III.2.2. Le renouvellement de
six engagements, relatifs à des réformes institutionnellesRDC
De ce fait, le texte, semble, en filigrane, épingler la
RDC comme une des causes, sinon comme la principale cause, de son
insécurité et de sa déstabilisation, ainsi que de celles
de toute la région. Par voie de conséquence, la RDC se voit
unilatéralement imposer par l'accord, des réformes
institutionnelles relevant de sa souveraineté et correspondant au cahier
des charges du M23 et des parrains rwandais et ougandais de celui-ci.
Ceci pose problème du double point de vue du droit
international et de la justice.
Du point de vue du droit, il s'agit ici d'une violation
flagrante de la souveraineté nationale de la RDC, souveraineté
garantie par la Charte de l'ONU, qui, en son article 2, §§ 2 et 7,
stipule notamment :
Art. 2. §1. « L'Organisation est fondée
sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres.
§ 7. Aucune disposition de la présente charte
n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un
État ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre
à une procédure de règlement aux termes de la
présente Charte ; toutefois ce principe ne porte en rien atteinte
à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII
».
En vertu de cet article, l'ONU n'a pas à se mêler
des matières qui relèvent des fonctions et des missions
régaliennes de l'État congolais, notamment : la réforme
des forces de sécurité, de l'armée et de la police, les
réformes politiques, la décentralisation, les réformes
économiques, les infrastructures et des services sociaux, la
réconciliation nationale , la tolérance et la
démocratisation. Bien plus, invitée à s'abstenir de toute
ingérence dans les affaires intérieures des État, elle ne
devrait pas pousser et engager d'autres États à en faire autant,
tout en affirmant le contraire. L'accompagnement et la supervision de la mise
en oeuvre des engagements de la RDC par 11+4 pays renforcent le sentiment de la
mise sous tutelle du pays et de son infantilisation. Même si cela
procède de bons sentiments d'ingérence humanitaire, il contribue
à renforcer la démission des dirigeants face à la
responsabilité première qui leur incombe dans la
sécurisation, la stabilisation et la pacification du pays.
Du point de vue de la justice, l'Accord de paix n'a pu
échapper à l'application sélective des principes
généraux qu'il affirme et au recours à deux poids deux
mesures. Alors que c'est la RDC est la seule à connaître des
cycles de violences et une insécurité récurrentes
causées par les groupes armés nationaux et étrangers,
l'Accord lui demande de s'engager à empêcher les groupes
armés de déstabiliser ses voisins. En outre, alors que le Rwanda
et l'Uganda ploient sous une dictature féroce et pratiquent
l'intolérance, l'exclusion et l'ethnisme, c'est à la RDC, seule,
qu'il est demandé de promouvoir la tolérance, la
réconciliation nationale et la démocratisation.
Il y a lieu de souligner ici que tant que Rwanda et l'Uganda
n'auront pas organisé chez eux la réconciliation nationale et la
démocratisation, leurs conflits interethniques cycliques et
récurrents continueront à pousser leurs citoyens à
chercher refuge en RDC, à y importer leurs antagonismes interethniques
et à y entretenir un climat d'insécurité.
Enfin, on évoque les groupes armés nationaux et
étrangers sans les identifier alors que leur identité n'est un
mystère pour personne. Or, cette précision constitue un
élément essentiel dans la détermination des causes de
l'insécurité ainsi que des stratégies pour les
éradiquer. Cette carence conduit, en particulier, à traiter de la
situation d'insécurité persistante à l'est de la RDC comme
d'un problème purement congolais auquel il suffirait d'apporter une
solution congolaise. L'Accord cadre peut ensuite faire la part belle au Rwanda
et à l'Uganda et transformer leur statut d'agresseur et de pyromane en
celui d'arbitre et de pompier !
L'identification des groupes armés permet de mieux
concevoir et déterminer les solutions au problème de
l'insécurité) l'est de la RDC. Ainsi pour résoudre le
problème des groupes armés étrangers ougandais (les LRA et
les ADF/NALU actifs dans le Nord Kivu et l'Ituni), et rwandais (FDLR,
Interahamwe, présents principalement dans le Nord Kivu et le Sud Kivu),
il faut absolument qu'intervienne dans leurs pays d'origine un processus de
réconciliation nationale et la démocratisation qui favoriserait
leur rapatriement. Et pour les priver de la possibilité de participer
à toute déstabilisation de leurs pays d'origine, il faudrait les
installer loin de la frontière ou leur chercher un autre pays d'asile.
Quant aux éleveurs nomades Mbororo qui occupent une partie du Bas
Uélé et du Haut Uélé, leur retour dans leurs pays
d'origine (le Tchad, la Centrafrique et le Niger) devrait être
négocié : il requiert l'implication de ces derniers dans la mise
en place des conditions d'accueil et d'insertion de leurs ressortissants. Ces
solutions pourraient inclure l'examen de la possibilité de trouver un
pays d'asile à ceux d'entre eux qui ne souhaitent pas regagner leur
patrie.
Comme on peut le voir, la solution du problème des
groupes armés étrangers qui déstabilisent l'est de la RDC
relève d'une action à caractère sous régional ou
régional qui dépasse la responsabilité et la
compétence de la seule RDC. Même si en tant que victime la RDC a
le devoir de prendre l'initiative de la recherche des solutions, elle ne peut
porter seule cette responsabilité. Elle ne peut accepter d'être,
à la fois, la victime et le bourreau, ni de se laisser imputer la
responsabilité exclusive de l'insécurité et de
l'instabilité dans la région.
Quant aux groupes armés nationaux qui souvent naissent
de l'absence d'un État capable de sécuriser, d'organiser et
d'encadrer les populations, ils devraient faire l'objet d'une attention et d'un
traitement politiques spécifiques. Il s'agit de leur proposer des
solutions de désarmement, de démobilisation et de
réinsertion sociale. Ceci suppose l'existence d'un État
organisé et structuré, fonctionnant conformément à
la loi et aux règles de la gouvernance.
La question de la persistance et de la récurrence de
l'insécurité et de l'instabilité à l'est de la RDC
ne peut être traitée et résolue de l'extérieur, par
un processus exogène dicté au peuple et aux dirigeants congolais.
Les intellectuels et les dirigeants congolais qui justifient une telle
démarche travaillent à l'affaiblissement de l'État
congolais et participent au processus de l'infantilisation et de la mise sous
tutelle de la RDC. Ils entretiennent une des raisons fondamentales de
l'instabilité, de la stagnation et de l'insécurité en RDC,
à savoir une crise de leadership et la démission de l'État
congolais.
En effet, depuis l'accession de la RDC à
l'indépendance, le pays n'est pas arrivé à assumer et
à s'approprier sa souveraineté. Les dirigeants congolais ont pris
l'habitude de s'inféoder à l'étranger, sacrifiant ainsi le
droit du peuple à l'autodétermination et à l'autogestion
et livrant le pays à l'exploitation et à la domination
étrangères au prix de l'hypothèque de son
développement et des intérêts vitaux des populations. La
préoccupation de se maintenir au pouvoir et de jouir des
privilèges y afférents, devrait céder la pas au souci
prioritaire et primordial de l'intérêt général, de
la pérennité et de la survie du pays et du peuple. En effet, on
ne peut ni pacifier durablement, ni libérer effectivement, ni
développer authentiquement un peuple, sans lui et malgré lui.
|