Conclusion
Raisonner est souvent considéré comme
étant la compétence la plus difficile à acquérir en
mathématique, au point que l'on a parfois tendance, pour esquiver la
difficulté, à ne pas la traiter. Or, c'est une compétence
absolument centrale de l'activité mathématique. Si l'on prive
donc un élève du raisonnement, on le prive d'un plan entier de
l'activité mathématique. Je pense qu'il est important de
démystifier l'acte de raisonner. Ce n'est pas une activité
élitiste, réservée à une élite. Tout
élève peut raisonner, tout élève peut
démontrer. Il convient de chercher non pas à ce que
l'élève reproduise, comme un modèle absolu, le
raisonnement du professeur (une telle démarche a ses limites), mais de
chercher à ce que lui-même soit en mesure de produire du
raisonnement. Pour cela, il importe de donner aux élèves des
méthodes. Le raisonnement est en lui-même une méthode. Il
faut donc donner des méthodes agissant sur une méthode. Cela
demande parfois d'aller à rebours des croyances, des penchants naturels.
Ainsi, il est important que l'élève comprenne qu'il est plus
prudent de prouver avant d'affirmer. De même, une intuition ne constitue
une preuve que si elle est mise par écrit, et si elle est pas, à
pas vérifiée. Ainsi encore, il faut apprendre à
l'élève à s'élever au-dessus du cas particulier, et
à oser l'abstraction. Ce n'est pas simple, mais cela est stimulant. Les
jeunes élèves sont à un âge où l'on aime les
défis. Les élèves ne rechignent pas à rester des
heures devant un jeu vidéo pour atteindre le niveau suivant. Il n'y a
aucune raison qu'ils ne soient pas pris de la même passion pour
raisonner, démontrer, prouver, et ainsi parvenir à venir à
bout d'une énigme qu'ils jugeaient encore insoluble une heure auparavant
et hors de leur portée.
Raisonner peut donc être une activité stimulante,
et même amusante. Naturellement, j'ai également rencontré
des échecs, des difficultés, et les élèves ont
encore souvent des réticences, des blocages, mais j'espère avoir
amorcé une autre manière de percevoir mon enseignement des
activités comportant du raisonnement. Ce travail m'a conduit à
m'interroger sur moi-même, sur ma représentation des
mathématiques, en lien avec mon histoire. J'espère ainsi pouvoir
poursuivre et bonifier dans les années futures ce début
d'expérience enrichissante. Comme dirait le mathématicien Alfred
Rényi « Si je suis malheureux, je fais des maths pour
devenir heureux. Si je suis heureux, je fais des maths pour le
rester.».
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