B. Un espace arrière portuaire en crise
La délocalisation d'une partie des activités du
port dans le golfe de Fos va s'opérer à travers la
création d'une Zone Industrialo-Portuaire (ZIP) autour de l'étang
de Berre en 1966. La nécessité de développer le port aux
alentours de Fos répond à un besoin d'espace pour les
activités industrielles, les lieux de stockage, mais aussi pour
permettre un agrandissement de la taille des bassins dans le but d'accueillir
des bateaux plus grands afin de répondre aux défis de la
navigation moderne.
De plus la nécessité de lier le port à
son prolongement naturel le Rhône, a encouragé le
développement du port à l'Ouest. L'accès à un vaste
hinterland étant la condition nécessaire de tout port moderne, le
Port Autonome de Marseille (PAM), créé en 1965, trouve ainsi une
justification pour rester dans la compétition mondiale que se livrent
les grandes places maritimes.
« Face à ses besoins, l'aire
métropolitaine marseillaise offre la Crau, plaine peu cultivée,
sur laquelle s'implante le complexe industrialo-portuaire de Fos (É) la
perspective de liaisons aisées avec l'intérieur du pays, par le
Rhône, par le fret et par la route permet d'envisager la création
d'usines en grappe relativement indépendantes des industries de bases,
facilitant la revitalisation d'une région plus étendue
s'étendant jusqu'à Nîmes, Montélimar et la moyenne
Durance » 22.
Pensée pour spécialiser Marseille comme un
centre industriel et décisionnel d'échelle régionale, la
création de la ZIP devait accompagner l'avènement de l'aire
métropolitaine. Cependant Marseille dés-industrialisée au
profit de sa périphérie va porter les stigmates du projet
métropolitain et ne parvient pas à rassembler les capitaux et les
autres villes. L'échec de la mise en place d'une communauté
urbaine participe à ce phénomène. Une diffusion
incontrôlée de l'urbanisation va se produire, celle-ci concerne
aussi bien les industries que l'habitat. L'évolution de la population
nous montre que la croissance de la population de l'aire urbaine Aix-Marseille,
va principalement se faire dans les communes périphériques : nous
pouvons remarquer une diminution de la population marseillaise au profit
d'autres communes de l'aire urbaine à partir de 1975. Cette augmentation
de la population dans les communes périphériques de l'aire
urbaine se traduit par un étalement urbain incontrôlé.
22 Livre Blanc de l'OREAM, Perspective d'aménagement
de l'aire métropolitaine marseillaise, p.19.
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Figure 9 : Croissance de la population de l'aire urbaine
d'Aix-Marseille entre 1968 et 2010

Source : Rapport de l'OCDE
Bien que des activités portuaires aient
été conservées dans les bassins Est du port de Marseille
(voir graphique complémentaire n°4 placé annexe), la crise
que connait la ville est principalement dûe à son industrie
traditionnelle essentiellement commerciale. Le caractère archaïque
de la relation entre port et industries aura conditionné la perte des
entreprises locales.
De plus la création du PAM et de la ZIP va accentuer la
dissociation entre le port et la ville, d'un coté par la
délocalisation d'une partie des activités portuaires à
Fos, mais aussi par la législation européenne et internationale
et par les conditions qu'impose le PAM. Les petites industries locales qui
étaient très présentes ne peuvent par ailleurs plus lutter
contre les grandes firmes multinationales, et disparaissent peu à
peu.
La délocalisation d'une partie du port entraine donc
une grave crise industrielle, se traduisant par une perte massive d'emplois
dans ce secteur : entre 1975 et 1982 Marseille perd 35 000 habitants et 20 000
emplois.
Cette perte d'habitants est marquée par la sortie des
habitants les plus riches. La crise industrielle devient alors sociale et
touche toute la ville car celle-ci s'accompagne d'une augmentation du
chômage et d'une précarisation de la population. Ce qui est
accentué par le retour, mal géré, de nombreux Pieds Noirs
s'installant dans la ville : 15 à 20% des rapatriés de l'empire
colonial français sont à Marseille. Cette arrivée massive
de la population va être endiguée et traitée par la
construction de logements de grands ensembles. Rencontrant de nombreux
problèmes par la suite, ces logements et les quartiers dans lesquels ils
sont construits vont venir alimenter la crise que connait
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Marseille. Un « apartheid » Nord-Sud va peu à
peu s'installer dans la ville (voir graphique complémentaire n°5
placé en annexe)
Conscient de la crise sociale et urbaine qui guette Marseille
et du désengagement des politiques locales, l'État va
décider d'intervenir sur le territoire marseillais, et ceci va se
concrétiser à travers un projet de redynamisation
économique prenant place sur l'interface située entre la ville et
le port.
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