2. Une surveillance policière sur le modus operandi
propre à chaque faussaire : la marque de fabrique
351. Caractéristiques matérielles
communes des documents d'identité fabriquées par un même
faussaire. « Sachant qu'il n'y a pas de raison imposant de
changer régulièrement leur matériel et leur méthode
-ce qui voudrait dire des efforts et coût additionnels- les faussaires
auront tendance à recourir de façon récurrente à un
modus operandi particulier lorsqu'ils fabriquent des documents
d'identité. Il en découle que les documents fabriqués par
un même faussaire ou selon un même modus operandi
présenteront des caractéristiques matérielles
communes, telle une sorte de marque de fabrique, alors que des documents
produits par des sources différentes présenteront des
caractéristiques différentes »417.
352. Théorie de la common cause
explanation. Or, c'est à partir de la mise en relation des
caractéristiques communes d'un modus operandi particulier que
les services techniques et scientifiques de police, de gendarmerie, et
douaniers pourront extraire, reconnaître et comparer des profils de faux
documents d'identité, afin de remonter aux sources convergentes à
l'origine de la contrefaçon. Ainsi, en accord avec la théorie de
la common cause explanation développée par Cleland en
2013418, à partir du moment où « des profils
similaires sont observés, l'hypothèse qu'ils ont
été fabriqués selon le même modus operandi,
éventuellement par une même source - faussaire, atelier ou
organisation - s'impose »419.
416 COHEN (L.E), FELSON (M.), «Social change and
crime rate trends: a routine activity approach», American sociological
Review, 44 (4), 1979, p. 588-608.; CORNISH (D.B), CLARKE (R.V),
«The reasoning criminal : rational choice perspectives of
offending», Criminology, New Jersey : Springer-Verlag, Vol.
25, 1986, p. 933-948.
417 BEACHLER (S.), BOIVIN (R.), MARGOT (P.), « Analyse
systématique des faux documents d'identité à des fins de
renseignement criminel : vers la construction de connaissances sur la
criminalité par l'étude de la trace criminelle »,
préc., p. 318.
418 CLELAND (C.E), « Common cause explanation and the
search for a smoking gun », The Geological Society of America:
Special Paper, 2013, 502 (1), p. 1-9.
419 BEACHLER (S.), BOIVIN (R.), MARGOT (P.), « Analyse
systématique des faux documents d'identité à des fins de
renseignement criminel : vers la construction de connaissances sur la
criminalité par l'étude de la trace criminelle »,
préc., p. 318.
353. Application de cette théorie par les
services de renseignement : surveillance de la source de
distribution. Cette théorie de la common cause explanation
doit être prise en considération par les services
spécialisés de renseignements afin de surveiller de
manière inédite l'origine de l'activité criminelle du
trafic de faux documents d'identité, et pour ainsi y déceler soit
un faussaire professionnel, soit un atelier de fabrication servant de lieu
source de la distribution commerciale de plusieurs marchandises
falsifiées ayant les mêmes caractéristiques
matérielles de falsification, soit une organisation criminelle
structurée en bande organisée avec plusieurs
intermédiaires agissant dans la fabrication des supports
d'identité.
354. Preuve quantitative. D'ailleurs, une
« analyse quantitative montre qu'environ les deux tiers des documents ont
au moins un lien avec un autre document, ce qui démontre que les
marchés en question ne correspondent pas à une accumulation de
cas isolés mais tendent à être structurés
»420, ce qui illustre que le marché criminel du trafic
de faux documents d'identité se trouve extrêmement bien construit,
et surtout cela permet de guider l'action des services de renseignements vers
ce type de structure très hiérarchisée avec l'utilisation
de moyens de surveillance dérogatoires au droit commun.
355. Bilan. Voici donc le premier
modèle de profilage inédit sur lequel les services de
renseignements devraient s'appuyer pour contrecarrer la circulation
illégale des faux documents d'identité.
356. Transition. Des fichiers de l'Union
européenne afférents à la surveillance administrative des
documents d'identité et de voyage doivent aussi être
perfectionnés afin de remonter jusqu'à la marque de fabrique.
124
420 Ibid., n° 4.1.1, p. 319-320.
125
B) Une surveillance policière sur la marque de
fabrique du faux document d'identité à l'aide d'experts
documentaires à l'échelle de l'Union européenne
357. Au niveau de l'Union européenne, il existe des
registres relatifs aux informations sur les faux documents d'identité
(1) permettant d'envisager une action policière de surveillance commune
à la recherche de l'origine de la trace matérielle du faux
document d'identité (2).
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