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Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes. Cas du rapport avec la République Dominicaine, les états-Unis et le Chili.


par Roodly RICHARD
Ecole de Droit et des Sciences Economies des Gonaives (UEH)  - Licence 2015
  

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f) Diaspora haïtienne et l'essence de son identité

Pour bien comprendre l'expression identitaire dans la diaspora, il y a lieu de distinguer les deux générations actrices de cette expression. À l'intérieur même du phénomène de diaspora on distingue, d'un côté, les primo-arrivants, qui cultivent une certaine nostalgie du pays et le revisitent en pèlerinage ; de l'autre côté, il y a la jeune génération pour qui le territoire d'origine s'est éloigné. Cette génération ne cultive ni nostalgie ni espoir de retour206. Elle vit alors, selon Elbaz (2010a), une sorte d'hybridation. En d'autres termes, il n'y a pas d'oubli de la culture d'origine, mais une forte intégration dans un mouvement identificatoire qui prend en compte la culture d'accueil.

Selon Elbaz (2010b), parler de «dédiasporisation» serait une erreur, car dépendamment de la raison et des conditions de l'émigration, les liens avec le pays d'origine sont maintenus plus ou moins fortement. Dans le cas d'Haïti, où l'émigration politique fut progressivement remplacée par l'émigration économique207, la conservation des liens avec le territoire d'origine se manifeste à travers la construction et le développement de communautés (Dufoix, 2003). Ces dernières sont créatrices sinon conservatrices de liens entre une population sur plus d'un territoire. Ainsi, dans une recherche sur l'identité haïtienne

204BIT: Promouvoir une migration équitable, étude d'ensemble concernant les instruments relatifs aux travailleurs migrants, rapport de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, Conférence internationale du Travail, 105e session (Genève, 2016), paragr. 482.

205 BIT: Employer-migrant worker relationships in the Middle East: Exploring scope for internal labour market mobility and fair migration, Bureau régional de l'OIT pour les Etats arabes, Livre blanc, à paraître en 2017.

206 Chantal Bordes-Benayoun, «Les diasporas, dispersion spatiale, expérience sociale», Autrepart, n° 22, 2002

207 Bénédique Paul, «Migration et pauvreté en Haïti : impacts économiques et sociaux des envois de fonds sur l'inégalité et la pauvreté ?», communication à la journée thématique Envois de fonds, inégalité et pauvreté dans les pays en développement (16 octobre 2008, université Bordeaux 4), 2008.

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publiée en 2009 par Bénédique Paul, il a été souligné le fait que l'haïtianité est très fortement exprimée dans les communautés haïtiennes de la diaspora208.

Pour l'anthropologue Maud Laëthier qui analyse la diaspora haïtienne de la Guyane française, l'expression identitaire apparaît sous trois configurations : une première configuration liée à des stigmatisations, une deuxième qui montre une unité communautaire et une troisième visant l'intégration209.

Qualifie cette expression identitaire d'«haïtianité». Cette dernière a pris un sens très fort au sein de la diaspora haïtienne tantôt comme nécessité d'être soi-même dans un contexte d'exclusion, tantôt comme besoin de nourrir les liens avec le pays.

En effet, la diaspora est impliquée, pour des raisons de mémoire210 et d'insertion211, dans le façonnement de deux territoires (d'origine et d'accueil). L'analyse menée ici relève, selon Denis-Constant Martin et le groupe IPI (Identité, pouvoirs et identifications), d'une approche peu documentée qui considère le rôle économique de l'identité, notamment en matière de formes du développement économique territorial212.

L'expression identitaire dans la diaspora haïtienne, comme dans d'autres diasporas, s'est progressivement structurée autour d'une motivation économique et dépasse les stéréotypes traditionnels. Loin d'être une expression de simple patriotisme ou de nationalisme, elle est devenue une volonté et la traduction concrète de celle-ci en des termes économiques dont les retombées sont désormais visibles à travers la réussite professionnelle, notamment dans le cas de la diaspora haïtienne des États-Unis et du Canada ; à travers les nombreux petits projets sur le territoire haïtien qui ont été mis en oeuvre à l'initiative des individus ou des organisations de la diaspora. Ces projets sont d'envergure soit collective (école, route, centre de santé, etc.), soit individuelle (construction de maisons, création de micro-

208 Bénédique Paul, L'Haïtianité. Institutions et identité en Haïti, TheBookEdition.com, 2009.

209 Maud Laëthier, Être haïtien et migrant en Guyane française, thèse de doctorat en anthropologie sociale et ethnologie, EHESS Paris, 2007.

210 Laëthier Maud (2011) Être migrant et Haïtien en Guyane (Préface de Marie-José Jolivet), Paris, Éditions du CTHS, 319 p

211 AUDEBERT Cédric (2006), L'insertion socio-spatiale des Haïtiens à Miami,Paris, L'Harmattan, collection Populations, 297 p.

212 Denis-Constant Martin (dir.), L'Identité en jeux. Pouvoirs, identifications, mobilisation, Karthala, 2010.

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entreprises dans le domaine du tourisme : hôtels, cafés, restaurants, services connexes et annexes). Ils semblent contribuer, dans une certaine mesure, à refaçonner le territoire d'origine qui devient de plus en plus un mélange entre l'autochtone et l'importation culturelle diasporique213.

g) La diaspora haïtienne au Chili, deuxième plus grand fournisseur de transferts après celle des États-Unis

Selon économiste Ezer Émile l'année 2017, les migrants haïtiens vivant au Chili ont envoyé à leurs proches en Haïti des transferts de l'ordre de 7,5 millions de dollars américains. Ce qui fait du Chili désormais la deuxième principale source d'envois de fonds vers Haïti en mai 2017, après les États-Unis qui, eux, ont atteint 126 millions de dollars. En troisième et quatrième position, on retrouve le Canada et la France qui ont tous deux contribué à hauteur de 7,42 millions, suivis de la République dominicaine et du Brésil qui ont contribué respectivement à hauteur de 5,5 millions et 4,8 millions de dollars sur la même période. Y a-t-il lieu de dire que les Haïtiens au Chili, moins nombreux d'ailleurs, sont plus généreux que ceux qui vivent au Canada, en France ou en République dominicaine ?

Peut-être faut-il chercher la cause ailleurs. À noter que le flux de 7,5 millions de dollars de transferts en provenance du Chili enregistré uniquement pour le mois de mai 2017 est supérieur au total des envois de fonds en provenance de ce pays sur les douze mois de l'année 2015. 2016 a été une année exceptionnelle marquant le début d'une nouvelle configuration au niveau du marché des transferts d'argent en Haïti.

Au total, les immigrants haïtiens au Chili ont envoyé 36 millions de dollars en 2016, soit une augmentation de 386,48% par rapport aux 7,4 millions de l'année précédente. En ce qui a trait aux sorties de fonds, le Chili est le troisième pays récepteur des transferts en provenance d'Haïti avec 2,04 millions de dollars en mai 2017 après les États-Unis (12.46 millions) et la République dominicaine (3.75 millions). Bref ! En si peu de temps, Haïti est donc devenue la cinquième plus importante destination du monde des envois de fonds partant du Chili avec une part de 5,9%, devant des pays comme la République dominicaine

213 Marjolein C. Groot et Patt Gibbons, «Diasporas as `agents of development': Transforming brain drain into brain gain? The Dutch example», Development in Practice, vol. 17, n° 3, 2007.

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(4,9%), États-Unis (4,5%) et l'Équateur (4,2%). À rappeler qu'en 2015, Haïti n'a été que dixième dans ce classement. Les données ont complètement changé depuis le déplacement massif des Haïtiens vers le Chili214.

La banque centrale chilienne estime en effet qu'environ 300 Haïtiens débarquent au Chili chaque jour, ce qui donnerait un total de près de 110 000 seulement en 2016. À noter qu'en 2006, selon les statistiques migratoires du Departamento de Extranjería y Migración du Chili, le nombre d'entrées d'Haïtiens au Chili était seulement de 56. Ce chiffre est passé de 113 en 2007 à 304 en 2009 et 917 en 2011. Jusqu'en 2013, le nombre d'Haïtiens arrivés au Chili était de 2577. Aujourd'hui, la croissance est exponentielle. À ce rythme de 300 arrivées par jour, on risque d'avoir un total supérieur à 200 000 migrants haïtiens au Chili à la fin de l'année. On se rappelle qu'entre 2011 et 2014, la destination de choix était le Brésil pour les Haïtiens en quête de mieux-être. À cette époque, les préparatifs pour la Coupe du monde de football en termes de construction d'infrastructures offraient d'énormes opportunités d'emploi. En plus, l'économie brésilienne était plutôt stable. Depuis plus de deux ans, la crise politique, sociale et économique qui ravage ce géant latino-américain pousse nos compatriotes à revoir leurs plans215.

Le Chili, l'une des économies les plus stables en Amérique latine, ayant l'un des meilleurs niveaux de vie de la zone est sans contexte la meilleure option pour les Haïtiens. Ici, nous parlons du Chili comme étant la 38e économie mondiale avec un PIB supérieur à 400 milliards de dollars américains pour un revenu par habitant en PPA supérieur à 23 000 dollars américains et un taux de chômage autour de 6%. En attendant la relance économique en Haïti, une gouvernance plus intelligente et des emplois massifs que nous attendons tous, l'option pour ces Haïtiens d'aller s'établir là-bas est tout à fait logique. Ces milliers de personnes non seulement s'assurent de leur survie au Chili mais aussi prennent soin de leurs proches restés en Haïti avec ces flux de transferts d'argent qui ont été multipliés presque par cinq en seulement un an.

214 https://www.latercera.com/pulso/noticia/remesas-al-exterior-alcanzan-record-2017-envios-haiti-crecen-mas-1-100-dos-anos/239876/

215 SEN A. (2000) Un nouveau modèle économique. Développement, Justice, Liberté, Paris, Ed. Odile Jacob, pp- 57-68

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« Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: cas du rapport avec la République Dominicaine, les États-Unis et le Chili »

Si l'économie du Chili devenait en crise ou saturée par rapport à la demande de main-d'oeuvre de migrants, il faudrait encore trouver un autre endroit pour accueillir nos frères et soeurs qui n'ont plus d'espoir qu'Haïti pourra être différent un jour. Aux autorités de prouver le contraire et de rendre Haïti un pays accueillant, attractif et vivable pour ses propres fils et filles216.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery