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La marque de l'impermanence dans les expositions du palais de Tokyo

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par Thomas Bizien
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle - Master 1 de médiation culturelle 2010
  

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IV.3.c À Agir dans l'espace social

Exit l'atelier, l'art pénètre la place publique pour mieux la questionner. Dans les escalators d'un centre commercial, un programme télé ou une boucherie hallal, les artistes interviennent au plus près des normes qui organisent notre société. En faisant l'éloge du paradoxal, ils y insufflent de l'anormalité, et soulagent l'ambiante morosité.

Car à quoi bon produire des objets, les placer dans un musée pour ensuite demander au public de venir les contempler ? Et dans quelle mesure, si quand bien même quelqu'un daigne les regarder, peuvent-ils être vecteurs de ce que l'artiste a voulu signifier ? Puisqu'ils appellent une révérence sotte, faite de stupeur et de réflexes conditionnés, certains artistes ont dépassé l'idée de l'oeuvre en tant que matérialité. Ils ont délaissé le signe, l'intermédiaire d'une représentation, afin de

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166 Paul Ardenne, Art, le présent, op. cit.

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pouvoir composer à partir de la réalité même. Et en forgeant leurs pratiques dans le champ social, ils anéantissaient la barrière qui séparait encore la vie de l'art.

Alors que les pratiques in situ consistaient à produire une oeuvre en fonction du site où elle viendrait prendre place, l'art in socius peut être perçu comme la version plus aboutie et contemporaine, d'une prise en compte totale par l'artiste du réel. Ces artistes l'infiltrent, l'incorporent plus qu'ils ne le figurent. Ils transforment en expériences esthétiques les phénomènes les plus ordinaires de la vie quotidienne, abordent l'art comme un événement plutôt que comme un monument. Leurs actions prennent place à l'intérieur du corps social où ils utilisent tels des matériaux, les jeux d'intersubjectivités qui formalisent nos rapports aux autres. Présentées au Palais de Tokyo, voici quelques exemples de ces pratiques.

Mathieu Laurette s'incruste sur les plateaux de jeux télés, participe à Tourner manège pour en montrer toute l'incongruité. Dans sa série des Apparitions, on le voit dans le public de toutes les émissions de variétés. À l'occasion de l'exposition collective Notre Histoire... Mathieu Laurette présentait la documentation d'un travail intitulé Les Produits remboursés167. Sans dépenser un sou, l'artiste se nourrit pendant trois mois uniquement avec des produits « satisfait ou remboursé ». Par la simple À mais systématique À mise en fonctionnement d'un dispositif publicitaire, Mathieu Laurette remet symboliquement en cause le système capitaliste. Ces actions dévoilent par un effet de miroir, l'image de la propre présence du spectateur. En les surlignant, l'artiste interroge ainsi les normes relationnelles, les usages comportementaux, les postures sociales. Invité à présenter ses travaux trois fois au Palais de Tokyo, Renaud Auguste Dormeuil vit quatre mois dans une tour-bureau de la Défense. Dans le monde des affaires, il crée au contact des consultants, performe au milieu de leurs réunions power point. Actes vifs et transitifs ces projets sont temporaires, impossible à représenter nulle part ailleurs sans en altérer le sens, précisément parce que le travail s'inscrit dans des circonstances qui tant sir le plan géographique que temporel impliquent des relations imprévisibles, donc non programmable.

167 Fig. #58

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Se basant sur l'anticipation des réactions, ces actions happent les spectateurs dans des processus artistiques qu'ils n'ont pas choisis. Comme composant central, s'extrait la volonté de lutter contre la standardisation des comportements. Car il ne s'agit plus de critiquer, c'est la société qui se disloque. Les artistes in socius, sans complexe vis-à-vis des aspects les plus dérisoires de la culture populaire, en agrandissent les détails pour leurs laisser le soin, par eux même de s'exprimer. Ils rejoignent en cela l'idée d'une « autonomie expressive du réel », théorisé par Pierre Restany. Achèvement du réalisme puisque leurs interventions interagissent avec la vie, ces artistes interviennent sur le vif, mettent en scène le présent même. Et quitte à focaliser l'événement en un temps et un espace circonscrit, non reproductible et par nature éphémère, ces actions ont le mérite d'établir une connexion franche entre l'oeuvre et son spectateur. L'art in socius renoue ainsi avec l'essence d'un art engagé. Il perturbe les relations humaines pour briser le formalisme dans lequel nous nous sommes installés. Et comme l'étonnement est propice à insuffler une nouvelle hygiène d'esprit, ces actions laissent aux spectateurs surpris, le terreau pour remettre en germe leurs pensées.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault