SECTION 2 : Pour un aménagement politique et
institutionnel adéquat
Le contenu actuel du traité de l'UEMOA paraît
moins favorable au développement des politiques portant sur la formation
et l'emploi car, les choix des politiques doit prendre en compte la
géopolitique actuelle de la sous-région. De toute
évidence, à la lecture du contexte de développement actuel
des pays de l'Afrique de l'ouest, la superposition d'organisations
communautaires joue contre l'UEMOA. C'est pourquoi, les Etats ont l'obligation
de consolider l'Organisation (Paragraphe 1) afin non seulement
de lui éviter la dispersion et les pertes de temps, mais aussi de lui
permettre d'atteindre une standardisation plus efficace (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La consolidation de l'Organisation
Pour renforcer la notoriété de l'Union sur le
continent et lui permettre la réalisation de ses politiques, il va
falloir que les Etats membres limitent leur appartenance à d'autres
communautés ayant les mêmes objectifs qu'elle. En effet, la
limitation du foisonnement des organisations dans la sous-région
(A) est nécessaire. Cela va permettre la maîtrise
du suivi et le renforcement des politiques liées à la formation
et à l'emploi au sein de l'UEMOA (B).
83
L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
A- La nécessaire limitation du foisonnement des
organisations dans la sous-région
Depuis longtemps, l'Afrique a manifesté un grand besoin
de coopération entre les Etats. Les responsables politiques ont pris
conscience des avantages liés à l'intégration
régionale et leurs ambitions ont donné lieu à une
prolifération330, sur le continent d'accords régionaux
instituant une pléthore d'organisations. Mais, malgré les efforts
consentis, ces regroupements331 n'ont pas encore donné les
résultats escomptés332 parce que la multiplication des
organisations communautaires diminue la capacité des Etats à
coordonner les besoins sociaux des citoyens. Nonobstant la volonté
manifeste de l'UA de canaliser la dynamique coopérative et de
maîtriser sur le continent le régionalisme institutionnel, le
volontarisme333 des Etats a néanmoins conduit à un
foisonnement d'organisations sous-régionales334. De
ce constat qui, cependant, est très pertinent, on peut tirer quelques
leçons telles que l'amenuisement des efforts des organisations
communautaires africaines à l'atteinte de leurs l'objectifs. Par
exemple, dans la sous-région ouest africaine, l'UEMOA et la CEDEAO
s'imbriquent entre elles sur leurs objectifs et leur vision. En effet, la
"jalousie" de mieux protéger son espace amène les organisations
à limiter la mise en oeuvre de la politique de liberté de
circulation. Cette imbrication de ces deux organisations communautaires ne
participe pas à l'éclosion des capacités des citoyens
à créer plus de richesses synonymes de création
d'emplois.
La multi-appartenance des Etats africains à plusieurs
communautés régionales est souvent coûteuse pour les Etats
et explique les nombreux chevauchements observés335. Dans
cette condition, la dispersion des moyens
330 Entre les années 1960 et les années 1980, il
y a eu plus de 200 initiatives inter-gouvernementales de coopération, et
plus de 120 initiatives bilatérales ou multinationales pour des secteurs
uniques. Cf. GBAGUIDI (Ochozias A), « Cinquante ans d'intégration
régionale en Afrique : Un bilan global », Techniques
financières et développement, 2013, p. 49.
331 Au total, sur les cinquante-quatre pays africains,
vingt-sept sont membres de deux groupements régionaux, dix-huit
appartiennent à trois groupements, un pays est membre de quatre
groupements et enfin huit pays seulement ne sont membres que d'un seul
groupement. Cf., op. cit., p. 51.
332 Op. cit., p. 47.
333 Courant théorique en droit international dont le
postulat est que le droit est fondé sur la volonté des Etats.
Cf. CORTEN (Olivier), Méthodologie du droit international
public, Bruxelles, édition de l'Université de Bruxelles,
2009, p. 21.
334 AÏVO (Frédéric Joël), op. cit.,
p. 493.
335 GBAGUIDI (Ochozias A), ibidem.
84
L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
et des compétences dans une toile indescriptible des
organisations d'intégration chevauchantes est néanmoins de nature
à atténuer voire détruire l'efficacité
affichée de celles-ci. Elle constitue alors une fragmentation
supplémentaire des regroupements avec le risque d'éparpillement,
d'incohérence et de conflit que cela implique336. Or, cette
dispersion de ressources peut être économisée et
utilisée pour résoudre les problèmes de la jeunesse qui a
besoin d'être formée car, on constate le plus souvent une
duplication des projets et programmes, mais cela ne peut pas continuer ad
vitam aeternam337.
Toutefois, la commission de l'UEMOA, forte des atouts
incontestables dont elle dispose en raison de ses programmes et projets
très concrets dans le domaine de la formation et de l'emploi a su
imprimer une avance à l'union sur les autres organisations
communautaires africaines. Dans une vision prospective, l'UEMOA a
anticipé au risque d'être surprise par une décision non
avenue, car quoi que l'on dise, il existe une "rivalité" entre ces deux
organisations-phares d'intégration régionale en Afrique de
l'Ouest.
B- Le renforcement des politiques de la formation et de
l'emploi Chaque année de milliers de diplômés
arrivent sur le marché du travail. Cela traduit l'efficacité des
politiques d'accès à l'éducation et à la formation
des citoyens de l'espace. Cette montée d'un nombre important de
personnes formées rime avec un cruel manque de qualification
nécessaire pour permettre leur positionnement sur le marché du
travail338. En effet, non seulement les formations reçues ne
correspondent plus aux besoins du marché du travail qui est en
permanente évolution, mais aussi et surtout le diplôme à
lui seul ne suffit plus pour décrocher automatiquement un
emploi339. Dans ces conditions, la politique de l'Union en
matière de formation doit être revue de telle sorte que les
prestations relatives à
336 SOW (Abdoulaye), op. cit., p. 360.
337 SAWADOGO (Fatoumata), op. cit., p. 138.
338 OEF, « Enquête Nationale sur la formation dans
l'enseignement supérieur, les lycées techniques et les centres de
formation professionnelle et d'apprentissage eu Bénin », 2019, p.
17.
339 Ibidem.
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L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
l'éducation et à la formation soient utiles aux
citoyens340. Car, il serait bien de faire en sorte que ces droits
soient une réalité pour les citoyens mais, moins utile si ceux-ci
sont dans l'incapacité de faire valoir ce droit en ayant accès
à un emploi.
Eu égard à ses remarques, les politiques de
l'Union dans les domaines de la formation et de l'emploi ne doivent pas se
limiter à une harmonisation des normes des formations académiques
des universités et des centres universitaires et sur une
égalité de traitement des étudiants341. Elles
doivent donc tenir compte du dysfonctionnement des systèmes
éducatifs des Etats membres en les rendant plus professionnels à
l'effet de favoriser une meilleure valorisation des ressources humaines.
Pour résoudre le problème de
l'inadéquation de la formation et les besoins des entreprises, l'Union,
en appuyant les travaux du Cadre de Concertation des Ministres de l'Emploi et
de la Formation Professionnelle (CCMEFP) pourra renforcer les politiques de la
formation de l'emploi. En effet, face aux difficultés qui sont
semblables et complémentaires au niveau de tous les Etats membres de
CCMEFP, il urge de trouver dans le cadre communautaire qui les réunit
des solutions et ressources nécessaires en vue de la résolution
des problèmes qui se posent aux Etats membres. Le CCMEFP depuis dix
années, tient de façon régulière ses instances.
Cela traduit la force majeure qu'il représente en matière de la
formation et de l'emploi pour l'Union. Cette force s'explique non seulement par
un fort engagement des Etats mais aussi par leur volonté de
fédérer les énergies à travers le partage des
expériences et la mutualisation des efforts en vue de les
consolider342. Pour inverser la tendance de l'inadéquation de
la formation et de l'emploi, les Etats de l'Union à travers le Cadre,
ont proposé l'expérimentation dans l'espace UEMOA du concept des
collèges communautaires343
nord-américains344, de la mise en place d'un cadre
communautaire de certification
340 Cf. La Charte Africaine des droits de l'Homme et des
Peuples.
341 Cf. Les directives N°02/2007/CM/UEMOA,
N°03/2007/CM/UEMOA et N°01/2005/CM/UEMOA, op. cit.
342 UEMOA, « Rapport : 9ème
Conférence des Ministres du Cadre de Concertation des Ministres en
charge de l'Emploi et de la Formation Professionnelle de l'espace UEMOA »,
Ouagadougou, 28 septembre 2018, p. 3-4.
343 Ibidem.
344 Le diplôme issu des collèges communautaires
au Canada est généralement le grade d'associé pour des
programmes à durée de deux ans. Le Collège d'Enseignement
Général Et Professionnel (CÉGEP), au Québec
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L'harmonisation des normes relatives à la
formation et à l'emploi dans l'espace UEMOA
des compétences professionnelles afin de faciliter la
mobilité professionnelle entre Etats et d'une plateforme de
mutualisation345.
Toutefois, pour que les textes soient plus contraignantes aux
Etats membres et les obliger à appliquer les normes à
éditer sur la formation et l'emploi, l'Union doit cesser
d'émettre dans ces matières des directives mais produire des
règlements. En effet, les règlements ont une portée
générale et sont obligatoires dans tous leurs
éléments et sont applicables dans tout Etat membre346.
Ce serait une initiative audacieuse qui va mieux participer au renforcement des
dispositifs normatifs de l'Union.
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