A. La gestion du contrat
La gestion du contrat d'affermage nécessite un suivi de
la bonne mise en oeuvre et le respect des clauses du contrat. Néanmoins,
il y a des difficultés liées aux irrégularités dans
la sélection du fermier et d'autres inhérentes à
l'exploitation du réseau. Le constat montre clairement que les communes
ont du mal à maitriser la gestion des contrats
d'affermages55. Elles n'ont pas les moyens de recruter les cadres
techniques à la hauteur des tâches. Aussi, faudrait-il noter que
la gestion efficiente des AEV dépend de leur état de
fonctionnement. L'expérience a prouvé que les AEV
réhabilités ou nouvellement réalisés, rencontrent
moins de problème de gestion comparativement à celles qui sont
laissées dans leur état de délabrement et mise en
affermage. Parmi les difficultés de gestion, il y a le
phénomène des pertes d'eau sur le réseau. Parfois, ce sont
de réelles pertes dues à des casses répétées
de conduite ou à la vétusté des installations ou au
défaut de formation de l'exploitant. Dans ces cas, un diagnostic bien
posé permet de remédier à la situation à la
satisfaction de tous. Mais, dans certains cas, les plus fréquents, ce
sont des pertes d'eau simulées pour couvrir et compenser la mauvaise
gestion et le détournement organisés par l'équipe de
gestion. C'est le même constat que fait l'étude56 sur
la gestion des AEV dans le département du Couffo et conclut que «
Certains fermiers, arguant de pertes importantes sur le réseau, font
pression sur la commune pour que le calcul des redevances soit basé sur
le nombre de mètre cubes distribué ». En effet, selon
l'article 12 du contrat d'affermage, les redevances à payer par le
fermier sont calculées sur la production et non sur la distribution. Le
fermier sachant qu'une goutte d'eau perdue lui sera comptabilisée via le
compteur totalisateur appelé compteur tête-forage, prendra toutes
les dispositions pour éviter le gaspillage. Ce principe découle
des recommandations de la GIRE qui prône la gestion rationnelle de la
ressource et décourage le gaspillage dans l'optique de protéger
la nature et faire de l'économie aux générations futures.
Cette situation, due au manque de suivi est
55 DGEAU, Rapport de l'atelier bilan de la
maîtrise d'ouvrage communale dans le secteur de l'eau et de l'eau et de
l'assainissement, Cotonou, Rapport annuel n° RMCT 37, 2013, p. 17.
56 Dégbey DJIDJI, Problématique
de la gestion des adductions d'eau villageoise dans le département du
Couffo. Enjeux et perspectives, Mémoire de Master, Cotonou,
Institut International de Management, 2014, p. 56.
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observée dans plusieurs cas d'affermage d'AEV au niveau
des communes. Une grande quantité d'eau est noté comme perte dans
les fiches de suivi, mais la visite sur le terrain montre un sol bien sec sur
toute la trajectoire du réseau. Dans ces cas, le diagnostic ne
relève aucun dysfonctionnement sur le réseau. Le fermier est mis
en débet de rembourser tout ce qui est détourné. Si le
fermier pour ses affinités avec l'équipe dirigeante de la mairie
n'avait pas déposé la caution conformément au contrat, il
disparait et mets ainsi en difficulté la distribution de l'eau à
la population. C'est en ce moment que la structure déconcentrée
de l'Etat est appelée à jouer au sapeur-pompier alors
que l'assistance-conseils nécessaire était donné lors de
la sélection, mais la mairie avait décidé de faire
autrement.
Dans la plupart des communes du sud-Bénin où la
générosité hydrogéologique57 facilite la
prolifération des Postes d'Eau Autonomes (PEA) privés, les
fermiers sont concurrencés par les promoteurs de ces PEA qui ne
fournissent pas toujours de l'eau potable. En effet, c'est une concurrence
déloyale parce que ces ouvrages ne respectent aucune norme de technique
ni d'hygiène. Ces forages réalisés sans autorisation sont
parfois positionnés proche des sources de contamination de la ressource
comme des latrines ou des ateliers où sont déversées des
huiles de vidange. L'eau n'est pas traitée et les bombonnes de stockage
ne sont pas régulièrement entretenues. Les résultats
obtenus par une étude dans la commune de Kétou sur les PEA
privés, révèlent qu'ils ne respectent pas les normes de
potabilité. En effet, « 100% des échantillons
analysés contiennent des coliformes totaux. Dans 71,4% des
échantillons, il a été confirmé la présence
de coliformes fécaux et dans 21%, la présence de streptocoques
fécaux »58. Cela pourrait entrainer des
problèmes de santé publique. C'est donc une véritable
bombe à retardement. Les textes qui interdisent ces pratiques existent
et sont bien connus des collectivités locales, mais les maires se
résignent à ne rien faire sous prétexte qu'ils ne veulent
pas perdre leur popularité. Comme l'ont confirmé une étude
sur la prolifération des PEA privés au Bénin59
et une autre sur le dimensionnement et la gestion des AEV dans le
département de l'Ouémé60, les PEA privés
fournissent de l'eau non potable. Le phénomène est plus
développé dans les départements de l'Ouémé
et du Plateau à cause de leur proximité avec le Nigéria
où la
57 Il s'agit des milieux où l'eau souterraine
est bien disponible à des profondeurs facilement accessibles
58 KELOME N. C., DOVONOU L. et LAWANI R., «
Problématique de l'eau desservie à la population par les Postes
d'Eau Autonomes Prives dans la Commune de Ketou », J. Rech.Sci.Univ.
Lomé, 2014, vol.16, n° 1, p 16.
59 INGABIRÉ ZANNOU F.,
Phénomène des postes d'eau autonomes (PEA) privés au
Benin : Diagnostic, impacts et solutions alternatives, Mémoire de
DESS, Abomey-Calavi, Université d'Abomey-Calavi, 2006, p46.
60 LOFA G., Optimisation des choix techniques
et technologiques du dimensionnement et de la gestion des AEV du
département de l'Ouémé, Mémoire de Master,
Ouagadougou, 2ie: Institut International d'Ingénierie de l'Eau et de
l'Environnement, 2012, p. 19.
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pompe à immerger dans le forage, le réservoir en
plastique, les exhaures et autres équipements entrant dans
l'installation du système sont bon marché.
Par ailleurs, dans les cas d'AEV usagers, dans les
préalables à la mise en gestion déléguée,
l'Etat a promis, la réhabilitation des AEV ou tout au moins le
changement des équipements lourds comme le groupe
électrogène et la pompe immergée déjà
amortis dans la plupart des cas. Mais dans la précipitation de tout
mettre en affermage, les fruits n'ont plus tenus la promesse des fleurs. Les
fermiers aussi étant pressés de prendre la gestion n'ont plus
rendus cette condition sine qua non avant de démarrer quelle
qu'activité que ce soit. Le contrat d'affermage n'étant pas un
contrat de réhabilitation avant exploitation, les difficultés non
pas tardé avant de commencer à perturber le fermier qui
espérait que l'Etat allait tenir sa promesse au début de
l'exploitation. Dans cette atmosphère, le fermier ne se sent pas
accompagné comme convenu. Avec ces difficultés, il commence par
rater le payement des redevances. La mairie ne veut pas connaitre de ces
difficultés. Elle pense que le fermier doit honorer son engagement parce
qu'il n'y a pas de force majeure. Le fermier de son côté
considère les grosses pertes d'eau, la concurrence déloyale et
autres situations comme des cas de force majeure. Si une médiation n'est
pas entreprise, ces différends perturbent la distribution de l'eau aux
usagers.
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