Parties à l'ONU
529. Structure et missions. L'ONUDC est un
organe du Secrétariat des Nations-Unies, créé en 1997. Cet
Office a pour mission d'aider les Etats membres de l'ONU dans un objectif de
sécurité des personnes et des biens contre la grande
criminalité, la drogue et le terrorisme.
530. Formation de juristes en amont des
frontières de l'espace Schengen. Par exemple, l'ONUDC est tout
à fait compétent pour « former des juristes en Afrique de
l'Ouest à la coopération judiciaire internationale pour renforcer
la lutte contre la traite des êtres humains et le trafic illicite de
migrants »544, pays de départ des organisations
criminelles de trafiquants d'êtres humains et de faux documents
d'identité. Cette capacité à former des juristes dans les
pays de départ des filières d'immigration illégale peut
être considérée comme une surveillance policière en
amont des frontières de l'espace Schengen545.
544
https://www.unodc.org/unodc/fr/frontpage/2019/February/unodc-trains-west-african-criminal-justice-practitioners-on-international-judicial-cooperation-to-enhance-fight-against-human-trafficking-and-smuggling-of-migrants.html?ref=fs4;
545
https://www.unodc.org/unodc/en/aboutunodc/index.html?ref=menutop
: « Les trois piliers du programme de travail de l'UNODC sont les suivants
: projets de coopération technique sur le terrain visant à
renforcer la capacité des États Membres de lutter contre les
drogues illicites, la criminalité et le terrorisme ; travaux de
recherche et d'analyse visant à accroître la connaissance et la
compréhension des problèmes liés à la drogue et au
crime et à élargir la base de données factuelles pour les
décisions politiques et opérationnelles ; activités
normatives visant à aider les États à ratifier et à
appliquer les traités internationaux pertinents, à
élaborer une législation nationale sur les drogues, le crime et
le
531.
182
Aide à la diffusion d'informations.
Pour assurer une surveillance de tous les Etats membres de l'ONU,
l'ONUDC promeut la facilitation « de la diffusion d'informations sur la
mise en oeuvre de la Convention des Nations-Unies contre la criminalité
transnationale organisée et plus particulièrement du Protocole
contre le trafic illicite de migrants par terre, mer et air
»546, et du Protocole visant à prévenir,
réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et
des enfants.
532. Coopération technique sur le terrain :
sécurisation des documents d'identité et de voyage aux
frontières. L'UNODC va assurer notamment une coopération
technique sur le terrain pour renforcer la capacité des Etats membres
à lutter contre les filières de traite des êtres humains et
du trafic illicite de migrants au sein desquels des trafiquants sont
spécialisés dans la fabrication de faux documents
d'identité.
533. En ce sens, les articles 12 et 13 du Protocole
additionnel à la Convention des Nations-Unis contre la
criminalité transnationale organisée visant à
prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, sanctionne
la fraude documentaire intégrée dans un groupe criminel
transnational. Au regard de l'article 12 du présent Protocole, entendu
dans sa globalité, chaque Etat partie doit prendre les mesures
nécessaires sur la qualité de sécurisation des documents
de voyage ou d'identité pour « empêcher qu'ils ne soient
créés, délivrés et utilisés illicitement
». Or, l'ONUDC va apporter sa coopération technique aux agents
faisant partie des bureaux de lutte contre l'immigration illégale pour
accompagner la mise en place d'une surveillance policière des Etats
parties dans la sécurisation des documents d'identité et de
voyage, aux frontières.
534. Portée du Protocole additionnel contre le
trafic illicite de migrants par terre, mer, et air sur la répression des
filières d'entrée. En outre, entre dans le champ
d'application du Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants
par terre, mer et air, la répression à l'encontre des
filières de migrants clandestins comportant des trafiquants de faux
documents d'identité. Le vocable « filière » s'inspire
de l'expression « entrée illicite » régie à
l'article 3 b) du présent Protocole qui « désigne le
franchissement de frontière » illégale du territoire d'un
Etat partie. Cette entrée
terrorisme et à fournir des services de
secrétariat et des services fonctionnels aux organes conventionnels et
aux organes directeurs ».
546
https://www.unodc.org/unodc/en/human-trafficking/index.html?ref=menuside
183
illégale peut être accompagnée d'usage de
faux documents d'identité par les clandestins, ce que le Protocole
réprime à l'article 3 c)547. Les articles 12 et 13 du
présent Protocole sanctionnent en des termes similaires ce qui est
déjà prévu au sein du Protocole additionnel de lutte
contre la traite des êtres humains.
535. Bilan. A partir de ces dispositions,
l'ONUDC va apporter une coopération technique aux autorités
répressives des Etats parties, notamment sur les passages frontaliers
poreux laissant passer un trafic illicite de migrants comportant en son sein
des trafiquants de faux documents. En ce sens, l'ONUDC organise des formations
de sensibilisation pour les gardes-frontières situés aux
frontières aériennes, maritimes et terrestres sensibles dans les
pays d'origine manquant de moyens, en vertu de l'objectif de «
sécurisation des frontières » régi à l'article
11 du Protocole additionnel de lutte contre la traite des êtres
humains.
536. Transition. D'autres acteurs
internationaux non-onusiens viennent apporter des informations cruciales sur la
détection de filières de faux documents d'identité
situées dans les pays d'origine, ou de transit avant d'atteindre le sol
européen.
2. Les autres acteurs internationaux non-onusiens
participant à une surveillance policière sur les trafiquants
avant leur arrivée sur le territoire européen
537. Bases de données et gouvernance
migratoire. Une surveillance policière internationale est
entreprise par l'inscription sur une base de données de toute personne
suspectée de faire partie d'un réseau organisé lié
à la fabrication de faux documents d'identité. C'est la mission
de l'organisation internationale de police criminelle (Interpol), qui couvre
une surveillance policière informatique au niveau international sur les
trafiquants experts en faux documents d'identité (a). Le Centre
international pour le développement de politique migratoires (CIDPM),
organisation intergouvernementale renforcée entre un petit nombre
d'Etats, a pour objectif de mettre en place le renforcement des
capacités d'une gouvernance migratoire (b).
547 L'article 3 c) i du Protocole additionnel contre le trafic
illicite de migrants par terre, mer et air dispose que « l'expression
document de voyage ou d'identité frauduleux désigne tout document
de voyage ou d'identité qui a été contrefait ou
modifié de manière substantielle par quiconque autre qu'une
personne ou une autorité légalement habilitée à
établir ou à délivrer le document de voyage ou
d'identité au nom d'un État , qui a été
délivré ou obtenu de manière irrégulière
moyennant fausse déclaration, corruption ou contrainte, ou de toute
autre manière illégale; qui est utilisé par une personne
autre que le titulaire légitime ».
184
a) Interpol assurant une surveillance policière
informatique au niveau international sur les trafiquants experts en faux
documents d'identité
538. Partage de données policières non
opérationnelles entre les Etats Parties. Interpol « compte
194 pays membres et est ainsi la plus grande organisation policière au
monde »548, depuis l'adoption du Statut de Vienne le 13 juin
1956. Tous ces Etats collaborent grâce à des bureaux centraux
nationaux, et avec le Secrétariat Général d'Interpol
« en partageant des données policières
»549.
539. Application aux utilisateurs de faux documents
d'identité. Concrètement, les bureaux nationaux des
Etats Parties au Statut de Vienne s'échangent des données
policières non opérationnelles, en vue de permettre le
signalement d'individus dangereux, notamment des criminels qui utilisent de
faux documents d'identité pour avoir « la liberté de se
déplacer »550. « L'usage frauduleux de documents
d'identité et de voyage (qu'ils soient contrefaits, falsifiés ou
simplement non officiels) constitue une grave menace pour les personnes et la
société tout entière. Les récentes
évolutions technologiques dans les domaines de la photographie, de
l'informatique et de l'impression ainsi que la disponibilité de
matériel à bas prix facilitent les activités de
falsification »551.
540. Surveillance policière à distance
sur la détection de la falsification des faux documents
d'identité. Pour s'adapter aux trafiquants de faux documents
d'identité, Interpol participe à la mise en place d'une
surveillance policière à distance, qui est nécessaire.
Ainsi, « les services chargés de l'application de la loi doivent
maîtriser des compétences de plus en plus techniques. C'est
pourquoi Interpol met à leur disposition des outils sophistiqués,
des bases de données globales et des formations pratiques sur
l'identification de faux billets et documents »552. Interpol
vient donc aider à la détection de la falsification de faux
documents d'identité avec de nombreux outils techniques «
permettant aux pays membres d'effectuer des vérifications dans nos
bases
548
https://www.interpol.int/fr/Qui-nous-sommes/Les-pays-membres
549 Ibid.
550
https://www.interpol.int/fr/Infractions/Faux-monnayage-et-documents-de-securite
551 Ibid.
552 Ibid.
185
de données et ressources de référence sur
le terrain, que ce soit dans un aéroport, un port maritime ou aux
frontières »553.
541. Bases de données répertoriant les
documents signalés. Voici les bases de données Interpol
mises à disposition des Parties : la base de données Interpol
répertoriant les documents de voyages volés ou perdus,
volés vierges et invalidés, la base de données «
Dial-Doc » qui permet aux pays de partager des alertes sur les nouveaux
modus operandi de falsification des documents554, la base
de données « Edison TD » catalogue les photos des documents
d'identité et de voyage authentique ; la base de données «
DISCS » enregistre tous les documents d'états
civils555.
542. Portée du projet S-Print.
Interpol est aussi l'initiative du projet S-Print. Ce
projet, « qui réunit la communauté des services
chargés de l'application de la loi et le secteur de l'impression
sécurisée dans le but d'enrayer la prolifération de la
fausse monnaie et des faux documents de sécurité à
l'échelle mondiale, vise à empêcher les réseaux
criminels organisés de se doter du matériel pouvant être
détourné à des fins de contrefaçon
»556.
543. Recherche sur les traits d'encre. En
parallèle à ce projet, Interpol dispose de chercheurs sur «
la recherche avancée sur les traits d'encre »557, ce qui
accentue les connaissances en la matière pour les enquêteurs. Ce
projet vient renforcer les systèmes d'échanges de données
déjà existantes.
544. Bilan. En somme, grâce à
de nombreux outils d'échanges d'informations disponibles pour les forces
de polices, et grâce à la présence des bureaux nationaux
dans les Etats parties au Statut de Vienne, Interpol opère une
surveillance policière d'envergure sur l'enregistrement de
données de criminels dangereux disposant avec eux de documents
falsifiés, qui pourraient se situer en amont de l'espace Schengen.
553
https://www.interpol.int/fr/Infractions/Faux-monnayage-et-documents-de-securite/Fraude-aux-documents-d-identite-et-de-voyage
554
https://www.interpol.int/fr/Infractions/Faux-monnayage-et-documents-de-securite/Fraude-aux-documents-d-identite-et-de-voyage.
Le vocable « Dial-Doc » ouvre la déduction de la mise en place
d'un dialogue entre les pays membres sur les documents d'identité et
voyage.
555 Ibid.
556
https://www.interpol.int/fr/Infractions/Faux-monnayage-et-documents-de-securite/Projet-S-Print
557
https://www.interpol.int/fr/Infractions/Faux-monnayage-et-documents-de-securite/Recherche-avancee-sur-les-traits-d-encre
186
b) Le CIDPM à l'initiative d'un renforcement des
capacités policières face aux risques des filières
d'entrée de faux documents d'identité
545. Etats concernés. Le CIDPM est
traduit de l'anglais « International center for migration policy
developpment ». C'est une organisation intergouvernementale
fondée en 1993 à Vienne, en Autriche. Elle compte actuellement
dix-sept Etats membres, dont quatre ne faisant pas partie de l'Union
européenne et de l'espace Schengen : la Bosnie-Herzégovine, la
Serbie, la République de Macédoine, et la Turquie. Or, certains
de ces pays connaissent de près ou de loin la « route des Balkans
», passage transportant en grande partie des réseaux criminels
organisés, avec le risque d'y trouver des filières
spécialisées dans la fraude documentaire.
546. Gouvernance globale sur les filières
d'entrée. CIDPM a vocation à coopérer avec les
gouvernements, les organisations internationales, les instituts de recherches
et les membres de la société civile dans le but de « mettre
en place une gouvernance des migrations globale, durable et tournée vers
l'avenir et applique une approche en trois volets : renforcement des
capacités, dialogues sur les migrations et recherche
»558. « En tant que facilitateur de plusieurs dialogues
sur la migration, CIDPM occupe une position unique en termes de réseaux
et de connaissances régionaux, ainsi que de portée
géographique et thématique »559.La mise en place
de dialogues autour de la gestion migratoire s'intéresse notamment
à la « gestion des frontières »560 et
à la prévention et la réduction de la « migration
irrégulière »561. C'est en cela qu'elle organise
une politique de surveillance policière sur ces types de réseaux
criminels facilitant l'entrée illicite de migrants sur un territoire.
547. Publication de notes politiques sur la gestion
des frontières. Le CIDPM publie régulièrement des
« notes de politiques »562 ayant une vocation
internationale. En ce sens, dans la note intitulée «Policy
Brief : Crossing Borders in the next 15 years : How should and will border
management develop ?», l'auteur développe des
recommandations
558
https://www.icmpd.org/our-work/
559 Ibid.
560 Ibid.
561 Ibid.
562
https://www.icmpd.org/publications/policy-briefs/
: « Les notes de synthèse ICMPD sont des analyses politiques
clés sur des questions liées à la migration qui
fournissent des informations de base et des recommandations aux
décideurs et aux membres du monde universitaire ».
187
policières sur une nouvelle approche de gestion des
frontières. La recommandation n°3prévoit que la
coopération bilatérale et multilatérale devrait être
renforcée dans le domaine de la gestion des frontières, à
la fois à la frontière et en dehors.
548. Exigence de réciprocité de partage
des ressources ou de compétences sur l'identification de documents
frauduleux. Cependant, une telle coopération devrait exiger que
le partage des ressources ou des compétences soit réciproque, en
fonction des besoins et des compétences de chaque personne
engagée. Par exemple, des visites d'études du pays X dans le pays
Y pour apprendre l'approche de Y à la gestion des frontières dans
le contexte maritime pourraient être organisées lors d'un atelier
de formation sur l'identification de documents frauduleux provenant de la
région du pays X563.
549. Application nécessaire dans les ex-pays
des Balkans. En pratique, cette politique de partage des ressources,
de compétences policières entre les Etats membres du CIDPM,
devrait s'étendre aux ex-pays des Balkans. En ce sens, un Etat de
l'Union européenne faisant partie du CIMPD pourrait organiser des
visites d'études dans les pays tiers non ressortissants de l'Union
européenne faisant aussi partie des CIDPM - la
Bosnie-Herzégovine, la Serbie, la République de Macédoine,
la Turquie - pour apprendre à ces pays une meilleure gestion des
frontières dans un contexte maritime par exemple : mise en place
d'ateliers de formation et de détection de documents frauduleux en
provenance de la région des pays des Balkans. Une surveillance
policière intergouvernementale pourrait s'acheminer vers une meilleure
appréhension des trafiquants de faux documents en provenance des pays de
l'Est désirant rejoindre les portes de l'Espace Schengen. En somme, le
CIDPM exerce une surveillance policière en amont des Etats Schengen sur
les filières d'entrée spécialisées dans la fraude
documentaire en proposant des recherches empiriques interdisciplinaires et
internationales, et des dialogues sur la migration entre les différents
Etats membres, notamment par l'augmentation d'une capacité de formation,
d'ateliers et de visites d'études internationaux et
interinstitutionnels.
563 HENDOW (M.), «Policy Brief: Crossing Borders in
the next 15 years: How should and will border management
develop?»Background Paper. Vienna : ICMPD., February 2018, p. 8.
550.
188
Transition vers l'étude de la dimension
européenne. Par nature, la dimension internationale d'une
surveillance policière sur les filières d'entrée
d'immigration illégale et/ou de traite des êtres humains expertes
dans la falsification de documents d'identité intègre
nécessairement une dimension européenne. Or dans cette dimension
européenne d'autres acteurs vont prendre le relais, dans
l'hypothèse où les filières viendraient à
échapper à la surveillance des instances internationales.
B) Une surveillance policière européenne
renforcée aux frontières extérieures de l'Union
européenne sur les filières d'entrée de faux documents
d'identité
551. Efficacité européenne. La
surveillance policière à l'échelle de l'Europe à
l'encontre des réseaux criminels spécialisés dans la
fraude documentaire s'exerce sous deux volets tout aussi efficaces l'un que
l'autre : d'abord, l'Agence Europol exerce une surveillance policière
non opérationnelle sur les frontières extérieures de
l'Union européenne (1), pendant que l'Agence Frontex organise une
surveillance policière opérationnelle sur ces mêmes
frontières (2).
1. Une surveillance policière non
opérationnelle sur les filières d'entrée de faux documents
d'identité aux frontières extérieures de l'Union
Européenne exercée par l'Agence Europol
552. Suivi non opérationnel des trafiquants de
faux documents d'identité. L'Agence Europol est une agence
européenne de police criminelle qui a pour objectif de faciliter
l'échange de renseignements entre les polices nationales des Etats
membres de l'Union européenne, notamment dans le domaine de la
criminalité organisée. Elle facilite ainsi indirectement, de
manière non opérationnelle, le signalement et le suivi d'un
trafiquant de faux documents d'identité se trouvant par exemple au sein
d'une filière d'immigration illégale à l'entrée de
l'Espace Schengen.
553. Intérêt de l'accès au SIS.
Les autorités nationales des Etats Schengen ont accès au
SIS première génération, et au SIS deuxième
génération (SIS II). En ce sens l'exploitation et l'utilisation
des données inscrites sur le SIS concernent Europol et tous les Etats
Schengen « aux fins de surveillance discrète ou de contrôle
spécifiques » selon l'article 99 de la CAAS.
554.
189
Action rayonnante d'Europol. Mais l'action
d'Europol ne se limite pas seulement aux frontières extérieures
de l'Espace Schengen, puisqu'elle concerne les frontières
extérieures des Etats membres de l'Union européenne dans son
ensemble. L'échange des renseignements sur de potentiels trafiquants de
faux documents d'identité intégrés à une
filière d'immigration illégale et/ou de traite des êtres
humains, ou lié à une filière de prostitution,
s'étend ainsi à la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie, Etats
membres qui ont pourtant décidé de conserver le contrôle
à leurs frontières564.
555. Système information Europol : centrale
d'informations et de renseignements. C'est le Système
information Europol qui est la « base de données centrales
d'informations et de renseignements criminels »565 d'Europol.
Ce système de renseignements couvre tous les domaines de la
criminalité grave. « Le Système Information Europol est
utilisé par les fonctionnaires d'Europol, les agents de liaison des
États membres et les experts nationaux détachés en poste
au siège d'Europol, ainsi que par le personnel des unités
nationales d'Europol et des autorités compétentes des
États membres. En outre, certains partenaires de coopération
d'Europol peuvent stocker et interroger des données via le
centre opérationnel d'Europol »566. Ce système
permet donc de combler une possible lacune sur la transmission de
données Europol avec les polices criminelles des Etats membres de
l'Union européenne non Schengen.
564 « Dans le cadre de l'Union européenne,
l'espace Schengen n'a commencé à être mis en oeuvre qu'en
1995, soit dix ans après les accords signés au Luxembourg qui
organisaient l'ouverture des frontières entre les Etats parties à
la convention. Les Etats signataires ont en effet attendu
l'établissement du SIS, comprenant un fichier commun des persona non
grata, c'est-à-dire susceptibles d'avoir commis ou de commettre des
délits ou des crimes, dans le périmètre de l'espace
Schengen. Mais ce SIS ne pouvait être totalement efficient que si le Code
frontières Schengen était appliqués par tous les pays
membres, et plus précisément aux frontières
extérieures communes. Or, cela n'a guère été le
cas, comme l'on montré les attentats islamistes commis en Europe,
à partir de 2015, par des personnes entrées sans contrôle.
D'où, en 2015, la décision de rétablir le contrôle
aux frontières terrestres prise par plusieurs pays de l'espace Schengen
dont l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Suède et le Norvège
» et par la suite la France. « Certes de tels rétablissements
étaient prévus par les règles Schengen, mais pour des
durées limitées. Or, des prolongations, toujours en cours, sont
intervenues, au-delà de la durée autorisée par le code
Schengen »., V. DUMONT (G.-F), « Des migrations
incontrôlées ? », Le nouveau désordre
international, Question internationale, La documentation française,
n° 85-86 mai-août 2017, p. 60-61.
565
https://www.europol.europa.eu/activities-services/services-support/information-exchange/europol-information-system
566 Ibid.
556.
190
Couverture policière par l'échange de
renseignements effectué aux frontières extérieures de
l'Union européenne. Ainsi, Europol exerce donc une couverture
de surveillance policière par l'échange de renseignements sur
toutes les frontières extérieures de l'Union européenne,
ce qui permet de prévenir d'éventuelles atteintes à la
sécurité publique de l'Union européenne, en sachant
qu'Europol peut, à l'initiative d'une demande faite par les Etats
membres, ouvrir une enquête policière conjointe pour
appréhender un suspect qui se trouverait à l'intérieur de
l'Union européenne.
557. Transition vers une surveillance
policière opérationnelle. Pour venir appuyer cette
surveillance policière effectuée par le transfert de
données entre les polices nationales des Etats membres, des
équipes policières opérationnelles sont guidées par
l'Agence Frontex, Agence qui peut être considérée comme un
corps de police européen opérationnel veillant aux
frontières extérieures de l'Union européenne.
2. Une surveillance policière opérationnelle
sur les filières d'entrée de faux documents d'identité
aux frontières extérieures de l'Union Européenne
facilitée par l'Agence Frontex
558. Surveillance des biens et des personnes aux
frontières de l'Union européenne. L'Agence Frontex
exerce une surveillance des personnes et des biens aux frontières de
l'Union européenne. Effectivement, « l'objectif premier de tout
contrôle migratoire tient aux questions de sécurité, car la
tâche régalienne essentielle de tout pouvoir est d'assurer la
sécurité des personnes et des biens sur le territoire où
il s'exerce. Il doit donc vérifier qui immigre, et refuser
l'entrée à toute personne considérée comme
susceptible de porter atteinte à cette sécurité
»567.
559. Surveillance policière spécifique
à la gestion intégrée des frontières
extérieures. Une surveillance policière
générale est exercée par les fonctionnaires d'Europol,
mais une réelle surveillance policière spécifique à
la gestion des frontières extérieures de l'Union
européenne est confiée à l'Agence Frontex. La
déontologie de son action est prévue au sein du Règlement
du 14 septembre 2016 « relatif au corps
567 DUMONT (G.-F), « Des migrations
incontrôlées ? », préc., p. 60-61.
191
européen de garde-frontières et de
garde-côtes »568. Ce Règlement instaure un
véritable principe de gestion intégrée des
frontières au sens de l'article 4 a) à l'article 4 k), pour
éviter « [l'] immigration incontrôlée
»569. Ce principe se décompose en plusieurs missions :
les opérations de recherche et de sauvetage des personnes en
détresse en mer, l'analyse des risques pour la sécurité
intérieure et pour la sécurité des frontières
extérieures, la coopération entre les Etats membres mais aussi
avec les Etats tiers et le retour des ressortissants des Etats tiers, puis
surtout le contrôle aux frontières stricto sensu
prévu à l'article 4 a) du Règlement.
560. Intégration de la surveillance
policière des trafiquants d'identité faisant partie de
filières d'entrée. Selon l'article ci-dessus
énoncé, le contrôle aux frontières concerne
notamment « les mesures liées à la prévention et
à la détection de la criminalité transfrontalière,
tels que le trafic de migrants, la traite des êtres humains et le
terrorisme », hébergeant dans certaines situations des trafiquants
de faux documents d'identité. Ainsi, ces mesures de prévention et
de détection participent indéniablement à un processus
vertueux de surveillance policière d'intérêt public
à l'échelle de l'Union européenne.
561. Renforcement de l'assistance technique et
opérationnelle .Pour que cette surveillance policière
aux frontières soit effective et pour assurer un suivi effectif des
contrôles aux frontières, l'Agence Frontex met à
disposition au sein des Etats membres des officiers de liaison selon l'article
8 c), et elle peut même aller jusqu'à apporter son concours «
dans les situations qui exigent une assistance technique et
opérationnelle renforcée aux frontières
extérieures, en coordonnant et en organisant des opérations
conjointes » avec les Etats membres. Cette assistance technique et
opérationnelle renforcée, assimilable à une surveillance
policière, se concrétise
568 Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement
européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps
européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant
le Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et
abrogeant le Règlement (CE) n° 863/2007 du Parlement
européen et du Conseil, le Règlement (CE) n° 2007/2004 du
Conseil et la décision 2005/267/CE du Conseil.
569 DUMONT (G.-F), « Des migrations
incontrôlées ? », préc., p. 67 : « Par exemple,
la police de l'air et des frontières de l'aéroport de
Roissy-Charles-de-Gaulle n'effectue des contrôles systématiques
à la sortie des avions que pour certains vols internationaux qui
atterrissent à Roissy ». « Depuis le début des
années 2010, des pays européens ont laissé entrer sans
contrôle des centaines de milliers de migrants ayant transité par
la Turquie ou la Lybie. Souvent présenté comme le résultat
d'une attitude humanitaire, c'est en réalité davantage la
pression du nombre qui est la cause principale - comme cela avait
été le cas en 1989, à la frontière
austro-hongroise, avec les ressortissants d'Allemagne de l'Est ». C'est
pour cette raison que l'Agence Frontex joue un rôle primordial pour
optimiser la gestion du nombre de migrants arrivant au sein de l'Union
européenne.
192
notamment par le déploiement des équipes du
corps européen de gardes-frontières et de garde-côtes,
à la demande d'un Etat membre, lorsque le contrôle devant
être effectué sur son territoire doit s'opérer dans
l'urgence570, en application des article 8 et 14 du présent
Règlement571.
562. Coopération renforcée entre Agences.
Plus encore, au regard de l'article 8
m) dudit Règlement, l'Agence Frontex a pour missions
« de coopérer avec Europol et Eurojust et d'assister les
États membres dans les situations qui exigent une assistance technique
et opérationnelle renforcée aux frontières
extérieures dans la lutte contre la criminalité organisée
transfrontalière ».
563. Corps de police européen sur les
filières d'entrée. Ainsi, le corps européen des
garde-côtes et des gardes-frontières constitue la colonne
vertébrale d'un nouvel espace de police et de justice, applicable aux
filières d'entrée d'immigration illégale hébergeant
des trafiquants de faux documents.
564. Optimisation des missions de surveillance.
Afin que ses missions opérationnelles de surveillance aux
frontières soient optimales sur la frontière d'un Etat membre
subissant l'arrivée d'une filière criminelle
spécialisée dans la fraude documentaire, le corps européen
de garde-côtes et de garde-frontières peut s'appuyer sur les bases
de données inscrites à Europol tel que le SIS II et le
Système Information Europol. Si l'Agence le juge nécessaire, elle
peut en informer Eurojust pour qu'une enquête judicaire soit ouverte dans
les plus brefs délais. Le ou les Etats membres concernés par les
opérations de contrôles aux frontières peuvent être
assistés, dans le cas d'une urgence, par un corps de police
détaché de l'Agence Frontex. En ce sens, il existe une
véritable police européenne aux frontières avec une
déontologie de travail commune dans la lutte contre la
criminalité organisée au sens large, et dans la lutte
570 Voici l'exemple d'une situation d'urgence
nécessitant l'appui des effectifs détachés de l'Agence
Frontex : « la migration irrégulière peut s'exercer dans le
cadre d'une migration clandestine, le plus souvent avec l'aide de passeurs, ou
forcée, c'est-à-dire impliquant un recours à la force,
avec destruction ou dégradation des infrastructures défensives
installées à la frontière. Elle se produit encore de nos
jours périodiquement aux barrières de Ceuta et Melilla, les
migrants sachant que ceux qui sont parvenus à passer la frontière
ont peu de risques d'être expulsés »., V. DUMONT (G.-F),
« Des migrations incontrôlées ? », préc., p.
68.
571 En cas de flux migratoires disproportionnés
arrivant sur les frontières d'un Etat membre de l'Union
européenne, ce dernier doit être dans la possibilité de
pouvoir compter sur des équipes opérationnelles en provenance de
l'Agence, d'Europol et d'autres agences de l'Union européenne, en vertu
du § 25 du Préambule du Règlement Frontex.
193
contre les filières d'entrée de trafiquants de
faux documents d'identité sur le territoire de l'Union
européenne.
565. Bilan. La surveillance policière
sur les filières d'entrée s'exerce donc en amont des
frontières extérieures de l'Union européenne, et au niveau
des frontières de l'Union européenne, notamment par des
techniques policières non opérationnelles et
opérationnelles de qualité. Mais cette idée de
surveillance policière européenne prend aussi corps lorsqu'il
s'agit pour les Etats membres de suivre des « filières de maintien
» qui se développent dans le berceau de l'Union
européenne.
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