Conclusion
Les spécialistes s'attachent aujourd'hui à
déconstruire les idées reçues sur les quartiers
précaire (souvent perçus comme dangereux, insalubres,
squattés) et à lutter contre les injonctions visant leur
éradication, solution non durable si aucune alternative n'est
proposée19 L'inclusion des habitants dans la restructuration
de leur quartier a montré des résultats significatifs en termes
d'efficacité fonctionnelle. Elle permet d'éviter la
déstructuration des liens sociaux, de renforcer leur implication dans la
gestion des équipements publics et de les responsabiliser sur
l'entretien et le bon usage des équipements collectifs. Par
conséquent on est sûr de réaliser des habitats fonctionnels
et répondant à leurs exigences et confort (cour familiale, enclos
d'animaux domestiques, aire de jardinage...)
Aujourd'hui le changement d'approche dans la perception des
bidonvilles est le fruit d'efforts de conscientisation de la part des
institutions internationales depuis Habitat I, mais aussi depuis 1991 avec
l'érection de l'accès à un logement décent comme un
droit humain fondamental par les Nations Unies.
La tendance de forte urbanisation actuelle qui a lieu dans les
villes en développement nécessite une approche différente
et une évolution sur le plan institutionnel (décentralisation et
autonomisation des collectivités locales), sur le plan environnemental
(une approche durable dans l'action publique) et sur le plan social (le droit
à l'information et la capacitation des populations locales). Les
politiques d'ajustement structurel promus par les institutions de Breton Woods
ont eu un fort impact dans l'intervention de l'Etat dans le secteur du logement
considéré jadis comme un des secteurs sociaux pour lesquels celui
ci doit se désengager pour l'assainissement des finances publiques et
l'équilibre budgétaire. Cela a entrainé un abandon
progressif du secteur et l'invention de solutions alternatives avec les
coopératives d'habitat et la promotion immobilière privée.
Celle-ci va davantage entrainer le développement de quartiers
précaires.
Arrêtons-nous un peu sur le terme de « bidonville
», « quartier précaire » ou « habitat
spontané ». La perception et les représentations que les
habitants des quartiers bénéficiaires du PPAB à Dakar ont
de leur quartier peuvent être souvent décalées par rapport
aux définitions d'institutions internationales. En tant que dakarois, il
m'était difficile de considérer les quartiers d'Arafat et de
Grand Médine comme des bidonvilles car l'image du bidonville renvoyait
pour moi aux ghettos sud-africains, à des slums indiens ou
encore aux
19
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favelas « dangereux » du Brésil. Au fond si
l'on s'arrête à l'exemple de ces trois pays l'on se rend compte
que finalement les bidonvilles ne sont pas qu'une question de planification et
de politique de l'habitat. L'existence de bidonville évoque des
questions plus fondamentales d'intégration sociale. Cela se justifie
d'autant plus que l'Afrique du Sud avait un régime d'apartheid
profondément discriminatoire et l'Inde est marquée par une
stratification sociale réifiée et très rigide.
Aujourd'hui, la volonté clairement affichée de
l'Etat du Sénégal est de passer d'un urbanisme
réglementaire à un urbanisme de projet. Le PDU 2035 en cours
d'élaboration traduit cette vision qui consiste à promouvoir
l'urbanisation dans des zones qui jusque là étaient
occupées par des zones naturelles. Au-delà de la volonté
de créer un équilibre territorial face à une
hyperpolarisation des activités économiques et politiques
à Dakar, le développement du pôle urbain de Diamniadio en
cours permettra premièrement de faire baisser la tension
immobilière et foncière qui existe à Dakar du fait de la
rareté des terrains disponibles. Dans un second temps de grandes
infrastructures comme l'aéroport de Diass et l'autoroute à
péage permettront une valorisation foncière dans les zones
rurales où elles seront réalisées. Un urbanisme plus
volontariste qui nécessite davantage d'investissements et le partenariat
public-privé est un élément nécessaire à
mettre en place. L'urbanisme réglementaire se limitait davantage
à des prescriptions souvent improductives et une volonté de
sanctuariser le foncier à travers les règlements. Aujourd'hui le
réglementaire est toujours pris en considération mais les
nouveaux projets urbains cristallisent davantage les attentions et les
ressources. Aujourd'hui, les villes secondaires sont mises au devant de la
scène car elles feront l'objet des grands points qui seront
discutés durant Habitat III. La croissance urbaine en Afrique
subsaharienne se fera pour l'essentiel dans les villes secondaires qui ne
cesseront de se multiplier et de s'étendre. Par conséquent il est
nécessaire que les décideurs donnent à ces villes les
moyens de se développer en évitant une explosion urbaine comme
c'est le cas dans les métropoles actuellement. Il faudrait
également une planification qui assure l'équilibre territorial
sur le plan économique. Ces pôles urbains destinés à
être des villes secondaires, sont aujourd'hui une réponse face aux
problèmes que connaissent les métropoles des villes du Sud qui
ont longtemps monopolisé l'attention et les moyens de ceux qui
interviennent sur les questions urbaines.
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