2- Organisation socio-politique
D'entrée de jeu, il importe de préciser que la
société massa est définie comme «une
communauté de consanguins (ou se prétendant tels) composés
en moyenne de quatre générations d'individus vivants, issus d'un
ancêtre commun (souvent défunt) et des femmes qui leur sont
alliées (Magnant, 1987:27). C'est donc un type d'organisation
fondée sur le lignage dont la cellule de base est la famille et
l'autorité est détenue par l'aîné de la famille qui
était en vigueur dans la plupart des sociétés du
Mayo-kebbi (Armi, 2005:32).En effet, chaque société fonctionne
selon les us et coutumes qui prennent la forme de la culture à laquelle
elle s'attache. Ainsi, le mode de vie du peuple Massa est
réglementé, suivi et régi par les lois coutumières
d'où la notion de l'organisation politique traditionnelle. La
société massa est organisée de manière
hiérarchisée. La cellule de base est la famille.
Chez les massa, ni le village ni le quartier ne
possèdent traditionnellement d'inscription dans l'espace et l'habitat se
caractérise par une forte dispersion. Les enclos appelés zina
en massa, lieux de résidence du chef de famille, de ses
frères
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cadets, de leurs femmes ainsi que de leur descendance, et
parfois d'autres parents (veuves...) comptent en moyenne cinq à six
personnes. Certains chefs de famille, polygyne, et possédant une
importante descendance peuvent cependant avoir plusieurs dizaines de personnes
sous leur autorité (Dumas-Champion, 1983:5).
Le pays massa est divisé en nagata,
unité territoriale, dont chacune est placée sous
l'autorité magico-religieuse du « maître de la terre
» bum nagata qui joue le rôle d'intermédiaire entre
les divinités locales et l'espace habité et cultivé
(Arditi, 1998:2). À l'intérieur de la nagata, le chef
d'enclos (bum zina) est dépositaire de droits d'usage sur les
terres. Il en hérite, et doit les transmettre à la
génération suivante.
Avec la pénétration coloniale au Tchad, une
chefferie de type fulbé est instaurée par les Français
afin de quadriller la population. Dès sa pénétration, elle
trouve que les massa sont « un peuple à demi-sauvage vivant dans
l'anarchie » (Dumas-Champion, 1983:31) ; donc la pacification était
la condition nécessaire à la perception d'impôt et de la
création de la culture utile à l'économie
française. L'instauration de cette chefferie a transformé les
structures politiques existantes. L'organisation politique et judiciaire
relevait du conseil des chefs de familles de moindre importance (ibid:32). En
donnant au chef de canton le pouvoir de rendre une justice administrative,
s'appliquant aux individus, le colonisateur a profondément entamé
cette réalité essentielle à l'identité massa. Le
massa n'a plus le droit de faire la justice selon la loi de ses pères,
il est devenu un sujet, subordonné. Le conseil des anciens, où
s'exprimait si justement l'unité lignagère lorsqu'il s'agissait
d'engager le combat ou de venger un de ses membres, n'a plus lieu d'être.
La nouvelle justice juges les individus. Il faut dire que la politique
européenne n'a cependant fait qu'étayer une évolution bien
antérieure à l'arrivée des blancs (Ibid:6).
Les massa donnent le nom moulla, aux chefs
traditionnels ou Chefs de canton, qui détiennent la
quasi-totalité des pouvoirs. En plus de leurs rôles de chef, ces
gardiens de la tradition massa étaient chargés de régler
les conflits fonciers entre les membres de leur communauté respective.
Dans un cas comme dans l'autre, les populations se devaient de respecter les
ordres de ces chefs de terre.
Si les Massa n'ont guère apprécié que
leur instinct guerrier soit réprimé par le colonisateur, ils
reconnaissent que les Français ont apporté la paix civile qui
s'exprime
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pour eux par des possibilités nouvelles (ibid). La
pacification du pays et la mise sur pied d'une structure administrative ont
élargi les frontières de l'existence quotidienne. On fit une
autre expérience du voisin. Alors qu'il n'existait pas d'activité
commerciale, la colonisation apporta les moyens de création de
marchés qui par la suite furent principalement tenus par des
commerçants fulbé ou burnu. Depuis ces jours on désigne
les jours de la semaine du nom du village où se tient le marché.
Ce nouveau mode de vie provoqua l'éclatement des groupes segmentaires
(Dumas-champion, 1983:6).
Il importe cependant de préciser que, le pays a connu
dans son évolution diverses vagues de migration qui eurent des
conséquences sur l'espace. Les hommes venus d'ailleurs se sont
installés dans le pays soit pour les activités commerciales, soit
des éleveurs à la recherche des pâtures pour leur
bétail, soit des hommes qui ont fui leur zone suite aux crises politique
de 1975-1979, soit ceux venu dans le cadre de l'administration surtout pour la
zone de Bongor. Ils sont composés des Arabes choa, des Ngambaye, Sarh,
des Kim, Moussey, Marba, Sara-kaba, Kanembou, Wadaye, Kotoko et bien d'autres,
la majorité dans le canton Bongor16.
Une partie de ces étrangers sont installés
à Bariam dans le canton Télémé. Ce quartier est
dorénavant comme leur ville et ces derniers ont même
bénéficié des terrains pour les activités
champêtres.
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