2. Des causes externes aux établissements de
soins
Les établissements de soins observent d'un regard
extérieur des phénomènes dont ils ne sont pas directement
les auteurs. C'est ce que j'ai choisi de nommer les causes externes aux
hôpitaux dans les fermetures des maternités. Dans cette partie,
les questions de démographie, des politiques territoriales, de
mobilité et de la réputation des établissements seront
développées.
a. Une démographie en diminution
Mes entretiens mettent en relation une baisse de la
démographie avec la fermeture des maternités. Cette « baisse
de la démographie s'est traduite notamment par la baisse d'accouchement
sur la maternité de Falaise, puisque nous étions à 392
accouchements en 2014 » (Madame Lefebvre, la cadre sage-femme du Centre
Périnatal de Proximité de Falaise). En 2009, cette
maternité approchait des 500 accouchements. Selon l'INSEE, Falaise perd
plus de quarante habitants par an depuis 2013, et cela se reflète sur le
nombre d'accouchements. Le discours est identique pour la maternité de
Vire, d'après Madame Anfray, une sage-femme du Centre Périnatal
de Proximité (CPP) de Vire : « si on
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regarde la natalité, même de façon
globale, elle est en diminution dans notre secteur plutôt rural ; il est
évident que le nombre de naissances est vraiment très
inférieur par rapport à ce qu'il pouvait être, il y a
seulement quarante ans, ici sur la ville de Vire ». C'est pourquoi selon
elle « les arguments qui ont été avancés pour
justifier la fermeture de la maternité n'étaient pas les bons.
Peut-être que c'était trop violent de dire très franchement
à la population qu'il y avait une diminution de la natalité, et
que raisonnablement, il fallait fermer cette maternité ».
Madame Leverrier, la Présidente du collectif
santé Touche pas à ma santé, à mon hosto,
estime que « Vire est en perte de vitesse » et que ces
territoires sont « des territoires à qui on ne donne aucune chance,
[c'est] une politique voulue ». Selon elle, les élus ne
s'investissent pas suffisamment dans la dynamique de la ville et cela n'attire
pas de nouveaux habitants.
Les locaux des maternités sont pour la majorité
(Vire, Cricqueboeuf et Falaise) remplacés par des services de soins aux
personnes âgées. Le maire de Vire, Monsieur Sabater évoque
: « on dit souvent l'hôpital ça va devenir une maison de
retraite. C'est terrible, on voit le vieillissement comme un
élément négatif ». Puis, Madame Leverrier rappelle
que « les vieux ont remplacé les bébés. Il parait que
c'est eux qui vont être les plus nombreux ».
En effet, selon les dernières analyses de l'Insee,
l'espérance de vie a gagné une dizaine d'années en France.
Ce gain, observé au niveau national, est plus élevé pour
la Basse-Normandie. De plus, la Basse-Normandie accueille un nombre important
de retraités, notamment sur le littoral. Ainsi, en quatre
décennies, la part des personnes âgées de soixante-quinze
ans et plus a triplé en région, soit l'évolution la plus
importante de France. Et cette analyse ajoute une hypothèse comme quoi,
avec le même rythme de naissance et de décès, et de solde
migratoire, l'Insee « estime qu'en 2040, les personnes
âgées de 65 ans, et plus, représenteront
30% de la population régionale (contre 20% en 2012) » 49.
De ce fait, les nombreux hôpitaux de Basse-Normandie se
préparent afin de prendre en charge et d'accueillir les personnes
âgées face à leurs pertes d'autonomie et leurs pathologies
chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires ou l'hypertension par
exemple). Par exemple, la maternité de Falaise occupait un étage
complet de l'hôpital auparavant, désormais une partie est devenue
le Centre Périnatal de Proximité et l'autre partie deviendra un
centre de référence en gériatrie avec une prise en charge
chirurgicale spécifique de la personne âgée, « si ce
projet médical est approuvé par l'ARS » tel que le souligne
Eric Macé, le Maire de Falaise. Madame Anfray, sage-femme du CPP de Vire
constate que « toutes les maternités qui ont fermé
concernaient des centres qui ont pour projet d'être réduit
à des services de gériatrie ». C'est en effet ce que l'on
peut remarquer pour les maternités de Falaise, de Vire et de
Cricqueboeuf, mais également concernant des maternités
fermées depuis plusieurs décennies, telles que Aunay-Sur-Odon,
Carentan, Saint-Hilaire-Du-Harcouët et La Ferté-Macé, qui
ont-elles aussi renforcées leurs pôles gériatriques depuis
l'arrêt des accouchements.
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49 · Despres P., et al., «
Enquête santé des Bas-Normands : les personnes âgées
de 65 ans et plus vivant à domicile », in Info Santé
Basse-Normandie, ORS, Octobre 2015.
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