27. Ce recours présente un
double objectif mais qui restent intimement liés. Il a pour objet
d'annuler un acte administratif qui méconnait la légalité
et qui par la même occasion porte atteinte aux droits et libertés
des administrés. Si ce recours a été institué pour
atteindre des résultats spécifiques alors sommes-nous en droit de
se poser les questions suivantes : Est-il possible de parler
d'efficacité du REP au Sénégal ? Si oui, cette
efficacité est-elle absolue ? Ne connait-elle pas des limites ? Ces
différentes interrogations nous amène enfin à se poser la
question suivante : le recours pour excès de pouvoir a-t-il
réellement atteint l'objectif pour lequel il a été
institué au Sénégal ?
L'efficacité du REP est bien réelle au
Sénégal. Elle peut s'apprécier tant du point de vue de la
largesse de l'ouverture du recours que du point de vue de l'examen du recours
fait par le juge. Néanmoins, cette efficacité connait des limites
qui sont liées à l'accès au prétoire du juge de
l'excès de pouvoir et à la propension du juge à rejeter
les requêtes en annulation. La portée de la décision de la
décision reste aussi limitée.
Ainsi, pour mieux cerner l'étude du sujet nous allons
étudier dans un premier temps l'emphase de l'efficacité du REP
(Première partie) puis dans un second temps les entraves
(Deuxième partie).
27 SY (Demba), « Un demi-siècle de
jurisprudence administrative au Sénégal : De l'émergence
à la maturation », in Mélanges en l'honneur de Babacar
Kanté : Actualités du droit public et de la science politique en
Afrique, sous la direction de SALL (Alioune) et FALL (Ismaila Madior),
Harmattan-Sénégal, 2017, p.622.
18
Première partie : L'emphase de
l'efficacité du REP
Le REP n'est pas une simple illusion ou encore un luxe pour
les administrés. Il les permet bien entendu de combattre l'arbitraire
administratif. Ainsi, l'analyse de l'efficacité du recours pour
excès au Sénégal doit être orientée
essentiellement sur les garanties offertes aux requérants dans le cadre
de ce recours. Ces garanties lui sont généralement
octroyées par le juge et le législateur. Elles sont relatives
à une large recevabilité du REP et un examen satisfaisant de la
requête d'annulation. C'est aussi dire par là qu'elles constituent
les traits caractéristiques de l'efficacité du REP.
Chapitre 1 : La largesse de la recevabilité du
REP
Le travail du juge saisit aux fins d'annulation commence par
l'examen de la recevabilité du recours. Celui-ci ne doit pas se
permettre de statuer au fond sur n'importe quelle requête sous peine
d'appauvrir ce recours. Toujours est-il qu'il doit admettre largement le
recours dans un souci d'efficacité. A ce propos, on note une extension
des actes administratifs susceptibles de REP et un assouplissement des
règles relatives à la forme du recours.
Section 1 : L'extension des actes administratifs
susceptibles de REP
Les actes administratifs contestables en excès de
pouvoir sont essentiellement consacrés par le juge et le
législateur. Ils augmentent de plus en plus dans un souci
d'efficacité du recours. L'application de la technique de l'acte
détachable vient à cet effet étendre le champ
d'application de ce recours. De même, ce dernier trouve son
élargissement du fait qu'il est recevable à l'égard de
certains contrats et aussi grâce à la consécration des
circulaires impératives.
Paragraphe 1 : La recevabilité du REP à
l'égard des actes détachables
Les actes détachables permettent d'atténuer la
règle d'absence de recours parallèle en admettant la
recevabilité du REP contre des actes dont l'opération principale
à laquelle ils sont rattachés relève de la
compétence d'une autre juridiction que celle compétente en
excès de pouvoir. Ainsi, «la notion d'acte détachable se
fonde sur le fait que la plupart des opérations administratives exigent
la succession de divers actes dont certains, bien que participant à la
réalisation de l'opération, peuvent néanmoins être
isolés sans porter atteinte à l'unité de cette
dernière. De tels actes qui ne forment pas avec l'ensemble de
l'opération un bloc-individuel et qui par conséquent peuvent
être séparés sont susceptibles de faire l'objet de recours
contentieux distinct de
19
l'opération globale 28». Les
hypothèses d'actes détachables essentiellement rencontrées
concernent trois catégories d'actes : les actes détachables du
contrat, les actes détachables des actes de gouvernement et les actes
détachables des opérations électorales.
A : Les actes détachables des opérations
contractuelles
Les actes détachables du contrat sont une
catégorie d'acte administratif distincte du contrat administratif. A cet
égard, le juge de l'excès de pouvoir ne doit pas prononcer une
fin de non recevoir lorsqu'il est saisi aux fins d'annulation de ces actes en
soulevant éventuellement l'exception de recours parallèle.
Certains actes détachables du contrat ont fait l'objet d'une
énumération précise par le législateur. Ce sont
principalement les actes prévus à l'article 140 de la loi
N°2006-16 du 30 juin 2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965
portant code des obligations de l'administration. Aux termes de cet article :
« les actes détachables du contrat peuvent faire l'objet d'un
recours pour excès de pouvoir devant le conseil d'Etat. Sont notamment
détachables du contrat : 1. l'autorisation de contracter ; 2. la
décision de contracter ou de ne pas contracter ; 3. L'opération
d'attribution ; 4. l'approbation du contrat »29(sic). Dans
cet article, il est retenu que les actes détachables ne peuvent
être portés que devant le conseil d'Etat, or, à l'heure
actuelle c'est la cour suprême qui est compétente en
matière d'excès de pouvoir.
Ces actes détachables concernent principalement ceux
édictés antérieurement au contrat. Ils son
édictés par l'autorité administrative
précédemment au contrat administratif en vue de sa
réalisation. De ce fait, ils peuvent être distingués de ce
dernier et, en conséquence, ils peuvent être contestés en
excès de pouvoir. En dehors de ces cas expressément cités,
d'autres actes détachables du contrat susceptibles de REP ont
été consacrés par le juge. Il en est ainsi des actes
individuels concernant un agent non fonctionnaire soumis en principe au code du
travail lorsqu'ils sont détachables des relations
contractuelles30. Pour une large ouverture du recours, d'autres
actes détachables ont été consacrés par le juge. Ce
sont principalement les actes détachables des opérations
électorales et des actes de gouvernement.
28 JOSEPH (ISSA-SAYEGH) et LAPEYRE (Charles), «
Techniques juridiques », 1981, p.346.
29 Article 140 de la loi N°2006-16 du 30 juin
2006 modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965 portant code des
obligations de l'administration, J.O. N°6291 du Samedi 5 Août
2006.
30 CS, arrêt N°7 Babacar Lo et Abdou
Salam Diallo C/ Etat du Sénégal. Cité par BOCKEL (Alain),
Recueil de jurisprudence administrative sénégalaise
196-1974, p.36
20
B : Les actes détachables des opérations
électorales et des actes de gouvernement
Les actes détachables des opérations
électorales et des actes de gouvernement viennent également
étendre la catégorie des actes administratifs susceptibles de REP
à propos des domaines où le législateur est resté
muet et qui échappent en principe à ce contentieux. Les actes
pris pour la réalisation de l'opération électorale peuvent
faire l'objet de REP s'ils sont détachables de l'opération
principale. Il n'y a aucune disposition du code électoral qui fait
référence à ces actes. Pourtant, cela n'a pas
empêché le juge d'admettre leur recevabilité. Dans
l'affaire Djibo Leîty KA contre l'Etat du Sénégal, la
recevabilité du REP contre les actes détachables des
opérations électorales a été posée au juge
qui n'a pas manqué de l'admettre. Pour le juge, « si le
contrôle de régularité des opérations
électorales est dévolues expressément au conseil, il
demeure que l'administration ayant en charge de l'organisation des
élections, les décisions qu'elle prend dans le cadre des actes
préliminaires à l'organisation du scrutin sont, si elles sont
détachables des opérations électorales comme le
décret attaqué, des actes administratifs, susceptibles de recours
pour excès de pouvoir 31». Il admet ainsi la
recevabilité de ces actes sans même qu'il ne s'interfère
dans les attributions d'une autre juridiction, notamment celles du conseil
constitutionnel. La règle de l'absence de recours parallèle ne
peut s'appliquer puisque ces actes sont distincts de l'opération
électorale qui ne relève pas de la compétence du juge de
l'excès de pouvoir.
A cela s'ajoute les actes détachables des actes de
gouvernement. Ce sont des actes qui se distinguent des actes de gouvernement
proprement dit. Leur recevabilité permet de réduire la
catégorie d'actes de gouvernement exclus de tout contrôle
juridictionnel parce que les autorités administratives vont se garder
d'édicter certains actes manifestement illégaux lorsqu'ils
prennent des actes dits de gouvernement. Le juge a fait référence
à la théorie d'actes détachables des actes de gouvernement
dans l'espèce A.S.E.C.N.A contre l'Etat du Sénégal. Ainsi,
après avoir déclaré son incompétence dans cette
affaire au motif que la décision attaquée est un acte de
gouvernement, le juge arrive à la conclusion suivante : « en
effet, cette décision bien que tirant sa source dans l'ordre interne du
Sénégal est entièrement tournée vers
l'ordre
31 C.E, arrêt N° 0009 du 28/07/1999,
Djibo Leîty KA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, année
1999 ; Voir C.E, arrêt N°0001 du 27/01/1999, Landing SAVANE, Bacary
COLY et AND JEF/PADS C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, année
1999.
21
international et ne saurait par conséquent
être considérée comme un acte détachable de ces
relations internationales »32. La conclusion ainsi faite
par le juge porte à croire qu'il ne s'opposerait pas à la
recevabilité du REP contre un acte détachable d'un acte de
gouvernement. Il serait même souhaitable qu'il en soit ainsi. Hormis les
actes détachables, le juge a admis la recevabilité du recours
contre certains contrats et les circulaires impératives en vue
d'étendre le champ d'application de ce recours.
Paragraphe 2 : La recevabilité du REP contre
certains contrats des collectivités locales et les circulaires
impératives
Le REP contre un contrat ou une circulaire est en principe
irrecevable. Cependant, ce principe n'est pas dénué d'exception
dans la mesure où certains contrats des collectivités locales
tout comme les circulaires impératives peuvent faire l'objet d'un REP.
Dans ce sens, le juge et le législateur se sont encore affirmés
dans leur entreprise d'élargissement du recours en admettant la
recevabilité de certains contrats et les circulaires
impératives.
A : La recevabilité du REP contre certains
contrats des collectivités locales
En principe, un acte administratif bilatéral n'est pas
contestable en excès de pouvoir puisqu'il relève de la
compétence du juge du contrat. Cependant, certains contrats
administratifs notamment ceux des collectivités locales peuvent faire
l'objet d'un contrôle de légalité. L'idée qui
sous-tend ce contrôle est qu'il faut préserver l'unité de
l'Etat et aussi veiller à ce qu'il y ait une bonne administration au
niveau des collectivités locales. L'admission de ces actes en
excès de pouvoir a été renforcée depuis que le
législateur a remplacé le contrôle de tutelle par un
contrôle de légalité, faisant ainsi de ce dernier un
principe.
Dans le cadre du contrôle de légalité de
ces actes, la loi donne compétence aux représentants de l'Etat de
les déférer devant la cour suprême. L'article 246 du
C.G.C.L prévoit à cet égard que : « le
représentant de l'Etat défère à la cour
suprême les actes mentionnés aux articles 243 et 244 du
présent code qu'il estime entachés d'illégalité,
dans les
32 C.S, arrêt N°24 du 27 novembre 2008,
Agence pour la Sécurité de la navigation en Afrique et à
Madagascar (A.S.E.C.N.A) C/ Etat du Sénégal, inédit
22
deux mois suivant leur transmission
»33. Parmi les actes cités à l'article 243,
figurent les contrats administratifs. Ces derniers portent sur les «
marchés ainsi que les conventions de concession ou d'affermage des
services publics locaux à caractère industriel et commercial
»34. Cette faculté accordée aux
collectivités locales de prendre ces actes administratifs
bilatéraux doit s'analyser comme un moyen de leur permettre d'assurer le
fonctionnement de leurs services publics locaux. Toutefois, un tel pouvoir doit
s'exercer conformément aux lois et règlements en vigueur. A
défaut, il sera entaché d'illégalité et pourrait
être déférer devant le juge de l'excès de pouvoir
pour annulation. Dans une affaire opposant le gouverneur de la région de
Tambacounda au conseil régional de Tamba, le juge de l'excès de
pouvoir a non seulement admis la recevabilité du contrat signé
par la collectivité locale mais encore il l'a annulé pour
illégalité. Ainsi, conclut-il dans cet arrêt que : «
la convention signée par le président du conseil
régional sans l'autorisation de l'organe délibérant
méconnaissant les dispositions de l'article 286 du code
général des collectivités locales, encourt l'annulation
»35. L'effort du juge dans le cadre de l'extension du REP
est aussi considérable lorsqu'il a consacré les circulaires
impératives.
B : L'admission du REP à l'égard des
circulaires impératives
Les circulaires sont des actes administratifs adressés
par les chefs de service à leurs subordonnés afin de leur
indiquer comment interpréter et exécuter les lois et
règlements applicables dans leurs services. Elles visent normalement
à interpréter une loi ou un règlement et demeure
insusceptible de REP. Mais, rappelle Jean-François LACHAUME : «
si le juge opposait l'irrecevabilité, sous prétexte qu'il
s'agit d'une circulaire, l'administration pourrait ainsi par un tel acte
modifier l'ordonnancement juridique à l'abri du contrôle
juridictionnel. Ce serait une lacune énorme dans la mise en oeuvre du
principe de légalité(...) »36. Une
circulaire règlementaire qui ajoute, modifie ou abroge un texte doit
faire l'objet d'un REP. Il ne pourrait en être autrement puisqu'elle
modifie l'ordonnancement juridique. Son annulation doit être
prononcée si
33 Article 246 de la loi N°2013-10 du 28
décembre 2013 portant code général des
collectivités locales, JO du Sénégal, N°6765.
34 Article 243, de la loi N°2013-10 portant code
général des collectivités locales, op. cit.
35 C.E, arrêt N°0014 du 29/07/1998,
gouverneur de la région de Tambacounda et conseil régional de
Tamba, B.A.C.E, N°1, 1998, p.12
36 LACHAUME (Jean François), Droit
administratif : les grandes décisions de la jurisprudence, Presses
universitaires de France, Thémis, Janvier 1995, p.129
23
elle est illégale. A cet égard, la circulaire
règlementaire par laquelle l'autorité administrative, en
l'occurrence le ministre a ajouté une condition non prévue par le
décret prenant ainsi une décision réglementaire qui
échappe à sa compétence encourt
l'annulation37.
Le contrôle juridictionnel de la légalité
des circulaires a évolué au Sénégal dans un sens
beaucoup plus favorable à la protection des droits des
administrés depuis que le juge a admis la recevabilité du REP
contre les circulaires impératives. Ainsi, « une circulaire est
dite impérative lorsque, sous couvert d'interpréter une loi ou un
règlement qu'elle est chargée de mettre en oeuvre, elle dicte aux
agents la conduite à tenir. Elle ne laisse pas de marge de manoeuvre aux
autorités compétentes »38.
La circulaire impérative permet de prendre en compte
des actes susceptibles d'être contestés devant le juge
administratif les circulaires qui sans ajouter au droit invitent à ses
destinataires à appliquer une règle contraire à la norme
juridique supérieure. L'objectif consiste à sanctionner les
illégalités qui pourraient être ignorées dans le
cadre des circulaires règlementaires. Ce qui permet donc de renforcer la
protection des droits des administrés. Le juge s'en est
référé aux circulaires impératives dans
l'arrêt la société Zénith Company SARL et 22 autres
et groupements d'intérêt économique contre l'Etat du
Sénégal. Dans cette espèce, le juge a
considéré que : « la circulaire attaquée, qui fixe un
délai de validité des cartes de mareyeur de la 3ème
catégorie et en interdit le renouvellement, revêt un
caractère impératif et fait grief aux requérants,
titulaires de ces cartes, qui sont ainsi privés de faire du mareyage
à l'exportation ; qu'elle est donc susceptible d'être
attaquée en annulation devant le juge administratif »39.
L'extension du champ d'application du REP est nécessaire pour une large
recevabilité de ce recours mais n'en demeure pas suffisante. C'est
pourquoi, elle s'est accompagnée de l'assouplissement des règles
relatives à la forme du recours.
37 CS, arrêt N°02 du 14 janvier 2010,
Ibrahima Diagne contre Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos
2-3, Année 2010-2011, p219 ; Voir aussi C.S, arrêt N°50 du 8
novembre 2012, SONATEL SA C/ Etat du Sénégal-ARTP, B.A.C.S,
Nos 4-5, année 2012, p.248
38 DONIER (Virginie), DROIN (Nathalie) et HOUSER
(Mathieu), Le droit administratif au concours, La documentation
française, 2005, p.75.
39 CS, arrêt N°24 du 12 avril 2018, la
société zénith SARL et 22 autres et groupements
d'intérêt économique contre Etat du Sénégal,
B.A.C.S, Nos 15-16, année 2018, p175
24
Section 2 : L'assouplissement des règles
relatives à la forme du recours
L'assouplissement des règles relatives à la
forme du REP est nécessaire compte tenu de la diversité des
procédures mais aussi de la brièveté du délai du
recours. Cet assouplissement s'est matérialisé par un
allègement progressif des formalités d'introduction du REP et
aussi par l'assouplissement du délai du recours.
Paragraphe 1 : L'allègement progressif des
formalités d'introduction
du REP
Les formalités d'introduction du REP prévues au
départ étaient nombreuses. Mais depuis mil neuf cent quatre vingt
seize (1996), elles ont été allégées afin de
faciliter la recevabilité du REP. Dans cette entreprise
d'allègement des formalités, le législateur a
supprimé en premier lieu la formalité relative à
l'obligation du ministère d'avocat et en second lieu celle liée
à la consignation de l'amende de cinq mille francs.
A : La suppression de la formalité tenant au
ministère d'avocat
Le recours au ministère d'avocat n'est pas obligatoire
en matière de REP. C'est ce que prévoit l'article 74 de la loi
organique sur la cour suprême. Aux termes dudit article, « le
recours pour excès de pouvoir n'est recevable que contre une
décision explicite ou implicite d'une autorité administrative. Le
demandeur est dispensé du ministère d'avocat »40.
Le recours au service d'un avocat est donc une faculté qui s'offre au
requérant. Ce dernier peut décider d'en passer, et le cas
échéant, sa requête ne sera pas irrecevable pour
inobservation de cette formalité. C'est ainsi que dans l'affaire
Ibrahima Ndiaye,41 le juge a rejeté le moyen tiré de
l'irrecevabilité du recours incriminant le requérant de n'avoir
pas fait signer sa requête par un avocat. Il en est de même dans
l'affaire Arouna Cissé42 où le juge a rejeté le
moyen tiré de l'irrecevabilité du recours du fait de la
signification de la requête par le requérant agissant en personne
et non par un avocat.
La suppression de cette formalité permet
d'éluder l'obstacle financier auquel peuvent buter les requérants
d'autant plus que le recourt aux services d'un avocat en
40 Article 74 de la loi organique N° 2017-09
du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique
N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op. cit.
41 CS, arrêt N°26 du 20/07/2020, Ibrahima
NDIAYE c/ Etat du Sénégal, inédit
42 CS, arrêt N°11 du 09 février
2017, Arouna CISSE c/ A.N.A.C.I.M-Etat du Sénégal,
inédit
25
matière contentieux requiert en principe beaucoup de
fonds d'ordre financiers. Toujours est-il que le recours au ministère
d'avocat est une exigence dans la pratique. Les propos de Zongo Yabré
Gilbert s'inspirant de l'exemple sénégalais et Burkinabé
sont assez illustratifs lorsqu'il précise qu' : « il est vrai
que de nos jours, il y a eu des avancées en matière de
gratuité de la saisine du juge de l'excès de pouvoir dans les
deux pays à travers la suppression du ministère d'avocat. Mais
force est de reconnaitre que la procédure administrative contentieuse
est complexe si bien que l'absence d'un conseil explique les nombreux rejets
des requêtes43 ». Cette affirmation aussi pertinente
soit-elle doit être nuancée pour deux raisons notamment pour le
cas sénégalais. D'abord, parce qu'au Sénégal
« l'essentiel des recours ont été introduit par des
avocats »44. Ensuite, malgré leur intervention
« le nombre de rejet est tout de même élevé
»45. Dans son entreprise d'allègement des
procédures, le législateur a procédé à la
suppression de la consignation de l'amende de cinq mil francs.
B : La suppression de la condition relative à la
consignation de l'amende
La formalité relative à la consignation de
l'amende de cinq mille francs a été supprimée de
l'ordonnancement juridique sénégalais depuis 2017. Cette
condition ne transparait pas parmi les conditions de recevabilité du REP
prévues dans la loi organique de 2017 sur la cour suprême. Sa
suppression vient renforcer la gratuité de la saisine du juge de
l'excès de pouvoir. En effet, grâce à cette suppression,
l'administré n'est plus assujetti au paiement d'une amende pour que le
juge examine sa requête au fond. Il s'agit là de l'application du
principe de la gratuité de la justice. Principe qui trouve son fondement
dans le fait que la justice est un service public. La suppression de la
condition tenant à la consignation de l'amende de cinq mil francs
augmente les chances des requérants en ce qu'elle permette au juge de
statuer sur le fond des requêtes
43 GILBERT (Zongo Yabré), « Le juge
administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et
au Sénégal », in le juge administratif, le juge
constitutionnel et le juge communautaire dans la protection des droits et
libertés fondamentaux : regards croisés (quatrièmes
rencontres de Dakar), sous la direction de SY (Demba) et FALL (Alioune Badara),
Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2019, p.316.
44 SY (Demba), Recours en matière
administrative et accès au juge, B.I.C.S, Nos 1-2,
décembre 2010, p.34.
Http://www.coursuprêm.sn.
Consulté le mercredi 25 décembre 2019.
45 DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les
méthodes et les techniques du juge en droit administratif
sénégalais, Thèse de doctorat en droit,
Université Cheikh Anta Diop, 1995, p.113.
26
en annulation. Cela est d'autant plus vrai que lorsqu'elle
était prévue, le juge n'hésitait pas à rejeter le
recours pour non consignation de la somme de cinq mille francs. Il en est ainsi
dans l'espèce Ibra Gaôki46 où il a rejeté
le recours formé par le requérant pour défaut de
consignation de l'amende de cinq mille francs. « Cette
formalité relative à la consignation de la somme de 5000
francs(...) est prévue pour décourager les initiatives
fantaisistes qui encombrent les rôles de la cour suprême
»47. Le problème vient alors de savoir comment
peut-on connaitre de telles initiatives ? A priori, rien ne permet de les
connaitre même lorsque le juge rejetait le recours pour inobservation de
cette condition. La seule chose qui est certaine est que le rejet d'un recours
pour non respect de cette condition pourrait empêcher l'annulation d'un
acte administratif illégal. Par exemple, en annulant dans
l'espèce Ibra Gaôki le recours introduit par le requérant
pour défaut de consignation de l'amende de cinq mille francs, le juge ne
pouvait réellement savoir si le requérant était
animé de fantaisies ou pas. Or, il est possible que l'acte
attaqué soit bien illégal.
Mais grâce à la suppression de cette condition,
le REP est désormais à la portée d'un grand nombre
d'administrés. Elle vient également assurer l'égal
accès des citoyens à la justice. Qu'il soit riche ou pauvre, le
recourant en excès de pouvoir à la chance de voir sa
requête aboutir. Mis à part la forme, le délai du recours
est également assoupli afin d'éviter ou à tout le moins
diminuer les cas d'irrecevabilités du recours.
Paragraphe 2 : L'assouplissement du délai du recours
La mise en oeuvre du REP est circonscrite dans un délai
de deux mois. Ce délai commence à courir dès que l'acte a
fait l'objet d'une publicité ou exceptionnellement lorsque le
requérant a pris connaissance de son existence. Toutefois, ce
délai peut être rallongé. La prorogation offre au juge
l'occasion de statuer sur une requête qu'il aurait pu rejeter pour
forclusion.
46 C.E du Sénégal, Ibra Gaôki
DIONE C/ Etat du Sénégal, 25 juin 1997, inédit.
Cité par SY (Papa Mamour), « Quelques remarques sur l'institution
de la cour suprême au Sénégal depuis la création du
conseil d'Etat », op. Cit, p.35.
47 SY (Papa Mamour), « Le conseil d'Etat
sénégalais et le contrôle de l'erreur manifeste
d'appréciation, commentaire de l'arrêt du conseil d'Etat de la
république du Sénégal du 27 octobre 1993, le comité
international de la croix rouge(C.I.C.R) et l'Etat du Sénégal
(arrêt N°14) », op. cit, p.
27
A : La conservation du délai du recours pour
défaut de publicité
La publicité est une mesure qui consiste à
porter un acte administratif à la connaissance de son destinataire. Elle
est un corollaire du droit à l'information et constitue le point de
départ du délai du REP. Autrement dit, c'est à partir de
la publicité qu'un acte devient opposable à son destinataire. A
défaut, son destinataire est en droit d'introduire un REP sans risque de
forclusion sauf s'il a pris connaissance de l'existence de l'acte. La
publicité peut intervenir dans deux cas : elle est établie soit
par le truchement de la notification soit par le biais de la publication. Ces
deux formes de publicité se différent essentiellement du point de
vue de la nature de l'acte administratif édicté.
S'agissant des actes individuels, leur opposabilité
n'intervient qu'après leur notification aux destinataires. L'exigence de
notification s'explique par le fait que ces actes individuels concernent des
personnes nommément désignées. Le défaut de
notification permet de conserver le délai du recours. Le juge est
allé dans ce sens dans l'affaire Sérigne Babacar SECK en
admettant la recevabilité du recours introduit par le requérant
après avoir rappelé que : « les décisions
attaquées sont des actes administratifs à caractère
individuel, qui, pour faire courir le délai du recours contentieux,
doivent être notifiés aux intéressés ; que faute de
notification individuelle, le délai du recours contentieux n'a pu courir
»48. Le juge n'a pas jugé utile dans cette affaire
de retenir le moyen tiré de ce que le requérant a eu connaissance
de la délibération attaquée par voie d'affichage le 22
juillet 2007. Il reste plutôt attaché au respect de la
notification de l'acte à son destinataire. De même, appelé
à prononcer l'irrecevabilité du recours dans deux
affaires49 rendues le même jour, le juge a donné une
réponse négative au défendeur qui a soulevé
l'irrecevabilité du recours et retient que l'acte attaqué n'a pas
été notifié au requérant pour faire courir le
délai du REP.
Concernant les actes à caractère
réglementaire, c'est la publication qui est requise pour leur
opposabilité. Ces actes à caractère général
et impersonnel ne peuvent être portés à la connaissance de
tous les intéressés qu'à la seule condition qu'ils fassent
l'objet de publication au journal officiel lequel sera déposé au
secrétariat général du
48 CS, arrêt N°31 du 25 août 2009,
Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de
la région de Kaolack, B.A.C.S, NO 1, année 2008-2009,
p.139.
49 CS, arrêt N°10 du 23 février
2012, Ibnou Abath Dia et autres C/ Etat du Sénégal, inédit
; CS arrêt N° 12 du 23 février 2012, Barthélémy
Toye Dias C/ Etat du Sénégal, inédit.
28
gouvernement pour être opposable aux administrés.
La publication demeure ainsi le moyen le plus efficace pour faire parvenir
l'information à tous. Le juge veille au respect de cette exigence en
admettant la recevabilité du recours formé contre un acte
règlementaire lorsqu'il n'a pas fait l'objet de publication. Ainsi, dans
l'espèce la SONATEL contre la Commune de Mboumba, le juge a retenu qu'
« il n'est pas établi que la délibération
attaquée qui a un caractère réglementaire a
été publiée pour faire courir le délai de recours ;
qu'en outre, il n'est pas contesté que la SONATEL a reçu
notification de la délibération le 22 juillet 2015 ; que par
conséquent, le recours formé le 22 juillet 2015 soit avant
l'expiration du délai légal de deux mois, est recevable
»50. Une fois qu'il aurait reçu la requête
d'annulation, le juge pourrait éviter de prononcer la
déchéance en prorogeant le délai du recours.
B : La prorogation du délai du recours
La prorogation du délai peut être
prononcée dans deux cas : c'est le cas où le requérant a
introduit un recours administratif préalable dans le délai du REP
et aussi lorsqu'il saisisse une juridiction incompétente. Le recours
administratif préalable est une procédure qui permet au
requérant estimant qu'un acte administratif est illégal de
demander dans le délai de deux mois l'auteur de l'acte ou son
supérieur hiérarchique de le rapporter. La prorogation est
souvent acquise lorsque le RAP est enclenché conformément aux
conditions prévues pour sa mise en oeuvre. Essentiellement
initiée dans l'intérêt des requérants, la
prorogation a été prononcée plusieurs fois par le juge
dans le cadre des recours gracieux et hiérarchique. Lorsqu'une
autorité administrative est saisie à cet effet, elle ne peut
donner que trois sortes de décisions susceptibles de proroger le
délai du REP. Il s'agit de la décision explicite de rejet, la
décision implicite de rejet et la décision explicite de rejet
intervenue postérieurement après l'expiration du délai de
quatre mois prévus.
Cette procédure présente beaucoup
d'intérêts pour « l'usager, qui bénéficie
ainsi que l'opportunité de voir l'administration revenir
d'elle-même sur la décision défavorable qu'elle à
prise à son en contre dans le cadre d'une procédure plus souple
et bien plus brève que celle de l'action contentieuse
»51. Ce qui porte à croire qu'il présente
relativement plus de garanties qu'un recours juridictionnel. Ainsi, a-t-on
raison de dire « vaut mieux un
50 CS, arrêt N°09 du 09 février
2017, la SONATEL C/ Commune de Mboumba-Etat du Sénégal.
51 KEUTCHA TCHAPNGA, Les grandes
décisions annotées de la juridiction administrative du
Cameroun, Cameroun, L'Harmattan, 1ère édition,
2017, p.108.
29
mauvais arrangement qu'un bon procès » si l'on
sait que le procès est très couteux et que l'exécution de
la décision annulée par le juge de l'excès de pouvoir
demeure toujours incertaine. Tandis que la décision prise à
l'issu d'un arrangement est souvent respectée par les deux parties mais
aussi parce que l'arrangement est moins coûteux qu'un procès. En
outre, la procédure de RAP permet « d'éviter un certain
nombre de recours contentieux et donc de lutter contre l'encombrement de la
juridiction administrative52 ». Elle vient faciliter
à cet égard le travail du juge de l'excès de pouvoir qui
sera saisi que pour des affaires très sérieuses qui n'ont pu
aboutir à un accord entre l'administration et le requérant.
Le REP peut aussi faire l'objet de prorogation en cas de
saisine d'une juridiction incompétente par le requérant
préalablement à la juridiction administrative compétente.
Ce recours relève de la compétence exclusive de la cour
suprême. Par conséquent lorsqu'il est porté devant une
autre juridiction, cette dernière doit se déclarer
incompétente afin de ne pas s'interférer dans les attributions de
la cour suprême. La déclaration d'incompétence peut
intervenir après une longue période et, le cas
échéant, le délai d'introduction du REP sera
dépassé. Un rattrapage du délai dépassé est
donc nécessaire en ce sens qu'il gagnerait à empêcher un
éventuel rejet du recours pour forclusion. Il appartient à la
juridiction compétente en excès de pouvoir de procéder au
rattrapage du délai en le prorogeant. La prorogation est possible
à condition que le recours introduit par le requérant,
aboutissant à la déclaration d'incompétence, soit fait
dans le délai de deux mois. Rien n'interdit normalement une prorogation
lorsqu'intervient une déclaration d'incompétence à la
suite d'un RAP. Le délai du recours pour excès de pouvoir
commence à courir à partir de la notification de la
déclaration d'incompétence de la juridiction qui a
été saisie à tort53.
L'intérêt consiste, dans un premier temps,
à ouvrir largement la recevabilité du REP aux requérants.
La prorogation du délai du REP permet ainsi au juge d'assurer sa
fonction de gardien des droits et libertés.
52 WALINE(Jean), Précis de droit
administratif, op.cit, p.640 ; voir aussi LOMBARD (Martine), DUMONT
(Gilles) et SIRINELLI (Jean), Hyper cours droit administratif : cours et
travaux dirigés, sous la direction de CHAGNOLLAUD (Dominique) et
GUINCHARG (Serge), Dalloz, 12ème édition, 2017,
p.668.
53 CS, arrêt du 9 février 1966, Dame
Fatou Diop, RLJ, 91 ; Ann. afr.1973, p.268. Cité par SY (Demba),
Droit administratif, revue, corrigée et augmentée, op.
cit, p.127.
30
Dans un second temps, il s'agit d'éviter à ce
que des recours en annulation fassent l'objet d'un examen au fond par n'importe
quelle juridiction. Ce qui permet de préserver l'exclusivité de
la compétence de la cour suprême en la matière en
évitant des recours désorganisés qui vont induire des
immixtions irrégulières des autres juridictions dans sa
sphère de compétence.
Une fois qu'il examine la recevabilité du REP, le juge
doit procéder à l'examen de la légalité de l'acte.
Le travail fait par le juge au moment du contrôle de la
légalité rassure que l'examen du recours est satisfaisant en ce
qu'il permet d'assurer le respect de la légalité et la protection
des droits des administrés.
Chapitre 2 : Le contrôle satisfaisant de l'acte
administratif litigieux
Au moment de l'examen de la légalité d'un acte
administratif, le juge peut recourir à des procédures et
techniques visant toutes à protéger les droits des
administrés. Les procédures visées en ce sens concernent
substantiellement celles relatives à l'urgence telles que le
référé suspension et le référé
liberté visant à faire cesser l'atteinte aux droits des
administrés en attendant la décision au fond du juge de
l'excès de pouvoir. Il doit en outre se fonder sur les
éléments de preuve des faits litigieux pour déterminer
l'existence ou non de l'illégalité. En excès de pouvoir,
il fait preuve de pragmatisme dès fois en allégeant la charge de
la preuve. Une fois la preuve établie, le juge va rejeter ou annuler
l'acte administratif du requérant selon qu'il y ait
illégalité ou pas. L'annulation n'intervient que lorsqu'il y a
illégalité de l'acte administratif attaqué. La sanction
des actes administratifs illégaux prononcée par le juge couvre
l'essentiel des illégalités susceptibles d'affecter un acte
administratif.
Section 1 : La mise en oeuvre des procédures
d'urgence dans le traitement du recours et l'allègement de la charge de
la preuve
Plusieurs procédures ou techniques ont
été mises en oeuvre avant et au moment du contrôle de la
légalité en vue d'éviter que l'administré ne
subisse des effets indésirables pouvant résulter de certains
actes administratifs illégaux. Effets qui peuvent résulter de
l'application du principe d'effet non suspensif54 et du principe
« actori incumbit probatio ».
54 Voir infra, p.59 et 60.
31
Il s'est agit successivement de la mise en oeuvre des
procédures d'urgence et de l'allègement du fardeau de la
preuve.
Paragraphe 1 : La mise en oeuvre des procédures
d'urgence dans le
traitement du REP
Deux principales procédures sont visées à
ce niveau. Il s'agit du référé suspension et du
référé liberté qui ont été
instituées par le législateur dans la loi organique de 2017 sur
la cour suprême. Ces procédures offrent beaucoup de garanties au
recourant de l'excès de pouvoir avant même l'intervention de la
décision du juge de l'excès de pouvoir.
A : L'application de la procédure de
référé suspension
En droit sénégalais, la procédure
initialement aménagée pour la suspension d'un acte administratif
illégal est celle du sursis à exécution. Celle-ci bien
qu'indispensable pour la protection des droits des administrés souffrait
de limites. Pour pallier à ses insuffisances, le législateur a
adopté une nouvelle procédure d'urgence en lieu et place de la
première afin d'améliorer la protection des droits des
administrés. Cette nouvelle procédure relative au
référé suspension est prévue à l'article 84
de la loi organique sur la cour suprême. Suivant cet article, «
quand une décision administrative fait l'objet d'une requête en
annulation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce
sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette
décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et
qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en
l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la
légalité de la décision. Lorsque la suspension est
prononcée, il est statué sur la requête en annulation de la
décision dans les meilleurs délais»55. La
suspension d'un acte administratif obéit à des conditions
spécifiques.
D'une part, il est exigé au requérant le respect
de la condition formelle. Cette dernière est relative à
l'introduction d'un recours en annulation préalablement à toute
demande de suspension de l'acte. De là, apparait un lien étroit
entre le référé suspension et le recours pour excès
de pouvoir. Comme l'indique Moustapha AIDARA, « (...) le
référé suspension est un recours accessoire à une
requête en annulation d'une décision
55 Article 84 de la loi N° 2017-09 du 17
janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du
08 Août 2008 sur la cour suprême, op. cit.
32
administrative devant la cour suprême
»56. Il n'est pas une procédure autonome mais
plutôt dépendante du REP. Le non respect de cette condition
entraine le rejet de la requête de suspension. Dans une affaire qui lui a
été soumise sur la base d'autres fondements, le juge à
rejeter la demande du requérant alors qu'il aurait dû peut
être ordonné la suspension de l'acte si le requérant avait
introduit au préalable un recours en annulation, et ce malgré que
la demande du requérant ne portait pas sur le
référé suspension57.
D'autre part, la demande de suspension est soumise à
des conditions de fond. D'emblée, il doit y avoir urgence à
suspendre l'acte administratif. On dit qu'il y a urgence en matière de
référé suspension « lorsque la décision
contestée porte atteinte, de manière suffisamment grave et
immédiate, à un intérêt public, à la
situation du requérant ou à ses intérêts
»58. En sus, la demande de suspension doit viser un moyen
propre à créer un doute sérieux quant à la
légalité de la décision. Que peut-on entendre par «
moyen propre » ? Pour le professeur Moustapha AÏDARA, « le
moyen propre qui vient remplacer le moyen sérieux signifie que le juge
n'a pas besoin de certitude sur le caractère fondé des moyens
d'annulation. Il suffit que sa requête comporte un moyen de nature
à créer le doute »59. En posant cette
condition, le législateur a entendu assouplir les conditions de mise en
oeuvre du référé suspension. Si après examen de la
requête de suspension le juge estime que les conditions sont
réunies, il doit ordonner la suspension de l'acte administratif. C'est
ainsi qu'il a, par exemple, ordonné la suspension de la décision
du préfet de Dakar telle que demandée par L'Eglise du
christianisme Céleste « Paroisse Jehovah Elyon »60.
La suspension de l'acte administratif litigieux constitue un moyen sûr de
protection des droits des administrés contre tout effet
irrémédiable pouvant résulter de l'application du
56 AIDARA (Mouhamadou Moustapha), «
Référé administratif et unité de juridiction au
Sénégal », in revue Afrilex, 2019, p.10. Voir
également, NDIAYE (Ameth), « Le référé
administratif en Afrique, in revue Afrilex, janvier 2020, p.40.
57 CS, Ordonnance N°1 du 02 mars 2017,
Héritiers feu Arouna SENE, feu Moustapha SENE et feu Momar SENE C/
Sous-préfet des Almadies- Héritiers feu Ndiouga KEBE et feu
Bécaye SENE, cité par NDIAYE (Abdoulaye), « Panorama de la
jurisprudence de la chambre administrative de la cour suprême »,
BICS, p.68 et 69, Http// :
www.coursuprême.sn,
consulté le mercredi 25 décembre 2019.
58 CS, ordonnance de référé,
N°5 du 10/10/2019, la Société sénégalaise des
Eaux dite SDE C/ L'Autorité de Régulation des Marchés
Publics dite A.R.M.P-Etat du Sénégal, p.6. Http// :
www.coursuprême.sn,
consulté le mercredi 25 décembre 2019.
59 AIDARA (Moustapha), «
Référé administratif et unité de juridiction au
Sénégal », op. Cit, p.
60 Ordonnance N°7 du 18 mai 2017 l'Eglise du
christianisme Céleste « Paroisse Jehovah Elyon », cité
par NDIAYE (Adama), « La jurisprudence Sénégalaise en
matière de protection des droits et libertés », BICS,
N° 013-014, juin 2019, p.57. Http//:
www.coursuprême.sn,
consulté le 12 février 2020
33
privilège du préalable. Cette procédure
permet au requérant d'obtenir une décision du juge dans les
meilleurs délais. La prise en compte de l'urgence dans le traitement
d'une requête en annulation s'effectue également par le biais de
la procédure du référé liberté.
B : La mise oeuvre de la procédure de
référé liberté
Dépourvu de référent dans l'ancienne
législation relative à la cour suprême, le
référé liberté regorge néanmoins une
importance indéniable. Son institution dans l'ordonnancement juridique
sénégalais justifie ô combien le législateur accorde
de l'intérêt aux libertés, notamment celles fondamentales.
Il est prévu à l'article 85 de la loi organique sur la cour
suprême de 2017. Cet article dispose que : « saisi d'une demande
justifiée par l'urgence, le juge des référés peut
ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une
liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit
public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un
service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ces pouvoirs, une
atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des
référés se prononce dans un délai de quarante-huit
heures »61. Pour enclencher la procédure de
référé liberté le requérant doit justifier
l'existence d'une urgence à sauvegarder une liberté fondamentale
dont l'acte administratif aurait porté gravement atteinte. Pour le juge,
rappelle le professeur Mouhamadou Moustapha AIDARA, « l'urgence
résulte nécessairement d'une atteinte grave et manifestement
illégale à une liberté fondamentale »62.
Il renchérit à ce propos que : « c'est l'existence ou
l'absence d'atteinte de nature grave et manifestement illégale à
une liberté fondamentale qui constitue l'indice déterminant
d'appréciation de l'urgence »63. L'examen de l'urgence
est un véritable casse-tête pour le juge des
référés qui doit déterminer si la liberté
dont il est appelé à protéger a un caractère
fondamental ou pas puisque le législateur sénégalais n'a
pas précisé la signification. Toutefois, lorsque le juge estime
après examen de la requête que les conditions relatives au
référé liberté sont remplies, il peut ordonner
toutes mesures utiles à la sauvegarde de la liberté fondamentale.
L'intérêt est que le juge des référés dispose
d'importants pouvoirs pour faire cesser l'atteinte à la liberté
fondamentale. En sus, il doit se prononcer dans les délais de
quarante-huit (48) heures.
61 Article 85 de la loi organique N° 2017-09
du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique
N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit.
62 AIDARA (Mouhamadou Moustapha), «
Référé administratif et unité de juridiction au
Sénégal », op. Cit, p.20
63 Idem
34
Ce délai est donc raisonnable eu égard au moment
durant lequel le juge est censé statuer.
Malgré les prescriptions légales, le juge des
référés peine à respecter ce délai de
quarante huit heure. Mais force est de reconnaitre qu'il fait parfois des
efforts pour rendre sa décision dans un délai raisonnable
même s'il n'arrive pas à respecter le délai de
quarante-huit heure prévu. Il en est ainsi dans l'affaire Abdoul
MBAYE64 où il a rendu sa décision une semaine
après la demande en référé liberté.
Après l'intervention du juge des référés, celui de
l'excès de pouvoir saisi aux fins d'annulation doit à l'aide des
preuves qu'il dispose annuler ou rejeter l'acte. En principe, la charge de la
preuve incombe au demandeur. Mais, il arrive parfois que le juge allège
la charge de la preuve.
Paragraphe 2 : L'allègement de la charge de la
preuve
En droit, la charge de la preuve incombe
généralement au demandeur. Dit autrement, il appartient à
celui qui conteste la violation d'un droit devant une instance juridictionnelle
d'en apporter la preuve de ses allégations. Dans le cadre des litiges
opposants l'administration à l'administré, c'est ce dernier qui
est souvent en position de demandeur. Dès lors, la charge de la preuve
lui incombe puisque les actes administratifs sont présumés
légaux. Ce principe tiré de l'adage « actori incumbit
probatio » ne s'applique toujours pas. En effet, des exceptions peuvent
lui être apportées par le juge. Il s'est agit principalement des
cas où l'établissement de la preuve est soit imposé
à l'administration par le juge, soit il est fait par le juge
lui-même de son plein gré.
A : La production obligatoire de la preuve par
l'administration
Le procès administratif oppose
généralement deux parties inégales, à savoir d'un
côté l'administration et de l'autre côté
l'administré. Cette inégalité qui se penche en faveur de
celle-là met souvent celui-ci dans une position délicate voire
impossible pour prouver l'illégalité de l'acte litigieux. C'est
pourquoi, « le juge sénégalais essaie parfois
d'être pragmatique en matière de preuve pour tenir compte de la
situation souvent désavantageuse des administrés dans le
procès administratif. En effet, l'administré est
généralement placé en position de demandeur. Il est de ce
fait en situation d'infériorité par rapport à
l'administration qui détient les éléments
nécessaire à la preuve des faits
64 CS, ord. Référé, 4
septembre 2018, Abdoul Mbaye et autres c/ Ministre de l'intérieur et
agent judiciaire de l'Etat, affaire n° j/357/RG/18 du 28/08/2018,
inédit. Cité par Moustapha Aidara, op.cit, p.14
35
litigieux »65. En
vérité, le juge exige parfois l'administration d'apporter une
preuve suffisante notamment lorsque les allégations du requérant
sont sérieuses. Cette exigence faite à l'administration
s'explique par le fait que l'administré peut rencontrer des
difficultés pour établir les éléments de preuve
qui, faut-il le dire, sont généralement détenus par
l'administration. Pour éviter les effets désastreux de cette
situation, le juge retient le défaut de production des
éléments susceptibles de forger sa conviction par
l'administration comme une légitimation des allégations du
requérant. Il ne lui reste alors qu'à annuler cet acte dont
l'illégalité est incontestable du fait de l'inexistence ou
l'insuffisance de la preuve du contraire. Dans l'espèce Amadou Alpha
Kane, le juge de l'excès de pouvoir après avoir demandé au
ministre des transports et des télécommunications la production
complète des dossiers constitués à l'occasion des
poursuites disciplinaires dirigées contre Kane Amadou Alpha a fait
savoir, « qu'il n'a pas été satisfait à cette
demande par les productions faites le premier décembre mil neuf cent
soixante deux »66. Dans une autre affaire opposant Aminata
Cissé à la commune de Sendou, le juge a annulé l'acte
administratif après avoir « réclamé sans suite au
Président de la délégation spéciale de Sendou, le
procès verbal de la commission d'attribution en sa séance du 25
mai 2007, visé dans l'acte attaqué ainsi que les motifs ayant
conduit à la désaffectation du premier attributaire
»67.
En exigeant l'administration d'apporter la preuve du
contraire, le juge s'érige en véritable gardien des droits et
libertés des administrés. Il assure ainsi un minimum
d'équilibre entre les parties opposées dans le procès
administratif. Dans sa dynamique d'allègement du fardeau de la preuve,
le juge procède lui-même à la recherche de la preuve des
faits qui sont à la base de l'acte litigieux.
B : L'établissement volontaire de la preuve par
le juge
Compte tenu de la complexité et de la technicité
de certaines affaires, le juge de l'excès de pouvoir se montre dans
certains cas très actif lors de l'instruction de l'affaire. Il ne se
contente, tant s'en faut, dans sa démarche d'allègement du
fardeau de la preuve à exiger de l'administration la preuve du
contraire. En effet, il fait recours à
65 DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les
méthodes et techniques du juge en droit administratif
sénégalais, op. Cit, p.180
66 CS, arrêt du 20 mars 1963, Amadou Alpha
KANE. Cité par BOCKEL (Alain), recueil de jurisprudence administrative
sénégalaise : 1960-1974, op. Cit, p.11-12
67 CS, arrêt N°28 du 12/6/2014, Aminata
Cissé c/ commune de Sendou, inédit
36
ses pouvoirs d'instruction qu'il tient de l'article 74-3 de la
loi organique sur la cour suprême pour établir les
éléments de preuve. Aux termes dudit article, « sous
réserve de la signification de la requête et des mémoires,
comme il est prévu aux articles 37 et 38 de la présente loi, le
président de chambre, sur proposition du rapporteur, prescrit toute
mesure d'instruction sur le fond, qui lui paraisse nécessaire à
la solution de l'affaire, assortie, s'il y a lieu, de délais
»68. Le juge recourt généralement à
cette technique lorsque les éléments versés au dossier par
les deux parties ne lui permettent pas de procéder à un examen
sérieux de la requête. Il va ainsi au-delà des
allégations ou preuves qui lui sont présentées par les
parties pour établir une preuve plus objective, probante et acceptable
que celle qui lui est présentée par l'une ou l'autre partie. Dans
l'affaire Ndiogou FALL et autres, le juge a considéré «
qu'en l'état, la cour ne disposant pas d'éléments
suffisants pour exercer son contrôle, poursuit l'instruction en ordonnant
une expertise confiée à Dame SADY, expert, aux frais du maire de
Dakar, avec pour mission, de décrire l'état des immeubles
visés dans l'arrêté attaqué et de dire s'ils
menacent ruine »69. En outre, dans l'affaire Cheikh Dieng
contre Etat du Sénégal70, il a annulé la mesure
prise par l'autorité administrative pour incompétence
territoriale en se référant au procès-verbal de transport
sur les lieux du 10 mai 2016 corroboré par le rapport de l'agence
nationale de l'aménagement du territoire lequel précise que
« le « marché Boubess » est situé dans la commune
de Djida Thiaroye Kao dans le département de Pikine ».
L'établissement de la preuve par le juge s'effectue souvent lorsque
l'affaire qui lui a été soumise relève d'une grande
complexité. Au-delà de ces procédures, le juge doit dire
si l'acte est légal où pas. Afin d'assurer un bon contrôle
de légalité et une bonne protection des droits des
administrés, le juge effectue un contrôle couvrant l'essentiel des
illégalités susceptibles d'affecter un acte administratif.
Section 2 : La mise en oeuvre d'un contrôle
couvrant l'essentiel des illégalités susceptibles d'affecter un
acte administratif
Toute demande d'annulation pour violation du principe de
légalité doit au moins viser une cause
d'illégalité. Les causes d'illégalité du REP
constituent une oeuvre de la jurisprudence administrative française.
Reprises par le juge de l'excès de pouvoir
68 Article 74-3 de la loi organique N° 2017-09
du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique
N°2008-35 du 08 Août 2008 sur la cour suprême, op. Cit
69 CS, arrêt N°07 du 10 février
2011, Ndiogou FALL et autres C/ Maire de Dakar, inédit
70 Arrêt N°04 du 12 janvier 2017, Cheikh
Dieng C/ Etat du Sénégal, op. Cit, p.207 ;
37
sénégalais71, elles n'ont fait
l'objet d'aucune règlementation textuelle que ce soit en France ou au
Sénégal. Les illégalités pouvant affectées
un acte administré sont largement contrôlées par le juge
qui les a progressivement consacrées. Au départ, il a retenu
quatre causes d'illégalité du REP. Quelques moments plus tard, il
vient renforcer son contrôle en admettant d'autres causes
d'illégalité.
Paragraphe 1 : Les illégalités initialement
sanctionnées
Le juge a d'abord effectué un contrôle timide de
la légalité des actes administratifs. En effet, il refusait de
recourir à certaines techniques de contrôle devant aboutir au
contrôle des actes relevant du pouvoir discrétionnaire de
l'administration. C'est ainsi que quelques illégalités
étaient soumis à son contrôle que ce soit pour les
illégalités externes ou celles internes de l'acte
administratif.
A : Les illégalités externes
contrôlées
Appelés aussi illégalités externes, ces
vices sont relatives à la forme de l'acte. D'emblée, on peut
noter la sanction du vice de compétence qui vise à
prévenir le désordre dans l'organisation et le fonctionnement de
l'administration. La compétence de chaque autorité administrative
est limitée dans une matière donnée, suivant un espace
déterminé et un moment précis. Dès lors, «
il y a incompétence lorsque l'auteur de l'acte n'avait pas pouvoir
légal de prendre cette décision, ce pouvoir étant dans les
attributions d'une autre autorité 72».
Deux grandes formes de vices de compétences peuvent
être notées : l'une se rapporte à un empiètement de
fonction et l'autre concerne l'usurpation de fonction. Concernant
l'empiètement de fonction, elle intervient en cas de violation de
l'élément matériel, territorial et temporel.
L'incompétence matérielle se présente lorsqu'il y a «
conflit de compétence à l'intérieur d'un même
pouvoir 73». L'autorité administrative qu'elle que
soit son rang doit se garder d'intervenir dans un domaine administratif qui ne
lui est pas réservé. Le non respect de cette règle
entraine l'annulation de l'acte administratif. Dans l'espèce Longin COLY
et autres contre l'Etat du Sénégal, le juge a
71 Le juge de l'excès de pouvoir
sénégalais a repris les cas d'ouverture du REP consacrés
par le juge administratif français excepté la technique du bilan
coût avantage.
72 PEISER (Gustave), Droit administratif
général, Dalloz, les mémentos, 26ème
édition, 2014, p.309 73MBACKE (Mouhamadou Moctar), « Le
contrôle juridictionnel de l'administration : le recours pour
excès de pouvoir », p.11.
Http://www.sunulex.sn,
consulté le mercredi 25 décembre 2019.
38
annulé l'acte pris par le préfet de Bignona au
motif qu'il n'est pas compétent matériellement pour prendre cet
acte74. Du point de vue territorial, le vice de compétence
existe à partir du moment où une autorité administrative a
pris un acte qui ne relève pas de ses attributions territoriales. Ainsi,
« encourt l'annulation pour incompétence territoriale de son
auteur, la décision du préfet attribuant à u ne commune de
son ressort un équipement marchand situé en dehors de son
périmètre territorial »75. Est
également constitutif d'un vice de compétence l'acte pris par
l'autorité administrative en violation de l'élément
temporel. L'acte pris avant ou après son investiture76 est
illégal et encourt l'annulation.
Constitue enfin un vice de compétence, le fait pour une
autorité administrative d'empiéter sur les attributions d'une
autorité étrangère. Très grave, cette forme
d'incompétence viole la substance même du principe de la
séparation des pouvoirs du moment que l'autorité administrative
s'interfère dans un domaine réservé au pouvoir
juridictionnel77ou bien au pouvoir
législatif78.
L'illégalité externe de l'acte est aussi
sanctionnée en cas de vice de forme. Ce dernier comprend les
règles de forme entendues au sens strict et les règles de
procédure. D'une manière générale, ce vice est
constitué chaque fois qu'il y a violation des règles relatives
à la présentation matérielle de l'acte ou des
règles de procédure se rapportant à son
élaboration. Toute omission ou irrégularité relative
à la forme de l'acte n'entraine
74 Voir CS, Longin COLY et autres C/ Etat du
Sénégal, cité par BOCKEL (A), Recueil de jurisprudence
administrative du Sénégal, op.cit, p.50 ; CS 23 février
2012, Amadou Lamine BA c/Etat du Sénégal, inédit ; CS,
Arrêt N°01 du 1O janvier 2O13, Zahira SALEH C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.S, NOS 6-7, année judiciaire
2013, p.127 ; C.S, Arrêt N°07 du 27 février 2014, Modou GNANG
C/ Université ALIOUNE DIOP DE BAMBEY ; CS, Arrêt N°44 du 25
Juin 2015, Mapathé DJIBA C/ Directeur général de
l'A.N.R.A.C ; CS, arrêt N°21 du 22 mars 2018, SUDES C/ Le recteur de
l'université ASSANE DECK DE ZIGUINCHOR, Bulletin des arrêts de la
cour suprême du Sénégal, N° 15-16, année 2018,
p.173
75 C.S, arrêt N°04 du 12 janvier 2017,
cheikh DIENG C/ Etat du Sénégal, Bulletin des arrêts de la
cour suprême du Sénégal, année judiciaire 2017,
p.207
76 CS, Aminata SALL et autres C/ Etat du
Sénégal. Cité par MBACKE (Mouhamadou Moctar), « le
contrôle juridictionnel de l'administration : le recours pour
excès de pouvoir », op. Cit. p.11
77 CE(Sénégal), 26 Avril 1995, Abdoulaye
LO c/ Etat du Sénégal
78 C.S, Arrêt N°59 du 08 novembre 2012,
La société nationale des télécommunications
(SONATEL SA) C/ Etat du Sénégal-Agence de régulation des
télécommunications et des postes(ARTP), NOS 4-5,
année 2012, p.247 ; CS, arrêt N°21 du 24 mars 2016, REGI SA,
REGIDAK CAURIS COM C/ Commune de Mermoz-Sacré Coeur, B.A.C.S,
Nos 11-12, année judiciaire 2016, p.218
39
pas nécessairement son annulation. Bien entendu, seule
la violation d'une formalité substantielle est susceptible d'annulation.
« Une formalité est réputée substantielle si elle
peut avoir une influence sur le sens de la décision à prendre ou
bien si elle constitue une garantie pour les administrés
»79. Cette technique permet au juge de veiller à ce
qu'un formalisme ne puisse paralyser l'activité administrative.
S'agissant du vice de forme, le juge l'a sanctionné
dans l'arrêt ASC DIAL DIOP motif pris de ce que : « la
décision attaquée ne porte ni noms, ni les signatures des membres
du comité directeur qui ont participé à son
élaboration ».80
Pour les règles de procédure, elles sont
diverses. Dans ce registre, il y a la procédure consultative suivant
laquelle l'administration est amenée à solliciter l'avis d'un
organe afin de l'éclaircir sur une affaire avant la prise de l'acte. La
procédure consultative peut être facultative ou obligatoire. Dans
le premier cas, l'administration est libre de consulter et de suivre l'avis
s'il est donné par l'organisme consulté. Dans le second cas,
l'autorité administrative est tenue de requérir l'avis d'un
organisme avant de prendre une décision. Le défaut de
consultation préalable exigée par les textes est un vice
d'illégalité sanctionné par le juge81. Par
ailleurs, l'administration est libre de suivre l'avis de l'organisme dans le
cadre de la consultation obligatoire si cet avis est facultatif. Mais si l'avis
donné est conforme, elle doit le suivre sous peine de voir le juge
annulé son acte. Le juge est allé dans ce sens dans l'affaire
Momar GUEYE, lorsqu'il a annulé l'arrêté du ministre de
l'environnement et de la protection évinçant le sieur GUEYE de
ses fonctions au motif qu'il l'a sanctionné « sans que la
procédure de consultation obligatoire assortie de l'exigence de l'avis
conforme ait été respectée »82.
Au titre des règles de procédure, il faut
ajouter celle de la procédure contradictoire. Cette dernière
permet au destinataire de l'acte administratif de connaitre le bien
fondé de la décision prise à son encontre et par la
même occasion de bien
79 PEISER (Gustave), droit administratif
général, op. Cit, p57 ;
80 C.E du Sénégal, 27 avril 1994, ASC
DIAL DIOP, KHOUMA (O), op. Cit. p.29 ; voir également C.S, arrêt
N°13 du 7/4/2011, association sportive des Douanes c/
Fédération sénégalaise de Basket, inédit
81 CS, arrêt N°14 du 05 mai 2009, Aliou
DIA C/ El hadji Moussa NDIAYE-Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°1,
2008-2009, p.105 ; CS, arrêt N°31 du 25 août 2009,
Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de
la région de Kaolack op. cit
82 CE, arrêt N°0018 du 29/06/2000, Momar
GUEYE C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, p.36
40
préparer sa défense. L'inobservation de cette
procédure est sanctionnée par le juge de l'excès de
pouvoir83.
D'autres règles de procédures sont fixées
par des textes et leur respect s'impose à l'administration. Ainsi,
l'acte administratif pris au mépris de la procédure de mise en
demeure prescrite par les textes comme une formalité substantielle
encourt l'annulation84. Pour prendre en compte certaines
illégalités pouvant affecter une décision administrative,
le juge s'intéresse également à la légalité
interne.
B : Les illégalités internes
sanctionnées
Les illégalités internes sanctionnées
initialement par le juge se rapportent à deux causes
d'illégalité : il s'agit de la violation de la loi et du
détournement de pouvoir. Concernant la violation de la loi, elle
constitue le soubassement ou encore le moyen principal d'ouverture du REP. Elle
est aussi un cas d'ouverture du REP parmi tant d'autres. Dans cette
perspective, elle est conçue restrictivement et signifie que
l'autorité administrative a violé les règles relatives au
contenu et aux motifs de fait et de droit de l'acte. D'une part, la violation
de la loi est établie lorsque l'acte administratif n'a pas
respecté la hiérarchie des normes. L'acte pris en ce sens encourt
l'annulation du fait qu'il est contraire à la constitution85,
à la loi86, aux principes généraux du
droit87 etc.
D'autre part, la violation de la loi se rapporte à
l'irrégularité des motifs de l'acte, notamment celles relative
à l'erreur de droit et l'erreur de fait. L'erreur de droit est
83 CE, arrêt N°0001 du 31/03/1999,
Société RACINE SA C/ Ordre national des experts et
évaluateurs agrées du Sénégal, B.A.C.E,
année 1999, p.20 ; CS, arrêt N°09 du 23 février 2012,
Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de
la région de Kaolack, op. cit
84 CS, arrêt N°4 du 27 janvier 2009,
Cheikh Abdoul Khadre CISSOKHO C/ Conseil rural de Sindia-Etat du
Sénégal, B.A.C.S, N°1, 2008-2009, p.71 ; CS, arrêt
N°38 du 10 novembre 2011, Babacar SARR C/ Etat du Sénégal,
B.A.C.S, N°2-3, année 2010-2011, p.256 ; C.S, Maguètte WADE
C/ Conseil rural de RONKH, B.A.C.S, N°1, 2008-2009, p.126
85 C.S, arrêt N°61 du 24 novembre 2016,
Collectivité LEBOUE de OUAKAM C/ Eta du Sénégal, B.A.C.S,
Nos 11-12, Année 2016, p.210
86 Arrêt N°14 du 05 mai 2009, Aliou DIA
C/ El Hadji Moussa NDIAYE - Etat du Sénégal, BACS, N°1,
années 2008-2009, p.105 ; C.S, arrêt N°31 du 11 Août
2011, Oumar GUEYE et autres-Jean Paul DIAS et autres C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.S, Nos2-3, année 2010-2011,
p.252, C.S, arrêt N°4 du 25 janvier 2018, Cheikh DIOGAL THIAW C/
Etat du Sénégal, BACS, N° 15-16, année 2018, p167
87 CS, arrêt N°1 du 9 janvier 2014, Mame
Thierno DIENG C/ Recteur de l'université Cheikh Anta DIOP, B.A.C.S,
N°6-7, année 2013, p.165
41
sanctionnée par le juge lorsqu'il y a un défaut
de base légale88 ou une fausse interprétation de la
loi89. Pour ce qui est de l'erreur de fait, elle est
sanctionnée en cas d'inexactitude matérielle des
faits90 ou d'erreur sur la qualification juridique des
faits91.
En ce qui concerne la sanction du détournement de
pouvoir, elle consiste pour le juge à effectuer un contrôle
subjectif visant à déterminer le mobile qui a inspiré
l'autorité administrative à prendre l'acte attaqué. Le
détournement de pouvoir est le fait pour une autorité
administrative d'user de ses pouvoirs dans un but autre que celui pour lequel
les textes lui ont donné compétence. L'administration doit
assurer l'IG conformément aux textes sous peine de commettre un
détournement de pouvoir.
Ce dernier épouse trois formes. D'abord, il y a
détournement de pouvoir lorsqu'une autorité administrative a pris
un acte dans un but d'IG mais différent de celui pour lequel elle a
reçu compétence. Doit être annulée pour
détournement de pouvoir en ce sens, la décision par laquelle
« Rizare NATRANG, Proviseur du lycée de Taïba ICS de
Mboro, a été « relevé de ses fonctions » et mis
à la disposition de l'inspecteur d'académie(IA) de Thiès
»92. Puis, vient le fait pour l'autorité
administrative d'user son pouvoir à des fins d'intérêts
personnels93. Cette forme de détournement est très
grave en ce sens que l'administration se détourne complètement de
son objectif principal qui n'est enfin que la poursuite de l'IG. Enfin, est
constitutif d'un détournement de pouvoir le fait pour l'autorité
administrative de suivre une procédure différente de celle
prévue par la réglementation en vue de parvenir à ses
fins. Pour mieux assurer son rôle de gardien des droits et
libertés, le juge de l'excès de pouvoir a renforcé son
contrôle en admettant d'autres causes d'illégalité.
88 CS, arrêt N°09 du 14 février
2013, SENCA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, NOS 6-7,
2013, p.133
89 CS, Arrêt N° 24 du 12 Août
2010, Aliou DIACK C/ Etat du Sénégal, BACS, Nos 2-3,
année2010-2011, p. 228 ; C.S, Année 2008-2009, p.105
90 CS, Amadou Alpha KANE C/ Etat du
Sénégal, 20 mars 1963. Cité par BOCKEL (Alain), recueil de
jurisprudence administrative sénégalaise, 1960-1974, op. cit,
p.11 ; CE, arrêt N°0014 du 29/06/2000, Yaya BA c/ Etat du
Sénégal, B.A.C.E, année 2000, p.30.
91CS, arrêt N°41 du 28 juin 2018, Eglise
du Christianisme Céleste « la paroisse JEHOVAH ELYON » c/ Etat
du Sénégal, B.A.C.S, Nos 15-16, Année 2018,
p.187.
92 CS, arrêt N°19 du 22 mars 2012, Rizare
NATRANG C/ Etat du Sénégal, inédit
93 CS, Arrêt N° 36 du 14 juin 2018, Mama
moussa DIAW c/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos 15-16,
Année 2018, p. 181
42
Paragraphe 2 : Les illégalités
récemment sanctionnées
Après avoir émis beaucoup de réserves
à propos des actes relevant du pouvoir discrétionnaire, le juge a
fini par renforcer son contrôle. Le renforcement de son contrôle
s'est-il fait par une exigence de motivation de certains actes administratifs
mais aussi par l'admission du contrôle de l'EMA dans l'unique but
d'éviter l'arbitraire administratif.
A : La sanction du défaut de motivation de
certains actes administratifs
En principe, une autorité administrative n'est pas
tenue de motives ses décisions. « La motivation, c'est
l'exposé des raisons de droit et de fait qui ont déterminé
l'autorité administrative à agir »94. Elle
n'était pas obligatoire au départ, sauf lorsqu'elle est
prévue par un texte. Le juge applique le principe « pas de
motivation sans texte ». Mais vu les risques d'arbitraire que peut induire
l'action administrative, des dérogations ont été
apportées à ce principe. Hormis le cas où elle est
exigée par un texte, il existe une autre exception posée par le
juge qui vise à exiger la motivation de certains actes. Cette extension
faite par le juge sénégalais en matière de motivation des
actes administratifs concerne principalement les actes individuels
défavorables. Sont soumis à l'obligation de motivation, la
décision d'expulsion d'un étranger du territoire
national95, la décision de sanction
(disciplinaire)96, la décision d'interdiction d'une
manifestation pacifique97. L'exigence de motivation de certains
actes administratifs à l'avantage d'assurer un minimum de transparence
et une bonne administration dans le cadre de la mise en oeuvre de l'action
administrative mais aussi de limiter l'arbitraire administratif.
Par ailleurs, une simple exigence de motivation des actes
administratifs pourrait être anodine pour le destinataire de l'acte.
C'est pourquoi, le juge ne s'est pas limité à une simple exigence
de motivation. Bien sûr, il fait mieux en ce qu'il va «
jusqu'à
94 DIEYE (Abdoulaye), « le juge et la
motivation des actes administratifs au Sénégal », p.6.
http//:www.Sunulex.sn, consulté le 25 décembre 2019
95 CE, arrêt N°0015 du 27 octobre 1993,
Seydou Mamadou DIARRA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°8,
année judiciaire 1993-1997, juillet 1993
96 CE, 27/4/1994, Ousmane Kane KAMARA et autres,
Bulletin N°1 p.64-65. Cité par Papa Mamour SY, « Quelques
remarques sur l'institution du recours pour excès de pouvoir au
Sénégal », op. cit, p.43
97 CE, arrêt N°0032, LD/MPT C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.E, année 1999, p.26
43
imposer à l'administration une forme de
motivation98 » au double niveau. Dans un premier temps, il
exige l'administration de motiver suffisamment son acte. Celle-ci doit exposer
suffisamment toutes les raisons qui sont à la base de l'acte
querellé pour éviter une éventuelle sanction. Dans
l'affaire Barthélémy TOYE DIAS contre l'Etat du
Sénégal, le juge a annulé la décision
administrative pour défaut de motivation suffisante. Pour le juge,
« le fait pour un titulaire d'un permis de port d'arme de tirer des coups
de feu, pour dissuader une attaque dont il fait l'objet, ne saurait constituer
ni un motif suffisante de trouble à l'ordre public, ni une atteinte
à la sûreté de l'Etat99 ». Il est clair que
dans cette affaire la situation à laquelle faisait face le
requérant, l'incitant ainsi d'ouvrir les coups de feu, a pu influencer
sur l'insuffisance des motifs invoqués par l'autorité
administrative.
Dans un second temps, il est exigé une motivation
précise de l'acte administratif. Cette forme de motivation consiste pour
l'administration « de permettre aux destinataires de connaitre et
comprendre le bien fondé des décisions qui les
concerne100 ». Elle vise également à
sanctionner toute forme de motivation abstraite comme la motivation
basée sur la formule de « nécessités d'ordre public
» sans indiquer avec précision ces nécessités. Est
ainsi annulée pour défaut de motivation précise, la
décision par laquelle : « le ministre de l'intérieur se
borne à viser `les nécessités d'ordre public' pour
justifier la mesure édictée à l'encontre du
requérant sans qu'aucun élément contenu dans la
décision elle-même, ou dans un document annexé à
celle-ci ne renseigne sur les dites `nécessités' alors que la
décision querellée en tant que mesure de police doit être
motivée surtout qu'elle est défavorable au requérant
puisqu'elle lui retire des avantages liés à son statut de
refugié101 ». L'annulation de certains actes
administratifs pour violation de l'exigence de motivation à laquelle ils
sont assujettis est accompagnée de la sanction de l'acte entaché
d'erreur manifeste d'appréciation.
B : La sanction de l'erreur manifeste
d'appréciation
L'erreur manifeste d'appréciation (EMA) est
consacrée par le juge de l'excès de pouvoir pour la
première fois dans l'arrêt C.I.C.R rendu en 1993. La technique de
l'EMA vient renforcer le contrôle du juge dans le cadre du pouvoir
discrétionnaire de
98 DIEYE (Abdoulaye), « Le juge et la motivation
des actes administratifs au Sénégal », op. cit, p.6
99 CS, Arrêt N°12 du 23 février
2012, Barthélémy TOYE DIAS c/ Etat du Sénégal,
inédit
100 DIEYE (Abdoulaye), « Le juge et la motivation des actes
administratifs au Sénégal », op.cit, p.25
101 CE, arrêt N°0015 du 27 octobre 1993, Seydou
Mamadou DIARRA C/ Etat du Sénégal, op. cit
44
l'administration. Il a retenu dans cet arrêt que :
« l'erreur manifeste d'appréciation est une erreur apparente et
grave rendant la décision inadaptée aux motifs qui l'ont
provoquée »102. Cette cause d'illégalité
est soumise à des conditions restrictives conformément au
contrôle minimum. N'importe quelle erreur ne peut être
sanctionnée. L'erreur doit bien entendu avoir un caractère
manifeste. Ainsi, rapporte Georges VEDEL, « est manifeste une erreur qui
saute aux yeux sans qu'il soit besoin d'être un expert très averti
»103. Cette erreur doit être facile à
déceler et, le cas échéant, présenter une certaine
gravité pouvant créer une disproportionalité entre l'acte
pris et les motifs qui le servent de base. Sa consécration vise à
sanctionner l'arbitraire pouvant survenir lors de l'exercice du pouvoir
discrétionnaire par l'administration. Cette dernière dispose dans
ce domaine d'une liberté d'appréciation quant au contenu qu'il
faut donner à l'acte mais elle doit agir conformément aux textes.
Le pouvoir discrétionnaire reconnu à l'administration vise
à éviter ou lutter contre l'inertie dont pourrait se livrer
l'administration si elle est toujours liée par la conduite que lui
dictent les textes. Mais, précise Jean Marie WOERHLING, « le
pouvoir discrétionnaire ne signifie pas pouvoir arbitraire dont
l'administration pourrait faire n'importe quoi »104. Un
peu de contrôle visant à sanctionner l'EMA est alors
nécessaire pour éviter l'arbitraire administratif dans ce
domaine. Le juge exerçant un contrôle minimum gagne aussi à
éviter d'entraver l'action administrative.
Il a sanctionné ce vice de légalité dans
plusieurs espèces. Cela aussi bien au temps du conseil d'Etat qu'avec la
nouvelle cour suprême. Pour le conseil d'Etat, il a annulé dans
l'affaire Salif FALL105pour EMA la décision de
rétrogradation du requérant
102 CE, arrêt N°14 du 27 octobre 1993, le
Comité international de la Croix Rouge (C.I.C.R) C/ Etat du
Sénégal,
103 VEDEL (Georges), Droit administratif, Presses
universitaires de France, Thémis, 1ère édition,
1958, p.600
104 WOEHRLING (Jean Marie), « le contrôle du
pouvoir discrétionnaire en France », p.2.
http://www.sunulex.sn.
Consulté le 15 juillet 2020 ; Voir également NGAINDE (Moustapha),
« Le conseil d'Etat du Sénégal et le principe de
l'égal accès des citoyens à un emploi public : A propos de
l'arrêt du 29 juin 2000, association nationale des handicapés
moteurs du Sénégal contre Etat du Sénégal
(Arrêt N°12) », in revue Afrilex, p.17 ; NZOUANKEU
(Jacques Mariel), « Remarques sur quelques particularités du droit
administratif Sénégalais », p.33.
Http:// www.sunulex.sn.
Consulté le 15 juillet 2020; VEDEL (Georges), Droit
administratif, sous la direction de DUVERGER (Maurice), Presses
Universitaires de Paris ? Thémis, p.318
105 CE, arrêt N°0004 du 29/04/1998, Salif FALL C/ Etat
du Sénégal, B.A.C.E, N°1, année 1998, p.2
du fait qu'elle est disproportionnelle aux faits qui lui sont
reprochés. Il l'a également sanctionné dans les affaires
Société Sonagraines106 et sociétés
générale de Banques au Sénégal107. Pour
la nouvelle cour suprême, les exemples d'actes administratifs
annulés pour EMA ne manquent pas. En effet, on a pu relever entre 2009
à 2018 six (6)
annulation d'actes administratifs sur la base d'EMA
108.
45
En somme, tous ces développements relatifs aux traits
caractéristiques de l'efficacité du REP révèlent
qu'il est une voie de droit très utile pour la consolidation de l'Etat
de droit en ce qu'il permet d'assurer le respect de la légalité
et la protection des droits des administrés. Les administrés en
profitent de sa large ouverture pour combattre l'arbitraire administratif. En
sus, il y a un contrôle assez favorable à la protection des droits
des administrés fait par le juge de l'excès de pouvoir. En effet,
entre 2009 à 2017, le juge a annulé 123 actes
administratifs109, soit 14 annulation par an. Ce faible taux
d'annulation est du au fait qu'il y a un nombre élevé de
déchéance, d'irrecevabilité et de rejet des recours en
annulation. Mais aussi parce que le nombre de recours en annulation par an est
aussi faible ou, à tout le moins, celui examiné annuellement.
Quoiqu'il en soit, le nombre total d'actes annulés atteste que son
objectif est quelquefois rempli. Il reste cependant à préciser
que ce recours connait également des limites.
106 CE, arrêt N°0008 du 24/06/1998,
Société SONAGRAINES C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E,
N°1, année 1998, p.6
107 CE, arrêt N°0018 du 29/07/1998,
Société Générale de Banques au
Sénégal C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°1,
année 1998, p.10
108 CS, arrêt N°10 du 5 mai 2009, Salif Diagne C/
Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°1, année judiciaire 2009,
p.85 ; CS, arrêt N°10 du 23 février 2012, Ibnou Abath DIA et
autres C/ Etat du Sénégal-Biscuiterie WEHBE SARL, inédit ;
CS, arrêt N°56 du 13 septembre 2012, Oumar CISSOKHO C/ Etat du
Sénégal, inédit ; CS, arrêt N°25 du 22 mai
2014, Hamidou DIALLO C/ Etat du Sénégal-Société
FUMOA S.A, inédit ; CS, arrêt N°64 du 29 novembre 2012, La
Société Angélique Limited en abrégé A.I.L C/
L'autorité de régulation des marchés publics, dite
ARMP-L'agence sénégalaise d'électrification rurale dite
A.S.E.R-La société sénégalaise dite Energy service
company en abrégé ENCO- la direction centrale des marchés
publics en abrégé DCMP, inédit ; CS, arrêt N°53
du 18 octobre 2018, L'institut Pasteur de Dakar (IPD) C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.S, Nos15-16, année judiciaire
2018, p.196.
109 Voir le rapport annuel de la cour suprême du
Sénégal de 2017, p.36
46
Deuxième partie : Les entraves à
l'efficacité du REP
Le REP en tant qu'une voie de droit visant à assurer le
respect de la légalité et la protection des droits des
administrés connait beaucoup de limites. Sa mise en oeuvre est toujours
délicate voire impossible pour certains administrés. Et
même lorsqu'un administré introduit une requête
d'annulation, sa requête est souvent rejetée pour
irrecevabilité. Il en va ainsi de la portée de la décision
du juge qui est aussi limitée. Au regard de ces différentes
difficultés, le REP demeure une illusion pour certains
administrés.
Chapitre 1 : Les difficultés d'accès au
juge et la propension du juge à rejeter les requêtes d'annulation
des requérants
L'accès au juge de l'excès de pouvoir et le
traitement au fond de la requête en annulation ne sont pas bien garanties
au requérant. En effet, ce dernier accède difficilement au juge
et, s'il réussi à lui saisir, sa requête est souvent
rejetée pour diverses raisons. Ces difficultés auxquelles font
face les requérants sont nombreuses et viennent affecter
l''efficacité du recours. De même, lorsque sa demande est soumise
au juge, l'administré souhaite lui voir statuer sur le fond de la
requête. Malheureusement, on note une propension du juge au rejet des
requêtes.
Section 1 : Les difficultés d'accès au
juge de l'excès de pouvoir
L'accès des justiciables au juge de l'excès de
pouvoir sénégalais demeure une véritable casse tête
pour les justiciables qui font face à certaines difficultés. Ces
difficultés sont nombreuses et variées. Néanmoins, on peut
les classer en deux rubriques. Dans la première rubrique, seront
mentionnées les difficultés objectives. A l'opposé, seront
retenues les difficultés subjectives.
Paragraphe 1 : Les difficultés objectives
d'accès au juge
Les difficultés objectives entravant l'accès du
justiciable au juge lui font souvent perdre la possibilité de saisir le
juge alors qu'il ne s'est pas fait pas de jugement à travers lequel il
pourrait s'appuyer pour s'empêcher de recourir au juge. Ces
difficultés relèvent principalement d'ordre géographique
et technique.
A : Les difficultés géographiques
d'accès au juge de l'excès de pouvoir
La distance entre l'instance juridictionnelle et les
administrés demeure un indicateur essentiel auquel on peut s'appuyer
pour déterminer s'il y a ou non un accès
47
facile des justiciables au juge. Cette distance ne devrait pas
être longue en vue d'assurer une bonne administration de la justice.
Cependant, l'organisation judiciaire sénégalaise,
particulièrement celle relative au contentieux de l'excès de
pouvoir ne s'est pas inscrite dans une dynamique de raccourcissement de la
distance séparant les requérants au juge du fait que la
compétence en excès de pouvoir est exclusivement
réservée à la cour suprême110 dont le
siège se trouve à Dakar111. Les requérants,
notamment ceux vivant dans les autres régions du Sénégal
autres que Dakar sont confrontés à la difficulté
d'accès géographique. La distance qu'ils devront parcourir pour
saisir le juge est trop longue. Ils sont également confrontés
à des dépenses excessives essentiellement occasionnées par
le coût élevé des frais du transport.
Toutes ces situations vont provoquer une
inégalité manifeste d'accès au juge entre les
administrés qui habitent dans la capitale sénégalaise et
d'autres qui vivent dans les autres régions du pays. Les premiers
étant moins confrontés à la difficulté
d'accès géographique que les seconds saisissent plus le juge que
ces derniers. C'est ce que confirment d'ailleurs les données suivantes :
« il a été constaté que pour l'ancienne cour
suprême, 75% des requêtes venaient de la région de Dakar qui
abrite la capitale. Ensuite, entre 1992 et 2008, la tendance s'est
confirmée. Enfin, pour la nouvelle cour suprême, entre 2008 et
2012, sur 200 arrêts, la tendance se confirme : 72.5 % viennent de la
région de Dakar soit 145 requêtes ; seuls 55 recours proviennent
des autres régions dont Thiès (10.5%), Saint-Louis (6%) et
Kaolack (3%) soit 19.5% du total. Le reste étant marginal. La tendance
n'a pas changé depuis »112. Ces statistiques
reflètent une excessive centralisation de la juridiction administrative
au profit des justiciables qui habitent dans la capitale.
Pour parer cette contrainte, il importe de désengorger
la juridiction administrative suprême en procédant «
à la décentralisation du recours pour excès de pouvoir, du
moins pour une catégorie d'actes, notamment ceux édictés
par les autorités
110 Article premier de la loi organique N° 2017-09 du 17
janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du
08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit
111 Article 28 de la loi organique N° 2017-09 du 17
janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique N°2008-35 du
08 Août 2008 sur la cour suprême, op.cit
112 SY (Demba), « Un demi-siècle de jurisprudence
en droit administratif sénégalais, de l'émergence à
la maturation », op. Cit, p.624
48
déconcentrées ou les élus locaux
»113. Cette décentralisation du REP est une
nécessité compte tenu au nombre de requêtes qui sont
soumises au juge. Au delà des difficultés géographiques
d'accès au juge, viennent s'ajouter des difficultés
techniques.
B : Les difficultés techniques d'accès au
juge
Les contraintes techniques susceptibles d'entraver
l'accès des justiciables au juge sont de divers ordre. D'emblée,
elles se rapportent à « l'ignorance par les justiciables de
l'existence du recours »114. Ce dernier conçu comme
le moyen le plus efficace pour défendre les droits et libertés
des administrés contre les éventuels abus administratifs demeure
jusque là méconnu par beaucoup d'entre eux. Du moins, il est
essentiellement connu par les juristes. La méconnaissance du REP
s'explique par le fait que sa vulgarisation en tant que voie de droit laisse
à désirer. En effet, des campagnes de sensibilisation ne sont pas
suffisamment faites pour permettre aux administrés de le connaitre. La
plupart du temps, elles se font par le biais des colloques qui
réunissent les universitaires, les praticiens du droit et les
étudiants.
A cela s'ajoute l'inaccessibilité de la jurisprudence.
En dépit du fait qu'elle soit une source du droit administratif, la
jurisprudence n'est pas bien connue des justiciables. Les décisions
rendues par le juge de l'excès de pouvoir ne sont pas toujours ou
complètement publiées115. Dans ce cas, les
administrés vont ignorer certaines de ses solutions, notamment celles
relatives aux revirements de jurisprudence. L'inconvénient est que ces
revirements de jurisprudence peuvent intervenir dans un sens favorable à
la protection des droits des administrés mais que ceux-ci n'ont pas eu
connaissance de leur existence.
113 FALL (Sangoné), discours d'usage prononcé
lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur « Le
contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S, année
judiciaire 2018, p.95 ;
www.coursuprême.sn.
Consulté le mercredi 25 décembre 2019. Voir COULIBALY (Cheikh
Ahmed Tidiane), discours d'usage prononcé lors de l'audience solennelle
des cours et tribunaux portant sur « Le contrôle juridictionnel de
l'administration », R.A.C.S, année judiciaire 2018, p.107,
www.coursuprême.sn,
téléchargé le mercredi 25 décembre 2019.
114 SALL (Macky), allocution prononcée lors de
l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur le thème :
« Le contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S,
p.141. Http// :
coursuprême.sn.
Consulté le jeudi 11 janvier 2018
115 Entre 2001 et 2008, les décisions rendues par le
juge de l'excès de pouvoir n'ont pas été publiées.
Pour les autres années, les arrêts rendus en matière
d'excès de pouvoir n'ont pas été entièrement
publiés.
49
En outre, vient s'ajouter la contrainte relative à
l'inintelligibilité des arrêts rendus en matière
d'excès de pouvoir. Plusieurs facteurs peuvent servir d'explication
à cette contrainte. L'essentiel de ces facteurs ont été
relatés par le Professeur Demba SY. Ainsi, rapporte t-il, «
pour ce qui est de la lisibilité des décisions, il faut dans
un premier temps noter que la rédaction des décisions
n'étant pas des meilleures, elle ne permet pas toujours de comprendre
les faits et les éléments de raisonnement du juge. Il faut
ajouter à cela que le langage du juge est souvent
incompréhensible. C'est que le style des arrêts du droit
administratif peut rebuter les justiciables. Aussi, la motivation des
arrêts sous forme de considérants est peu lisible
»116. Cette contrainte n'est pas propre au contentieux de
l'excès de pouvoir mais concerne plutôt tout le contentieux
administratif. Elle découle de la complexité du langage juridique
qui demeure incompréhensible par la plupart des justiciables. L'une des
principales causes de l'inintelligibilité du langage juridique est qu'il
formulé dans une langue étrangère (le français) qui
est peu connue des justiciables. Ainsi, le taux d'analphabétisme est
certainement élevé au Sénégal mais celui
d'analphabétisme juridique est beaucoup plus élevé.
La conséquence de l'illisibilité des
décisions est que les administrés peuvent méconnaitre
leurs sens. Par conséquent, le juge sera rarement saisi sur la base des
solutions qu'il a dégagées. Ils seront amenés à se
référer uniquement aux textes pour contester la violation de la
loi. Dans cette perspective, l'utilité de la fonction normative du juge
sera profondément affectée. Ces difficultés
précitées sont accompagnées d'autres difficultés
d'ordre subjectives susceptibles également d'obstruer l'accès au
juge.
Paragraphe 2 : Les difficultés subjectives
d'accès au juge
Les difficultés subjectives d'accès au juge se
rapportent à certaines pratiques décourageant les
administrés à saisir le juge. Ces pratiques sont essentiellement
l'oeuvre de l'administration. Deux principales difficultés peuvent
être relevées en ce sens. Il s'agit, d'une part, du
phénomène de la politisation de la justice et, d'autres part, des
contraintes socioculturelles.
116 SY (Demba), « Un demi-siècle de jurisprudence
en droit administratif sénégalais, de l'émergence à
la maturation », op. Cit. p. 626
50
A : La politisation de la justice
La politisation de la justice est un sujet d'actualité
aussi bien au niveau national qu'international. Ainsi, « la question
de la politisation de la justice se pose dès lors que le pouvoir
exécutif est tenté de contrôler l'activité de la
justice »117. Ce phénomène est contraire au
principe démocratique de la séparation des pouvoir et de son
corollaire l'indépendance de la justice. Cette dernière signifie
que : « les juges ne sont soumis qu'à l'autorité de la
loi dans l'exercice de leurs fonctions »118. Autrement
dit, ils sont soumis à la loi, rien que la loi et toute la loi. Le
besoin d'instituer une justice indépendante est une exigence dans tout
Etat de droit et surtout à l'heure actuelle où on assiste
à un développement fulgurant des droits de l'homme.
Toujours est-il que certaines personnes émettent des
réserves à propos de l'institution d'une justice
indépendante. C'est ce que retient d'ailleurs Maitre Babacar NGOM
lorsqu'il précise que : « l'idée d'une justice autonome
et indépendante du pouvoir exécutif suscite une certaine
méfiance de la part de beaucoup de personnes. En effet, les magistrats
laissés à eux même pourraient être tentés
d'abuser de leur pouvoir (...) »119. Il faut convenir avec
cet auteur que : « cette situation que l'on qualifie de `'
gouvernement des juges» ne devrait pas cependant justifier le refus d'une
justice indépendante du pouvoir exécutif
»120. L'institution d'une justice indépendante est
si nécessaire qu'elle assure une bonne administration de la justice. Sa
dépendance vis-à-
117 SY, (Demba), « Ecrire, dire et comprendre le droit
administratif en Afrique, une approche juridique et sociologique », in
dire le droit en Afrique Francophone, sous la direction de BADJI (Mamadou),
DEVAUX (Olivier) et GUEYE (Babacar), Presses de l'Université Toulouse 1
Capitole, in revue Afrilex, Droit sénégalais N°11, 2013,
p.301
118 Article 99 de la loi N°2001-23 du 22 janvier
2001portant constitution sénégalaise, J.O numéro
spécial 5963 du 22 janvier 2001.
119 NGOM (Babacar), Comment renforcer
l'indépendance de la magistrature au Sénégal ?,
L'harmattan, 2015, p.109. La méfiance d'une justice indépendante
dont parle Maitre NGOM apparait dans les propos de Boubacar ISSA ABDOURAHMANE
qui, partant du contexte général africain, précise qu' :
« En Afrique, le contrôle de la justice par le pouvoir
exécutif est loin d'être une simple illusion de l'esprit. Bien
sûr, un peu de contrôle est toujours justifiable par la nature
même de la justice, qui après tout reste un service public.
Dès lors comment ne pas accepter qu'elle soit subordonnée au
pouvoir hiérarchique. Loin de défendre l'idée d'une
organisation judiciaire sur laquelle l'Etat n'aura aucune capacité
d'orientation et qui pouvait conduire au `'gouvernement des juges» ».
Voir ISSA ABDOURAHMANE (Boubacar), « Les juges à l'épreuve
de la démocratisation : l'exemple du Niger », in revue
Afrilex, N°3, juin 2003, p.4
120 Ibidem
51
vis du pouvoir exécutif va légitimement
provoquer les soupçons de politisation. Cette dernière apparait
généralement dans le cadre des litiges opposants l'administration
aux administrés lorsque le juge se réfère aux notions
d'ordre public, d'actes de gouvernement etc. pour légitimer des actes
administratifs illégaux121. A la vérité,
s'agissant de la notion d'ordre public le juge exige parfois une motivation
précise et suffisante de l'acte administratif. Néanmoins,
certaines décisions ne sont pas à l'abri de tout soupçon.
Il en est ainsi de la décision rendue par la cour suprême dans
l'arrêt Sidya BAYO rendue en date du 13 janvier 2013 par laquelle elle a
validé une motivation fondée sur « les
nécessités d'ordre public »122. L'accueil
d'une telle forme de motivation par le juge n'est qu'un subterfuge pour
éviter l'annulation de l'acte administratif en cause. La motivation
fondée sur la seule référence à la notion d'ordre
public peut être facilement justifiée par l'autorité
administrative même lorsqu'elle n'a pas de motifs valables ou
sérieux pour prendre un acte individuel défavorable. Cela se
conçoit aisément dans l'arrêt précité en ce
que le juge a justifié « la notion d'ordre public » par «
la préservation des rapports de bon voisinage ». Le juge peut dans
certains cas également refuser d'enrôler les requêtes des
requérants dans le but de servir l'administration. Dans cette
circonstance, l'administré va attendre longtemps avant que le juge ne
répond à sa requête ou, dans le pire des cas, il ne recevra
aucune réponse de la part du juge.
Plusieurs facteurs peuvent justifier la politisation de la
justice. Ainsi, « elle apparait soit à travers la crainte
éprouvée par certains magistrats, de se voir infliger des
sanctions de toutes natures, soit à travers l'intime et
l'indéfectible conviction d'autres magistrats, selon laquelle les
décisions de justice ne devraient pas entraver des décisions
administratives ou gouvernementales qui iraient dans un sens
prétendument favorable au développement politique et
économique »123. Le phénomène de la
politisation de la justice
121 FALL (Alioune Badara), « Le juge, le justiciable et
les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place
du juge dans les systèmes politiques en Afriques », in revue
Afrilex, Archives-numéro 3, juin 2003, p.14. Voir également
GILBERT (Zongo Yabré), « Le juge administratif et la protection des
libertés publiques au Burkina Faso et au Sénégal »,
op. Cit, p. 326
122 CS, arrêt N°05 du 13 janvier 2015, Sidya BAYO
c/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°9-10, année 2015,
p.223
123 FALL (Alioune Badara), « Le juge, le justiciable et
les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place
du juge dans les systèmes politiques en Afriques », op. Cit, p.13.
Voir également GILBERT (Zongo Yabré), « le juge
administratif et la protection des libertés publiques au Burkina Faso et
au Sénégal », op. cit, p.325.
52
décrédibilise l'institution judiciaire qui est
perçue par les administrés comme étant toujours de
connivence avec le pouvoir exécutif auquel elle rend des
décisions favorables. Par conséquent, les justiciables vont
refuser de saisir le juge malgré l'atteinte portée à leurs
droits par une décision administrative. Cette abstention des
justiciables à recourir au juge se fait sentir aussi dans le cadre des
contraintes socioculturelles.
B : Les contraintes socioculturelles
Les litiges opposants les particuliers entre eux se
particularisent par l'égalité des parties au procès. A
l'évidence, la partie demanderesse n'éprouvera aucune
appréhension pour saisir le juge. En cas de violation de ses droits,
elle pourra saisir le juge sans risque de se voir infliger des sanctions de
toutes natures. Il n'en va pas ainsi des les litiges opposants l'administration
à l'administré lesquels révèle une
inégalité juridique au détriment de celui-ci. Cette
inégalité découle des PPP que bénéficient
l'administration en vue d'assurer sa mission d'IG.
Toutefois, l'usage de ces prérogatives laisse à
désirer dans certains cas. Il s'est agit particulièrement du cas
où l'administration les utilise pour faire échec à toute
éventuelle contestation de ses actes illégaux ou à
l'exécution de la décision d'annulation du juge de l'excès
de pouvoir. L'inégalité dont il est question ici a probablement
pour conséquence « la crainte ressentie le plus souvent par les
administrés ou encore par les agents publics lorsqu'il s'agit d'intenter
un recours devant les juridictions administratives contre les actes pris par
les autorités administratives »124.
Cette crainte s'explique principalement par le fait que :
« les populations sénégalaises à l'image de la
plupart des populations africaines ont du mal à appréhender le
contentieux objectif. En effet, du fait d'une personnalisation exacerbée
des fonctions d'autorité, les actes administratifs sont assimilés
à leurs auteurs de telle
124 NGAMPIO-OBELE-BELE (Urbain), « Le juge administratif
et le principe d'égalité en droit administratif africain
francophone », sous la direction de DEVAUX (Olivier) et BADJI (Mamadou),
Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, in revue Afrilex,
Droit sénégalais N°11, 2013, op. cit, p.223. Le
Président de la République du Sénégal a
précisé en ce sens lors de l'audience solennelle des cours et
tribunaux que : la faiblesse du contentieux objectif (...) peut
s'interpréter de plusieurs manières, parmi lesquelles on peut
citer : (...) la peur des représailles de l'autorité dont la
décision est contestée ». Voir SALL (MACKY), allocution
prononcée lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant
sur le thème : « Le contrôle juridictionnel de
l'administration », op. cit, p.141.
53
sorte que le recours fait contre un acte est vu par
l'autorité signataire comme une attaque à sa personne
»125. Papa Oumar SAKHO de renchérir à ce
propos que : « dans les rapports entre l'administration et les
administrés, la rareté des cas de recours au juge s'explique
à la fois par la propension des Etats à utiliser à
l'excès les prérogatives de puissance publique et à la
faible institutionnalisation du pouvoir qui fait qu'il est difficile, pour un
particulier, de contester, même par la voie juridictionnelle, les actes
des autorités administratives, le recours contentieux étant
perçu, comme tenu de l'extrême centralisation du pouvoir, comme
une action dirigée contre le chef de l'Etat »126.
En vérité, les autorités administratives ont souvent du
mal à accepter qu'un REP introduit par un administré contre leurs
actes, leur réputation soit remise en cause alors qu'elles ne cessent
d'émettre en toute connaissance de cause des actes attentatoires aux
droits et libertés des administrés. Elles utilisent à cet
égard des manoeuvres dilatoires pour déconcerter les justiciables
désirant contester la légalité de leurs actes.
Cet état des choses demeure antinomique au respect de
l'Etat de droit et pourrait inciter les administrés à s'adonner
au désespoir. A cet effet, l'introduction d'un REP devant le juge en vue
d'annuler un acte administratif illégal est à leurs yeux
dépourvue de toute importance car rien n'est plus juste qu'une
abstention à saisir le juge pour éviter d'éventuelles
représailles. La tendance est donc d'aller voir les autorités
religieuses en place ou certaines personnes de haut rang pour essayer de
régler le litige qui leurs opposent à l'administration. Et c'est
lorsque cela n'aboutit pas à de meilleurs résultats qu'ils vont
introduire le REP. Cela va de soi qu'ils soient forclos et qu'en
conséquence le juge rejette leur requête d'annulation. Par
conséquent, le nombre de recours sera substantiellement réduit.
Tous ces facteurs susceptibles de limiter l'accès au juge vont affecter
l'efficacité du REP. Ce dernier sera également affecté
à cause de la propension du juge à rejeter les requêtes
d'annulation des requérants.
Section 2 : La propension du juge à rejeter les
requêtes d'annulation
Le juge saisi aux fins d'annulation doit tout d'abord examiner
sa compétence. Le souci d'éviter un appauvrissement et une
désorganisation du recours amène dans de
125 LAM (Cheikh Tidiane), La modernisation de la justice
au Sénégal : vers la recherche de la performance,
Sénégal, l'harmattan, 2019, p.141.
126 Voir l'allocution prononcée par Papa Oumar SAKHO
lors du colloque international portant sur le thème « Justice et
Etat de droit » tenu le 17 et 18 novembre, Dakar, BICS, Nos
6-7, décembre 2015, p.22.
http://www.coursuprême.sn.
Consulté le mercredi 25 décembre 2019.
54
nombreux cas le juge à prononcer
l'irrecevabilité du recours. Cette propension du juge à rejeter
le recours des requérants semble exagérée en ce sens
qu'elle l'empêche de statuer sur le fond de l'acte litigieux mais aussi
parce qu'elle entraine l'exclusion de certains actes administratifs du champ
d'application du REP. Elle est inadaptée en ce sens aux exigences d'un
Etat de droit.
Paragraphe 1 : L'interprétation stricte de la
condition organico-formelle
L'interprétation de la condition organico-formelle est
très importante pour le dénouement du recours. En revanche, une
interprétation stricte n'est pas favorable au développement du
REP. Pourtant, l'interprétation que fait le juge de la condition
organico-formelle est très stricte.
A : L'interprétation rigoureuse de la condition
organique
L'interprétation de la condition organique consiste
pour le juge à vérifier si la décision attaquée par
le requérant a été prise par une autorité
administrative. Cette condition prévue par la loi organique relative
à la cour suprême est très restrictive. Aux termes de
l'article 74 de la dite loi, « le recours pour excès de pouvoir
n'est recevable contre une décision explicite ou implicite de rejet
d'une autorité administrative »127. Ainsi
formulée, cette condition exclue du champ d'application du REP les actes
émanant des organismes privés. Dès lors, seuls les actes
pris par les autorités administratives ont un caractère
administratif et, par ricochet, contestables en excès de pouvoir.
Par ailleurs, le juge sénégalais admet la
recevabilité du REP contre les actes pris par des personnes
privées à la seule condition qu'elles bénéficient
une délégation de pouvoir. C'est ainsi qu'il a
déclaré recevable, dans l'affaire A.S.C Dial Diop128,
le recours introduit par la fédération sportive ayant
bénéficiée d'une délégation de pouvoir.
Cette solution dégagée par le juge a été reprise
dans l'arrêt A.S.C PINTHIE contre l'ODCAV de Dakar rendu le 16 mai 2013.
Dans cet arrêt, le juge a déclaré irrecevable
127 Article 74 de la loi N° 2017-09 du 17 janvier 2017
abrogeant et remplaçant la loi organique N°200835 du 08 Août
2008 sur la cour suprême, op.cit.
128 CE, 27 avril 1994, A.S.C Dial Diop. Cité par
Madjiguène DIAGNE, « La contribution du conseil d'Etat
sénégalais à la construction de l'Etat de droit »,
p.4. Http// :
www.sunulex.sn. Consulté le
mercredi 25 décembre 2019.
55
le recours en annulation de l'A.S.C PINTHIE formé
contre la décision de l'ODCAV de Dakar, organisme privé, au motif
que celui-ci ne bénéficie pas de délégation de
pouvoir de la part de l'autorité administrative et ne peut en
conséquence prendre des actes administratifs susceptibles de recours
pour excès de pouvoir129. Eu égard à ces deux
affaires précitées, le juge étend la recevabilité
du REP uniquement contre les actes pris par les organismes privés ayant
reçu une délégation de pouvoir. Cette extension permet
certes de renforcer l'efficacité du REP.
Toutefois, ce dernier serait beaucoup plus efficace s'il est
admis contre tout acte pris par une personne privée gérant un
service public et disposant à cet effet de PPP comme l'a fait le juge
administratif français dans l'arrêt MAGNIER130.
L'examen que fait le juge de l'excès de pouvoir sénégalais
de la condition organique d'acte administratif susceptible de REP ne va pas
dans le sens d'une protection efficace du principe de légalité et
des droits des administrés. Il en est de même de la condition
formelle.
B : L'appréciation rigoureuse de la condition
formelle
La condition formelle est relative à celle qui consiste
pour le requérant à introduire sa requête dans le
délai de deux mois et aussi à respecter les formalités
d'introduction du recours. Pour le délai, le juge doit concilier deux
exigences juridiques. D'une part, il doit assurer le respect du principe de
sécurité juridique et d'autres part la protection des droits des
administrés dans un délai suffisant. L'interprétation de
la condition du délai révèle une certaine
sévérité de la part du juge. En conséquence, il est
amené fréquemment à prononcer l'irrecevabilité du
recours d'autant plus que les requérants ont souvent du mal à
respecter ce délai.
L'autre contrainte à laquelle sont confrontés
les administrés est que le juge apprécie strictement les
formalités d'introduction du recours alors même qu'elles sont
diverses, sévères et complexes131. Compte tenu de cet
état de fait, le législateur avait prévu dans la loi
organique de 1996 sur le conseil d'Etat une possibilité de
129 C.S, arrêt N°26 du 16 mai 2013, A.S.C PINTHIE
c/ ODCAV de Dakar, B.A.C.S, N°6-7, année 2013, p.122
130 CE, Magnier rendu en 1968
131 SY (Demba), « Recours en matière administratif
et accès au juge », B.I.C.S, N°01-02, décembre 2010,
p.32. Http// :
www.coursuprême.sn.
Consulté le mercredi 25 décembre 2019.
56
régularisation de procédure132 visant
à réduire le nombre d'irrecevabilité. « La
procédure de régularisation permet au requérant qui a omis
certaines formalités procédurales, ou qui a commis des erreurs,
de pouvoir les réparer pour éviter une déclaration
d'irrecevabilité »133. Elle offre ainsi au juge
l'occasion de statuer sur le fond des requêtes. Par voie de
conséquence, l'administré dont la requête a
été régularisée pourrait voir une
amélioration de sa situation si l'acte attaqué est bien
illégal et venait d'être annulé par le juge.
Cependant, cette procédure de régulation a
été supprimée de l'ordonnancement juridique depuis 2008 et
ce malgré le nombre important de rejet pour irrecevabilité. Les
administrés verront fréquemment le juge rejeter leurs recours du
fait qu'ils n'ont pas observer cette formalité. La
sévérité du juge dans l'interprétation l'incite
également à exclure de sa compétence les actes de
gouvernement et aussi à soulever l'exception de recours
parallèle.
Paragraphe 2 : L'exclusion des actes de gouvernement et de
certains actes pour absence de recours parallèle
L'exclusion des actes de gouvernement et de certains actes
pour absence de recours parallèle est une pratique faite par le juge
administratif depuis l'indépendance. A l'heure actuelle, cette pratique
révèle plus qu'une inadaptation de ce recours. Une telle
exclusion entraine considérablement la réduction des actes
administratifs susceptibles de REP.
A : L'absence de contrôle à l'égard
des actes de gouvernement
La définition de la notion d'acte de gouvernement ne va
pas sans difficulté. A l'heure actuelle, la jurisprudence et la doctrine
n'ont pu donner une définition exacte car il n'y a aucun critère
dégagé pour la définition de cette théorie. Par
ailleurs, des tentatives de définition ont été
proposées par la doctrine. Les définitions données par la
plupart des auteurs ont en général un trait commun en ce sens
qu'elles précisent la portée de la notion d'acte de gouvernement
mais également la qualité des auteurs qui peuvent
l'édicter. Ainsi, les actes de gouvernement peuvent être
définis comme « des actes pris par les autorités
administratives centrales les plus élevées et
bénéficiant d'une
132 Voir les articles 15 et 16 de la loi organique n°96-30
du 21 octobre 1996 sur le conseil d'Etat abrogée
133 DIAGNE (Ndèye Madjiguène), les
méthodes et techniques du juge en droit administratif
sénégalais, op. Cit, p138.
57
immunité juridictionnelle
»134. Tels que définis, ces actes ne peuvent
être soumis au contrôle d'un juge. S'agissant de la jurisprudence,
elle se contente généralement à leur
énumération. Sont considérés, d'une part, comme
relevant des actes de gouvernement les actes relatifs aux rapports entre le
gouvernement et les autres pouvoirs constitutionnels. Ainsi, «
constitue des actes de gouvernement insusceptibles de recours pour
excès de pouvoir, le décret portant fixation de la date du
référendum et convocation du corps électoral qui a
été pris dans le cadre des pouvoirs constitutionnels du
Président de la République, le décret portant organisation
du référendum et celui portant publication du projet de loi
portant révision de la constitutionnelle ».135De
même, relève des actes de gouvernement, « l'acte par
lequel le Président de la République convoque l'assemblée
nationale en vue de la déclaration de politique générale
du Premier ministre136ou d'approbation d'un projet de loi
constitutionnel »137 etc.
D'autre part, constituent des actes de gouvernement, ceux pris
par le gouvernement dans le cadre des relations internationales. Entre dans ce
cadre, la décision prise par le chef de l'Etat du Sénégal,
sujet de droit international, de réquisitionner une partie du personnel
de l'A.S.E.C.N.A, également sujet de droit international138.
La propension du juge à refuser le contrôle d'un acte sous
prétexte qu'il est un acte de gouvernement est contraire au respect du
principe de légalité et à la protection des droits des
administrés lesquels constituent les soubassements de tout Etat de
droit.
La théorie des actes de gouvernement présente
beaucoup d'inconvénients pour les administrés qui n'ont aucune
possibilité de contester par la voie contentieuse la
légalité d'une décision administrative à
l'évidence illégale. Ainsi, « la théorie des
actes de gouvernement est dangereuse pour les libertés individuelles,
puisqu'elle prive les administrés
134 SY (Demba), Droit administratif : revue,
corrigé et augmenté, op, cit, p.77 ; voir également
DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les méthodes et techniques
du juge en droit administratif sénégalais, op. cit, p.97
135 Arrêt N°19 du 17 mars 2016, Ousmane SONKO c/
Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), B.A.C.S,
Nos 11-12, année judiciaire 2016, p.213
136 CS, arrêt N°04 du 10 janvier 2013, Modou DIAGNE
C/Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), B.A.C.S,
Nos 6-7, année judiciaire 2013, p.131
137 CS, arrêt N°16 du 23 octobre 2008, Ndèye
Fatou TOURE C/ Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat),
inédit
138 Arrêt N°8 du 27 novembre 2008, A.S.E.C.N.A c/ Etat
du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), inédit
58
d'un recours normal »139. En
écartant toute possibilité de contestation de ces actes, cette
théorie apparait inadaptée aux exigences de l'Etat de droit et de
son corollaire la démocratie. En sus, sachant que les actes relevant de
la catégorie d'acte de gouvernement sont insusceptibles de recours,
l'administration pourrait prendre fréquemment des actes en ce sens alors
même qu'ils portent atteintes aux droits et libertés des citoyens.
C'est à juste titre que Jean WALINE a pu déclarer qu' :
« on peut seulement craindre que, dans la pratique, cette absence de
toute sanction juridictionnelle rende l'administration moins attentive aux
exigences de la légalité lorsqu'elle prend une décision de
ce type »140.
Pour déterminer l'existence où non d'un acte de
gouvernement, le juge doit procéder à un examen au cas par cas
parce qu'il n'y a aucun critère auquel il peut se référer
pour déterminer l'existence de l'acte de gouvernement. Quoiqu'il en
soit, ce dernier ne peut être décelé que dans les deux
domaines précités. La restriction du champ d'application du REP
apparait également lorsque le juge fait recours à la condition
d'absence de recours parallèle pour rejeter les requêtes des
requérants.
B : Le rejet de la requête d'annulation pour non
respect de la règle d'absence de recours parallèle
La condition relative à l'absence de recours
parallèle a bien existé dans l'ordonnancement juridique jusqu'en
2008. Sa mise en oeuvre consiste à faire du REP, un recours subsidiaire.
Suivant cette condition, le REP introduit contre un acte administratif n'est
pas recevable si le requérant disposait d'une autre voie de recours
juridictionnel devant aboutir aux même résultats. Par ailleurs,
même lorsqu'elle était prévue, le juge de l'excès de
pouvoir ne l'appliquait toujours pas. C'est ainsi qu'il a déclaré
recevable le recours introduit par Babacar LÖ, agent non fonctionnaire,
contre un acte administratif détachable du contrat141 qui
relève en principe de la compétence du tribunal du travail. En
ignorant cette condition dans cette affaire alors que la loi la prévue,
le juge élargit sa compétence. Il devrait dès lors
contrôler sans gêne les actes administratifs litigieux qui
affectent la situation des administrés depuis que le
législateur
139 DUVERGER (Maurice), Eléments de droit public,
Presses universitaires de France, Thémis, 1957, p.352
140WALINE (Jean), Précis de droit
administratif, op. cit, p.377
141 CS, arrêt N°7 Babacar Lo et Abdou Salam Diallo C/
Etat du Sénégal, op. cit,
59
a supprimé cette condition142. Rien n'est
ainsi puisque le juge continue de l'appliquer. Dans un arrêt rendu en
date du 09 JUIN 2009143 le juge a déclaré irrecevable
le recours du requérant pour non respect de la condition d'absence de
recours parallèle. Le recours à cette théorie semble
logique dans cette affaire puisque la demande faite par le requérant
visant simultanément l'annulation et la réparation des dommages
et intérêts dépasse sans doute les pouvoirs du juge de
l'excès de pouvoir qui ne peut statuer qu'en annulation et non en
réparation des dommages et intérêts auxquels
l'administré aurait subi. Lorsque par ailleurs la demande du
requérant vise uniquement l'annulation d'un acte administratif
unilatéral illégal, il doit statuer sur sa requête sans se
soucier de la situation du requérant. Il continue d'appliquer cette
règle d'absence de recours parallèle dans des cas où il
peut admettre la recevabilité des requêtes. Par exemple dans
l'affaire MBAYE PAYE contre le Maire de la commune de HANN BEL AIR, le juge
s'est déclaré « incompétent pour connaitre du
litige né d'une décision de mise d'un agent non fonctionnaire
à la disposition de la direction des ressources humaines de la commune,
laquelle relève, en premier ressort, de la compétence des
tribunaux du travail »144 alors que le requérant ne
visait dans son recours qu'une annulation de l'acte. L'application de la
théorie d'absence de recours parallèle limite
considérablement la catégorie des actes administratifs
susceptibles de REP. Elle permet certainement de désengorger la
juridiction administrative mais les administrés peuvent s'abstenir de
saisir un autre juge lorsqu'ils estiment que cette saisine n'aboutirait pas
à de meilleurs résultats qu'une abstention.
Toutes ces limites affectant l'efficacité du REP ont un
trait commun en ce sens qu'elles vont affaiblir le développement de
l'Etat de droit et, partant de ce fait, de la démocratie. Il en ainsi de
la protection des droits et libertés des administrés qui demeure
affaiblie. Toutefois, elles n'en sont pas les seules puisque le REP connait
aussi des limites tenant à la portée de la décision du
juge de l'excès de pouvoir.
142 La condition d'absence de recours parallèle ne
figurait pas dans la loi de 2008 sur la cour suprême. Elle ne figure non
plus dans la loi organique de 2017 sur la cour suprême.
143 Arrêt N°15 du 9 juin 2009, Moussa BA contre
Etat du Sénégal, in Bulletin des arrêts de la cour
suprême, N°1, année judiciaire 2008-2009, p.107
144 Arrêt N°47 du 13 juillet 2017, MBAYE PAYE C/
Maire de la commune de HANN BEL AIR, B.A.C.S, N°13-14, année 2017,
p.240
60
Chapitre 2 : Les limites relatives à la
portée de la décision du juge
L'analyse de la portée de la décision du juge
laisse apparaitre beaucoup d'imperfections. Ces imperfections sont à
l'origine de plusieurs facteurs. Par ailleurs, quelque soit la raison, elles
viennent amenuiser la portée de la décision du juge. Il s'est agi
à cet égard de la restriction de la protection des droits des
administrés et des contraintes liées à la
célérité du recours et à l'exécution de la
décision d'annulation du juge.
Section 1 : La restriction de la protection des droits
des administrés
La protection des droits des administrés reste
faiblement assurée par le juge dans certaines circonstances du fait
qu'il ne peut sanctionner efficacement la violation de ces droits. Le juge est
généralement confronté à des difficultés de
contrôle surtout pour les actes pris dans le cadre des circonstances
exceptionnelles. L'application du principe d'effet non suspensif et la
non-spécialisation des juges viennent également restreindre cette
protection.
Paragraphe 1 : Le contrôle réduit des actes
pris durant les circonstances exceptionnelles
Durant les périodes de circonstances exceptionnelles,
les autorités administratives peuvent prendre des actes susceptibles de
porter atteinte aux droits et libertés des administrés. Et
lorsqu'il intervient pour annuler un acte pris dans le cadre des circonstances
exceptionnelles, le juge ne peut faire qu'un contrôle réduit. Les
circonstances exceptionnelles sont celles qui lorsqu'elles surviennent mettent
en péril la vie sociale d'un Etat. Pour les dépasser, des
régimes d'exception sont prévus par les textes. Le contrôle
des actes pris durant les circonstances exceptionnelles doivent être
réduit afin d'éviter une paralysie de l'action administrative.
A : L'amenuisement du contrôle des actes pris
durant les périodes d'état d'urgence et d'état de
siège
L'état d'urgence et l'état de siège sont
deux régimes exceptionnels prévus par l'article 69 de la
constitution sénégalaise. Leurs modalités d'application
sont déterminées par la loi N°69-29 du 29 avril 1969 sur
l'état d'urgence et l'état de siège. S'agissant de
l'état d'urgence, il « peut être déclaré
sur tout ou partie du territoire de la République du
Sénégal, soit en cas de péril imminent résultant
d'atteintes graves à l'ordre
61
public, soit en cas de menées subversives
compromettant la sécurité intérieure, soit en cas
d'événements présentant, par leur nature et leur
gravité, un caractère de calamité publique
»145. Dans le cadre de ce régime, il appartient
à l'autorité civile d'instituer des mesures pouvant contribuer
efficacement à faire disparaitre la situation anormale. Ces mesures
restreignent pour la plupart du temps l'exercice des droits et libertés
des administrés.
Pour ce qui est de l'état de siège, c'est
l'autorité militaire qui est habilitée en principe à
prendre des mesures adaptées à la situation. Il peut être
déclaré dans deux cas. Ainsi, aux termes de l'article 15 de la
loi de 1969, « l'état de siège peut être
déclaré sur tout ou partie du territoire de la République
du Sénégal en cas de péril imminent pour la
sécurité intérieure ou extérieure
»146. Il ne peut être prorogé tout comme
l'état d'urgence au-delà de douze (12) jours que sur habilitation
législative.
Ces deux régimes d'exception ne peuvent être
déclarés que par décret. Lorsqu'un de ces régimes
est déclaré, il revient à l'autorité
compétente de mettre en oeuvre le pouvoir de police conformément
aux lois et règlements en vigueur. Celle-ci dispose d'importants
pouvoirs pour faire face à la situation exceptionnelle. Ainsi, elle peut
prendre des mesures restrictives des droits et libertés concernant par
exemple la liberté d'aller et de venir, le droit à la vie
privée, le droit à la propriété privée, la
liberté de manifestation, de réunion etc. Toujours est-il que la
mise en oeuvre de ses pouvoirs ne peut se faire de façon arbitraire.
Tout acte édicté par une autorité administrative
au-delà des compétences qui lui ont conférées
conformément aux règles relatives à l'état
d'urgence ou l'état de siège sera sanctionné par le juge
de l'excès de pouvoir saisit à la suite d'un REP. La
particularité de ces régimes est que certaines décisions
administratives illégales en temps normal deviennent légales
pendant ces périodes du fait de leur caractère exceptionnel. Il
en est ainsi des mesures prises par le Président de la République
dans le cadre de ses pouvoirs exceptionnels.
B : La restriction du contrôle des actes du
Président de la République pris dans le cadre de ses pouvoirs
exceptionnels
Le Président de la république
bénéficie de pouvoirs exceptionnels conformément à
l'article 52 de la constitution du Sénégal. Il peut les mettre en
oeuvre dans des cas
145 Article 2 de loi N°69-29 du 29 avril 1969 portant Etat
d'urgence et Etat de siège
146 Article 15 de la loi N°69-29 du 29 avril 1969 portant
état d'urgence et état de siège, op.cit
62
déterminés. Il en est ainsi lorsque «
les institutions de la République, l'indépendance de la
nation ou l'exécution des engagements internationaux sont
menacées d'une manière grave et immédiate, et que le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est
interrompu »147. Lorsque ces situations se
présentent, le Président de la République seule
autorité compétente en ce sens peut intervenir dans son domaine
habituel à savoir le domaine réglementaire mais aussi dans le
domaine législatif. Ainsi, « il peut, après avoir
informé la nation par message, prendre toute mesure tendant à
rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des
institutions et à assurer la sauvegarde de la nation
»148. Ce faisant, l'autorité compétente est
autorisée à édicter des mesures restrictives de
libertés en vue de rétablir la situation anormale. L'octroi de
ces pouvoirs au seul Président de la République n'est pas anodin
puisqu'il est le garant de l'unité nationale, de
l'intégrité territoriale et aussi la clé de voûte
des institutions.
Pourtant, les administrés bénéficient des
garanties mêmes si ces dernières sont très limitées.
Sur le plan formel, le Président de la république doit saisir le
parlement pour ratification des mesures de natures législatives dans les
quinze jours suivant leur promulgation. Passé ce délai, les
décisions prises en ce sens seront caduques. Au moment de la
ratification, les parlementaires peuvent les amender ou les rejeter. En sus, il
doit adresser un message à la nation afin que le peuple puisse connaitre
les raisons pour lesquelles il a fait recours à ses pouvoirs
exceptionnels. L'avantage d'un tel message est qu'il va contribuer efficacement
au respect des mesures pises par le Président.
Sur le plan juridictionnel, les mesures prises dans le domaine
réglementaire restent généralement soumises au
contrôle du juge de l'excès de pouvoir. Il n'en va pas ainsi pour
celles prises dans le cadre du domaine législatif qui sont
insusceptibles de REP dès leur ratification. Cependant, celles n'ayant
pas encore faites l'objet de ratification peuvent être soumis au
contrôle du juge de l'excès de pouvoir qui, le cas
échéant, peut les annuler si elles sont illégales.
D'autres facteurs peuvent aussi provoquer la restriction de la protection des
droits des administrés. Ils sont relatifs à l'application du
principe d'effet non suspensif et de la non-spécialisation des juges
compétents en excès de pouvoir.
147 Alinéa premier de l'article 52 de la loi
N°2001-23 du 22 janvier 2001 portant constitution
sénégalaise, op. cit.
148 Article 52 al.2 de la loi N°2001-23 du 22 janvier 2001
portant constitution sénégalaise, op. cit
63
Paragraphe 2 : L'absence d'effet suspensif du recours et la
non-spécialisation des juges
Le recours contre l'acte administratif n'est admis
qu'après son application par l'administré. Ce dernier doit
supporter les conséquences de l'acte s'il est illégal
jusqu'à ce que le juge intervienne pour l'annuler ou s'il retiré
par l'administration. De même, la non-spécialisation des juges
entraine un affaiblissement du contrôle.
A : L'absence d'effet suspensif du REP
En droit privé, les litiges portés devant le
juge ont souvent un effet suspensif. En droit public, et
particulièrement en matière de REP, les litiges n'ont pas d'effet
suspensif sauf exception prévue par les textes149. Le
délai de recours et le recours ne sont pas suspensifs en principe. Le
requérant doit, a priori, exécuter l'acte administratif qu'il
conteste la légalité jusqu'à ce qu'il soit annulé
ou retiré respectivement par le juge où l'administration. Cet
acte est exécutoire de plein droit. L'administration peut
recourir en cas de besoin à l'exécution forcée pour
contraindre l'administré à respecter l'autorité de la
chose décidée. Ainsi, elle n'a pas besoin de recourir au juge
pour cela. L'introduction d'un REP ne suspend pas les effets de la
décision administrative qui continue à s'appliquer jusqu'à
ce qu'il fasse l'objet d'annulation ou de retrait respectivement par le juge ou
l'administration.
Le principe d'effet non suspensif est la conséquence de
la règle du privilège du préalable. L'application de cette
règle se justifie par la présomption de légalité
dont bénéficie tout acte administratif. Présomption qui
découle de l'idée selon laquelle l'administration est
présumée être de bonne foi. Si l'application du principe de
l'effet non suspensif est favorable à l'administration et à
l'administré bénéficiaire, le cas échéant,
de l'acte administratif dont la légalité est contesté,
elle est souvent défavorable au requérant.
L'administré est alors condamné à subir
les effets d'un acte administratif même illégal. Qui plus est, cet
acte bien qu'illégal n'est extirpé de l'ordonnancement juridique
qu'après une durée parfois trop longue rendant ainsi sans effets
réels la décision d'annulation. Ameth Ndiaye précise
à cet effet que : « deux problèmes naissent de
ce
149 Aux termes de l'article 74 de la loi organique sur la cour
suprême de 2017, op.cit : le délai de recours et le recours pour
excès de pouvoir ne sont pas suspensifs sauf en cas de
déclaration d'utilité publique, d'expulsion d'un étranger
ou d'extradition.
64
constat, le justiciable doit en théorie supporter
les conséquences de cette décision jusqu'à ce qu'elle soit
annulée, ou non, par un juge. Une décision administrative qui
serait manifestement illégale devrait donc être appliquée.
De plus, si la décision du juge entrainant l'annulation de la
décision doit théoriquement permettre un retour à la
situation antérieure, certains actes peuvent créer des dommages
difficilement réversibles »150. Même lorsque
le juge parvient à statuer dans le plus bref délai,
l'administré pourrait subir des dommages. En ce sens, la protection des
droits des administrés demeure ébranlée parce que : «
le caractère non suspensif de la quasi-totalité des recours
rendait la démarche contentieuse peu attractive
»151. La non-spécialisation des juges
compétents en excès de pouvoir peut aussi avoir des
répercussions négatives sur la protection des droits et
libertés des administrés.
B : La non-spécialisation des juges
Au Sénégal, le contentieux de l'excès de
pouvoir n'est pas nécessairement l'affaire de magistrats
spécialisés. En général, aucune
spécialisation n'est exigée aux magistrats lors de leur promotion
à la cour suprême. Qui plus est, « (...) la formation de
base étant généraliste et, le premier contact avec ce
contentieux ne se faisait qu'enfin de carrière à la cour
suprême »152. A cet effet, les magistrats ayant une
formation de base en droit privé peuvent être appelés
à statuer sur les litiges relevant du contentieux de l'excès de
pouvoir. La non-spécialisation des juges apparait au double niveau.
Comme l'a précisé le Professeur Babacar KANTE, « c'est
un juge doublement non spécialisé qui est compétent en
matière administratif au Sénégal. Il n'est ni
spécialisé en droit administratif de par sa formation, ni
spécialisé dans les litiges administratifs dans l'exercice de ses
fonctions. Tout d'abord, le juge sénégalais est privatiste de
formation en général. (...). C'est un juge, technicien du droit
privé qui statue sur les litiges »153.
La non-spécialisation des juges aura des
répercussions sur la qualité de leurs décisions. Au regard
de certaines solutions données par le juge, on a l'impression qu'il
150 NDIAYE (Ameth), « Le référé
administratif en Afrique », op. cit, p.4
151 MALLOL (Francis), « `'Veuillez patienter» :
regard dubitatif sur la qualité et la célérité de
la justice administrative », In revue française
d'administration publique, N°159, 2016,, p. 777
152 FALL (Sangoné), discours d'usagers prononcé
lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur « Le
contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S, 2018, p.95,
http// :www.coursuprême.sn, consulté le 5 janvier 2020.
153 KANTE (Babacar), Unité de juridiction et droit
administratif : l'exemple du Sénégal, op. cit, p.348 ; voir
SY (Demba), « Dire et écrire le droit administratif en Afrique
», in revue Afrilex, p.294
65
ne maitrise pas bien certaines techniques de contrôle de
légalité. Sa non-spécialisation influe parfois sur la
qualité des décisions rendues dans le cadre du contrôle de
légalité. Par exemple, dans un arrêt rendu le 28 octobre
2008154, le juge a confondu le vice de forme au vice de
procédure. En se laissant emporté par la qualification
donnée par le requérant au moyen d'annulation, il a fini par
faire un raisonnement inexact en ce sens qu'il se fonde sur un vice autre que
celui qu'il aurait dû se baser pour annuler l'acte. Ainsi, l'acte devrait
être annulé non pas sur la base d'un vice de forme mais
plutôt sur le fondement d'un vice de procédure. A l'analyse de
certaines décisions rendues par le juge, aucune différence n'est
faite par le juge entre le vice de procédure et le vice de forme.
Par ailleurs, l'inconvénient de l'absence de
spécialisation des juges est qu'il leur est difficile de se
départir des solutions dégagées par le juge administratif
français, et donc de participer à la formation d'un droit
administratif autonome. Ainsi, les juges non spécialisés peuvent
également rendre des décisions préjudiciables aux
justiciables et qui auront des impacts sur le développement du droit
administratif. A côté de ces difficultés, viennent les
contraintes liées à la célérité du recours
et à l'exécution de la décision d'annulation
Section 2 : Les difficultés relatives à
la célérité du recours et à l'exécution de
la décision d'annulation
Le principe du droit à un procès
équitable s'impose à tous sans exception. Sa violation est
contraire aux exigences de l'Etat de droit. Il n'est toutefois pas
assuré du fait de certaines difficultés. Ces dernières
sont relatives à la célérité du recours et à
l'exécution de la décision d'annulation.
Paragraphe 1 : Les difficultés relatives à la
célérité du recours
L'examen du recours connait une problématique majeure :
celle de la promptitude dans le rétablissement de la
légalité violée. Cette difficulté est
présente depuis l'indépendance du pays et se profile encore dans
la plupart des décisions rendues par le juge. Elle résulte du
fait qu'il y a un allongement de la durée d'examen des requêtes et
aussi de la décision implicite de rejet.
154 CS, arrêt N°14 du 28 octobre 2008, Collectif
des cadres de l'ARD de Dakar C/ le président du conseil d'administration
de l'ARD, B.A.C.S, N°1, 2008, p.102
66
A : Le traitement prolongé de la requête
en annulation
Lorsque sont en cause les droits et libertés des
administrés, le juge saisi aux fins de rétablissement de leur
situation doit statuer dans le plus bref délai. Il doit en effet rendre
sa décision dans un délai raisonnable conformément aux
articles 9 (alinéa 3) et 7 respectivement du pacte international relatif
aux droits civils et politiques155 et de la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples156. Le caractère raisonnable
auquel il est fait référence ne s'oppose pourtant pas à ce
que le juge puisse disposer d'un temps suffisant pour statuer sur une
requête en annulation. Bien sûr, il doit justement veiller au
raccourcissement du délai d'examen des requêtes en annulation afin
d'assurer une bonne administration de la justice. C'est dans ce sens que Jean
Marc SAUVE a pu retenir qu'« une justice efficace doit, en premier
lieux, être une justice rendue en temps utile. Il ne s'agit pas de
promouvoir un traitement expéditif des affaires, qui serait tout
à fait contre-productif, mais il s'agit d'assurer que le temps de la
procédure juridictionnelle correspond à celui des parties et de
la société dans son ensemble »157. La
durée à laquelle le juge rend ses décisions doit avoir un
impact réel sur la situation des administrés. Il n'en est
pourtant rien ainsi en matière de REP car le délai de traitement
des requêtes en annulation est excessivement long. Que ce soit une
décision d'annulation ou une décision de rejet, le constat est
que le juge se prononce souvent après une période très
longue.
La durée de traitement des requêtes varie d'une
affaire à un autre mais aussi d'une juridiction à une autre. Une
analyse globale prenant en compte la durée d'examen des requêtes
de chaque juridiction serait beaucoup plus pertinente en ce sens qu'elle
permette de connaitre approximativement le délai de traitement des
requêtes. Ce délai varie suivant la juridiction existante à
un moment donné dans le pays. En effet, « l'ancienne cour
suprême rendait ses décisions, en moyenne, dans une durée
de deux (2) à trois (3 ans). Pour le conseil d'Etat la durée des
instances était de deux (2 ans) tandis que pour la nouvelle cour
suprême, elle, varie entre (7) et huit (8) mois
»158.
155 Alinéa 3 de l'article 9 du pacte international relatif
aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966
156 Article 7 de Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples entrée en vigueur en 1986
157 SAUVE (Jean-Marc), « la qualité de la justice
administrative », in revue française d'administration
publique, N°159, 2016, p.669,
158 SY (Demba), « Un demi siècle de jurisprudence
en droit administratif sénégalais : De l'émergence
à la maturation », op. cit, p. ; Voir KANTE (Babacar),
Unité de juridiction et droit administratif : l'exemple du
Sénégal, op.cit, p.117
67
Cette durée a connu certainement une baisse constante
au cours de ces trois périodes. Force est de constater qu'elle est
excessive si l'on tient compte de l'impérieuse nécessité
de protection des droits des administrés dans un délai moins
long.
L'allongement de la durée d'examen des requêtes
en annulation peut être dû au fait que la cour suprême est
appelée seule à statuer sur plusieurs affaires. Les
difficultés n'y manqueront toujours pas puisque les requêtes en
annulation augmentent de plus en plus. Cet état de fait
révèle à l'évidence une lenteur de la justice
administrative, plus particulièrement en matière de REP. Cette
lenteur affecte incontestablement l'efficacité de la justice et
particulièrement celle du REP. Ainsi, « le fait de rendre la
justice avec une certaine célérité est un gage de
réponse adaptée pour le justiciable ; plus la décision est
rendue tardivement, moins elle a un sens pour les parties
»159. Au-delà de cette difficulté, s'ajoute
une autre contrainte relative à l'allongement de la décision
implicite de rejet.
B : L'allongement de la décision implicite de
rejet
Lorsque l'autorité administration saisie par le
requérant aux fins de retrait d'un acte administratif n'a pas
répondu au bout de quatre mois, son silence vaut décision
implicite de rejet. Ainsi, « la règle du silence valant refus
permet dès lors au demandeur d'obtenir une décision implicite
liant le contentieux et d'éviter ainsi que l'inertie de l'administration
ne le prive indéfiniment du droit à un recours juridictionnel
»160. Par cette règle, le législateur entend
assurer l'accès des requérants au prétoire du juge.
Cependant, si l'institution de la décision implicite de
rejet est tentante, le délai de quatre mois auquel elle est
enfermée est excessivement long. Dans cette situation, le recours
administratif dont l'un des principaux objectifs consiste à
désengorger la juridiction suprême ne sera qu'une perte de temps
pour le requérant. Il protège paradoxalement l'administration au
détriment de l'administré du fait que la décision
implicite de rejet intervenue à la suite du RAP empêche un prompt
rétablissement de la légalité violée et, par voie
de conséquence, laisse perdurer dans l'ordonnancement juridique certains
actes administratifs manifestement illégaux. C'est d'autant plus vrai
159 PAULIAT (Hélène), « La mission
permanente d'inspection de la justice administrative : un rôle centrale
dans l'évaluation de la qualité de la justice administrative ?
», in revue française d'administration publique, p.810
160 Collectif, « L'application du nouveau principe
«le silence de l'administration vaut acceptation» », la
documentation française, les études du conseil d'Etat, 2017,
p.9
68
que la jonction du délai de quatre mois à celui
de la décision d'annulation rendue par le juge laisse
l'administré dans une situation d'insécurité juridique
assez longue.
Par ailleurs, « le raccourcissement du délai
de la décision implicite de rejet serait intéressant à
explorer compte tenu de sa durée assez longue de quatre mois, dans un
contexte où la vitesse du temps constitue un paradigme de notre
civilisation »161. Le législateur français
est allé dans ce sens en rétrécissant le délai de
la décision implicite de rejet. Ainsi, ce délai est passé
de quatre mois à deux mois depuis l'année deux mil. Mieux encore,
il vient limiter l'inaction de l'administration en l'obligeant désormais
de répondre avant l'expiration du délai de deux mois
prévu. Ce frein à l'inaction de l'administration s'est-il
réalisé par la consécration d'un nouveau principe selon
lequel le silence gardé par l'administration au bout de deux mois vaut
décision d'acceptation et non plus de rejet. Ce principe est en parfaite
corrélation avec l'adage « qui ne dit mot consent »
généralement inappliqué en matière juridique. Il
renforce la protection des droits des administrés du fait qu'il permet
d'encourager les administrés à trouver une solution amiable avec
l'administration avant de saisir le juge, toute chose qui permet de
désengorger la juridiction administrative. Mis à part ces
difficultés, il existe d'autres qui sont relatives à
l'inexécution de la décision d'annulation.
Paragraphe 2 : Les difficultés liées à
l'exécution de la décision d'annulation
Une décision d'annulation intervenue à la suite
du REP n'a d'effet réel à l'égard du requérant que
lorsque l'administration procède à son exécution.
Malheureusement, cette décision bute dès fois sur des
difficultés d'exécution. Ces difficultés sont relatives,
d'une part, à la réticence de l'autorité administrative
à l'exécution de la décision d'annulation. Ce refus
d'exécution de la décision annulée est contraire au
respect du principe de l'autorité de la chose jugée. Principe
selon lequel la décision d'annulation s'impose à tout le monde
sans exception. Autrement dit, elle a effet erga omnes. D'autre part, les
difficultés d'exécution sont indépendantes de la
volonté de l'autorité administrative.
161 FALL (Sangoné), discours prononcé lors de
l'audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux portant sur
« Le contrôle juridictionnel de l'administration », RACS, jeudi
le 11 janvier 2018, p.95. Consulté le 25 mars 2020.
69
A : La réticence de l'autorité
administrative à l'exécution de la décision d'annulation
En droit sénégalais, l'exécution de la
décision d'annulation dépend du bon vouloir de l'autorité
administrative. Il ne devrait y avoir aucune crainte à ce propos puisque
l'administration est présumée être de bonne foi. Force est
de constater qu'elle refuse parfois d'exécuter la décision
annulée par le juge de l'excès de pouvoir qui n'a malheureusement
pas de pouvoirs pour la contraindre à l'exécuter. Des limites
juridiques lui sont imposées en ce sens. Elles se rapportent, d'une
part, à l'interdiction qui lui a été faite de prononcer
des injonctions contre l'administration. Aux termes de l'article 74 du code des
obligations administratives : « le juge ne peut pas adresser des
injonctions à l'administration. Il ne peut pas la condamner directement
ou sous astreinte à une obligation de faire ou de ne pas faire
»162. D'autre part, il est interdit tout recours à
l'exécution forcée contre l'administration en vue de la
contraindre à exécuter une décision d'annulation. En
effet, le requérant ne peut pas utiliser des voies d'exécution
forcée contre l'administration. Cette dernière
bénéficie d'une immunité d'exécution qu'elle tienne
des dispositions de l'article 194 alinéa 2 du code des obligations
civiles et commerciales163. L'interdiction d'exécution
forcée contre l'Etat est bien défendue par les pouvoirs publics.
C'est le cas de l'actuel Président de la République du
Sénégal en l'occurrence son excellence Monsieur MACKY SALL qui a
soutenu lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux qu' «
autoriser l'exécution forcée contre l'Etat, ce serait porter
atteinte à la souveraineté de l'Etat ; ce serait perturber le bon
fonctionnement du service public »164. Au regard de cette
immunité d'exécution, il reste que le juge est impuissant face au
refus d'exécution de la décision d'annulation car ne disposant
pas de pouvoir d'injonction contre l'administration.
Par ailleurs, pour que l'administration exécute la
décision d'annulation, « le juge devrait lui-même
apprécier si sa décision est susceptible d'exécution
immédiate, si elle doit être assortie de délais
»165. A défaut, « le juge devrait
être, dans cette fonction
162 Article 74 de la loi N° 2006-16 du 30 juin 2006
modifiant la loi n°65-61 du 19 juillet 1965 portant code des obligations
de l'administration, op.cit.
163 Article 194 al. 2 du code des obligations civiles et
commerciales
164 SALL (Macky), allocution prononcée lors de
l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur le thème :
« Le contrôle juridictionnel de l'administration », op. cit,
p.139
165 DEBBASCH (Charles) et RICCI (Jean Claude), Précis
de contentieux administratif, op. cit, p.463
70
d'exécution des jugements, aidé par le
législateur »166. Hélas, ils font souvent
preuve d'insouciance à cet égard. Toujours est-il que l'inaction
du juge semble néanmoins se justifier par le fait que le
législateur lui a barré la route si bien qu'il s'estime
incompétent pour prononcer des injonctions contre l'autorité
administrative récalcitrante. Le juge a exprimée clairement son
incompétence dans l'affaire MALCHAIR lorsqu'il précise :
« qu'il n'appartient pas à la cour suprême statuant en
matière d'excès de pouvoir d'adresser des injonctions à
l'administration ; qu'elle peut seulement se prononcer sur la
légalité des décisions administratives qui lui sont
déférées »167. Le juge de
l'excès de pouvoir n'est pas toujours indifférent à la
violation de la chose jugée. Ainsi, il a considéré dans
l'affaire opposant la Société Ibéro pour la Pêche en
Atlantique à l'Etat du Sénégal : « qu'en
procédant à cet examen, notamment en confirmant la
décision de l'inspecteur du travail qui lui était
déférée, le ministre a statué de façon
irrégulière, cette irrégularité pouvant cependant
être réparée, l'autorité administrative étant
en mesure en l'espèce de statuer à nouveau sans violation de la
chose jugée »168. Ce cas d'inexécution bien
que rare au Sénégal n'en demeure pas moins inexistant.
Récemment dans l'affaire Bouré DIOUF et autres, l'autorité
administrative sénégalaise en l'occurrence le ministre de
l'éducation nationale n'a pas caché son intention d'aller
à l'encontre de la décision d'annulation rendue par le juge.
Cette attitude du ministre pourrait encourager d'autres autorités
administratives à fouler aux pieds le principe de l'autorité de
la chose jugée. Pour éviter l'exécution de la
décision annulée, l'administration se tourne parfois vers le
législateur en lui demandant de valider l'acte administratif. Au lieu
d'instituer des mesures dissuasives à l'inexécution d'une
décision d'annulation, le législateur vient poser des limites au
juge et parfois, il valide l'acte administratif litigieux. Dans la
foulée de son refus d'exécution de la décision
d'annulation, l'administration n'hésiterait pas de reprendre l'acte
litigieux. Cependant, l'inexécution des décisions du juge ne
provienne toujours pas de la réticence de l'administrative. En effet,
d'autres difficultés d'exécution sont extérieures à
l'administration.
166 Ibidem
167 CS, 26 janvier 1972, MALCHAIR, Cité par BOCKEL
(Alain), Recueil de jurisprudence administrative sénégalaise
: 1960-1974, N°1, p.57
168 CE, arrêt N°32 du 24 novembre 1993,
Société Ibéro pour la Pêche en Atlantique C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.E, N°12.
71
B : Les difficultés d'exécution
extérieures à la volonté l'administration
D'énormes difficultés d'exécution de la
décision d'annulation demeurent indépendantes de la
volonté de l'administration. D'emblée, il faut noter la
difficulté objective d'exécution de la décision
d'annulation. Cette difficulté d'exécution demeure
l'hypothèse la plus récurrente car le juge rend souvent ses
décisions après une très longue durée.
L'inconvénient est que même si l'administration a bien l'intention
d'exécuter la décision annulée, elle serait dans
l'impossibilité puisque sa décision a été
totalement exécuter. Cette décision ne sera pas susceptible de
produire les effets escomptés. Elle regorge tout au plus « une
vertu purement symbolique car intervenant le plus souvent bien après du
fait de la lenteur des procédures »169. Les
décisions d'annulation rendues tardivement par le juge de l'excès
de pouvoir demeurent insusceptibles de produire des effets réels. Cela
est beaucoup plus fréquent dans le cadre des libertés publiques.
La plupart des décisions juridictionnelles annulant un acte
administratif qui aurait porté atteinte à une liberté
publique ne permettent pas d'améliorer la situation des
requérants en ce qu'elles interviennent tardivement. Dans l'affaire
opposant Aliou TINE à l'Etat du Sénégal170, le
juge a annulé la décision de l'autorité administrative au
bout de onze (11) mois et demi. Cette décision ne peut faire l'objet
d'exécution par l'administration du fait qu'elle est intervenue
tardivement. Cet état de fait a été décrit
également par Idrissa SOW à propos de la décision rendue
par le juge dans l'arrêt Amnesty international Sénégal
rendu en date du 9 juin 2016. Selon cet auteur, « Cette
décision remarquable n'aura eu malheureusement qu'une valeur symbolique
ou tout au plus pédagogique, vu que la cour suprême s'est
prononcée plus d'un an après la date à laquelle la marche
était programmée »171. Ces décisions
ne peuvent assurer la protection des droits des administrés.
Il en est de même en matière de concours dont
certaines décisions d'annulation peuvent demeurer également
anodines. Ces décisions peuvent avoir une valeur pédagogique
comme c'est le cas pour certaines décisions rendues dans le cadre des
libertés publiques.
169 SOW (Idrissa), discours sur « Le suivi de
l'exécution des décisions de la cour suprême », Actes
d'atelier d'échanges, 3 et 4 mai 2019.
http://www.coursuprême.sn.
Consulté le 25 décembre 2019.
170 CS, arrêt N°35 du 13 octobre 2011, Alioune
TINE, Président de la rencontre africaine des droits de l'homme(RADDHO)
C/ Etat du Sénégal, inédit
171 SOW (Idrissa), discours sur « Le suivi de
l'exécution des décisions de la cour suprême »,
op.cit,
72
Au titre des difficultés d'exécution
extérieures à l'administration, s'ajoutent celles provenant du
justiciable. La décision d'annulation n'a d'importance autant que le
requérant en profite de son exécution. Or celui-ci semble se
désintéresser parfois de son exécution. Ainsi, «
dans le contentieux sénégalais de l'excès de pouvoir et
dans la majorité des pays africains, il est significatif que le
requérant soit couramment satisfait de la victoire morale que lui
procure l'annulation. En effet, celui-ci ne se soucie guère de
l'exécution proprement dit du jugement. Car le plus souvent, le
justiciable ne sait pas que l'arrêt d'annulation rendu par la cour
suprême doit être exécuté par l'administration
»172. Il est dans l'intérêt de celui-ci de
poursuivre l'exécution de la décision annulée rendue
à son profit. Ce cas d'inexécution des décisions
d'annulation est rarissime à l'heure actuelle.
Bien qu'il présente certains traits qui
caractérisent son efficacité, le REP connait néanmoins
d'importantes limites. Il demeure théorique à cet égard
pour certains justiciables qui ne peuvent pas l'utiliser. Ces limites viennent
affecter son efficacité ou à tout le moins certaines de ces
caractéristiques. Ce qui diminue substantiellement son
intérêt en tant que recours d'utilité publique.
172DIAGNE (Mayacine), L'efficacité du
contrôle contentieux exercé sur l'administration
sénégalaise, Thèse de Doctorat d'Etat, Aix-en
Provence, 1990, p.281. Cité par COULIBALY (Babakane), « Le juge
administratif, rempart de protection des citoyens contre l'administration en
Afrique noire francophone, in revue Afrilex, p.31
73
Conclusion
L'analyse de l'efficacité du REP au
Sénégal est d'une grande complexité du fait que beaucoup
de décisions ont été rendues en matière
d'excès de pouvoir. De même, des réformes ayant des liens
étroits avec ce recours ont également été
entreprises. Ces réformes et décisions rendues constituent les
éléments auxquels on s'en est référé pour
analyser le sujet objet d'étude.
Le REP n'est que la traduction de la sacralité du
principe de légalité et des droits des administrés que
tout Etat de droit entend assurer pour éviter, limiter voire sanctionner
l'arbitraire administratif. Il se profile ainsi comme une voie de droit
essentielle à laquelle les administrés peuvent utiliser pour
combattre l'arbitraire administratif. C'est dire par là que
l'administration agissant par des actes administratifs unilatéraux n'est
pas libre de faire ce qu'elle veut. Bien sûr qu'elle doive se conformer
aux normes juridiques, faute de quoi son acte sera frappé d'une sanction
d'annulation. Les administrés peuvent grâce au REP combattre
efficacement tous comportements malveillants de l'administration lorsqu'elle
émet des actes juridiques.
Toutefois, ce recours connait beaucoup de limites. Ces limites
dont l'essentiel a été développé plus haut
amènent parfois les administrés à se détourner de
cette voie de droit. Le plus souvent, ils font recours aux modes alternatifs de
règlement des litiges ou dans le pire des cas, ils s'abstiennent. Les
modes alternatifs de règlement des conflits auxquels ils ont tendance
à recourir concernent les recours administratifs préalables,
notamment le recours gracieux ou hiérarchique. Ces recours demeurent des
préalables au contentieux de l'excès de pouvoir.
74
Cependant, les administrés peuvent se limiter à
ces recours même s'il y a liaison du contentieux. Cela parait
évident à cause de la pluralité des difficultés
qu'ils peuvent rencontrer dans le cadre du contentieux de l'excès de
pouvoir. Et c'est là le souci car l'usage du RAP n'est pas mauvais en
soi mais c'est plutôt le fait qu'un justiciable refuse de saisir le juge
alors même qu'il a la possibilité de le saisir à la suite
d'un RAP. Il reste à préciser en ce sens que ces recours
quoiqu'importants connaissent néanmoins des limites. Comme l'indique
Jean WALINE, « les recours administratifs, gracieux ou
hiérarchiques, peuvent se fonder sur des considérations
d'opportunité et d'équité ; ils ne tendent pas
nécessairement à assurer le respect de la légalité
par l'administration »173. Ces recours aboutiront
difficilement à leur finalité puisque de telles
considérations demeurent très délicates à assurer.
Et lorsqu'ils aboutissent à des résultats, ces recours peuvent
connaitre des limites notamment en ce qui concernent leurs effets. Il en est
ainsi de l'acte abrogé qui ne peut produire d'effets que pour
l'avenir.
Les administrés préfèrent, dans certains
cas, recourir à la médiation. Cette dernière est une
nouvelle forme de contrôle de l'action administrative qui a
été formalisée au Sénégal suite au renouveau
démocratique comme il a été ainsi dans la plupart des pays
africains. Ainsi, « transposée dans le cadre étatique,
la médiation apparait comme un moyen moderne de contrôle de
l'administration, et un mécanisme protecteur des citoyens, moins
formaliste et moins onéreux que les moyens classiques, qui affichent un
net recul d'efficacité »174. Elle est une exigence
des populations qui, a un moment donné, ont voulu une modernisation du
contrôle de l'action administrative dont le but est d'apporter plus
d'efficacité. La médiation se présente à cet effet
comme une solution aux déboires des recours juridictionnels, et
particulièrement du REP. En lieu et place du juge administratif,
certains requérants préfèrent saisir le médiateur
en premier ou s'en limiter à lui. Pourtant, les pouvoirs du
médiateur sont beaucoup plus limités que ceux du juge de
l'excès de pouvoir. A l'évidence, le REP devrait apporter
beaucoup plus de satisfaction aux requérants que la médiation si
l'on s'en tient aux pouvoirs des deux organes.
Par ailleurs, certains administrés manifestent de plus
en plus leur préférence pour le REP au détriment des
autres voies de droit. On le conçoit fort bien lorsque leurs
173 WALINE (Jean), Précis de droit administratif,
op, cit, p.645
174 ACKA (Félix Sohuily), « Un médiateur
dans les institutions publiques Ivoiriennes : l'organe présidentiel de
médiation », in revue Afrilex, 2001/01, p.4
75
requêtes sont rejetées sur le fondement de
l'absence de recours parallèle175 ou lorsqu'ils saisissent
directement le juge de l'excès de pouvoir sans passer par les modes
alternatifs de règlement des conflits. Cet état de fait atteste
que le REP demeure un recours privilégié des administrés.
Ce faisant, ses failles devrait être éliminées afin qu'il
puisse jouer son rôle d'utilité publique. Il urge, tout d'abord,
de procéder à la socialisation juridique des requérants en
organisant des campagnes de sensibilisation sur l'existence et l'utilité
du REP. Travail de long haleine auquel les pouvoirs publics, les juristes etc.
devront s'atteler en vue d'assurer une large diffusion de ce recours. La
publication régulière des arrêts devient ainsi un
impératif pour la connaissance effective des normes jurisprudentielles
applicables en matière de REP. L'idée est de mobiliser davantage
les administrés, que ce soit ceux qui manifestent leur
préférence pour le REP ou d'autres qui s'intéressent peu
ou prou à ce recours, à participer au combat contre l'arbitraire
administratif afin que ce recours soit beaucoup plus utile.
De même, les procédures auxquelles
l'administré est assujetti dans le cadre de l'introduction de ce recours
méritent d'être simplifiées pour éviter ou, du
reste, diminuer les rejets des requêtes pour irrecevabilité ou
déchéance. Le juge doit également mener une politique
jurisprudentielle plus souple dans le cadre de la recevabilité du
recours.
En sus, le contrôle juridictionnel devrait être
amélioré. Pour ce faire, le délai de traitement des
requêtes en annulation devrait être moins long afin que ce recours
puisse produire des effets utiles à l'égard des
administrés. Le juge doit disposer des pouvoirs d'injonction pouvant lui
permettre de contraindre l'administration d'exécuter la décision
d'annulation si elle tente de se soustraire au respect de l'autorité de
la chose jugée. A cet effet, une réforme visant à
renforcer les pouvoirs du juge dans le cadre de l'exécution de la
décision d'annulation doit être faite.
La réalisation de ces perspectives requiert beaucoup
d'effort de la part de tous les acteurs intervenant dans le cadre du REP. Ces
derniers devront jouer pleinement leurs rôles et assumer leur
responsabilité.
175 Voir supra, pp.55 et 56
76
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discrétionnaire en France », pp.607-629
D : Jurisprudence 1/ Arrêts
-CE(Sénégal), 26 Avril 1995, Abdoulaye LO c/ Etat
du Sénégal
-CE 25 juin 1997, Adolphe Dodi SOW, Bull. n°1
-CS, arrêt N°14 du 05 mai 2009, Aliou DIA C/ El hadji
Moussa NDIAYE-Etat du
Sénégal, B.A.C.S, N°1, 2008-2009
-CS, arrêt N° 24 du 12 Août 2010, Aliou DIACK C/
Etat du Sénégal, BACS, Nos 2-3,
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-CS, arrêt du 23 février 2012, Amadou Lamine BA
C/Etat du Sénégal, inédit
81
-CS, Aminata SALL et autres C/ Etat du
Sénégal
CS, arrêt N°28 du 12/6/2014, Aminata Cissé
C/ commune de Sendou, inédit
-CS, arrêt N°11 du 09 février 2017, Arouna
CISSE C/ A.N.A.C.I.M-Etat du Sénégal, inédit
-CE du Sénégal, 27 avril 1994, ASC DIAL DIOP
-CS, arrêt N°26 du 16 mai 2013, A.S.C PINTHIE C/
ODCAV de Dakar, Bulletin des arrêts de la cour suprême, N°6-7,
année 2013
-CS, arrêt N°24 du 27/11/2008, A.S.E.C.N.A C/ Etat
du Sénégal, inédit
-CS, arrêt N°13 du 7/4/2011, association sportive
des Douanes C/ Fédération sénégalaise de Basket,
inédit
-CS, arrêt N°38 du 10 novembre 2011, Babacar SARR
C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°2-3, année
2010-2011
-CS arrêt N° 12 du 23 février 2012,
Barthélémy Toye Dias C/ Etat du Sénégal,
inédit -CS, arrêt N°4 du 27 janvier 2009, Cheikh Abdoul
Khadre CISSOKHO C/ Conseil rural de Sindia-Etat du Sénégal,
B.A.C.S, N°1, 2008-2009
-CS, arrêt N°04 du 12 janvier 2017, cheikh DIENG C/
Etat du Sénégal, Bulletin des arrêts de la cour
suprême du Sénégal, année judiciaire 2017
-CS, arrêt N°4 du 25 janvier 2018, Cheikh DIOGAL
THIAW C/ Etat du Sénégal, BACS, N° 15-16, année
2018
-C.S, arrêt N°14 du 28 octobre 2008, Collectif des
cadres de l'ARD de Dakar C/ le président du conseil d'administration de
l'ARD, B.A.C.S, N°1, 2008
-CS, arrêt N°61 du 24 novembre 2016,
Collectivité LEBOUE de OUAKAM C/ Eta du Sénégal, B.A.C.S,
Nos 11-12, Année 2016, p.210
-CE du Sénégal, arrêt N°14 du 27
octobre 1993, le Comité international de la Croix Rouge (C.I.C.R) C/
Etat du Sénégal
CS, arrêt du 9 février 1966, Dame Fatou Diop,
RLJ, 91 ; Ann. afr.1973
CE du Sénégal, arrêt N° 0009 du
28/07/1999, Djibo Leîty KA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E,
année 1999
-CS, arrêt N°41 du 28 juin 2018, Eglise du
Christianisme Céleste « la paroisse JEHOVAH ELYON » C/ Etat du
Sénégal,
82
-CE du Sénégal, arrêt N°0014 du
29/07/1998, gouverneur de la région de Tambacounda C/ conseil
régional de Tamba, B.A.C.E, N°1, 1998
-CS, arrêt N°10 du 23 février 2012, Ibnou Abath
Dia et autres C/ Etat du Sénégal, inédit -CE du
Sénégal, Ibra Gaôki DIONE C/ Etat du Sénégal,
25 juin 1997, inédit.
-CS, arrêt N°02 du 14 janvier 2010, Ibrahima Diagne
contre Etat du Sénégal, B.A.C.S, Nos 2-3, Année 2010-2011,
p219
-CS, arrêt N°26 du 20 juillet 2020, Ibrahima NDIAYE C/
Etat du Sénégal, inédit
-CE du Sénégal, arrêt N°0001 du
27/01/1999, Landing SAVANE, Bacary COLY et AND JEF/PADS C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.E, année 1999
-CE du Sénégal, arrêt N°0032, LD/MPT C/
Etat du Sénégal, B.A.C.E, année 1999
-CS, Longin COLY et autres C/ Etat du Sénégal
-CS, Arrêt N° 36 du 14 juin 2018, Mama moussa DIAW C/
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des arrêts de la cour suprême, Nos 15-16,
2018
-CS, Maguètte WADE C/ Conseil rural de RONKH, B.A.C.S,
N°1, 2008-2009
-CE, 25 juin 1997 Mamadou Touré, Bull. n°65
-CS, arrêt N°1 du 9 janvier 2014, Mame Thierno DIENG
C/ Recteur de l'université
Cheikh Anta DIOP, B.A.C.S, N°6-7, année 2013
-C.S, arrêt N°44 du 25 Juin 2015, Mapathé DJIBA
C/ Directeur général de
l'A.N.R.A.C
-CS, arrêt du 26 janvier 1972, MALCHAIR
-CS, arrêt N°47 du 13 juillet 2017, MBAYE PAYE C/
Maire de la commune de HANN
BEL AIR, Bulletin des arrêts de la cour suprême,
N°13-14, année 2017
-CS, arrêt N°04 du 10 janvier 2013, Modou DIAGNE
C/Etat du Sénégal (agent
judiciaire de l'Etat), B.A.C.S, Nos 6-7, année
judiciaire 2013
-C.S, arrêt N°07 du 27 février 2014, Modou
GNANG C/ Université ALIOUNE DIOP
DE BAMBEY
-CE, arrêt N°0018 du 29/06/2000, Momar GUEYE C/ Etat
du Sénégal, B.A.C.E
CS, arrêt N°15 du 9 juin 2009, Moussa BA contre Etat
du Sénégal, in Bulletin des arrêts de la cour
suprême, N°1, année judiciaire 2008-2009
CS, arrêt N°16 du 23 octobre 2008, Ndèye Fatou
TOURE C/ Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat),
inédit
-CS, arrêt N°07 du 10 février 2011, Ndiogou
FALL et autres C/ Maire de Dakar, inédit
83
-CS, arrêt N°31 du 11 Août 2011, Oumar GUEYE
et autres-Jean Paul DIAS et autres C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S,
Nos2-3, année 2010-2011
-CE, arrêt N°27 avril 1994, Ousmane Kane KAMARA et
autres, Bulletin N°1
-CS, arrêt N°19 du 17 mars 2016, Ousmane SONKO C/
Etat du Sénégal (agent judiciaire de l'Etat), B.A.C.S,
Nos 11-12, année judiciaire 2016
-CS, arrêt N°21 du 24 mars 2016, REGI SA, REGIDAK
CAURIS COM C/ Commune de Mermoz-Sacré Coeur, B.A.C.S, Nos
11-12, année judiciaire 2016
CS, arrêt N°19 du 22 mars 2012, Rizare NATRANG C/
Etat du Sénégal, inédit
-CE, arrêt N°0004 du 29/04/1998, Salif FALL C/ Etat
du Sénégal, B.A.C.E, N°1, année 1998
-CS, arrêt N°09 du 14 février 2013, SENCA C/
Etat du Sénégal, B.A.C.S, NOS 6-7, 2013, p.133
-CS, arrêt N°31 du 25 août 2009,
Sérigne Babacar SECK C/ Conseil régional de Kaolack-Gouverneur de
la région de Kaolack, B.A.C.S, NO 1, année 2008-2009,
p.139
-CE, arrêt N°0015 du 27 octobre 1993, Seydou
Mamadou DIARRA C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°8,
année judiciaire 1993-1997, juillet 1993
-CS, arrêt N°05 du 13 janvier 2015, Sidia BAYO C/
Etat du Sénégal, B.A.C.S, N°9-10, année 2015,
p.223
-CE, arrêt N°0018 du 29/07/1998,
Société Générale de Banques au
Sénégal C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E, N°1,
année 1998
-CE, arrêt N°32 du 24 novembre 1993,
Société Ibéro pour la Pêche en Atlantique C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.E, N°12
-CS, Arrêt N°59 du 08 novembre 2012,
société nationale des télécommunications (SONATEL
SA) C/ Etat du Sénégal-Agence de régulation des
télécommunications et des postes(ARTP), NOS 4-5,
année 2012, p.247
-CE, arrêt N°0001 du 31/03/1999,
Société RACINE SA C/ Ordre national des experts et
évaluateurs agrées du Sénégal, B.A.C.E,
année 1999
-CE, arrêt N°0008 du 24/06/1998,
Société SONAGRAINES C/ Etat du Sénégal, B.A.C.E,
N°1, année 1998, p.6
-CS, arrêt N°24 du 12 avril 2018,
société zénith SARL et 22 autres et groupements
d'intérêt économique contre Etat du Sénégal,
B.A.C.S, Nos 15-16, année 2018
84
-CS, arrêt N°50 du 8 novembre 2012, SONATEL SA C/ Etat
du Sénégal-ARTP, B.A.C.S, Nos 4-5, année
2012
-CS, Arrêt N°59 du 08 novembre 2012,
société nationale des télécommunications (SONATEL
SA) C/ Etat du Sénégal-Agence de régulation des
télécommunications et des postes(ARTP), NOS 4-5,
année 2012, p.247
-CS, arrêt N°21 du 22 mars 2018, SUDES C/ Le recteur
de l'université ASSANE DECK DE ZIGUINCHOR, B.A.C.S, Nos
15-16, année 2018, p.17
-CE, arrêt N°0014 du 29/06/2000, Yaya BA C/ Etat du
Sénégal, B.A.C.E, année 2000 -CS, Arrêt N°01 du
10 janvier 2013, Zahira SALEH C/ Etat du Sénégal, B.A.C.S, NOS
6-7, année judiciaire 2013, p.127
2/ Ordonnances
-CS, ordonnance N°1 du 02 mars 2017, Héritiers feu
Arouna SENE, feu Moustapha SENE et feu Momar SENE C/ Sous-préfet des
Almadies- Héritiers feu Ndiouga KEBE et feu Bécaye SENE
-CS ordonnance de référé, N°5 du
10/10/2019, la Société sénégalaise des Eaux dite
SDE C/ L'Autorité de Régulation des Marchés Publics dite
A.R.M.P-Etat du Sénégal
-CS, ordonnance N°7 du 18 mai 2017 l'Eglise du christianisme
Céleste « Paroisse Jehovah Elyon »
-CS, ord. Référé, 4 septembre 2018, Abdoul
Mbaye et autres c/ Ministre de l'intérieur et agent judiciaire de
l'Etat, affaire n° j/357/RG/18 du 28/08/2018, inédit
E : Thèses
DIAGNE (Ndèye Madjiguène), Les méthodes
et les techniques du juge en droit administratif sénégalais,
Doctorat en droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 1995
KANTE (Babacar), Unité de juridiction et droit
administratif : l'exemple du Sénégal, Doctorat d'Etat de
droit public, Orléans, 12 juillet 1983.
F : Discours
CAMARA (Mamadou Badio), allocution prononcée lors du
séminaire sur « L'Etat de droit au Sénégal »,
Dakar, du 10 au 12 mars 2015.
85
- COULIBALY (Cheikh Ahmed Tidiane), discours d'usage
prononcé lors de l'audience solennelle des cours et tribunaux portant
sur « Le contrôle juridictionnel de l'administration »,
R.A.C.S, année judiciaire 2018, pp.99-112.
FALL (Sangoné), discours d'usage prononcé lors
de l'audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux portant sur
« le contrôle juridictionnel de l'administration », R.A.C.S,
année judiciaire 2018, pp.77-97
-SALL (Macky), allocution prononcée lors de l'audience
solennelle des cours et tribunaux portant sur « Le contrôle
juridictionnel de l'administration », R.A.C.S, année judiciaire
2018, pp.134-141
SENE (Birame), discours d'usagers prononcé lors de
l'audience solennelle des cours et tribunaux portant sur «
Collectivités locales et contrôle de légalité
», 2015-2016
SOW (Idrissa), discours portant sur « le suivi de
l'exécution des décisions de la cour suprême », Actes
de l'atelier d'échanges, Saly Portudal, 3 et 4 mai 2019, pp.11
Wébographie
86
www.coursuprême.sn
www.sunulex.sn
www.gouv.sn
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