Mémoire de recherche
appliquée
L'ÉVOLUTION DU PROCESSUS D'ÉVALUATION DU
RISQUE CRÉDIT DANS LES BANQUES FRANÇAISES
Étude de cas BNP Paribas au sein du Pôle Analyse
des risque crédit (PARC) de
Bordeaux
Antoine COQUIL
Mémoire dirigé par Madame Siham ZRAOULA
Promotion 2016
Majeure Finance International
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 2
Remerciements
Avant toute chose, je tiens à adresser quelques mots de
remerciements à différentes personnes qui ont été
présentes pour moi durant ce stage.
Tout d'abord, je remercie la BNP Paribas et plus
particulièrement M. Olivier CAPELLE, mon maître de stage, de
m'avoir permis d'effectuer ce stage de 6 mois au sein du Pôle Analyse
Risque des dossiers de financement des TPE/PME du Sud-Ouest. J'ai eu la chance
d'intégrer ce service, et je tiens à remercier M. CAPELLE de
m'avoir accordé sa confiance.
Je tiens également à remercier fortement
Charlène AMBERT qui a été une tutrice fidèle du
début jusqu'à la fin du stage, qui s'est impliquée dans ma
formation et qui m'a formé progressivement aux techniques de l'analyse
financière et a su partager son expertise afin de m'accompagner sur les
dossiers.
Je remercie ces deux protagonistes pour leur écoute,
leur aide et leurs conseils dans l'élaboration de mon mémoire.
Je tenais par ailleurs à remercier Christian BOURDIN et
Pierre DUVAL, les responsables d'unité, qui ont également
été à l'écoute de mes questions. Ils m'ont
aidé à améliorer mes notes d'analyse et je les remercie
pour l'implication dont ils ont fait preuve.
Je remercie également les autres analystes du PARC et
plus particulièrement mes collègues « du pétale
», Brice LACOMBE et Catherine VIDRIS qui ont su se montrer disponibles et
à mon écoute.
Côté académique, je souhaite remercier le
BBA INSEEC de me donner l'opportunité d'effectuer un stage
professionnalisant de 6 mois et de me donner la chance de me perfectionner
théoriquement grâce à la rédaction de ce
mémoire. Je tiens donc à remercier ma directrice de
mémoire, Madame ZRAOULA, qui a su m'épauler et me conseiller dans
la construction et la rédaction de mon mémoire de recherche et
qui a toujours été disponible pour le bon déroulement de
ce travail académique.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 3
INTRODUCTION 6
I. ÉVOLUTION DES MÉTHODES LIÉES AU
CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE 10
A. Évolution du contexte réglementaire 10
1. Bâle I 11
2. Bâle II 12
3. Bâle III 14
B. Les outils réglementaires d'évaluation du risque
Crédit 17
1. Méthode standard ou notation externe (NE) 19
2. Les méthode IRB 20
a) Méthode IRB ou notation interne fondation (NIF) 20
b) Méthode IRBA ou notation interne avancée (NIA)
20
C. Les méthodes internes de gestion des dossiers «
clients » 22
1. La méthode RAROC 22
2. Méthode des 5 « C » 24
D. Les conséquences sur l'offre crédit aux
entreprises 25
1. Conséquences sur l'organisation des réseaux et
l'étude des dossiers 25
2. Conséquences sur les relations Banques / Entreprises
25
3. Les conséquences sur la distribution de crédit
aux entreprises 26
a) En termes de volumes distribués 26
b) En termes de taux de crédit 27
II. ÉTUDE DE CAS BNP PARIBAS 29
A. Présentation générale des méthodes
et des processus BNP 29
1. Les outils de notation 30
2. Le système d'information 31
3. L'échelle des risques de défaut 34
4. Un indicateur supplémentaire : l'IGR 35
5. L'impact de Bâle sur le processus d'octroi du
crédit 37
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 4
a) Nouvelle organisation de la banque 37
b) Les délégations de pouvoirs et d'autorisations
40
B. Étude empirique BNP PARIBAS 42
1. Contexte de l'étude « terrain » 42
2. Présentation des collaborateurs interviewés
42
3. Le guide d'entretien 43
4. Recueil des informations 47
a) Définition du risque 47
b) Les outils 48
c) Les relations entre les services 52
d) Analyse risque et relations client 53
III. IMPLICATIONS MANAGÉRIALES 55
A. La vision du risque crédit 55
B. Les outils 56
C. L'organisation de la banque 57
D. La relation Clients 58
IV. CONCLUSION 60
BIBLIOGRAPHIE 62
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 5
INTRODUCTION
Pour appréhender l'évolution de la
législation bancaire, il est nécessaire de remonter le temps afin
de comprendre comment la banque a évolué, comment son
environnement a changé, à travers la libéralisation de
l'économie et la mondialisation qui a poussé les banques,
toujours plus sollicitées par les acteurs des marchés, à
se développer, à fusionner et à utiliser des
méthodes de gestion différentes pour conserver les effets de
levier escomptés.
Dans la première partie du 20è siècle :
on observe deux grands types d'établissement bancaires
? Les Banque de dépôt : traditionnelle sur les
activités de collecte de dépôts et d'octroi de
prêt.
? Les Banques d'affaires : spécialisées dans le
financement d'entreprises qui se refinançaient via le marché
obligataire
La banque était alors considérée comme
une institution, elle dégageait d'importants profits résultant de
rentes de situation et ne leur imposant pas de prendre des risques
importants.
Après la 2e guerre mondiale, on voit que les
banques de dépôt absorbent les banques d'affaires pour devenir les
banques universelles et ouvrent leur champ d'activité. Ces banques vont
développer leurs points de vente, en France en Europe et dans le monde.
C'est une phase de plein développement, lié notamment à
l'accroissement de la concurrence découlant de la libéralisation
du secteur, modifiant complétement la gouvernance des banques mouvant
vers une gestion de type entreprise dans l'objectif de gagner en parts de
marché.
Cette phase va entraîner une augmentation de la taille
du bilan des grandes banques : à la fin des années 2000, des
banques dépassent le total du PIB des pays où elles sont (France
: Crédit Agricole, BNP / Angleterre : Barclays etc.). Un certain nombre
de régulateurs, basés à Bâle au travers du
Financial Stability Board (FSB), observent la croissance du monde bancaire
et sont frappés par le grossissement des banques qui les rendent
dangereuses.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 6
C'est en 2008 que le monde des institutions
financières, et parmi elles les banques, ont changé de paradigme,
passant d'un contexte de liquidité abondante et bon marché
à une situation où le capital et la liquidité, sont
devenus, sous la pression des marchés et des régulateurs, une
matière première rare et chère.
La crise financière a révélé les
faiblesses et certains excès des différents modèles
bancaires, en particulier leur dépendance croissante au refinancement de
court terme sur les marchés, leur levier excessif et la combinaison
d'activités de marché risquées et d'activités de
détail.
Dans ce contexte de rupture, il m'a semblé utile de
comprendre les évolutions des outils d'analyse en parallèle de la
réglementation prudentielle et quelles sont les impacts sur la
stratégie et les organisations internes des banques.
Nous allons tenter de mettre en avant les changements dans
l'évaluation du risque crédit depuis les crises
financières de 2008-2009, avec notamment les autorités de tutelle
qui ont fortement réagi en instaurant les règlements Bale II et
Bale III.
L'analyse commence en remontant le temps et en repartant de la
crise des Subprimes afin de mettre en exergue les grands changements
sur les règlements prudentiels mais également les impacts sur les
banques en interne.
Des origines outre -Atlantique :
Depuis les années 1990, le gouvernement
américain souhaitait promouvoir l'accès à la
propriété en incitant les prêteurs à attribuer
davantage de crédits aux familles à revenus modestes.
La crise sur le marché américain des prêts
hypothécaires à risques (« Subprimes ») est apparue en
2006. Ces prêts ont été consentis à des
ménages aux revenus modestes et à faibles
antécédents en matière de crédit. Dans l'octroi du
crédit aux particuliers, les banques américaines ne tiennent pas
compte de la capacité d'endettement des particuliers, tant qu'ils
remboursent, ils sont solvables.
Les prêteurs, pour certains dossiers, ne
réalisaient aucune analyse qualitative du dossier et il arrivait que les
particuliers mentent sur les informations fournies puisqu'ils savaient que ces
dernières ne seraient pas contrôlées. L'expression «
prêt mensonge » est alors apparue.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 7
Ces montages financiers de prêt hypothécaires
à taux variables consistent à prendre comme garantie le bien
acheté à crédit en cas de défaut de paiement.
Les banques américaines ne se souciaient pas de la
capacité de remboursement des foyers étant donné qu'elles
externalisaient le risque grâce aux produits de titrisation via des
Hedges Funds : ils sont vendus à des tiers (autres financiers),
scellés de gré à gré par les établissements
financiers, d'abord aux USA puis dans le monde entier.
Le système de titrisation a fait défaut au
moment où les prix de l'immobilier ont commencé à baisser
et que les acheteurs de ces titres se faisaient plus timides étant
donné la baisse de la rentabilité de l'investissement.
En 2007, une fois passée la période initiale de
taux fixe et bas, de nombreux ménages ont été dans
l'impossibilité de faire face aux remboursements des
intérêts de leur emprunt, ce qui a donné lieu à de
nombreuses saisies. »1
Les maisons saisies ont alors été mise en vente,
entraînant logiquement une baisse des prix de ces biens.
La crise éclate le 15 septembre 2007 lors de la
faillite de Lehmann Brother provoquée par la crise de liquidités.
Ne réussissant pas à vendre ses positions immobilières,
elle a dû vendre des actifs à hauteur de 6 milliards de dollars
afin de compenser. Le cours dévisse de 73%, les investisseurs s'en vont,
les dirigeants masquaient les comptes et falsifiaient les bilans.
Au mois d'août 2008, les banques ont arrêté
la vente des Subprimes et ces titres ne valaient alors plus rien.
Pour pallier à cette crise, les banques centrales, en
particulier la BCE et la FED ont refinancé la trésorerie des
banques pour qu'elles retrouvent de la liquidité et redeviennent des
agents économiques réels étant donné que les
banques ne se font plus confiance et ne se prêtent plus d'argent.
1 (HULL), (2012), gestion des risques &
institutions financières)
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 8
Nous avons connu la crise la plus importante depuis plus de 70
ans, débutée en 2007, elle a eu des conséquences
dévastatrices sur les marchés financiers mondiaux, la banque
Suisse UBS fait état d'une perte de 7,6 milliards d'euros en 2008 en
raison de dépréciation d'actifs de 12 milliards d'euros.
»2
Ces crises dévastatrices, répandues du secteur
financier à l'économie réelle, ont eu un impact sur
l'économie à l'échelle mondiale.
Cette crise a offert un grand nombre de leçons aux
gestionnaires de risques et, comme nous le verrons dans la suite de l'ouvrage,
a eu pour conséquence un durcissement de la législation
bancaire.
La première partie de mon étude repose donc sur
l'évolution du contexte réglementaire et le changement et la
multiplication des méthodes d'évaluation du risque crédit
mis en place par le régulateur. Les banques devront alors respecter un
agenda de réforme, sous peine de pénalité.
Nous verrons que pour le régulateur, la question se
pose de la capacité des banques à absorber ces
réglementations tout en dégageant suffisamment de ressources pour
l'exercice de leurs activités, notamment le financement de
l'économie.
Dans ma deuxième partie, nous analyserons
l'évolution structurelle majeure au sein de BNP Paribas à travers
la gestion du risque de crédit, comprendre comment ces règles
prudentielles ont modifié le métier de la banque et les
organisations.
Nous verrons comment BNP Paribas s'est adaptée à
ces évolutions réglementaires qui bouleversent les modèles
économiques jusqu'alors bien établis et conduit les institutions
financières à repenser leur stratégie, à modifier
leur organisation interne et à définir des positionnements
clients et produits nouveaux conduisant à faire évoluer les
dispositifs de pilotage.
Pour terminer, dans la troisième partie, je recouperai
les éléments théoriques et les faits concrets de mon
étude de cas BNP Paribas pour déterminer des points de
recommandations et de suggestions.
2 (CASIAN et MARIUS, ORIGINE ET IMPACT DE LA CRISE DES
SUBPRIMES).
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 9
I. ÉVOLUTION DES MÉTHODES LIÉES AU
CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE
A. Évolution du contexte
réglementaire
Les gouverneurs des Banques centrales des pays du G10, se sont
donné pour mission de définir des règles visant à
améliorer la stabilité du système bancaire international.
Cet objectif impliquait en premier lieu de limiter le risque de faillite des
banques afin d'éviter une crise systémique en se focalisant sur
le risque de crédit.
Ces nouvelles réglementations et pratiques
récentes en matière de gestion des risques bancaires influencent
l'organisation des banques et leurs décisions stratégiques. La
réforme de Bâle II affecte non seulement les méthodes
d'évaluation du risque de crédit, mais elle entraîne
également la prise en compte des risques opérationnels dans
l'évaluation des niveaux réglementaires de fonds propres.
« Au-delà de l'évaluation
financière, les systèmes d'information, les processus et les
procédures vont devoir évoluer et s'adapter à ces
nouvelles exigences. »3
« La crise de 2007/2008 a montré les insuffisances
des règles concernant les ratios de solvabilité. D'une part ils
ont été contournés par les banques dans le cadre de la
titrisation, d'autre part ils se sont avérés insuffisants pour
limiter l'effet de levier. »4
La banque se positionne aujourd'hui dans un environnement de
plus en plus complexe avec une libéralisation du secteur
économique et financier. « Les banques sont très fortement
liées les unes aux autres, par leurs engagements réciproques. De
ce fait, la faillite d'une banque peut fragiliser, voire entraîner dans
sa perte d'autres banques. Cet effet domino, que l'on appelle le risque
systémique, s'est particulièrement manifesté avec la
faillite de la banque Lehmann Brothers en 2008. ».5
Les premiers signes réglementaires se font sentir
dès 1974, lorsque les représentants des banques centrales des
pays du G10, conscients de ce risque
3 Lamarque (2005), management de la banque ; risques, relation
client, organisation
4
http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Mots-de-la-finance/Ratio-de-solvabilite-bancaire.
5 Chelly & Sebeloue (2014), les métiers du risque et
du contrôle dans la banque
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 10
systémique, se réunissent à Bale dans
l'objectif d'établir des règles visant à améliorer
la stabilité du système bancaire international. Plusieurs
étapes de réflexion et de négociation ont
débouché sur les accords de Bâle (I, II et III),
élaborés entre 1988 et 2009. Ces accords imposent aux banques et
institutions financières des normes de plus en plus contraignantes pour
harmoniser la gestion des risques et mettre en place des méthodes et des
outils d'analyse des risques, dont le risque de crédit.
1. Bâle I
L'accord de Bâle I de 1988 imposait aux banques de
posséder des fonds propres à hauteur de 8% de leurs actifs
pondérés au risque de crédit, c'est le ratio COOKE.
1988 : ratio Cooke
En pratique, pour 100 € de crédits
accordés, cette règle impose à la banque d'en financer au
moins 8 € par ses fonds propres, les 92 € restants pouvant provenir
d'autres sources de financement (dépôts, emprunts, financement
interbancaire...).
L'application de ce ratio a été
bénéfique pour la stabilité financière et a
harmonisé les conditions de concurrence entre les grandes banques
internationales.
Ce ratio va également prendre en compte le risque de
marché (issu des positions prises par la banque en termes d'instruments
financiers (cours des actions, des obligations, taux
d'intérêts...) dans l'évaluation des montants des capitaux
nécessaires.
Ce ration a permis de faire comprendre, en interne, que les
fonds propres n'ont pas qu'un intérêt prudentiel mais
également un intérêt économique permettant de mieux
identifier les prises de risques.
Il va rapidement devenir une référence dans la
gestion du risque de crédit avec aujourd'hui plus de 100 pays qui
l'appliquent, ce qui a pour conséquence immédiate de renforcer la
solidité du système bancaire international.
L'objectif du ratio Cooke était de relier le montant
des fonds propres à l'activité exercée par la banque :
plus l'activité était risquée, plus la pondération
était
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 11
importante. Cette pondération était forfaitaire
et imposée par la réglementation mais tous les types de risques
n'étaient pas pris en compte.
Cependant, de nombreux défauts réglementaires
vont permettre aux banques de contourner ces ratios prudentiels, par exemple en
utilisant des méthodes de titrisation, qui permettent à un
établissement d'externaliser le risque crédit ; ce
système, fortement utilisé aux États-Unis, a
été l'une des conséquences de la crise des
Subprimes.
Les limites de Bâle I et du ratio de Cooke provenaient
de la définition des engagements de crédits. Cette approche se
focalisait sur les montants du crédit et ignorait le profil de
l'emprunteur et le risque d'insolvabilité.
2. Bâle II
Ce constat amène les autorités, dès 2004,
à envisager des mesures prudentielles mieux définies et plus
complètes. Elles aboutissent à la réglementation dite
« Bâle II », qui devra être appliquée par toutes
les banques européennes au plus tard le 31 décembres 2006.
Bâle II s'articule autour de trois piliers :
? Une exigence de fonds propres : le ratio McDonough impose
aux banques de détenir des fonds propres supérieurs à 8%
des actifs pondérés aux trois risques (risques de marché,
risques de crédit et opérationnels) :
Fonds propres de la banque > (8 % des (risques de
crédits (85 %) + risques de marché (5 %) + risques
opérationnels (10 %))
? Un processus de surveillance de la gestion des fonds propres
par les banques centrales : on demande aux banques de justifier de
l'adéquation de leurs fonds propres aux risques encourus :
méthode de gestion du risque crédit retenue, modalités
d'application, système d'information interne...
? La discipline de marché qui impose des règles
de transparence de l'information financière, en formatant pour toutes
les banques l'information fournie aux marchés et en définissant
des règles de « bonnes pratiques bancaires »
uniformisées.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 12
2004 : ratio McDonough
Le ratio de solvabilité McDonough est plus fin que le
ratio COOK, il intègre certes les deux classes de risques (risques de
crédit et risques de marché) mais également une
troisième à savoir le risque opérationnel. Le
comité de Bâle (1999) définit le risque opérationnel
comme : « le risque de perte direct ou indirect résultant d'une
inadéquation ou d'une défaillance attribuable aux
procédures, au facteur humain et aux systèmes, et aux causes
externes ».
Pour calculer ce ratio, les banques doivent analyser leurs
fonds propres en plusieurs catégories qui ont été
précisées par le régulateur (les « Tier ») :
? Le Core-Tier-1 : le noyau dur des fonds propres sans risque,
limités aux capitaux apportés par les actionnaires,
augmentés des bénéfices reportés chaque
année, mais en excluant toutes formes de capitaux hybrides (quasi fonds
propres tels que obligations convertibles...) ; la réglementation
Bâle II a imposé un Core-Tier-1 de 2% des risques. On
vérifie ainsi que les banques disposent des ressources stables pour
garantir leur solvabilité dans une éventuelle crise interbancaire
qui pourrait causer une crise systémique.
? Le Tier-1 : les fonds propres incluant certains capitaux
hybrides davantage risqués sur lesquels pèsent moins de
contraintes (obligations convertibles...) ; ce ratio doit aussi
représenter 2% des risques. Le ratio Tier-1 exprime le degré de
solvabilité d'une banque, c'est sa capacité à rembourser
les dépôts de ses clients.
? Le Tier-2 : constitué de titres subordonnés
à durée indéterminée, constitutifs de fonds propres
de moins bonne qualité ; ce ratio doit aussi être égal
à 4% des risques.
Ces normes « Bâle II » ne vérifient que
le respect d'un niveau minimal de fonds propres. Elles ne permettent pas
d'identifier tous les risques et notamment le risque de liquidité. Les
risques sur les produits dérivés évalués en
engagements « hors bilan » sont aussi très mal
évalués. Les risques externalisés (titrisation) et
sous-pondérés ne sont pas facilement détectables et ont
débouché sur la crise des Subprimes.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 13
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 14
La crise de 2008 a fait prendre conscience des limites de
l'approche normative de Bâle II. En effet, certaines ressources
classées en fonds propres « durs » n'ont pas permis d'absorber
les pertes subies lors de la crise. Sans remettre en question le principe d'un
rapport entre le niveau des fonds propres et le niveau des risques, il est
apparu la nécessité de préciser et renforcer cette notion
de fonds propres et de mieux cerner les risques encourus.
Sous l'impulsion du Financial Stability Board (FSB) et du G20,
une nouvelle réglementation a été approuvée en
décembre 2010 et constitue les accords de Bâle III.
3. Bâle III
La crise a montré que certains fonds propres sont moins
« durs » que d'autres dans leur capacité d'absorption des
pertes. Il s'agit donc d'améliorer la qualité du « noyau dur
» des capitaux des banques, le « Core Tier 1 ». En allouant plus
de fonds propres de meilleure qualité aux activités les plus
risquées, la solvabilité des banques sera renforcée.
En réaction à la crise de 2008, le dispositif
« Bâle III » a été validé par le G20
à Séoul en novembre 2010 ; il est en cours de déploiement
progressif et les nouvelles normes définitives seront obligatoires en
2019 (cf. échéancier ci-dessous).
Bâle III instaure des niveaux plus élevés
de fonds propres. Le ratio minimal constituant la composante dure -
élément le plus solide des fonds propres - sera relevé,
passant de son niveau actuel de 2 % à 4,5 %. En outre, si l'on y ajoute
le « coussin de sécurité », les exigences totales pour
la composante dure passeront à 7 %. Ces mesures représentent un
renforcement substantiel des exigences de fonds propres visant à faire
en sorte que les banques soient à même de résister à
des tensions du type de celles survenues durant la crise récente.
Critères
|
Bâle II
|
Bâle III
|
Core Tier-1
|
2%
|
4,5 %
|
Tier-1
|
2%
|
2,5%
|
Tier-2
|
4%
|
2%
|
Coussin de sécurité
|
-
|
1,5%
|
Total fonds propres
|
8%
|
10,5%
|
Source :
lafinancepourtous.com -
2014
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 15
Cependant, après les grandes faillites bancaires de
2007/2008, le régulateur s'est aperçu que ces
établissements défaillants dépassaient les ratios minima
de solvabilité de Bâle II, tous supérieur à 8%.
Il ne s'agissait plus alors d'un problème de
solvabilité mais bien d'un manque de liquidités.
Pour tenter de mesurer les liquidités des banques, le
groupe de Bâle se remet au travail et détermine alors deux ratios
de liquidité :
? Ratio de liquidité à court terme
(liquidity coverage ratio - LCR) : il porte sur la capacité de la
banque à survivre à une période de perte de
liquidités sur 30 jours (perte des dépôts,
impossibilité de refinancement interbancaire...). Il s'applique de
manière progressive depuis le 1er janvier 2015 et se calcule
de la manière suivante :
? Ratio structurel de liquidité à long terme
(Net stable funding ratio - NSFR) : il porte sur la gestion de la
liquidité à un an. Ce ratio n'est pas encore utilisé et
devra être transcrit dans le droit communautaire au plus tard le 31
décembre 2016. Il se calcule comme suit :
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B. Les outils réglementaires d'évaluation
du risque Crédit
Pendant longtemps, la banque a été perçue
plus comme une Institution que comme une entreprise, les profits importants
résultant de rentes de situations, les prises de risque étant
faibles. Avec la libéralisation du secteur et l'accroissement de la
concurrence, les institutions bancaires sont devenues des entreprises prenant
des risques plus importants pour conquérir de nouvelles parts de
marché.
« Cette modification de stratégie va contribuer
à l'émergence d'une nouvelle forme de gestion bancaire
spécifique sous l'influence de trois contraintes lourdes
»6:
? Risques
? Réglementation ? Information
La banque est au coeur du financement de l'économie, et
dans son activité d'octroi de crédit, on demande à
l'établissement de prêter de l'argent afin que le client puisse
financer un bien ou un actif avec des fonds qu'il n'a pas aujourd'hui. Cette
opération repose donc sur de la confiance.
La mesure du risque de crédit a pour but
d'évaluer, à un horizon déterminé, la
probabilité de défaut d'un emprunteur.
Le risque de crédit correspond, pour la banque,
à l'incertitude qui pèse sur le service de la dette et à
une dégradation conjoncturelle ou structurelle de la situation
financière de l'emprunteur.
En pratique, le risque de crédit a plusieurs situations
possibles qui sont toutes porteuses de pertes pour la banque :
? Risque de dégradation : la
qualité de l'emprunteur baisse pendant la durée du crédit
et de ce fait le niveau de risque de défaillance augmente, sans
être couvert par une progression du taux d'intérêt. La
rentabilité de la banque diminue, mais la perte reste potentielle ;
6 (Lamarque), 2003, p.63
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 17
? Risque de défaut : il correspond
à la probabilité que l'emprunteur n'honore pas son engagement
à travers un manquement ou un retard par rapport aux
échéances fixées, pouvant déboucher sur un
état de cessation de paiement.
? Risque de recouvrement : il concerne le
montant effectivement recouvré par la banque après une situation
de défaut. La perte est d'autant plus lourde que l'état de
cessation de paiement débouche sur une mise en faillite (liquidation
judiciaire).
La mesure du risque crédit à pout but
d'évaluer, à un horizon déterminé, la
probabilité de défaut suite à un « accident de
crédit ».
L'exposition à la date du défaut est le montant
pour lequel la banque est en risque et qui comprend le capital restant
dû.
La perte en cas de défaut correspond à la
fraction de l'exposition qui ne pourra pas être
récupérée qui dépend directement du taux de
recouvrement et de la situation financière de l'emprunteur.
La définition du défaut selon le
régulateur :
« Impayé ou découvert non
régularisé de plus de 90 jours (180 dans certain cas),
probabilité de non-remboursement partiel ou total du capital, des
intérêts ou des frais. »
Le risque de crédit est aujourd'hui au centre des
préoccupations des banques, il s'agit du risque traditionnellement le
plus important et pour lequel le capital réglementaire est le plus
élevé et ce afin :
? De respecter les réglementations prudentielles : ?
D'optimiser le coût du risque de crédit
La réglementation oblige les établissements
à mettre en place une filière dédiée à la
gestion du risque crédit, indépendante du cycle
d'exploitation.
« La véritable difficulté pour
l'établissement consiste à anticiper ce risque et à le
traduire par un coût prévisionnel qui sera facturé au
client au moment de l'octroi du prêt » 7.
7 (Lamarque), 2004
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 18
Le régulateur a proposé plusieurs
méthodes d'évaluation de ce risque de crédit. Avec la
méthode standard, la probabilité de défaut à un an
(PD) et l'évaluation du taux de perte en cas de défaut (LGD) sont
imposées par le régulateur (ACPR en France, par exemple), soit
directement pour la LGD, soit en imposant un organisme de notation (Cotation
BDF, Standard & Poor's...).
Mais cette méthode standard n'est pas obligatoire et
les banques peuvent choisir entre deux autres méthodes mixant
critères de notation externes et internes.
1. Méthode standard ou notation externe (NE)
Le recours à des notations externes est appelé
méthode standard et elle consiste à utiliser les notes
attribuées par des organismes spécialisés dans la notation
financière pour évaluer le risque de contrepartie. Cette
méthode s'appuie sur des classifications de risques établies par
des établissements extérieurs à la banque comme la
centrale des bilans de la Banque de France, les agences de notations (Standard
& Poor's, Moody's, Fitch...) ou les sociétés
d'assurance-crédit (Coface, BPI...).
Le fichier FIBEN (fichier bancaire des entreprises), recense
des informations sur les en-cours de crédit, l'identité des
dirigeants. Ce fichier sert de base à la cotation des entreprises par la
banque de France.
Une pondération forfaitaire du risque de crédit
à partir de notation externe. Le tableau ci-dessous résume des
règles de calcul des pondérations aux risques :
Pondération au risque (en pourcentage du principal)
pour des expositions souveraines, banques, entreprises en fonction de leur
notation selon l'approche standard Bâle II.
|
AAA jusqu'à AA-
|
A+ jusqu'à A-
|
BBB+ jusqu'à BBB-
|
BB+ jusqu'à BB-
|
B+
jusqu'à
B-
|
Inférieur à B-
|
Absence de
notation
|
Pays
|
0
|
20
|
50
|
100
|
100
|
150
|
100
|
Banques
|
20
|
50
|
50
|
100
|
100
|
150
|
50
|
Entreprises
|
20
|
50
|
100
|
100
|
150
|
150
|
100
|
La pondération au risque pour la clientèle de
détail est égale à 75%, 35% sur des prêts
hypothécaires et 100% sur des biens à usage commercial.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 19
Exemple :
Les actifs d'une banque sont composés de prêts
à des entreprises notées A pour 100 millions d'euros,
d'obligations d'état notées AAA pour 10 millions d'euros et de
prêt hypothécaire pour 50 millions d'euros. Selon l'approche
standard de Bâle II, le total des actifs pondérés au risque
vaut :
0,5 x 100 + 0,0 x 10 + 0,35 x 50 = 67,5 *source :8
|
2. Les méthode IRB
L'objet des modèles IRB est d'évaluer le montant
des pertes potentielles au-delà du seuil attendu et pour un niveau de
confiance prédéterminé.
L'estimation des pertes inattendues détermine la charge
en fonds propres avec une
probabilité donnée (seuil de confiance
fixé à 99% par le Comité de Bâle).
L'estimation des pertes inattendues se réalise à
partir de quatre éléments :
? La probabilité de défaut à un an (PD)
? La maturité de l'engagement (M)
? L'exposition au moment du défaut (EAD)
? L'évaluation du taux de perte en cas de défaut
(LGD)
Une fois ces indicateurs connus, l'établissement va
calculer la fonction de risques pondérés. Cette fonction RW
traduit les probabilités de défaut en exigence de fonds
propres.
a) Méthode IRB ou notation interne fondation
(NIF)
En méthode IRB-fondation, la banque estime sa
PD selon un process interne (mais validé par le régulateur). Le
LGD reste calculé selon la méthode standard imposée par le
régulateur.
b) Méthode IRBA ou notation interne avancée
(NIA)
En méthode IRB-avancée, la banque
maîtrise toutes ses composantes. C'est la méthode la plus complexe
car elle requiert une collecte d'informations plus détaillées de
la part de la banque. L'objectif est d'estimer le risque de crédit
portefeuille par portefeuille, qui sont au nombre de sept (détail,
entreprise, financement de projet, action, titrisation, banque et
souverains).
8 (HULL), 2013, p.263
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 20
Le tableau ci-dessous résume les obligations des banques
selon la méthode choisie.
Source :
http://www.accialis.com/services/risque-de-credit-standard-irb/
Le choix de la méthode permet à une banque
d'identifier ses risques propres en fonction de sa gestion. Une banque qui
voudrait être au plus près de sa réalité de risques
s'orientera vers le choix d'une méthode avancée. Mais en
contrepartie, l'investissement est d'autant plus important : la
détermination d'une LGD demande ainsi la gestion et l'historisation de
plus de 150 données mensuelles sur un minimum de cinq ans sur chacun des
crédits accordés.
L'approche IRB avancée, qui devrait être
adoptée par les plus grandes banques, devrait leur permettre de
réaliser les économies les plus importantes en fonds propres, en
contrepartie de la mise en place de dispositifs permettant in fine de mieux
sélectionner les risques (cf. graphique 1).
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 21
C. Les méthodes internes de gestion des dossiers
« clients »
1. La méthode RAROC
Une des méthodes anglo-saxonnes la plus utilisée
est la méthode RAROC (Risk Adjusted Return On
Capital).
Elle permet une bonne évaluation du coût du
risque ainsi que l'élaboration d'un système d'allocation des
fonds propres au plus juste.
RAROC = Produits-Charges-Pertes attendues
Capital économique
La méthode RAROC permet donc d'optimiser le couple
rentabilité/risques. Elle repose sur les apports de la théorie
moderne du portefeuille de Markowitz (prix Nobel en 1990). Ce qui importe, ce
n'est pas le risque lié à un titre, mais c'est le risque d'un
portefeuille dans sa globalité : il va formaliser le principe de
diversification du portefeuille et cette théorie va s'appliquer au bilan
bancaire, au sein des cellules de risques, en développant un
portefeuille crédit PME sur des structures à
l'activité traditionnelle et une autre partie
centrée sur les nouvelles technologies afin de
permettre une réallocation des risques et une couverture en vertu du
principe de diversification.
|
Risque sous-jacent à une opération de
crédit à une
PME
|
Risque prévisible
Risque imprévisible
Estimation d'un taux de
défaut moyen
Estimation d'un taux de
défaut maximum
Figure 1 : La dissociation du risque de crédit par
la méthode RAROC
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 22
La méthode RAROC permet de dissocier un risque
prévisible d'un risque exceptionnel (au sens d'inattendu) :
? Le risque prévisible correspond
à la tarification du crédit en question ; il est calculé
à partir d'un taux de sinistralité constaté sur le segment
de clientèle auquel est rattachée l'opération de
crédit. Par principe, cette perte moyenne est garantie
par les revenus générés par le crédit.
? Le risque imprévisible correspond
à un risque inattendu dont la perte n'a pas été
anticipée. Il s'agit pour la banque de couvrir la différence
entre le montant de cette perte maximale et le montant de la perte moyenne, en
affectant un pourcentage de fonds propres pour couvrir ce risque (cf. Figure
1)
Une des premières difficultés dans la mise en
place de la méthode RAROC est dans la valorisation du risque
prévisible et de la perte moyenne associée. Il faut
alors utiliser une méthode statistique sur un type de client/ type de
crédit déterminé qui nécessite l'élaboration
d'une base de données en interne, élaboration longue et
fastidieuse, pas toujours construite rigoureusement et qui peut conduire
à « des biais statistiques dans l'estimation du taux de
défaut moyen » 9
Cette méthode est utilisée au sein de BNP
Paribas, via l'outil « DEFIPRO » qui sera présenté dans
ma partie II. Elle concerne tant les cellules risques que la sphère
commerciale, qui alimente le système d'informations pour
déterminer de façon instantanée le couple «
Création de richesses/Pertes moyennes » pour chaque demande de
financement.
Il s'agit d'un progrès dans l'approche du risque de
crédit pour les banques mais cette méthode reste une
méthode complémentaire à une approche qualitative de
recueil d'informations fiables et pertinentes.
L'exemple ci-dessous explique l'intérêt de cette
méthode dans la prise de décision :
9 Lamarque (2005)
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 23
Illustration de la méthode RAROC
|
Entreprise A
|
Entreprise B
|
Marge commerciale
|
0,50%
|
0,20%
|
RAROC
|
5,55%
|
10,75%
|
Le calcul de la rentabilité prévisionnelle
nette de risque permet de mettre en exergue l'intérêt de
l'opération avec l'entreprise B par rapport à celle avec
l'entreprise A. Concernant cette dernière opération, le
chargé d'affaires, s'il estime la rentabilité insuffisante, peut
tenter de diminuer l'exposition nette en prenant par exemple des garanties ou
en augmentant la marge commerciale.
Source : Adapté de Mikdashi Z. (1998), p.191
2. Méthode des 5 « C »
La méthode des 5 C complète l'approche du risque
évalué à partir des méthodes
réglementaires.
Elle repose sur l'étude de cinq principales composantes
du risque alliant une analyse purement qualitative (profil du client) et une
analyse financière de l'emprunteur (bilan, ratios...),
complétées par des données externes. Sa mise en place se
réalise donc comme suit :
? Capacity : il s'agit de la capacité
à respecter l'engagement de crédit au regard de la situation
financière de l'emprunteur ;
? Character : la réputation de
l'entreprise sur le marché et auprès de ses créanciers
;
? Capital : la structure financière de
l'entreprise ;
? Collatéral : l'étude des actifs
sous-jacents pouvant sécuriser le crédit ;
? Conditions : les conditions de
marchés et commerciales applicables à l'emprunteur...
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 24
D. Les conséquences sur l'offre crédit
aux entreprises
Le durcissement des contraintes pesant sur les banques a eu un
impact sur leur organisation, sur les relations avec les entreprises et, in
fine, sur les volumes et le coût des financements accordés. Ces
conséquences sont mises en évidence ci-après.
1. Conséquences sur l'organisation des réseaux et
l'étude des dossiers
Le durcissement de la réglementation bancaire a
profondément modifié l'organisation des services bancaires en
interne :
? La séparation des fonctions analyse des risques du
réseau commercial, dans un premier temps pour l'activité de
Retail ; les banques ont été contraintes de créer des
cellules régionales « risques » indépendantes
hiérarchiquement et géographiquement, où sont prises les
décisions de financements à partir d'un certain montant.
? Les pouvoirs d'engagement des réseaux ont donc
été limités. Je présenterai en partie II cette
nouvelle organisation au sein de BNP Paribas.
? Le réseau doit collecter et mettre à jour des
informations sur les clients en vue d'appliquer les systèmes de notation
interne choisis par la banque.
2. Conséquences sur les relations Banques /
Entreprises
Les banques représentent la source majeure de
financement externe des PME. En Europe, le crédit bancaire
représentait 73% du total de l'endettement des entreprises
non-financières en 2008. Les relations qu'une PME entretient avec sa ou
ses banques s'avèrent alors essentielles ou même incontournables.
Et pourtant, la séparation des fonctions « risques » et «
commerce » a entraîné pour le client un alourdissement et un
allongement significatif de la procédure d'octroi des financements qui
ont dégradé la qualité de la relation avec les
chargés d'affaires :
? Les documents demandés sont beaucoup plus nombreux et
sont analysés par la cellule risques de façon approfondie ; les
analystes doivent échanger (par mail ou par téléphone)
avec le réseau pour obtenir des précisions ou des pièces
complémentaires ; le réseau doit parfois revenir vers le client
pour
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 25
récupérer les éléments
demandés... et les retransmettre à la cellule risques. Il ne peut
jamais y avoir d'échanges directs entre la cellule risques et le
client... cette asymétrie de l'information impacte lourdement les
délais d'étude des dossiers !
? Le client a souvent l'impression d'être incompris ou
perçu que comme un risque, finançable ou pas, avec un niveau de
compréhension parfois dégradé.
? Ces caractéristiques ne sont sans doute pas
étrangères au phénomène de multi-bancarisation
observé ces dernières années ; l'entreprise augmente ainsi
ses chances de pouvoir être suivie dans les bonnes comme dans les
mauvaises périodes.
3. Les conséquences sur la distribution de crédit
aux
entreprises
a) En termes de volumes distribués
Les économistes des banques avaient estimé que
le durcissement des ratios de fonds propres aurait comme conséquence la
limitation de l'offre crédit au PME, afin de respecter les 8% de ratio
de fonds propres.
L'impact potentiellement négatif sur la croissance
européenne a entraîné des ajustements de règles pour
les PME et les ETI. En effet, ces catégories de clients sont parmi les
plus risqués et donc les plus consommatrices de fonds propres et de
liquidités pour les banques.
Cependant et afin de ne pas impacter le crédit aux PME,
le régulateur a, dans la réglementation CRR IV, mis en place une
réforme afin de recalculer l'exigence des fonds propres aux PME en
appliquant un multiplicateur de 0,7619. Celui-ci s'applique à toutes les
PME, qu'elles soient classées dans la catégorie des clients de
détail ou Corporate.
De plus, afin de limiter ces conséquences, cinq grandes
banques françaises (BNP Paribas, Société
Générale, BPCE, Crédit agricole, HSBC France) ont
créé une société de titrisation de créance
aux PME (Euro Secured Notes Issuer - ESNI), accompagnée par la
Banque de France, permettant de soutenir le crédit aux PME en
externalisant le risque via l'émission de titres adossés à
des créances bien notées par la BDF.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 26
Malgré ces aménagements, une étude de
l'agence de notation Fitch portant sur la période 2010 - 2012 a
montré une contraction de 9% des engagements en faveur des entreprises
(440 milliards de moins), au profit des dettes souveraines moins
risquées qui ont augmenté de 26% (+550 milliards d'euros).
Par ailleurs, d'après une étude de la Commission
européenne, l'application du nouveau dispositif en matière de
fonds propres devrait réduire l'ensemble des prêts d'environ 1,8%
seulement d'ici 2020-2030.
b) En termes de taux de crédit
Le durcissement de la réglementation aurait aussi pu
faire craindre une augmentation des taux d'intérêt, de
manière à couvrir les risques et maintenir la rentabilité
des banques.
Une étude du FMI de septembre 2012 («
Estimating the Costs of Financial Regulation ») contredit cette
crainte en montrant que les réformes de Bâle II et Bâle III
ont eu finalement un impact limité sur les taux d'intérêts
des prêts bancaires aux États-Unis, en Europe et au Japon qui ont
seulement augmenté en moyenne de respectivement 0,28, 0,17 et 0,08
points de base.
Selon l'association « FINANCE WATCH » (étude
sur les impacts de Bâle III publiée en mai 2012), l'impact sur les
taux d'intérêt des prêts bancaires sera probablement
très limité (0,15%). De plus, d'après le FMI, la hausse
des coûts opérationnels entraînée par les nouvelles
normes réglementaires sera compensée par des réductions de
charges des banques, passant notamment par une réorganisation des
réseaux et des réductions d'effectifs.
Par ailleurs, la plus grande sélection des emprunteurs,
qui limite les risques et les exigences de fonds propres, a également
permis de compenser la baisse des marges opérationnelles et de ne pas
augmenter significativement les taux d'intérêts.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 27
En conclusion, la réglementation Bâle II et
Bâle III a dans un premier temps réduit l'offre de crédit
aux PME, mais sans en renchérir sensiblement le coût.
Les institutions bancaires ont obtenu cependant des mesures
spécifiques pour cette typologie de clients, qui permettront de relancer
l'offre de crédit dans une perspective de soutien de la croissance
économique.
Cependant, toutes les règles de Bâle III ne sont pas
encore appliquées. Les banques de réseau seront à nouveau
concernées par les prochaines contraintes de liquidité
mesurées par les ratios LCR et NSFR.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 28
II. ÉTUDE DE CAS BNP PARIBAS
A. Présentation générale des
méthodes et des processus BNP
Face au durcissement de la législation bancaire en
matière de gestion des risques crédits, il m'est apparu
intéressant d'appréhender la gestion du risque crédit au
sein de BNP Paribas et de comprendre comment les règles prudentielles
ont impacté les services d'analyses des risques crédit, les
processus et les outils mis en oeuvre.
Le crédit aux TPE - PME représente une grosse
part de marché pour BNP Paribas, c'est un marché où la
banque doit être très réactive. Les banques sont nombreuses
et les entreprises n'hésitent pas à faire jouer la concurrence
afin de bénéficier de meilleures conditions. C'est dans ce
contexte que BNP Paribas doit trouver un compromis entre fidélisation
des clients actuels et conquête de nouveaux clients tout en
maîtrisant le risque crédit, tant sur des opérations court
terme (découvert, facilité de caisse...) que des financements
à moyen terme ou long terme accordés à des personnes
morales ou physiques. BNP Paribas doit prendre le temps d'analyser chaque
demande afin d'évaluer le risque de non remboursement mais
également pour déterminer les prises de garanties
cohérentes.
C'est le service dans lequel j'effectue mon stage qui est en
charge de cette mission ; il est rattaché à la direction
régionale et travaille directement avec la banque de détail via
les chargés d'affaires professionnels et les chargés d'affaires
entreprises.
L'analyste crédit intervient donc dans ce processus
opérationnel d'octroi de crédit afin d'évaluer la
solvabilité de l'emprunteur ; il émet un avis sur l'engagement de
prêt, en procédant à une analyse complète du dossier
de financement, à partir de la situation financière du demandeur,
de la situation économique de son secteur d'activités et de
l'objet de la demande ; cette approche est complétée par une
étude de la situation financière personnelle du dirigeant. Cette
analyse donne lieu à la rédaction d'une note de synthèse,
étayée par un plan de financement prévisionnel, pour
donner tous les éléments d'appréciation nécessaires
aux décideurs habilités. L'analyste crédit n'est pas
décisionnaire, il émet seulement un avis qui peut être soit
:
? Favorable | Favorable avec réserves |
Défavorable.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 29
Selon le montant ou la nature de l'opération et le
niveau actuel des engagements de la banque envers le client, la validation ou
non du dossier incombe soit au Directeur commercial Groupe soit à la
Direction Régionale pour les dossiers les plus complexes.
Nous allons donc analyser tout le processus d'octroi de
crédit TME PME au sein de BNP Paribas (méthode
d'évaluation des risques, méthode d'évaluation des fonds
propres, détermination du risque de contrepartie) et comprendre en quoi
les législations et les règles prudentielles l'ont
modifié. Nous verrons ainsi comment la banque réussit à
trouver un compromis entre le respect de la réglementation, la poursuite
de sa mission première de financement de l'économie et le
maintien de relations durables avec ses clients.
1. Les outils de notation
Rappelons-le, les réformes réglementaires sont
apparues en 2007/2008, après les grandes faillites bancaires que l'on a
connues (Norther Rock en Grande-Bretagne, Lehman Brother aux États-Unis,
Landsbanki en Islande). Il est apparu nécessaire aux yeux des
régulateurs d'imposer aux banques des méthodes
d'évaluation du risque crédit et parallèlement de
détenir des fonds propres plus conséquents.
Dans les faits, Bale II impose aux établissements
bancaires de distinguer les pertes attendues (expected loss (EL), qui
seront couvertes par des provisions comptables, et les pertes inattendues
(unexpected losses (UL) qui seront couvertes par les fonds propres.
Les réglementations bâloises imposent plus de
transparence sur l'activité bancaire et de posséder des outils de
gestion des risques crédit faciles à auditer et utilisables par
l'ensemble du réseau de collaborateurs.
BNP Paribas a alors créé l'outil « DEFIPRO
ER » qui permet la simulation et le montage des crédits pour les
clients et les prospects du Retail ; il est utilisé par les
chargés d'affaires, les analystes crédits, les
décisionnaires. Cet outil permet de garantir la
traçabilité dans les différentes étapes et les
différents niveaux d'analyse des dossiers et il met en évidence
le rapport Risques/Rentabilité qui est déterminant pour les
commerciaux et qui accélère le processus de décision
(méthode RAROC).
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 30
« DEFIPRO ER » émet un diagnostic de
façon automatisé sous forme de symbole avec un code couleur :
? Avec le score vert, l'accord est «
préconisé », le commercial peut prendre une décision
immédiate, sans référence à ses
délégations et sans analyse contradictoire.
? Avec le score orange, le commercial doit respecter la
délégation de pouvoir, la décision est prise par le
décisionnaire habilité. Un crédit jusqu'à 50 000
€ reste dans les pouvoirs de l'agence, le décideur est donc le
directeur d'agence. Au-delà de ce montant, une analyse contradictoire
par un analyste crédit doit être effectuée.
? Avec le score rouge, le refus est préconisé,
mais la décision est prise par le décideur habilité :
jusqu'à 50 000 €, la décision revient au Directeur d'agence
; au-delà, une analyse contradictoire est nécessaire et la
décision est prise en respectant les délégations
normales.
2. Le système d'information
En plus de cette simulation sur « DEFIPRO », l'outil
va déterminer à partir du SGI (système
général d'informations), la classe homogène de risques du
client. Le système général d'informations et DEFIPRO ER
sont utilisés en parallèle et de façon concomitante
à partir des éléments suivants :
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 31
Liste des données issues du Système
Général d'Informations (SGI)
Fenêtre
|
Libellé de la donnée
|
Numéro de la donnée
|
Données non publiées
|
Code PCS du professionnel
|
0221
|
Informations
|
Année de création
|
0025
|
synthétiques
|
Identifiant
|
0025
|
|
Nature juridique
|
0210
|
|
SIREN N°
|
0132
|
|
Activité
|
0229
|
|
Date d'entrée relation
|
0010
|
|
Intensité relationnelle
|
0158
|
|
Segment « vie professionnelle »
|
0248
|
|
Segment d'action commerciale
|
0193
|
|
Particularité « vie professionnelle »
|
0265
|
|
Cotation BNP Paribas
|
0247
|
|
Date de cotation BNP Paribas
|
0249
|
|
Cote de paiement - cote de crédit
|
0096
|
|
Risque de défaut
|
0300
|
|
Orientation commerciale
|
0092
|
|
Segment « vie privée »
|
0246
|
|
Particularité « vie privée »
|
0265
|
|
Risque SAGED retenu
|
0295
|
Toute ces données vont être traitées
à partir des numéros donnés et vont « tourner »
dans le système afin de déterminer la classe de risque
homogène du client et la probabilité de défaut et la perte
en cas de défaut.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 32
Tous les clients sont classés dans une CHR (classe
homogène de risque) qui est construite à partir de données
internes et externes sur les en cours du client, le fonctionnement des comptes,
les bilans qui sont saisis informatiquement et les données reprises du
tableau ci-dessus :
La classification CHR va permettre de déterminer la
probabilité de défaut (PD) et la perte en cas de défaut
(LGD : loss given default)
Prenons un exemple :
Un chargé d'affaire particulier reçoit Monsieur
Z, client depuis 10 ans, qui sollicite BNP Paribas pour un prêt
consommation de 10 000 € pour financer un véhicule.
La chargé d'affaire va rentrer les
éléments dans le système d'informations et dans l'outil de
montage DEFIPRO ER. Ces informations vont permettre au commercial
d'appréhender la CHR du client à partir de l'E.A.D. (exposition
au défaut, soit ici 10 000 €), ainsi que la probabilité de
défaut et la perte en cas de défaut.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 33
Tous ces calculs vont conclure sur la perte attendue et
inattendue comme expliqué plus haut, afin de déterminer
directement le montant des fonds propres requis pour couvrir les pertes
inattendues.
Classe Homogène de Risque (C.H.R)
Probabilité de défaut
|
|
Perte en cas de défaut
|
|
|
Dans cet exemple, le système externalise une
probabilité de défaut de 2% et une perte en cas de défaut
de 30% (selon les informations du client complétées dans le
système sur les revenus et charges par exemple, celui-ci ne pourra pas
rembourser 3 000 € d'un seul coup).
? Perte attendue (EL) = 10 000 x 2% x 30% = 60 €
? Perte inattendues (UL) = calculé à partir de
l'EAD, du LGD et du PD avec la formule [présentée ci-dessous] qui
va être calculée dans le système d'information et qui est
évaluée dans cette situation à un résultat de 300
€.
? La méthode de calcul de l'UL au sein de BNP Paribas :
UL = [PD au seuil de confiance de 99,9%] x LGD x EAD - EL
Le niveau de confiance de 99,9% a été fixé
par le comité de Bâle. 3. L'échelle des risques de
défaut
La donnée « risque de défaut », issue
du système de score interne (DEFIPRO), indique le risque de
défaillance à un an. Il est calculé mensuellement et
repose sur des modèles statistiques. Le risque de défaut ne peut
être changé manuellement. Il
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 34
est matérialisé par des codes correspondant
à une échelle de valeurs de probabilités de défaut
du plus faible au plus élevé :
Valeur
|
Signification
|
D0
|
Très faible
|
D1
|
Faible
|
D2
|
Modéré
|
D3
|
Significatif
|
D4
|
Élevé
|
ND
|
Non déterminable
|
D11
|
Risque avéré douteux
|
D12
|
Créance en recouvrement
|
Au sens de la réglementation bancaire, les valeurs D0
à D4 ainsi que ND correspondent à des contreparties saines ; les
valeurs D11 et D12 correspondent à des contreparties en défaut
donc à provisionner. Cet indicateur est calculé depuis 2006 par
DEFIPRO ER et s'affiche automatique dès lors qu'il est disponible. Dans
le cas d'un prospect, la valeur ND sera choisie en l'absence d'informations
suffisantes pour le système. Une relation présentant un risque de
défaut D4 ne sera jamais éligible à l'octroi
automatique.
4. Un indicateur supplémentaire : l'IGR
L'indicateur de gestion des risques (IGR) traduit une
volonté interne de qualifier des clients qui pourraient être
discriminés par les outils statistiques et de les suivre au plus
près. Il n'est donc soumis à aucun automatisme. À la
différence du risque de défaut, l'IGR résulte d'une
décision de gestion prise par les « comités de
préconisations » et poursuit plusieurs objectifs :
? Qualifier le type de gestion à appliquer à un
client, qu'il porte ou non des engagements
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 35
? Identifier les relations pour lesquelles une surveillance
rapprochée est nécessaire
? Appliquer une gestion soutenue sur les engagements actuels ou
futurs.
À titre d'exemple, une mauvaise appréciation
d'un dirigeant, la perte d'un client ou fournisseur important, un marché
local en perte de vitesse... sont autant d'éléments qui peuvent
justifier la nécessité d'une surveillance accrue. Il n'existe pas
de correspondance automatique ni même de lien formel entre les valeurs du
risque de défaut et celles de l'IGR :
? Une contrepartie ayant un risque de défaut faible
peut être placée sous surveillance en fonction de données
exogènes (problématique de management par exemple) ou de
paramètres non renseignés par le système d'information
? Une contrepartie ayant un risque de défaut
élevé peut ne pas nécessiter de surveillance accrue si les
crédits s'amortissements normalement et que les comptes fonctionnent en
ligne créditrice par exemple.
Il existe 6 indicateurs de gestion des risques établie
au sein de BNP Paribas que je vais détailler ci-dessous :
Abrégé
|
Libellé développé
|
Signification
|
GRN
|
Gestion des risques normale
|
Valeur par défaut
|
GRC
|
Gestion du risque de création
|
Exposition au risque des activités nouvelles
|
GRS
|
Gestion des risques sous surveillance
|
Situation incertaine à moyen terme
|
GRP
|
Gestion des risques préoccupants
|
Risques avérés
|
EDX
|
Engagements douteux
|
Engagement douteux
|
CER
|
Créance en recouvrement
|
Créance en recouvrement
|
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 36
GRN : cet indicateur est utilisé pour
qualifier les clients non soumis au risque de création et pour lesquels
aucune gestion des risques spécifiques, à court comme à
moyen terme, n'est nécessaire.
GRC : cet indicateur signifie qu'une affaire
est exposée au risque spécifique des activités nouvelles
mais qu'elle ne présente aucuns éléments
défavorables justifiant l'attribution d'un indicateur GRS ou GRP. Il est
préconisé lors de l'installation de nouveaux entrepreneurs, en
particulier la création « ex-nihilo ». Il est maintenu les
trois premières années de la relation jusqu'à l'obtention
des bilans.
La première installation d'une profession
libérale réglementée ou de santé ne relève
pas du risque de création.
GRS : cet indicateur signifie que les
engagements portés sur le client doivent être soumis à une
surveillance rapprochée. Il s'agit d'un indicateur qui traduit une
situation incertaine à moyen terme.
GRP : cet indicateur met en exergue une forte
exposition au risque, la situation financière de l'entreprise est
compromise (exemple fonds propres négatifs). Un chargé d'affaires
des risques difficiles prend le relais sur la relation commerciale.
L'IGR permet à la ligne commerciale et aux fonctions
support risques d'anticiper et de gérer au plus près la relation
avec le client et le risque qu'il peut faire encourir à BNP. C'est un
outil de gestion indispensable dans les demandes de financement au quotidien,
qui nous permet de connaître le client sans que le pôle risque ne
l'ait jamais rencontré.
5. L'impact de Bâle sur le processus d'octroi du
crédit
a) Nouvelle organisation de la banque
Après avoir détaillé et expliqué
les méthodes de notations de crédit par BNP Paribas,
conséquences directes de la réglementation Bâloise, je vais
décrire le processus d'octroi de crédit, qui a également
fortement évolué sous l'impulsion de Bâle II.
En effet, auparavant, le métier d'analyste
crédit n'existait pas. Des équipes de conformité, non
dissociées de la branche commerciale, faisaient office de
contrôle.
La réglementation bancaire et financière a
imposé aux établissements de crédit de mettre en place des
services dédiés à l'analyse des risques crédit,
indépendants du
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 37
cycle d'exploitation. C'est l'une des plus importantes
conséquences de la réglementation bâloise.
BNP Paribas s'est mise en conformité en créant
des « PARCS » dès 2007 (pôle analyse des risques
crédits), service dans lequel je réalise mon stage actuel.
Ce service, composé de 20 analystes et 3 responsables,
a pour vocation d'assurer l'analyse contradictoire des dossiers de financement
pour le compte des chargés d'affaires. Le PARC émet un avis
risque sur les demandes de financement (favorable, favorable avec
réserves, défavorable) avant que le dossier ne soit
présenté à la décision finale, en fonction des
niveaux de délégation (voir ci-après, §b).
Cette nouvelle réglementation impose à BNP
Paribas des coûts de fonctionnements supplémentaires, avec le
recrutement d'analystes, les charges immobilières imposées par
l'obligation de séparer physiquement les équipes risques des
équipes commerciales et, surtout, une logistique supplémentaire
lourde (envoi des dossiers papiers + informatiques).
Le schéma ci-dessous présente le processus
d'octroi et de renouvellement de crédit. Il reprend des
éléments vus ci-dessus avec le montage DEFIPRO et les scores.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 38
Montage du dossier
Octroi automatique
Dossier score vert
|
Procédure allégée :
Dossier score orange ou rouge
(Montant < 50 k€ (PRO) et 75 k€ (ER)
|
Dossier score orange et rouge
(Montant > 50 k€ (PRO) et 75 k€ (ER)
|
|
|
|
|
Procédure allégée :
Dossier score orange ou rouge
(Montant < 50 k€
|
Analyse contradictoire PARC
Décision en fonction des pouvoirs
délégués
|
Signature des actes
Complétude
Mise en oeuvre
Dans ce contexte, les analystes du PARC étudient
uniquement les demandes de financement de score orange où rouge dont le
montant est supérieur à 50 000 €.
L'analyse des dossiers répond à une
méthode normalisée qui repose sur une trame commune pour toutes
les demandes de financement Pro/Er. Elle permet de distinguer la partie
rédaction du commercial (qui expose l'objet de la demande, le contexte
du projet, les contreparties) de celle de l'analyste (qui complète
les
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 39
données chiffrées professionnelles et
privées, commente le plan de financement, totalise les engagements
existants et sollicités et rédige une conclusion motivée
assortie de l'indicateur IGR du client). Sur la base de sa conclusion et des
niveaux de délégation requis, l'analyste transmet le dossier
informatique et papier à l'agence crédit.
b) Les délégations de pouvoirs et
d'autorisations
Sous les contraintes réglementaires, les niveaux et
délégations de pouvoir ont considérablement changé.
L'objectivité et le contrôle est de rigueur, c'est ce qu'on
appelle la règle des « quatre yeux ».
Au sein de BNP Paribas, les délégations de
pouvoirs dépendent de quatre paramètres :
? La nature de l'engagement (court terme,
moyen terme...) et la nature des garanties qui s'y rattachent et qui
déterminent la catégorie d'engagement. Les engagements sont
classés en trois catégories :
Hors catégorie
|
2ème catégorie
|
1er catégorie
|
Risque de crédit couvert par
|
Engagement dont la nature
|
Engagement dont l'issue
|
un tiers dont la solvabilité ne
|
et/ou les garanties
|
dépend quasi-
|
fait aucun doute (exemple :
|
associées apportent un fort
|
exclusivement de la seule
|
BPI). La part de ces
|
degré de protection à BNP
|
qualité du débiteur :
|
engagements n'entre pas
|
Paribas.
|
engagement « en blanc »
|
dans le calcul des limites de
|
|
sans garantie ou garantie
|
pouvoirs délégués.
|
|
faible (nantissement FDC,
caution personne physique...)
|
? Le montant : pour le Directeur de Groupe,
l'enveloppe globale maximale est de 1 M€ dont 500 K€ en
1er catégorie,
? La durée : la
délégation des Directeurs de Groupe est limitée aux
engagements d'une durée maximale de 10 ans,
? Les indicateurs de risque : risque de
défaut et indicateur de gestion des risques (IGR) de l'emprunteur. Le
montant maximum délégué au Directeur de Groupe
s'élève à 1M€ dont 500 K€ en 1er
catégorie. La
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 40
base des montants délégués dépend
également du niveau de risques de l'emprunteur, selon le tableau
ci-après :
|
Indicateur de Gestion des Risques
|
GRN
|
GRC
|
GRS
|
GRP
|
EDX
|
Risque de Défaut
|
D0 (ou ND)
|
100 %
|
|
25 %
|
|
D1
|
D2
|
D3
|
50 %
|
D4
|
D11
|
|
25 %
|
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 41
B. Étude empirique BNP PARIBAS
1. Contexte de l'étude « terrain »
L'étude présentée ici utilise les
données de cinq entretiens. Cette étude a été
mené dans le cadre de mon mémoire de recherche appliqué
ayant pour objectif d'étudier l'impact du durcissement des règles
prudentielles bancaire et des crises successives sur la gestion du risque de
crédit au sein de BNP Paribas et comprendre de façon globale
l'évolution des services, des outils et des relations entre les services
risques et la ligne commerciale.
Les entretiens ont été réalisés
en face à face auprès de cinq personnes du pôle d'analyse
risque dans lequel j'effectue mon stage. Ce service analyse des demandes de
financement uniquement sur une clientèle professionnelle &
entreprise (TPE - PME).
2. Présentation des collaborateurs interviewés
Les collaborateurs qui ont contribué à mon guide
d'entretien ont une forte antériorité au sein de BNP Paribas,
tant sur la ligne commerciale, risque ou contrôle de gestion.
À travers ce guide d'entretien, j'ai souhaité
comprendre le contexte général et le fonctionnement de la banque
après les crises successives et les règles prudentielles touchant
directement les organisations en interne.
Les entretiens ont tous été administrés
en face à face. Ce panel large m'a permis de bien comprendre les tenants
et les aboutissants des grands changements au sein de BNP Paribas. Pour des
raisons de confidentialité, je les nommerai par des lettres :
? A : 43 ans d'expériences au sein de BNP
Paribas
Actuellement responsable d'unité au sein du pôle
d'analyse risque depuis 2 ans, anciennement analyse risque dans ce même
service. Plus de 30 ans au sein de BNP Paribas, il a occupé des
fonctions commerciales sur des clientèles Corporate et Retail.
? B : 7 ans d'expériences au sein de BNP
Paribas
Actuellement analyste depuis 5 ans au PARC, anciennement
chargée d'affaire sur une clientèle d'entrepreneurs. B a
également occupée des
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 42
fonctions au sein du pôle juridique et notamment le
service contentieux sur une clientèle entreprise. Anciennement
salariée chez FORTIS, assistante commerciale et commerciale sur une
clientèle d'entreprises.
? C : 20 ans d'expérience au sein de BNP
Paribas
Actuellement analyste depuis la création du pôle
d'analyse risque de Bordeaux, C occupée la fonction risque dans les
succursales avant la création des pôles.
? D : 14 ans d'expérience au sein de BNP
Paribas
Actuellement analyste depuis 2 ans et demi au pôle
d'analyse risque de Bordeaux, D a occupé des fonctions commerciales sur
une clientèle de professionnels et de particuliers au début de sa
carrière au sein de BNP.
? E : 23 ans d'expérience au sein de BNP
Paribas
Actuellement responsable d'unité au pôle
d'analyse depuis 3 ans, E a occupé des fonctions de contrôle de
gestion sur le risque au sein de la direction régional de Bordeaux sur
une clientèle Corporate.
3. Le guide d'entretien
Guide d'entretien administré uniquement sur des
collaborateurs BNP Paribas
Analyse risque : présentation
1. C'est quoi pour vous un risque crédit
?
J'ai souhaité recueillir à travers les
témoignages les définitions des analystes et la perception de ce
risque en interne.
2. Est-ce que la crise a modifié votre perception
du risque crédit ?
Est-ce que la crise a eu un impact sur la gestion du
risque crédit ? est ce qu'il y eu une prise de conscience ? des
changements dans la perception ?
3. Est-ce que votre métier d'analyste a
évolué ? comment ? depuis quand ?
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 43
Est-ce que la crise et les réglementations ont
impactés le métier d'analyste ? quelles modifications au
quotidien ?
Analyse risque : les outils
4. Est-ce que les outils s'appuyant sur des calculs
statistiques ont toujours existé ? (Risque de défaut, DEFIPRO)
?
Est-ce que l'environnement réglementaire et
financier a incité BNP Paribas à modifier les outils statistiques
? comment ils ont évolué ? depuis quand sont-ils mis en place
?
5. Est-ce que ces outils sont fiables à 100% ?
est-ce suffisant ?
Comment les collaborateurs jugent-ils de la pertinence
des outils mis en place ? les trouvent t'ils suffisants pour une analyse risque
? comment complètent-ils l'analyse ? quelles méthodes ? quels
outils ?
6. Vous vous basez beaucoup sur les études
prévisionnelles, comment jugez-vous leur qualité ?
À partir de quels outils valident-ils ou pas les
études prévisionnelles comptable ? comment interpréter la
faisabilité économique et financière sur le court ou moyen
terme ?
7. Pour prendre une décision, quels sont les
éléments pris en compte dans un dossier de crédit
?
Ratios financiers
Connaissance du client
Profil du client
Secteur d'activité
Banque de France
Notation interne
Est-ce que vous pouvez classer ces éléments du plus
important au moins
important ?
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 44
À travers cette question, j'ai voulu comprendre
comment les analystes appréhendaient les demandes de financement,
à partir de quels éléments ? quels outils utilisés
?
8. Est-ce que les outils utilisés ont
évolués ? les processus ? les niveaux de prise de décision
?
Comprendre l'évolution des processus en interne,
comment les collaborateurs perçoivent ces changements ?
appréhendent-ils bien tous les outils et les processus ?
9. Est-ce qu'il y a une différenciation des
approches en fonction du type de clients ? pourquoi ?
Quelles sont les catégories ? les outils par
catégorie ?
Pro
Fonction libérale
Créateur
TPE
PME
Est-ce que l'approche est différente en fonction de
la typologie de client, du secteur
d'activité ? comment anticipe t'on les secteurs
à risque ? outils ? expérience ?
Analyse risque & organisation de la
banque
10. La relation entre le service analyse du risque et
les chargés d'affaires
Quelle relation avec le front office ? comment celle-ci a
évolué depuis que le service risque est isolé ? est-ce que
le risque n'est pas en opposition au commerce ?
11. Comment se fait l'échange d'informations
?
Après les nouvelles organisations, comment se font
les échanges avec la ligne commerciale ? est-ce plus compliqué
qu'auparavant ? quelles relations ? quels sont les outils mis en place pour
faciliter ces échanges ?
12. Confrontation entre les approches quantitatives
(imposées par le cadre réglementaire) et les approches
qualitatives des chargés d'affaires (client particulier, relation
étroite)
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 45
Est-ce qu'il n'y a pas une dichotomie entre le commerce et le
risque ? est-ce que les services risque n'entravent pas le développement
commercial ? comment s'organisent ces deux entités ? comment a
évolué la collaboration ?
13. Pourquoi on a déplacé le service
analyse du risque des agences ?
Est-ce que la finalité de cette nouvelle organisation
est comprise par les collaborateurs ? trouvent-ils cela judicieux ? leurs
ressentis sur cette mesure ?
L'objectivité des services risque peut-elle aller
à l'encontre des relations commerciales ?
Analyse risque et relation client
14. Est-ce que cela peut avoir un impact sur les
relations client ?
15. Dans le risque de crédit, on distingue deux
types d'information :
? Information externe : information publique, score, FIBEN,
BDF... ? Information interne : par la relation bancaire
Quelles est l'information qui pèse le plus dans la prise
de décision ? Pourquoi ? Que préfère l'analyste comme
information pour connaître au mieux son client ? est-ce que les
informations en interne sont suffisantes pour analyser le risque et la
connaissance client ? quels sont les avantages et inconvénients des
informations externes ?
Conclusion :
Est-ce que vous avez l'impression d'être plus
sélectif ? est ce qu'il y a plus de refus qu'auparavant ?
Comment les réglementations et les crises ont
modifié les processus en interne ? est-ce que ces nouveaux processus et
ces nouvelles obligations peuvent avoir des conséquences sur l'offre
crédit ?
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 46
4. Recueil des informations
a) Définition du risque
Les définitions du risque de crédit obtenues au
cours des entretiens se recoupent bien avec celles de la première partie
; le risque de crédit est lié au risque de défaillance du
client à qui la banque a prêté des fonds, avant
l'extinction des encours, c'est le risque de non-remboursement du crédit
accordé. Il s'agit du risque de perte que doit supporter la banque en
cas de non remboursement du crédit par l'emprunteur, lié à
une situation d'insolvabilité.
Selon C, c'est le risque qui demande le plus d'attention du
fait du caractère imprévisible mais également le plus de
suivi au quotidien via le fonctionnement des comptes par exemple. C'est un
risque très lié à la conjoncture.
Le risque de crédit a été très
encadré par la réglementation du fait des crises successives. Les
banques ont été contraintes de revoir les critères de
sélection du crédit. De plus, les crises ont imposé une
plus grande rigueur dans la gestion du risque crédit, afin de gagner en
anticipation dans la détection des clients en difficultés.
Selon B, l'appréhension du risque crédit a bien
évolué ; dans les années 90, l'approche était plus
rationnelle, basée essentiellement sur des critères
quantitatifs.
Au contraire, selon A, la crise n'a pas vraiment
modifié la perception interne du risque de crédit, elle a eu par
contre des répercussions sur la distribution du crédit, notamment
sur le financement interbancaire ; mais selon A, l'approche et la façon
d'appréhender un dossier n'ont pas fondamentalement changé.
Pour B, la réponse est différente, le
métier d'analyste a fortement évolué après les
mauvais historiques de la banque. Il faut maintenant davantage tenir compte de
l'environnement, du secteur d'activité et des facteurs humains afin
d'avoir une visibilité plus importante. L'analyste apporte une
réelle valeur ajoutée à travers son approche
également qualitative. Cette démarche permet selon B de mieux
distribuer le crédit grâce à une meilleure gestion du
risque.
C considère également que la crise a
modifié la vision du risque crédit, avant crise, les caisses
étaient plus « ouvertes ». Les conjonctures post crise, avec
les
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 47
nouvelles organisations en interne, ont fortement
modifié la vision du risque, mais exclusivement sur la ligne
commerciale.
Pour D, la crise a fortement modifié la gestion du
risque crédit et particulièrement sur des produits qui avaient
été créés et qui avait généré
des risques supplémentaires comme les créances toxiques « on
ne savait plus sur quoi on prêtait de l'argent ».
À travers ces changements de contexte et
d'organisation, selon A, le métier du risque et d'analyste n'a pas
changé, la banque n'a pas communiqué sur des instructions
particulières.
Cependant, B indique que les décisions de financement
étaient auparavant plus tranchées, « il fallait vraiment que
l'emprunteur montre patte blanche, et s'il y avait la moindre chose, il
était écarté du crédit »
Sur ce point, C peut témoigner d'un réel
changement étant donné qu'elle était auparavant sur la
fonction risque en agence. La scission des groupes a permis plus
d'indépendance dans la gestion du risque crédit, l'avis a
vraiment une importance maintenant, alors qu'auparavant, l'analyste n'avait pas
trop de poids, l'importance commerciale primait dans la décision finale.
Par ailleurs, l'organisation régionale a permis aux groupes de
gérer des dossiers plus diversifiés et plus importants (de par la
zone de chalandise) et de rendre le métier d'analyste plus
enrichissant.
b) Les outils
Les outils ont toujours existé tant sur la
clientèle Retail que Corporate, pour A, il n'y a pas eu de modification
majeure sur les outils mais cependant ils se sont enrichis et élargis. B
confirme ces changements, il y a effectivement eu, à travers le
développement de l'informatique, des bases de données plus
complètes permettant d'appréhender des aspects beaucoup larges du
dossier (secteur d'activités, environnement, gouvernance de
l'entreprise, situation personnelle du dirigeant...). B confirme que lorsque le
risque de défaut a été mis en place, il ne prenait en
compte que 5 paramètres contre une douzaine aujourd'hui.
Sur le terrain, C n'a pas vu de grande évolution
également, elle admet ne pas connaître comment est
déterminé le risque de défaut mais c'est selon elle,
volontaire afin de ne pas influencer l'intervenant sur le dossier. Pour C, le
risque de défaut est logique notamment avec l'IGR mais pas toujours
adapté à des activités
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 48
spécifiques comme les agriculteurs qui ont des
fonctionnements de comptes particuliers qui faussent leurs risques de
défaut.
Pour D, les outils mis en place par la direction
générale sont très performants et suffisant pour la
gestion du risque crédit, même si les outils ne pourront jamais
annuler le risque : « le risque zéro n'existe pas »,
Ces évolutions permettent de mieux connaître son
client, son environnement et donc d'appréhender le profil de
l'emprunteur et ainsi le risque qui peut en découler.
Cependant, pour A & B, les outils ne sont pas fiables
à 100%, les bases de données ne sont pas toujours bien
alimentées ou actualisées, ou les éléments dans
l'outil SAFIR « mal renseignés », ce qui peut fausser
l'analyse.
« C » tient le même discours sur le
renseignement des SAFIRS qui sont enrichis par l'intervention humaine et qui
génèrent des erreurs de saisies. Les trois personnes
considèrent que ces outils sont donc insuffisants pour cerner au plus
près le risque de crédit. Ils doivent être
complétés et pondérés par une approche basée
sur la connaissance du client au travers de la relation bancaire, ce qui
permet, le cas échéant, de relativiser des indicateurs qui
pourraient être discriminants.
Pour C, les éléments existants servent de base
pour appréhender le risque crédit, risque qui reste de toute
façon subjectif.
« A » donne ainsi l'exemple d'entreprises
accompagnées malgré une mauvaise notation Banque de France. En
effet, grâce à sa connaissance du dossier, il pouvait
repérer des erreurs de cotations provenant de dossiers BDF mal
complétés et parfois en décalage (dernier bilan pas
renseigné par exemple). La relation commerciale permet d'être au
coeur de l'évolution de l'entreprise alors que lorsque l'on
résonne sur des scorings, l'aspect qualitatif est complétement
occulté. De plus, C précise que les outils de scoring sont
fournis par déclaratif et peuvent générer également
des incohérences (oublie de déclaration de ligne de crédit
par exemple).
La question de la place des outils prévisionnels remis
par le client dans le processus de décision se pose également.
Au sein de BNP Paribas, les études
prévisionnelles comptables sont systématiquement utilisées
afin de mettre en exergue la faisabilité économique et
financière du projet, à court et moyen termes : les
équipes du pôle d'analyse ont à
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 49
leur disposition des fichiers EXCEL par typologie de client
(entreprise en création, entreprise existante, SCI aux différents
régimes fiscaux...) dans lesquels ils saisissent et adaptent les
données communiquées.
Ces études prévisionnelles sont qualifiables
à partir de différents éléments :
? Tout d'abord, BNP Paribas dispose de fiches métiers
qui permettent de référencer et de donner des repères pour
un secteur d'activité donné ; de plus, le budget
prévisionnel est analysé en amont afin de comprendre la
cohérence des données, puis comparé aux valeurs «
normatives » issues des documentations internes via les fiches
métiers par exemple. Pour juger de la qualité de l'étude
prévisionnelle, même si celle-ci conserve un caractère
aléatoire, « A » externalise le niveau du point mort pour
apprécier la marge de manoeuvre qu'aura l'entreprise pour assurer le
service de la dette.
? Ensuite, A et B mettent en avant l'importance de
l'expérience de l'analyste et de l'historique du dossier (comparaisons
prévisionnels antérieurs vs chiffres réalisés...)
qui contribuent à fiabiliser les prévisions
communiquées.
Les études prévisionnelles permettent de valider
la cohérence d'un projet par rapport à des moyennes (fiche
métiers), pour C, la finalité est de démontrer que les
chiffres fournis s'adaptent au secteur d'activité du projet.
« C » qualifie l'outil prévisionnel BNP
Paribas indispensable sur des opérations de création-reprise, le
fait de poser les chiffres permet une lecture approfondie du document et
d'identifier des éventuels éléments manquants.
Pour « D », venant du monde du Corporate
où le prévisionnel n'est pas utilisé, son usage dans le
monde du Retail n'est pas déterminant dans la prise de
décision finale, il permet de « rassurer » le
décideur.
De plus, D fait le constat d'un empilement d'outils, il a
l'impression que la banque cherche à se réfugier derrière
les outils pour se prémunir du risque. Il en fait la conclusion
sèche que tous ces outils et processus sont un frein au commerce,
à la rapidité et la mise en oeuvre.
« D » complète son témoignage en
faisant le constat d'une dichotomie entre le commerce et le risque et surtout
la mise en oeuvre qui ne déroge pas à la procédure qu'on
lui impose, et dans tout ce contexte le commercial est perdu sur les
procédures à suivre et cela freine les développements des
fonds de commerce. Il
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 50
rapproche la banque au Taylorisme et pointe également
un manque de formation à tous les niveaux.
En résumé, les approches quantitatives et
qualitatives sont mixées et se complètent dans la prise de
décision.
Pour A et B, les critères retenus reposent d'abord sur
le cursus du porteur de projet, son expérience et la qualité de
son projet. Le secteur d'activités et la stratégie à moyen
termes sont aussi des points importants pris en compte. Les données
économiques et financières (rentabilité actuelle et
future, solvabilité, activité capitalistique ou non...) de
même que le risque de dépendance vis-à-vis des tiers
(clients ou fournisseurs) complètent l'analyse.
Pour C, l'expérience professionnelle est
indéniable surtout sur une clientèle de TPE-PME ou
d'entrepreneurs individuels. Le nature du projet vient en second lieu et ce
dernier se qualifie lorsqu'il est accompagné d'une étude de
marchés (stratégie à courts termes, nombre de clients
potentiels, chiffre d'affaires prévisionnel...). Toujours selon C,
même en cas de conditions financières insuffisantes, notamment
l'apport, ce dossier peut être examiné favorablement. Par
ailleurs, les outils sont mis en oeuvre dans le cadre de procédures qui
ont évolué dans le temps.
Selon B, les exigences de conformité et de
maîtrise des risques ont entraîné un alourdissement des
procédures de traitement des dossiers. Les commerciaux doivent
désormais aussi gérer l'approche risque qui rend leur
métier plus complexe et leur laisse moins de temps pour le
développement du portefeuille et l'offre de crédit.
Pour A, la banque a fait évoluer les procédures
de décision en cherchant une plus grande pertinence dans l'analyse pour
mieux cerner et cibler les risques.
Pour C, les processus permettent une meilleure
indépendance et les outils, entr' autres, Icrédit, qui permet une
bonne traçabilité sur la partie risques.
En revanche, et toujours selon C, les
délégations de pouvoir génèrent un processus en
fonction de critères qualitatifs : C a parfois l'impression de ne pas
avoir de réelle valeur ajoutée sur l'analyse de dossiers sans
problématique particulière mais qui
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 51
doivent respecter le chemin d'octroi classique : elle me donne
l'exemple de dossiers de gestion de fortune.
Les outils et procédures ne varient pas en fonction des
typologies de clients. Cependant, selon A, l'expérience,
formalisée par des notes sectorielles internes et par les retours des
services contentieux, permet de connaître les secteurs où les taux
de défaillance sont plus élevés, ce qui appelle à
une vigilance plus forte des analystes. Les fiches métiers viennent
renforcer cette connaissance par type d'activités.
c) Les relations entre les services
Il y quelques années, les services Risques
étaient rattachés aux agences et dépendaient
hiérarchiquement du directeur d'agence, lequel avait en priorité
des objectifs commerciaux. Cette organisation pouvait entraîner des
risques de conflits d'intérêts aboutissant à minimiser les
risques au profit du développement commercial.
Sous la pression des autorités de tutelle et pour
répondre aux exigences réglementaires de Bâle 2, la ligne
Risques a été détachée géographiquement et
hiérarchiquement de la ligne Commerce par la création de
pôles régionaux d'analyse risques.
Cette évolution se justifie aussi selon A par la
nécessité de rationaliser les coûts et d'harmoniser les
procédures et les critères d'appréciation des dossiers
dans un contexte de fortes réductions des marges liées à
la suppression de l'encadrement du crédit et à la concurrence
interbancaire qui en a découlé. Toujours selon A, au regard des
marges extrêmement faibles d'aujourd'hui, le coût du risque
Crédit doit être minimisé pour que les banques restent
rentables.
Selon B, cette évolution a soulevé dans un
premier temps des difficultés, liées à l'absence de
communication entre les équipes Commerce et les équipes Risques,
ces dernières étant perçues comme des « censeurs
» freinant le développement commercial et imposant des
procédures mal comprises par les équipes de front office.
« C » a connu la transformation en interne et met en
exergue la forte scission qui s'est créée au départ, en
les équipes du Commerce et les équipes du Risque, ils
étaient vus comme « les méchants » qui
empêchaient de faire du commerce.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 52
Après une période de rodage et avec le
développement des moyens de communication informatiques (Plate-forme
I-crédit et outil Maestro), les relations Commerce/Risques ont pu
s'améliorer. « C » me raconte qu'au début, les
analystes n'étaient pas obligés d'échanger par
téléphone pour un avis défavorable, dorénavant
c'est une obligation inscrite dans les circulaires interne.
Pour D, le point important c'est la différenciation des
directions afin d'éviter les conflits d'intérêts et pas
nécessairement la délocalisation géographique, celle-ci
entraînant un allongement des délais de traitement, le pôle
risque « décortique » le dossier et pose des questions, le
commercial est obligé de revenir vers son client, parfois à J+3
ou J4... cette situation peut générer un agacement
vis-à-vis du client », toujours selon D. Cette nouvelle
organisation a également pour finalité la réduction des
coûts par la réduction de la masse salariale, c'est un des
paramètres qui rentre en ligne de compte.
Aujourd'hui, les deux équipes partagent des approches
communes d'analyse des risques, notamment par la participation des
chargés d'affaires à des stages périodiques au sein des
pôles Risques. Ce souci de culture commune facilite les échanges
dans l'étude des dossiers.
Les nouvelles organisations ont permis de distribuer le
crédit dans des conditions de gestion du risque meilleures, avec plus
d'objectivité et de recul sur la relation client.
d) Analyse risque et relations client
Selon B, la relation client ne devrait pas être
altérée par les analyses du pôle Risques. Elle
conçoit le rôle des équipes Risques comme une fonction de
prévention pouvant aussi alerter les équipes Commerce et le
Client sur sa situation financière et sur les solutions à
envisager et les préconisations à formuler. Pour C, les
équipes Risque sont là pour faire du « bon commerce »,
c'est une subtilité importante pour la maîtrise du coût du
risque de la banque, dans un contexte où les marges se dégradent
avec une marge d'erreur qui doit s'affiner. Cependant, les temps de
réflexion à recueillir toutes les pièces (« BNP
Paribas est très rigide sur la complétude selon C »,
à respecter les processus, les délégations de pouvoir peut
nuire à la relation client dans une situation ou le client est multi
bancarisé et la réactivité est de rigueur dans un
environnement de conquête commerciale.
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Cette situation se confirme selon réunion du 17/05/2016
faisant état de la situation d'urgence sur la banque de réseau de
BNP Paribas réalisant des pertes structurelles de produit net bancaire
(PNB) avec des fermetures de compte enregistrées.
Des mesures ont été prises au niveau des seuils
d'analyse contradictoire qui ont été élevé à
50 000 € (vs 20 000 €) pour donner plus de souplesse en agence et
accéléré le déblocage des fonds pour les
clientèles de professionnels. Pour C, l'analyste n'est pas là
pour limiter le développement mais pour limiter la casse et
maîtriser le coût du risque.
L'information sélectionné pour l'étude des
dossiers :
Selon A, surtout sur un segment PME, les critères
à retenir dans l'étude d'un dossier doivent prioritairement
s'appuyer sur l'information interne issue de la relation bancaire. La
connaissance du dirigeant, sa transparence en toutes circonstances (notamment
en cas de difficultés) et ses capacités de gestion... sont les
premiers éléments déterminants dans le processus de
décision.
Malgré tout, selon B, cette information interne ne
suffit pas à bien cerner la réalité du risque. Le
caractère incomplet, voire partial, de ces informations ne dispense pas
d'utiliser en complément les sources externes qui, selon elles, restent
déterminantes.
Quant à C, les informations externes peuvent combler un
manque d'information interne, c'est effectivement deux sources
complémentaires. L'information interne sera à
pondéré de la durée de la relation et des informations
recueillis par le chargé d'affaire. Dans le cas d'un prospect,
l'information externe est primordiale.
Les critères, sur une segmentation de TPE-PME sont
aujourd'hui plus sélectifs, mais cela n'entraîne pas de diminution
des volumes de crédit accordés.
Les nouveaux seuils mis en vigueur par BNP Paribas, donnant
plus de pouvoir aux agences, est un levier pour ne pas impacter le débit
de crédit.
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III. IMPLICATIONS MANAGÉRIALES
A. La vision du risque crédit
La perception du risque crédit en interne se recoupe
bien avec les définitions théoriques que propose la
littérature. Les termes de non remboursement reviennent souvent ce qui
correspond in fine au risque de recouvrement.
À titre préventif, pour tenter de mieux cerner
les raisons des défaillances, je pense qu'il serait intéressant
de créer un lien entre les équipes Risques et les services de
contentieux. Cette collaboration pourrait s'appuyer sur des outils existants,
tels que i-crédit ou maestro, et permettrait aux services contentieux de
communiquer sur les procédures en cours en faisant un retour aux
instructeurs initiaux des dossiers (commercial, analyste,
décisionnaire). Ceux-ci pourraient alors avoir un recul précieux
et analyser a posteriori les points qui ne les auraient pas suffisamment
alertés...
Ce recul nécessaire devrait également concerner
les dossiers pour lesquels tout s'est bien passé. Il pourrait
découler d'une remontée d'informations du réseau
commercial, via les outils existants, alimentés en aval de la
procédure d'octroi. On remarque d'ailleurs que les analystes ont souvent
le réflexe d'aller par eux-mêmes regarder comment se portent les
dossiers.
Le risque de dégradation a été
évoqué par les termes « défaillance du client »
; il est très contrôlé au sein de BNP Paribas, notamment
grâce à l'outil SAFARI qui analyse quotidiennement le
fonctionnement des comptes ; il l'est également par le suivi de l'IGR
qui dénote une intention de suivre au plus près « la vie
» de son client.
Des comités de préconisation ont
été mis en place dans les directions régionales ; ils
réalisent mensuellement des études approfondies d'entreprises. Ce
sont ces équipes qui affinent et définissent l'indicateur de
gestion des risques (IGR), également préconisé par
l'analyste crédit à chaque renouvellement ou nouvelle demande de
financement.
Aujourd'hui, l'analyste crédit est au centre du
dispositif Risques et il me semblerait opportun que sa vision soit mieux prise
en considération, en l'impliquant dans les analyses du Comité de
préconisations. Cela pourrait se faire par exemple en ajoutant un item
« avis analyste » dans la note de synthèse du
Comité.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 55
L'absence de communication et l'insuffisance d'informations
entre ces deux services peuvent rendre peu compréhensibles certaines
décisions de décôte, même après lecture de la
note de synthèse du Comité. Il est donc nécessaire de
renforcer les liens ceux-ci et les analystes.
L'amélioration de la qualité du travail des
équipes d'analystes passe peut-être par une organisation dans
laquelle elles seraient moins isolées. Leur expertise et leurs conseils
trouveraient à mieux s'exprimer dans un contexte moins
cloisonné.
B. Les outils
Notons d'abord que le guide d'entretiens que j'ai
administré et qui est présenté dans ma deuxième
partie a été refondu et simplifié après les
premiers entretiens.
La première version était en effet trop
théorique, car elle voulait appréhender des dimensions «
macro-économiques » que mes interlocuteurs ne géraient pas
(choix des méthodes d'évaluation, processus sur les outils
statistiques...).
Ces premiers retours m'ont fait prendre conscience que les
équipes d'analystes et le réseau ne sont pas informés des
raisons qui ont guidé le choix des méthodes d'évaluation
des risques par BNP Paribas.
Or la méthode retenue par la Banque (méthode
IRBA) est l'une des plus complexe ; elle requiert une collecte d'informations
en interne très importante qui nécessite l'implication et la
collaboration de tout le réseau afin qu'elle soit la plus pertinente et
complète possible.
Il me paraît important de sensibiliser les
équipes sur la politique d'évaluation des risques crédit
afin que chaque collaborateur concerné perçoive mieux que
l'alourdissement des procédures de traitement des dossiers ne provient
pas uniquement de décisions internes mais principalement de contraintes
légales et réglementaires. Je pense que cette prise de conscience
faciliterait l'acceptation et une meilleure application de ces processus.
À cet effet, la diffusion d'un support de formation
simple sur les méthodes d'évaluation appliquées par BNP
Paribas me paraîtrait utile.
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C. L'organisation de la banque
Auparavant, le directeur d'agence était
considéré comme un « chef d'entreprise », gérant
son fonds de commerce et ayant un vrai rôle de manager de ses
chargés d'affaires.
Les délégations de pouvoir issues des nouvelles
réglementations le rattachent désormais à la direction
régionale, qui lui impose des reportings quotidiens et une
conformité qui pénalisent le développement commercial et
rendent son quotidien moins intéressant.
En cela, je pense qu'il serait pertinent de redonner du
pouvoir aux agences en augmentant les seuils d'octroi de crédit,
aujourd'hui plafonnés à 50 000 € pour les professionnels et
75 000 € pour les entreprises. Cette responsabilisation permettrait de
redynamiser la ligne commerciale et de donner plus de sens à leur
travail.
De plus, cet élargissement des
délégations permettrait de diminuer l'effet « aller-retour
» entre le Commerce et le Risque, pour des dossiers sans
problématiques ni enjeux particuliers ; aujourd'hui, cette situation
allonge fortement les délais de traitement et contribue à
dégrader les relations avec les clients.
Je pense que ce dispositif pourrait être mis en place
d'abord sur un type de financement spécifique où le risque est
faible (en crédit-bail par exemple), ou sur une typologie de clients
historiquement à faible risque (GRN D0 à D2), comme les
professions libérales de santé (en passant le seuil d'octroi de
50 000 € à 75 000 €).
Par ces mesures :
? On écourte les délais de traitement pour
conserver nos clients actuels (ce qui
n'est pas le cas aujourd'hui), et en conquérir de nouveaux
;
? On redonne de l'importance aux directeurs d'agence ;
? On limite les flux de dossiers aux pôles d'analyse qui
traiteront moins de
dossiers mais de manière plus approfondie ;
? On augmente la valeur ajoutée du métier
d'analyste.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 57
Par ailleurs, l'implication des analystes me semble
primordiale :
L'analyste crédit est aujourd'hui au centre du dispositif
octroi de crédit. Depuis la création des PARCS, on a
constaté une nette amélioration des relations entre la ligne
Commerciale et les pôles Risques.
Les analystes doivent en ce sens soutenir les chargés
d'affaires pour faire du « bon
commerce ».
Pour renforcer cette collaboration, je pense qu'il faut
continuer dans ce sens en augmentant les AMBITIONS PRO (programme de formation
à destination des chargés d'affaires qui se déplacent dans
les pôles Risques pour appréhender la gestion du risque et se
former au montage d'un dossier (DEFIPRO, trame commune...) :
? Le commercial n'est pas là que pour conquérir,
lorsqu'il monte un dossier, il est essentiel que les paramètres et les
outils de base soient maîtrisés
? Cette bonne maîtrise permet d'envoyer au pôle
Risques un dossier « carré » et ainsi éviter
l'abondance de questions et les allers-retours.
Je pense que ce programme pourrait aussi se concevoir dans
l'autre sens, en envoyant des analystes sur le terrain. En effet, certains
analystes, en poste depuis 2007, ne sont plus en phase avec la ligne
commerciale. Leur vision trop restrictive du risque va parfois à
l'encontre du commerce, dans un contexte où la banque a besoin de gagner
en parts de marché.
Cette sensibilisation de l'analyste pourrait se faire par des
stages terrain pour percevoir les réelles contraintes que subit au
quotidien le commercial. Cette approche complémentaire permettrait
d'échanger et de trouver des points de convergence pour créer une
culture commune et accroître la collaboration entre ces deux services aux
philosophies encore parfois différentes.
D. La relation Clients
Mieux former les collaborateurs aux outils de scoring
:
L'outil DEFIPRO est un très bon logiciel qui permet, de
façon instantanée, de donner une réponse positive (dans le
cadre d'un score vert) ou négative (dans le cadre d'un score rouge).
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 58
À travers mes entretiens avec les chargés
d'affaires en formation au PARC, j'ai souvent entendu que l'on avait parfois du
mal à expliquer pourquoi le système scorait rouge, du fait d'un
manque de connaissances sur le fonctionnement de l'outil. Ce constat me conduit
à penser qu'il faudrait construire un support de formation sur les
outils de scoring et le fonctionnement général de DEFIPRO et du
SGI.
La bonne compréhension de ces outils permettrait plus
de transparence avec le client et faciliterait la relation banque/client.
De plus, mon étude terrain et mon stage de 6 mois m'ont
permis de constater que les analystes sont très stricts avec la
complétude des dossiers : lorsque qu'une pièce manque au dossier,
celui-ci est retourné informatiquement.
Cette rigueur a deux impacts directs :
? Une dégradation de la relation entre le chargé
d'affaire et le client à qui on demande toujours plus de documents sans
toujours pouvoir le justifier
? Une dégradation entre la ligne commerciale et le
Risque, ce dernier ne dérogeant pas aux processus imposés.
Je pense que l'on pourrait assoupir la complétude des
dossiers et les pièces obligatoires dans l'outil PJ (document faisant
état des pièces indispensables pour l'analyse du dossier) afin
d'améliorer les relations et les délais de traitement.
Enfin, les entreprises françaises sont aujourd'hui
multi bancarisées. Dans ce contexte, je pense que BNP Paribas devrait se
démarquer en offrant du sur-mesure à ses clients
fidèles.
Je suggère d'étudier une possibilité de
mise en place d'un octroi quasi automatique ou d'une procédure
allégée pour une réponse très rapide (+/- 5jours)
pour les clients professionnels et entreprises de risque faible (GRN D0
à D2) de plus de 10 ans de relation.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 59
IV. CONCLUSION
Nous avons vu que les crises américaines et notamment
la crise des Subprimes sur le marché immobilier aux USA, ont
impacté tous les systèmes financiers et économiques
mondiaux. Les grandes banques internationales ont alors été
touchées par de nouvelles réglementations bilancielles
très restrictives pour éviter toute nouvelle crise d'envergure.
Elles ont ainsi dû corréler leurs fonds propres à leurs
engagements et mettre en oeuvre de lourdes procédures destinées
à évaluer et limiter leurs risques de crédit.
Sous l'impulsion du FMI, du G20 et du Comité de
Bâle, les autorités de tutelle ont donc mis en place des mesures
drastiques, évolutives dans le temps et qui imposent aux
établissements bancaires la transparence dans leur activité de
prêts et dans leur gestion interne du risque Crédit. Ces
dispositions ont fortement impacté les organisations et les processus et
ont eu des répercussions directes sur les stratégies et
l'activité bancaire.
Le constat est simple, les exigences réglementaires
ont, dans un premier temps, limité l'offre de crédit ; mais par
la suite, les banques se sont adaptées en trouvant des méthodes
de désintermédiation et de titrisation mieux
contrôlées, afin de continuer à financer l'économie.
En effet, après des années de crise, les petites et moyennes
entreprises françaises ont besoin du soutien des banques pour poursuivre
ou développer leurs activités.
C'est pourquoi aujourd'hui, se pose de manière
prégnante la question de l'opportunité et des risques d'un nouvel
alourdissement des contraintes imposées aux Banques.
Le commissaire européen Jonathan Hill souhaite ainsi
faire le point sur les réglementations d'après crise qui, selon
lui, pourraient être une menace pour la croissance.
Alors que les instances Bâloises préparent une
série de mesures encore plus contraignantes (Bâle IV ?), la
Commission européenne, au contraire, s'interroge sur leur pertinence et
étudie même des possibilités d'assouplissement des
règles de Bâle III qu'elle juge en partie inadaptées
à un contexte de faible croissance voire de récession.
BBA INSEEC 4ème année - Antoine COQUIL -
Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 60
Dans un cadre réglementaire encore plus strict, les
banques pourraient-elles continuer à financer l'économie ? Selon
le Commissaire européen Jonathan Hill, « la stabilité
financière est un prérequis à la croissance. Mais à
un moment, la plus grande menace à la stabilité est l'absence de
croissance elle-même ».
En Europe, où la croissance reste fragile, une
inflexion des règles Bâloises semblerait judicieuse. Une
réglementation plus souple facilitant le travail des banques
paraît nécessaire. En ce sens, une pause réglementaire
semble indispensable pour soutenir l'économie ?
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 61
BIBLIOGRAPHIE
Http://Www.Lafinancepourtous.Com/Decryptages/Mots-De-La-Finance/Ratio-De
Solvabilite-Bancaire
Dan CHELLY & Stéphane SEBELOUE (2014), les
métiers du risque et du contrôle dans la banque
CASIAN et MARIUS, origine et impact de la crise des Subprimes
HULL (2012), gestion des risques & institutions financières
LAMARQUE (2005), management de la banque ; risque, relation
client, organisation)
CHELLY & SEBELOUE (2014), les métiers du risque et du
contrôle dans la banque) BOURDON, CHAPTAL ET ROGER, 1997, Revue
Banque.
MIKDASHI Z. (1998), p.191, L'intégration de la dimension
qualitative dans l'évaluation du risque crédit des PME
MAQUE et GODOWSKI, Revue française de gestion -
N°191/2009 SERVIGNY ET ZELENKO, 2003, p.213, Le risque de
crédit.
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 62
Résumé du mémoire :
Les crises américaines et notamment la crise des
Subprimes sur le marché immobilier aux USA, ont impacté tous les
systèmes financiers et économiques mondiaux. Les grandes banques
internationales ont alors été touchées par de nouvelles
réglementations bilancielles très restrictives pour éviter
toute nouvelle crise d'envergure. Elles ont ainsi dû corréler
leurs fonds propres à leurs engagements de crédit et mettre en
oeuvre de lourdes procédures destinées à évaluer et
limiter leurs risques de crédit.
Sous l'impulsion du FMI, du G20 et du Comité de
Bâle, les autorités de tutelle ont donc mis en place des mesures
drastiques, évolutives dans le temps et qui imposent aux
établissements bancaires la transparence dans leur activité de
prêts et dans leur gestion interne du risque Crédit. Ces
dispositions ont fortement impacté les organisations et les processus et
ont eu des répercussions directes sur les stratégies et
l'activité bancaire.
Nous verrons au plus près ces changements au
travers de l'étude de cas BNP Paribas
Mots clés : Crise des Subprimes,
Bâle II, Bâle II, ratio McDonough, risque crédit,
méthodes d'évaluations, processus bancaires, RAROC, relation
Banques/Entreprises,
Mémoire de Recherche Appliquée
Antoine COQUIL
BBA INSSEC
Promotion 2016
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Mémoire de recherche appliquée 27 mai 2016 63